Mémoire Master II - Associations et médias sociaux : Relation de complémentarité ou de...
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Master 2 SMEA-ESS
Stratégie et Management des Entreprises Associatives de l’ESS
Titre
Associations et médias sociaux :
Relation de complémentarité ou de substituabilité ?
Mémoire présenté et soutenu par
Jean-Luc GADIOUX
Directeur de mémoire :
Jean-Luc RAYMOND
Chargé de cours Universités
CELSA Paris Sorbonne, Paris Est - Marne-La-Vallée
Promo 2011-2012
Octobre 2012
Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX
Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 2
« Les opinions exprimées dans ce mémoire sont celles de l’auteur et ne sauraient en aucun cas engager le
directeur de mémoire ou l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée »
Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX
Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 3
PREAMBULE
Dans le contexte de mon activité salariale, et compte tenu de mes intérêts pour le mouvement
de l’Education populaire, ce mémoire représente pour moi un support à visée pédagogique. Il
apporte un sens supplémentaire à ma démarche professionnelle et représente une opportunité
de nourrir ma réflexion dans ce domaine.
Parcours de vie de l’auteur du mémoire
L'aspect collectif a toujours joué un rôle important dans ma vie. Je suis le cadet d’une famille
de sept enfants, j'ai joué au rugby, j'ai passé mes vacances d'enfant et d'adolescent en
collectivité dans les centres de loisirs et de vacances. Dans ma vie professionnelle, j'ai été
impliqué dans le travail en équipe dans chaque fonction que j’ai pu occuper. Ma carrière
commence par une succession de postes de cuisinier au sein de brigades en restauration
traditionnelle. J'ai effectué mon service militaire en tant que Marin Pompier. J'ai ensuite
dirigé des équipes de restauration et des structures de tourisme social.
Je suis actuellement responsable du service vie associative de la Fédération de la Ligue de
l’Enseignement de la Dordogne. Une de mes principales missions est d’accompagner les
bénévoles dans la mise en œuvre de leur projet collectif associatif.
Je peux donc affirmer que le lien social fait sens pour moi, et c’est naturellement que je me
suis intéressé au phénomène des réseaux sociaux numériques.
Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX
Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 4
REMERCIEMENTS
Je souhaite ici adresser mes remerciements les plus sincères aux personnes qui m'ont apporté
leur aide et qui ont contribué à l'élaboration de ce travail ainsi qu’à la réussite de cette
formation.
Je tiens à remercier sincèrement Jean-Luc Raymond, Chargé de cours à l’Universités CELSA
Paris Sorbonne, Paris Est - Marne-La-Vallée, qui, en tant que Directeur de mémoire, s'est
toujours montré à l'écoute et disponible tout au long de la réalisation de ce mémoire, ainsi que
pour l'inspiration, l'aide et le temps qu'il a bien voulu me consacrer.
J'exprime ma plus grande gratitude aux chercheurs et personnalités, Laurence Allard,
Dominique Cardon, Bastien Sibille, et François Meynier, qui ont accepté de répondre à mes
questions avec une grande compréhension et générosité.
Mes remerciements s’adressent également à mes amis et collègues, Claire Largarde, Delphine
Martin, Jean-Luc Sanvicens et Gilles Le Page, qui ont gentiment pris sur leur temps pour
relire mon mémoire, et à tous ceux qui, par leurs réflexions et leur aide ponctuelle, ont
participé à la réalisation de cette tâche.
Je tiens à exprimer ma reconnaissance à mon employeur, représenté par Renée Simon,
présidente de la Ligue de l’enseignement de la Dordogne, et Jean-Luc Sanvicens, secrétaire
général de la fédération, pour m’avoir permis de suivre cette formation dans les meilleurs
conditions, ainsi qu’à mes collègues qui ont su s’adapter et combler mes absences régulières
lors de ces deux années.
Je n'oublie pas mon épouse Lydie et ma fille Blandine, qui m'ont toujours soutenu et
encouragé au cours de cette formation et de la réalisation de ce mémoire.
Enfin, même si je ne le connais pas personnellement, je souhaite ici remercier Monsieur
Michel Beaud, pour son livre « L’art de la thèse, comment préparer et rédiger un mémoire de
master, une thèse de doctorat ou tout autre travail universitaire à l’ère du net »1, qui m’a
beaucoup aidé dans la structuration de ma recherche et la méthodologie de travail.
Merci à toutes et à tous.
1 Michel BEAUD.- L’art de la thèse, comment préparer et rédiger un mémoire de master, une thèse de doctorat
ou tout autre travail universitaire à l’ère du net.- Edition La Découverte, Paris, 2006. 202 pages.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 5
TABLE DES MATIERES
PREAMBULE ............................................................................................................................ 3
REMERCIEMENTS .................................................................................................................. 4
INTRODUCTION ...................................................................................................................... 7
1. LES MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE, NOUVELLES FORMES D’ASSOCIATIONS ?
.......................................................................................................................................... 11
1.1. Peut-on caractériser l’engagement associatif traditionnel ? ...................................... 11
1.1.1. Eléments historiques et contextuels ................................................................... 11
1.1.2. Les raisons d’agir ............................................................................................... 12
1.1.3. Les évolutions de l’engagement ......................................................................... 16
1.1.4. Eléments de synthèse ......................................................................................... 18
1.2. Les mobilisations sur les médias sociaux en ligne : nouvelle forme d’engagement ? ..
................................................................................................................................... 19
1.2.1. L’exemple du « Bad Buzz » des supermarchés CORA...................................... 20
1.2.2. L'impact des médias sociaux pendant le printemps arabe .................................. 21
1.2.3. Un compte Twitter fermé grâce à la mobilisation sur Internet........................... 22
1.2.4. Le mouvement des « Indignés » ......................................................................... 23
1.3. Medias sociaux en ligne : risque ou opportunité pour le monde associatif ? ............ 24
1.3.1. Médias sociaux : risque de substitutions ? ......................................................... 24
1.3.2. Médias sociaux en ligne : une opportunité à saisir ? .......................................... 27
2. LES MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE, OUTILS AU SERVICE DU MONDE
ASSOCIATIF ? ........................................................................................................................ 31
2.1. Les médias sociaux comme support du fait associatif ? ............................................ 31
2.1.1. La notion de capital social appliquée à une association. .................................... 31
2.1.2. Les médias sociaux numériques : la force des liens faibles ............................... 33
2.2. L’exemple du compte Twitter du centre de ressources départemental de la vie
associative de la Ligue de l’enseignement de la Dordogne. ................................................ 36
2.2.1. Objet de l’étude et données statistiques ............................................................. 37
2.2.2. Méthodologie ..................................................................................................... 38
2.2.3. Eléments d’analyse ............................................................................................. 41
2.2.4. Twitter comme outil de veille ............................................................................ 43
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 6
2.3. Impact des médias sociaux en ligne sur la fréquentation des sites Internet .............. 43
2.3.1. L’exemple du site Internet de la Ligue 24 .......................................................... 46
2.3.2. Le référencement devient « social » ................................................................... 47
3. QUELS OUTILS POUR QUEL PROJET ? .................................................................... 49
3.1. Existe-t-il un risque pour les associations à utiliser un outil commercial de type
Facebook ? Est-ce compatible avec les valeurs de l’Economie Sociale et Solidaire ? ........ 49
3.2. Associations et logiciels libres : des valeurs à partager ? .......................................... 51
3.3. Oxwall, Elgg, Diaspora, des alternatives à Facebook ? ............................................. 53
3.3.1. Le projet Diaspora .............................................................................................. 54
3.4. La Ligue de l’enseignement doit-elle disposer de son propre média social EN
LIGNE ? ............................................................................................................................... 58
CONCLUSION ........................................................................................................................ 62
conditions de réussite et perspectives ................................................................................... 64
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................... 67
SITES INTERNET VISITES ................................................................................................... 72
COMPTES TWITTER SUIVIS ............................................................................................... 73
TABLE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES ...................................................................... 74
TABLE DES ANNEXES ......................................................................................................... 75
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 7
INTRODUCTION
La Fédération Française du bénévolat et de la Vie associative, dans un article publié sur son
site Internet en date du 17 novembre 20112, évoque une crise du bénévolat en ces termes :
« Le désintéressement solidaire est en passe de voler en éclat. Il est inutile de faire l'autruche,
la crise du bénévolat n'est pas un vain mot. Les associations peinent à recruter de nouveaux
bénévoles et surtout, à conserver ceux qui jusqu'à présent, donnaient du temps et de l'énergie
pour les autres. »
Paradoxalement, la Conférence Permanente des Coordinations Associatives (CPCA), dans un
document3, publié en mars 2012, indique que « le bénévolat est en plein essor et les Français
de plus en plus nombreux à souhaiter s’engager : sa croissance en volume4 est de l’ordre de 4
% par an », complétant cette analyse par quelques chiffres clé : 1,3 millions d'associations, 16
millions de bénévoles, soit plus de 32% de la population adulte, 23 millions de Français
adhérents d'une association.
Par ailleurs, en parallèle, Isabelle Compiègne, dans son livre « La société numérique en
question(s) », parlant « des nouveaux dispositifs de communication et leur diversification » et
du phénomène de « connexion continue », dit « qu’elle entraine un morcèlement de l'activité
et une dispersion des engagements avec le danger que cela nuise finalement à la profondeur
de l'investissement dans la relation. »
Un exemple tiré d’une enquête réalisée par Harris Interactive5 sur Facebook illustre
l’engouement des français pour de ces nouveaux dispositifs de communication :
La France compte plus de 16 millions de « fans » actifs sur Facebook.
Fin 2011, 80% des utilisateurs de Facebook sont membres d’au moins une page fan, qu’il
s’agisse de la page Facebook d’une marque, d’une entreprise, d’une association, d’un
2 http://www.benevolat.org/news/193-pour-stopper-la-crise-du-benevolat-un-projet-de-loi-enfin.html
3 CPCA. Intitulé « Repère sur les associations en France », le document propose une photographie de la
dynamique associative française. Mars 2012. http://associations.laligue.org/media/transfer/doc/p_o_t_o_2.pdf
4 Mesuré à partir du nombre annuel d’heures de travail bénévole dans les associations
5 Enquête réalisée en ligne par l’institut Harris Interactive en novembre et décembre 2011. Echantillon total de
3 000 individus représentatifs de la population des internautes français âgés de 15 ans et plus, à partir de l’access
panel Harris Interactive. http://www.harrisinteractive.fr/news/2012/09012012.asp
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 8
personnage public… Et 80% de ces fans sont « actifs » au sens où ils suivent les publications
des pages dont ils sont membres.
Parmi les catégories de pages Facebook les plus plébiscitées par les « fans » français, on
retrouve en 3ème
position, celles d’organismes et d’associations à but non lucratif.
Facebook, Twitter, LinkedIn, Google+… Les réseaux sociaux numériques sont de plus en
plus fréquentés. Depuis cinq ans, ils connaissent un développement sans précédent auprès de
publics très divers.
L’année 2010 a été marquée, selon une étude de l’IFOP (Observatoire des réseaux sociaux)6,
par une expansion importante de ces sites de socialisation, dont se sont emparées les grandes
marques commerciales, qui bouleversent les modes de communication de notre société. Ils
représentent toutefois certains risques pour leurs utilisateurs. Les « sociaux-internautes »
rendent publiques des informations sur eux-mêmes ou leurs amis (contacts personnels ou
professionnels, photos, convictions religieuses, préférences sexuelles). Ces informations
peuvent être par la suite utilisées à des fins malveillantes ou discriminatoires.
L’année 2011 voit émerger des mouvements de mobilisation citoyenne dans lesquels les
réseaux sociaux numériques jouent un rôle important, notamment “en créant de nouveaux
liens de solidarité et de sociabilité entre ceux qui informent et ceux qui reçoivent
l'information pour contourner la censure et informer en continu et en direct des évènements”
7 : le "printemps arabe" en a été le révélateur.
Plus près de nous, la mobilisation d’une fraction de la population espagnole, se désignant eux-
mêmes « les indignés », sur les places des villes, ainsi que celle de comités de citoyens en
Italie, coordonnés par le Forum Italien des Mouvements pour l'Eau Publique, afin qu'ils
participent aux référendums populaires, l'illustre également.
Avec les médias sociaux, les modalités traditionnelles de mobilisation prennent "un coup de
vieux" : le syndicalisme, le multipartisme, les manifestations, voire la représentation par
6 IFOP : Observatoire des réseaux sociaux : http://www.slideshare.net/azizhaddad/ifop-observatoire-rseaux-
sociaux-janvier-2010
7 Rita Chemaly. Les réseaux numériques au service des intifadas arabes . Table ronde du 20 avril 2011, Institut
des sciences politiques, université Saint Joseph : http://ritachemaly.files.wordpress.com/2011/04/table-ronde-isp-
intifadas-arabes-et-ntic-par-rita-chemaly.pdf
Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX
Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 9
l'élection... S’ils ne se substituent pas à ces modalités traditionnelles, les médias sociaux
jouent le rôle de catalyseurs pour des mobilisations et des actions collectives. Par la gratuité,
la rapidité et la facilité de leurs services, ils aident à organiser des actions collectives. Les
"flash-mobs"8, l'agora des "chats"
9 et des "tweets"
10, constituent de « nouvelles » modalités de
communication : des nouveaux espaces d'expression et de mobilisation peu ou pas régulés.
Ces premiers éléments contextuels identifiés, ces questions peuvent être posées : les
mobilisations sur les médias sociaux en ligne11
, peuvent-elles venir se substituer, mêmes
partiellement, aux formes d’engagements associatifs plus traditionnelles ? Ou peuvent-elles
être complémentaires, voire venir renforcer la mobilisation associative ?
Si les médias sociaux en ligne peuvent être des outils au service du fait associatif, l’utilisation
de médias de type Facebook, dont le modèle économique est capitaliste, est-elle en cohérence
avec les valeurs de l’Economie Sociale et Solidaire et de l’Education populaire ?
Ce mémoire de fin d’études de Master « Stratégie et Management des Entreprises
Associatives de l’Economie Sociale et Solidaire » a pour thème les médias sociaux en ligne et
leurs interactions possibles avec les réseaux sociaux physiques et plus particulièrement les
associations.
Pour répondre aux questions préalablement posées, nous définirons dans un premier temps ce
qui caractérise l’engagement associatif. Puis nous étudierons les possibilités de substitution de
l’engagement militant traditionnel par les médias sociaux.
Dans un deuxième temps, nous nous efforcerons de montrer en quoi les médias sociaux
peuvent être des outils de renforcement de son propre réseau militant et comment ceux-ci
peuvent permettre d'élargir la diffusion du projet politique d'un
8 Un "flash-mob", ou encore mobilisation éclair, est le rassemblement d’un groupe de personnes dans un lieu
public pour y effectuer des actions convenues d’avance, avant de se disperser rapidement. Le rassemblement
étant généralement organisé au moyen d’Internet, les participants ne se connaissent pas pour la plupart.
9 Chat : ce terme correspond à la possibilité de discuter en ligne sur internet en temps réel avec une ou plusieurs
personnes. Contrairement au logiciel de messagerie, le chat permet à l'interlocuteur de prendre instantanément
connaissance du contenu du message au moment même où ce dernier est écrit. www.cnil.fr/index.php
10
Tweet : message limités à 140 caractères diffusé sur le logiciel de microblogging Twitter.
11
Les médias sociaux en ligne désignent un ensemble de services permettant de développer des conversations et
des interactions sociales sur internet ou en situation de mobilité.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 10
mouvement d'Éducation Populaire auprès d'associations ou de militants plus éloignés. Il
s'agira ici de vérifier si la théorie de Marck Granovetter12
sur "La force des liens faibles" peut
être appliquée aux médias sociaux.
Dans un troisième temps, sera posée la question de l'adéquation du ou des médias sociaux
choisis avec les valeurs de l'Education Populaire. Il s’agira, dans cette partie, de s’interroger
sur les médias sociaux les plus adaptés aux valeurs de l'Éducation Populaire, au risque de se
priver de l’audience des médias que sont les entreprises et marques Facebook, Twitter,
Google +, et des liens éventuels entre le monde du Logiciels Libres et celui de l’Education
Populaire.
Le travail effectué dans ce document s’appuie sur des interviews de chercheurs et de
personnalités dont les travaux sont connexes à la thématique de ce mémoire. Il prend
également appui sur des enquêtes réalisées par des organismes extérieurs sur l’engagement
associatif et sur les médias sociaux. Enfin, une partie sera consacrée à l’étude et l’analyse
d’un compte Twitter associatif et sur l’impact des médias sur la fréquentation de sites Internet
associatifs.
Pour réaliser ce mémoire, nous mobiliserons principalement les champs disciplinaires des
sciences de l’information et de la communication et de la sociologie, notamment la sociologie
des réseaux.
12 Mark Granovetter, né en 1943, est professeur de sociologie à l'Université Stanford. C'est l'un des principaux
acteurs du renouveau de la sociologie économique.
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1. LES MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE,
NOUVELLES FORMES D’ASSOCIATIONS ?
Afin d’évaluer le risque de substitution, même partiel, de l’engagement associatif traditionnel
par l’engagement sur les médias sociaux, nous allons, dans une première partie de ce chapitre,
tenter de clarifier ce qui caractérise l’engagement associatif bénévole traditionnel.
Puis, nous nous intéresserons aux nouvelles modalités d’engagement pouvant être mises en
œuvre à travers les médias sociaux.
Enfin, nous nous interrogerons sur les risques et sur les opportunités que peuvent représenter
les médias sociaux pour le monde associatif.
1.1. PEUT-ON CARACTERISER L’ENGAGEMENT ASSOCIATIF TRADITIONNEL ?
1.1.1. Eléments historiques et contextuels
En France, la notion d’engagement a été fortement liée à l’action partisane et au militantisme
politique. On a longtemps considéré que l’engagement « noble », l’engagement par excellence
était l’engagement politique, suivi de l’engagement syndical. Les autres formes d’engagement
(associatif et/ou bénévole) étaient souvent dévalorisées. Ce n’est que récemment que les
chercheurs (notamment les sociologues) ont inclus l’engagement bénévole et associatif dans
l’étude des formes de participation au débat public.13
Les crises qui ont affecté, depuis une trentaine d'années un modèle militant construit dans
l'action politique et syndicale, essentiellement marqué à gauche, ont retenti sur l'engagement
associatif. Celui-ci a, dans certains cas, connu une évolution parallèle, le militant laissant
progressivement la place à l’usager, dans une logique de consommation d’activité et non
d’engagement militant sur des valeurs partagées. Dans d'autres, il s'est affirmé comme une
modalité substitutive de l'engagement politique.
