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UFR : Communication, Milieu et Société
Département d’Histoire
MÉMOIRE DE
MASTER OPTION : HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
ANNÉE ACADÉMIQUE : 2015-2016
LE SYSTÈME ESCLAVAGISTE DANS
LE BAOULÉ-NORD : LE CAS DU
MARCHÉ D’ESCLAVES DE KOTIA
KOFFIKRO (1893-1906)
SOUS LA DIRECTION DE :
M. GBODJÉ SEKRÉ ALPHONSE
Maître de Conférences
Présenté par :
SOROGO AWA
I
DÉDICACE
Nous dédions ce mémoire à :
Notre père SOROGO Souleymane et à notre mère DIABAGATÉ Maïmouna, pour
nous avoir donné la vie et l’éducation dont nous sommes fière. Notre tante
DIARRA Fatou et notre grand-mère TIMITÉ Salimata pour leur soutien
inestimable.
II
REMERCIEMENTS
Nous tenons à exprimer toute notre reconnaissance à notre Directeur de
Mémoire, le Professeur Alphonse Sekré GBODJÉ, Maitre de Conférences
d’histoire moderne et contemporaine, Directeur du département d’Histoire à
(UAO). Qu’il reçoive ici, nos sincères remerciements pour avoir guidé nos
premiers pas dans la recherche. Ses pertinentes observations et critiques, sa
méthode et sa rigueur scientifique conjuguée avec sa grande disponibilité, ont
permis d’atteindre ce résultat. Professeur, encore infiniment merci.
Nous voudrions témoigner notre gratitude envers Docteur DATRO Okobé
Noël, enseignant- chercheur d’Histoire moderne et contemporaine à l’UAO de
Bouaké, pour sa disponibilité et ses critiques avisées lors de l’élaboration de notre
Mémoire.
Cette reconnaissance va également à l’endroit de Docteur GOLÉ Koffi
Antoine, enseignant-chercheur à l’UAO de Bouaké, qui a suscité en nous le goût
de la recherche en Histoire économique et sociale.
Nos remerciements vont aussi en direction des enseignants-chercheurs qui
nous ont accordé leur appui dans la conception de ce Mémoire.
Ainsi que tous les enseignants-chercheurs dudit département, pour leurs
efforts fournis dans la réussite de nos études.
Nous ne passons pas sous silence, notre gratitude envers nos camarades
étudiants et non-étudiants qui nous ont aidé dans notre tâche :
- OUATTARA Aboubacar, Doctorant au département de Géographie, pour son
aide dans la réalisation de nos cartes.
- KOUADIO Tougbin, Doctorant au département d’Histoire qui nous a guidé
dans notre recherche. Sans oublier, nos frères et sœurs, amis, connaissances et
parents qui nous ont soutenu chacun à sa manière.
III
SIGLES ET ABREVIATIONS
ANCI : Archives Nationales de Côte d’Ivoire
AOF : Afrique Occidentale Française
BIT : Bureau International du Travail
CCF : Centre Culturel Français
JOCI : Journal Officiel de Côte d’Ivoire
UAO : Université Alassane Ouattara
UCCRB : Union des Chefs des Communautés Résidant à Bouaké
IV
SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE………………..………..……………………5
PREMIÈRE PARTIE : LE CONTEXTE GÉO-HISTORIQUE ET LA
CRÉATION DU MARCHÉ D’ESCLAVES
DE KOTIA KOFFIKRO (1893-1894)……………..35
CHAPITRE PREMIER: LES FACTEURS GÉO-HISTORIQUES DE LA
CRÉATION DU MARCHÉ D’ESCLAVES DE
KOTIA KOFFIKRO DÈS 1893…………………38
CHAPITRE DEUXIÈME : LA STRUCTURE DU MARCHÉ D’ESCLAVES
ET LES RAISONS DE SON
DÉVELOPPEMENT Ā KOTIA KOFIKRO DÈS
1894………………………………………..46
DEUXIÈME PARTIE : L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT
DU MARCHÉ D’ESCLAVES DE KOTIA
KOFFIKRO (1894-
1898) ………………………...52
CHAPITRE TROISIÈME : L’ORGANISATION DU COMMERCE
D’ESCLAVES………………………………….54
CHAPITRE QUATRIÈME : LA MONNAIE DANS LES TRANSACTIONS
A KOTIA KOFFIKRO DE 1893 A
1898……………………………..62
TROISIÈME PARTIE : LES EFFETS DU COMMERCE D’ESCLAVES
(1898-1906)…………………………………………69
CHAPITRE CINQUIÈME : LES TRANFORMATIONS ÉCONOMIQUES
DE LA VENTE D’ESCLAVES……………….71
CHAPITRE SIXIÈME : REPERCUSSIONS DÉMOGRAPHIQUES ET
SOCIALES DE LA VENTE D’ESCLAVES……76
CONCLUSION GÉNÉRALE………………………………………………….90
ANNEXE ………………………………………………………………………94
INDEX ET LEXIQUE………………………………………………………...114
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE…………………………………………...118
TABLE DES CARTES………………………………………………………..128
TABLE DES MATIÉRES……………………………………………………129
1
LE BAOULÉ DANS L’ENSEMBLE IVOIRIEN (N°1)
Source : KOUAMÉ N.B1, 2015 Conception: SOROGO Awa 2016
1 KOUAMÉ (N. B), 2015, Les mutations socio-économiques dans l’espace Nord du baoulé de
1850 à 1980, thèse de Doctorat d’Histoire, Université de Bouaké, p8.
2
CERCLE DU BAOULÉ NORD ET SUD EN 1901 (N°2)
Source : Jean-Pierre CHAUVEAU2, 1987 Conception : SOROGO Awa
Réalisation : OUATTARA A. 2016
2 CHAUVEAU ( J-P), 1987, La colonisation rupture ou parenthèse ?, Paris, L’harmattan, p62.
3
L’ESPACE NORD DU BAOULÉ DANS L’ENSEMBLE BAOULÉ (N°3)
Source : KOUAMÉ N.B3. 2015 Conception : SOROGO Awa Réalisation :
OUATTARA A. 2016
3 KOUAMÉ (N. B), 2015, Les mutations socio-économiques dans l’espace Nord du baoulé de
1850 à 1980, thèse de Doctorat d’Histoire, université de Bouaké, p9.
4
CARTE DE BOUAKÉ (N°4)
Source : JANIN Pierre4. 2001 Conception : SOROGO Awa
Réalisation : OUATTARA A. 2016
4 JANIN (P), 2001, " Une Géographie de la rue Africaine (Bouaké, Côte d’Ivoire) " in Politique
africaine, N°82, p189.
5
INTRODUCTION GÉNÉRALE
6
I. JUSTIFICATION DU SUJET ET INTÉRÊT DU SUJET
1. Motivation du sujet
L’histoire de l’Afrique, en particulier, celle de la Côte d’Ivoire, depuis la
période précoloniale jusqu’aujourd’hui, est riche en enseignements. Mais certains
faits historiques, compte tenu de leur complexité, restent encore à élucider. En
effet, depuis l’Antiquité jusqu’au XIXème siècle, l’Afrique en général, et en
particulier, l’Afrique noire, a été victime de l’esclavage et de la traite négrière. Ce
commerce des Noirs ou traite négrière a eu plusieurs appellations, selon les lieux
et les acteurs du commerce. Il s’agit, notamment de la traite interne5, la traite
arabe6 et la traite atlantique7.
Cette dernière a été la traite la plus décriée par l’opinion internationale, à
cause du nombre d’esclaves vendus (11 millions8 pour les minimalistes et 100
millions pour les maximalistes). Cette traite négrière a été abolie en 1807 dans les
colonies anglaises et en 1848 dans les colonies françaises. Après l’avènement de
la traite négrière, l’on passe du commerce illicite au commerce licite entre
l’Europe et les pays du Golfe de Guinée. Le commerce licite fut dominé par les
produits naturels dont la production et la commercialisation dépassaient le cadre
du lignage. C’est dans ce contexte qu’apparait Samory Touré, le grand conquérant
mandé, dans le baoulé Nord, précisément à Kotia Koffikro où il créa un marché
d’esclaves, à partir de 18949.
Toutefois, si l’on s’en tient à la période à laquelle le marché d’esclaves a
été créé dans le baoulé Nord, ce marché d’esclaves paraitrait sans importance puis
que les négriers européens n’étaient plus présents pour l’achat d’esclaves. C’est
5 Le commerce d’esclave qui a eu lieu en Afrique et pratiqué par les Africains eux mêmes. 6 C’est la traite qui a eu lieu entre les Arabes et les pays de l’Afrique du Nord et les ceux de
l’Afrique orientale. 7 La traite atlantique fut le commerce des noirs entrepris par les Européens surtout après la
découverte de l’Amérique. 8 SINGARAVELOU ( P) , Les empires coloniaux XIX-XXème siècle, points, p86
9 GBODJE (S.A), 2010, « Le marché d’esclave de Kotia kofikro (1893-1898) " in
Revue Ivoirienne d’histoire, N°17, pp50-72.
7
ainsi que nous avons eu l’idée de travailler sur le « marché d’esclaves de kotia-
koffikro » pour comprendre les motivations de cette traite interne pratiquée par
les Africains sans la participation des Européens.
La création du marché d’esclaves de Kotia Koffikro aurait suscité des
échanges commerciaux qui vont au-delà de Kotia Koffikro et de Bouaké. Ce
commerce va entrainer la déportation des esclaves vers les zones de production
d’activités orientées sur le marché.
2-Interêt du sujet
Le marché d’esclaves de Kotia Koffikro créé par Samory Touré, sous
l’accord du chef Kotia Koffi a eu de l’importance à cause du mode de production
esclavagiste des sociétés ivoiriennes qui a coïncidé avec sa création. Dans ce
système, le moyen privilégié de production reste l’esclave. D’où le caractère
d’exploitation parfois abusive des esclaves. La création de ce marché a entrainé
la création du quartier Liberté de Bouaké en 1906 et le peuplement de certains
villages de la zone côtière, surtout les villages Alladian10, possédant les grandes
plantations de palmiers à huile. Toutefois, dans notre étude, nous nous sommes
rendu compte que le quartier Liberté est aujourd’hui le quartier Djamourou de
Bouaké, et le secteur qui a constitué le premier noyau de Liberté, continu d’être
appelé Liberté mais considéré par la population comme un sous quartier de
Djamourou, qui ne figure pas sur la carte de Bouaké et sur les papiers
administratifs des habitants de Liberté. Aussi, existerait-il un quartier à Didiévi du
nom de Djiminisso peuplé par les descendants d’esclaves Djimini vendus par
Samory.
Ainsi, si la responsabilité des Africains dans la traite atlantique reste un
débat, en revanche, le commerce d’esclaves de Kotia Koffikro a été organisé,
puis les esclaves commercialisés et achetés par eux-mêmes. Ainsi, tout comme les
Européens, les Africains eux-mêmes ont été des esclavagistes.
10 ANCI, 2EE14(4), Affaires politiques de la pacification au point de vue anti-esclavagiste, 1913.
8
II. DÉFINITION DU SUJET
Nous allons définir et expliquer ici le thème général de notre étude à partir
de différents points méthodologiques.
1. La situation géographique
Pendant la période coloniale, la Côte d’Ivoire fut divisée en cercles
administratifs. C’est ainsi que la région du baoulé fut divisée en deux cercles : le
baoulé Nord et le baoulé Sud, par l’arrêté du « 3 Juillet 1901 par le gouverneur de
la Côte d’Ivoire.»11 Selon cet arrêté, le cercle du Baoulé-Sud, part de Toumodi à
Tiassalé. Celui du Baoulé-Nord regroupe les secteurs de Bouaké à KodioKofi12.
(Voir carte n°2)
Cependant, nous constatons une nouvelle répartition de l’espace baoulé,
sans la présence de Kodiokofi sur la carte. Sans vouloir faire une étude
géographique de kodiokofi, nous pouvons dire que cet espace qui a abrité le
premier poste militaire des Français en 189413, a été défavorisé, suite à la création
du chemin de fer dont il n’a pas bénéficié. Par conséquent, Kodiokofi qui
contrôlait un ancien itinéraire commercial Nord-Sud serait assimilé à Didiévi,14 au
centre du pays.
Ainsi les colonisateurs qui repartissent l’espace selon leur besoin du
temps, vont constituer une nouvelle carte dans laquelle le cercle du Baoulé Nord
comprendrait les principales localités telles que Tiébissou, Prikro, M’bahiakro,
Brobo, Bouaké, Diabo, Botro, Bodokro, Marabadiassa, Béoumi, Sakassou. Il est
limité au Nord par les peuples Tagbana et Djimini, à l’Est par la région du N’zi
(Baoulé agba et les Agni), à l’Ouest par les Gouro et au Sud, par les Baoulé-Sud.
(Voir carte n° 3)
11 ANCI, 1EE29(4), Rapports mensuels sur la situation politique du cercle du baoulé 1899-1905. 12 Kodiokofi ou Kouadiokoffikro, était un village du Baoulé Sud situé près de Didiévi et différent
de Kotia Koffikro un village du Baoulé Nord. 13KOUAME (N.B), 2015, les mutations socio-économiques dans l’espace Nord du Baoulé de
1850 à 1980, thèse de doctorat unique d’histoire, université de Bouaké, p211. 14 CHAUVEAU (J-P), 1987, La colonisation : rupture ou parenthèse ?, Paris, L’Harmattan, p72.
IP
9
Toutefois, l’espace qui fait l’objet de notre étude est Kotia Koffikro, un
ancien village qui tend à se confondre actuellement à la commune de Bouaké, une
ville du Baoulé -Nord. La région de Bouaké appartenait au cercle du Baoulé-Nord
qui était limité au Nord-Ouest, par le cercle de Mankono et, au Nord- Est, par
celui de Kong. Dans sa partie australe, il faisait frontière avec le cercle du Baoulé-
Sud. A l’Est, il y avait le cercle du Haut-Sassandra et celui de N’Zi Comoé dans
le Sud-Est. « Le Baoulé-Nord se situe entre le 8° et le 7° de longitude Ouest et
le 7° et 8° de latitude Nord. » 15
Bouaké appartient-elle aussi au V baoulé, zone de transition forêt-
savane. Elle se caractérise par un climat tropical humide à deux saisons dit climat
baouléen ; une saison pluvieuse et une saison sèche. L’harmattan souffle entre
Décembre et Février. Le pays baoulé est bien irrigué par les fleuves Bandama,
N’Zi et Comoé qui constituent tout son régime hydrographique. La température
est assez constante, oscillant entre 24 et 34 degrés toute l’année. Le sol baoulé
présente la constitution générale du sol africain : il est principalement de forme de
roche ferrugineuse. Ce qui pourrait signifier un relief plat, et ces sols sont à la fois
ferralitique et ferrugineux.
Mais aujourd’hui, Kotia Koffikro, appelé communément Koutchakro,16
est devenu un quartier périphérique de la ville de Bouaké (Carte n°4). Il est situé
juste après l’abattoir de la ville, sur la route de Katiola17.
En dépit des faits cités, l’importance de Kotia Koffikro résulte de sa
position géographique stratégique. Il représente un véritable carrefour situé sur les
grands axes de circulation des villes ivoiriennes et des pays de la sous-région.
C’est par ces différentes voies que viendront Samory Touré et les commerçants
qui animeront le marché d’esclaves.
15 GBODJE (S.A), 2005, Evolution économique de Bouaké : de l’économie coloniale de
marché (1858-1939), Thèse de doctorat unique histoire contemporaine, p16. 16 N’GUESSAN (K) , entretien semi directif à Kotia Koffikro, 28 Août 2016. 17 GBODJE (S.A), 2005, Idem.
10
2. Explication du sujet
« Le système esclavagiste dans le Baoulé Nord : le cas du marché
d’esclaves de Kotia Koffikro », tel est libellé notre sujet. Nous essayerons de
définir les mots ou les expressions clés de notre thème pour en saisir les
implications profondes pour une meilleure compréhension.
Les sociétés précoloniales africaines étaient organisées en lignages,
autour desquels se déroulaient toutes les activités politiques, sociales et
économiques. Toutefois, depuis les premiers contacts avec l’Occident, la plupart
des Africains ont abandonné le système lignager au profit du système
esclavagiste.
Le système, selon le Dictionnaire Encarta18, est une organisation et
fonctionnement défini de la société sur le plan de l’économie, de la politique et de
la valeur morale. L’esclavagiste est un partisan de l’esclavage, notamment celui
des Noirs.19 C’est aussi une politique qui pratique l’exploitation d’une partie de la
population, notamment en employant une main d’œuvre à des prix inférieurs au
prix légaux.
De ces deux définitions, nous pouvons dire que le « système
esclavagiste » est un mode de production dans lequel la classe des riches exploite
la paysannerie et la classe servile. Ici, l’on fait allusion aux services des esclaves
rendus aux grands maîtres sous les ordres desquels ils étaient. Dans ce système, la
production repose essentiellement sur le travail des captifs. Tout comme le
développement de l’économie du coton, sucre et tabac avait favorisé l’avènement
de la traite négrière, l’introduction en Afrique des nouvelles cultures orientées sur
le marché entraine l’évolution des rapports de production type esclavagiste20 et la
promotion du commerce d’esclaves.
18 Encyclopédie Microsoft Encarta, 2009.La partie historique. 19Dictionnaire le Robert Dixel, 2011, Paris, Maury, P662 20 DIABATE (D.H), 1987, Mémorial de la Côte d’Ivoire, volume1, p272.
11
D’ailleurs, Jean Noël LOUCOU nous confirme que : « dans le mode de
production esclavagiste, l’esclave est le moyen essentiel de production »21. Ainsi,
compte tenu de l’importance du commerce licite avec les Européens, certains
peuples Africains vont avoir recours à la main d’œuvre pour les travaux
champêtres et domestiques. C’est dans ce contexte que le « marché d’esclaves de
Kotia Koffikro » va prendre de l’ampleur.
En outre, Samory Touré, dans son élan d’extension territoriale, arrive
dans le Baoulé Nord, et crée à Kotia Koffikro, (un village peuplé de Baoulé
faafouê fahali, « aujourd’hui un quartier périphérique de la ville de Bouaké en
bordure de la voie qui, par Katiola, conduit à Korhogo »22) un marché dont le
produit de commerce constitue l’esclave.
Lorsqu’on parle du Baoulé, on fait allusion à un groupe de peuple akan
qui s’est installé au Centre de la Côte d’Ivoire. En effet, les Baoulé sont constitués
de deux grands groupes : les Alanguira, originaires du Denkyera, sont les premiers
arrivés au Centre de la Côte d’Ivoire, après la défaite du Denkyera face à
l’Ashanti, en 1701.Quant aux Assabou, ils abandonnent Kumasi face à la crise de
succession après Osei Tutu. Leur migration se situe entre 1720 et 1750. Ā leur
arrivée, les Assabou constitués de Ouerèbo, Faafouê, N’zikpli, Saafouê,
Nanafouê, Aitou, Agba et Ngban23, trouvèrent dans la région de Bouaké et
Tiebissou, les Sénoufo, les Gouro et les Mandé. Toutefois, le mot Baoulé
désigne parfois l’espace qu’occupent les Baoulé. Ainsi, le Baoulé Nord, fut
pendant longtemps attribué aux secteurs de Bouaké à Tiébissou. (Voir carte n°3).
Les échanges commerciaux dans ces sociétés se faisaient à travers le
troc et des produits qui servaient de monnaie et en même temps de marchandise.
En fait, le commerce se faisait à travers l’échange d’objet contre objet équivalent.
L’utilisation de la monnaie, telle que nous la connaissons aujourd’hui se fera plus
tard. Très tôt, les zones de productions de cultures commerciales entrent en
21LOUCOU (J-N), 2007, La Côte d’Ivoire : les résistances à la conquête Coloniale, p23. 22 GBODJE (S.A), 2010, op.cit, p2. 23 EKANZA (S-P), 2006, Côte d’Ivoire : Terre de convergence et d’accueil (XVème-XXème siècle),
p65.
12
contact avec le marché d’esclaves de Kotia Koffikro pour s’approvisionner en
esclaves.
Ainsi, entre le XIXème et le début du XXème siècle, se développe une
traite interne qui fait de la plupart des sociétés ivoiriennes en particulier et en
général africaines, des esclavagistes.
3. Cadre historique ou chronologique
L’histoire, en tant que discipline scientifique, s’inscrit toujours dans un
cadre spatial et temporel de la société qu’elle étudie. L’histoire économique et
sociale ne reste pas en marge de cette méthode. L’étude de l’histoire économique
et sociale d’une société africaine s’inscrit toujours dans un contexte précolonial,
colonial ou postcolonial. Dès lors, que représentent les années 1893 et 1906, les
bornes chronologiques de notre sujet dans l’histoire économique et sociale du
Baoulé Nord?
Au plan politique, la Côte d’Ivoire devient une colonie française par le
décret du Vendredi 10 Mars 1893. Mais cette colonisation semble être partielle ;
la population ivoirienne, précisément le Baoulé, n’était pas encore soumise. Ce
qui se traduit aisément, en ces termes, « la situation de la Côte d’Ivoire était telle
en 1900 que(…) La majorité de la zone sylvestre et Baoulé occidental étaient à
soumettre. »24
Fabio Viti, en rajoute pour dire que le terme précolonial, dans le
Baoulé, désigne « la période qui précède immédiatement la conquête française du
baoulé, commencée en 1891 et achevée vingt ans plus tard. ». En effet, après
l’échec de plusieurs expéditions des français dans le pays Baoulé, ils arrivent
enfin à sa pacification en 1911.
De ces brèves explications nous déduisons que, malgré l’érection la
Côte d’Ivoire en colonie française en 1893 et la pacification du Baoulé en 1911,
force est de constater la prédominance de l’économie précoloniale.
24 ANCI, 2EE 14(4), Note sur le résultat de la pacification au point de vue anti-esclavagiste.
13
1893, dans le cadre de notre étude, correspond à la création du marché
d’esclaves de Kotia Koffikro par Samory Touré, dans le Baoulé Nord. Ce
commerce initié par Samory Touré, sous l’accord du chef Kotia Koffi, va
s’intensifier jusqu’en 1898. Date à laquelle fut capturé Samory Touré. Après la
capture du grand conquérant, le capitaine Benoit procède à la destruction du
marché d’esclaves de Kotia Koffikro en 1898. Suite à la destruction du marché,
les colonisateurs libèrent les esclaves restants et leur crée un quartier du nom de
Liberté25 en 1906.
II. ÉTAT DE LA QUESTION
Dans la quête d’informations sur notre thème, nous nous sommes rendu
compte des écrits antérieurs existant sur Bouaké dans son ensemble. Aussi, Kotia
Koffikro étant un village du cercle de Bouaké, fut l’objet de quelques études.
Nous avons fait ainsi la lecture de ces documents, pour ensuite les analyser, porter
un regard critique sur certaines informations, et extraire les éléments concernant
notre problématique.
Toutefois, les premiers documents utilisés pour l’élaboration de ce
travail restent avant tout, l’article et la thèse du Professeur GBODJÉ Sékré
Alphonse, de YAO Koffi Michel et de LOUCOU J. Noël. En plus de ces
ouvrages, nous avons eu recours à d’autres documents écrits par KOUAMÉ
N’guessan Bernard, FABIO Viti et de CHAUVEAU Jean-Pierre qui seront
présentés au cours de la revue.
-Aspect politique,
Dans l’ouvrage La colonisation : rupture ou parenthèse ?26 de Jean-
Pierre CHAUVEAU, il est question de la détermination et contradiction internes
de la société baoulé face à l’entreprise coloniale.
25 GBODJE (S.A), 2005, op.cit, p62. 26 CHAUVEAU (J.P), La colonisation : rupture ou parenthèse ?, l’Harmattan, Paris, 122p.
14
De ce fait, il fait d’abord la présentation géographique, politique,
économique et socio-culturelle du pays baoulé. Ensuite, il présente l’échec
provisoire de la première phase de pénétration coloniale dans les années 1891-
1898. De même, il montre l’organisation politique et sociale des Baoulé basée sur
les éléments matrilinéaires de la parenté et de la transmission, des droits et de
l’autorité. Il nous informe que les Faafouê et les Walebo avaient les plus étendus
et plus puissantes chefferies confédérales. Pendant cette période, le Baoulé était
dans une phase de pénétration économique, ce qui permettait aux chefs d’adopter
certaines stratégies concurrentielles. Enfin, de 1898 à 1911, se développe la perte
de l’autorité traditionnelle avec la pression française, créant ainsi des
transformations politiques dans l’espace baoulé. Ce document nous permet de
comprendre le cadre historique et politique dans lequel s’insère notre sujet, mais
n’épuise pas notre sujet qui s’attarde sur l’histoire économique de Kotia Koffikro.
Dans le sixième chapitre de L’histoire générale de l’Afrique27 , les
auteurs expliquent les différentes missions françaises intervenues dans le pays
baoulé. Ils nous disent que la première mission militaire a été lancée, en Février
1881 par le lieutenant Armand et Tavernost, et en Mars 1891, l’autre, mais cette
fois-ci commerciale, dirigée par Voituret et Papillon. Après l’échec de la première
mission, grâce à la conclusion d’un traité, les Français purent envoyer une
seconde mission en 1893 commandée par Jean Baptiste Marchand. Mais celui-ci
échoue à affronter les chefs baoulé déjà alliés à Samory Touré à cette époque.
Mais, après la capture de Samory en 1898, les Français avaient la main libre pour
occuper le Baoulé. Cette étude nous montre que Samory, en plus d’être un
partenaire économique du Baoulé, était plus qu’un allié politique. Toutefois, ce
document qui nous relate la résistance des chefs baoulé pour sauvegarder leur
souveraineté ne prend pas en compte le système esclavagiste du Baoulé Nord que
nous essayons de traiter.
27 BOAHEN (A) et al, 1987, Histoire générale de l’Afrique, tome VII, UNESCO, Paris, 906p.
15
Pierre JANIN28, fait une étude sur la ville de Bouaké avec ces
communautés religieuses et ethnolinguistiques qui la composent.
De ce fait, il nous présente la répartition de la population de Bouaké en
quartiers ethniques. Il s’agit des quartiers septentrionaux (Dar-Es-Salam, Sokoura,
Koko, Belleville) regroupe plutôt les musulmans Dioula, Mandé et Burkinabé.
Tandis que la partie méridionale (N’gattakro, Ahougniassou, Fètèkro) possède
des forts contingents de Baoulé et Bété. Toutefois, il dénonce les problèmes que
rencontre la ville de Bouaké. Selon lui, la ville de Bouaké connait une dégradation
progressive et continue. L’absence d’investissement public et le désintéressement
de l’État par rapport à la ville de Bouaké. Enfin, il nous dit que Bouaké est la ville
qui exprime mieux la faiblesse de l’État ivoirien. Le fait qui capte notre attention
ici, est la carte de la ville de Bouaké qu’il a constituée avec ces différents
quartiers parmi lesquels figure Kotia Koffikro et Liberté.
- Aspect économique,
GBODJÉ .S. Alphonse, dans sa thèse29 apporte une connaissance de
l’histoire sociale et économique de Bouaké et de sa région. Aussi, met-il en relief
les différents mécanismes du passage du système urbain précolonial au système
urbain colonial à Bouaké. De ce fait, il aborde d’abord l’économie agricole et
artisanale de la région du milieu du XIXème siècle. Ensuite, il traite de l’arrivée
des colonisateurs français et de l’institution d’une économie de marché à Bouaké
de 1898 à 1921. Enfin, il parle du développement et du rayonnement économique
de Bouaké de 1921 à 1939. L’auteur évoque, la concurrence économique entre
Gbêkêkro et Kotia Koffikro et surtout la forte animation commerciale qui y
régnait. C’est d’ailleurs cette partie qui nous intéresse, car elle nous a servi dans la
rédaction de notre Mémoire. Cependant, les informations reçues de cet ouvrage
n’abordent pas tous les points de notre sujet.