Selon le discours dominant relayé par les médias, le bénévolat serait en crise, notamment au
niveau de la jeunesse. C'est aussi le sens commun et la perception des intéressés eux-mêmes.
13 L'engagement contemporain : Les raisons d'agir et le sens des mutations
Note de problématique élaborée par Catherine LENZI, sociologue, chercheuse associée au laboratoire
Printemps/CNRS, responsable du pôle enseignement supérieur, recherche et international à l’IREIS Rhône-Alpes
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 12
Lors d’une intervention aux Journées d’Etudes des Responsables Fédéraux (JERF) de la
Ligue de l’Enseignement en février 2012, Viviane Tchernonog (chargée de recherche au
CNRS), nous dit :
« Il n’y a pas de crise du bénévolat. Le travail bénévole connaît, au contraire, un rythme de
croissance tout à fait considérable. Les différents travaux qui sont conduits auprès des
associations permettent de conclure que le bénévolat est en plein essor.
Les dernières données nous permettent d’affirmer aujourd’hui que 32 % des français âgés de
plus de 18 ans ont une activité bénévole, ce qui nous fait à peu près 16 millions de bénévoles.
Pour autant, le travail bénévole connaît un certain nombre de difficultés, notamment dans le
renouvellement de ses responsables, qui explique les discours tenus sur la crise du
bénévolat. »
Ces quelques éléments historiques et contextuels, nous conduisent à nous intéresser aux
modalités qui poussent les individus à s’engager dans une association.
1.1.2. Les raisons d’agir
Au travers du lien d’association, l’individu s’inscrit dans le collectif par une relation
volontaire, libre et pour un temps donné. Il développe des relations informelles, multiples,
basées sur la multiplication des expériences. C’est une sorte de mise en réseau perpétuelle
dans laquelle la relation prime sur le cadre dans lequel elle s’exerce. En agissant ainsi,
l’individu s’affranchit de ses appartenances (familiales, sociales, professionnelles) pour
devenir un « individu pluriel », résultat d’expériences forgées tout au long de cette
socialisation élargie. Il s’inscrit en fait dans un lien d’association et ce dans le sens où ses
relations aux autres sont volontaires, libres et conçues dans un rapport égalitaire.14
Ce lien d’association est présent dans notre vie de tous les jours, par les relations que nous
nouons entre nous, « groupements de fait, groupements informels ». Ainsi le fait associatif est
visible bien au-delà du phénomène de l’association déclarée, contractualisée : l’association de
fait est aussi une réalité du lien social. Association de fait et association déclarée ne sont pas à
opposer, l’une et l’autre s’inscrivent avant tout dans une approche renouvelée du lien social
par le lien d’association.
14 SUE Roger. - Renouer le lien social. Liberté, égalité, association.- Éditions Odile Jacob. - 2001
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 13
Dans son intervention lors des Journées d’Etudes des Responsables Fédéraux (JERF) de la
Ligue de l’enseignement (février 2012), Catherine Lenzi15
, nous propose de rendre lisibles les
raisons qui motivent et orientent les conduites des individus qui, si elles ne sont pas forcément
liées à la thèse utilitariste, ne sont pas pour autant des « actes gratuits », c’est-à-dire non
motivés.
Pour Catherine Lenzi, le sens de l’acte d’engagement renvoie moins à la notion d’intérêt – au
sens d’un calcul stratégique et rationnel – qu’à celle d’illusio, théorisée par Pierre Bourdieu :
« L’illusio, c’est le fait d’être pris au jeu, d’être pris par le jeu, de croire que le jeu en vaut la
chandelle, ou, pour dire les choses simplement, que ça vaut la peine de jouer. »16
Bénédicte Havard-Duclos et Sandrine Nicourd, à partir d’une analyse des processus
d’engagement observés dans des associations de solidarité, ont montré que l’intensité des
engagements dépendait de la façon dont les organisations répondent aux attentes des militants
sur quatre registres : « l’utilité sociale, le sens de l’engagement pour la trajectoire
personnelle, le plaisir apporté par une sociabilité et un statut satisfaisant, la légitimité de
l’engagement au regard des normes sociales dominantes »17
.
Un rapport de recherche, "Intérêts d'être bénévole"18
, vient compléter l’analyse de Bénédicte
Havard-Duclos et Sandrine Nicourd.
L’objectif essentiel de cette recherche concerne moins le bénévolat en tant que tel, que
l’analyse des incidences positives, ou éventuellement négatives, pour le sujet de la pratique
d’une activité bénévole régulière au sein d'une association. Cette recherche a été réalisée
auprès de cinquante huit bénévoles à partir d’entretiens non directifs sur leur parcours
initiatique de formation et de construction de savoirs, à partir d’un échantillon raisonné.
L’analyse des entretiens est réalisée avec le logiciel d’analyse de données textuelles Alceste
dont la méthodologie vise à découvrir l’information essentielle contenue dans un texte.
Les résultats de cette recherche, illustrés par le schéma suivant (Figure 1), montrent ceci :
15 Catherine LENZI : Sociologue, chercheur associé au laboratoire Printemps/CNRS Université de Versailles
Saint-Quentin-en-Yvelines
16
Pierre BOURDIEU, « Un acte désintéressé est-il possible ? », Raisons pratiques, Paris, Seuil, 1994, p. 151
17
Bénédicte HAVARD DUCLOS, Sandrine NICOURD.- Pourquoi s'engager ? : Bénévoles et militants dans les
associations de solidarité.- PAYOT, 2005, 224 p. Page 194
18
Recherche réalisée en 2010 par le laboratoire Cerlis/CNRS de l'Université Paris Descartes sur commande du
Crédit Mutuel et de la Fonda. http://www.cnrs.fr/inshs/recherche/docs-vie-labos/interet-etre-benevole.pdf
Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX
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Classe 1 : Animer, assurer des responsabilités et acquérir des compétences
Pour 19% des bénévoles interrogés, l’engagement dans une association est souvent en
concordance avec une finalité professionnelle. Le fait de s’appuyer sur les ressources de
l’institution associative, de prendre des responsabilités sont des moyens d’acquérir une
reconnaissance sociale. Le bénévolat permet d’enrichir ses expériences, de développer des
aptitudes, d’acquérir des compétences. Il pousse à prendre des responsabilités et des
initiatives. Ces discours mettent l'accent et valorisent tout particulièrement le réinvestissement
professionnel et la reconnaissance sociale, voire une perspective d’emploi ou une promotion.
Classe 2 : Projet de développement personnel
Pour 15% des bénévoles interrogés, l’engagement bénévole est un moyen d’utiliser des
missions associatives non seulement pour acquérir des compétences selon un projet personnel,
voire un tremplin vers l’emploi, mais aussi pour s'épanouir tout en occupant son temps libre.
Chez les plus jeunes, on s’investit pleinement dans des missions jugées intéressantes et utiles
si le projet permet de développer des compétences et laisse une grande part aux initiatives
individuelles. C’est un engagement bénévole dont l’utilité est positive pour la société mais
tout autant pour l’individu lui-même. La satisfaction personnelle vient en partie du don à
l'autre. Altruisme teinté d'individualisme donc, où se côtoient motivations pour l’autre et
motivations pour soi.
Classe 3 : Contraintes et environnement familial
Pour 29% des bénévoles interrogés, il apparaît nettement qu’une des motivations principales
déclarées est l'aspiration à rencontrer des personnes, établir des contacts et rendre service.
Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX
Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 15
Mais en même temps cet engagement est contraignant, surtout pour l’environnement familial
qui en supporte les conséquences. Milieu familial qui est pourtant souvent à l'origine de ces
engagements selon différentes traditions.
Classe 4 : Individu et liens sociaux
Pour 37% des bénévoles interrogés, le désir de se faire des amis et la recherche
d’épanouissement est assez prégnant, c’est aussi une façon de lutter contre le risque de repli
sur soi. Souhaiter rencontrer des personnes ayant les mêmes préoccupations, se faire des amis,
partager des moments conviviaux et festifs à l’issue des moments forts vécus ensemble sont
aussi des motifs de satisfaction garants d’un engagement durable.
Une deuxième analyse des contenus des entretiens vient renforcer et compléter les items
d'informations significatifs déjà repérés et quantifiés par le logiciel Alceste. Trois grands
thèmes majeurs et transversaux à pratiquement tous les discours qui recoupent en partie et
affinent l'analyse précédente, se détachent :
Le plaisir de se réaliser : L’engagement bénévole apparaît d’abord comme lié à un
loisir particulier par lequel nous pouvons tout à la fois nous connaître et « nous
produire ». Il correspond à un projet d’activité où le plaisir est synonyme de réalisation
de soi. En un sens, on est passé d’un engagement militant à une logique
d’épanouissement personnel, ou en tout cas à une inversion des motivations.
Acquérir des compétences : S’il est difficile de considérer l’engagement bénévole
comme un «travail» au sens d’une activité contractuelle, subordonnée et rémunérée,
tous les bénévoles interrogés affirment en retirer des avantages par l’acquisition de
nouvelles compétences. Ces compétences pouvant précisément faire l’objet d’un
transfert dans le monde du travail. Par sa posture, le bénévole acquiert
progressivement plus de confiance en soi et une capacité à se distancier. L’expérience
bénévole facilite les acquis de compétences empathiques comme la capacité de mieux
comprendre les autres, de motiver les gens rencontrés.
Affiliation & lien social : Le besoin d’appartenance à un groupe, d’échange et de
reconnaissance est très fort, surtout quand nous nous sentons isolé. Le désir de se faire
des amis est assez prégnant. A la différence du lien social qui se construit directement
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dans le rapport aux autres, la reliance est la représentation de son engagement à travers
le groupe, le collectif, l’association. Nous nous lions individuellement et nous sommes
relié par le collectif, par le sentiment d’une appartenance commune. C’est aussi un
moyen de sortir des contraintes familiales et professionnelles tout en permettant de
rencontrer d’autres personnes et d’apprendre autre chose.
Si les raisons de s’investir dans le bénévolat associatif se traduisent principalement par le
plaisir de se réaliser, par l’acquisition de nouvelles compétences susceptibles d’être
transposées dans la vie professionnelle et par le désir de lien social, cet engagement associatif
subit-il des mutations ? Des évolutions ?
1.1.3. Les évolutions de l’engagement
Si on entend derrière le terme engagement, l’engagement partisan ou politique, il ne fait donc
pas l’ombre d’un doute que les individus aujourd’hui ne se reconnaissent plus dans ces modes
de participation collective qu’ils perçoivent comme sacrificielle et en désaccord profond avec
les valeurs individuelles et d’autonomie qui les animent. Ce n'est donc pas anodin si les
acteurs associatifs se définissent davantage comme des individus "engagés" et affranchis des
logiques d'appareil, que comme des militants, terme associé au petit soldat de la cause.
Suivant cette même logique, les individus engagés dans une action collective et plus
généralement les bénévoles associatifs, se définissent souvent comme apolitiques ou non
partisans, quand bien même tout dans leur pratique, témoigne du contraire.19
« Au militant dévoué et fidèle, fonctionnant à l’appartenance identitaire et à l’engagement
illimité, aurait succédé un militant plus autonome à l’égard des organisations, mobilisé sur
des objectifs concrets, modestes et spécialisés mais utiles, sur des durées limitées. L’action
deviendrait plus importante que l’affiliation, dans un idéal tout autant libéral que
libertaire »20
.
19 Catherine LENZI.- L'engagement contemporain : Les raisons d'agir et le sens des mutations. Intervention lors
des JERF de la Ligue de l’enseignement (février 2012).
20
HAVARD-DUCLOS et NICOURD, 2005, p. 171
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 17
Si l’on en croit les discours de Catherine Lenzi et de Bénédicte Havard-Duclos et Sandrine
Nicourd, il semblerait que l’engagement militant, basé sur l’appartenance identitaire liée au
projet politique de l’association, évoluerait vers une forme plus limitée dans le temps sur des
objectifs plus précis. C’est en cela qu’il existe une profonde différence entre les « nouveaux
bénévoles » et le modèle militant traditionnel. Alors que ce qui fonde une association, ce qui
doit être l’objet du ralliement des adhérents est une finalité partagée, ce qui motive
aujourd’hui les « nouveaux bénévoles » réside davantage dans l’action qu’ils conduiront eux-
mêmes. La recherche d’un épanouissement individuel et la volonté de garder son autonomie
dans l’association prendraient le pas sur un engagement permanent.
Certains sociologues ont développé une thèse sur une mutation des formes de l’engagement.
Jacques Ion explique, par exemple, qu’elle oppose un militantisme « total » du passé à un
militantisme « distancié » du temps présent21
. Le premier se caractériserait par un
investissement intense dans la cause, à laquelle une large part de la vie familiale et des loisirs
serait sacrifiée : réunions plusieurs soirs par semaine, distributions de tracts et vente du
journal le dimanche, auxquels s’ajouteraient cotisations élevées, docilité à l’égard de la
hiérarchie et fort attachement identitaire au mouvement (parti, syndicat…). Le second se
singulariserait, à l’opposé, par les fluctuations de l’engagement, conçu comme « à la carte » :
chacun choisirait ses propres rythmes, degrés et modalités de participation au groupe, et se
méfierait des structures bureaucratiques hiérarchisées perçues comme menaçantes pour son
autonomie et sa liberté. De même, ces nouveaux militants n’hésiteraient pas à passer d’une
cause à une autre au gré de leurs envies et disponibilités (de la défense d’un site menacé à
celle des sans-papiers, par exemple).
Viviane Tchernonog (JERF, février 2012), constate que le profil des bénévoles a changé
depuis une dizaine d’années22
. Ils sont devenus beaucoup plus exigeants. Ils sont nombreux à
souhaiter maîtriser leurs parcours de bénévoles, à vouloir diversifier les expériences. Ils
préfèrent souvent certains secteurs d’activités.
Les jeunes préfèrent faire du bénévolat dans la culture ou l’humanitaire et d’autres secteurs
sont délaissés. Les nouveaux bénévoles veulent avoir une prise sur le projet de l’association.
21 Jacques ION. - La fin des militants ? - Paris, L’Atelier, 1997.
22
Viviane TCHERNONOG. - Les grandes tendances de l’évolution des associations. - Article extrait de juris
associations n° 384 du 15 septembre 2008. Reproduit avec l’autorisation des éditions Juris associations.
https://www.associatheque.fr/fr/fichiers/etudes/tendances-evolution-asso-2008.pdf
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 18
Ils ne veulent pas être de simples exécutants. Ils aspirent aussi à pouvoir infléchir un certain
nombre d’actions de l’association.
1.1.4. Eléments de synthèse
Le tableau ci-dessous (Tableau 2) tend à synthétiser ce qui caractérise l’engagement associatif
et ses évolutions.
Tableau 2 : Raisons d’agir et évolutions de l’engagement associatif
Les raisons de l’engagement
associatif :
- Le désir de lien social : se faire des amis,
rencontrer de nouvelles personnes, hors du cercle
professionnel et familial, partager des moments
conviviaux. Le besoin d’appartenance à un groupe.
- Le plaisir de se réaliser : épanouissement
personnel, s'épanouir tout en occupant son temps
libre, motivations altruistes et motivations plus
personnelles.
- Acquérir des compétences : prise de
responsabilités comme acquisition de
reconnaissance sociale, réinvestissement
professionnel, voire perspective d’emploi ou
promotion. Acquisition de compétences
empathiques.
Les contraintes de
l’engagement :
- Engagement contraignant, surtout pour
l’environnement familial qui en supporte les
conséquences.
Les évolutions de
l’engagement :
- Plus limité dans le temps.
- Sur des projets d’actions plus précis.
- Sur des rythmes plus souples, choisis par le
bénévole.
- Méfiance envers les structures bureaucratiques
hiérarchisées.
- Impliqué dans le projet global de l’association Vs
simple exécutant.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 19
Par ailleurs, Isabelle Compiègne, dans son livre « La société numérique en question(s) »23
,
parlant « des nouveaux dispositifs de communication et leur diversification » et du phénomène
de « connexion continue », dit « qu’elle entraine un morcèlement de l'activité et une
dispersion des engagements avec le danger que cela nuise finalement à la profondeur de
l'investissement dans la relation. »
L’engagement sur les médias sociaux peut-il venir se substituer à l’engagement associatif
traditionnel ? Internet est-il en train de réinventer une culture de l’engagement militant ?
1.2. LES MOBILISATIONS SUR LES MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE : NOUVELLE FORME
D’ENGAGEMENT ?
De 1995 à 2001, l'Internet militant prend véritablement forme avec les listes de diffusion sur
le web24
. Internet donne la possibilité à ceux qui n'appartiennent pas ou ne veulent pas
appartenir à des organisations syndicales ou associatives de donner une ampleur à leurs
revendications. Cette période de développement de technologies façonne de nouveaux
comportements engagés permettant à de nombreux individus de se dégager des organisations.
On parle de micro-mobilisations, non pour témoigner de leur faible diffusion, mais pour
signaler qu'elles peuvent se déployer à partir de l'action d'un homme.
Les mobilisations ne sont plus l’apanage des mouvements syndicaux ou associatifs, une
somme d’individus peut désormais, à partir du témoignage en ligne d’un seul membre,
mobiliser autour d’une revendication, d’un fait ou de la défense d’une cause.
Manuel Castells25
évoque par ailleurs que « les réseaux en ligne, quand ils se stabilisent,
peuvent engendrer de véritables communautés : des communautés certes virtuelles,
différentes en cela des communautés physiques, mais pas nécessairement moins fortes ou
moins efficaces pour maintenir un contact ou mobiliser. »
23 Isabelle COMPIEGNE.- La société numérique en question(s).-Auxerre, Siences Humaines Éditions 2011.-
127p.
24
Une enquête menée auprès de cyberactivistes montre comment Internet est devenue un véritable laboratoire
politique. Scripts, blogs, forums, listes de discussions reformulent sans cesse les cadres du débat public. Article
paru le site scienceshumaines.com inspiré du livre « Devenir Média » (Olivier Blondeau en collaboration avec
Laurence Allard) - http://www.scienceshumaines.com/quand-internet-reinvente-le-politique_fr_21841.html 25
Manuel CASTELLS.- La Galaxie Internet.- Paris : Fayard, 2001.– 365 p
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 20
1.2.1. L’exemple du « Bad Buzz26
» des supermarchés CORA
L’exemple de la caissière des supermarchés CORA illustre bien le pouvoir de mobilisation
des médias sociaux.
C’est un article publié sur l’Express.fr qui déclenche « la machine » le 26 octobre 2011.
L’histoire de cette caissière des supermarchés Cora, « Menacée de licenciement pour un ticket
de caisse ramassé », provoque des réactions en chaîne et une vague de commentaires violents
sur les médias sociaux.
La page Facebook de Cora a été prise d’assaut par les internautes qui ont multiplié les
invectives et des commentaires furieux. Même chose sur Twitter où Cora entre très vite dans
les sujets tendances du moment. De son côté, l’enseigne Cora tente une modération sur ces
médias sans jamais parvenir à endiguer la vague contestataire. Trop tard, l’incendie de la crise
est déclaré ! Et les grands médias en font aussitôt leur miel à tel point que les stations de radio
France Inter et Europe 1 ouvrent leur antenne à la caissière incriminée, et les indignés
s’apaisent à peine le lendemain, quand l’enseigne publie son mea culpa sur Facebook.
La direction, après avoir fait savoir dans l'après-midi être en relation avec l'hypermarché de
Mondelange, a annoncé sa décision dans la soirée sur sa page Facebook. Elle annonce « ne
pas poursuivre la procédure engagée à l'encontre d'une salariée du magasin. »
Cora ajoute : « Nous avons conscience de l'émotion suscitée par les informations parues
depuis ce matin. »
Le statut a été commenté plus de 500 fois. Si la décision est évidemment une bonne nouvelle
pour la salariée, les internautes estiment que la réaction de Cora est bien faible, et demandent,
pêle-mêle, « des excuses publiques », un « boycott » ou encore la « démission de la
direction ».
La mobilisation sur les médias sociaux a gagné, la salariée est réintégrée, et Cora s’en tire
avec une e-réputation négative dans les annales de Google.
Cette mobilisation éclair n’est pas un cas isolé, et reflète le pouvoir fédérateur de l’Internet,
pourvoyeur de nouveaux outils pour défendre, plaider, dénoncer, aider, critiquer, et agir,
autant d’actions qui étaient jusque là mises en œuvre par des organisations associatives,
politiques ou syndicales. Mais cette mobilisation n’est-elle pas ponctuelle ? A-t-elle permis de
26 Un bad buzz est un phénomène de "bouche à oreille" négatif qui se déroule généralement essentiellement sur
Internet.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 21
faire avancer réellement la cause des conditions de travail des caissières de supermarchés ?
Impacte-t-elle les ressources humaines de l’entreprise ?
1.2.2. L'impact des médias sociaux pendant le printemps arabe
L’année 2011 voit également émerger des mouvements de mobilisation citoyenne dans
lesquels les réseaux sociaux numériques jouent un rôle important, notamment “en créant de
nouveaux liens de solidarité et de sociabilité entre ceux qui informent et ceux qui reçoivent
l'information pour contourner la censure et informer en continu et en direct des
évènements 27
» : le « Printemps Arabe »28
en a été le révélateur.
Rita Chemaly, lors d’une table ronde autour des Intifadas Arabes, organisée par l’Institut des
Sciences Politiques, à l’Université Saint Joseph de Beyrouth, le mercredi 20 avril 2011, nous
éclaire sur le rôle des médias sociaux lors du « Printemps Arabe ».
Ce rôle, dit-elle, s'est centré autour de trois pôles :
- Diffuser l'information et les messages de soutien aux populations révoltées, mais
aussi et surtout couvrir le mouvement de rue et alerter, notamment via Twitter
(exemple de Samer Karam qui mettait à jour une liste des disparus et utilisait Twitter
pour alerter l’opinion sur le sort des « activistes » et opposants arrêtés, torturés ou
kidnappés).
- Contester avec des pétitions et articles qui expriment le ras-le-bol des citoyens, et de
ceux qui les soutiennent, donnant aussi la parole, sur la sphère publique numérique, à
la diaspora des pays concernés et aux dissidents.
27 Rita CHEMALY, diplômée en sciences administratives et politiques de l'Institut des Sciences Politiques de
l'Université Saint Joseph de Beyrouth. Les réseaux numériques au service des intifadas arabes . Table ronde du
20 avril 2011, Institut des sciences politiques, université Saint Joseph :
http://ritachemaly.files.wordpress.com/2011/04/table-ronde-isp-intifadas-arabes-et-ntic-par-rita-chemaly.pdf
28
Le « Printemps arabe » est un ensemble de contestations populaires, d'ampleur et d'intensité très variables, qui
se produisent dans de nombreux pays du monde arabe à partir de décembre 2010.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 22
- Se mobiliser en se regroupant dans des groupes de façon affinitaire par la création de
groupes sur Facebook et de Hashtags29
(#) sur Twitter qui regroupent et catégorisent
les flux d'informations, et rassemblent autour d'initiatives communes.
Un des enseignements que nous pouvons tirer de cette analyse est que les médias sociaux ont
été des catalyseurs pour des mobilisations et des actions collectives communes, qu’ils ont été
des outils cruciaux lors des Intifadas arabes, mais qu’il ne faut pas oublier, comme le rappelle
justement Rita Chemaly en conclusion de son intervention, « que la grande part de la
mobilisation et de l'action politique effective, a eu lieu dans la rue et dans les manifestations
de quartiers ».
1.2.3. Un compte Twitter fermé grâce à la mobilisation sur Internet
Plus récemment, un compte Twitter pédo-pornographique a été suspendu le 9 août dernier par
le site de micro-blogging, grâce à la mobilisation massive d’utilisateurs.
Le compte « @many501611 » a été trouvé et fermé après que des utilisateurs du réseau social
ont commencé à le dénoncer. La mobilisation des internautes utilisant Twitter ayant
rapidement pris de l’ampleur, le compte pédo-pornographique a été signalé à la plateforme
officielle du ministère de l’Intérieur chargée de ce type de dossier.
Depuis sa création en janvier 2009, le service qui emploie conjointement policiers et
gendarmes tous rattachés à la Direction Centrale de la Police Judiciaire, a déjà à son actif
plusieurs dizaines de milliers de signalements par des individus. En revanche, c’était la
première fois qu’un signalement était réalisé sur le réseau social en France.
Cet exemple prouve le pouvoir de mobilisation offert à des citoyens par les médias sociaux
pour des actions rapides et ponctuelles. En effet, l’action des utilisateurs de Twitter,
découvrant grâce à ce média un acte délictuel, a pu faire stopper cette diffusion à caractère
pédo-pornographique. Pour autant, il semble peu probable que la majorité des internautes
ayant participé à cette mobilisation s’engage dans une action à plus long terme pour la lutte
29 Derrière ce mot barbare se cache un symbole trop souvent oublié du clavier : le #. Twitter remet ce symbole
sur le devant de la scène en lui donnant un rôle capital, celui d’annoncer un sujet ou un mot-clé. Un hashtag est
ainsi un mot-clé précédé d’un #. Il permet d’ajouter une information complémentaire à un tweet, qui va
permettre de regrouper les messages autour d’un même thème, d’un même lieu ou encore d’un même
évènement, facilitant ainsi sa diffusion. Définition issue du livre d’Emilie OGEZ et Jean-Noël CHAINTREUIL :
Twitter. Edition Diateno, 2012.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 23
contre la pédo-pornographie. Ce que permettent les médias sociaux de type Facebook ou
Twitter, c’est la diffusion rapide auprès d’un nombre massif d’individus d’une information
(même erronée d'ailleurs...) qui peut impliquer ceux-ci le temps d’un « clic ».
Selon Alban Martin30
, cofondateur du Social Media Club et maître de conférences associé au
Celsa Paris IV Sorbonne, c’est une « forme hybride de l’engagement », qui serait née grâce à
Internet et aux réseaux sociaux, « plus superficielle, et souvent décevante quand il s’agit de
passer au concret ». Ce dernier attribue cette volatilité à l’outil lui-même : on peut soutenir
une cause sur Facebook en un clic, sur une page qui accroche le chaland avec des airs de
pétition : « C’est un problème d’émotion. Sur le coup de l’émotion, on peut cliquer vite sans
réfléchir ».
1.2.4. Le mouvement des « Indignés »
Si les mobilisations virtuelles ne sont pas nécessairement synonymes d’engagement réel et
pérenne dans le temps, nous aurions tort de négliger ce pouvoir de mobilisation.
Il ya encore quelques années, les mobilisations de citoyens, signifiant leurs désaccords par des
manifestations de rues, étaient initiées par des collectifs formels. En 2006, par exemple, Les
syndicats et coordinations d'étudiants et de lycéens, ainsi que les partis de gauche, manifestent
contre le gouvernement Dominique de Villepin et demandent le retrait des Contrats Première
Embauche et Nouvelle Embauche (CPE & CNE). Cette mobilisation rassemblait, le mardi 28
mars 2006, environ 1 055 000 manifestants, selon la police, plus de trois millions selon FO et
la CGT31
.
Aujourd’hui, les modalités de mobilisation semblent, dans certains cas, s’être inversées.
L’engagement, sur Internet, d’individus, non structurés en collectifs formels, inspire des
actions collectives d’envergures. Dans le cas du mouvement des « indignés », inspiré par le
petit ouvrage de Stéphane Hessel, « Indignez-vous ! », qui de Madrid à Athènes exprime sa
colère, l’appel sur Internet s’est traduit en un engagement concret, physique de la part des
30Alban MARTIN. - Mobilisation numérique : « une forme hybride de l'engagement ». -
www.terrafemina.com/culture/culture-web/articles/9254-mobilisation-numerique-l-une-forme-hybride-de-
lengagement-r.html
31
Lemonde.fr, article paru le 27 mars 2006 : http://www.lemonde.fr/international/article/2006/03/27/la-
mobilisation-contre-le-cpe-atteint-une-ampleur-inegalee_755248_3210.html
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 24
internautes. Descentes dans les rues, marches organisées, campements de fortune, autant
d’actions symboliques et pacifiques pour manifester leur ras-le-bol.
C’est également ce que nous rappelle Christophe Aguiton, lors du colloque « Refaire Société :
Comment s’engager aujourd’hui ?»32
: « Aujourd’hui, pour s’engager, on commence par agir.
On publie un dessin de chat sur Facebook, comme l’a fait Willis from Tunis33
. On lance une
pétition. On rencontre d’autres personnes. On construit peu à peu plus de sens. Avant, on
considérait qu’il fallait d’abord être organisé avant d’être convaincu. On était militant avant
de faire des manifs. Aujourd’hui, c’est la manif qui est le lieu de rencontre ».
Ces mobilisations, facilitées par les médias sociaux, ne constituent-elles pas une nouvelle
forme d'engagement, moins structurée, plus spontanée dans son expression ? L’engagement
associatif traditionnel risque-t-il de disparaître au profit de l'engagement sur les médias
sociaux ? Les associations ne devraient-elle pas, au contraire, profiter de cette opportunité
pour diffuser plus largement leur projet politique ?
1.3. MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE : RISQUE OU OPPORTUNITE POUR LE MONDE
ASSOCIATIF ?
Si ces nouvelles formes de mobilisation présentent effectivement quelques risques pour
l’engagement traditionnel, elles représentent également des opportunités auxquelles le monde
associatif devrait s’intéresser.
1.3.1. Médias sociaux : risque de substitutions ?
S’il existe un risque pour les associations, notre avis est qu'il réside dans la nature même des
modalités d’engagement sur les médias sociaux. En effet, l’engagement traditionnel associatif
reposait sur des structures hiérarchisées et pérennes qui portaient la parole collective des
militants. Internet s’est construit différemment, avec pour ADN l’expression de l’individu en
tant que personne. Dans les mobilisations contemporaines comme le mouvement « Occupy
32 Compte rendu du colloque « Refaire Société : Comment s’engager aujourd’hui ? » :
http://internetactu.blog.lemonde.fr/2012/01/03/refaire-societe-comment-s%E2%80%99engager-
aujourd%E2%80%99hui/
33
Page Facebook WillisFromTunis : http://www.facebook.com/pages/WillisFromTunis/145189922203845
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 25
Wall Street34
» ou celui des « Indignés », c’est d’abord la personne qui s'exprime et s'engage.
En cela, certains mouvements associatifs peuvent être réticents à développer une stratégie de
présence sur Internet et sur les médias sociaux, de peur de ne plus maîtriser un discours
construit par le collectif. Toutefois, pour Nathalie Boucher-Petrovic35
, « ces technologies
offrent des opportunités d’élargissement des lieux d’échange, de débat et d’interaction ;
autrement dit de l’espace public ».
Ce risque nous semble toutefois limité. Notre avis est que la parole collective a davantage de
chance d’aboutir, et d’être prise en compte par les pouvoirs publics, si elle est portée par un
collectif structuré et formel, passant par des formes associatives, syndicales ou politiques.
Ainsi, pour Dominique Cardon36, « il est inutile d’opposer les mobilisations en ligne et les
mobilisations traditionnelles, passant par les formes associatives. En fait, les premières sont
souvent très poreuses et beaucoup de ceux qui sont les plus actifs dans les mobilisations en
ligne ont souvent une socialisation militante et politique préalable.37
»
Un des risques identifiés par les responsables associatifs croisés dans notre quotidien
professionnel, est un risque de « virtualisation » des échanges allant à l’encontre même des
raisons de l’engagement associatif, à savoir le désir de lien social (se faire des amis,
rencontrer de nouvelles personnes, partager des moments conviviaux) comme nous l’avons
montré précédemment. A cela, Valérie Peugeot38
, répond « Contrairement à une crainte
couramment répandue lors des premiers développements d’Internet, et pourtant démentie dès
ce moment-là, les technologies de l’information ne se substituent pas aux échanges humains,
relationnels, mais au contraire les amplifient, les démultiplient, ou leur font emprunter de
nouvelles voies. La préparation d’une décision collective peut être grandement facilitée par
34 Occupy Wall Street (en français : « Occupons Wall Street/New York » ) est un mouvement de contestation
pacifique, initié en 2011, dénonçant les abus du capitalisme financier.
35
Education populaire et TIC : mise en perspective et enjeux - Communication de Nathalie Boucher-Petrovic,
aux Roumics le 15 juin 2006 à Lille
36
Dominique CARDON, sociologue et Chercheur associé au Centre d’étude des mouvements sociaux de l’École
des Hautes Études en Sciences sociales.
37
Voir interview complète en annexe.
38
Valérie PEUGEOT, chercheuse à l'Orange Labs, présidente de l'association VECAM.- Réseaux humains,
réseaux électroniques. - Paris, Éditions Charles Léopold Mayer, 2001.
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les outils à distance ; la construction finale d’une pensée collective et les prises de position et
de décisions importantes demanderont toujours le face à face. »
Un autre risque que nous pouvons identifier de l’utilisation faite des médias sociaux est que
ces nouveaux outils placent parfois au même niveau des causes très nobles, des débats de
société sérieux, et des requêtes très superficielles. Des millions de personnes peuvent se
mobiliser pour élire le candidat de Koh-Lanta ou la Danette du mois, et cliquer ensuite sur une
pétition à caractère politique ou humanitaire. Pour pallier cet écueil et être visibles et lisibles
sur ces médias numériques, les militants associatifs devront se convertir au « marketing
agressif du web 2.039
», ce qui suppose une montée en compétences qui peut passer par une
stratégie de recrutement de bénévoles ou de professionnels, issus d’une tranche de la
population plus jeune et souvent plus aguerris à ces nouveaux outils.
François Meynier40, chargé de mission Technologies de l’Information et de la Communication
à la Ligue de l’enseignement de la Dordogne, en charge d’une mission déléguée « Société
Numérique » auprès de la Ligue de l’enseignement nationale, nous explique que « les
mobilisations numériques ne pourront jamais se substituer totalement aux formes
traditionnelles d’engagements qui passent par les actions de terrain, utilisées comme autant
de vecteurs pour faire passer pratiques, idées et valeurs. Cependant, elles sont un
complément intéressant lorsque l’on veut communiquer sur ces actions. Les formes
traditionnelles d’engagements associatifs ne peuvent donc faire l’impasse sur ces nouveaux
moyens de communication au risque de perdre de l’audience face à des alternatives
d’engagement plus axées sur de la consommation. »
Même si l’engagement sur les médias sociaux présente des risques pour les organisations
associatives traditionnelles, elles doivent s'interroger sur le risque qu’il y aurait pour le monde
associatif à ne pas être présent sur les médias sociaux, et plus globalement sur le Web 2.0.
Le risque pour un mouvement associatif d’être absent des médias sociaux est de notre point de
vue de plusieurs ordres :
- Que d'autres parlent à sa place sur des sujets qui font pourtant sa raison d’être.
- Que d'autres parlent de lui à sa place.
39 Considéré comme l'évolution naturelle du web actuel, le web 2.0 est un concept d'utilisation d'internet qui a
pour but de valoriser l'utilisateur et ses relations avec les autres.
40
Voir interview en annexe
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 27
- Que d'autres offrent lieux de parole et de partage à sa place.
- Que d'autres fédèrent son public naturel à sa place.
S’il existe bien un risque « d’émiettement de l’engagement que ce soit sous sa forme politique
ou sous sa forme associative, qui lui est dangereux pour la pérennité des structures
associatives», comme nous le rappelle Bastien Sibille, fondateur de l’entreprise solidaire de
logiciels libres TALCOD et secrétaire général de l’Association Internationale des Logiciels
Libres (AI2L), dans une interview qu’il nous accordait le 18 juillet 201241
, les associations ne
devraient-elle pas saisir « ces nouvelles opportunités de s’exprimer dans les outils et médias
numériques qui semblent correspondre aux démarches actives et collaboratives propres à
l'éducation populaire »42
?