28 JANIN (P), 2001, « une géographie sociale de la rue Africaine (Bouaké, Côte d’Ivoire) »,
Université de Paris I/IEDES, in politique Africaine, N°82, pp177-189. 29 GBODJÉ (S.A), 2005, op.cit, 549p.
16
Dans son article30, Alphonse GBODJÉ traite du marché d’esclaves de
Kotia koffikro, de sa création en 1893 à sa destruction en 1898. Dans cette étude,
il aborde l’origine du marché d’esclaves de Kotia Koffikro. L’accent a été mis
ensuite sur le marché lui-même en tant qu’institution économique. Cet ouvrage fut
pour nous, le document principal qui nous a servi de guide dans nos
investigations. Car il aborde en grande partie les questions sur lesquelles nous
avons fondé notre étude .Toutefois, ce document d’une grande utilité n’épuise pas
notre sujet qui s’étend jusqu’à 1906, pour connaitre l’histoire des esclaves restés
après la destruction du marché de Kotia Koffikro en 1898 dont il n’existe aucune
documentation écrite.
YAO Koffi Michel31 aborde les questions dans le même sens que
GBODJÉ S. Alphonse en mettant l’accent sur l’économie précoloniale du pays
faafouê. Il présente les éléments qui constituent l’économie précoloniale
notamment, l’agriculture, l’élevage, la chasse, la pêche, l’industrie et le
commerce. Il montre les différentes sous - tribus qui composent la tribu faafouê.
Ce qui nous intéresse ici, c’est la présentation des Faafouê Gossan qui constituent
le peuple que nous étudions, et surtout le commerce d’esclaves dont il mentionne
dans son ouvrage.
Dans sa thèse32, KOUAMÉ N’guessan Bernard apporte une
contribution à la connaissance de l’histoire du Baoulé Nord, à travers les
mutations socio-économiques qui s’y sont opérées. De ce fait, il présente d’abord
la situation politique, économique et sociale de l’espace Nord baoulé et les
transformations socioéconomiques qui sont intervenues de 1850 à 1911. Ensuite,
il a mis un accent particulier sur le rôle de l’administration coloniale dans les
transformations socio-économiques dans la région, à cause de l’économie
coloniale de marché imposée par l’administration coloniale et l’avènement des
30 GBODJÉ (S.A), 2010, « Le marché d’esclaves de Kotia Koffikro (1893-1898) » in Revue
Ivoirienne d’Histoire, N°17, pp50-72. 31 YAO (K..M), 1988, L’économie faafouê à l’époque précoloniale, Mémoire de Maitrise
D’histoire, université de Cocody, Abidjan, 185p. 32 KOUAMÉ (N.B), 2015, Les mutations socio-économiques dans l’espace Nord du Baoulé
de 1850 à 1980, thèse de Doctorat d’histoire, université Alassane Ouattara, 453p.
17
religions et missions d’origine occidentale de 1911à 1960. Enfin, il aborde les
mutations socioéconomiques postcoloniales de 1960 à 1980 qui se sont opérées
dans l’espace Nord du Baoulé. Certes, ce document nous fournit des informations
très importantes sur les esclaves dans le baoulé ; mais il n’étale pas suffisamment
le déroulement de ce commerce à Kotia Koffikro.
LOUCOU Jean Noël développe dans son ouvrage33, les stratégies de
résistance économique en Côte d’Ivoire face aux nouvelles méthodes
économiques imposées par les colonisateurs. Il présente d’abord les traits
généraux de l’économie précoloniale caractérisée par deux modes de production
dominants : le mode de production lignager et le mode de production esclavagiste.
Dans cette partie, c’est la définition du mode de production esclavagiste qui attire
notre attention, car elle constitue un point important de notre problématique.
Aussi, ces différents modes de production africains vont-ils subir une
transformation économique, au XIXème siècle. Ensuite, s’en suivent les révoltes de
la population contre les nouvelles mesures économiques imposées par les
Français. Cette résistance s’est traduite par le maintien des structures et des
partenaires traditionnels du commerce, les monnaies africaines sont préférées à la
monnaie française, les partenaires commerciaux n’ont pas changé non plus. Enfin,
avec la colonisation, on assiste au démantèlement des structures précoloniales,
imposition de l’économie de traite, la monnaie française est rendue obligatoire en
1914 et les monnaies précoloniales interdites. Ce document qui s’attarde sur
l’échec des Ivoiriens malgré leur lutte contre la présence française, n’épuise pas
notre sujet. Cependant, les monnaies précoloniales qu’il présente et les acteurs
commerciaux en relation commerciale avec le Baoulé qu’il aborde nous est d’une
grande utilité.
Jean-Pierre CHAUVEAU, Jean-Pierre DOZON et Jean RICHARD font
une étude34 générale sur le riz et l’igname en Côte d’Ivoire. Ils commencent
33 LOUCOU (J.N), 2007, La Côte d’Ivoire : les résistances à la con quête coloniale, CERAP,
Abidjan, 150p 34 CHAUVEAU (J. P) et al, 1981, Histoire du riz, histoire d’igname : le cas de la moyenne
Côte D’Ivoire, 51(2), in Africa, pp 621-658.
18
d’abord par la présentation des différentes zones privilégiées par cette étude. Il
s’agit notamment, des pays malinké, gouro, gagou, bété et le pays baoulé. En plus
de cela, ils présentent les conditions naturelles favorables à ces cultures.
Toutefois, malgré le volume de ce document, ce qui nous intéresse ici, est la
question de l’agriculture en pays baoulé. Ils affirment que la production vivrière y
était la plus diversifiée, et avait comme produits dominants l’igname, le riz
africain, le maïs, et même le sorgho. Ils ajoutent pour dire que la présence de
Samory correspond à une ère d’expansion économique et un renforcement de la
base économique de leur résistance contre les colonisateurs. Alors, comment la
présence d’un seul homme dans le Baoulé peut bouleverser tant son aspect
économique et en partant, booster l’économie des autres régions de la Côte
d’Ivoire ? C’est cet état de fait que nous essayerons d’argumenter dans notre
travail.
Jean-Pierre CHAUVEAU dans son article35, fait la description des
activités qui composent le secteur tertiaire. Ce sont notamment, l’extraction de
l’or, la production vivrière, l’exploitation du vin de palme, le tissage des pagnes
baoulé et le commerce. Il s’attarde ainsi sur l’analyse des formes d’échanges
précoloniales en pays baoulé et des conditions économiques particulière à la phase
de la pénétration française. Parlant de la monnaie précoloniale, il présente
différentes zones monétaires en relation commerciale avec le Baoulé. Le pays
baoulé utilise le cauris comme monnaie dans les localités du Nord, Nord-Ouest et
Nord-Est, le sompé avec les Wan et les Gouro, la manille avec le pays dida et le
littoral ivoirien et à l’intérieur du pays baoulé, l’or était la monnaie utilisée.
Toutefois, en plus des monnaies citées par l’auteur, certains produits, surtout
alimentaires, ont servi de moyen d’échanges dans le Baoulé-Nord et surtout, sur le
marché d’esclaves de Kotia Koffikro. En outre, le fait le plus marquant de la
colonisation, est l’introduction de la monnaie en tant qu’instrument d’échange.
Dès lors, l’on verra, l’économie monétaire avec la vente des cultures
commerciales. Ces cultures commerciales dont parle l’auteur, vont être un point
35 CHAUVEAU (J.P), 1981, " Le secteur informel" en pays baulé : "création coloniale" ou
survivance d’activité traditionnelle", Paris, ORSTOM, 16p.
19
important de notre problématique pour comprendre les raisons du développement
du système esclavagiste dans les sociétés ivoiriennes.
- Aspect social
Fabio Viti36, nous explique comment un être humain devient esclave
dans le baoulé précolonial. Selon lui, la réduction en esclavage débute
invariablement par la capture, suivie d’un processus d’aliénation, de
dépersonnalisation. Ainsi coupé de ses racines, le captif peut être vendu au plus
loin et devenir un véritable esclave. Il y avait donc les esclaves par achat et par
capture. Mais le type d’esclave le plus courant au baoulé précolonial était
l’esclave acheté. Ces esclaves, au XIXème siècle étaient fournis par l’armée de
Samory. Ils étaient échangés contre des poudres d’or et des produits vivriers qui
servaient de monnaies d’échange. Il nous dit que ces esclaves achetés étaient
intégrés dans la cours du maître, partiellement resocialisés. La vie quotidienne des
esclaves était dominée par le travail. Plusieurs esclaves pouvaient être tués à
l’occasion des obsèques de chefs influents. Ce sont les conditions de l’esclave et
les moyens d’échanges qui attirent notre attention puisque les habitants de Kotia
Koffikro font partie des Baoulé dont il est question.
Roger BOTTE, dans son ouvrage,37 traite du système esclavagiste de
toute l’Afrique. Dans ce document, il met en exergue les raisons d’une telle
pratique, surtout en Afrique noire. En effet, il nous dit que l’abandon progressif du
système de la traite négrière par les sociétés africaines et leur conversion au
commerce légitime n’ont été possibles que grâce à la main d’œuvre servile. Il
présente plusieurs pays où existe un marché d’esclaves, la plupart du temps,
animés par Samory. Il s’agit de l’Agumbu du sahel, un marché d’esclaves du mali,
le marché d’esclaves du Fouta Djalon, du Sénégal, de la Guinée et de la Côte
d’Ivoire. Il donne enfin, des chiffres sur le nombre d’esclaves vendus pour la
seule AOF vers 1900. Ce document, qui traitre de l’esclavage de toute l’Afrique
36 FABIO (V), 1999, " L’esclavage au baoulé précoloniale "in L’Homme, N°152, vol 39, pp53-88 37 BOTTE (R), 2000, " L’esclavage africain après abolition de 1948 ; servitude et droit de sol "
in annales d’histoire sciences sociales, vol55, pp1009-1037.
20
noire en général nous a été d’un apport indéniable. Car, malgré le fait qu’il
n’aborde pas particulièrement notre sujet, il a été le seul à nous fournir en chiffre,
le nombre d’esclaves vendus par Samory en Afrique noire et particulièrement en
Côte d’Ivoire.
L’ouvrage38 de Jean-Noël LOUCOU, fait le bilan politique,
économique et social de la situation de la Côte d’Ivoire à l’ère de la pénétration
coloniale. Il présente d’abord, les systèmes politiques de la société précoloniale,
composés du système étatique caractéristique du monde mandé et akan, les
systèmes lignagers communs aux Krou, aux Lagunaires et aux Mandé Sud. Mais
la présence des colonisateurs français va entrainer un bouleversement de toutes
ces structures sociales. On observe une contradiction interne entre les classes et
les couches sociales. Notamment, l’opposition entre maitres et esclaves. Ainsi, ces
divisions internes vont entrainer la colonisation du pays baoulé et de la Côte
d’Ivoire entière. Cependant, cette étape de l’histoire concernant le Baoulé
particulièrement, doit être développée pour comprendre l’origine de l’opposition
entre maitre et esclaves devant la présence française.
DALI Mrad Inès traite de l’esclavage en Tunisie dans son ouvrage. Elle
fait une analyse comparative entre l’esclavage antique et l’esclavage dit moderne
d’aujourd’hui en Tunisie. L’auteur nous informe de l’origine de l’esclave tunisien.
Selon elle, les esclaves tunisiens ont été achetés pendant le commerce
transsaharien. Ces esclaves étaient exportés du Soudan et servaient à des travaux
domestiques ; ils devaient entretenir à la fois l’espace domestique et travailler les
terres agricoles des maîtres. Mais, en 1890, l’esclavage antique sera aboli en
Tunisie. Ainsi, au cours du XIXème siècle, l’esclavage, sous sa forme traditionnelle
a fini par disparaître, et avec l’indépendance et la mise en place de l’Etat-Nation,
toute différence de statut est juridiquement effacée. Mais le terme de l’esclavage
moderne utilisé par les organismes internationaux, s’avère inapproprié d’un point
de vue historique. Ce document, riche en enseignements, aborde les travaux
38 LOUCOU (J-N), 2007, La Côte d’Ivoire : les résistances à la conquête coloniale, CERAP, Abidjan, 150 P
21
domestiques que faisaient les esclaves tunisiens et en général les esclaves
africains. Toutefois, même si nous traitions du même thème d’esclavage, les
espaces et les périodes étudiés ne sont pas les mêmes.
Revenons pour dire que plusieurs écrits ont été faits sur certaines parties
de notre travail. Mais notre sujet tel que formulé n’a encore fait l’objet d’une
étude précise. Cependant, tous les documents cités nous ont été d’un apport
considérable.
III. PROBLÉMATIQUE
Du XVème au XVIIIème siècle, l’Afrique va connaitre la traite négrière et
l’esclavage orchestrés par certaines puissances européennes pour plusieurs
raisons. La véritable motivation demeure économique. En effet, après la
découverte de l’Amérique en 1492, les Espagnols décident d’y cultiver du café, du
cacao, de la canne à sucre, du coton et d’exploiter les mines d’or. Ces travaux
cités exigent une main d’œuvre abondante et active. Or, la population blanche
existante est insuffisante d’où le recours aux esclaves noirs. Cette traite appelée
aussi la traite atlantique fut l’œuvre des Européens avec la participation de
certains chefs africains.
Ce commerce pratiqué de manière intense par les Hollandais, les
Français et les Anglais sera officiellement aboli en 1807, dans les colonies
anglaises et en 1817 en France et en 1818 en Hollande. Malgré l’abandon de cette
activité, force est de constater la pratique du commerce illicite à l’intérieur39de
l’Afrique, tout comme dans le Baoulé précolonial.
Les acteurs ici sont les Africains eux-mêmes ; les Européens sont
absents à Kotia Koffikro. Comment comprendre alors la naissance d’un marché
d’esclaves à Kotia Koffikro dont les acteurs sont les Africains eux-mêmes ?
39.LOUCOU (J- N), 2007, La Côte d’Ivoire : les résistances à la conquête
Coloniale, p24.
22
Au-delà de cette question principale, il existe des questions subsidiaires
qui nous permettent de mieux cerner le problème à résoudre. Elles sont les
suivantes :
-Quels étaient les fondements historiques de la création dudit marché d’esclaves ?
-D’où provenaient les esclaves vendus sur le marché Kotia Koffikro ?
-Qui étaient les acquéreurs et comment obtenaient-ils les esclaves ?
-Quelles furent les répercussions de ce commerce d’esclaves sur les zones de
provenance et d’accueil ?
Ces questions secondaires vont nous servir de guide tout au long de notre travail.
IV. Les objectifs et les hypothèses de la recherche
a- Objectif général
L’objectif général de cette étude est de montrer l’entière responsabilité
des Africains quant au commerce des Noirs qui a lieu en Afrique et les raisons de
cette pratique à travers le marché d’esclaves de Kotia Koffikro.
b- Objectifs spécifiques
De cet objectif majeur émanent des objectifs spécifiques :
-identifier le contexte géo-historique de la création du marché d’esclaves de Kotia
Koffikro de 1893 à 1894.
-montrer l’organisation et le fonctionnement du marché d’esclaves de Kotia
Koffikro de 1894 à 1898.
-connaitre les répercussions du commerce d’esclaves de 1898 à 1906.
c- Hypothèses de travail
Plusieurs hypothèses peuvent être émises pour mieux comprendre le contour du
travail. Elles se présentent de la manière suivante :
23
- la position géographique de Kotia Koffikro en tant que carrefour et les guerres
samoryennes seraient à l’origine de la création du marché d’esclaves de Kotia
Koffikro.
- Les cultures commerciales auraient joué un rôle déterminant dans le
développement du commerce d’esclaves.
-la création du quartier Liberté à Bouaké serait liée à la libération des esclaves de
Kotia Koffikro.
V. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE
Notre thème consiste à expliquer le système esclavagiste dans le
Baoulé-Nord, à partir du marché d’esclaves de Kotia Koffikro de 1893 à 1906. Ce
sujet ainsi formulé, s’inscrit dans le domaine de l’histoire économique et sociale
qui étudie l’évolution de l’économie et ses répercussions sur les conditions de vie
de la population étudiée. De ce fait, un plan de type chronologique s’impose à
nous. En outre, pour comprendre cette étude, nous avons utilisé, en plus des
documents d’histoire, des méthodes provenant des sciences auxiliaires de
l’histoire pour renforcer la fiabilité de la recherche.
1-La méthode des sciences auxiliaires à l’histoire
Pour cerner les contours des évènements propres à l’étude de l’histoire,
nous faisons appel aux sciences voisines de l’histoire, notamment la géographie,
la numismatique, la sociologie, l’archéologie, l’économie, la linguistique et la
philosophie. Toutefois, dans le cadre de notre étude, les disciplines comme la
géographie, l’économie et la sociologie ont été privilégiées.
La méthode de la géographie a été nécessaire pour la présentation et la
description des espaces étudiés. En effet, la géographie nous a permis de localiser
les différents espaces pris en compte par notre étude mais aussi de connaitre la
répartition des différents groupes ethniques baoulé sur la carte. C’est ainsi, qu’à
travers quelques informations, nous avons pu, avec l’aide de géographes,
constituer la carte du pays baoulé et la situation géographique de Kotia Koffikro
24
dans l’ensemble du pays faafouê. En outre, à travers elle, nous avons compris les
raisons du développement de certains produits agricoles qui ont servi de moyen
d’échange dans le Baoulé, notamment : l’igname, le maïs, le manioc qui
constituent leur base alimentaire. En somme, la géographie a permis la
présentation et la description des espaces étudiés, de connaitre les cultures
favorables dans une zone de transition forêt-savane afin de comprendre l’histoire
économique et sociale de cette société.
Pour ce qui concerne la méthode de l’économie, nous avons utilisé
l’ouvrage des économistes, Christine Collette et Benoit Pigé. Dans cet ouvrage, ils
nous expliquent le système d’organisation qui permet à une société humaine de
produire des richesses, de les distribuer et de les consommer. Ces économistes ont
défini les caractéristiques propres à l’économie solidaire et l’économie sociale.
Ici, nous avons utilisé leurs méthodes et caractéristiques pour comprendre
l’économie précoloniale du Baoulé Nord. Aussi, la non-lucrativité individuelle qui
fait partie de l’économie solidaire qu’ils décrivent, constitue l’une des
caractéristiques fondamentales de l’économie précoloniale qui s’apparente à
l’économie de subsistance.
La sociologie nous a été utile dans la compréhension du système
esclavagiste du pays baoulé et de la Côte d’Ivoire tout entière. Certains
sociologues ont expliqué les raisons de l’esclavage. Il s’agit d’Inès Dali, Roger
Botte, Werner Sombart, Jean-Pierre Chauveau. Ces sociologues nous font
comprendre que l’esclavage est un fait propre à la plupart des sociétés antiques.
Roger Botte nous dit que le système esclavagiste des Africains est dû en grande
partie à la demande en matière première constante de l’Europe. Alors, l’on
comprend avec eux, que le comportement de la société dépend de la situation
ambiante dans laquelle elle se trouve. Werner Sombart, compare la mentalité
économique précapitaliste à la mentalité économique moderne. Il n’y a pas de
société stagnante, les mentalités font évoluer l’économie, il serait par conséquent
absurde de rester dans une économie de subsistance alors qu’on parle du
capitalisme, du profit, du gain. Ainsi, le planteur et l’artisan n’avaient pas dans le
25
passé, la même notion de l’économie de subsistance. Nous nous sommes servi de
ces informations pour comprendre les raisons de l’esclavage en Afrique mais
aussi, ses répercussions sur la société ivoirienne.
Toutefois, il serait bon de présenter la documentation et les données
collectées à travers cette méthode.
2- Présentations et critiques des sources écrites, bibliographiques et orales
L’histoire est la connaissance ou la relation des évènements relatifs à
l’évolution de l’humanité d’un groupe social et des activités humaines qui sont
jugé digne de mémoire. Alors, pour comprendre l’histoire du Baoulé Nord, nous
avons utilisé les sources écrites, les sources documentaires et les sources orales.
2.1- les sources écrites
Elles sont composées des sources d’archives et des sources
imprimées.Les sources d’archives constituent des informations de premières
mains. Ces informations n’ont jamais fait l’objet de publication, de vulgarisation.
Les documents d’archives sont sous forme physique. Ils sont classés par séries et
par thèmes. Alors, aux archives, nous avons consulté les listes des différents
documents. En outre, notre thème se situant dans la période précoloniale et
coloniale, les sources d’archives ont été d’une importance capitale pour nous.
Ainsi, nous avons visité les archives nationales de Côte d’Ivoire sis à Abidjan et
les archives de la mairie de la ville de Bouaké. Dans ces maisons d’archives, nous
avons trouvé des documents sous formes manuscrites, imprimées et numériques.
Pour mieux clarifier notre démarche, nous allons présenter les sources d’archives
manuscrites et les sources imprimées, et apporter nos modestes critiques à leur
égard.
- Les sources d’archives nationales de Côte d’Ivoire
Nous faisons référence ici, aux sources d’archives d’Abidjan.
*Concernant les sources manuscrites, plusieurs séries ont été consultées :
26
-La série EE pour la politique générale, regroupe tous les renseignements
concernant les affaires politiques générales du Baoulé-Nord. Repartie en plusieurs
sous séries ; la série 1EE 36 à 37 présente le rapport de tournée sur le secteur de
Bouaké en 1904. 1EE 35(4), opération militaire, région du Baoulé Nord, 1901.
2EE 14, Rapport au sujet de l’esclavage domestique, 1908.
- La série KK, se rapporte à la politique des travaux publics et transport. Elle est
composée des rapports, des enseignements, et des correspondances. Ce répertoire
couvre la période de 1897, date de la création des services des travaux publics et
des mines de la Côte d’ Ivoire à 1925. Ses sous-séries, en plus de donner des
informations sur le chemin de fer dans le Baoulé Nord, donne (série 2KK2), des
lois relatives au plan d’extension et d’aménagement des villes en 1919.
- La série QQ concerne les affaires économiques. Elle contient des rapports, des
procès-verbaux et des correspondances. Elle est composée de plusieurs sous-
séries qui donnent des informations, surtout concernant les activités économiques.
Nous avons utilisé la sous-série 1QQ 75 à 79, parlant des marchés coloniaux, de
la règlementation des droits de place sur les marchés et enfin des instructions
concernant les activités économiques du cercle du Baoulé Nord de 1912 à 1926.
- La série RR aborde les questions relatives à l’agriculture et à l’élevage. Elle
nous intéresse parce que toutes les sociétés ivoiriennes avaient l’agriculture
comme base de leur économie. Certains de ces produits agricoles vont servir de
monnaie dans les échanges du Baoulé Nord.
Malgré les informations reçues, certaines difficultés nous ont
néanmoins empêché d’obtenir le maximum d’informations que nous voulions
trouver. Nous savons fait des jours souvent à consulter des documents dont le titre
paraissait nous aider, mais rien en réalité, jusqu’à ce que nous arrivions à trouver
des informations de temps en temps. Notre thème se situant dans la période
précoloniale, les informations étaient rares ou parfois existaient mais s’avéraient
très difficiles à déchiffrer. Nous avons eu des cas où, la copie consultée se trouve
à moitié conservée ou des trous au milieu de la copie. Le mélange des copies des
27
différents sous séries provenant de la même série ont été autant de difficultés
rencontrées. Après les archives d’Abidjan, nous nous sommes rendus aux archives
de la mairie de la ville de Bouaké.
- Les archives de la mairie de Bouaké
L’accès aux sources d’archives de Bouaké ont été très difficiles. Nous
avons procédé d’abord par une demande imprimée comprenant notre thème de
recherche et les informations provenant des responsables de la mairie que nous
souhaiterions avoir. Ensuite, nous avons déposé la demande imprimée
accompagnée de notre autorisation de recherche au service courrier de la mairie
sis au-dessus du super marché SOCOCE. Une semaine plus tard, nous avons été
guidés à la Direction des Services Administratifs(DSA). Après plusieurs rendez-
vous, avec certains responsables de la mairie n’ayant aucune idée sur notre thème,
nous avons été finalement reçus par Monsieur Coulibaly Mamadou, chef du
service d’archives et documentation. Il nous a rappelé que la crise de Bouaké a
emporté presque toute la documentation. Cependant, nous avons pu consulter
certains documents imprimés et numériques. Il s’agit d’un document regroupant
plusieurs informations provenant de diverses sources sur l’histoire de Bouaké.
Dans cette compilation, nous avons eu des copies qui traitent de l’origine des
Baoulé et de la création de Gbêkèkro en 1858. Ces faits avaient été racontés par
Dame N’goran N’guessan, 74 ans, petite fille de Kwa Gbêkè. Certaine partie du
document abordent la question du marché d’esclaves de Kotia Koffikro, la
poursuite de Samory par les colonisateurs. En outre, nous avons consulté un
répertoire d’archives de l’histoire coloniale de la Côte d’Ivoire de 1838 à 1960.
Enfin, certaines informations géographiques et démographiques concernant le
quartier Liberté et Kotia Koffikro ont été reçues en fichier numérique. Malgré, les
difficultés susmentionnées, les photocopies des documents de la mairie ont été
faites au sein de la mairie gratuitement. Après, les archives, nous avons fait le
bilan des informations recueillies et leurs insuffisances nous ont conduites dans
les bibliothèques.
28
-Les sources imprimées
Comme nous l’avons dit plus haut, la période de l’histoire de l’Afrique
noire avant la colonisation reste un problème, raison pour laquelle la
documentation sur cette période est presqu’inexistante aux archives. Néanmoins,
nous avons pu consulter certains écrits scientifiques tels que la série 9/3,
correspondant à l’ouvrage imprimé d’Yves Person qui relate en trois tomes toutes
les informations importantes sur Samory Touré. La série M/46, correspond à la
mémoire de maitrise de Yao Koffi Michel. Ces écrits apparaissent comme la
première documentation concernant l’économie baoulé et surtout l’organisation
politique, sociale et économique des faafouê à l’époque précoloniale. Nous avons
enfin consulté certaines publications officielles. Mais concernant notre thème,
seule les JOCI de 1899 1 et 2, JOCI 1910 et 1911 ont été utilisés. Contrairement à
certaines sources manuscrites, les sources imprimées étaient lisibles et bien
conservées. La seule difficulté était qu’il nous était impossible de sortir avec les
documents et la photocopie devrait se faire sur place, malgré le prix fixé. En plus
des sources manuscrites, nous avons les sources imprimées.
2.2- Les sources documentaires
La fréquentation des bibliothèques a été plus que nécessaire pour nous
dans la quête des informations. A cet effet, plusieurs centres ont été visités.
Notamment, la bibliothèque du Campus I de l’UAO de Bouaké, le Centre Culturel
Jacques Aka au quartier commerce de Bouaké, la bibliothèque du département
d’Histoire de l’Université Felix Houphouët Boigny et le CCF devenu aujourd’hui
l’Institut Français sis au quartier Plateau d’Abidjan. Dans cette bibliothèque
organisée, les ouvrages sont classés par section et numérotés par côte comme
suit : côte (960, EKA) correspond à l’ouvrage, le dernier siècle de l’Afrique libre
de Simon-Pierre Ekanza. En plus de ces ouvrages, nous avons utilisé les
dictionnaires et les encyclopédies.
29
Toutefois, bien avant la recherche documentaire en bibliothèques, nous
avons procédé par la consultation d’Internet. Ces sites nous ont permis d’avoir un
aperçu général de la documentation existante sur notre thème mais en même
temps de vérifier, si notre thème n’a pas été déjà l’objet d’une étude. Ainsi
certains sites comme gallican, Persée, horizon documentation IRD ont-ils été
consultés. Nous avons eu sur ces sites le plus souvent, des résumés des travaux
déjà publiés, des mémoires, des articles de journaux, des revues scientifiques et
des Dictionnaires.
Après, la consultation d’Internet, des centres de documentation, nous
nous sommes rendu compte encore des insuffisances des informations. Pour
combler ce déficit, nous nous sommes rendus sur le terrain pour être en contact
direct avec les acteurs des événements étudiés.