Il ne s'agirait donc pas de s’exclure des évolutions technologiques et des médias sociaux en
ligne, mais de profiter des opportunités offertes, d'y participer, voire même d’être moteur dans
le domaine de l’appropriation citoyenne des outils et médias numériques.
1.3.2. Médias sociaux en ligne : une opportunité à saisir ?
Si les médias sociaux représentent un risque pour l’engagement associatif traditionnel, en
favorisant un émiettement pouvant correspondre aux évolutions repérées de cet engagement
(Plus limité dans le temps ; Sur des projets d’actions plus précis ; Sur des rythmes plus
souples, choisis par le bénévole ; Méfiance envers les structures bureaucratiques
hiérarchisées), ils offrent également à une association une belle opportunité de communiquer.
Il est toutefois nécessaire que l'association connaisse bien les spécificités des modes de
mobilisation sur les réseaux sociaux. Ceux-ci passent d’abord par des contenus partageables
autour desquels il est possible d’interagir. Les vidéos, les infographies, les « images toutes
faites », qu'on partage, qu'on « like »43
, qu'on « retwitte »44
... sont des matériaux pour
41 Voir interview complète en annexe
42 Nathalie Boucher-Petrovic, « La société de l’information « appropriée » par l’éducation populaire : une
tradition en question », tic&société [En ligne], Vol. 2, n° 2 | 2008, mis en ligne le 07 mai 2009. URL :
http://ticetsociete.revues.org/528
43 Liker : cliquer sur une information publiée sur Facebook pour dire qu'on l'aime.
44 Le retweet est une pratique courante sur Twitter. C’est le tweet d’une personne, republié par un autre
utilisateur qui le trouve suffisamment intéressant pour le faire découvrir à ses abonnés. Définition issue du livre
d’Emilie OGEZ et Jean-Noël CHAINTREUIL : Twitter. Edition Diateno, 2012.
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mobiliser autour d’un projet dans le cadre d’une logique de dissémination des contenus par les
publics visés.
Le cas de la campagne Kony 2012 est un cas extrême mais il est porteur d'enseignements. Il
s'agit d'une vidéo controversée mettant en scène Joseph Kony et utilisant la dramatisation,
l’émotion et la simplification pour stigmatiser un pays - l’Ouganda - alors même que Kony ne
s'y cache plus, et ce depuis 2006.
Cette vidéo a été visionnée par des millions de personnes. Une très grande majorité de ceux
qui ont partagé et fait circuler cette vidéo n’auraient jamais eu connaissance des exactions
commises et du cas des enfants soldats si les modalités de l’interaction par contenus en
vigueur sur les médias sociaux n’avaient pas été déployées à une échelle jamais atteinte
jusqu’à là sur un sujet « sérieux ».
Cette forme de militantisme a sa place dans les associations et les actions qu’elles proposent :
c’est le « besoin » d’une organisation qui est au cœur de la logique d’engagement. En cela, les
réseaux sociaux numériques ne se substituent pas aux associations traditionnelles mais leur
sont complémentaires. C’est ce que nous dit Laurence Allard45
, dans l’interview qu’elle nous
accordait : « les mobilisations sur les médias sociaux sont avant tout complémentaires aux
mobilisations associatives traditionnelles. »
Certains partis politiques ont d’ailleurs bien compris ce pouvoir de communication lors de la
dernière campagne présidentielle. La plupart proposaient à leurs militants des kits de présence
sur les médias sociaux. Le Parti Communiste Français, par exemple, consacrait un chapitre
entier de son « Guide du militant »46
sur l’utilisation d’Internet pendant la campagne : règles
pour mettre en place un mailing, conseils pour bien utiliser Facebook et Twitter, intérêt et
mode d'utilisation des Hastags (#PCF, #placeaupeuple, #FDG, #Melenchon2012).
Pour François Meynier, ces médias ne sont pas seulement une opportunité : ils deviendront
dans le futur un des principaux moyens de communication des associations (en plus des
moyens de communication traditionnels, électroniques ou classiques).
45
Laurence ALLARD, maître de conférences en Sciences de la Communication, Chercheur à l’IRCAV-
Paris/Enseignante à l’Université Lille 3. Voir interview complète en annexe
46
Guide du militant du Parti Communiste Français : http://www.pcf.fr/sites/default/files/guide_militant_2.pdf
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 29
Des associations ont choisi avec succès d’investir dans les médias sociaux, le cas des Restos
du cœur est de ce point de vue intéressant.
Pour chaque partage Facebook ou hashtag #restos2012, un repas était offert aux bénéficiaires
des Restos.
Danone et Carrefour se sont associés au Restos du cœur pour réaliser cette opération. Ces
deux firmes promettent alors de distribuer 1 repas par partage Facebook (dans la limite de
5000 partages), 1 repas par hashtag #restos2012 (dans la limite de 10 000 hashtags), 10 repas
pour un billet de blog (dans la limite de 2000 billets) et 15 repas pour un dessin (dans la limite
de 150 dessins).
Bien sur, on l’aura compris, c’est une opération de communication pour Danone et Carrefour
mais c’est aussi un gros coup de communication pour les Restos du cœur.
Le bilan de cette opération est positif : l’objectif des 5000 partages sur Facebook a été
complètement atteint (en 2 heures seulement !), en voyant plus de 70 000 partages accomplis
en 1 jour. Par ailleurs l’objectif des 10 000 tweets a été également atteint en 1 jour lui aussi.
A ce jour le nombre d’images et d’articles partagés n’est pas comptabilisable, mais les Restos
du cœur affirment que le lancement de cette opération est une vraie réussite puisque que plus
de 15 000 repas ont été distribués.
D’autre part, en développant de nouvelles formes de participation bénévole, aux côtés des
intervenants ponctuels ou réguliers avec une fonction précise (animation, trésorerie, accueil,
représentation …), les associations pourront également profiter de ces technologies pour
développer des missions bénévoles adaptées aux contraintes de certaines des personnes qui
hésitent à s’engager. Par exemple, du « bénévolat à distance » pour s’occuper, de sa Bretagne
ou de Paris, de la communication de la fête d’été à Périgueux pour aider des organisateurs
déjà investis sur place. Cette solution permettrait également à des personnes isolées ou en
situation de handicap d’être bénévoles à hauteur de leurs moyens et envies, et, plus largement,
de travailler en temps non contraint. Ceci pourrait inciter à s’engager des gens ayant le
sentiment d'être « surbookés ». Car un des freins au bénévolat est le manque de temps ou
supposé.
Bien utilisées, les technologies de l'information permettent de tirer la participation des
citoyens vers le haut, d'offrir des occasions de concrétisation à une citoyenneté plus active.
Les échanges sur Internet peuvent aussi orienter l'initiative, permettre de trouver l'autre ou les
autres qui ont la même approche, les mêmes ressentis, les mêmes convictions, de créer des
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 30
communautés d'intérêt puis d'action, et ainsi de construire le lien entre dispositions
individuelles et actions collectives. N’est-ce pas là une des missions des mouvements
d’Education Populaire ?
Ces technologies permettent à des formes d’engagement émiettées de s’exprimer, mais elles
permettent également de les agréger, de leur donner une temporalité.
La théorie de Bastien Sibille, est que l’on va vers des formes faibles d’engagement. Cela ne
veut pas dire qu’elles sont meilleures ou pires, elles sont simplement de nature différente.
Ces nouvelles formes d’engagement sont plus ténues, et il semble donc important que le
monde associatif soit en capacité de produire des technologies qui soient capables de capter
ces formes d’engagement.
Si nous sommes convaincus que les technologies numériques, et notamment les réseaux
sociaux numériques, présentent une opportunité de promouvoir le fait associatif, et mobiliser
une base militante renouvelée et d’offrir à des personnes motivées l'occasion et les moyens de
participer, qu’en est-il vraiment ? Peut-on mesurer l’impact de ces médias sur la
dissémination du projet associatif ? Existe-t-il un intérêt à développer ces formes de
mobilisations dites « faibles » ?
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 31
2. LES MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE,
OUTILS AU SERVICE DU MONDE ASSOCIATIF ?
Dans ce chapitre, nous allons tenter de montrer en quoi les médias sociaux peuvent être des
outils utiles aux associations pour la diffusion de leur projet associatif. Pour ce faire, nous
nous intéresserons, dans un premier temps, à la notion de capital social, puis à la théorie de
« la force des liens faibles », développée par Mark Granovetter47
, pour ensuite essayer de
vérifier cette théorie à travers l’étude d’un compte Twitter d’une association. Enfin nous nous
interrogerons sur l’impact des médias sociaux sur la fréquentation d’un site Internet associatif.
2.1. LES MEDIAS SOCIAUX COMME SUPPORT DU FAIT ASSOCIATIF ?
2.1.1. La notion de capital social appliquée à une association.
Pierre Bourdieu48
(1980) définit le capital social comme “la somme des ressources actuelles
ou virtuelles, qui reviennent à un individu ou à un groupe du fait qu’il possède un réseau
durable de relations, de connaissances et reconnaissances mutuelles plus ou moins
institutionnalisées, c’est-à-dire la somme des capitaux et des pouvoirs qu’un tel réseau
permet de mobiliser”.
Que cela veut-il dire ? Simplement que, pour l’individu, ses relations avec d’autres individus
constituent autant de ressources qu’il peut mobiliser à l’occasion pour obtenir un avantage
quelconque dans sa vie sociale.
Appliquée à une personne morale que constitue une association, cela pourrait vouloir dire que
le capital social d’une association serait constitué de la somme des ressources actuelles (ses
propres adhérents) ou virtuelles (adhérents ou sympathisants potentiels) qu’elle possède et
qu’elle pourrait mobiliser à l’occasion pour obtenir un avantage quelconque dans sa vie
associative.
47 Mark GRANOVETTER, « The strength of weak ties », American Journal of Sociology, 1973
48
Pierre BOURDIEU.– Le capital social.- Actes de la Recherche en sciences sociales N° 31, 1980.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 32
Selon Robert D. Putman49
, ce concept renvoie également à un bien collectif, une composante
essentielle de toute société et de tout groupe humain constitué comme tel, ce qui en « colle »
ensemble les différents éléments, pour reprendre une expression fréquemment utilisée par
Robert D. Putnam lui-même (« social glue »). C'est donc la ressource mobilisée pour tisser un
lien social.
N’est-ce pas là une des missions principales des associations ? Ainsi, pour Jean-Pierre
Worms, sociologue engagé et président de la FONDA50
, le monde associatif se situe comme
un facteur incontournable du capital social de notre pays.
On pourrait donc définir le capital social d’une association comme l’ensemble des ressources
qu’elle peut obtenir au travers de ses relations sociales. Ce capital existe toujours de façon
potentielle : il faut le mobiliser à un moment donné pour le rendre efficace. Mais avant cela, il
faut l’avoir accumulé, ce qui s’apparente à un investissement : tisser et entretenir des liens
avec d’autres personnes a un coût en termes de temps et d’énergie. C’est pour cette raison que
l’on parle de capital.
Cette notion de capital social est, de notre point de vue, importante dans tout projet associatif
dont la légitimité dépend, avant tout bien sûr de l’action menée sur le terrain, mais également
de sa capacité à communiquer sur cette action. En cela, le développement du capital social
d’une association est une donnée essentielle pour pouvoir être en capacité de le mobiliser,
bien sûr pour mener à bien son action, mais également pour être des relais de communication.
Pour Pierre Bourdieu, l’existence d’un réseau de liaisons n’est pas un donné naturel, ni même
un «donné social», constitué une fois pour toutes et pour toujours par un acte social
d’institution, mais le produit du travail d’instauration et d’entretien qui est nécessaire pour
produire et reproduire des liaisons durables et utiles, propres à procurer des profits matériels
ou symboliques.
Autrement dit, le réseau de liaisons est le produit de stratégies d’investissement social
consciemment ou inconsciemment orientées vers l’institution ou la reproduction de relations
sociales directement utilisables, à court ou à long terme.
49 Robert David PUTNAM, est un politologue américain, professeur à l'université d’Harvard. Il s'est rendu
célèbre par ses écrits sur l'engagement civique, la société civile et le capital social.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Putnam
50
La Fonda est une association reconnue d’utilité publique. Dès sa création, elle réunit des personnes autour
d’un objet commun : valoriser et renforcer la contribution essentielle des associations à l’intérêt général et à la
vitalité démocratique de notre pays.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 33
Et les réseaux sociaux numériques dans tout ça ?
On présente généralement, et un peu rapidement sûrement, la notion de capital social en
disant que celui-ci est constitué par le carnet d’adresse de l’individu. Cette présentation est
probablement de moins en moins parlante à des générations pour qui le concept même de
« carnet » peut sembler « hors du temps » … Aussi, vaudrait-il mieux dire que le capital
social est constitué de l’ensemble du répertoire de votre téléphone portable, de vos contacts
sur Twitter ou de vos amis sur Facebook (ou de toute autre technologie permettant d’agréger
des contacts).
Vous l’aurez sans doute compris : Facebook, comme l’ensemble des autres sites de réseaux du
même type, constitue une objectivation du capital social. Et le fait d’être présent sur ces
médias sociaux en ligne est un moyen comme un autre d’entretenir, voire éventuellement
d’étendre, son capital social.
Oui, mais, diront certains, nous pouvons difficilement classer l’intégralité des personnes que
nous mettons dans nos réseaux comme des relations proches.
Comment alors penser que ce réseau puisse apporter quoi que ce soit d’important à une
association ? Des individus éloignés et avec qui nous entretenons que des relations
épisodiques peuvent-ils sérieusement être considérés comme des éléments importants du
capital social ?
C’est là que la théorie de « la force des liens faibles » de Mark Granovetter est intéressante.
2.1.2. Les médias sociaux numériques : la force des liens faibles
Nous pensons que les liens qui unissent des groupes sociaux plus distants et plus hétérogènes,
comme cela est souvent le cas sur les réseaux sociaux numériques, permettent une meilleure
diffusion de l’information. Cela peut s’expliquer de la façon suivante. Dans le cadre des
réseaux constitués d’individus composant un cercle restreint (famille, collègues, amis …),
pour diffuser une information chacun s’adressera à ses proches et amis. Comme ceux ayant
des liens forts ont souvent les mêmes groupes d’amis, certains auront reçu l’information
plusieurs fois, mais le nombre d’individus qui aura accès à cette information ainsi que la
portée de cette dernière, seront limités. Pour cette raison, les associations auraient avantage à
diffuser leur information sur les médias sociaux en ligne, et c’est ce que nous tenterons de
Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX
Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 34
montrer plus loin, ceux-ci composant potentiellement un réseau plus élargi que le cercle de
l’association elle-même.
Mark Granovetter démontre que ce sont les relations de type « connaissances », les liens
« faibles » (connaissances, personnes que l’on voit peu, de façon irrégulière, et avec qui on
partage peu) qui sont susceptibles d’apporter le plus à l’individu, comparativement aux
relations de type « ami », les liens « forts » (connaissances avec lesquelles les contacts sont
fréquents).
Il a expliqué cette situation, a priori paradoxale, par l’existence d’obligations vis-à-vis des
proches avec lesquels des liens très forts sont entretenus. Lorsqu’un individu à la recherche
d’un emploi sollicite ses proches, ces derniers se mobilisent aussitôt pour l’aider. Appartenant
aux mêmes réseaux que lui et comptant sur les mêmes schémas de contacts, ils ne sont pas les
mieux placés pour lui présenter les meilleures offres. Ce sont les liens faibles, ceux reliant des
individus qui évoluent dans des sphères différentes et conduisant, par là même, à des réseaux
plus larges et hétérogènes, qui s’avèrent les plus efficaces. Les individus comptant sur ces
liens faibles accèdent à des sources d’information plus variées et moins redondantes. Mark
Granovetter a tiré de cette situation sa célèbre formule : « la force des liens faibles ».
Les recherches de Mark Granovetter portaient sur des individus en recherche d’emploi. Cette
théorie peut-elle se vérifier pour d’autres types de relations ?
Cette théorie des liens faibles peut être facilement transposable à une autre entité sociale que
l’individu, à savoir, l’association. Dans ce contexte, les liens forts constitueraient les
donateurs réguliers, les membres de l’association, les bénévoles. Les liens faibles quant à eux
pourraient se créer et se favoriser grâce à l’utilisation des réseaux sociaux numériques, tel que
Facebook par exemple, et aux nombreuses interactions qu’il permet. Pour Manuel Castels51
,
non seulement les médias sociaux numériques sont efficaces pour maintenir et même
développer des liens faibles, mais il semble aussi jouer un rôle positif pour le maintien des
liens forts à distance.
Par ailleurs, certains sociologues (C. Aguiton, D. Cardon) ont mis en évidence la genèse de
formes collectives originales, les coopérations faibles, par opposition aux coopérations fortes.
Ces dernières correspondent à des modes de sociabilité courants présupposant une adhésion à
51 Manuel Castells.- La Galaxie Internet.- Paris : Fayard, 2001.– 365 p
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 35
des finalités et des idéaux communs comme pour les coopérations associatives ou les
mobilisations politiques. Le modèle de coopération faible serait lui relié aux usages du Web
2.0.
Inversant les séquences que régissent les coopérations traditionnelles (d'abord le partage de
valeurs, puis l'instauration de mécanisme de coordination, et enfin la mise en commun des
ressources), ces coopérations faibles et en ligne auraient un potentiel de coordination
supérieur et sur des thématiques inattendues.52
L’exemple de l’encyclopédie collaborative en ligne Wikipédia où tout internaute est invité à
participer selon ses centres d’intérêt, ses compétences et ses connaissances, est très
représentatif de ce mode de coopération faible. Chaque visiteur du site peut ainsi créer ou
modifier un article selon une procédure aisée, facilitée en cela par le choix d’une plateforme
WIKI53
. Une fois sauvegardée, la nouvelle version est éditée et peu donc profiter à tous.