2.3- Les sources orales
Le recours aux sources orales s’impose comme une nécessité pour la
quête d’information des sociétés africaines. Nous nous sommes rendus sur le
terrain pour être en contact avec les acteurs directs ou indirects de Kotia Koffikro
et Liberté. Car, ces textes oraux nous servirons de compléments d’informations et
de comparaisons des informations reçues à travers les sources écrites. Toutefois,
avant de commencer la collecte des témoignages oraux, nous nous sommes rendu,
en Mars 2016 à Kotia Koffikro et Liberté. En plus des deux, d’autres quartiers de
Bouaké ont été visités pour comparer les informations venant de l’intérieur du
quartier enquêté et des quartiers voisins, notamment Dar-Es-Salam, Kamounoukro
et Sokoura.
Nous nous sommes rendu dans le mois de Juin, sur le terrain pour
l’enquête proprement dite. A cet effet, nous avons élaboré un calendrier de
recherche et un questionnaire. En y allant, nous avons pris sur nous un téléphone
portable pour l’enregistrement, un appareil photo numérique, un stylo et un cahier
pour les prises de notes. Il faut ajouter à cela des présents insignifiants par apports
aux informations reçues qu’on offrait souvent aux informateurs. Il faut dire que la
30
plupart des informations étaient données en Français, Malinké et Baoulé pour
Kotia Koffikro seulement. Malgré les démarches de l’enquête débutée en Juin, les
informations proprement dites ont été délivrés dans le mois d’Août. En effet,
après plusieurs échecs dans les différents lieux d’enquêtes, nous avons changé de
méthode qui consistait à présenter poliment les papiers administratifs pour que
l’on nous reçoive. La difficulté réside dans le fait que, la plupart des descendants
d’esclaves ont réussi à s’intégrer dans la société et, compte tenu de la période
reculée, les témoins oculaires n’existent plus.
Après ces échecs, nous avons changé de méthode. Alors, nous
choisissions dans chaque quartier à enquêter, un camarade étudiant qui y réside
pour nous servir de guide vers les populations de son quartier. Ainsi, sous l’aide
d’un camarade étudiant, nous sommes entré en contact avec le président des
jeunes de Kotia Koffikro, Monsieur Konan Sam-Elysée. Ce dernier nous a servi
de guide à Kotia Koffikro. Cependant, vu la durée de l’enquête, l’on ne pouvait
maintenir nos camarades étudiants pendant longtemps. Nous étions guidé
maintenant par la population. Cette dernière méthode a été avantageuse pour
nous. Car, nous avons cherché à connaitre les vieillards du quartier, les
responsables du quartier et les personnes anciennement établies dans le quartier
malgré leur âge. C’est par cette méthode que nous avons finalement repéré les
personnes que nous avons enquêtées.
Pour collecter les informations, nous avons utilisé les différents types
d’entretien à savoir, l’entretien non directif, l’entretien semi directif et l’entretien
directif. Dans le cadre de notre étude, compte tenu de l’âge avancé de nos
informateurs, nous avons procédé plus par l’entretien semi-directif. Car, ils se
perdaient assez en racontant les faits, alors nous étions obligé de les ramener à la
question à chaque fois. L’on procédait à l’entretien non-directif, laissant à
l’enquêté, le libre cours de dire ce qu’il sait sur la question.
Le premier lieu où nous avons été reçu fut Liberté. Nous avons été reçu
par le responsable djimini, Coulibaly Souleymane. Il est originaire de Dabakala et
31
agent commercial à Gonfreville à la retraite. L’entretien a eu lieu le 17 et le 26
Août 2016. Les entretiens se faisaient à son domicile à Liberté de 16h à 17h 30
minutes, l’entretien était de type semi-directif. Monsieur Coulibaly Souleymane
s’exprime bien en français et avec lui, plusieurs points ont été abordés. Mais
l’accent a été mis sur l’origine du quartier Liberté et son appellation Djamourou
d’aujourd’hui. De son entretien, il ressort qu’après la capture de Samory, sa
grand- mère qui était à peine adolescente, fut conduite avec d’autres esclaves, par
le capitaine Benoit, à l’endroit où ils sont actuellement. C’est ce quartier qui sera
nommé Liberté par le Capitaine Benoit et Djamourou par la population. En outre,
il a présenté les différents chefs qui ont dirigé le quartier Liberté. Toutefois, en
plus de Coulibaly Souleymane, Diabagaté Nan Bèssè, Coulibaly Siaka et Bamba
Lama ont été interrogés.
Le deuxième quartier visité fut Sokoura. En effet, ce quartier
n’intervient pas directement dans notre étude, mais nous y avons effectué une
visite à cause du nom Liberté que porte l’un de ces secteurs. En outre, lors de
notre recherche sur l’emplacement du quartier Liberté que nous cherchions pour
notre thème, plusieurs personnes nous ont indiqué ce quartier sis aussi dans le
périmètre du troisième bataillon militaire de Bouaké. Alors, nous nous sommes
renseigné auprès de la population jusqu’à atteindre ce secteur. Nous avons été
reçu par Monsieur Samassy Karim qui nous à fait savoir que ce secteur s’appelle
Liberté du fait du cinéma "Liberté" devant lequel il était assis. Mais, le bas de du
bâtiment construit en étage sert aujourd’hui de permanence RDR du district
Sokoura dont il est lui-même membre. On retient dans cet entretien directif que, le
nom Liberté de l’un des secteurs du quartier Sokoura est dû au cinéma liberté qui
ne fonctionne plus depuis des décennies d’ailleurs et par conséquent, n’a aucun
rapport avec les esclaves libérés.
A Dar-Es- Salam, nous avons interrogé le vieux Tidjane Dramé. Un
Dafing, ex-Imam de la grande mosquée de Dar-Es-Salam, fils de Kolotoma
Dramé fondateur du quartier Dougouba de Bouaké. Nous avons utilisé l’entretien
semi directif avec ce vieillard de 88 ans. Il nous a entretenu le 18 et 30 Août 2016
32
à son domicile sur l’origine des différents quartiers de Bouaké, sur le poste
militaire et surtout l’antériorité du quartier Liberté par apport à plusieurs quartiers
de Bouaké. Ces informations ont été renchéries par Dramé Youssouf, fils de
Dramé Lassina, premier responsable chargé des impôts à Bouaké à l’époque
coloniale, et lui-même professeur d’histoire- géographie à Adzopé. Avec lui,
nous avons visité les différents sites de marchés précoloniaux dont l’un était situé
sur des grosses pierres ou se trouve l’abattoir actuel de Bouaké et l’autre,
couronné par les mêmes grosses pierres à Dar-Es-Salam II. Ces sites étaient
traversés par la rivière Go pour l’abattoir et la rivière Abêbèli pour Dar-Es-Salam
II.
Nous avons été reçu à Kotia Koffikro par Monsieur Konan Sam-Elysée,
président des jeunes de Kotia Koffikro et N’guessan Kouakou, porte-parole de
Kotia Koffikro. Ici, dans un entretien semi directif, nous avons abordé les raisons
qui expliquent la présence du marché d’esclaves de Kotia Koffikro, les moyens
d’échange utilisés sur ce marché, leur relation avec les habitants de Liberté et les
colonisateurs. Après les entretiens, nous avons prié le président des jeunes de bien
vouloir nous accompagner sur le site du marché d’esclaves. Ce qu’il fit d’ailleurs
sans hésiter. Nous avons visité le cimetière de Kotia Koffikro qui servait de
marché d’esclaves de Samory, visité l’ancien site du village et enfin, visité ce qui
reste de la rivière Go sur l’ancien site du village.
Enfin, Kamounoukro, le quartier qui fait face à Liberté a été visité. En
effet, après plusieurs tentatives pour la rencontre du chef, nous avons été reçu le
26 Août 2016 à 17h, par Nanan Agra Yao, chef du quartier de Kamounoukro. Les
entretiens concernaient les habitants de Liberté et de Kamounoukro. Nous avons
cherché l’origine du nom " maison de vente d’hommes " en malinké " mogo féré
bô " que la population de Bouaké a attribué à la grande maison peinte en jaune,
située en face du grand terrain de Kamounoukro, pour savoir s’il s’agissait d’une
maison habitée par les esclaves de Samory. En outre, Kamounoukro est séparé de
Liberté par la grande voie bitumée qui part à Katiola. Les informations venant
d’eux étaient nécessaires. La population de Kamounoukro était, plutôt ouverte
33
aux échanges différemment au chef qui a soutenu qu’il ne livrerait pas en
l’absence de ses fils certaines informations. Ainsi, nous avons échangé avec
d’autres qui ont préféré garder l’anonymat, mais aussi avec dame Diomandé
Machiami, Traoré Awa.
Toutefois, les réponses aux questions posées se trouvent dans la partie
annexe de notre document. Après la collecte des informations, nous avons
procédé à leur traitement scientifique. En effet, après les entretiens, les
informations obtenues sont soumises à la comparaison entre elles et ensuite avec
les informations reçues à travers les sources écrites. Nous analysions les
ressemblances sans toutefois négliger les divergences. Suite au recoupement, nous
avons soumis les données aux différentes critiques notamment la critique de
crédibilité et d’authenticité. Après toutes ces démarches, nous avons dégagé les
intérêts de ces informations et procédé ainsi à la transcription.
En somme, les témoignages oraux nous été très utiles, dans la mesure
où certaines parties de notre travail n’ont pas été abordées par les écrits.
Notamment, la gestion du quartier Liberté, le sort des esclaves une fois installés à
Liberté mais aussi l’attribution du nom Djamourou au quartier Liberté. Ainsi, les
informations provenant des sources d’archives, des sources documentaires et des
sources orales ont permis d’élaborer un plan à travers lequel, nous allons repartir
les informations recueillies.
34
VI. PLAN
L’examen de notre thème nous amène à bâtir notre réflexion autour de
trois parties. Lesquelles comportent chacune deux chapitres et des sous chapitres.
La première partie qui s’articule autour de deux chapitres, sera
consacrée à la présentation du contexte géo-historique de la création du marché
d’esclaves de Kotia-Koffikro1893-1894. Le premier chapitre montre les facteurs
géographiques de la création du marché et le second chapitre, les structures du
marché et les raisons de son développement à Kotia Koffikro dès 1893, date à
laquelle Samory amorce les démarches pour créer le marché d’esclaves de Kotia
Koffikro.
La deuxième partie du travail aborde l’organisation et le
fonctionnement du marché d’esclaves 1894-1898. Son chapitre I traitera du
commerce intérieur et extérieur en mettant l’accent sur le commerce muet,
commerce intercommunautaire, les acteurs du commerce et les centres
commerciaux. Dans le chapitre II, il sera question de la monnaie dans les
transactions à Kotia Koffikro, notamment, le système de troc, la marchandise
monnaie et la monnaie principale.
La dernière partie analysera les répercussions du commerce d’esclaves
de 1893 à 1906. Son premier chapitre met l’accent sur les effets économiques de
la vente des esclaves sur Kotia Koffikro, les zones de provenance et d’accueil des
esclaves. Le second chapitre sur l’impact démographique et social de la vente
d’esclaves qui se traduit par la psychose générale, la création du quartier Liberté
de Bouaké, l’augmentation du nombre d’habitants dans les zones d’accueil
d’esclaves et le dépeuplement des zones de provenance d’esclaves.
35
PREMIÈRE PARTIE :
LE CONTEXTE GÉO-HISTORIQUE ET LA
CRÉATION DU MARCHÉ D’ESCLAVES DE KOTIA
KOFFIKRO (1893-1894)
36
KOTIA KOFFIKRO DANS L’ENSEMBLE FAAFOUÊ (N°5)
Source : YAO K.M.40 1988 Conception : SOROGO Awa 2016 Réalisation :
OUATTARA A. 2016
40 YAO (K.M), 1988, L’économie faafouê à l’époque précoloniale, Mémoire de Maitrise
d’histoire, Université de Cocody, Abidjan, 27.
37
La création du marché d’esclaves à Kotia Koffikro n’est pas fortuite. Pour
comprendre ce fait, nous allons montrer les facteurs géo-historiques de la création
dudit marché. Il conviendra de présenter alors les conditions humaines, naturelles
et les raisons historiques qui ont favorisé l’avènement du marché d’esclaves à
Kotia Koffikro. Toutefois, avant d’aborder la question du marché d’esclaves, un
accent sera mis sur le marché agro-pastoral de Kotia Koffikro avant l’arrivée de
Samory Touré. Aussi, présenterons-nous les conditions du développement de ce
commerce, en mettant l’accent sur la structure du marché et l’importance des
esclaves.
38
CHAPITRE PREMIER: LES FACTEURS GÉO-HISTORIQUES DE LA
CRÉATION DU MARCHÉ D’ESCLAVES DE
KOTIA KOFFIKRO DÈS 1893
Dans ce chapitre, nous parlerons des fondements naturels. Ces fondements
s’articulent autour des routes et des points d’eau. Ce sont des éléments qui vont
permettre à Samory et aux acteurs du commerce d’avoir accès à Kotia Koffikro.
L’esclavage était une pratique très ancienne des Africains. C’est d’ailleurs cela
qui a permis à Samory d’obtenir l’accord du chef Kotia.
I- les conditions naturelles de l’avènement du marché d’esclaves à Kotia
Koffikro
Plusieurs facteurs géographiques expliquent le choix de cette localité par
Samory Touré. Il s’agit de la position stratégique de Kotia Koffikro, la route du
Soudan et la rivière " Go ".
1. La position géographique de Kotia Koffikro
Le commerce d’esclaves a été possible grâce à la situation géographique
de Kotia Koffikro.
En effet, Kotia Koffikro est un ancien village qui tend à se confondre
actuellement à la commune de Bouaké. Aujourd’hui, il est devenu un quartier
périphérique de Bouaké. Situé juste après l’abattoir de la ville, sur la route de
Katiola qui mène à Korhogo41, l’importance de Kotia Koffikro résulte de sa
position géographique stratégique. Ce village situé lui-même en bordure de route
à cinq kilomètres42 du village de Gbêkêkro (Bouaké), représente un véritable
carrefour situé sur les grands axes de circulation des villes ivoiriennes : Abidjan
au Sud, Ferkessédougou au Nord et Danané à l’Ouest et des pays de la sous-
région : Soudan, Haute Volta et Niger. C’est par ces différentes voies que
41 GBODJE (S.A), 2010, « Le marché d’esclave de Kotia kofikro (1893-1898) » in Revue
Ivoirienne d’histoire, p52. 42 Idem, p52.
39
viendront Samory Touré et les commerçants qui animeront le commerce
d’esclaves.
2. La densité des infrastructures routières
Les routes ont joué un rôle déterminant dans le déroulement des échanges
commerciaux de Kotia Koffikro. En outre, l’importance de ces routes réside dans
le fait qu’elles permettent de relier directement ou indirectement les centres
commerciaux et le village de Kotia Koffikro. Nous avons principalement :
-La voie occidentale, du Soudan (Mali), descend à Coulia en Côte d’Ivoire,
traverse les régions du Nord et arrive à Kotia Koffikro pour continuer à Tiassalé et
de là jusqu’au pays côtiers43.
-les voies centrales qui partent de la haute volta se ramifient sur le territoire
ivoirien à partir de Ouangolodougou, puis de Katiola arrive à Kotia Koffikro et
Tiassalé jusqu’à la côte.
-La voie centrale qui part de la haute volta, descend à Bouna puis de Sendegué à
Kotia Koffikro, longe Tiassalé et arrive à la côte.
En outre, ces informations sont complétées par Coulibaly Souleymane44 en
ces termes « La grande voie de Djamourou que tu vois, (passe par Kotia Koffikro)
est l’une des plus vieilles routes de la Côte d’Ivoire, mes parents ont travaillé
cette voie qui déverse sur Katiola, Korhogo et va même au Niger, Burkina Faso et
mali ; c’était la principale voie de Bouaké. »
Sans ces différentes voies, la circulation des commerçants et des
marchandises serait difficile.
43 GBODJE (S.A), 2010, op.cit, p57 44 COULIBALY (S), entretien semi-directif du 17 Août 2016 à Liberté.
40
3. La rivière « Go », une source d’eau importante pour les voyageurs
Le pays baoulé est entouré de plusieurs fleuves, notamment les fleuves
Bandaman, N’zi et Comoé qui constituent tout le régime hydrographique45.
Cependant, concernant Kotia Koffikro, c’est la rivière Gô qui constituait une
source d’eau pour les voyageurs venus d’horizon divers. La rivière Gô,
presqu’inexistante, coule derrière l’actuel abattoir de Bouaké. Elle prend sa source
à Assoumabroukro, dans une petite forêt située dans les environs de l’usine
Robert Gonfréville46. L’eau de cette rivière a contribué à la bonne marche des
échanges commerciaux. Car, les commerçants y faisaient escale pour se
désaltérer. Tous ces éléments vont contribuer à la création du marché d’esclaves
de Kotia Koffikro.
II- Les raisons historiques de la création du marché d’esclaves de Kotia
Koffikro
L’esclavage est un fait très ancien des sociétés africaines précoloniales.
C’est d’ailleurs ce qui a facilité l’accord de commerce entre Samory et le chef
Kotia Koffi.
1. Esclavage, une pratique ancienne des sociétés africaines
L’esclavage fut une pratique très ancienne des sociétés africaines. Au
départ, étaient esclaves, les descendants d’esclaves, les prisonniers de guerre et les
individus punis pour avoir commis des fautes graves : vol, viol, adultère et
meurtre. Ils étaient souvent vendus aux dignitaires des autres régions d’Afrique.
Ceux-ci travaillaient pour le compte de leurs maîtres, et pouvaient être affranchis
à la longue, pour leur bon comportement et des grands services rendus à leurs
maitres. Ces esclaves, une fois affranchis, intègrent la famille à laquelle ils
appartenaient auparavant.
45 LOUCOU (J-.N) et GARANGER (M), 1988, En pays baoulé, NEA, Abidjan, p14. 46 GBODJE (S.A), op. cit, p52.
41
D’ailleurs, Fabio Viti47, nous dit qu’ : « Avant que les guerres
samoryennes (1893-1898) ne produisent une quantité de captifs jamais égalée, les
baoulés ne possédaient comme esclaves domestiques que ceux qu’ils avaient
amenés avec eux lors des migrations de l’Assante(…) ». Nous voyons ici que
l’esclavage existait bien avant la création du marché d’esclaves de Kotia Koffikro.
Aussi, en Côte d’Ivoire, il y avait des personnes qui devenaient des esclaves pour
avoir contracté des dettes dont ils n’arrivaient pas à s’acquitter. Ces personnes
furent données en garantie d’une dette contractée par la famille. Elles peuvent être
rachetées par les parents ou ceux qui les ont mises en garantie48.
Ainsi, ces personnes qui étaient des esclaves provisoires, sont moins
dispersées et en général bien traitées que celles vendues comme marchandises,
pendant la traite atlantique et la traite interne.
2. Le pacte de paix entre Samory Touré et le chef Kotia Koffi
Samory Touré, fils de Lanfiya Touré et de Masorana Kamara est né vers
1830 à Minianbaladougou dans l’actuelle Guinée. A partir de 1880, il se heurte
aux colons anglais et surtout français qui voulaient faire la jonction entre leurs
colonies du Sénégal et la Côte d’Ivoire49. Ainsi, dans son désir d’étendre son
empire financer, son expansionnisme et résister aux colons français et anglais,
Samory descend vers la Côte. Cependant, pour arriver à ses fins, il faisait la
guerre, pourvoyeuse d’esclaves et utilisait aussi le concept de la stratégie de la
terre brulée50. C’est surtout le commerce de ces esclaves qui sera générateur de
profit et pourvoyeur d’armes.
Après avoir ravagé le Nord de la Côte d’Ivoire51 ; Séguéla, Dabakala, Kong et le
pays Tagbana, Samory envoie ses sofas à la conquête du Baoulé-Nord,
notamment Gbêkêkro et Kotia Koffikro. En 1893, il arrive dans le Baoulé- Nord,
47 FABIO (V), 1999, « L’esclavage au baoulé précoloniale »in L’Homme, N°152, vol39, p57. 48 ANCI, 2EE 14(1/2), Rapport au sujet d’esclavage domestique, 1908. 49 Encyclopédie Microsoft Encarta, 2009.La partie historique. 50 Tactique de la terre brulée consistait à tout raser sur son passage afin de freiner la progression de
l’ennemie. C’est grâce à cette tactique qu’il a conquis Dabakala et le royaume de Kong. 51YAO (K..M), 1988, L’économie faafoue à l’époque précoloniale, mémoire de Maitrise
d’histoire, p110.
42
après avoir fondé son quartier général à Dabakala. Ainsi, ces sofas qui ont pour
habitude de le devancer pour lui fournir des informations lui auraient dit qu’il
n’existait pas d’hommes à Kotia Koffikro et que ce n’était que des femmes.
Plusieurs sources nous l’attestent notamment : N’GUESSAN Kouakou52 porte-
parole de Kotia Koffikro :
« Comme je disais, les sofas de Samory le devancent et font des rapports
sur les lieux. Ils ont dit à Samory qu’il n y’avait pas garçon à Kotia Koffikro et
que tout le monde était en pagne. Lui, Samory ne se bat pas avec les femmes,
puis- qu’il n’y avait pas de garçons d’après lui, il n’y a pas fait eu ce conflit entre
nous. »
Les fondateurs de Dougouba, originaires de Marabadiassa, affirment la même
chose :
« Samory n’a jamais combattu les Baoulé, quand ces sofas sont arrivés
chez les Baoulé, ils l’ont informé qu’il n y’avait pas de garçon ici. Tout
simplement, parce qu’ils avaient attachés des pagnes et avaient des chapeaux sur
la tête et lui Samory ne se bat pas avec les femmes. Il s’est tourné vers les
Tagbana et les Djimini qui combattaient son frère Mori Touré de
Marabadiassa 53».
Par ailleurs, Samory, sur les conseils de Mori Touré de Marabadiasa qui
demanda l’hospitalité du chef Gossan Koua Gbêkê, décide de trouver un accord
avec Kotia koffi pour créer son marché d’esclaves54. Les informations reçues aux
archives55 de Bouaké confirment les propos de SANOU Moussa :
« Mais contrairement à ce qu’on attendait, il pactisa avec les Baoulé. (…)
Mory Touré et son successeur Lancina Touré conseillèrent à Samory de faire des
52 N’GUESSAN (K), entretien semi directif à Kotia Koffikro, 28 Août 2016. 53 SANOU (M), entretien semi-directif à Dar-Es-Salam, 18 Août 2016. 54 YAO (K.M), op.cit., p110. 55 MAIRIE DE BOUAKÉ, Bouaké et son histoire, données collectées par COULIBALY
Mamadou, 2016.
43
Baoulé des alliées. Ce que fut fait Samory. Après, les négociations, des relations
commerciales intenses s’établirent entre les Baoulé et les troupes de Samory. »
Kotia Koffi, était originaire de la tribu Faafouê et fondateur du village de
Kotia Koffikro. Il fut le chef suprême des Baoulé faafouê dans le Baoulé-Nord.
Mais, la population de Kotia Koffikro soutient qu’il n’était pas le chef, mais plutôt
le petit frère du chef qui n’était pas charismatique et trop calme pour être chef.
Ainsi, le fait que les colonisateurs l’ont trouvé à la tête de" Kouchakro" qui veut
dire "village de la famille Koutcha" ; ils ont attribué le nom de Kotia Koffi au
village pour donner Kotia Koffikro. Ces faits sont racontés par N’GUESSAN
Kouakou et KONAN Sam-Elysée :
« Aussi le nom de Kotia Koffi va rester sur le village malgré qu’il ne fût
pas le chef. C’est la même famille KOTIA, mais c’est Nanan KOTIA, le grand
frère de Kotia Koffi qui était le chef. Mais il est trop calme, c’est ainsi que son
frère Koffi qui était un guerrier robuste, très voyou et mystique, va gérer le
pouvoir. Il va mourir en 1898, après la capture de Samory. Les Blancs ne
pouvaient pas mettre la main sur lui. C’est sa femme qui aurait informé les Blancs
qu’il dormait dans un grand baobab à Traino ; elle les a accompagnés et quand
le chef a vu sa femme il est devenu humain et les blancs ont tranché sa tête et l’on
emportée. Nos parents l’ont enterré sans tête ».56
Admirant la démarche de Samory Touré, Kotia Koffi et son peuple lui
réservèrent un accueil chaleureux. A l’arrivée de Samory, le chef Koua Gkêkê
préside la cérémonie officielle de conclusion du traité de non-agression avec son
homologue Samory ainsi qu’avec la médiation des Touré de Marabadiasa et
finalement « Les deux hommes politiques (Kotia Koffi et Samory) se saluent et
concluent un pacte de paix et de non-agression dont le symbole reste une
poule ». 57 Samory revint dans le village en 1894 et crée le marché d’esclaves de
Kotia Koffikro. Mais, d’où provenaient les esclaves ?
56 KONAN (S-E) et N’GUESSAN Kouakou, entretien semi –directif du 28 Août 2016. 57GBODJE (S.A), 2010, op.cit, p53.
44
3. Les guerres samoryennes, réservoir potentiel d’esclaves
Samory voit l’importance des Baoulé en tant qu’alliés, car ceux-ci étaient
de gros producteurs de denrées alimentaires et avaient des débouchés directs avec
la côte58, qui avait des relations commerciales avec les Européens qui leur
fournissaient des armes et des munitions. Par conséquent, les Baoulé devraient
fournir des produits alimentaires, des armes et en retour, recevoir des captifs de
Samory.
Concernant l’origine des captifs de Samory, Fabio Viti59, nous dit qu’ils
les razziaient en grand nombre dans les savanes du Nord ivoirien. Ici, le terme qui
est attribué aux esclaves est « kanga60 » l’esclave acheté en baoulé et « djon » en
malinké. Ces esclaves venus du Nord étaient généralement, des ressortissants du
pays Tagbana61, Djimini, Diamala et Koro. Konan Sam-Elysée62 ajoute pour dire
que « de Dabakala, il fait le ratissage de toutes les localités qui étaient sur sa
route jusqu’à chez nous ici. Les captifs qu’il envoyait étaient des Tagbana et des
Djoula. » En plus de ceux-ci, des personnes qui fuyaient devant Samory pour
échapper au massacre étaient capturées. Selon un rapport de l’ANCI63, « Ces
malheureux hommes, femmes et enfants envahissent le Baoulé et se réfugient dans
de différents villages. Mais ils devenaient là, des captifs » préférant la captivité à
une mort certaine. En outre, des captifs Abron et N’zoko anciens habitants de
Begho64 furent des captifs de Samory, tous hostiles à l’islam. Enfin, Roger
BOTTE65 donne des indices sur le nombre de captifs vendus par Samory en
Afrique Occidentale Française vers 1900.
58KOUAME (N.B), 2015, les mutations socio-économiques dans l’espace Nord du baoulé de
1850 à 1980, p103. 59 FABIO (V), 1999, « L’esclavage au baoulé précoloniale »in L’Homme, N°152, vol39, p55. 60Idem 61 KOUAME (N.B), op.cit, p107. 62 KONAN (S-E), entretien semi-directif du 28 Août 2016. 63 ANCI, 2EE 14(1/2), Rapport au sujet d’esclavage domestique, 1908. 64 GBODJE (S.A), 2010, op.cit, p55.
45
NOMBRE D’ESCLAVES VENDUS PAR SAMORY VERS 1900 EN AOF
PAYS NOMBRE DE CAPTIFS
SÈNÈGAL 200.000
GUINÈE 400.000
CÖTE D’IVOIRE 500.000
Source : Roger BOTTE conception : SOROGO Awa
On voit que le nombre d’esclaves vendus en Côte d’Ivoire excède celui des
autres pays. L’on doit retenir que c’était un véritable « boom négrier »66, car toute
l’Afrique noire, était submergée d’esclaves cédés à vil prix pour les immenses
besoins de Samory.
Pour faciliter son commerce, il va créer un marché sous la complicité du
chef Kotia de Kotia Koffikro. Il conviendrait de retenir que la position stratégique
de Kotia Koffikro, les routes et la rivière Go ont été un facteur déterminant à la
création du marché d’esclaves de Kotia Koffikro. Cependant, l’existence de ce
marché a été possible grâce aux conquêtes de Samory et de ces sofas qui ont
capturé et transformé en esclaves les populations des savanes Nord et Nord-Est
ivoirien. La création de ce marché attirera les populations de toutes les régions de
la Côte d’Ivoire.
65BOTTE (R), 2000, « L’esclavage Africain après l’abolition de 1948 ; servitude et droit du
sol » in annales d’histoire sciences sociales, vol55, pp1009-1037. 66 Idem
46
CHAPITRE DEUXIÈME : LA STRUCTURE DU MARCHÉ D’ESCLAVES
ET LES RAISONS DE SON DÉVELOPPEMENT
A KOTIA KOFFIKRO DÈS 1894
Plusieurs raisons ont motivé la création du marché d’esclaves de Kotia
Koffikro. Parmi ces raisons, figure l’existence d’un ancien marché local
agropastoral. A côté de ceci, fut créé le marché d’esclaves. Néanmoins, comment
était constitué ce marché ? Quelles furent les causes de son expansion ?
Nous tenterons, tout au long de ce chapitre de répondre à ces différentes
préoccupations.
I- L’avènement du marché d’esclaves
Nous montrerons d’une part, l’existence du marché agropastoral de Kotia
Koffikro avant la naissance du marché d’esclaves de Samory, et de l’autre, la
constitution dudit marché.
1. Le marché agro-pastoral avant l’arrivée de Samory
Les Baoulé Faafouê étaient, à l’origine, des agriculteurs. Ils cultivaient des
produits alimentaires dont le surplus servait à la commercialisation. En outre, ces
produits faafouê étaient constitués d’ignames, de manioc, de riz, de maïs, de
moutons et de chèvres. A ces produits alimentaires, viendront s’ajouter des armes
et des munitions provenant des côtes, en relation commerciale aves l’Europe. Ce
commerce interne sera important, car il met des structures au service du nouveau
commerce d’esclaves créé en 1894.
2. La structure du marché d’esclaves
En 1894, Samory, avec l’accord de Kotia Koffi, crée son marché
d’esclaves à côté du marché agro-pastoral qui existait déjà67. Le cimetière actuel68
67 GBODJE (S.A), 2010, op, cit, p54.
68 Idem, p52.
47
de Kotia Koffikro occupe le site du marché d’esclaves. Les habitants de Kotia
Koffikro confirment ce fait en ces mots :
69« C’est ici qui était le marché d’esclaves, mais c’est devenu notre
cimetière maintenant. Où il y’a le grand arbre au fond du cimetière, c’est la bas
Samory exécutait les restes d’esclaves non achetés. L’autre côté du cimetière est
réservé aux enfants et aux personnes qui meurent suite à une épidémie. »
Mais vers la fin de l’année 1894 le commerce d’esclaves surpasse celui de
l’ancien marché et entraine sa disparition. Concernant, la structure de ce marché,
Fabio Viti70 nous dit qu’ : « il n’existait pas vraiment de marché pour les
esclaves ». En effet, le marché dont il est question ici, est un espace en plein air
dont le commerce se faisait nuit et jour71. En plus, l’on avait de petites cabanes
soutenues par des piliers en bois et recouvertes de pailles72 qui servaient de lieu de
conditionnement des captifs à vendre.
Dès lors, les personnes capturées par Samory et ses Sofas deviennent des
marchandises prisées, surtout à cause des travaux qu’elles pouvaient accomplir.
II- Les facteurs de développement du commerce d’esclaves
Le commerce des esclaves a eu de l’essor parce que les esclaves jouaient
plusieurs rôles dans les sociétés africaines. Parmi ces raisons nous retenons
l’esclave en tant que moyen de production économique, un prestige pour le peuple
Akan et, enfin l’esclave en tant partenaire de reproduction biologique.
1. L’esclave, une main d’œuvre disponible
L’esclavage est certes, une pratique très ancienne des sociétés africaines,
mais le système esclavagiste dont on traite ici est lié au changement de traite dû à
l’abolition de la traite négrière. En effet, la suppression de la traite négrière
69 KONAN (S-E), entretien semi directif à Kotia Koffikro, le28 Août 2016. 70 FABIO ( V), 1999, op.cit, p63 71YAO (K.M), 1988, L’économie faafoue à l’époque précoloniale, mémoire de Maitrise
d’histoire, p110. 72GBODJE (S.A), 2010, op.cit. p55.
48
entraine un nouveau type de commerce entre l’Europe et le golfe de Guinée au
XIXème siècle. Car, l’on part du commerce illicite au commerce licite basé sur les
produits naturels (huile de palme, le caoutchouc, le café, le cacao et le coton) et
les produits animaux (ivoire, peaux).
Vu l’importance des échanges, les Africains vont abandonner l’ancien
mode de production lignager au profit du mode de production esclavagiste dans
lequel l’esclave constitue le seul moyen de production. C’est dans cette
atmosphère de quête de biens, matériels qu’apparait l’importance du commerce
d’esclaves initié par le conquérant manding.
Ainsi, les chefs baoulé et gouro autochtones de la région de Bouaké, les
populations du Baoulé Sud, les chefs Agni et les populations de la zone côtière
(Assinie, Grand-Bassam et Sassandra) viendront à Kotia Koffikro pour s’acquérir
des esclaves.
En outre, vu la forte demande de l’Europe en matières premières, les
populations qui étaient en nombre insuffisant pour la production et la
commercialisation faisaient recours aux esclaves. Ce fut, notamment, le cas des
lagunaires et des Agni. En effet, les lignages de la région lagunaire étaient des
grands producteurs d’huile de palme, dont la production nécessitait une main
d’œuvre servile d’où le recours aux esclaves. Selon l’ANCI, « un certain nombre
d’individus vendus par Samory aux baoulé furent achetés par les Allandian et les
Adioukrou. »73
En plus, Roger Botte nous apprend que certains Européens encourageaient
les Africains pour la production agricole et indirectement, pour la pratique du
système esclavagiste : « ainsi est-il recommandé au commandant d’une expédition
britannique(…) de s’efforcer d’amener les populations riveraines, de montrer les
bénéfices qu’elles retireraient en occupant leurs captifs à l’agriculture… ». L’on
comprend dès lors le rôle que devaient jouer ses esclaves.
73ANCI, 2EE 14(4), Note sur le résultat de la pacification au point de vue anti-esclavagiste.
49
Ainsi, ces esclaves achetés avaient essentiellement un rôle économique. Ils
devaient assurer les travaux champêtres, les tâches domestiques, le portage et
l’artisanat (orfèvrerie et tissage). Selon, N’GUESSAN Kouakou74 « Du moment
où tu achètes l’esclave, il t’appartient, il peut faire toutes sortes de travaux. Ils
faisaient les travaux champêtres, l’élevage. Les femmes aidaient nos mamans
dans les travaux de la maison. » Toutefois, le rôle de l’esclave n’est pas
qu’économique.
2. L’esclave, un prestige pour le peuple Akan
L’esclave, en plus du rôle indéniable qu’il joue dans la production
économique, est un élément prestigieux pour la dignité de son maitre. En effet, le
rang social en Afrique précoloniale s’apprécie, en plus de la richesse, du nombre
d’esclaves au service d’une personnalité. C’est ainsi que « les autorités
traditionnelles ne se privent pas de s’entourer d’innombrables esclaves
domestiques, à la fois sources de richesses matérielles et de prestige social75 ».
Par ailleurs, ces esclaves qui rehaussent tant leur prestige social, servaient
à une autre fonction ignoble : celle de l’immolation rituelle. En outre,
l’immolation rituelle se pratiquait dans les sociétés Akan, lors des décès et des
funérailles des chefs importants. En effet, dans la thèse76 de Monsieur Kouamé,
Kouamé Kouakou nous dit que : « lorsqu’un roi ou un chef important décède,
pour que les parents du défunt puissent pleurer il faudrait que sur le champ, la
tête d’un esclave soit tranchée. » Et en plus de celui-ci, on offrait d’autres
esclaves pour accompagner le maitre ou le roi. Ainsi, on ne pouvait enterrer un
chef important sans que les esclaves ne l’accompagnent. Certains captifs
servaient, en plus des rôles susmentionnés, à la reproduction.
74 N’GUESSAN (K), entretien semi-directif à Kotia Koffikro du 28 Août 2016. 75 EKANZA (S-P), 1995, Le dernier siècle de l’Afrique libre, p103. 76KOUAME (N.B), op.cit. p111.
50
3. L’esclave, partenaire de reproduction biologique
Pendant, la traite atlantique les hommes étaient les esclaves les plus
recherchés tandis que dans la traite interne les femmes sont les esclaves les plus
achetées. Cette situation s’explique par le fait que les femmes, pour les lignages
d’accueil, étaient, en plus des agents économiques, des agents de reproduction.
Par son travail, elles devaient contribuer à enrichir le lignage acquéreur. Par ses
maternités, elles devaient également participer à l’accroissement de la population
du lignage. C’est à cela que Fabio Viti, fait allusion en ces termes « précieux en
tant que main d’œuvre et parfois en tant que partenaires sexuels et
matrimoniaux … »77.
Ainsi, le mariage entre deux esclaves existait mais le mariage d’une
esclave avec un homme libre fut le plus fréquent. Car, les enfants issus des
unions mixtes de ces derniers étaient des hommes libres et ne 78« reconnaissait
qu’un seul côté de leur parenté, celui du parent libre ».Par conséquent, ces
esclaves étaient bien traités et vite intégrés à la famille.
En somme, nous pouvons dire que l’existence du marché agropastoral de
Kotia Koffikro a été un cadre d’échange et un modèle de marché important avant
sa transformation en marché d’esclaves par Samory en 1894.
Néanmoins, ce marché a eu de l’essor à cause du système esclavagiste des
sociétés africaines engendré par un nouveau type d’échange commercial avec
l’Europe et les pays du golfe de Guinée. Ce qui nécessitait une main d’œuvre
importante ; d’où le recours aux esclaves commercialisés par Samory à Kotia
Koffikro. Enfin, ces esclaves, en plus d’augmenter la production des biens et
matériels et le prestige social de leur maitre, servaient à l’immolation rituelle et
contribuaient à la production biologique et sociale.
77 FABIO (V), 1999, op.cit, p67. 78 Idem, p72.
51
L’importance de ce marché, outre de contribuer au développement du
commerce interne, va propulser les Baoulé faafouê dans le commerce à longue
distance.
52
DEUXIÈME PARTIE :
L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DU
MARCHÉ D’ESCLAVES DE KOTIA KOFFIKRO
(1894-1898)
53
Cette deuxième partie est divisée également en deux chapitres. Le chapitre
premier traitera du commerce intérieur en mettant l’accent sur le commerce
immédiat et le commerce intercommunautaire. Il sera question aussi de préciser
les raisons de la participation des Faafouê au commerce à longue distance et
l’organisation des échanges. Quant au deuxième chapitre, il montrera les moyens
d’échanges utilisés dans les transactions à Kotia Koffikro, notamment, le système
de troc, la monnaie marchandise et les monnaies principales.
54
CHAPITRE TROISIÈME : L’ORGANISATION DU COMMERCE
D’ESCLAVES
Depuis le Moyen âge, l’économie de l’Afrique occidentale est dominée par
le commerce, notamment le commerce transsaharien et le commerce maritime.
L’abolition de la traite atlantique entraine l’avènement d’un commerce basé sur la
vente des produits naturels agricoles, animaux et artisanaux. Dans ce commerce,
les lagunaires étaient les intermédiaires entre les Européens et les peuples de
l’intérieur. Mais, avec la création du marché d’esclaves de Kotia Koffikro, les
Faafouê qui n’étaient pas à l’origine des commerçants vont se voir propulser au
centre des activités commerciales.
I- Le commerce intérieur
Dans le commerce intérieur, toutes les activités commerciales se
déroulaient à l’intérieur du territoire. Ce commerce a eu lieu entre les Faafouê. De
ce fait le commerce intérieur pouvait se percevoir à deux niveaux : le commerce
immédiat et le commerce intercommunautaire.
1. Le commerce immédiat
L’économie précoloniale était caractérisée par une économie agricole
d’autosubsistance.
Le commerce immédiat est l’activité commerciale qui se faisait sans
intermédiaire au niveau local. Dans ce commerce 79« c’était généralement les
soirs, à la descente des champs » que les produits étaient échangés pour leur
valeur d’usage.
En effet, ces échanges se limitaient à la tribu ; entité sociale et politique
organisée et dirigée par un chef qui est généralement un ancien, désigné selon
l’ordre de la succession. C’était donc un commerce entre Faafouê gossan basé sur
les produits contre produits. Dans ce commerce, les produits commercialisés
79 GBODJE (S.A), 2005, op.cit, p150.
55
étaient des produits agro- pastoraux (ignames, manioc, taro, riz, maïs, bananes,
piments, aubergines, gombo, moutons, chèvres et poulets), le vin de palme, le
pagne, la potasse, le savon, le tabac, et les objets de l’artisanat 80(assiettes,
paniers, corbeilles, vans, canaris). De ce fait, toute personne possédant des
marchandises ou voulant se procurer un produit pouvait prendre part aux échanges
dont il n’y avait aucune règle ou du moins « écartait toute notion de marché au
sens économique du terme. Aucun bénéfice n’était réalisé sur les
marchandises.»81 Les produits agricoles ou d’élevage sont échangés de façon
directe entre les membres de la tribu ou les membres du village. Le commerce
immédiat va évoluer pour donner naissance au commerce intercommunautaire.
2. Le commerce intercommunautaire
Ce commerce se déroulait dans l’anonymat. Les partenaires commerciaux
ne se voyaient pas. L’objet désiré par les voisins était à un endroit bien précis,
celui-ci arrivait, le prenait et laissait le sien. Ce commerce a été possible parce
qu’il reposait essentiellement sur la confiance mutuelle. Aussi, les négociants
devaient-ils être de bonnes moralités, habiles, honnêtes et discrets. En outre,
Michel Yao ajoute pour dire que « les lieux d’échange étaient constamment
surveillés par des jeunes mandatés par les commerçants et ces jeunes devaient
informer les associés commerciaux quant à la nature des objets proposés. »
Les distances n’étaient pas longues (c’était des pistes bien tracées qui
reliaient les différents sites villageois) des marchés ce qui faisaient que les
attaques des animaux étaient rares, ainsi que les voleurs. Ce commerce a eu
surtout de l’ampleur avec la création du marché de Gbêkêkro82, en 1858. Les
populations engagées dans ce commerce se connaissaient. Ce qui facilitait la
communication et les échanges. Les produits échangés étaient les mêmes que ceux
cités précédemment. Mais, à partir de 1894, avec la création du marché
80 YAO (K.M), 1988, p105. 81 Idem 82 Ibidem
56
d’esclaves de Samory, les Faafouê vont se lancer dans le commerce à longue
distance.
II- Le commerce extérieur
Le commerce s’intensifia dans le pays baoulé, surtout avec la création du
marché d’esclaves de Kotia Koffikro. Néanmoins, ce commerce va bénéficier de
l’apport considérable de plusieurs acteurs commerciaux.
1. Les raisons du commerce à longue distance
Après l’abolition de l’esclavage, l’or et les noix de cola semblaient être les
produits qui comptaient plus dans les échanges à l’intérieur de la Côte d’Ivoire.
Or, les populations du Baoulé-Nord ne produisaient aucune de ces matières,
contrairement à leur voisin Baoulé du Sud qui produisaient l’or en grande
quantité. Étant, des agriculteurs, les produits qu’ils cultivaient ne suscitaient
aucun intérêt pour les commerçants.
Mais, avec la création du marché d’esclaves de Kotia Koffikro en 1894,
les Faafouê qui étaient des agriculteurs, s’insèrent dans le commerce à longue
distance, sous l’impulsion des étrangers. On comprend, dès lors que le marché
d’esclaves de Kotia Koffikro, symbole de l’ouverture, était d’une valeur
inestimable pour les Faafouê.
En outre, ce sont les étrangers avec lesquels les Faafouê étaient en relation
commerciale qui vont les inciter à se lancer dans le commerce à longue distance.
Cependant, malgré l’importance de ce trafic, Samory n’assistait pas aux échanges
sur le marché. Les témoignages oraux de Kotia Koffikro l’attestent :
« Nos parents disent que Samory lui-même, ne venait jamais sur le
marché. Il y’avait une partie des sodjas qui restaient avec Kotia Koffi et Gnacou
N’guessan pour vendre les esclaves. Maintenant, les monnaies et les
marchandises obtenues lors de la vente étaient gardées par le chef Kotia Koffi,
57
qui remettait lui-même à Samory. Mais c’est Samory lui-même qui exécutait les
esclaves qui n’ont pas été acheté. »83
Selon KONAN Sam-Elysée, GNACOU N’guessan était celui :
« qui commandait à Koutchakro. C’est la même famille mais, il vivait à
Gnacoukro donc il ne pouvait pas être chef de Gnacoukro et d’ici en même temps.
Gnacoukro, c’est le site qu’occupe l’aviation, c’est devenu un quartier de
Gonfreville maintenant. Les décisions finales de Koutchakro appartenaient à
GNACOU, on ne prenait pas de décision sans lui. Il était l’interprète des fahali
devant les colons. C’est lui qui a donné le terrain où ils ont construit l’abattoir de
Bouaké».
Tous ces témoignages montrent bien que, même les responsables de Kotia
Koffikro prenaient une part active à la réussite de ce commerce.
A partir de cet instant, les Faafouê en particulier, et en général, le Baoulé-
Nord, s’ouvrent au mouvement commercial qui verra la participation des
populations venues d’ailleurs pour se procurer des esclaves.
2. Les acteurs commerciaux
La création du marché d’esclaves de Kotia Koffikro a vu la participation
de plusieurs acteurs commerciaux venant d’horizons divers selon, GBODJÉ
Alphonse84. Pour l’essentiel nous pouvons citer :
-Les peuples autochtones de la région de Bouaké qui furent les premiers
acquéreurs d’esclaves. Il s’agit, notamment des Baoulé et des Gouro. A eux,
s’ajoutent les populations du Baoulé-Sud,
-les Dioula qui descendent de Kong, Bondoukou, Bouna pour participer
directement ou indirectement au commerce d’esclaves du Baoulé-Nord,
-les chefs Agni de Bongouanou, d’Abengourou.
83 N’GUESSAN (K), entretien semi- directif à Kotia Koffikro, le 28 Août 2016. 84 GBODJE (S.A), 2010, op.cit, p56.
58
- Les peuples côtiers : Alladian, Odzukru, et Apollonien.
Nous ne passerons sous silence les actions des chefs Faafouê Kotia Koffi
et Kwa Gbêkê, et de Samory Touré. Le levier de l’organisation parfaite de ce
commerce d’esclaves à Kotia Koffikro fut Gnacou N’guessan, considéré
comme « le ministre du commerce du chef Kotia. »85
III- Les centres, les circuits et les produits commerciaux
L’étude des échanges commerciaux passe par la mise en relief des centres,
circuits et les produits qui servaient de transactions entre les négociants.
1. Les centres commerciaux en relation avec Kotia Kofikro
Compte tenu de l’importance des échanges commerciaux au XIXème,
plusieurs centres commerciaux entraient en contact avec Kotia Koffikro et
l’ensemble du Baoulé-Nord. Les localités de Kotia Koffikro, Tiébissou, Sakassou,
Kokumbo, Toumodi, Tiassalé, Marabadiassa et Satama entretenaient les relations
commerciales avec l’extérieur86.
Ce commerce se déroulait entre Kotia Koffikro et le centre commercial de
Kong, Bouna, Odienné, Bondoukou et les régions côtières comme Grand-Bassam,
Grand-Lahou, Assinie et Sassandra87. Le mouvement des commerçants reliaient
directement ou indirectement le village de Kotia Koffikro à plusieurs centres de
commerce pour l’achat ou la vente des produits.
85 Idem 86YAO (K.M), op.cit. , p112. 87 GBODJE (S.A), op.cit., p56.
59
2. Les circuits commerciaux
LES CENTRES COMMERCIAUX CONVERGEANT A KOTIA
KOFFIKRO (N°6)
Source : GBODJE S.A88. 2010 Conception : SOROGO Awa
Réalisation : OUATTARA A. 2016
88 GBODJÉ (S.A), 2010, op.cit, p58.
60
Plusieurs voies commerciales reliaient les autres centres commerciaux à
Kotia Koffikro. Parmi ces multiples circuits commerciaux, nous pouvons
citer quelques-uns à partir de l’ouvrage de GBODJÉ Alphonse89.
- La voie Occidentale, du Soudan(Mali), descend à Coulia en Côte d’Ivoire,
traverse les régions d’Odienné, Djibiosso, Kani, Mankono, Botro, Kotia Koffikro
(Bouaké), Toumodi et Tiassalé jusqu’aux pays côtiers, Grand-Lahou, Grand-
Bassam et Jacqueville.
-Les voies centrales qui partent de la Haute-Volta se ramifient sur le territoire
ivoirien, à partir de Ouangolodougou, traversent les localités de Korhogo,
Dikodougou, Tortya, Niakaramadougou, Fronan, Katiola, Kotia Koffikro,
Toumodi, Tiassalé et arrivent à la côte.
-La voie orientale qui part de la Haute-Volta, descend à Bouna et traverse les
régions de Bondoukou, Sandegué, Kotia Koffikro, Toumodi, Tiassalé, et arrive à
la côte.
En plus de ces trois principales voies, nous avons des pistes90 dont Kotia
Koffikro-Gbêkêklo-Sakassou-Gbêkêklo-Kouadio-koffi-Tiébissou-Trikassou-
Kokumbo-Toumodi-Tiassalé. C’est par ces différentes voies que viendront les
commerçants pour échanger leurs produits contre la marchandise humaine.
3. Les produits commerciaux
Le commerce à longue distance a bénéficié de plusieurs produits. Le
monde faafouê avait des produits commerciaux comme les esclaves, les produits
agricoles : ignames, manioc, taro, riz, maïs, bananes, piments, aubergines, gombo,
moutons, chèvres, poulets. Il y’avait aussi le vin de palme, le pagne baoulé, la
potasse, le savon, le tabac. Les produits de l’artisanat : panier, corbeilles, van,
canaris.
89 GBODJE (S.A), 2010, op.cit, p57. 90 YAO (K.M), 1988, op.cit., p112.
61
Des produits européens provenant de la côte: armes à feu, poudre, outils,
verroteries, alcools constituaient en outre les produits d’échanges. Enfin, les
soudanais venaient avec eux du fer et du sel du Nord.
Au total, nous pouvons dire que le commerce existait à Kotia Koffikro et
dans l’ensemble baoulé avant la création du marché d’esclaves dans cette localité.
Il s’agit du commerce immédiat et le commerce intercommunautaire qui
constituent le commerce interne du monde faafouê. Toutefois, c’est ce marché
dont le produit commercial prisé constituait l’esclave qui va propulser les
Faafoué au centre du commerce à longue distance avec les étrangers venus
d’ailleurs pour les échanges.
62
CHAPITRE QUATRIÈME : LA MONNAIE DANS LES TRANSACTIONS
A KOTIA KOFFIKRO DE 1893 A 1898
Le commerce entre Kotia Koffikro et les autres régions de la Côte d’Ivoire
a bénéficié de plusieurs et différents moyens d’échange. Cependant, malgré ces
multiples et spécifiques moyens d’échanges, nous allons, dans le cadre de notre
étude, les classifier en trois groupes, à savoir le système de troc, la marchandise-
monnaie et les monnaies principales.
I- Le système de troc et la marchandise monnaie
Dans cette partie, nous allons définir le troc, montrer ses conditions d’utilisation et
présenter les produits qui composent la marchandise-monnaie.
1. Le système de troc
Le troc est un système économique dans lequel, les marchandises
s’échangent contre d’autres marchandises, sans recours à la monnaie91. Aussi, le
Robert92 nous dit que le troc est un système économique primitif, excluant
l’emploi de la monnaie. De ces deux définitions, nous pouvons dire que le
système de troc est le mode de change le plus ancien et le plus utilisé par toutes
les sociétés, même les plus primitives pour acquérir les produits de leurs choix et
satisfaire ainsi leur besoin. Le système de troc qui est le symbole de l’économie
primitive consiste en un échange direct ou indirect de diverses marchandises entre
deux interlocuteurs.
Dans le système de troc, les échanges reposent sur deux éléments
fondamentaux : la valeur et la qualité du produit. A cela s’ajoute la fonction. C’est
ce que dit d’ailleurs le sociologue Werner93 : « Dans la mentalité économique
précapitaliste l’économie n’avait qu’un but ; la satisfaction des besoins, mais si
91Encyclopédie Microsoft Encarta, 2009.La partie historique. 92 Dictionnaire le Robert Dixel, 2011, Maury, Paris, p 1921. 93 WERNER (S), 1913, Le bourgeois, contributions à l’histoire morale et intellectuelle de
l’Homme économique moderne, Payot, n°89,342p.
63
l’objet doit être vendu, dans une économie fondée sur l’échange, qu’il soit au
moins digne de son créateur. »
En outre, le troc correspondait au commerce muet. Ce commerce ne
rencontrait pas de problème car les négociants étaient de bonne moralité, habiles,
honnêtes, par moment, se connaissaient presque tous, ce qui occasionne la
confiance entre les partenaires commerciaux. Néanmoins, selon Michel
Yao94, « les lieux d’échanges étaient constamment surveillés par des jeunes
mandatés par les commerçants et ces jeunes devaient informer les associés
commerciaux quant à la nature des objets proposés. »
Tous ces éléments qui entourent le système du troc ont facilité les
transactions. Mais à côté de ce système d’échange, existait une autre sorte de
monnaie, à savoir la monnaie marchandise.
2. La marchandise- monnaie
Ce sont des produits prestigieux par leur usage symbolique, dans la société
qui constituaient les moyens d’échange propre à chaque localité. Nous avons entre
autres : le bœuf, la noix de cola et le sel.
- Le bœuf
Le bœuf appartenait à la catégorie des produits de luxe, de prestige. Il
jouait dans les différentes sociétés, un rôle social, économique et religieux. En
effet, l’immolation d’un ou de plusieurs bœufs, lors des funérailles d’un chef de
lignage ou d’un riche traitant, était exigée. Il était offert en sacrifice pour conjurer
le mauvais sort. Mais, le bœuf était parfois complété par les moutons et les cabris.
Aussi, permettait-il de doter les femmes dans certaines sociétés95 (Kweni, Bété et
Neyo).
Mais, au-delà de toutes ces fonctions citées, le bœuf constituait un moyen
d’échange dans les transactions. Il servait de monnaie pour obtenir deux sortes de
94 YAO (K.M), op.cit., p26. 95 GBODJE (S.A), 2010, op.cit., p59.
64
biens prestigieux96 : d’une part, des biens manufacturés tels le fusil, la poudre à
canon, les tissus et d’autre part, des biens productifs tels les esclaves.
- Le cola
Les sociétés africaines surtout mandingues accordaient une importance
capitale à la noix de cola qui était un produit qui exerçait plusieurs rôles à la fois.
En outre, elle était parmi les éléments qui constituaient la dote en pays mandé et
était utilisée également pour les sacrifices. En plus, elle avait une fonction
médicinale ; c’était un puissant remède contre le sommeil et la soif.
Le cola était une marchandise monnaie qui provenait surtout de la région
de Daloa et des pays Dida97. En plus, un document de l’ANCI nous informe
que « Les noix de cola font d’échanges importants avec les Sénoufo et les Gouro
qui viennent les acheter contre les pagnes de leur pays et vont les vendre dans la
région de Sahara contre le sel en barre importé du Sahara par la voie du haut
Niger. » En tant que telle, elle pouvait payer des biens de subsistance comme le
sel, des biens de prestige comme les pagnes et surtout les esclaves.