Résultant d’une coordination et d’une coopération entre des milliers de participants,
rectifiable par chacun, Wikipédia est donc une encyclopédie évolutive basée sur la
coopération.
Alors, bien sûr, le statut de Wikipédia comme la première référence sur le web et la première
source de connaissance dans le monde est un sujet de controverses. L’audience grandissante
de Wikipédia a conduit un grand nombre de personnes à formuler des avis critiques sur la
fiabilité des informations présentées dans cette encyclopédie. Ces critiques peuvent être
entendues, et sont parfois légitimes, mais l’expérience que nous révèle Michel Serres54
est de
ce point de vue intéressante : « Wikipédia est un modèle de démocratie intellectuelle, où il y a
certes des erreurs mais somme toute pas davantage que dans de nombreuses encyclopédies de
papier publiées sous les parrainages les plus autorisés. Il y a quelques années, avec un
groupe de collègues, nous avons inventé un personnage musicien que nous avons affublé
52 Isabelle COMPIEGNE.- La société numérique en question(s).-Auxerre, Siences Humaines Éditions 2011.-
127p.
53
Un Wiki est un système d'édition interactif permettant à plusieurs personnes de rédiger un document collectif
sur Internet.
54
Michel SERRES : Philosophe et historien des sciences, Michel Serres a consacré de nombreux essais aux
conditions de l’invention et de la transmission des connaissances.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 36
d’une biographie, d’œuvres, etc., pour voir combien de temps une telle supercherie pouvait
durer : et bien en quelques mois de corrections, il n’en restait rien. »55
Mais pour Dominique Cardon56
, ce n’est qu’en de rares occasions que ces « coopérations
faibles », au terme d’un long travail de consolidation et de renforcement des liens entre les
participants, font apparaître des normes et des valeurs que les acteurs endosseront comme
attributs identitaires en s’engageant explicitement dans la prise en charge de tâches
collectives. Alors les coopérations «faibles» de l’Internet pourront effectivement devenir
«fortes» et se doter de ressources et d’instruments d’action, à la manière des collectifs du
monde réel.
Notre conviction est donc que si les formes de coopérations qui se développent sur les médias
sociaux ont peu de chance de contribuer fortement au renouvellement d’une base militante
forte, se traduisant par un engagement associatif et bénévole, les réseaux sociaux numériques
peuvent être des outils intéressants pour communiquer sur son action auprès d’un public qui
ne fait pas nécessairement partie du cercle habituelle de l’association. En cela, ils permettent
aux associations de mieux communiquer sur leur projet politique et donc potentiellement de
mobiliser autour de celui-ci.
Mais qu’en est-il vraiment de ce pouvoir de diffusion par l’intermédiaire des médias sociaux ?
Peut-on vérifier si les liens faibles sont les meilleurs relais de l’information diffusée sur les
médias sociaux ?
2.2. L’EXEMPLE DU COMPTE TWITTER DU CENTRE DE RESSOURCES DEPARTEMENTAL DE
LA VIE ASSOCIATIVE DE LA LIGUE DE L’ENSEIGNEMENT DE LA DORDOGNE.
Avant d’en venir à l’étude du compte Twitter de ce centre de ressources, il nous semble
nécessaire de préciser les missions de celui-ci.
La Ligue de l’enseignement de la Dordogne est une fédération d’associations (360
associations affiliées en 2012, représentant prés de 19000 adhérents) œuvrant notamment pour
55 Michel SERRES.- La forme classique de la transmission du savoir est périmée.- Article paru dans "Les idées
en mouvement", mensuel de la Ligue de l'enseignement, N°200 - Juin/juillet 2012, page3.
http://www.laligue.org/wp-content/uploads/2012/06/IEM-200-BR-3.pdf
56
Dominique CARDON. - Vertus démocratiques de l’Internet.- Site Internet : la vie des idées :
http://www.laviedesidees.fr/Vertus-democratiques-de-l-Internet.htm .
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 37
la promotion et le développement de l’engagement bénévole et associatif. Pour mettre en
œuvre cette mission, la fédération a mis en place un centre de ressources physique dans les
locaux de son siège social à Périgueux (24). La mise en place de ce centre de ressources se
traduit par la mise à disposition de documentations relatives au fonctionnement associatif, et
par la divulgation de conseils et d’accompagnements individualisés auprès des responsables
associatifs et porteurs de projets sur le territoire départemental.
Malgré une expertise de 80 ans dans l’accompagnement des associations de son département,
et malgré le fait que la fédération ait misé depuis plusieurs années sur le développement de
son secteur Vie Associative, notamment en moyens humains, celle-ci souffre d’un manque de
visibilité sur ce champ par un grand nombre d’associations.
La fédération décide alors en 2010 d’étoffer son offre de services aux associations. Cela se
traduit par la création d’un centre de ressources et de développement de la vie associative en
ligne : www.24.assoligue.org.
Une page Facebook (www.facebook.com/crdva24), un compte Twitter (@crdva24) ainsi
qu’un compte Google+ (https://plus.google.com/u/0/108159360629547191710/posts) sont
associés à cet outil en ligne et sont autant de canaux d’informations différents permettant
d’accéder au centre de ressources en ligne.
2.2.1. Objet de l’étude et données statistiques
L’objet de l’étude du compte Twitter de ce centre de ressources était de visualiser le réseau
que représentait un tel média et de mettre en évidence le pouvoir de diffusion de l’information
de ce réseau social numérique.
Cette étude, réalisée sur une période d’un an (d’avril 2011 à avril 2012), est inspirée de la
théorie des graphes appuyée par des « matrices d’adjacences »57
.
Au moment de la réalisation de ce travail, le compte Twitter « @crdva24 » comptait 51
abonnés (80 abonnées en septembre 2012) et était lui-même abonné à 74 comptes.
Ce compte Twitter permet de diffuser l’information mise en ligne sur le site Internet du centre
de ressources et de retransmettre, par l’intermédiaire de « retweets », des informations
relatives à la vie associative auprès de ses abonnés.
57 Mercklé Pierre (2011), Sociologie des réseaux sociaux, Paris, La Découverte, coll. « Repères », troisième
édition, 128 p. pages 22 à 28.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 38
2.2.2. Méthodologie
Dans un premier temps, nous avons identifié les interconnexions entre chaque abonné du
compte @crdva24. Nous avons listé les abonnés au compte @crdva24 et pour chacun nous
avons regardé s’il était connecté à un autre abonné du compte @crdva24. Ce travail a été
retranscrit dans une matrice (figure 3).
Dans un deuxième temps, nous avons étudié quelles étaient les personnes qui avaient
« retweeté » les informations du compte @crdva24 et auprès de combien de personnes
(correspondant au nombre d’abonnés à leur propre compte). Il est intéressant de noter que des
personnes ont retweeté les informations du compte @crdva24 sans y être abonné, mais nous y
reviendrons dans les éléments d’analyse.
Lors de ce travail, nous avons qualifié les abonnés relevant de liens « forts » (abonnés connus
du gestionnaire du compte avec lesquelles les relations sont régulières) et les abonnés relevant
de liens « faibles » (abonnés inconnus du gestionnaire du compte, sans relations régulières
autres que par l’intermédiaire de Twitter).
Voir tableau en annexe : « @crdva 24 : Etude retweets & mentions - Liens forts / Liens
faibles ».
Ce deuxième travail nous a permis de réaliser un graphe illustrant ces interconnexions
(figure 4). Pour des raisons de lisibilité, nous n’avons pas donné de direction aux liens entre
les abonnés, cette information pouvant être trouvée dans la matrice des interconnexions.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 40
Figure 4 : graphe des interconnexions des abonnés au compte @crdva24
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 41
2.2.3. Eléments d’analyse
Pierre Merckle58
nous dit, à propos de la théorie des graphes, que « son apport
méthodologique est double : d'une part les graphes donnent une représentation graphique des
réseaux de relations, qui facilite leur visualisation .. ; d'autre part, la théorie des graphes
développe un corpus extrêmement riche de concepts formels permettant de mesurer un certain
nombre de propriété des relations entre éléments. »
La première remarque que nous inspire ce graphe est qu’il met effectivement bien en évidence
la complexité d’un réseau de relations comme celui d’un compte Twitter comportant
seulement 51 abonnés, mais également la multitude d’interconnexions entre les abonnés d’un
même compte.
Il est intéressant de noter que 21 personnes non abonnés au compte @crdva24 ont diffusé
l’information par l’intermédiaire d’un ou plusieurs retweets ou mentions (Tableau 5). Cela
peut être dû à plusieurs raisons : soit les personnes ont obtenu l’information grâce aux
hashtags intégrés aux tweets (par exemple : #associations #dordogne), soit par l’intermédiaire
d’un retweet réalisé par un compte auquel ils sont abonnés.
Tableau 5 : Synthèse étude retweets & mentions - Liens forts /
Liens faibles
Liens
forts
Liens
faibles Abonnés
Non
abonnés totaux
Totaux 10 62 51 21 72
Nbre de personne ayant
diffusé l'Info par 1 RT ou 1
mention. 13 21 34
Nbre de retweets ou
mentions 5 68 49 24 73
Nbre d'abonnés ayant reçu
l'information 729 28405 9849 19285 29134
% 3% 97% 34% 66%
Sur les 51 abonnés au compte @crdva24, seuls 7 relèvent de liens « forts » pour 44 de liens
« faibles ». Cette donnée montre bien l’intérêt d’un tel média pour maintenir et développer
des liens faibles d’une organisation.
58 Pierre MERCKLE : Maître de conférences en sociologie à l'ENS de Lyon
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 42
Sur les 73 retweets ou mentions réalisées, 97% l’ont été par des liens « faibles » ce qui
semblerait s’inscrire dans la théorie selon laquelle les liens « faibles » auraient un meilleur
pouvoir de diffusion que les liens « forts ». En étudiant plus précisément le profil des
personnes ayant diffusé l’information, on note que celles-ci appartiennent en grande majorité
à un champ d’activité proche de celui du centre de ressources (accompagnement de la vie
associative, militant de l’éducation populaire …).
L’autre information importante que nous apprend cette étude est que, sur une période d’un an,
29 134 personnes ont reçu une information issue du compte @crdva24 alors que la fédération
ne compte elle-même que 19 000 adhérents. Cela confirme bien les dires de Nathalie
Boucher-Petrovic59
: « Les actions issues de l’éducation populaire sont très peu médiatisées,
elles n’ont en effet rien de spectaculaire, il s’agit souvent d’un travail de fourmi, d’une
attention à la personne, aux groupes, à la singularité de chacun, de pratiques expérimentales
toujours questionnantes … on comprend aisément pourquoi cela n’intéresse pas les médias de
masse, et justement tout l’intérêt des réseaux numériques et des Technologies de
l’Information et de la Communication pour informer et communiquer sur ces espaces
d’expérimentation singuliers. »
Seules trois associations affiliées à la fédération sont abonnées au compte Twitter du centre de
ressources départemental. Si nous pouvons nous questionner sur l’intérêt de proposer des
informations sur le développement et le fonctionnement de la vie associative à des personnes
ne faisant pas partie du réseau de la fédération, voire hors du département de la Dordogne,
alors même que l’action de la fédération se limite au territoire départemental, notre conviction
est que cette dissémination de l’information participe au repérage de la Ligue de
l’enseignement sur cette mission.
Si, comme nous l’avons vu, Twitter peut s’avérer être un outil puissant de diffusion de
l’information, il peut également avoir une autre utilisation pour les responsables associatifs ou
pour les personnes chargées d’accompagner le développement de la vie associative sur un
territoire donné.
59 Nathalie BOUCHER-PETROVIC.- Éducation populaire et TIC : mise en perspective et enjeux.-
Communication aux Roumics le 15 juin 2006 à Lille.- URL : http://www.generationcyb.net/Education-
populaire-et-TIC-mise-en,0823
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2.2.4. Twitter comme outil de veille
Si un des intérêts d’un média comme Twitter est de diffuer sa propre information, Twitter
peut également s’avérer très intéressant pour se maintenir informé sur une ou plusieurs
thématiques qui nous intéressent, que ce soit à des fins personnelles ou professionnelles. En
effet, à la différence de Facebook dont l’objectif est de favoriser les relations entre les
membres, Twitter a plus pour vocation à faciliter le partage d’informations.
Sous réserve donc de sélectionner les bons comptes à suivre en fonction de ses centres
d’intérêts, Twitter peut être un outil de veille puissant. Et sa force réside dans la communauté
d'utilisateurs, appelée parfois « Twittos », qui – chacun dans leur spécialité – fournissent une
information sourcée et triée. Toutefois, ce qui fait la force de Twitter, comme celle des autres
outils de veille sur Internet, est aussi sa limite : la subjectivité. Il faudra donc opérer un filtre
stratégique afin de disposer de la meilleure information. Autrement dit : Twitter comme outil
de veille est un début et non une fin. Il n'épargne pas une relecture stratégique des
informations ainsi accumulées.
Aussi, pour un responsable associatif, il peut être intéressant de faire de Twitter un outil de
veille permettant de se tenir informé de l’évolution de la vie associative, de l’actualité de son
secteur géographique, ou encore des pratiques des associations œuvrant dans le même champ
d’activité.
Un des intérêts à associer des médias sociaux (Twitter, page Facebook, compte Google +) au
centre de ressources en ligne de la Ligue de l’enseignement de la Dordogne était de diffuser
l’information mise en ligne sur le site. Qu’en est-il vraiment ? La diffusion de l’information
sur les médias sociaux a-t-elle réellement un impact sur la fréquentation du site Internet ?
2.3. IMPACT DES MEDIAS SOCIAUX EN LIGNE SUR LA FREQUENTATION DES SITES
INTERNET
Si les associations ont bien compris l’intérêt de mettre à disposition de leur public un site
Internet pour communiquer sur leur projet associatif, faut-il encore que ce site Internet ait une
fréquentation satisfaisante pour pouvoir en faire un réel outil de communication.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 44
Les réseaux sociaux (Facebook et dans une moindre mesure Twitter) « boostent » la
fréquentation des sites d'information en ligne. C'est ce que confirme une étude d'AT
Internet60, site spécialisé dans la mesure d’audience et de performance des sites web et
mobiles.
Plus précisément, AT Internet révèle que, sur une période de trois mois, 28% des visites d’un
site web d’actualité français proviennent en moyenne de Facebook et 5,2% de Twitter.
« S'il demeure loin des moteurs de recherche comme Google, qui pèse pour certains sites
d'information entre un tiers et la moitié des visites, Facebook ne cesse d'étendre son
influence » constatent « Les Echos »61
. L'étude, réalisée sur 12 sites Web français d'actualité
audités par AT Internet, confirme à la fois la percée de Facebook dans les habitudes des
internautes français, et le rôle du réseau social comme l'une des portes d'entrée du Web.
Peut-on vérifier cette influence sur un site Internet associatif comme le centre de ressources
en ligne de la Ligue 24 ou sur son site d’information plus généraliste www.laligue24.org ?
Voulant vérifier l’impact de la diffusion de l’information sur la fréquentation du centre de
ressources en ligne, un article a été publié sur les réseaux sociaux associés (Twitter, page
Facebook, Google+) le 21 septembre 2011 (Figures 6 & 7). Le choix a été fait de
communiquer sur des indicateurs de performance signifiants du site internet. Ainsi, nous
pouvons vérifier que l’envoi de cette information sur les réseaux sociaux génère un pic de
fréquentation le jour qui suit la publication (Figure 8).
60 Sites médias : la part des visites venant du site Facebook a doublé en moins d’un an :
http://www.atinternet.fr/Documents/sites-medias-la-part-des-visites-venant-du-site-facebook-a-double-en-moins-
dun-an/ 61
lesechos.fr : Les réseaux sociaux, source de trafic pour les médias. -
http://archives.lesechos.fr/archives/2012/LesEchos/21133-133-ECH.htm
Figure 6 : Tweet du 21 septembre 2011 sur le compte @crdva24
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 45
Figure 7 : Article sur la page Facebook du centre de ressources
Si comme nous le voyons, la diffusion de l’information sur les médias sociaux a un impact
certain sur la fréquentation du site Internet, il ne faut pas négliger l’importance de l’envoi
d’une lettre d’informations électronique. Une analyse des flux de fréquentation met en avant
l’intérêt de cette lettre puisque le nombre de visites progresse de façon significative après
chaque envoi (Figure 9). Cette information est envoyée chaque mois et informe les
utilisateurs des articles mis en ligne le mois précédent et des manifestations à venir.
Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX
Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 46
2.3.1. L’exemple du site Internet de la Ligue 24
Contrairement au centre de ressources en ligne, qui est un outil technique à disposition des
responsables associatifs, le site Internet de la Ligue 24 est quant à lui un site d’information
plus généraliste sur les activités de la fédération et plus « politique » sur les prises de position
de la Ligue de l’enseignement. L’influence des médias sociaux se vérifie-t-elle également sur
ce site Internet ?
Une analyse réalisée grâce à l’application Google Analytics sur trois mois (de mai à juillet
2012) montre que sur les 3 028 visites effectuées durant cette période, 151 (soit 5%) viennent
des médias sociaux : pour 59% de Facebook et 41% de Twitter (Figure 10).
Figure 10 : analyse sur 3 mois de l’influence des médias sociaux sur le site laligue24.org
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 47
Certes, les nombres ne sont pas aussi significatifs que pour les sites d’information français,
mais se passer de ces médias reviendrait potentiellement à se priver de 5% de la fréquentation
du site. D’autre part, à l’instar des sites d’information français, 50% des visites sont issues des
moteurs de recherche (dont près de 92% de Google)62
.
Autre donnée intéressante qui peut nous inciter à diffuser l’information publiée sur les sites
Internet est que, depuis quelques mois, les réseaux sociaux jouent un rôle important sur le
référencement d’un site Internet par Google.
2.3.2. Le référencement devient « social »
D'une part les réseaux sociaux en ligne explosent et prennent une place essentielle dans la vie
numérique. D'autre part, la génération « Y » n'accède plus au web via Google, mais via les
réseaux sociaux.