- Le sel
Le sel avait plusieurs origines pendant la période précoloniale. Cependant,
deux types de sels étaient perçus sur le marché. Il s’agit du sel sahélien et du sel
marin. Dans le cadre de notre étude, le sel qui a servi de monnaie fut avant tout, le
sel produit sur la côte maritime. Il était placé dans la catégorie des produits de
luxe, réservés à l’aristocratie. Avec le sel, on pouvait acheter trois sortes de biens :
les produits agricoles, les produits artisanaux, comme le pagne et l’or au Baoulé et
enfin, il servait de monnaie pour l’achat d’esclaves. Un ndjwê-kru98 (1 panier de
sel en alladian) équivalait cinq (5) à 10 (dix) tas d’or au XIXème siècle.
96 Idem, p59. 97 Ibidem, p59. 98 GBODJE (S.A), 2010, op.cit., p60.
65
Un rapport de l’ANCI99 témoigne ce fait en ces termes, « les pagnes
baoulé qui ont plus de valeur se vendent ; un pagne contre trois(3) paniers de sel
à Tiassalé et contre cinq(5) paniers à Grand-Lahou. »
Par ailleurs, les habitants de Kotia Koffikro nous ont informé que le "kogondé"
également et les cauris avaient servi de moyens d’échange pour acquérir les
esclaves. N’GUESSAN Kouakou100 : « l’argent de maintenant-là n’existait pas en
ce moment. On achetait les esclaves avec les cauris, du kogondé et du corplor. »
Comprenons que le kogondé est le manioc découpé en petit morceau et séché.
Ainsi, avec un seau rempli de kogondé, on obtenait un esclave, seulement à Kotia
Koffikro.
La marchandise-monnaie qu’on appelle également la monnaie secondaire a
facilité les échanges commerciaux à Kotia Koffikro. Mais à côté de ces monnaies,
existaient d’autres plus importantes en valeur, notamment les monnaies
principales.
II- Les monnaies principales
Ce sont des monnaies qui sont utilisées lors des grandes transactions dans
les Baoulé-Nord et également employées dans d’autres régions de la Côte d’
Ivoire. Ce furent notamment, le sombè, la manille, l’or et le fusil.
1. Le sombè et la manille
- Le sombè
Le sombè est un produit des pays de la savane du Nord et du Soudan. C’est
une pièce en fer101 en forme de tige ( de vingt-quatre centimètres) qui sert de
matières premières transformables aux forgerons gouro et aux forgerons
occasionnels baoulé pour la fabrication des outils agricoles et de chasse tels que la
houe, la hache, la machette, la flèche ou la sagaie.
99ANCI, 1EE 29(1), Cercle du baoulé, rapport d’ensemble 1893, 1902, 1905. 100N’GUESSAN (K), entretien semi- directif à Kotia Koffikro, le 28 Août 2016. 101 GBODJE (S.A), 2005, op.cit., p180.
66
Le sombè serait la monnaie du pays gouro qui était en relation
commerciale avec le Baoulé. Les Baoulé donnaient aux Gouro, des fusils, des
barils de poudres venant de la côte et recevaient en retour de la part des Gouro,
des ivoires, des pagnes et des sombè en faible quantité. En effet, les populations
utilisaient les barres de fer pour la confection des outils ; d’où les difficultés de sa
circulation. Cette monnaie a servi à acheter des esclaves à Kotia Koffikro.
- La manille
La manille, est un alliage de cuivre et d’étain, en forme de fer à cheval, de
130g environ102, serait d’origine européenne. La manille servait à acheter toutes
les marchandises quelles que soient leurs origines. En plus de ces monnaies,
d’autres produits de luxe ont servi de moyens d’échange dans les transactions à
Kotia Koffikro. Il s’agit de l’or et des fusils.
2. L’or et les fusils
-l’or
L’or est un métal précieux, de couleur jaune brillant. Il est utilisé en
bijouterie, en orfèvrerie. Les orfèvres transformaient le métal précieux en
représentant les éléments de la nature : animaux, oiseaux et végétaux. En Côte
d’Ivoire, les Baoulé et les Apolloniens dominaient et contrôlaient le négoce de ce
produit.
Ce métal précieux confère à celui qui le possède, un statut
social particulier; celui des riches et puissants hommes de la société. Néanmoins,
cet objet sacré et de prestige n’était pas produit dans le Baoulé-Nord, mais plutôt,
dans la région du Baoulé-Sud qui est une zone aurifère. La poudre d’or était
utilisée comme monnaie surtout chez les peuples du Sud-Est et du Baoulé-Sud.
102GBODJE (S.A), 2005, Op.cit., p181.
67
L’utilisation de l’or pour l’achat des esclaves de Kotia Koffikro ne fait pas
l’unanimité103, selon la tradition orale104.
Néanmoins, il a servi de moyens d’échange pour des marchandises venant
de la côte ou du Baoulé-Sud. La poudre d’or était la monnaie universelle, car elle
avait cours dans toutes les régions. Elle est encore utilisée aujourd’hui comme
valeur de référence dans les transactions monétaires.
-Le fusil
Les armes à feu sont introduites sur la côte par les Anglais105, mais les
Hollandais furent à l’origine de ce produit dans le Golfe de Guinée. Le fusil
participait à la défense du territoire et à l’amélioration des activités de chasse. Il
était très demandé par les Baoulé pour consolider leur État et par les Gouro qui
étaient de grands chasseurs. Aussi, la poudre à canon était-elle un produit
stratégique apprécié par les populations pour assurer leur défense et leur sécurité.
Le fusil, était aussi, un moyen d’échange, permettant d’acquérir seulement
certains biens comme le bétail (caprins, ovins, et bovins), pagne de prix et des
esclaves. L’ANCI106, confirme ce fait, en ces termes « les esclaves vendus par
Samory furent achetés par les Allandian et les Adioukrou (…) la marchandise
d’échange était les fusils à pierre et la poudre de traite. » Par ailleurs, le long
fusil équivalait à une esclave et le moins long à un esclave à Kotia Koffikro107.
Les sociétés ivoiriennes précoloniales connaissaient l’usage de la monnaie.
Dans les transactions qui ont lieu à Kotia Koffikro, plusieurs sortes de moyens
d’échanges ont été utilisées. Il s’agit du système de troc, de la marchandise-
103 M Aka Kofi de Kouassiblékro, soutient que l’or était utilisé dans l’achat des esclaves à Kotia
Kofikro, tandis que N’da Kouadio de Kotia Kofikro affirme que l’or n’entrait pas dans l’achat
des esclaves de son village. 104.GBODJE (S.A), op,cit, p61. 105DIABATE (D.H), Mémorial de la Côte d’Ivoire, 1987, volume I, deuxième édition, Ami
d’Abidjan, p270. 106ANCI, 2EE 14(4), Affaire politique, rôle de la pacification au point de vue anti-esclavagiste,
réponses de cercle, 1913. 107GBODJE (S.A), 2010, op.cit., p61.
68
monnaie (bœuf, cola et sel) et des monnaies principales (sombè, manille, fusil et
l’or).
Mais, la présence des colonisateurs dans le Baoulé à cette époque, y a
facilité l’introduction du Francs français. J.P CHAUVEAU, nous dit ainsi
que « Le prix de captifs en Francs de l’époque, varie de 60f à Bouaké à 150f en
forêt. » Néanmoins, malgré, la présence de cette monnaie, la population de Kotia
Koffikro soutient que ce sont les commerçants de l’extérieur qui l’utilisaient dans
les transactions. Et cette monnaie était appelée « corplor108 » en baoulé.
Toutes ces monnaies ont facilité les transactions tant à l’intérieur qu’à
l’extérieur. Toutefois, dans le commerce immédiat et intercommunautaire, le troc
était le moyen d’échanges privilégié à côté de la marchandise-monnaie.
L’avènement du marché d’esclaves de Kotia Koffikro, dont l’esclave demeurait le
produit le plus prestigieux sur le marché, entraina les Faafouê dans une autre
dimension commerciale ; le commerce à longue distance avec l’utilisation des
monnaies plus précieuses telles que la manille, le fusil et l’or. La convertibilité de
certaines monnaies locales et l’introduction du franc à la fin du siècle étudié
avaient facilité les échanges commerciaux entre Kotia Koffikro et les autres
régions de la Côte d’Ivoire.
Le développement des échanges entraina la déportation des esclaves vers
les zones d’activité orientées sur le marché et provoqua ainsi d’importants
bouleversements dans leurs zones de provenance et d’accueil.
108 N’GUESSAN (K), entretien semi-directif à Kotia Koffikro, le 28 Août 2016.
69
TROISIÈME PARTIE :
LES EFFETS DU COMMERCE D’ESCLAVES
(1898-1906)
70
Le marché d’esclaves de Kotia Koffikro, né sous la responsabilité de
Samory Touré et du chef Kotia de Kotia Koffikro a vu son essor grâce à
l’engouement des populations baoulé et des populations venues des autres régions
de la Côte d’Ivoire pour s’acquérir des esclaves. Cependant, ce commerce dont
l’être humain constitue la marchandise ne sera pas sans répercussions sur les
sociétés ayant participé à ces échanges et sur les zones de provenance des victimes
de l’esclavage.
Cette dernière partie de notre travail, s’articulera autour de deux chapitres
pour aborder l’impact du commerce d’esclaves. Le chapitre premier présentera les
conséquences économiques de la vente d’esclaves. Quant au dernier chapitre, il
sera question des répercussions démographiques et sociales de la vente
d’esclaves.
71
CHAPITRE CINQUIÈME : LES TRANFORMATIONS ÉCONOMIQUES
DE LA VENTE D’ESCLAVES
Tout comme la traite atlantique, la traite interne a entrainé de nombreuses
mutations économiques sur l’Afrique en général et en particulier sur les sociétés
ivoiriennes. Ces dires se corroborent, d’une part, à travers la prospérité
économique de Kotia Koffikro et l’ensemble du pays baoulé et de l’autre part, les
répercussions économiques sur les zones de provenance et d’accueil des esclaves.
I- Les impacts économiques sur Kotia Koffikro et le pays baoulé
Ces conséquences économiques se traduiront, d’un côté, par la croissance
économique et la prééminence de Kotia Koffikro dans les échanges commerciaux
et de l’autre, par l’essor économique de l’ensemble du pays Baoulé.
1. L’essor économique de Kotia Koffikro et sa suprématie dans le monde
faafouê
Kotia Koffikro ayant bénéficié de l’installation du marché d’esclaves de
Samory Touré, recueillera les retombées de ce commerce. En effet, les captifs de
Samory sont d’abord achetés par les chefs autochtones de Bouaké, notamment le
chef Kotia Koffi dudit village et le chef Koua Gbêkê de Gbêkêkro. Une fois ces
esclaves achetés, les chefs les faisaient travailler dans les champs de maïs, manioc
et d’igname qui rentraient dans le grenier du chef du village. En plus, ils
entretenaient les animaux domestiques (bœufs, moutons, cabris, porcs, poulets,
pintades)109 de leurs maitres et accomplissaient certaines tâches ménagères.
Les esclaves deviennent une force productrice dont ne pouvaient se passer
les chefs et les habitants de Kotia Koffikro. Car, selon Fabio Viti110, tous ceux,
hommes ou femmes, qui en avaient les moyens pouvaient acquérir un ou plusieurs
esclaves, indépendamment de leur statut personnel. De ce fait, par leurs différents
travaux, le village était fourni en produits vivriers et d’élevage.
109GBODJE (S.A), 2010, op.cit, p63. 110FABIO (V), op.cit, p56.
72
Un autre aspect était que les Faafouê de Kotia Koffikro tiraient profits.
Ils pouvaient acheter les esclaves en premier lieu chez Samory puis les revendre
aux étrangers venus s’en acquérir. Les Baoulé faafouê ont, en plus des produits
qu’ils détenaient, l’introduction de nouveaux produits prestigieux (or, fusil, sel)
qu’ils ont obtenus à l’issu des échanges commerciaux. La croissance économique
de Kotia Koffikro et surtout la présence de Samory Touré et les chefs des autres
régions confèrent un autre statut à Kotia Koffi, et par conséquent, à Kotia
Koffikro.
Le prestige du chef Kotia Koffi outre des biens matériels acquis par la
présence des esclaves, sera rehaussé au plan politique. En effet, le pacte de paix
signé entre Samory et Kotia Koffi va lui attribuer un certain pouvoir devant les
autres chefs qui craignaient le redoutable guerrier manding. A ce fait, s’ajoutent le
pouvoir des différents chefs Agni, Malinké, lagunaires et celui des colonisateurs
Français111 avec lesquels il collabore. Ainsi, Kotia Koffi était craint par les chefs
faafouê et même au-delà, car il avait la force militaire, économique et soutenu par
les hommes influents et constituait le seul interlocuteur de Samory. Inconnu parce
que n’ayant pas de produits attrayants, Kotia Koffikro, va sortir de son ombre et
devenir un village puissant grâce à son marché d’esclaves. Toutefois, les bénéfices
du commerce d’esclaves ne se limitent pas seulement à Kotia Koffikro et au
Baoulé Nord.
2. La croissance économique dans l’ensemble du pays baoulé
Certes, le Baoulé- Nord a été le territoire qui a d’abord bénéficié des gains
du commerce d’esclaves, néanmoins le Baoulé Sud qui était déjà propulsé au
centre du commerce avec les lagunaires va s’enrichir d’avantage avec
l’avènement des esclaves.
En effet, le Baoulé Sud est une zone riche en or. Mais l’extraction de ce
métal précieux nécessitait une force physique conséquente. Dès lors, le commerce
d’esclaves de Kotia Koffikro apparait pour eux comme une bonne occasion
111GBODJE (S.A), 2010, op.cit., p63.
73
indiscutable. Comme le dit d’ailleurs l’ANCI112, « Selon, les maitres les captifs ne
coutent que presque rien mais rapportent beaucoup ». Par conséquent, les rois et
les habitants de cet espace ne manqueront pas à Kotia Koffikro pour se ravitailler.
Abordant la question des mines, « les rois seuls en sont les maitres et y font
travailler leurs esclaves »113 son caractère pénible et périlleux fait que son
extraction est réservée aux esclaves. Le transport des marchandises est aussi
assuré avant tout par les esclaves. On assiste à la création d’autres marchés de
captifs par des non Faafouê, sous l’influence de Kotia Koffikro ; Kouadiokro dans
le Satiklan114. Les esclaves achetés étaient revendus aux courtiers lagunaires avec
lesquels ils étaient en relations commerciales. Cependant, les zones de provenance
et les autres zones d’accueil des esclaves ne sont pas restées en marge des faits
suscités par le commerce d’esclaves.
II- Les effets économiques sur les zones de provenance et d’accueil des
esclaves
Nous l’avons évoqué précédemment, les répercussions du commerce
d’esclaves n’ont pas été que bénéfiques pour l’ensemble des populations
ivoiriennes.
1. Etouffement de l’économie des zones d’émanation d’esclaves
Les opérations miliaires de razzia initiées par Samory et ses sofas ont
dévasté les localités situées au Nord du pays baoulé et même au-delà de ses
régions.
En effet, « le vaste territoire compris entre Ferkessédougou, Katiola et
Dabakala fut presque entièrement vidé de ses habitants par Samory et réduit à
l’état de terres brulées. »115 En plus de ces localités, les Dyoula de Kong, les
112 ANCI, 2EE 14(1/2), Rapport au sujet d’esclavage domestique, 1908. 113 DIABATE (D.H) 1988, op.cit, p272. 114YAO (K.M), 1988, op.cit, 185p. 115 GBODJE (S.A), 2010, op.cit., 65.
74
Abron et même des Wan ont été capturés. On comprend dès lors, qu’un grand
espace géographique en Côte d’ Ivoire constituait les zones de ravitaillement en
esclaves de Samory Touré.
Ainsi, il est clair que ces secteurs furent plongés dans la pauvreté. Car,
« Les jeunes gens (esclaves) étaient préférés aux adultes, » selon Fabio Viti.116
L’on doit comprendre, en outre, que, la migration forcée de ces jeunes gens va
perturber l’agriculture qui constituait, à l’époque, le socle de l’économie. On va,
par conséquent, assister au manque de produits alimentaires dû à la capture des
bras valides. Dorénavant, il est impossible de produire et d’accumuler. Tous ces
faits vont entrainer les mortalités infantiles dues aux conditions de vie précaires.
Si les enfants qui doivent assurer la continuité économique meurent, les femmes
en mesure de procréer sont capturées, les adultes restant vont en quête de lieux de
refuge, c’est évident qu’on ne parle plus d’économie mais plutôt de quête de
sécurité, gage d’une production économique. Il faut reconnaitre, néanmoins, que
certaines régions, notamment, celles qui cultivent les produits orientés sur le
marché européen vont bénéficier de l’apport des esclaves.
2. La prospérité économique des autres zones d’accueil
La présence des captifs de Samory a été plus que nécessaire dans les
zones produisant les matières premières agricoles destinées à l’Europe. Il s’agit
des zones côtières et des régions de l’Est, comme Bongouanou, Abengourou et
Bondoukou.
Dans notre étude, la zone côtière regroupe en particulier les peuples de la
région côtière qui ont eu des relations commerciales avec les Baoulé. Il s’agit des
Essouma, des Allandian, des N’Zima et des Avikam. Au XIXème siècle, suite à
l’abolition de l’esclavage, l’Europe se lance à la quête des matières premières.
Parmi les produits convoités par l’Europe, figure l’huile de palme dont les
lagunaires sont les plus grands producteurs. Cependant, ces populations ne
pouvaient pas assurer seules la production et la commercialisation de ce produit
116 FABIO (V), op.cit., p63.
75
qui demandait assez d’effort ; d’où le recours aux esclaves. Les travaux de ces
esclaves vont augmenter les richesses et les prestiges de ces sociétés.
Concernant les peuples de l’Est, il faut dire que le café fut introduit en
Côte d’Ivoire en 1885 et le cacao en 1895. Ces matières sont produites en grande
quantité, surtout à Abengourou. C’est alors que les chefs agni de l’Indénié
venaient jusqu’ à Kotia Koffikro pour acheter des esclaves. Ces esclaves
produisaient le cacao en grande quantité qui était commercialisé par les maîtres
pour leur propre compte.
Retenons pour dire que l’avènement des esclaves a été d’un apport
inestimable pour Kotia Koffikro, l’ensemble du pays baoulé et les régions
orientées vers le commerce de traite, notamment les peuples côtiers et certains
peuples de l’Est. En outre l’obtention des esclaves n’a pas été bénéfique qu’au
plan économique, mais aussi et surtout au niveau démographique.
76
CHAPITRE SIXIÈME : REPERCUSSIONS DÉMOGRAPHIQUES ET
SOCIALES DE LA VENTE D’ESCLAVES
Les impacts de l’avènement du commerce d’esclaves sont multiples et
divers. Cependant, dans cette partie de l’étude, nous nous attèlerons à présenter
les effets démographiques de ce commerce sur les zones d’accueil et de
provenance des esclaves. Mais aussi, les répercussions sociales de cette activité.
I- Impact démographique sur les localités d’accueil et de provenance des
esclaves
Le peuplement des zones d’accueil et de provenance des esclaves vont
subir une mutation avec l’arrivée ou le départ des captifs de Samory.
1. Augmentation du nombre d’habitants dans le Baoulé Nord et Sud
Le commerce d’esclaves à Kotia Koffikro a été plus bénéfique au plan
économique et démographique au Baoulé. En effet, les populations baoulé étaient
les intermédiaires directes des sofas de Samory et plus proches des localités
ravagées par Samory. Par conséquent, ils sont les premiers acquéreurs et
pouvaient revendre les captifs qu’ils possédaient pour en acheter d’autres. Les
captifs achetés étaient intégrés à la famille et augmentaient ainsi la production
économique et contribuaient à la production biologique et sociale.
En plus de ce fait, les habitants du Nord qui fuyaient les sofas de Samory
pour échapper au massacre se réfugiaient dans la région du Baoulé : « Ces
malheureux, hommes, femmes et enfants envahissent le baoulé et se réfugient dans
de différents villages. Mais ils étaient captifs. »117 Pour dire que la plupart des
captifs sont restés dans le baoulé et ils n’ont vendu que ce qu’ils souhaitaient.
Plusieurs écrits mentionnent l’existence d’un nombre considérable d’esclaves
dans le baoulé. Tel est le cas du capitaine Lambert qui mentionne dans l’ANCI
que « Sakassou ne comprend que Kouamé Die, ses quatre enfants dont deux en
117ANCI, 2EE 14(1/2), Rapport au sujet d’esclavage domestique, 1908.
77
bas âge, ses femmes et environs 400 captifs. »118 Même si les propos du capitaine
sont exagérés (il n’existe qu’une seule famille à Sakassou) on comprend
néanmoins que c’était une localité qui regorgeait assez d’esclaves.
En fait, il est difficile aujourd’hui de faire la part entre un esclave et un
homme libre. Car, ces esclaves ont réussi à s’intégrer et donner un nouveau
brassage au peuple baoulé. Ce qui fait de la région baoulé, une des régions les
plus peuplées de la Côte d’Ivoire. Ce qu’affirme N’GUESSAN Kouakou, porte-
parole de Kotia Koffikro : « Ce n’est pas nous seulement, toutes les familles qui
étaient à Bouaké au temps de Samory ont des descendants d’esclaves.
Aujourd’hui, ils sont devenus des hauts cadres du pays. »119 Tidjane DRAMÉ
ajoute pour dire :
« Mon papa avait des esclaves, mais ils n’ont pas été acheté dans le
village dont tu parles, ils étaient venus demander la protection chez mon père.
Non, ce sont des Tagbana, ils sont devenus des musulmans. Depuis lors, mon
père, de son vivant n’a jamais parlé de leur origine et moi non plus. Leur mariage
a été fait avec les gens de la famille et personne ne sait qui est esclaves ici à part
moi. Si Dieu le veut, ils ne le sauront jamais.120 »
Ainsi, « la race baoulé à l’état pur n’existe que de nom, car le brassage
qui s’est opéré eut un impact sur la configuration du peuple Baoulé. »121 En plus
de ces témoignages, la présence du quartier Liberté à Bouaké fut à l’origine de la
libération des esclaves de Samory. COULIBALY Souleymane de Liberté122 nous
apprend qu’il :
« y a un quartier nommé Djiminisso, là où vivent les Djimini à Didiévi.
Mais j’étais choqué, des Djimini qui s’appelle Koffi, Kouadio, ils se sont mariés
avec des Baoulé. Ces Djimini ne parlent plus leur langue maternelle, mais plutôt
118ANCI, 1EE 28(1), 1896, LASNET, Mission du Baoulé, notes sur le Baoulé. 119 N’GUESSAN (K), entretien semi-directif à Kotia Koffikro, le 28 Août 2016. 120 DRAMÉ (T), entretien semi-directif à Dar-Es-Salam, le 18 Aout 2016.
121KOUAME (N.B), op.cit. p115. 122 COULIBALY (S), entretien semi-directif, le 17 Août 2016.
78
le baoulé. Mais les balafres qui sont sur leurs visages, surtout chez les femmes,
indiquent bien qu’elles ne sont pas Baoulé. Certains ont cherché à retrouver leurs
origines mais beaucoup sont restés où ils ont été amenés ».
Cependant, Les Baoulé n’ont pas été les seuls acquéreurs d’esclaves, certains
esclaves ont été transportés vers l’Est et les zones côtière de la Côte d’Ivoire.
2. Augmentation de la population de la zone côtière et de l’Est
Comme nous l’avons mentionné plus haut, les populations de la zone
côtière ont eu recours aux esclaves pour la production et la vente d’huile de
palme. Alors les lagunaires descendaient jusqu’à Tiassalé où les esclaves vendus
au marché de Kotia Koffikro, leur étaient revendus par les Baoulé du Sud en
échange de sel, d’armes à feu, de munitions et autres pacotilles européennes. Ces
captifs étaient intégrés dans les grandes familles alladjan disposant de grandes
plantations de palmier à huile. Les populations de l’Est, notamment les zones dans
lesquelles il y avait l’introduction des nouvelles cultures commerciales : le café et
le cacao ont aussi acheté les esclaves pour l’entretien des travaux champêtres et
sont ainsi intégrés à la famille d’accueil.
Si l’ensemble du monde baoulé, les zones côtières et les régions de l’Est
ont bénéficié de la présence des captifs pour accroitre leurs populations, ce ne fut
pas le cas malheureusement des zones de provenance d’esclaves.
3. Dépeuplement de la région située au Nord du Baoulé
Sans négliger qu’il y’avait parmi les captifs de Samory des Abrons et des
Wan, nous voulons ici porter notre attention sur les zones de provenance situées
au Nord du Baoulé qui ont eu un dépeuplement très avancé suite au ravage de
Samory. Il s’agit des pays djimini, tagbana, sénoufo et dioula qui sont des
localités de Katiola, Mankono, Séguéla, Kani et Dabakala123. Ces régions ont subi
les assauts répétés de Samory et ses sofas, n’ayant pas d’autres issues face à cette
situation ; ceux qui ont pu s’échapper, se déplacent pour un lieu plus sécurisé.
123 GBODJE (S.A), 2010, op.cit. p63.
79
Si les femmes en mesure de procréer sont capturées, les adultes restant
vont en quête de lieu de refuge, c’est évident qu’on ne parle plus ni d’économie,
ni reproduction mais plutôt de quête de sécurité. On comprend que ces territoires
seront évidemment vides d’hommes, car les habitants capturés ne se remplacent
plus et la situation n’encourage pas la reproduction humaine. Selon Kouamé
Bernard, « ces régions n’ont jamais surmonté cette saignée démographique. Elles
sont demeurées sous peuplées avec des espaces vides »124 N’GUESSAN
Kouakou confirme ce fait en ces termes :
« Mais mes parents m’ont dit que de la Guinée il est venu à Dabakala et
de là, ces sofas le précèdent et détruisent tout sur leur passage. Samory passe en
dernier lieu pour vérifier le travail fait. Quand, il arrivait dans un village, qu’il
trouve des enfants, il les ramassent pour les mettre dans une chambre et y met le
feu. Les toitures étaient en paille et brûlaient vite. Quand on lui demande, il dit
qu’il grille de l’arachide. »125
On comprend, la torture et le désastre qu’on subit ces populations à cause
de Samory.
Toutefois, nous n’avons pas pu avoir les données quantitatives concernant
le nombre d’esclaves capturés par Samory. Mais on sait que ce commerce a duré
pendant cinq ans, et que selon Roger Botte, on estime à cinq cent mille (500.000)
le nombre d’esclaves vendus par Samory vers 1900, pour toute la Côte d’Ivoire
dont Kotia Kofikro constituait le plus grand marché.
Même si le commerce d’esclaves a été bénéfique à un grand nombre de
personnes, il n’a été que tristesse et désolation pour les zones de provenance des
esclaves et pour les esclaves eux-mêmes.
124 KOUAME (N.B), op. cit, p115. 125 N’GUESSAN (K), entretien semi-directif à Kotia Koffikro, le 28 Août 2016.
80
II- Les répercussions sociales du commerce d’esclaves
L’incidence de la vente d’esclaves a été moralement un choc pour la
population. De ce fait, la capture de Samory en 1898 et la destruction du marché
d’esclaves seront un soulagement pour bon nombre de personnes. C’est cet état de
fait qui va amener les esclaves à s’allier aux colonisateurs français et ceux-ci vont
les libérer de leur condition servile.
1. Le traumatisme général
L’esclavage débute par la capture qui du moins n’est pas une prise
facile. Car pour l’individu, il faille qu’il se défende avant d’être transformé en
esclave. Alors, va s’en suivre quelque fois une lutte entre le captif et celui qui
capture et qui se solde souvent par la mort du captif. Par peur d’être capturées, des
personnes désertaient leurs villages et campements pour se réfugier dans la
brousse malgré la faim et la présence des bêtes sauvages. Ils préféraient cela au
lieu d’être vendus, loin de leurs terres ancestrales.
Avec les Sofas de Samory, les familles assistent avec impuissance à la
capture de leurs enfants qui sont dépersonnalisés avec la corde au cou jusqu’à ce
qu’ils soient achetés. Ainsi, après son achat par son maitre, celui-ci continu son
aliénation avec des travaux pénibles. C’est cet état de fait que déplore Fabio Viti
en ces termes :
« Derrière l’esclavage il y a donc une perte de valeur, un gaspillage.