Avec l’arrivée de Google Panda63
, Google a modifié ses algorithmes pour prendre en compte
les sites dont le contenu est de bonne qualité. Ainsi, pour savoir si une page d’un site est
intéressante pour les internautes, Google utilise plusieurs critères :
Le nombre de fois où la page est relayée sur le média social Google +.
Le nombre de partages d’une page sur Facebook.
Et le nombre de tweets intégrant un lien vers cette page sur twitter.
Ainsi, plus une page d’un site est partagée sur les médias sociaux plus elle va être lue et plus
elle sera correctement référencée par Google.
Notre conviction est donc bien que les technologies numériques, et notamment les réseaux
sociaux numériques, peuvent présenter une opportunité de promouvoir le fait associatif par
leur capacité à disséminer l’information. Ils sont également intéressants pour maintenir et
développer un réseau de sympathisants autour du projet associatif.
62 Etude de Médiamétrie-eStat sur la fréquentation des sites Internet français en avril 2012.
http://www.mediametrie.fr/internet/communiques/telecharger.php?f=55743cc0393b1cb4b8b37d09ae48d097
63
Google Panda : Nom de code interne chez Google d’une évolution majeure de son algorithme mise en place au
printemps 2011, du nom d'un ingénieur ayant participé à son élaboration.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 48
Cependant n’y-t-il pas un risque idéologiques à utiliser des outils de l’économie capitaliste
allant en cela à l’encontre des valeurs défendues par les organisations du monde associatif et
plus largement de l’Economie Sociale et Solidaire ? Les associations ne peuvent-elles pas
perdre des militants parce que ceux-ci estiment qu’utilisant Facebook, ils renforcent des
dynamiques contre lesquelles ils luttent ? Existe-t-il des alternatives à ces outils ?
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 49
3. QUELS OUTILS POUR QUEL PROJET ?
La question de l’utilisation, ou non, des outils et méthodes issus de l’économie marchande est
une question récurrente qui traverse régulièrement les associations et plus globalement les
organisations de l’Economie Sociale et Solidaire. Développons-nous une économie
alternative à l’économie de marché ? Ou sommes-nous dans l’économie de marché et
essayons-nous de la modifier ?
Le modèle économique de Facebook repose sur le Chiffre d'Affaires généré par de la publicité
ciblée grâce aux informations personnelles collectées auprès des utilisateurs. Ceci va à
l’encontre des valeurs défendues par les associations. La question de l’utilisation par le monde
associatif d’un média social de type Facebook peut donc être posée.
3.1. EXISTE-T-IL UN RISQUE POUR LES ASSOCIATIONS A UTILISER UN OUTIL COMMERCIAL
DE TYPE FACEBOOK ? EST-CE COMPATIBLE AVEC LES VALEURS DE L’ECONOMIE SOCIALE
ET SOLIDAIRE ?
Contrairement à l’économie marchande dont le but est la recherche de profit et l’accumulation
de capitaux, l’économie sociale, dont les associations sont une des composantes au côté des
mutuelles, des fondations et des coopératives, place l’homme au centre de ses préoccupations
et actions. En cela, le risque idéologique d’utiliser des outils de l’économie marchande
pouvant aller à l’encontre de ses valeurs existe en partie mais, comme nous le rappelle
Dominique Cardon64
, « un usage tactique des médias sociaux à succès n’empêchent pas de les
critiquer et d’être attentif aux conditions de leur développement et à l’usage qu’ils font des
données. Il me semble qu’il serait dommage de s’en priver. » .
Se priver de l’audience de ces médias sociaux (Facebook, Twitter …) serait de notre point de
vue contre-productif, étant donné que 77% des internautes français sont inscrits sur au moins
un réseau social et 60% d’entre eux s’y rendent au moins une fois par jour65
. Il semble donc
inutile de les diaboliser : autant les utiliser ne serait-ce que pour en faire une critique
constructive.
64 Voir interview en annexe
65
Source médiamétrie : http://www.mediametrie.fr/comportements/communiques/plus-de-3-internautes-sur-4-
sont-inscrits-sur-un-reseau-social.php?id=698
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 50
Par ailleurs, pour Bastien Sibille66, se priver de la capacité d’action générée par ces
technologies et de leur qualité, juste pour une question idéologique, ne semble pas suffisant.
Le capitalisme informationnel, financier … produit des outils de type Google ou Facebook.
Les associations peuvent saisir l'opportunité d’utiliser leur puissance pour leurs propres
objectifs qui sont plutôt orientés contre le modèle économique développé par Facebook ou
Google. Le monde associatif peut profiter de ces opportunités et en faire un « usage
tactique », « L’adversaire vous met à disposition des armes, ce serait dommage de ne pas en
profiter ». Selon lui, le risque est ailleurs et il est double :
1. Le premier risque réside dans la perte des données. Lorsque l’on veut sortir d’un
média social, ou si celui-ci disparait, nous ne sommes pas sûrs de pouvoir récupérer
nos données, ou alors en partie, cette partie étant variable selon les interfaces.
2. Le deuxième risque réside dans la difficulté à réutiliser ces données dans un autre
contexte. Si Facebook s’effondre, l’accès aux interfaces de ce média sera impossible et
nous perdrons donc une large partie de notre investissement. Cet investissement est de
type cognitif, c'est un investissement d’acquisition des savoir-faire liés à l’interface
elle-même, et il sera perdu.
Pour Laurence Allard67
, le capitalisme du partage consiste à faire produire et diffuser les
contenus par les usagers en en retirant seul les bénéfices, et il est contradictoire avec les
principes de l’économie sociale et solidaire. La logique sociale qui demeure, c'est celle de la
participation, de la contribution ; elle est à l’œuvre sur ces mêmes réseaux sociaux et elle est
au fondement de cette économie. Il y a là une contradiction qui peut être résolue en déployant
volontairement une tactique activiste d’instrumentation du caractère massivement socialisé de
Facebook, par exemple, en l’utilisant comme tremplin vers d’autres sites et dispositifs issus
du mouvement du logiciel libre et dont le code source68
est plus ouvert.
66 Voir interview en annexe
67
Voir interview en annexe
68
Le code source est un texte qui représente les instructions qui doivent être exécutées par un microprocesseur.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Code_source
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 51
Ainsi, le mouvement des logiciels libres ne représente-t-il pas le pendant technique des
valeurs de partage et de coopération chères à l’Economie Sociale et Solidaire, au monde
associatif et plus particulièrement à l’éducation populaire ?
3.2. ASSOCIATIONS ET LOGICIELS LIBRES : DES VALEURS A PARTAGER ?
Le mouvement du logiciel libre est probablement le plus vaste mouvement d’émancipation et
de partage de la connaissance qui se soit développé via Internet. Il réunit à ce jour des
centaines de millions de contributeurs du monde entier. Il partage de nombreuses valeurs avec
le monde associatif et plus particulièrement celui se revendiquant de l’Education Populaire.69
Un logiciel libre est un logiciel garantissant un certain nombre de libertés fondamentales à ses
utilisateurs : la liberté de l'utiliser pour quelque usage que ce soit, la liberté d'étudier son
fonctionnement et de l'adapter à ses besoins, la liberté d'en redistribuer des copies et enfin la
liberté de l'améliorer et de rendre publiques les améliorations de telle sorte que la
communauté toute entière en bénéficie. Dans ce but, le logiciel libre est diffusé avec son code
source (un ensemble de procédures, telles une recette) nécessaires aux utilisateurs pour
exercer leurs libertés, comme celle de modifier le logiciel.
Le fondement même du logiciel libre repose sur un esprit de coopération, de partage du
savoir, pour enrichir et faire progresser le logiciel. Le logiciel libre permet ainsi une réelle
appropriation citoyenne de l'informatique et de ses outils, rend les utilisateurs autonomes,
indépendants et les éloigne des impasses technologiques... Alors qu'aucun éditeur propriétaire
n'en a l'intérêt.
Ainsi, le logiciel libre devrait se poser comme une réponse naturelle pour le monde associatif
lors de ses choix informatiques. Pourtant, de nombreuses associations hésitent encore à
franchir le pas, par méconnaissance principalement.
Le monde du logiciel libre et le monde associatif ont de nombreuses valeurs communes
(partage, volontariat, bénévolat, passion) et notamment une certaine éthique du partage de la
connaissance. Faire le choix du logiciel libre apparaît évident à long terme avec la volonté de
69 APRIL.- Guide Libre Association.- Version 1.0 du 1er juin 2012, Site Web : www.april.org.
http://guide.libreassociation.info
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 52
concilier les besoins du présent sans compromettre le futur. En effet, au-delà de la liberté et de
l'éthique du partage de la connaissance, le logiciel libre offre de multiples intérêts.
Pouvant être copiés légalement par tous, ils sont très souvent téléchargeables gratuitement sur
Internet. Cette gratuité en toute légalité permet de réduire les coûts d'accès à l'informatique, à
la fois pour l'association dans le cadre de la mise en œuvre de solutions informatiques mais
également pour ses membres. En effet, les membres de l'association ne seront pas dans
l’obligation d'avoir recours à la copie illégale pour bénéficier des logiciels utilisés par
l'association.
De même, un stagiaire ou des personnes en formation pourront repartir avec un cédérom
contenant tous les logiciels libres utilisés pour les installer chez eux.
La liberté de copier permet également une homogénéité des outils à moindre coût pour les
différents intervenants (salariés, bénévoles, partenaires...).
Par ailleurs, selon Nathalie Boucher-Petrovic70
« le libre rassemble des particularités qui font
écho aux démarches et aux finalités de l'éducation populaire : créer, être libre, partager, être
en capacité d'agir sur l'existant (machine, contenu), se libérer et s'émanciper d'inégalités, de
domination… ».
Si l'éducation populaire est par nature difficilement définissable, ses acteurs portent
globalement des valeurs liées à l'humanisme, à la démocratie, à la citoyenneté, mais il s'agit
d'un champ hétérogène (plusieurs courants historiques, plusieurs visions, plusieurs champs
d'action).
En termes de démarches, au delà des valeurs fédératrices, l'éducation populaire se caractérise
en grande partie par des démarches, des méthodes et des pratiques collaboratives et de co-
construction du savoir.
Le mouvement du logiciel libre correspond en partie à ces démarches ; notamment sur les
cinq points suivants :
la collaboration / coopération / coproduction (faire ensemble, co-construction,
partage)
l'échange / travail en réseau (collectif, associatif, réseau)
70 Nathalie BOUCHER-PETROVIC.- Philosophie du logiciel libre et démarches d’éducation populaire.-
Communication aux 7es rencontres mondiales du logiciel libre à Vandoeuvre-lès-Nancy, 7 juillet 2006.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 53
l'ouverture / compatibilité / transparence (liberté, ouverture, émancipation)
l'action / création / production (citoyen actif, critique, expérimentation)
la mutualisation / la transversalité
La Fédération des centres sociaux, les CEMEA71
et la Ligue de l’enseignement ont fait de la
question des logiciels libres un enjeu politique. En 2006, la Ligue de l’enseignement a ainsi
adhéré à l’April, estimant que le logiciel libre est une « manière de faire société ». Dans le
même temps, l’association April a créé un poste de vice-président « en charge de l’Education
Populaire » pour marquer sa volonté de travailler avec ce secteur. Certains acteurs du logiciel
libre ont d’ailleurs demandé un agrément « jeunesse et éducation populaire ». Il existe donc
bien un enjeu pour le monde du logiciel libre à se rapprocher des milieux de l’éducation
populaire, tout comme ces derniers semblent trouver des outils répondant à leurs besoins et
une philosophie proche de leurs préoccupations dans les milieux du logiciel libre (Boucher-
Petrovic, 2006).
En résumé, les logiciels libres offrent de multiples avantages aux associations : éthique du
partage de la connaissance ; réduction du coût d’accès à l’informatique ; copie en toute
légalité des logiciels et donc solution naturelle à la contrefaçon ; adaptation de logiciels aux
besoins, en toute indépendance ; pérennité des données ; protection de la vie privée.
On a évoqué précédemment l’intérêt que pouvait représenter l’utilisation des médias sociaux
par les associations et la proximité en termes de valeurs entre le monde du logiciel libre et le
monde associatif. Ainsi, existe-t-il des alternatives issues du mouvement du logiciel libre aux
médias sociaux de type Facebook ? Le monde associatif, notamment par l’intermédiaire des
grandes fédérations, doit-il développer des outils technologiques alternatifs au risque de se
priver de l’audience des médias sociaux les plus fréquentés ?
3.3. OXWALL, ELGG, DIASPORA, DES ALTERNATIVES A FACEBOOK ?
Que ce soit pour un usage privé, dans le cadre d’une association ou pour des groupes plus
informels, l’offre Open Source72
pour les réseaux sociaux disponible aujourd’hui peut
71 CEMEA : Centres d'Entrainement aux Méthodes d'Education Active. http://www.cemea.asso.fr/
72
Open Source : licence de logiciel qui autorise la modification et la redistribution gratuite.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 54
constituer dans certains cas une alternative viable. Avec les fonctionnalités de partage, de
création de profils personnalisés, d’échange de contenus et de documents, il est désormais
possible de se construire son propre réseau social. L’intérêt de ces outils réside dans la
structure décentralisée et sécurisée de ces derniers permettant de préserver la vie privée des
participants et de faire communiquer différentes instances du logiciel installées sur différents
serveurs à travers le territoire. L’exemple de Diaspora est en cela intéressant.
3.3.1. Le projet Diaspora
Le 24 avril 2010, quatre étudiants, Max Salzberg, Dan Grippi, Raphael Sofaer et Ilya
Zhitomirskiy, alors étudiants à l’Université de New York, dévoilent leur intention de créer
une plateforme qui permettra à chacun de profiter de la sociabilité du Web sans abandonner la
protection de sa vie privée, ni voir ses données personnelles être transmises au plus offrant.
Lancée en version alpha quelques mois plus tard, la plateforme de Diaspora propose les outils
nécessaires pour héberger un réseau communautaire. Celle-ci reprend plusieurs
fonctionnalités classiques de Facebook mais entend s'appuyer sur un système décentralisé,
gage d'une meilleure sécurité. Diaspora pourra donc être installé sur le serveur d'une
personne, ou sur celui de son hébergeur, mais l'équipe propose également d'accueillir les
membres sur des serveurs préconfigurés avec des mises à jour automatiques.
Le projet s’inscrit dans une dynamique Open Source : il s’agit d’un logiciel libre distribué
sous licence AGPL73
.
Diaspora accorde une grande importance à la protection des données personnelles et de la vie
privée et ceci avec une transparence et une facilité de prise en main ergonomique dans les
options de paramétrage et de confidentialité choisis par l’utilisateur. Diaspora se définit en 3
points-clés74
:
73
La licence AGPL ou GNU Affero General Public License est une licence libre dérivée de la Licence publique
générale GNU avec une partie supplémentaire couvrant les logiciels utilisés sur le réseau. Elle a été écrite par
Affero pour autoriser les droits garantis par la GPL à couvrir les interactions avec des produits propriétaires à
travers un réseau comme Internet, ce que la GPL ne fait pas.
74
Sources : Article « Diaspora : guide du logiciel/réseau social pour les débutants » publié par Jean-Luc
RAYMOND sur le site netpublic.fr le 12 novembre 2011. http://www.netpublic.fr/2011/11/diaspora-guide-du-
logiciel-reseau-social-pour-les-debutants/
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 55
Le choix : Diaspora laisse à l’utilisateur la possibilité de trier ces connexions dans des
groupes appelés aspects. Spécifiques à Diaspora, les aspects garantissent que les
publications ne sont partagées qu’avec les personnes avec qui l’utilisateur souhaite les
partager.
La propriété : l’utilisateur reste propriétaire de ses images, et il n’est pas obligé de
renoncer à cela juste pour les partager (contrairement à Facebook qui devient
propriétaire d’une image dès lors qu’elle est publiée sur sa plateforme). Il conserve la
propriété de tout ce qu’il partage sur Diaspora, ce qui donne le contrôle total de la
manière dont cela est distribué.
La simplicité : intrinsèquement privé, Diaspora ne contraint pas l’utilisateur à se frayer
un chemin à travers des pages de configuration et d’options uniquement pour
maintenir son profil sécurisé.
La décentralisation d’un réseau de type Diaspora, laissant la possibilité à chacun d’installer la
plateforme sur son propre serveur permettant ainsi d’en sauvegarder les données, limite donc
les risques auxquels Bastien Sibille nous sensibilisait, à savoir : la difficulté à réutiliser les
données et la perte de ces mêmes données en cas de rupture du service.
Il est également intéressant de noter que la structure d’un réseau comme la Ligue de
l’enseignement (Figure 11) est plus proche de la structure d’un média social décentralisé de
type Diaspora (Figure 12) que de celle de Facebook (Figure 13). En effet, la Ligue de
l’enseignement est composée de 102 fédérations départementales juridiquement autonomes
sans lien hiérarchique avec la structure confédérale si ce n’est à travers des liens statutaires et
par la signature de conventions. Chaque fédération ayant la liberté de développer ses propres
projets en lien avec son territoire départemental, et en cohérence avec les orientations
idéologique et politique du mouvement.
Cependant Diaspora, présenté ici à titre d’exemple, a connu son coup de projecteur il y a
quelques mois sans pour autant réussir à fédérer les internautes. Ce projet aura d’autant plus
de mal à se faire connaître que les alternatives à Facebook se multiplient depuis peu.
Oxwall par exemple qui se présente comme un logiciel communautaire open-source
permettant la création de son propre réseau social mais aussi comme plateforme collaborative
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 56
ou de gestion projet. Ou encore Elgg : au-delà d’un réseau social numérique, Elgg se distingue
par ses fonctionnalités de partage de fichiers, de microblogging de type Twitter.
Figure 12 : Schéma structurel réseau Diaspora
Figure 11 : Schéma structurel réseau Ligue de l’enseignement
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 57
Selon Nathalie Boucher-Petrovic75
, « à bien des égards, les milieux de l’éducation populaire
se sont montrés pionniers dans l’utilisation des outils et médias. Au-delà de leur utilisation
comme support éducatif, ils ont expérimenté différentes formes d’éducation aux médias et
parfois conçu eux-mêmes des contenus et des médias. Enfin, certaines fédérations d’éducation
populaire ont pris en charge depuis fort longtemps la question de l’information et de la
communication comme objet de travail. »
Ainsi, une confédération comme la Ligue de l’enseignement, fort d’un réseau composé de
26 500 associations affiliées à ses 102 fédérations départementales, représentant 1,6 millions
d’adhérents, ne devrait-elle pas développer son propre média social plus proche des valeurs
qu’elle porte ?
75 Nathalie Boucher-Petrovic, « La société de l’information « appropriée » par l’éducation populaire : une
tradition en question », tic&société [En ligne], Vol. 2, n° 2 | 2008, mis en ligne le 07 mai 2009, Consulté le 14
mai 2012. URL : http://ticetsociete.revues.org/528
Figure 13 : Schéma structurel réseau Facebook
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 58
3.4. LA LIGUE DE L’ENSEIGNEMENT DOIT-ELLE DISPOSER DE SON PROPRE MEDIA
SOCIAL EN LIGNE ?
Alors que les associations sont de plus en plus présentes sur les médias sociaux « classiques »
(Facebook, Twitter, etc.), l’avenir les verra-t-elles créer leurs propres communautés
d’échanges ?
A l’échelle d’un territoire, ce type de plateformes peut en effet servir à diffuser de
l’information en temps réel et à faire participer d’une autre manière les habitants et les
responsables associatifs sur des thématiques spécifiques (évènements, Agenda 21 associatif,
etc.). Il peut également permettre de dynamiser la vie associative locale et les échanges entre
les acteurs tout au long de l’année.
Les exemples de La ruche de Rennes (http://beta.ruche.org ) et de celle de Brest (www.ruche-
brest.net ) sont deux exemples de ce point de vue intéressants. Ces médias sociaux locaux,
animés et modérés par l'association BUG, pour La ruche de Rennes, et par le service Internet
et Expression Multimédia de la Ville de Brest, pour ce qui est de La ruche de Brest, ont pour
but de mettre en relation des habitants de chacune des deux villes et de leurs environs
respectifs, ainsi que les associations et collectifs locaux. Ils permettent également de créer des
groupes de discussion et de communiquer leurs événements en les localisant sur une carte. La
ruche de Rennes permet à chacun de créer un profil personnel « Abeille » et des profils
« Ruches » (associations ou collectifs), pour échanger, partager, communiquer sur leur
territoire.
Véritable alternative à des réseaux sociaux issus d'entreprises privées, La Ruche garantit la
préservation des données des habitants communiquées sur le site Internet et leur non
communication à des tiers publics ou privés.
Ces réseaux offrent à leurs utilisateurs la possibilité de créer des forums de discussions et
d’échanges de pratiques allant de groupes évoquant l’actualité du saxophone sur Brest, la
mise en place d’ateliers d’écriture, ou encore d’échanges sur la sophrologie.
Cette approche locale nous semble intéressante et tout à fait adaptée à un réseau comme celui
de la Ligue de l’enseignement dans la mesure où elle correspond bien à l’organisation même
de cette confédération, structurée avant tout sur des fédérations départementales dont une des
missions principales et historiques est de fédérer et de mettre en relation des associations
locales.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 59
Un autre intérêt majeur, illustré par les exemples précédents, réside dans la possibilité de
mettre en place des espaces thématiques d’échange de pratiques. Le réseau d’associations
affiliées aux fédérations départementales est d’approches très diversifiées allant de la
« simple » association sportive (cyclo, pétanque, sports motorisés …), à l’association de
défense d’une cause (protection de l’environnement …), au groupe de réflexion sur des sujets
de société, où encore à la troupe de théâtre du village. Cette diversité rend complexe la mise
en réseau de ces associations au niveau d’une fédération : ainsi des groupes d’échanges
thématiques, permis par ces technologies, pourraient faciliter la collaboration entre
associations œuvrant autour d’un même secteur d’activité.
Certains réseaux sociaux se sont d’ailleurs développés depuis plusieurs années autour
d’approche thématique avec comme objectif de mutualiser les expériences et de développer
une nouvelle forme de collaboration et d’intelligence collective76
.
L’exemple du réseau Tela Botanica (www.tela-botanica.org ), est de ce point de vue assez
exemplaire et illustre bien cette notion de collaboration autour d’une thématique qu’est la
botanique.
Tela Botanica est le réseau de la botanique francophone. Créé en juillet 2000, il a pour finalité
de regrouper l’ensemble des botanistes qui utilisent la langue française comme outil privilégié
de communication. Son objectif principal est de redonner une nouvelle dimension à cette
discipline en permettant notamment de monter des projets collectifs d’ampleur nationale et
internationale.
Tela Botanica compte aujourd’hui (septembre 2012) plus de 18 300 inscrits. Près de 90
projets collaboratifs en ligne sont en cours et les échanges se font au travers de listes de
discussions thématiques, de Wikis et d’espaces de partage de documents.
Pour construire leurs réflexion, les fondateurs se sont appuyés sur le document de Jean-
Michel Cornu, « Les réseaux coopératifs, nouvelles approches »77
, qui leur a permis de
confronter leur réflexion à leur pratique de terrain. Pour eux, « l’essentiel des principes
suggérés par Jean-Michel Cornu, appliqué dans le cadre du réseau, permet, semble-t-il,
d’expliquer en grande partie son succès. »
76 « L'intelligence collective est la capacité d'un groupe de personnes à collaborer pour formuler son propre
avenir et y parvenir en contexte complexe ». Jean François NOUBEL.- Intelligence collective, la révolution
invisible.- Novembre 2004.- 44P http://www.thetransitioner.org/wikifr/tiki-index.php?page=Intelligence%20Collective%20la%20r%C3%A9volution%20invisible
77
Jean-Michel CORNU.- les « réseaux coopératifs, nouvelles approches ».
http://www.cornu.eu.org/texts/cooperation
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 60
Le croisement de ces deux approches, territoriale et thématique, pourrait, nous semble-t-il,
correspondre aux attentes d’une confédération comme la Ligue de l’enseignement. Notre
conviction est que la mise en place d’un média social décentralisé permettrait de répondre à
plusieurs objectifs :
Offrir aux fédérations départementales, mais également aux associations locales, des
espaces de coopération, de réflexion, et de partage. Ces espaces sont difficiles à mettre
en place sur le terrain, que ce soit au niveau confédéral pour réunir les acteurs des
fédérations sur des temps de réflexions collectives, ou au niveau local avec les
responsables associatifs et leurs contraintes (implication professionnelle et bénévole,
pour certains dans plusieurs associations). Ainsi ces espaces dits « virtuels »
permettraient à chacun de produire du contenu de façon asynchrone sur des temps
choisis et non contraints. Ils permettraient également, à travers des groupes
thématiques, d’impliquer des associations locales repérées aux réflexions nationales,
ce qui est, dans l’organisation actuelle, difficilement réalisable.
Permettre à un mouvement d'Education Populaire, se définissant comme un
mouvement de citoyens portant le débat et agissant pour la transformation sociale, de
mettre au débat son projet politique et ses prises de position. Bien sûr, comme nous le
rappelle Véronique Kleck78
, parlant des élus politiques, il y a un risque à cela :
« Comment les élus peuvent-il susciter le dialogue avec les citoyens via les réseaux
numériques sans se trouver submergés par une demande qu'ils seraient dans
l'incapacité de traiter, créant ainsi de la frustration et de la défiance, là où il s'agissait
de rétablir le dialogue et la confiance. ». Il semble toutefois que cela pourrait
permettre à chaque composante associative d’un réseau comme celui de la Ligue de
l’enseignement de prendre part aux réflexions autours des valeurs du mouvement et
d’un projet politique partagé. Il est à noter que quelques expériences de ce type ont été
expérimentées ces derniers mois au sein de ce mouvement, notamment lors des
dernières élections présidentielles pour l’élaboration des « 50 propositions pour faire
78 Véronique KLECK.- Numérique & Cie, société en réseaux et gouvernance. - Éditions Charles Léopold
MAYER, 2006. - 238 p.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 61
société79
» réalisées à l’issue d’une consultation en ligne de son réseau associatif et
militant.
Enfin, comme nous l’explique Bastien Sibille, cela pourrait permettre de faciliter la
gouvernance associative, de la rendre plus dynamique, moins chère, plus écologique et
mieux sécurisée. L’exemple de la suite TALA, développée par la société TALCOD,
est en cela intéressante. Elle offre des espaces et outils de gestions des ordres du jour,
de gestion des procès verbaux, de gestion des archives des Conseils d’Administration,
des Assemblées Générales, des convocations, de gestion de mandats, des outils de
votes … toutes ces tâches qui peuvent être, dans la vie des associations, chronophages.
Il ne s’agit pas de « virtualiser » totalement les instances décisionnaires que sont les
conseils d’administrations, les réunions de bureaux, et les assemblées générales …
mais de les rendre plus efficaces, les participants ayant pu échanger et travailler sur les
documents et projets en amont.
Toutefois, si la mise en place d’un tel projet nous semble intéressante pour un réseau comme
la Ligue de l’enseignement, il ne faut pas en sous-estimer la complexité technologique. La
réalisation de réseaux sociaux numériques, comme Diaspora par exemple, est assez simple à
petite échelle. Vous les téléchargez, vous les installez assez facilement, et cela fonctionne
bien. Lorsque le dispositif est mis en production auprès de plusieurs centaines, voire de
milliers d’utilisateurs, cela se complexifie. Les petits « bugs » qui ne posent pas trop de
problème à petite échelle, deviennent parfois très compliqués à gérer à grande échelle.
Pouvons-nous à la fois bénéficier de l’audience et des services des médias de type Facebook
ou Twitter et développer en parallèle son propre média social ? Ces dispositifs sont-ils adaptés
aux bénévoles associatifs des associations locales ? La question de la formation, de la
vulgarisation et de l’appropriation citoyenne de ces médias ne devraient-elle pas être plus
prise en compte par les mouvements d’Education Populaire ?
79 50 propositions pour faire société : http://www.laligue.org/wp-content/uploads/2012/06/50propositions.pdf
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 62
CONCLUSION
Alors que le discours dominant relayé par une partie médias, évoque un bénévolat en crise,
l’objet de ce mémoire était de nous interroger sur les risques de substitution de l’engagement
associatif traditionnel par l’engagement sur les médias sociaux, et sur les opportunités que
peuvent représenter pour le monde associatif cet engouement pour les réseaux sociaux
numériques. En effet, quelques évènements récents, le « Printemps Arabe », le mouvement
des indignés, l’affaire Cora … pouvaient nous laisser penser que ces nouvelles formes de
mobilisation, de prises de parole citoyenne non organisées, venaient concurrencer des formes
d’engagement plus formel, ou en tous cas les remettre en cause,.
La première partie de ce mémoire nous a permis de caractériser l’engagement associatif
traditionnel et d’identifier ses évolutions. Les conclusions d’une enquête réalisée auprès de 58
bénévoles associatifs nous indiquent que les motivations de l’engagement sont de plusieurs
ordres : le désir de lien social, le plaisir de se réaliser, l’envie d’acquérir de nouvelles
compétences. Mais cet engagement s’accompagne de contraintes quelquefois difficilement
conciliables avec une vie familiale et professionnelle et des évolutions se font sentir ces
dernières années. L’engagement bénévole tendrait à être plus limité dans le temps et se vivre
sur des rythmes choisis. Les bénévoles souhaitent être impliqués dans le projet global de
l’association et sur des projets d’actions précis, ils sont plus méfiants envers les associations
importantes dont la structure est très hiérarchisée.
La mobilisation sur les médias sociaux est quant à elle plus difficile à percevoir. Ces
technologies renforcent l’habitude de s’engager vite et sur du temps court. Il y a là une forme
d’émiettement de l’engagement, permise et induite par les réseaux sociaux numériques, qui
pourrait représenter un risque pour la pérennité des structures associatives. Cependant, cette
« forme hybride de l’engagement »80
, est souvent décevante quand il s’agit de s’engager à
plus long terme. Pour autant, il ne faut pas négliger le pouvoir mobilisateur d’Internet et les
associations devraient s’intéresser à ces technologies pour faire passer des messages et
diffuser leur projet associatif et politique auprès de nouvelles cibles. Ainsi, Pour Laurence
Allard, « les mobilisations sur les médias sociaux sont avant tout complémentaires aux
mobilisations associatives traditionnelles ».
80 Alban Martin, 2011
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 63
Dans la deuxième partie, nous avons pu montrer que les technologies de type Twitter ou
Facebook étaient des outils à fort pouvoir de diffusion, bien sûr auprès de sympathisants de la
cause associative, mais également auprès de publics plus éloignés. Ces médias permettraient
ainsi aux associations de développer leur capital social.
L’analyse, sur une période d’un an, du compte Twitter du centre de ressources départemental
de la vie associative de la Ligue de l’enseignement de la Dordogne a montré que plus de
29 000 personnes avaient reçu des informations par l’intermédiaire de Twitter et que cette
information était relayée à 97 % par des abonnés relevant de liens « faibles », confirmant ainsi
la théorie chère à Mark Granovetter : « La force des liens faibles ». L’impact des médias
sociaux en ligne sur le nombre des lecteurs d’un article publié sur un site Internet est
également intéressant. Une étude réalisée par AT Internet met en évidence que 28% des
visites d’un site web d’actualité français proviennent en moyenne de Facebook et 5,2% de
Twitter81
.
La troisième partie est consacrée quant à elle à la question l’apparente contradiction des
modèles économiques de médias de type Facebook avec les valeurs de l’Economie Sociale et
Solidaire, dont les associations sont une des composantes, et aux risques structurels et
idéologiques que représenteraient l’utilisation de ces outils. Si le risque idéologique à utiliser
des outils de l’économie marchande, allant à l’encontre des valeurs portées par le monde
associatif, existe en partie, il semble toutefois contre-productif de se priver de l’efficacité et
de l’audience de ceux-ci. Selon Bastien Sibille, le risque est ailleurs et il est double : risque de
perte de données en cas de disparition de ces technologies, et difficulté à réinvestir les
données récupérées dans un autre contexte.
Les médias sociaux issus du mouvement des logiciels libres représenteraient le pendant
technique des valeurs de partage et de coopération chères au monde associatif et plus
particulièrement à l’Education Populaire. Ainsi, les logiciels libres offrent de multiples
avantages aux associations : éthique du partage de la connaissance ; réduction du coût d’accès
à l’informatique ; copie en toute légalité des logiciels ; adaptation de logiciels aux besoins, en
toute indépendance ; pérennité des données ; protection de la vie privée.
81 Etude de Médiamétrie-eStat sur la fréquentation des sites Internet français en avril 2012.
http://www.mediametrie.fr/internet/communiques/telecharger.php?f=55743cc0393b1cb4b8b37d09ae48d097
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 64
A l’issue de ce travail, notre conviction est donc que le monde associatif auraient avantage à
profiter de l’engouement populaire pour les médias sociaux de type Facebook ou Twitter pour
diffuser leur projet associatif. Les associations ont l’opportunité d’utiliser ces technologies
comme tremplin vers d’autres sites, logiciel et réseaux numériques dont le code source est
ouvert et qui sont des espaces digitaux plus cohérents avec des projets associatifs.
Par ailleurs, notre avis est qu’une confédération comme la Ligue de l’enseignement pourrait,
aurait intérêt à mettre à disposition de son réseau associatif et militant une plateforme
numérique sociale permettant d’offrir aux fédérations départementales, mais également aux
associations locales, des espaces de coopération, de réflexion, et de partage. L’idée serait que
chaque fédération départementale dispose d’une instance de ce média social sur son propre
serveur, chaque instance du logiciel pouvant communiquer avec les autres, créant ainsi un
réseau numérique décentralisé correspondant à la structure du réseau associatif de la Ligue de
l’enseignement. Un tel outil permettrait également à un mouvement d'éducation populaire, se
définissant comme un mouvement de citoyens portant le débat et agissant pour la
transformation sociale, de faire vivre plus largement les échanges sur son projet politique et
ses prises de position.
En offrant des espaces de collaboration aux administrateurs et dirigeants des fédérations, mais
également d’archivage et de sécurisation des données, ce réseau numérique décentralisé
pourrait enfin faciliter la gouvernance associative, la rendre ainsi plus dynamique.
Si la mise en place d’un tel projet nous semble intéressante, il ne faut toutefois pas en sous-
estimer la complexité technologique. Quelles seraient donc les conditions de réussite d’un tel
projet ?
CONDITIONS DE REUSSITE ET PERSPECTIVES
La mise en place d’une plateforme numérique sociale d’une telle ampleur, permettant de
profiter de la sociabilité du Web et intégrant des espaces de partage d’informations et de
ressources et de travail collaboratif, est complexe et demande des compétences techniques
pointues. Raison pour laquelle, Bastien Sibille nous invite à associer à ce projet des
partenaires technologiques dont c’est le métier et qui maitrisent bien ces technologies.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 65
Ensuite, la mise en place d’un dispositif technique n’induit pas qu’il sera utilisé d’office : son
« adoption » nécessite l’apprentissage de l’outil, le pilotage du changement et l’animation de
la communauté des utilisateurs de l’outil.
Pour garantir la réussite d’un tel projet, la question de la formation des acteurs, que ce soit au
niveau des fédérations départementales ou au niveau des acteurs locaux (responsables
associatifs, citoyens, élus locaux …), est essentielle pour une appropriation de ces
technologies par un plus grand nombre. Il ne s’agit pas de créer une nouvelle forme de
fracture numérique, après celle de l'inégalité d'accès (même si celle-ci n’est pas tout à fait
réglée). Dans son livre « Réseaux humains, réseaux électroniques »82
, Valérie Peugeot, insiste
sur ce point : « Au-delà d’un problème bien réel de connectivité, la capacité d’accéder aux
Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) suppose de pouvoir être formé
non pas tant aux outils eux-mêmes qu’aux nouvelles fonctions cognitives sollicitées par les
TIC : capacité à appréhender des contenus mouvants, à hiérarchiser des informations, à les
contextualiser, à appréhender une logique non cartésienne et fondée sur l’incertitude. »
Il y a là un véritable enjeu pour l’Education populaire de travailler sur l’appropriation
citoyenne des médias sociaux, que ce soit sur des technologies de type Facebook ou autre
Twitter, ou sur des plateformes libres mises en œuvre par le monde associatif. Un travail
d’éducation autour de la capacité à appréhender des contenus mouvant, à hiérarchiser des
informations, à les contextualiser, devra être mis en œuvre que ce soit par l’éducation
formelle ou par les mouvements d’Education Populaire. C’est à cette condition que la maitrise
des outils permettra à chacun de passer du statut de simple consommateur de l’information à
celui de citoyen critique et à celui d’acteur.