L’être humain réduit en esclavage a toujours une valeur moindre que celle d’un
homme libre, c’est à dire que l’homme libre que lui-même a été, le commerce
humain détruit ce qu’il échange. »126
Plusieurs réactions de la population expliquent ce manque de
considération. Comme nous l’avons mentionné plus haut, certains individus ayant
échappé aux sofas de Samory sont venus chercher refuge dans le Baoulé. Mais
ces deniers, en échange de leurs services, les transforment en esclaves. Ainsi, les
126FABIO (V), 1999, op.cit, p64.
81
chefs et les habitants de certaines localités n’avaient pas de considération pour ces
victimes de razzia. Car ils les considéraient comme des marchandises pouvant leur
procurer des biens prestigieux. Des textes de l’ANCI confirment nos propos en
ces termes : « pour s’approvisionner de poudre, les chefs vendent même leurs
précieux captifs pour des barils de poudre ».127
En outre, l’aspect qui provoque plus un choc moral chez les esclaves et
leurs familles est l’immolation rituelle. En effet, l’enterrement d’un roi ou d’un
chef devait toujours être accompagné d’un sacrifice humain d’un esclave. Dès
lors, la mort d’un chef entraine le stress des esclaves et la peur car le choix peut
être porté sur n’importe quels esclaves : « La mort d’un captif est le signal de la
fuite de beaucoup d’autres. Un captif tué ne se remplace plus ».128
Les maitres n’hésitaient pas à faire des sacrifices humains et immolaient
des captifs dans des conditions diverses. Finalement, c’est une souffrance tant
pour les captifs et leurs parents qui ignorent l’endroit où sont acheminés leurs
enfants ni leurs conditions de vie. Les habitants de Liberté eux-mêmes étant des
descendants d’esclaves affirment ce fait :
« Sincèrement dit avec toute ma curiosité et même mes recherches, jusqu’à
présent je ne sais pas pourquoi Samory faisait la guerre. Il a traumatisé les gens,
certains même sont perdus à jamais. Nous qui sommes restés ici, avons formé une
famille. On m’a dit qu’il y a plein de djimini qui se trouve à Didiévi à cause de
Samory. » 129
La capture de Samory fut une libération pour ses habitants.
2. La capture de Samory et le déclin du marché d’esclaves
Après l’échec de plusieurs expéditions françaises, le pays baoulé connut la
paix entre 1895 et 1898 ; période qui marque d’ailleurs, l’apogée du commerce
d’esclaves de Kotia Koffikro. Mais, en 1898, les Français, qui pendant longtemps,
127ANCI, 1EE 29(2), extrait du registre d’écrou. Situation politique, secteur de Bouaké. 128ANCI, 1EE 34(1/3), Rapport de tournée, Septembre 1912, Novembre 1914. 129 COULIBALY (S), entretien semi-directif à Liberté, le 17 Août 2016.
82
étaient à la poursuite de Samory, s’y établissent pour combattre son hégémonie et
réaliser leur projet ; c’est-à-dire faire la jonction Soudan-golfe de Guinée130.
Ainsi, les Français, dans leur marche contre Samory font face à la riposte des
Baoulé dont Samory constitue leur allié. Les Français étaient obligés de se replier
sur les postes de Tiassalé et Kodiokofi131. En effet, le commerce d’esclaves était
une source de richesses pour les Baoulé. Par conséquent, pour que ce commerce
perdure, il faudrait que le pourvoyeur d’esclaves soit en vie.
Toutefois, la ténacité des colonisateurs Français finit par l’emporter sur
Samory. N’ayant plus d’issue, le vieux résistant s’enfuit pour se réfugier dans le
Koro où son intention était de gagner le Liberia. Malgré cet effort déployé, il fut
capturé le 29 Septembre 1898 par le commandant GOURAUD accompagné de
son armée132. Le 02 Juin 1900, le certificat du médecin militaire Bireau
mentionnait à l’État civil de Ndjolé (Gabon) : « Samory, déporté politique du
Soudan, ex almamy du Ouassoulou, âgé de soixante ans environ(…) décédé le 2
juin 1900 à quatre heures trois quart du soir, suite d’une broncho-
pneumonie. »133 Ce sont ces mots qui annoncent la fin du redoutable guerrier vu
parfois comme un tyran et tantôt comme un héros de la résistance coloniale.
Après avoir capturé le redoutable guerrier manding, les Français
décidèrent d’occuper le baoulé et installe un poste militaire permanent à Bouaké,
la même année. « Ils commencèrent également à libérer les esclaves, puis
capturèrent et exécutèrent Kotia Koffi, parce qu’il avait fomenté des sentiments
anti français dans la région baoulé134 ». Mais, l’article d’Alphonse Sékré
mentionne un autre fait tiré des ANCI135 . En effet, selon ces informations, « la
libération des esclaves dudit marché a été négociée par le Capitaine Benoit et le
130 CHAUVEAU (J-P), 1987, La colonisation : rupture ou parenthèse ?, L’Harmattan, Paris, 122
p. 131 Idem 132 BOAHEN ( A) et al, 1987, Histoire générale de l’Afrique, l’Afrique sous Domination
coloniale1880-1935, tome VII, UNESCO, Paris, p152. 133PERSON (Y), 1975, Samori, une révolution dyula, Dakar, IFAN, Tome III, N°89,114p. 134 Idem 135 ANCI/1EE 381/87, Colonie de Côte d’Ivoire, Région ou cercle du Baoulé-Nord, circonscription
de Kodiokofi, décembre 1908.
83
Lieutenant Pruneau avec le chef Kotia Koffi le 23 octobre 1898 ». Nous pensons
que, la destruction du marché d’esclaves s’est faite sous contrainte, puisque
Samory, l’allié des Baoulé n’étant plus ainsi que le Roi Gbêkê (il meurt en 1897)
qui était déjà mort, les Français avaient la force d’affronter les Baoulé. Alors,
qu’ils veuillent ou non, le marché tirait à sa fin sans Samory. N’GUESSAN
Kouakou dit d’ailleurs que « C’est Samory qui envoyait la marchandise et s’il
n’est plus là, on parle plus de commerce d’esclaves. »136 Aussi, l’exécution de
Kotia Koffi dans la même année par les Français, montre que Kotia Koffi ne
s’était pas rallié aux Français. La perte de ces grands hommes et la création du
poste militaire va permettre aux Français de s’imposer dans le Baoulé qui sera
pacifié en 1911. Mais qu’advenaient-ils des esclaves libérés ?
3. L’alliance entre les esclaves et les colonisateurs français
La maltraitance qu’ont subie les esclaves et les peuples situés au Nord du
Baoulé vont faire d’eux un allié des colonisateurs français. En effet, les Baoulé et
les peuples vivant dans le baoulé menaient une lutte farouche contre l’installation
française. Mais, dans l’ensemble de la région, les souhaits n’étaient pas partagés.
Car, en réalité, chaque groupe luttait pour sa liberté.
D’un côté, les Baoulé voyaient les Européens comme des personnes
venues les priver de leur liberté et piller leurs richesses. De l’autre côté, les
peuples situés au Nord qui ont subi les exactions de Samory, voyaient la présence
des Français comme une chance ultime pour être délivrés de leur condition
servile. Ainsi, on avait deux camps qui aspiraient à la liberté. Les Africains dans
l’ensemble voulaient se délivrer du joug colonial. Cependant, les populations qui
ont subi les conséquences de la traite humaine orchestrée par leurs frères voyaient
dans l’action des Européens leur libération et leur sécurité. C’est à juste titre que
136 N’GUESSAN (K), entretien semi-directif à Kotia Koffikro, le 28 Août 2016.
84
COULIBALY Souleymane de Liberté disait que « Tu sais, on accuse les Blancs
pour rien, Blanc n’a jamais emmerdé quelqu’un137 »
On comprend alors que, les peuples du Nord malmenés par Samory avec
l’aide de leurs voisins, n’opposèrent pas de résistance à l’établissement du pouvoir
colonial. L’ANCI, confirme ce fait : « la situation de la Côte d’Ivoire était telle
en 1900 que seules les populations soudanaises étaient soumises du fait de les
avoir délivré du joug de Samory. » 138 Ainsi, les esclaves étaient devenus les
informateurs des colonisateurs français. Le porte-parole de Kotia Koffikro
confirme notre reflexion en ces termes « Ce sont les Tagbana qui étaient la
bas(Liberté). Après, sont venus les Djoula. Latroman était leur chef, c’est lui qui
était l’espion des Blancs139 »
Par conséquent, ils n’ont pas eu du mal à connaitre les populations qu’ils
devaient soumettre. Plusieurs écrits mentionnent aux archives ces faits : « les
informations ont été fournies par des captifs évadés, les dioula et par quelques
habitants. Des renseignements provenant des captifs signalent des indices graves
des tribus rebelles. »140 Nous pensons que les tribus rebelles désignent ici, les
populations qui refusent de se soumettre. Cet accord leur a valu la création par les
colonisateurs d’un quartier « Liberté » à Bouaké.
4. La création du quartier Liberté en 1906
Un autre fait majeur marque l’histoire de Bouaké après la libération des
esclaves du marché de Kotia Koffikro. En effet, les esclaves libérés ne sachant
plus où aller, pour certains, demandent la protection du colonisateur. D’autres, ont
préféré rester dans la cour de leurs maîtres, car ces derniers ont assisté
impuissamment à l’incendie de leurs villages d’origine et à la dispersion de leurs
137 COULIBALY (S), entretien semi-directif à Liberté, le 26 Août 2016. 138 ANCI, 2EE 14(4), Affaire politique, rôle de la pacification au point de vue anti-
Esclavagiste, réponses de cercle, 1913. 139N’GUESSAN (K), entretien semi-directif à Kotia Koffikro, le 28 Août 2016. 140ANCI, 1EE 29(2), Rapport à Monsieur le gouverneur 1900, Lieutenant Buck, commandant le
poste de Bouaké.
85
familles. Par conséquent, ils n’ont plus le désir de se remémorer cette tragédie. Un
autre fait est que, l’insertion de certains esclaves dans leurs familles d’accueil fut
une réussite, ils étaient bien traités et ont réussi à fonder leurs propres familles et
les travaux champêtres pouvaient assurer leur subsistance.
Toutefois, ces esclaves dont plusieurs ont été transportés très jeunes ne
reconnaissent plus leurs lieux d’origine. D’autres étaient traumatisés. Alors,
malgré le fait qu’on leur proposaient la liberté tant souhaitée, ils ne purent rentrer
chez eux. Ainsi, pour certains errant dans la rue de Bouaké, et pour d’autres
derrière les colonisateurs, le capitaine Benoit qui avait participé à leur libération
crée en 1906 le quartier « Liberté » pour abriter ces esclaves.
4.1. Le quartier Liberté
Après, la capture de Samory Touré, les esclaves et les rescapés des zones
qu’il avait détruites se réunissent sous l’ordre du capitaine Benoit pour habiter
l’espace qu’on nommera "Liberté". Ces esclaves constitués de Tagbana et de
Djimini seront les premiers habitants du quartier Liberté de Bouaké. L’ANCI
témoigne de l’existence de ce quartier :
141« Il n’existe ni à Béoumi ni à Bouaké de captifs (…) les captifs sont
venu réclamer la protection au poste dans les conditions ordinaires de mauvais
traitements ; ils sont donc au village de Liberté, leur cas est analogue à tous les
autres et doit être traités dans les mêmes conditions ».
Ainsi, dans le cadre d’une meilleure cohabitation, les deux peuples se sont
organisés pour la gestion de leur quartier. Selon COULIBALY Souleymane142 de
Liberté, le capitaine Benoit choisit :
« Tchêgbê, un albinos djimini pour être notre chef au départ (…) Dans sa
colère, le capitaine a dit au chef de se remuer un peu. Le lendemain matin,
141 ANCI, 1EE 34(1 /2), cercle du baoulé circonscription Nord, Rapport de tournée, 1904-1905. 142 COULIBALY (S), entretien semi-directif à Liberté, le 26 Août 2016.
86
Tchêgbê a preferé s’enfuie avec ses bagages. Après, lui on a choisi, Coulibaly
Nangbor, un Tagbana. Il était très charismatique, petit de taille, éloquent et
surtout très riche. C’est le secteur où il habitait qu’on appelle Tagbana Carré.
Après sa mort c’est son fils Coulibaly Latroman qui l’a succédé. Le chef qui va
être intronisé est l’un des petit fils de Nangbor. »
Il n’existe aucune documentation écrite sur cette partie de notre travail.
Raison pour laquelle, la source orale a été, le seul moyen utilisé pour obtenir les
informations. Néanmoins, nous avons pu vérifier ces informations en les
confrontant à d’autres sources orales (voir annexe) reçues dans divers quartiers de
Bouaké. Ainsi, de ces confrontations d’informations, il s’est avéré que la
population de Bouaké interrogée retient Nanbgor COULIBALY comme le
premier chef de Liberté pour son charisme. Et c’est sous le règne du deuxième
chef, Latroman COULIBALY, que les colonisateurs auraient tracé les limites du
quartier Liberté, affirme BAMBA Lama143. Enfin, les Tagbana et les Djimini
s’associaient pour la gestion politique et économique du quartier.
Une fois installés, les habitants de Liberté, entreprennent leurs propres
travaux et ceux des colonisateurs. Ils s’adonnaient aux travaux champêtres autour
du poste militaire d’alors, devenu le 3ème bataillon actuel de Bouaké et aussi à
l’élevage. En plus, ces esclaves devenus des hommes libres vont contribuer au
développement de Bouaké. Car, ils ont été, avant tout, la main d’œuvre coloniale.
Ils étaient utilisés pour la construction d’écoles, de routes. Jean-Pierre
Chauveau144 nous apprend que les jeunes gens envoyés dans les premières écoles
sont également en majorité les descendants de captifs ; ils assurent avec les
gardes-cercles retraités, la relève du personnel auxiliaire indigène. En outre, la
répartition des territoires de Bouaké leur était confiée. COULIBALY Souleymane
nous disait lors de notre enquête que :
« En plus, quand les étrangers viennent, le capitaine Benoit vient nous
chercher pour leur donner terrain. C’est nous et les Tagbana qui élaborons la
143 BAMBA (L), entretient directif à Liberté, le 17 Août 2016. 144 CHAUVEAU ( J-P), 1987, op.cit, p81.
87
terre pour les étrangers. Quand, les Dafing sont venus de Marabadiassa en 1899,
c’est nous qui avons élaboré le terrain de Dougouba pour eux, et le capitaine
Benoit leur a dit que nous sommes leurs tuteurs. »145
Tidjane DRAMÉ confirme ces propos en ces termes : « C’est le capitaine Benoit
qui nous a donné le terrain. Ce sont les Tagbana qui sont venus nettoyer le
terrain et ils ont pris apploplo pour délimiter le terrain de Dougouba. Donc les
Tagbana sont nos tuteurs à Bouaké. »146 Enfin, les chefs de Liberté, recensaient
les jeunes pour la formation militaire, les corvées et la perception d’impôt.
En somme, les habitants de Liberté ont su faire table rase de leur passé et
contribuer au développement de Liberté et de Bouaké. Cependant, avec
l’évolution du temps, le quartier Liberté va perdre son nom au profit de
Djamourou.
4.2. De Liberté à Djamourou
Dans cette partie, nous tenterons de montrer que Liberté et Djamourou
désignent le même espace. Toutefois, la source orale a été le seul moyen que nous
disposons pour expliquer ce fait.
Selon, COULIBALY Souleymane147 "Djamourou" est l’association de
deux mots dyoula : "dja" qui signifie "âme, esprit, cœur, homme" et "mourou" qui
veut dire "traumatisé, paniqué, perturbé, stressé, perdus". Donc finalement,
"Djamourou" désigne un " homme traumatisé". Comprenant la langue malinké,
nous avons pris part à ces échanges de définition avec notre enquêté .Il nous a
d’ailleurs dit que, c’est sous cette appellation que les habitants des autres quartiers
de Bouaké les indexaient. Ainsi, le nom Djamourou a eu plus de force que
Liberté, un nom attribué par les colonisateurs qui ne correspond pas à la
souffrance vécue. COULIBALY Souleymane nous apprend que « le quartier
Liberté part de la pharmacie marché de gros jusqu’ à la rivière qui passe derrière
145 COULIBALY (S), entretien semi-directif à Liberté, le 26 Août 2016 146 DRAMÉ (T), entretien semi- directif à Dar-Es-Salam, le18 Août 2016. 147 COULIBALY (S), entretien semi-directif à Liberté, le 26 Août 2016.
88
Sama transport. De l’autre côté du goudron c’est Kamounoukro. Donc derrière
nous c’est le 3ème bataillon militaire, devant nous c’est
Kamounoukro. »148 COULIBALY Siaka de Liberté, atteste qu’ :
« à la mairie et même dans d’autres endroits c’est le nom du quartier
Liberté qui est sur nos papiers. Nous on est né ici, et c’est ce secteur qui
commence après petit marché jusqu’ en bas de Tagbana Carré là que les gens
appellent Liberté et l’ensemble du quartier Djamourou. Pour indiquer Liberté,
on dit Djamourou Liberté, c’est du n’importe quoi! Liberté est même chose que
Djamourou, mais les gens ne savent pas. »149
Ainsi, Djamourou n’existe pas sur les papiers administratifs des habitants
mais plutôt Liberté.
Avec ces informations, nous nous sommes rendu à la mairie de Bouaké,
pour en savoir plus. Les informations provenant du dernier recensement général
de 2014, présente tous les quartiers de Bouaké sauf Djamourou. Cependant, les
responsables n’ont pas pu nous répondre. Selon ce recensement150, Liberté fait 62
km2, 14.427 habitants et 2771 ménages. Nous avons continué en consultant la
carte de Bouaké, pour chercher l’emplacement de Djamourou. Là encore, ce nom
ne figure pas sur la carte. Alors, nous avons pris l’information de Nanan Agra
YAO, chef du village de Kamounoukro qui affirme que « C’est le goudron qui
nous sépare de Djamourou.»151 Sur la carte de Bouaké, la grande voie sépare
Kamounoukro à Liberté. Ainsi, nous avons fini par conclure que, Djamourou et
Liberté désignent le même espace, et les deux notions décrivent exactement la vie
des esclaves. Car, on passe des personnes traumatisées à des personnes libres.
Alors, c’est une erreur de dire "Djamourou Liberté".
Le bilan des répercussions sociales du commerce d’esclaves est contrasté.
D’un côté, nous avons le pays baoulé qui se résigne avec amertume, l’intervention
148 Idem. 149 COULIBALY (S), entretien directif à Liberté, le 26 Août 2016. 150 MAIRIE DE BOUAKÉ, Recensement général de Bouaké, 2014, en fichier numérique. 151 Nanan Agra YAO, entretien directif à Kamounoukro, le 30 Août 2016.
89
des Français dans la destruction de leur précieux marché d’esclaves, qui les a tant
enrichis. De l’autre côté, nous avons les victimes de Samory qui se réjouissent de
sa capture et de leur libération par les Français. Dans l’ensemble, le traumatisme
et la frustration qu’ont subis les captifs, ont fait d’eux un allié des colonisateurs,
qu’ils devaient s’unir pour combattre.
Retenons en somme, pour cette dernière partie, que l’avènement du
marché d’esclaves de Kotia Koffikro initié en 1893 par Samory, sous l’accord de
Kotia Koffi, roi de Kotia Koffikro, a eu de nombreux impacts sur le Baoulé-Nord
en particulier et en général, sur les sociétés ivoiriennes. Ce commerce a permis
l’enrichissement et le surpeuplement des groupes baoulé, Agni, Dyoula, lagunaire
et Gouro. Mais, il a entrainé la ruine et le dépeuplement de certains pays du Nord.
La souffrance qu’ont subie ces peuples a fait d’eux un allié et la main d’œuvre
coloniale disponible.
Ce commerce qui a vu la participation de plusieurs acquéreurs de 1893 à
1898, a pris fin en 1898, avec la capture de Samory Touré et la destruction du
marché par le capitaine Benoit. La destruction de ce marché a entrainé la création
d’un quartier pour abriter les esclaves, notamment le quartier Liberté de Bouaké.
90
CONCLUSION GÉNÉRALE
91
L’étude menée sur le système esclavagiste dans le Baoulé-Nord, à partir du
marché d’esclaves de Kotia Koffikro de 1893 à 1906, reste une modeste
contribution à la connaissance de l’histoire économique et sociale du Baoulé-
Nord précoloniale et des raisons de la traite interne qui a eu lieu en Afrique noire
après l’abolition de la traite Atlantique au XIXème siècle.
Dans le but de reconstituer ces faits, nous avons en premier lieu, présenté
le contexte géo-historique et la création du marché d’esclaves de Kotia Koffikro
de 1893 à 1894. Ensuite, l’accent a été mis sur l’organisation et le fonctionnement
du marché d’esclaves de 1894 à 1898. Les répercussions du commerce d’esclaves
de 1898 à 1906 furent quant à elles, la dernière partie de notre étude. Après, le
récapitulatif des grands axes de l’étude, nous voudrions présenter les résultats qui
mettent en relief l’intérêt du sujet et qui atteste de la valeur historique de notre
étude.
Le contexte géo-historique et la création du marché d’esclaves de Kotia
Koffikro de 1893 à 1894, présente la position stratégique de Kotia Koffikro en
tant que village carrefour ; situé sur les grands axes de circulation de l’intérieur
de la Côte d’Ivoire, favorisant ainsi son choix par Samory Touré. Le commerce
d’esclaves a été possible à Kotia Koffikro grâce à l’accord de paix signé entre
Samory et Kotia Koffi, chef dudit village et les guerres de razzia de Samory et ses
sofas qui ont fait plusieurs intrusions chez les Sénoufo, Tagbana et Djimini. A ces
majoritaires s’ajoutent les Abron et les Wan. Ces personnes capturées deviennent
de vraies marchandises qu’ils mettent sur le marché. Il faut dire que c’est surtout
le double rôle que jouaient les esclaves qui va motiver les esclavagistes. Car, en
plus d’être des moyens de production économique, ils étaient des partenaires de
reproduction biologique.
Abordant la question de l’organisation et le fonctionnement du marché
d’esclaves de Kotia Koffikro de 1894 à 1898, nous avons rappelé d’abord,
l’existence d’un ancien marché agropastoral à Kotia Koffikro, qui reposait sur les
92
échanges de produits alimentaires et artisanaux. Ces échanges internes étaient à
deux niveaux : le commerce immédiat et le commerce intercommunautaire qui se
limitaient au monde faafouê. C’est à côté de ce marché que Samory viendra
entamer son commerce d’esclaves en 1894. Peu de temps, après le marché
agropastoral disparait au profit du commerce d’esclaves qui verra la participation
de plusieurs acteurs venus échangés leurs produits contre des esclaves. Parmi ces
acteurs, nous avons les populations autochtones du Baoulé- Nord, celles du
Baoulé-Sud, les Gouro, les populations côtières (Allandian, Odzukru, N’zima) et
les Agni. La création de ce marché va propulser les Faafouê dans le commerce à
longue distance. Le troc, la monnaie-marchandise et la monnaie principale ont
servi de moyen d’échange. La convertibilité de certaines monnaies locales et
l’introduction du franc à la fin du siècle étudié avaient facilité les échanges
commerciaux entre Kotia Koffikro et les autres régions de la Côte d’Ivoire.
Vu l’ampleur de ces échanges, le bilan du commerce d’esclaves de Kotia
Koffikro sera contrasté après sa destruction en 1898. La période de 1895 à 1898
marque l’apogée du commerce d’esclaves et leurs déportations massives vers les
différentes régions de la Côte d’ Ivoire. L’évaluation des répercussions du
commerce d’esclaves diffère d’un camp à un autre. D’un côté, les peuples qui ont
accueilli les esclaves ont vu leurs populations et leur économie accroitre par la
présence et les travaux des esclaves. De ce fait, les produits vivriers étaient
abondants dans le Baoulé, ainsi que l’extraction de l’or. La production de l’huile
de palme, du café et du cacao étaient assurées par les esclaves, pour le compte de
leurs maîtres. On assiste à l’ouverture du Baoulé Nord sur l’extérieur. Cependant,
si la présence des esclaves a été tant bénéfique aux personnes susmentionnées, ce
ne fut que désolation pour leur lieu de provenance. Les populations du Nord ont
assisté impuissamment à la capture de leurs enfants, l’incendie et la ruine de leurs
villages. Les intrusions répétées de Samory et ses sofas ont créé en eux un
traumatisme, de telle sorte que la présence des colonisateurs fut un soulagement
pour ces esclaves. En 1898, après la capture de Samory Touré, ces derniers
interviennent et mettent en liberté les esclaves. Les esclaves pour la plupart, ne
93
sachant pas où aller, ont trouvé refuge auprès des colonisateurs qui créent pour
eux, en 1906, un quartier du nom de "Liberté" à Bouaké. Les esclaves libérés vont
contribuer au développement de Liberté et de Bouaké en travaillant pour leur
propre compte, mais et surtout pour les colonisateurs. Toutefois, aujourd’hui,
Djamourou est le nom attribué au quartier Liberté de Bouaké, et le premier noyau
qui a été à la base du quartier Liberté, est ainsi indexé Djamourou Liberté par la
population.
Nous nous rendons compte, enfin, dans cette étude, que les Africains eux-
mêmes, sans la participation des Européens ont eu à organiser le commerce de
leurs frères Noirs en Afrique, après l’abolition de la traite atlantique. Cette traite
interne a eu lieu d’une part, à cause de la présence de Samory qui avait des
immenses besoins en armes, en chevaux et en vivres pour résister à l’impérialisme
français. D’autre part, les Africains voulaient tirer profit en répondant à la
demande de matières premières de l’Europe. Alors, l’esclave devient le moyen de
production utilisé, par excellence, pour obtenir une forte quantité de produits
d’exportation et une forte croissance économique. Samory devient alors le plus
grand pourvoyeur d’esclaves en Afrique de l’Ouest et toute la société ivoirienne
devint esclavagiste.
Par ailleurs, la libération des esclaves que les Français prônent tant comme
« un devoir sacré qui leur incombe »152 n’est-il pas un leurre vu que les esclaves
libérés sont devenus immédiatement leur main-d’œuvre ? Ne sortions- nous pas
de la fin de l’esclavage africain à une nouvelle servitude coloniale ? Ces points
méritent d’être approfondis pour comprendre la dépendance économique et
politique des Africains vis-à-vis de la métropole.
152 ANCI, 2EE 14(4), Note sur le résultat de la pacification au point de vue anti- esclavagiste.
94
ANNEXES
95
ANNEXE I : LE GUIDE DE L’ENQUETEUR
Le guide de l’enquête contient les noms des lieux où nous avons effectué
nos différentes investigations. Il indique les motifs du choix de ces localités et
donne des importantes informations sur les localités suivantes :
- Kotia Koffikro
Plusieurs raisons expliquent le choix de Kotia Koffikro dans notre enquête.
En effet, situé juste avant l’abattoir de Bouaké, Kotia Koffikro était un village
peuplé par les Baoulé fahali ; devenu un quartier périphérique de la ville de
Bouaké. Cet espace a joué un rôle important dans les transformations
économique et sociale dans le Baoulé Nord et dans la Côte d’Ivoire tout entière.
Ce village a abrité le plus gros marché d’esclaves orchestré par Samory
Touré dans sa fuite contre les Français. Créant, son quartier général à Dabakala, il
fait la razzia de toute la zone Tagbana, Djimini, Diamala et des Dyoula. Ses sofas
et les villageois se chargeaient de la vente sur le marché de Kotia Koffikro.
Ce sont ces faits évoqués, qui ont incité notre visite dans ce village pour
avoir des informations venant des acteurs directs ou indirects de cet évènement.
- Quartier Djammourou de Bouaké
L’enquête de cette localité était plus que nécessaire. En effet, après la
capture de Samory Touré en 1898, le capitaine Benoit procède à la libération des
esclaves et crée à Bouaké, un quartier du nom de Liberté pour eux. Toutefois, le
nom de ce quartier semble avoir disparu sur la liste des appellations des quartiers
de Bouaké. Alors, n’ayant pas d’écrits sur le devenir de ce quartier, l’enquête
orale s’avère notre seule issue pour repérer les traces ou l’identité actuelle de ce
quartier.
96
-Quartier Kamounoukro
Kamounoukro est un quartier situé en face de Liberté. C’est la grande voie
allant à Katiola qui sépare les deux quartiers. Alors, nous avons mené des
enquêtes dans ce lieu pour connaitre l’existence d’une maison nommée « maison
de commerce d’être humain en langue malinké » et aussi connaitre les limites du
quartier Liberté. Ces Baoulé akpatoufouê seraient les premiers baoulé de Bouaké
selon la population. Dès lors, les informations provenant d’eux sur l’origine du
quartier Liberté s’avèrent nécessaires.
- Quartier Dar-Es-Salam de Bouaké
Nous nous sommes rendus à Dar-Es Salam, pour vérifier les dires des
enquêtés de Djammourou et surtout pour comprendre leurs antériorités par apport
aux malinké et Dafing qui y vivent. Aussi, sommes-nous parti questionner la
famille du fondateur de Dougouba, un quartier de Bouaké, pour ce qu’ils savent
de Liberté ; les populations de Liberté disent avoir débroussaillé le terrain
qu’occupait pour les Dafing.
- Le secteur Liberté du Quartier Sokoura de Bouaké
Nous avons choisi ce quartier Sokoura relativement au nom "Liberté"
qu’on attribue à l’un des secteurs. En effet, nous étions à la recherche du quartier
Liberté créé par le capitaine Benoit. C’est ainsi que dans nos recherche ce quartier
nous a été indiqué. Car c’est le seul endroit que la population reconnait
immédiatement à partir du nom Liberté. Nous nous sommes engagés sur le terrain
pour savoir s’il s’agissait aussi de l’endroit qui a accueilli les esclaves de Samory
Touré.
LES QUESTIONNAIRES DES DIFFERENTES ENQUETES REALISEES
*ENQUETE ORALE A KOTIA KOFFIKRO
1-Qui sont les peuples de Kotia Koffikro ?
2-Que savez-vous de Samory Touré ?
97
3-Comment s’est déroulé le premier contact entre Samory et vous ?
4-Pourquoi le choix de Kotia Koffikro pour vendre ses esclaves ?
5-D’où provenaient les esclaves vendu sur le marché ?
6-Qui étaient les acquéreurs et comment obtenaient ils les esclaves ?
7-Quelles sont les fonctions que ces esclaves pouvaient exercés ?
8- Qui dirigeait ces échanges ?
9-Que s’est-il passé après la capture de Samory Touré ?
10-Quel était le site sur lequel se faisait ce commerce ?
11-Avez-vous des descendants d’esclaves chez vous actuellement ?
12- Que savez-vous de Liberté ?
*ENQUÊTE ORALE A LIBERTÉ
1-Qui sont les habitants du quartier Liberté ?
2- Qu’est ce qui a motivé la création de ce quartier ?
3- Qui fut les chefs de ce quartier ?
4-Pourquoi l’attribution du nom Djammourou au quartier Liberté ?
5-Quelle est la limite actuelle du quartier Liberté ?
6- Pourquoi ce secteur s’appelle camp boireau ?
7-Quel fut le rôle des victimes de Samory une fois installé à Liberté ?
8-Comment se faisait la gestion de Liberté avec ces deux peuples ?
9-Quelles étaient vos relations avec les blancs ?
10-Dans notre enquête nous nous sommes rendu compte que les Djimini et les
Tagbana questionnés ont le même patronyme Coulibaly! Qu’est ce qui explique
cela ?
11-Avez-vous pu vous reconstituer après le calme revenu ?
98
*ENQUÊTE ORALE A KAMOUNOUKRO
1-Kamounoukro fait- il partit de Djammourou ?
2- Qui sont les habitants de Kamounoukro ?
3- existait-il une maison de vente d’esclaves ici ?
4-Mais d’où venaient ces personnes ?
5-Ne ne sont-elles pas amener de force?
6- D’où vient l’idée de la création de cette structure ?
7-Pourquoi le nom « mogo féré bô » attribué à cette maison ?
8-Combien payaient les paysans pour avoir accès à ces personnes ?
9-Ya-t-il eu une maison d’esclaves à Liberté ?
*ENQUÊTE ORALE A DAR-ES-SALAM
1-Parait-il que Samory Touré a échangé avec votre père ?
2-D’où venaient les esclaves qu’ils vendaient ?
3-Quel fut ces relations avec les Baoulé ?
4- Pourquoi Samory faisait-il la guerre ?
5-Ou étiez-vous avant de vous installer ici ?
6-Qui fut votre père ?
7-Comment avez-vous obtenir ce terrain pour construire Dougouba ?
8-D’où venaient ces Tagbana ?
9-Que faites- vous maintenant ?
10-possediez vous des esclaves ?
11-Où se sont installés les dioulas qui sont venu après ?
99
*ENQUÊTE ORALE A SOKOURA
1-Comment appelle-t-on ce secteur ?
2-Pourquoi l’appelle-t-on Liberté ?
3-Il fait partie de quel quartier ?
4-C’est le seul quartier qui porte le nom Liberté à Bouaké ici ?
100
ANNEXE II : TRANSCRIPTION DE QUELQUES TEMOIGNAGES
ORAUX
Enquêtrice : SOROGO Awa
Enquêtés : N’GUESSAN Kouakou et KONAN Sam-Elysée
I- Les réponses aux différentes questions sont données par Monsieur
N’GUESSAN Kouakou porte-parole de Kotia Koffikro et KONAN Sam-
Elysée président des jeunes de Kotia Koffikro.
N.B : les informations du porte-parole sont données en langue baoulé et traduit en
français et complété souvent par le porte-parole des jeunes au fur à mesure.
1-Qui sont les peuples de Kotia Koffikro ?
N’GUESSAN Kouakou : « Nous sommes des Baoulé fahali, notre canton est
Konankankro »
2-Que savez-vous de Samory Touré?
N’GUESSAN Kouakou : « les personnes qui ont vécus pendant le commerce
d’esclaves de Kotia Koffikro n’existent plus. Mais mes parents m’ont dit que de la
Guinée il est venu à Dabakala et delà, ces sofas le précèdent et détruisent tout sur
leur passage. Samory passe en dernier lieu pour vérifier le travail fait. Quand, il
arrivait dans un village, qu’il trouve des enfants, il les ramassent pour leur mettre
dans une chambre et met le feu. Les toitures étaient en paille et brulaient vite.
Quand on lui demande, il dit qu’il grille de l’arachide.»
3 Pourquoi causait-il tout ce désastre ?
KONAN Sam-Elysée : « Il luttait contre les blancs. Son idée était que s’il laissait
quelqu’un derrière lui quel que soit son âge, risque de se rebeller contre lui un
jour. Ou peut s’allier aux blancs. »
4-Comment s’est déroulé le premier contact entre Samory et vous ?
N’GUESSAN Kouakou : « Comme je disais, les sofas de Samory le devance et
font des rapports sur les lieux. Ils ont dit à Samory que y’avait pas garçon à Kotia
Koffikro et que tout le monde était en pagne. Lui, Samory ne se bat pas avec les
femmes, puis qu’il n’y avait pas de garçon d’après lui, il n’a pas fait palabre avec
nous. Kotia s’est associé à Samory aussi par ce qu’il détestait farouchement les
blancs »
5-Pourquoi le choix de Kotia Koffikro pour vendre ces esclaves ?
101
N’GUESSAN Kouakou : « Samory a fait la demande de Koutchakro, pour
vendre ses captifs. Le chef lui avait même dit que c’était mieux de leur vendre que
de les tuer. Pour le chef cela permettait de sauver des vies donc les deux se sont
mis d’accord pour vendre les captifs. »
6- D’où provenaient les esclaves vendus sur le marché ?
KONAN Sam-Elysée : « de Dabakala il fait le ratissage de toutes les localités
qui était sur sa route jusqu’à chez nous ici. Les captifs qu’il envoyait étaient des
Tagbana et des Djoula. »
7-Qui achetaient ces esclaves et comment les obtenaient t’ils ?
N’GUESSAN Kouakou : « tout le monde pouvait acheter les esclaves y’avait pas
l’argent de maintenant là. Les Baoulé, Agni, et d’autres personnes encore. On
achetait les esclaves avec les cauris, du kogondé et du corplor. Après cela,
l’esclave appartient à la personne qui l’achète et peut l’envoyer partout où il
veut. »
8-Quels sont les fonctions que ces esclaves pouvaient exercés ?
N’GUESSAN Kouakou : « Du moment où tu achètes l’esclave, il t’appartient, il
peut faire toute sortes de travail. Ils faisaient les travaux champêtres, l’élevage.
Les femmes aidaient nos mamans dans les travaux de la maison.
Mais quand les blancs viennent demander des personnes pour aller
travailler, ce sont les esclaves qu’on donnait. Même pour la formation militaire
c’est eux on donne. Quand ils ont construit les écoles, nos parents prenaient les
enfants à partir deux heures du matin pour les cacher en brousse, comme ça les
blancs ne les verraient pas pour les envoyé à l’école. On fait la liste des enfants
d’esclaves pour les envoyés à l’école »
8-Qui dirigeait ces échanges commerciaux?
N’GUESSAN Kouakou : « Nos parents disent que Samory lui-même, ne venait
jamais sur le marché. Il y’avait une partie des sodjas qui restaient avec Kotia
Koffi et Gnacou N’guessan pour vendre les esclaves. Maintenant, les monnaies
et les marchandises obtenues lors de la vente étaient gardées par le chef Kotia
Koffi, qui remettait lui-même à Samory. Mais c’est Samory lui-même qui exécutait
les esclaves qui n’ont pas été acheté.»
KONAN Sam-Elysée : « C’est GNACOU N’guessan qui commandait à
Koutchakro. C’est la même famille mais, il vivait à Gnacoukro donc il ne pouvait
pas être chef de Gnacoukro et d’ici en même temps. Gnacoukro, c’est le site
102
qu’occupe l’aviation, c’est devenu un quartier de Confreville maintenant. Les
décisions finales de Koutchakro appartenaient à GNACOU, on ne prenait pas de
décision sans lui. Il était l’interprète des fahali devant les colons. C’est lui qui a
donné le terrain où ils ont construit l’abattoir de Bouaké»
9-Quel était le site sur lequel se faisait le commerce d’esclaves?
KONAN Sam-Elysée : « le site du village même n’était pas ou nous sommes,
c’est le troisième site qu’on occupe actuellement. Sinon, Koutchakro comprend le
village même, le secteur de l’abattoir, quartier Maroc et le secteur Bein Cadi. Ici,
c’est l’ancien site du village, vous voyez que ça faire face au nouveau village.
C’est ici qui était le marché d’esclaves, mais c’est devenu notre cimetière
maintenant. Ou y’a le grand arbre au fond du cimetière, c’est la bas Samory
exécutait les restes d’esclaves non achetés. L’autre côté du cimetière est réservé
aux enfants et aux personnes qui meurent suite à une épidémie. »
10- Que s’est-il passé après la capture de Samory Touré ?
N’GUESSAN Kouakou : « C’est Samory qui envoyait la marchandise et s’il
n’est plus là, on parle plus de commerce d’esclaves. Les blancs étaient venus
lutter contre Samory et ceux qui étaient contre eux par pour libérer les esclaves.
Ce sont les esclaves qui étaient les espions des blancs. Alors, ils vont libérer les
esclaves qui étaient chez les chefs. Avec eux ils vont construit le poste militaire.
Aussi le nom de Kotia Koffi va rester sur le village malgré qu’il ne fût pas le
chef. C’est la même famille KOTIA, mais c’est Nanan KOTIA, le grand frère de
Kotia Koffi qui était le chef. Mais il est trop calme, c’est ainsi que son frère Koffi
qui était un guerrier robuste et très voyou et mystique va gérer la pouvoir. Il va
mourir la même année qu’ils ont attrapé Samory. Les blancs ne pouvaient pas
mettre la main sur lui. C’est sa femme qui a dit au blancs qu’il dormait dans un
grand baobab a Trainou, elle les accompagné et quand le chef a vu sa femme il
est devenu humain et les blancs ont tranché sa tête et l’on emporté. Nos parents
l’ont enterré sans tête. »
11-Avez-vous des descendants d’esclaves actuellement ?
N’GUESSAN Kouakou : « Ce n’est pas nous seulement, toutes les familles qui
étaient à Bouaké au temps de Samory ont des descendants d’esclaves.
Aujourd’hui, ils sont devenus des hauts cadres du pays, par ce que les Baoulé ne
supportaient pas le blanc. Du coup, ce sont les esclaves qu’on envoie à l’école et
se sont eux les miliaires. Ils sont devenus très riches et indépendants
maintenant. »
103
12- Que savez-vous du quartier Liberté ?
N’GUESSAN Kouakou : « Ce sont les Tagbana qui était la bas. Après, sont
venus les djoula. Latroman était leur chef, c’est lui qui était l’espion des blancs. Il
était arrogant, s’il arrive dans un village, il voit une femme qu’elle soit mariée ou
pas, enceinte ou pas ce n’est pas son problème, il prend. Quand on lui dit
d’envoyé des travailleurs il vient directement à Koutchakro pour les chercher. »
(Fin)
II-REPONSES AUX QUESTIONS RELATIVES A L’ENQUÊTE DE
LIBERTÉ
Enquêtrice : SOROGO Awa
Les réponses aux différentes questions sont données par Monsieur :
Coulibaly Souleymane, Coulibaly Siaka et Bamba Lama.
1-Qui sont les habitants du quartier Liberté ?
Coulibaly Souleymane : « Ce sont les Tagbana et les djimini qui étaient là au
début. Mais maintenant y a tous les ethnies. »
2- Qu’est ce qui a motivé la création de ce quartier ?
Coulibaly Souleymane : « tu sais ma fille j’étais curieux comme toi et j’ai appris
beaucoup. L’histoire reste l’histoire quand tu la déforme, tu forge une autre
histoire et tu vas fini pas te contredire par ce que la quête d’information pour
mentir fatigue l’esprit. » Ce que je vais te dire je tiens ça de ma grande mère qui
m’a éduqué. En 1898, les blancs ont attrapé Samory, et eux ils ont été libérés de
l’esclavage. Mais, elle dit elle venait à peine d’avoir les seins debout quand le
Capitaine Benoit les envoyaient ici. Non, ma grande mère ne m’a jamais parlé de
Kotia Koffikro. Le Capitaine Benoit a lancé un appel ; tous ceux qui étaient parti
à cause de Samory reviennent habiter avec nous. Donc, ce sont les Djimini et les
Tagbana qui étaient les victimes de Samory qui sont venu s’installer. Après le
camp militaire, c’était le grand Bafond après c’était un petit secteur qu’on
occupait. Le reste était la brousse. Concernant le nom du quartier, c’est après que
tout soit redevenu normale que le Capitaine Benoit a dit Samory n’est plus et
désormais vous êtes chez vous. Le nom du quartier est Liberté. Quand vous êtes
104
ici, vous êtes libres. Mais Kotia Koffikro dont tu parles là, elle ne m’a jamais
parlé de ça.»
3- Qui fut les chefs de ce quartier ?
Coulibaly Souleymane : « le Capitaine Benoit a choisi Tchêgbê, un albinos
djimini pour être notre chef au départ. Tchêgbê vient de la région de Dabakala,
précisément de Karpèlè, c’est le prémier village djimini après le N’zi quand tu
quittes le territoire Tagbana. Il était trop timide et peureux, donc les militaires
nous emmerdaient. Ils venaient ramasser nos poulets et cabris et personnes ne
pouvaient se plaindre. Alors, les villageois voyant que le chef ne réagissait pas,
sont parti se plaindre chez le capitaine Benoit. Dans sa colère le capitaine a dit
au chef de se remuer un peu. Le lendemain matin, Tchêgbê a preferé s’enfuit avec
ses bagages. Après, lui on a choisi, Coulibaly Nangbor, un Tagbana il était très
charismatique, petit de taille, éloquent et surtout très riche. C’est le secteur où il
habitait qu’on appelle Tagbana Carré. Après sa mort c’est son fils Coulibaly
Latroman qui l’a succédé. Le chef qui va être intronisé est l’un des petit fils de
Nangbor. »
4-Pourquoi l’attribution du nom Djammourou au quartier Liberté ?
COULIBALY Souleymane : « Djamourou est une expression dioula qui désigne
une personne : paniquée, traumatisée, stressée. Ce sont les autres qui nous
appellent comme ça. Par ce qu’avec l’avènement de Samory, les gens étaient
paniqués, ma grand-mère était originaire de Dabakala et on lui dit de venir
s’assoir ici. Donc, ils viennent soucieux, lis connaissent pas leur sort, si ils vont
être revendus. Tout le monde était dépaysé. D’où le nom Djamourou, qui désigne
plus le sort qu’on a subi que Liberté. Toutefois, Djamourou n’existe pas sur la
carte de Bouaké, c’est Liberté qui nous représente. Mais, le langage populaire
préfère Djammourou, et le nom Liberté beaucoup de personnes ne connaissent
pas. Si tu dis à un taxi-maitre je vais à Liberté, je te jure ma fille tu vas te
retrouver ailleurs. »
COULIBALY Siaka « tu sais quand un nom vient de la population sa reste plus
que le nom qu’on impose. Quand on va à la mairie et même dans d’autres
endroits c’est le nom du quartier Liberté qui est sur nos papiers. Nous on est né
ici, et c’est ce secteur qui commence après petit marché jusqu’ en bas de Tagbana
Carré là que les gens appellent Liberté et l’ensemble du quartier Djamourou.
Pour indiquer Liberté, on dit Djamourou Liberté, c’est du n’importe quoi!
Liberté est même chose que Djamourou, mais les gens ne savent pas. »
5-Quelle est la limite actuelle du quartier Liberté ?
105
Coulibaly Souleymane : « le quartier Liberté part de la pharmacie marché de
gros jusqu’ à la rivière qui passe derrière Sama transport. De l’autre côté du
goudron c’est Kamounoukro. Donc derrière nous c’est le 3ème bataillons
militaire, devant c’est Kamounoukro. »
COULIBALY Siaka « avant Liberté comprenait seulement ce petit secteur qu’on
appelle Liberté et Tagbana Carré, tout le reste était la brousse. Le camp boireau
et autre sont venu après. Quand tu quittes à Liberté pour parti c’est Koutchakro
qui est là. Y’avait pas Dar-Es-Salam, quartier maroc, Koko tout cet endroit était
forêt. »
Bamba Lama : « Le quartier Liberté comprend le camp Boireau, Tagbana carré
et le secteur Liberté lui-même. »
6- Pourquoi le nom camp boireau à ce secteur?
Coulibaly Souleymane : « Le camp boireau c’est le secteur de la gare SITB,
c’est la première gare de Bouaké. Le nom du secteur c’est Sodeni. Ya jamais eu
de camp de séquestration ici. Les étrangers aiment donner les noms fantaisistes
au quartier. »
Bamba Lama : « Les gens de la gare SITB étaient mauvais. C’était la seule gare
de Bouaké, ils étaient trop révolutionnaires et n’acceptaient aucune négociation.
Comme ça coïncidé avec l’avènement du camp boireau de la Guinée, ils ont
nommé le secteur de la gare SITB, camp boireau. »
7-Quel fut le rôle des victimes de Samory une fois installé à Liberté ?
Coulibaly Souleymane : « En tout cas, les habitants de Liberté participaient à la
construction des écoles, des routes et puis après d’autres faisait leur champs ou y
a le bafond là et aussi beaucoups d’élevage. La grande voie de Djamourou que tu
vois, est l’une des plus vieille route de la Côte d’Ivoire, mes parents ont travaillé
cette voie qui déverse sur Katiola, Korhogo et va même au Niger, Burkina Faso et
mali, c’était la principale voie. En plus, quand les étrangers viennent le capitaine
Benoit vient nous chercher pour leur donner terrain. C’est nous et les Tagbana
qui élaborons la terre pour les étrangers. Quand, les Dafing sont venus de
Marabadiassa en 1899, c’est nous qui avons élaboré le terrain de Dougouba pour
eux, et le capitaine Benoit leur a dit que nous sommes leur tuteur. »
8-Comment se faisait la gestion de Liberté avec ces deux peuples ?
COULIBALY Souleymane « Chaque peuple a son comportement, les Djimini
sont dociles et respectueux. Quand le premier chef djimini est parti, le nouveau
qui est venu a continué le travail et tout le monde se soumettait à ses ordres y
106
compris les Djimini, malgré qu’il soit Tagbana. En son temps, le chef tagbana et
les Tagbana eux-mêmes ne faisaient rien sans associer les Djimini. On
s’associait pour prendre les décisions. Mais, maintenant les jeunes qui viennent
être chefs là ils ne nous approchent même pas, donc ils ne connaissent même
l’histoire que je suis en train de te raconter. On nous ignore, ne nous sollicite plus
et je crains pour le quartier. »
9-Quelles étaient vos relations avec les colonisateurs ?
Coulibaly Souleymane « Tu sais, on accuse les blancs pour rien, blanc n’a
jamais emmerdé quel qu’un. Ils donnaient des ordres aux Africains et se sont les
responsables africains qui allaient au-delà des ordres indiqués par les
colonisateurs. Quand le blanc parlait en français, le militaire noire traduire ce
qui l’arrange à la population. Quand tu n’exécute pas il te frappe. Quand ils
disent ils ont besoin de deux moutons pour accueillir des fonctionnaires
étrangers, les militaires viennent ramasser au moins dix ; deux pour les blancs et
les autres pour eux même. On a plus souffert avec nos frères noirs que les
blancs. »
10-Dans notre enquête nous nous sommes rendu compte que les Djimini et les
Tagbana questionnés ont le même patronyme Coulibaly! Qu’est ce qui
explique cela ?
Coulibaly Souleymane « D’accord tu es très curieuse comme moi. Avant tout le
monde participait au travail forcé et était obligé de payer l’impôt, sauf le chef,
les membres de sa cour et les membres de la chefferie. Alors, puis que le premier
chef s’appelait Nangbor COULIBALY, alors tout ce qui vivait avec lui ont pris le
nom COULIBALY. Que tu sois Djimini, Tagbana ou autre, le patronyme du chef
te préservait de beaucoup de chose. Car, il n’y avait pas de moyens pour vérifier
effectivement qui était de la famille du chef ou bien membre de la chefferie, si ce
n’est pas le patronyme. Avec, les travaux pénible qu’on devait fait ; construire les
route sans engin, c’était avec la main, si tu n’es pas rapide tu seras maté pas les
responsables qui vous suivent. Il suffit qu’on entend Coulibaly venant de Liberté
immédiatement, on se dit qu’il est de la famille du chef et on te laisse, si toi-même
tu étais ici tu allais t’appeler Coulibaly non ? On ne travaillait que sous ordre de
notre chef qui était influent et respecté même par les blancs. »
11-Avez-vous pu vous reconstituer après le calme revenu ?
COULIBALY Souleymane « sincèrement dit avec toute ma curiosité et même
mes recherches, jusqu’à présent je ne sais pas pourquoi Samory faisait la guerre.
Il a traumatisé les gens, certains même sont perdus à jamais. Nous qui sommes
107
resté ici, avons formé une famille. On m’a dit y a plein de djimini qui se trouve à
Didiévi à cause de Samory. Je suis arrivé, j’ai constaté même que y a un quartier
nommé Djiminisso, là où vivent les Djimini à Didiévi. Mais j’étais choqué, des
Djimini qui s’appelle Koffi, Kouadio, ils se sont mariés avec des Baoulé. Ces
Djimini ne parlent plus leur langue maternelle, mais plutôt le Baoulé. Mais les
balafres qui sont sur leur vissage, surtout chez les femmes indiquent bien qu’elles
ne sont pas Baoulé. Certains ont cherché à retrouver leur origine mais beaucoup
sont resté où ils ont amenés ».
(Fin)
III- RÉPONSES AUX QUESTIONS RELATIVES AUX ENQUÊTES DE
DAR-ES-SALAM
Enquêtrice : SOROGO Awa
Les réponses sont données par Tidjane DRAMÉ, Youssouf DRAMÉ et
SANOU Moussa.
1-Parait-il que Samory Touré a échangé avec votre père ?
Tidjane DRAMÉ « Mon papa m’a dit Samory est venu à Marabadiassa, là où on
était avant sous le règne de Mori Touré et surtout de son fils Souleymane Touré.
Mon père Kolotama Dramé vivait avec ces chefs, mais je ne sais pas, s’ils ont pu
échanger en tant que tel. Mais, Samory Touré a dit aux Touré qu’ils étaient de la
même famille, donc y’a pas eu de palabre entre eux. »
2-D’où venaient les esclaves qu’ils vendaient ?
Tidjane DRAMÉ « Ce sont les Tagbana et les Dyoula qu’il vendait. De Kong
jusqu’en ici, il détruisait tout sur son passage et vendaient ces personnes. Y ‘avait
des esclaves parmi ces sofas aussi. En tout cas n’y avait pas de Baoulé parmi ces
esclaves. »
3-Quel fut ces relations avec les Baoulé ?
SANOU Moussa « Samory n’a jamais combattu les Baoulé, quand ces sofas
sont arrivés chez les Baoulé, ils l’ont informé que y’avait pas garçon ici. Tout
simplement, par ce qu’ils avaient attachés pagnes et avaient des chapeaux sur la
tête et lui Samory ne fait pas palabre avec les femmes. Il s’est tourné vers les
Tagbana et les Djimini qui combattaient son frère Mori Touré de
Marabadiassa. »
108
4- Pourquoi Samory faisait-il la guerre ?
Tidjane DRAMÉ « Samory à commencer la guerre au début pour combattre les
mécréants ; ceux qui voulaient pas adhérer à l’islam, et aussi les colonisateurs.
Mais enfin de compte, il s’est mis à combattre tous les Africains et même Kong
qui était à l’époque la cité où règne l’islam en Côte d’Ivoire. Donc, je ne sais plus
finalement pourquoi il faisait la guerre et je suis sûr que lui-même il ne sait pas
pourquoi il faisait la guerre. »
5-Ou étiez-vous avant de vous installer ici ?
Tidjane DRAMÉ « Mon papa était à Marabadiassa, après Dougouba de Bouaké
c’est là moi-même je suis né et on est venu s’installer à Dar-Es-Salam depuis
1967, date de sa création. »
6-Qui fut votre père ?
Tidjane DRAMÉ « Mon père s’appelle Kolotama DRAMÉ, il est le fondateur de
Dougouba. Ca été créé en 1899, ainsi que la première mosquée de Bouaké qui se
trouve à l’intérieur du marché de gros. Il a été aidé par son frère Lanciné
Dramé, sa famille est de l’autre côté. Il était le responsable des impôts à Bouaké
à l’époque coloniale. »
7-Comment avez-vous obtenir ce terrain pour construire Dougouba ?
Tidjane DRAMÉ « C’est le capitaine Benoit qui nous a donné le terrain. En ce
moment il n’y avait pas de dioula à Bouaké ici. Ce sont les Tagbana, Djimini et
les Baoulé qui étaient là. Ce sont les Tagbana qui sont venus nettoyer le terrain
et ils ont pris apploplo pour délimiter le terrain de Dougouba. Le capitaine Benoit
a choisi cet emplacement pour nous à cause du commerce. »
8-D’où venaient ces Tagbana ?
Tidjane DRAMÉ « Nous sommes venus les trouver à Bouaké ici. Mais, ils
viennent de Djamourou, et ils sont d’ailleurs nos tuteurs à Bouaké, on ne fait
jamais palabre avec les Tagbana. Leur chef Nangbor COULIBALY était ami à
mon père.»
9-Que faites- vous maintenant ?
Tidjane DRAMÉ « J’étais couturier, et quand les blancs ont construit la grande
école de Bouaké (EPS) sur le site qu’occupe le palais de justice actuel, c’est moi
qui était chargé de coudre les tenues de ces élèves. Quand on est arrivé à Dar-Es-
Salam, je suis devenu l’imam de la grande mosquée de Dar-Es-Salam. Mais toi-
109
même tu vois que je peux plus me tenir debout. Quand, il fait jour, je fais un effort
pour m’assoir devant la cour et les gens viennent chercher des informations
comme toi. Même, les gens de L’ONUCI venaient prendre des informations, les
gens de la radio aussi viennent, en tout cas je m’ennuie pas du tout , y a toujours
des gens qui viennent me voir et je suis très heureux d’avoir de la compagnie
chaque jour. »
10-possediez vous des esclaves ?
Tidjane DRAME « Mon papa avait des esclaves, mais ils n’ont pas été acheté
dans le village dont tu parles, ils étaient venus demander la protection chez mon
père. Non, ce sont des Tagbana, ils sont devenu des musulmans. Depuis lors, mon
père de son vivant n’a jamais parlé de leur origine et moi non plus. Leur mariage
a été fait avec les gens de la famille et personnes ne sait qui esclaves ici à part
moi. Si Dieu le veut, il ne le saura jamais. »
11-Où se sont installés les dioulas qui sont venu après ?
Tidjane DRAMÉ « Les Djoula qui sont venus après se sont installés derrière la
rivière Aboliba. C’est ce qui à donner le quartier Koko, qui est l’abréviation de
"ko kofê " qui voulait dire "derrière la rivière" lorsqu’il voulait indiquer où ils
habitent. »
(Fin)
IV- RÉPONSES AUX QUESTIONS RELATIVES AUX ENQUÊTES DE
KAMOUNOUKRO
Enquêtrice : SOROGO Awa
Les réponses sont données par Nanan Agra YAO Chef du village de
Kamounoukro, Anonymat, DIOMANDÉ Machiami.
1-Kamounoukro fait- il partit de Djamourou ?
Nanan Agra YAO « Non non, nous on est Baoulé, ce sont les Tagbana et les
djoula qui sont la bas. C’est le goudron qui nous sépare de Djamourou. »
Anonymat « Kamounoukro est là y a longtemps et c’est différent de Djamourou.
Kamounoukro part de Djezoukouamékro qui est derrière la zone jusqu’au CHU,
le marché de mouton, Odiennékourani tout ça c’est Kamounoukro. »
2- Qui sont les habitants de Kamounoukro ?
110
Nanan Agra YAO « Nous sommes des Baoulé akpatoufouê, on est à Bouaké y a
très longtemps. C’est avec la présence des blancs que nous nous sommes
dispersés, sinon avant on était nombreux. »
3- existait-il une maison de vente d’esclaves ici ?
Nanan Agra YAO « Mes enfants ne sont pas là, donc je n’aimerai pas me
prononcer la dessus. S’ils étaient là, ils allaient t’accompagner toi-même tu allais
voir. »
Anonymat « Non, il n’y a jamais eu de maison d’esclaves ici. C’était plutôt une
maison d’office de la main d’œuvre. C’est la grande maison qui est peint en
jaune que tu vois en face du grand terrain. Ce sont les djoula là qui ont surnommé
ça "Mogo féré bo" c’est-à-dire "maison de vente d’homme". Par ce que quand les
paysans viennent de n’importe qu’elle endroit, ils pouvaient emporter les
personnes qu’ils souhaitent, s’ils remplissent les conditions demandées par la
structure. Mais ils ne les vendaient pas, c’est un contrat qu’ils signent.»
4-Mais d’où venaient ces personnes ?
DIOMANDÉ Machiami « Ces personnes viennent en majorité du Mali et du
Burkina Faso. »
Anonymat « C’est le gouvernement de Côte d’Ivoire, qui partait les chercher la
plupart du temps du Burkina Faso dans des Cars de 22 places. Mais il y’avait
souvent des maliens aussi. »
5-Ne ne sont-elles pas amener de force?
Anonymat « Non, c’est un accord qu’ils trouvaient avant qu’on les envoient en
Côte d’Ivoire. Mais, le directeur me disait que souvent, certains s’enfuyaient par
ce qu’ils avaient peur. Ils ne savent pas à quoi s’attendre comme travail et ils
avaient peur et s’enfuyaient. Souvent, y’ a des étrangers qui viennent qui n’ont
pas de tuteur, de travail, ils viennent se confier à la structure pour chercher du
travail. »
DIOMANDÉ Machiami « Non, ils viennent d’eux-mêmes. Leurs frères qui ont
déjà travaillé ici aussi vont chercher d’autre pour les faire venir. Mais, je pense
c’est le fait d’être seul qui les fait fuir souvent. Ces personnes faisaient tous les
travaux : champs, commerce, servantes, travaille dans des usines, gardiennage. »
6- D’où vient l’idée de la création de cette structure ?
111
Anonymat « Les directeurs qui dormaient ici, nous ont dit que c’est le Président
Houphouët qui en 1967 à donner cette idée. Par ce que nous avons des travaux
en Côte d’Ivoire qui nécessite la main d’œuvre. C’est pour cette raison que
l’office de la main d’œuvre a été créé à Kamounoukro. »
8-Combien payaient les paysans pour avoir accès à ces personnes ?
Anonymat « je ne sais pas, les directeurs ne nous parlaient pas de l’argent qu’on
donnait pour prendre les travailleurs. Mais, un contrat était signé avec les
responsables moyennant une somme que j’ignore. Souvent, ces étrangers avec cet
argent arrivaient à acheter leur propre terre. »
9-Ya-t-il eu une maison d’esclaves à Liberté ?
Anonymat « Non, y’avait pas maison d’esclaves, je viens de dire c’est la maison
d’office de main d’œuvre qui est à Kamounoukro que la population appelle
maison d’esclaves. »
(Fin)
V- RÉPONSES AUX QUESTIONS RELATIVES AUX ENQUÊTES DE
KAMOUNOUKRO
Enquêtrice : SOROGO Awa
Les réponses sont données par SAMASSY Karim.
1-Comment appelle-t-on ce secteur ?
SAMASSY Karim « ici, c’est Sokoura Liberté »
2-Pourquoi l’appelle-t-on Liberté ?
SAMASSY Karim « Le quartier ne s’appelle pas Liberté mais Sokoura. Mais
c’est cette partie-là qui s’appelle Liberté, à cause de l’ancien cinéma Liberté que
tu vois. Non, ça fait des décennies que le cinéma Liberté ne fonctionne plus. Nous
on utilise le bas de l’immeuble pour être la permanence RDR du district Sokoura.
Moi-même, je suis membre du RDR, et nous avons une réunion ici, c’est pour ça
tu m’as trouvé ici, sinon d’habitude cet endroit est vide. »
4-C’est le seul quartier qui porte le nom Liberté à Bouaké ici ?
SAMASSY Karim « Ces gens de chose là, c’est la mairie qui connait. Nous
avons une réunion tout à l’heure. Moi je ne connais pas, mais il faut prendre la
112
voie qui est derrière la pharmacie Sokoura pour te renseigner, il doit avoir un
autre quartier Liberté dans Djamourou. »
(Fin)
ANNEXE III- APERÇU HISTORIQUE DE KOTIA KOFFIKRO
Ces importantes informations ont été données par GNACOU N’guessan
porte-parole du village de Kotia Koffikro et KONAN Sam-Elysée, président des
jeunes de Kotia Koffikro, lors de la visite que nous avons effectuées dans ce
village dans le cadre de notre enquête orale :
« Kotia Koffikro appelé communément "Koutchakro", était un village
peuplé de Baoulé fahali qui dépendait autrefois des faafouê. Toutefois, la
conquête française leur accorda leur indépendance et ils choisissent
Konankankro comme le canton Fahali. Koutchakro veut dire : le village de la
famille KOUTCHA, qui est notre nom de famille et se sont les blancs qui ont écrit
KOTIA, sous le règne de Koffi qui était aussi KOUTCHA, raison pour laquelle, le
village s’appelle sur papier Kotia Koffikro.
Actuellement, Kotia Koffikro se trouve sur son troisième site ; le premier
site fait face à l’actuel espace occupé par Kotia Koffikro et le deuxième site ou se
trouve l’emplacement actuel de la station total vers le corridor Nord. Le village
englobe le quartier Maroc, le secteur de l’abattoir de Bouaké et l’espace
qu’occupe Kotia Koffikro actuellement.
Toutefois, la renommée de Kotia Koffikro est due à son marché d’esclaves
dont le site est occupé par notre cimetière. Avec le marché d’esclaves, les gens
quittaient dans tous les coins de la Côte d’Ivoire pour venir en acheter. Gnacou
N’guessan était le coordinateur de ce marché, mais les biens matériels étaient
remis à Samory par Kotia Koffi lui-même. L’amitié de Samory et du chef Kotia
Koffi à donner une force au chef, mais aussi au village. Après la capture de
Samory, les blancs se sont mis à la poursuite du chef, car lui aussi, il détestait
farouchement les blancs. Ainsi, en 1898, trahi par sa femme au profit des
colonisateurs, Kotia Koffi va être assassiné par ceux-ci à Trainou. »
113
INDEX ET LEXIQUE
114
I-LEXIQUE DES NOMS ET THÈME DE LA LANGUE BAOULÉ ET
AUTRE LANGUE DE L’ESPACE DU BAOULÉ-NORD
Lors de notre enquête sur terrain, plusieurs mots et termes ont été perçus à
travers les informations reçues. Dans cette partie, nous essayerons de donner le
sens de ces expressions en fonction de notre thème.
Akpatoufouê : les Baoulé de Kamounoukro
Apploplo : jatropha
Corplor : francs français
Djamourou : Homme traumatisé
Djon : Esclave en malinké
Faafouê : peuple baoulé de Bouaké
Fahali : un sous-groupe faafouê désigne les Baoulé de Kotia Koffikro
Gbamêlê : albinos en malinké
Go : nom d’une rivière qui coule à Kotia Koffikro
Kanga : esclave en baoulé
Kongodé : manioc découpé en petit morceau et séché
Mogo féré bo : maison de vente d’homme
Sodja : les sofas de Samory
Tchègbê : homme de teint claire en malinké
115
II-INDEX DES NOMS DES LIEUX ET DES FIGURES HISTORIQUES DU
BAOULÉ NORD
Nous allons dans cette partie, présenter les espaces qui nous ont été d’une
utilité dans nos travaux de recherche et montrer les personnalités qui ont marqué
les évènements de notre période.
1. Indexe des noms de lieux
Bouaké
Didiévi (Djiminisso)
Djamourou
Gnakoukro
Kamounoukro
Kodiokoffi
Konankankro
Kotia Koffikro
Marabadiassa
2. Indexe des noms des personnes qui ont marquées la vie du Baoulé-Nord
Capitaine Benoit
Commandant Gouraud
Gnacou N’guessan
Kolotoma Dramé
Kotia Koffi
Koua Gbèkê
Lacina Dramé
Lancina Touré
Mori Touré
116
Nangbor Coulibaly
Samory Touré
117
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
118
INSTRUMENTS DE TRAVAIL
*Dictionnaire le Robert Dixel, 2011, Maury, Paris, 2097p.
*Dictionnaire le Robert, 2005, Paris, Maury, 536p.
*Encyclopédie Microsoft Encarta, collection 2009.
I.LES SOURCES D’ARCHIVES NATIONALES DE CÔTE D’IVOIRE
1- Les sources d’archives d’Abidjan
1) Série EE (Affaires politiques)
1EE 28(1), 1896, LASNET, Mission du Baoulé, notes sur le Baoulé.
1EE 29(1), Cercle du baoulé, rapport d’ensemble 1893, 1902, 1905.
1EE 29(2), Rapport à Monsieur le gouverneur 1900, Lieutenant Buck,
commandant le poste de Bouaké.
1EE 29(2), Cercle du baoulé, rapport trimestriel 1913-1925.
1EE 29(2), Rapport à Monsieur le gouverneur, 1900.
1EE 29 (4), Rapports mensuels sur la situation politique du cercle du
Baoulé, 1899, 1905.
1EE32(1), Correspondance relative à l’envoie de carte du baoulé, rapport annexé
à la carte de la rivière bandaman depuis Lahou, jusqu’au baoulé 1893.
1EE 34(1/2), Cercle du baoulé circonscription Nord, Rapport de tournée, 1904-
1905.
1EE 34(1/3), Rapport de tournée, Septembre 1912, Novembre 1914.
1EE 35, Rapport sur les opérations militaires menées contre trois tribus du haut
119
Bandaman, Nanafoué, Agou, Kodè du Sud (Mars-Août1911).
1EE 35(4), Opération militaire contre les diverses tribus de la région
baoulé1900-1902.
1EE 35(4), Correspondance 1905.
1EE 35(8), Rapport sur la reconnaissance des voies d’accès du baoulé-terminus
du chemin de fer, 1906.
1EE 35(15), rapport mensuel militaire, région du baoulé Nord, 1901.
1EE 36(3/7), Rapport mensuels, 1919, Bouaké.
1EE 36(4/4), Rapport de tournée, secteur de Bouaké 1904.
1EE 36(4/5), Rapport de Bouaké 1915.
1EE 36(31), Rapport politique mensuel, poste de Bouaké 1900.
2EE 14(1/2), Rapport au sujet d’esclavage domestique, 1908.
2EE 14(4), Affaire politique, rôle de la pacification au point de vue anti-
Esclavagiste, réponses de cercle, 1913.
2EE 14(4), Note sur le résultat de la pacification au point de vue anti-
Esclavagiste.
2) Série KK (la politique des travaux publics et transports)
2KK1, Côte d’Ivoire, réparation par cercle des crédits destinés à l’assainissement
des centres urbain 1908-1909.
2KK 2, Loi relative au plan d’extension et d’aménagement des villes 1919.
3) Série QQ (Les affaires économiques)
120
1QQ 75, Cercle du Baoulé-Nord. Marchés de Bouaké1899 à 1916.
1QQ76, Cercle du Baoulé-Nord. Règlementation des droits de place sur les
marchés 1913-1921.
1QQ79, Rapports économiques et commerciaux du cercle du Baoulé-Nord et des
postes de Bouaké, M’Bahiakro, Tiebissou, Béoumi, Diézoukro, 1901.
2- Les sources d’archives de la mairie de Bouaké
Bouaké et son histoire, données collectées par COULIBALY Mamadou chef du
service archives et documentation, 2016.
SEA Justin, Répertoires des archives de l’histoire coloniale de la Côte d’Ivoire
1838-1960, PSIC, Abidjan, 2004.
Recensement général de Bouaké en 2014, en fichier numérique.
121
N° Nom et Prénom Profession Fonction Date et lieu de
naissance
Date et lieu
d’entretien
1 ANONYMAT Paysan Chef de famille 1958 à
Kamounoukro
26 Août 2016
17h à 17h45min
Kamounoukro
2 BAMBA Lama Président de
U.C.C.R.B
Responsable
des chefs de
Bouaké
1934 à
Dougouba
17 et 24 Août
2016 17h à
18h15min Liberté
3 COULIBALY Siaka Menuisier Chef de famille Non parvenu 26 Août 2016
17h à 17h45min
Tagbana carré
4 COULIBALY
Souleymane
Agent
commercial à
Confreville.
Retraité
Responsable
Djimimini
1954 Originaire
de Dabakala
17 et 26 Août
2016 16h à
17h 30 Liberté
5 DIABAGATE Bèssè Colporteuse Aucune Vers 1930
Originaire de
Bouna
17 Août 2016
14h à 14h30min
Djambourou
6 DIOMANDE
Machiami
Commerçante Épouse 1981 à Bouaké 30 Août 2016
16h 45min-17h
Kamounoukro
7 DRAMEYoussouf Pr d’histoire-
géographie à
Adzopé
Chef de
Famille
1954 Dar-Es-
Salam
18Août 2016
13h30 -16hDar-
Es-Salam
II-SOURCES ORALES
122
8 DRAME Tidjane Imam grande
mosquée Dar-
Es-Salam
Fils du
fondateur de
Dougouba
1928 à
Dougouba
18 et 30 Août
2016 11h à 13h
Dar-Es-Salam
9 KONAN Sam-
Elysée
Educateur au
collège Henri
point carré
Président des
jeunes de
Kotia
Koffikro
Kotia
Koffikro
1erjuillet et 28
Août 2016 9h à
10 h Kotia
Koffikro
10 N’GUESSAN
Kouakou
Paysan Porte-parole
de Kotia
Koffikro
Vers 1960 à
Kotia
Koffikro
28 Août 2016
10h à 13h Kotia
Koffikro
11 NANAN Agra Yao Chef de
Kamounoukro
Chef de
Kamounoukro
Non parvenu 30 Août 2016
15h à 15h
45min
Kamounoukro
12 TOURE Awa Ménagère Épouse 1955 à
Bouaké
30 Août 2016
16h à 16h30min
Kamounoukro
13 SAMASSY Karim Non parvenu Membre RDR
Sokoura
Liberté
Non parvenu 16 Août 2016
17h à 17h
15min Sokoura
Liberté
123
III. BIBLIOGRAPHIE
1. Les ouvrages généraux
*AJAHI (A) et al, 1996, Histoire générale de l’Afrique, l’Afrique au XIXème
siècle jusque vers les années 1880, tome VI, Paris, UNESCO, 916p.
*BIARNES (P), 1987, Les Français en Afrique noire de Richelieu à
Mitterrand, Paris, Armand Colin, 447p.
*BOAHEN (A) et al, 1987, Histoire générale de l’Afrique, l’Afrique sous
Domination coloniale1880-1935, tome VII, Paris, UNESCO, 906p.
*CHAUVEAU (J-P), 1979, Note sur l’histoire économique et sociale de la région
de kokumbo (Baoulé Sud, Côte d’Ivoire), Abidjan, ORSTOM, 228p.
*CHAUVEAU (J-P), 1981,"Le secteur informel" en pays baoulé : " création
Coloniale " ou "survivance d’activité traditionnelle", Paris,
ORSTOM, 238p
*CHAUVEAU (J-P), 1987, La colonisation : rupture ou parenthèse ?, Paris,
L’Harmattan, 122p.
*COLETTE (C), et PIGE (B), 2008, Economie sociale et solidaire,
Paris DUNOD, 152p
*COMTE (G), 1988, L’empire triomphant 1871-1936(Afrique Occidentale et
Equatorial), Paris, Denoël, 390p.
*DIABATE (H), 1988, Mémorial de la Côte d’Ivoire, Abidjan, AMI, tome1,
290p.
*EKANZA (S-P), 1995, Le dernier siècle de l’Afrique libre, l’Europe au chevet
de l’Afrique, Abidjan, PUCI, 143p.
*EKANZA (S-P), 2005, L’Afrique au temps des blancs 1880-1935, Abidjan,
CERAP, 188p.
124
*LOUCOU (J-N) et M.GARANGER, 1988, En pays baoulé, Abidjan, NEA,
107p.
*LOUCOU (J-N), 2007, La Côte d’Ivoire : les résistances à la conquête
coloniale, Abidjan, CERAP, 150p.
*M’BOKOLO (E), 1992, Afrique noire, histoire et civilisation XIX-XXème
siècle, tome II, Paris, Hatier, 576p.
*PERSON (Y), 1975, Samori, une révolution dyula, Dakar, IFAN, Tome III,
N°89,114p.
*RENAULT (F), 1976, Libération d’esclave et nouvelle servitude,
Abidjan, NEA, 238p.
*SINGARAVELOU (P), 2013, Les empires coloniaux XIX-XXème
Siècle, Paris, Editions Points, 467p.
*TALL (M.L), 1977, L’empire du Mali, Dakar-Abidjan, NEA, 205p.
*VIDROVITCH (C.C), 1999, L’Afrique et les Africains au XIXème siècle,
(mutations, révolutions, crises), Paris, Armand
Colin, 304p.
*VIDROVITCH (C.C) et MONIOT (H), 2005, L’Afrique noire de 1800 à nos
jours, Paris, PUF, 381p.
*WERNER (S), 1913, Le bourgeois, contributions à l’histoire morale et
intellectuelle de l’homme économique moderne, Payot, n°89,342p.
2. Les ouvrages spécialisés
*FABIO (V) 1999, « L’esclavage au baoulé précoloniale »in L’Homme, N°152,
vol39, pp53-88.
125
*GBODJE (S.A), 2005, Evolution économique de Bouaké : de l’économie
Précoloniale à l’économie coloniale de marché (1858-1939),
Thèse de Doctorat unique, 2 tomes, université de cocody, Abidjan, 594p.
*GBODJE (S.A), 2010, « Le marché d’esclave de Kotia kofikro (1893-1898) » in
Revue Ivoirienne d’histoire, N°17, pp50-72.
*KOUAME (N.B), 2015, Les mutations socio-économiques dans l’espace Nord
du baoulé de 1850 à 1980, thèse de doctorat unique d’histoire
moderne et contemporaine Université Alassane Ouattara de Bouaké,
453p.
*YAO (K.M), 1988, L’économie faafouê à l’époque précoloniale, Mémoire de
Maitrise d’histoire, université de Cocody, Abidjan, 185p.
3. Les articles
*BOTTE (R), 2000, « L’esclavage Africain après l’abolition de 1948 ;
Servitude et droit du sol » in annales d’histoire sciences
sociales, vol55, pp1009-1037.
*CHAUVEAU (J-P), 1981, « Histoire du riz, histoire d’igname : le cas de la
moyenne Côte d’Ivoire », in Africa 51(2), pp621-658.
*FALL (B), 1993, « Le travail forcé en Afrique Occidentale Française (1900-
1946) »in Civilisation, vol 41, pp329-336.
*JANIN (P), 2001, « Une géographie de la rue africaine (Bouaké, Côte
d’Ivoire) » in politique africaine, n°82, PP177-189.
*TROUCHAUD (J-P), « Etude régionale de Bouaké 1962-1964 », tome I,
Ministère des Finances, des affaires économiques et du plan
Administration Générale, Division des études de développement, 38p.
126
*WONDJI (C), 1963, « La Côte d’Ivoire occidentale. Période de
Pénétration Pacifique (1880-1908) »in revue française d’outre-
Mer, N°180, vol50, pp346-381.
127
TABLE DES CARTES
CARTE N°1 : LE BAOULÉ DANS L’ENSEMBLE IVOIRIEN
CARTE N°2 : CERCLE DU BAOULÉ-NORD ET SUD EN 1901
CARTE N°3 : L’ESPACE NORD DU BAOULÉ DANS L’ENSEMBLE
BAOULÉ
CARTE N°4 : CARTE DE BOUAKÉ
CARTE N°5 : KOTIA KOFFIKRO DANS L’ENSEMBLE FAAFOUÊ
CARTE N°6 : LES CENTRES COMMERCIAUX CONVERGEANT Ā KOTIA
KOFFIKRO
128
TABLE DES MATIÈRES
129
DÉDICACE ……………………………………………………………………I
REMERCIEMENTS……………………………………………………………II
SIGLE ET ABREVIATION…………………………………………………III
SOMMAIRE……………………………………………………………………IV
INTRODUCTION GÉNÉRALE …………………………………………….5
PREMIÈRE PARTIE : LE CONTEXTE GÉO-HISTORIQUE ET LA
CRÉATION DU MARCHÉ D’ESCLAVES DE KOTIA
KOFFIKRO (1893-1894)…………………………….35
CHAPITRE PREMIER: LES FACTEURS GÉO-HISTORIQUES DE LA
CRÉATION DU MARCHÉ D’ESCLAVES
DE KOTIA KOFFIKRO DÈS 1893………………38
I- les conditions naturelles de l’avènement du marché d’esclaves à Kotia
Koffikro…………………………………………………………………..38
1. La position géographique de Kotia Koffikro………………………………….38
2. La densité des infrastructures routières………………………………………..39
3. La rivière « go », une source d’eau importante pour les voyageurs………….40
II-Les raisons historiques de la création du marché d’esclaves de Kotia
Koffikro…………………………………………………………………..40
1. Esclavage, une pratique ancienne des sociétés africaines……………………40
2. Le pacte de paix entre Samory Touré et le chef Kotia Koffi….........................41
3. Les guerres samoryennes, réservoir potentiel d’esclaves……………………..44
CHAPITRE DEUXIÈME : LA STRUCTURE DU MARCHÉ D’ESCLAVES
ET LES RAISONS DE SON
DÉVELOPPEMENT A KOTIA KOFIKRO
DÈS 1894………………………………………46
I-L ‘avènement du marché d’esclaves……………………………………………46
1. Le marché agro-pastoral avant l’arrivée de Samory…………………………..46
2. La structure du marché d’esclaves …………………………………………….46
130
II-Les facteurs de développement du commerce d’esclaves …………………….47
1. L’esclave, une main d’œuvre disponible …………………………………….47
2. L’esclave, un prestige pour le peuple Akan…………………………………...49
3. L’esclave, partenaire de reproduction biologique……………………………..50
DEUXIÈME PARTIE : L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT
DU MARCHÉ D’ESCLAVES DE KOTIA
KOFFIKRO (1894-1898) ………………………..52
CHAPITRE TROISIÈME : L’ORGANISATION DU COMMERCE
D’ESCLAVES.......................................................54
I- Le commerce intérieur…………………………………………………………54
1. Le commerce immédiat………………………………………………………..54
2. Le commerce intercommunautaire…………………………………………….55
II-Le commerce extérieur………………………………………………………...56
1. Les raisons du commerce à longue distance…………………………………..56
2. Les acteurs commerciaux……………………………………………………...57
III-Les centres, les circuits et les produits commerciaux………………………...58
1. Les centres commerciaux en relation avec Kotia Kofikro…………………….58
2. Les circuits commerciaux……………………………………………………..59
3. Les produits commerciaux…………………………………………………….60
CHAPITRE QUATRIÈME : LA MONNAIE DANS LES TRANSACTIONS
A KOTIA KOFFIKRO DE 1893 A
1898……………………………………..62
I- Le système de troc et la marchandise monnaie………………………………..62
1. Le système de troc……………………………………………………………..62
2. La marchandise- monnaie……………………………………………………..63
II- Les monnaies principales……………………………………………………..65
1. Le sombè et la manille………………………………………………………...65
131
2. L’or et les fusils……………………………………………………………….66
TROISIÈME PARTIE : LES EFFETS DU COMMERCE D’ESCLAVES
(1898-1906)………………………………………….69
CHAPITRE CINQUIÈME : LES TRANFORMATIONS ÉCONOMIQUES
DE LA VENTE D’ESCLAVES……………….71
I- Les impacts économiques sur Kotia Koffikro et le pays baoulé………………71
1. L’essor économique de Kotia Koffikro et sa suprématie dans le monde
faafouê……………………………………………………………………71
2. La croissance économique dans l’ensemble du pays baoulé………………….72
II- Les effets économiques sur les zones de provenance et d’accueil des
esclaves..................................................................................................................73
1. Etouffement de l’économie des zones d’émanation
d’esclaves………………………………………………………………...73
2. La prospérité économique des autres zones
d’accueil………………………………………………………………….74
CHAPITRE SIXIÈME : REPERCUSSIONS DÉMOGRAPHIQUES ET
SOCIALES DE LA VENTE D’ESCLAVES84
I- Impact démographique sur les localités d’accueil et de provenance des
esclaves…………………………………………………………………...76
1. Augmentation du nombre d’habitant dans le Baoulé Nord et Sud…………….76
2. Augmentation de la population de la zone côtière et de l’Est…………………78
3. Dépeuplement de la région située au Nord du Baoulé………………………...78
II- Les répercussions sociales du commerce d’esclaves…………………………80
1. Le traumatisme général………………………………………………………..80
2. La capture de Samory et le déclin du marché d’esclaves……………………...81
3. L’alliance entre les esclaves et les colonisateurs français …………………….83
4. La création du quartier Liberté en 1906……………………………………….84
4.1 Le quartier Liberté……………………………………………………………85
132
4.2 De Liberté à Djamourou……………………………………………………...87
CONCLUSION GÉNÉRALE………………………………………………….90
ANNEXE ………………………………………………………………………94
INDEX ET LEXIQUE………………………………………………………...114
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE…………………………………………...118
TABLE DES CARTES………………………………………………………..128
TABLE DES MATIÉRES…………………………………………………….129