C’est par ailleurs un engagement que prend la Ligue de l’enseignement dans son manifeste
« Faire Société »83
publié en 2010 :
« Faire société », c’est aussi vivre ensemble les mutations inédites engendrées par les
technologies numériques, les sciences du vivant, la crise écologique et leurs conséquences.
82 Valérie PEUGEOT (COORD.).- Réseaux humains, réseaux électroniques. - Paris, Éditions Charles Léopold
Mayer, 2001.
83
Le Manifeste « Faire Société ! » : http://www.laligue.org/le-manifeste-faire-societe/
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 66
La place prépondérante des médias dans le fonctionnement de la démocratie oblige à faire
progresser la qualité de l’information … de mettre en œuvre une politique d’éducation
continue aux médias qui inclut le développement de l’esprit critique et la formation pour un
usage créatif et citoyen d’internet et des réseaux sociaux.
Pour toutes les raisons évoquées dans ce mémoire, notre conviction est qu’un mouvement
d’Education Populaire, par ailleurs plus importante confédération française d’associations,
devrait davantage investir ces technologies numériques, notamment par la mise en place de
son propre média social en ligne. Il serait de notre point de vue également important que ce
réseau promeuve et contribue au mouvement du Logiciel Libre comme étant le pendant
technologique des valeurs de partage et de coopération chères à l’Economie Sociale et
Solidaire et à l’Education Populaire.
Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX
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SITES INTERNET VISITES
NetPublic, accompagner l'accès de tous à Internet :
http://www.netpublic.fr
Social Planet, le réseau social de l'initiative sociale et solidaire en Europe :
http://www.social-planet.org
La Ligue de l'enseignement :
http://www.laligue.org
Tela Botanica, le réseau de la botanique francophone :
http://www.tela-botanica.org
Le Blog de Jean-Michel CORNU :
http://www.cornu.eu.org
Wikipédia, l'encyclopédie libre en ligne :
http://fr.wikipedia.org
Portail dédié à l’Education populaire sur Wikipedia créé par La Ligue de l’enseignement
et l’INJEP :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Portail:%C3%89ducation_populaire
Terrafemina : News & Réseaux, Portail d'informations féminin
http://www.terrafemina.com
Le Blog RunOrg : apports des nouvelles technologies pour les associations et leurs
responsables.
http://blog.runorg.com
Le blog de Jean-Luc Raymond :
http://blog.jeanlucraymond.net
TIC&Société, analyse des rapports entre les technologies de l’information et de la
communication (TIC) et la société :
http://ticetsociete.revues.org
La Ruche de Rennes, réseau social local réalisé, animé, modéré par l'association Bug :
http://beta.ruche.org
La Ruche de Brest, réseau social local brestois :
http://www.ruche-brest.net
Cultures Expressives, le Wiki de Laurence Allard :
http://culturesexpressives.fr
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Master Stratégie et Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire J-Luc GADIOUX
Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 74
TABLE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUES
Figure 1 : Intérêt d'être bénévoles Page 14
Tableau 2 : Raisons d’agir et évolutions de l’engagement associatif Page 18
Figure 3 : Matrice des interconnexions des abonnés au compte @crdva24 Page 39
Figure 4 : Graphe des interconnexions des abonnés au compte @crdva24 Page 40
Tableau 5 : Synthèse étude retweets & mentions - Liens forts / Liens faibles Page 41
Figure 6 : Tweet du 21 septembre 2011 sur le compte @crdva24 Page 44
Figure 7 : Article sur la page Facebook du centre de ressources Page 45
Figure 8 : Nbre de Pages Visitées Page 45
Figure 9 : Nbre de visites après l’envoi de la lettre de septembre 2011 Page 46
Figure 10 : Analyse de l’influence des médias sociaux sur le site laligue24.org Page 46
Figure 11 : Schéma structurel réseau Ligue de l’enseignement Page 56
Figure 12 : Schéma structurel réseau Diaspora Page 56
Figure 13 : Schéma structurel réseau Facebook Page 57
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TABLE DES ANNEXES
Annexe 1 : Interview de Bastien SIBILLE Page 76
Annexe 2 : Interview de Laurence ALLARD Page 82
Annexe 3 : Interview de Dominique CARDON Page 85
Annexe 4 : Interview de François MEYNIER Page 87
Annexe 5 : @crdva 24 - Etude retweets & mentions - Liens forts / Liens faibles Page 90
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Propos de Bastien Sibille,
recueillis le mercredi 18 juillet 2012
par Jean-Luc GADIOUX
Question de J-Luc GADIOUX : Tout d’abord, puis-je vous demander de vous présenter ?
Bastien SIBILLES :
Aujourd’hui, je m’occupe principalement de deux structures. D’abord de TALCOD qui est
une entreprise solidaire que j’ai créée. TALCOD une entreprise de service en logiciels libres
notamment à destination des entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire et avec une
emphase sur les outils de gestion de la gouvernance des ces organisations parce que l’on a
estimé que la présence dans les structures d’une gouvernance saine est un gage de pérennité.
Nous avons des outils qui permettent d’améliorer la gestion des Conseils d’Administration,
des Assemblées Générales, des comités etc. … c’est un premier versant qui est le versant
économique de mon activité.
Le deuxième versant est plus de l’ordre de l’engagement. J’assure le secrétariat général de
l’Association Internationale du Logiciel Libre (AI2L), qui rassemble le crédit coopératif, la
MACIF, le groupe chèques déjeuner, et des partenaires québécois, à peu prés du même ordre
que ces trois structures, sur un projet original de création de logiciels libres pour l’économie
sociale. Je dis original, parce qu’il contribue au financement d’une chaire de recherche
industrielle mais universitaire au Québec pour la création et le développement des softs. Il est
également original, parce qu’il associe, au niveau international, des structures de l’économie
sociale, ce qui n’arrive finalement pas si fréquemment sur des projets opérationnels.
Je ne suis pas un informaticien, je suis plutôt sensible aux questions d’intérêt général puisque
je suis diplômé de Science-Po, qui s’est traduit au final par un doctorat en science politique au
Québec sur les questions de gouvernance et d’informatique.
JLG : Dans un contexte où la difficulté à mobiliser des bénévoles associatifs est
régulièrement mis en avant par les médias et par les responsables associatifs eux-mêmes, et
où des exemples récents montrent la capacité à mobiliser à travers les réseaux sociaux
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(l’exemple du printemps arabe en est une illustration), quelques questions sur les interactions
possibles entre les associations et les réseaux sociaux numériques peuvent se poser.
C’est donc le sujet que j’ai choisi de traiter dans mon mémoire de fin de Master II « Stratégie
et Management des Entreprises Associatives de l’Economie Sociale et Solidaire » :
Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ?
Pour alimenter ma réflexion, j’ai décidé de prendre l’avis d’experts du sujet traité et c’est la
raison pour laquelle je vous ai sollicité.
D’après vous, les mobilisations sur les médias sociaux peuvent-elles venir se substituer,
même partiellement, aux formes d’engagements associatifs plus traditionnelles ? Existe-t-il un
risque pour l’engagement associatif et militant traditionnel ?
BS : D’abord c’est une bonne question. Que ce soit parce qu’il y a des technologies de type
réseaux sociaux numériques ou que ce soit parce que on est dans une société de plus en plus
individualisée, il y a effectivement une sorte d’émiettement de l’engagement que ce soit sous
sa forme politique ou sous sa forme associative, et qui elle est dangereuse pour la pérennité
des structures associatives. Et du coup, des technologies de type Facebook vont bien avec
cette modification sociologique.
Je veux sortir, une fois pour toute, de l’alternative : est-ce que ce sont des caractéristiques
sociologiques qui engendrent des technologies, ou est-ce que ce sont les technologies qui ont
des impacts sur les critères sociologiques ? Je crois que ce sont de fausses questions. Je pense
que tout avance ensemble. Mais le fait est que des technologies de type Facebook renforcent
une habitude à s’engager vite et sur du temps court, voire très très court, en une seconde le
temps de « Liker » sur une initiative. Mais par contre on va pouvoir « Liker » plusieurs fois
dans la journée. C’est donc un morcèlement à mon avis, un raccourcissement de
l’engagement. Une forme de zapping de l’engagement. Ceci est un risque effectivement.
Il y a aussi des éléments qui favorisent l’engagement, dans ces mêmes technologies. Si ces
technologies permettent à ces formes d’engagement émiettées de s’exprimer, elles permettent
également de les agréger, de leur donner une temporalité.
Du coup, ma théorie est que l’on va vers des formes d’engagement faibles. Quand je dis
faibles, cela ne veut pas dire qu’elles sont mieux ou moins bien, je veux dire qu’elles sont de
natures différentes. Elles sont plus ténues, et il faut donc des technologies qui soient capables
de capter ces formes d’engagement.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 78
Question JLG : Pensez-vous que l’utilisation des médias sociaux peut représenter une
opportunité pour les associations de diffuser leur projet politique et de mobiliser autour de
celui-ci ?
BS : Ma réponse est sans ambigüité oui, en tout cas ce serait dommage qu’elles ne le fassent
pas. On peut toujours se dire qu’on reste à côté de ces phénomènes, qu’on ne monte pas dans
le train. Mais si on n’y monte pas, on risque de se couper de ceux qui y sont montés. Je pense
plutôt que la bonne question, si vous me permettez, est : comment peut-on monter dans le
train dans de bonnes conditions ? Mais se dire, on ne va pas en profiter serait dommage,
sachant qu’en face, les autres, les multinationales, les états, les dictatures, eux en profitent. Si
les gens qui ont plutôt un impact positif sur la société se disent nous on ne va pas en profiter,
ce serait quand même un peu dommage.
Il faudrait plutôt lister les éléments de risque que prennent les associations à être sur ces
technologies et de voir comment on peut répondre à ces risques.
Ne pensez-vous pas que l’utilisation de médias sociaux de type Facebook, dont le modèle
économique est capitaliste, ne vient pas en contradiction avec les valeurs de l’Education
Populaire, et plus globalement de l’Economie Sociale et Solidaire ? Connaissez-vous des
solutions alternatives ? Doit-on, au nom des valeurs, se priver de l’audience que représente
ce type de média ?
BS : Ma réponse rejoint un peu la réponse précédente. Quels sont les risques et comment on y
répond ? Quels sont les vrais risques à utiliser des technologies capitalistes ? Quand je vous
parle de vrais risques, je ne vous parle pas de risques idéologiques, qui peut être une forme de
risques dans la mesure où les associations peuvent perdre des militants parce que ceux-ci
estiment qu’utilisant Facebook, ils renforcent des dynamiques contre lesquelles ils luttent. Ce
risque serait à estimer, j’ai un peu de mal à le faire aujourd’hui.
Un risque financier, il n’y en a pas vraiment. Généralement ce sont des dispositifs
économiques d’exploitation technologique dans lesquels les petits utilisateurs ne paient pas le
service.
Ce sur quoi j’attire votre attention, pour produire des technologies de cet ordre à TALCOD,
on sait le coût que représente l’utilisation technologique par les utilisateurs. D’avoir une
machine économique qui permet à 500 millions d’utilisateurs d’utiliser un outil d’aussi bonne
qualité que Facebook, gratuitement, c’est un exploit. Et Google, je ne vous en parle même
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 79
pas, là c’est carrément magique. Cela est plutôt l’aspect positif. Des associations ont à leur
portée des outils gratuits d’excellente qualité.
Maintenant, le risque est double :
1) La perte des données. Quand on veut sortir du dispositif, ou si le dispositif meure, une
entreprise capitaliste peut toujours s’effondrer, je note tout de suite qu’une association
ou une coopérative peuvent aussi s’effondrer, que se passe-t-il dans ces cas là ? Vous
n’êtes pas sûr de pouvoir récupérer vos données, ou alors en partie, cette partie étant
variable selon les interfaces.
2) Vous ne pourrez pas réutiliser ces données dans un autre contexte. Si Facebook
s’effondre, vous n’aurez plus accès aux interfaces et donc une large partie de votre
investissement, qui est un investissement cognitif dans l’interface, d’acquisition des
savoir faire lié à l’interface, vous allez le perdre. C’est une problématique, vous ne
pouvez pas quitter Facebook sans perdre une partie de vos données. Le risque est là.
Questions JLG : Est-ce plus un choix idéologique ou politique que de préférer des Logiciels
Libres plutôt que des outils capitalistes de type Facebook ?
BS : Oui, c’est sûr, mais aujourd’hui ce sont plutôt les deux raisons que je vous ai données
avant qui m’amène à faire du Logiciel Libre. L’autonomie des acteurs est importante, pas
pour une question nécessairement idéologique mais pour une question de pérennité des
données. Sincèrement, se priver de la capacité d’action générée par ces technologies là et de
leur qualité, pour juste une question idéologique, ne me semble pas suffisant. Et j’aurais plutôt
tendance à dire l’inverse. C'est-à-dire, le capitalisme informationnel, financier … produit des
outils de type Google ou Facebook. Ces outils vous permettent, à la marge, d’utiliser leur
puissance pour vos propres objectifs qui sont plutôt orientés contre Facebook et Google. Je
crois qu’il faut profiter de cela. L’adversaire vous met à disposition des armes, ce serait
dommage de ne pas en profiter.
La question est donc plutôt, en utilisant cela, est-ce que je prends un risque pour mes données
et donc pour ma capacité d’action ? Si oui, dans quelle mesure ?
Ce sont des questions anciennes et récurrentes dans les organisations de l’Economie Sociale.
Est-ce que l’on sort de l’économie de marché ? Ou est-ce que l’on est dans l’économie de
marché et on essaie de la modifier ?
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 80
Question JLG : Pouvez-vous nous en dire plus sur votre suite logicielle TALA, et notamment
sur ce qu’elle apporte à la gouvernance associative ?
BS : L’objectif de notre suite logicielle est de :
- un rendre plus facile la gouvernance associative,
- de la rendre plus dynamique, la rendre moins chère et plus écologique et la rendre
mieux sécurisée.
Quand je dis plus facile, dans les interfaces de TALA, on a des outils de gestions des ordres
du jours, des outils de gestion des procès verbaux, de gestion des archives des Conseils
d’Administration, des Assemblées Générales, des convocations, des membres, de passation de
pouvoir, de gestion de mandats … toutes ces choses sont finalement, dans la vie des
associations, des coopératives, des mutuelles, chronophages. Et donc on a là, à notre
disposition, des outils qui vous facilitent la vie.
Ensuite, notre but, et c’est peut être plus fondamentale, c’est de dynamiser les processus de
gouvernance. La grande question qui traverse les structures de l’économie sociale
aujourd’hui, est la suivante : on se distingue par des éléments statutaires qui organisent une
démocratie d’entreprise certes, mais quelle est la réalité de cette démocratie ? On a des statuts
qui disent que les sociétaires peuvent voter, par exemple dans les mutuelles où les clients sont
sociétaires et peuvent voter, mais combien viennent vraiment aux AG et votent ? Du coup, si
l’on a des outils qui permettent de dynamiser les processus de gouvernance, de faire en sorte
que les gens votent, qu’ils prennent connaissance des documents qui préparent les décisions
collectives, que la vie sociétariale est plus développée, là on réinsuffle un nouveau souffle aux
structures de l’ESS, on leur permet d’améliorer leur idéal type statutaire.
Le troisième point important pour nous est de réduire le coût de cette gouvernance et son
emprunte écologique. Cela est lié notamment aux outils de visioconférence, aux outils de
travail à distance … les gens vont moins se déplacer et vont se déplacer vraiment pour des
moments d’échanges qualitatifs. Il ne s’agit pas du tout de virtualiser totalement les Conseils
d’administration mais de les rendre plus efficaces.
Le dernier point est une question de sécurisation des procès et notamment par la création
d’archives pour lesquelles on a des sauvegardes. Il y a beaucoup d’associations dans
lesquelles c’est une personne qui, sur son disque dur, qui conserve les PV des cinq dernières
années. Et si le disque dur « crame », tout est perdu. Donc on essaie d’assurer des sauvegardes
qui sécurisent tout cela.
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Question JLG : Un réseau comme la Ligue de l’enseignement, qui compte près de 26000
associations représentant 1,6 millions d’adhérents, structuré en 102 fédérations
départementales, n’aurait-il pas, à votre avis, la capacité à développer un réseau social
interne, par exemple sur le modèle de diaspora, dont la structure est plus décentralisée que
celle de Facebook, étant ainsi plus proche de la structuration de la Ligue de l’enseignement
?
BS : Je pense que oui, bien sûr, mais il y a plusieurs choses auxquelles il faut être attentif.
D’abord, ce n’est pas parce que l’on met en place un dispositif technique que ce dispositif
technique est utilisé. La question de l’animation est donc cruciale.
Ensuite, il ne faut pas sous-estimer la complexité technologique d’un tel projet. Il y a une
sorte de leurre dans les logiciels libres. C'est-à-dire, des logiciels libres, comme Diaspora par
exemple, vous les téléchargez, vous les installez assez facilement, et puis cela fonctionne bien
en petit comité. Quand on met le dispositif en production auprès de plusieurs centaines, voire
de milliers d’utilisateurs, la partie change. Les petits « bugs » qui ne posent pas trop de
problème à petite échelle, deviennent parfois très compliqués à gérer à grande échelle. Et
donc, c’est la raison pour laquelle, je crois vraiment qu’il faut associer des partenaires
technologiques dont c’est le métier et qui maitrisent bien ces technologies.
C’est vraiment les deux points de vigilance sur lesquels j’attire votre attention :
1- Réfléchissez bien à votre animation, aux questions politiques, aux freins d’usages liés
à la structuration de l’organisation.
2- Ne vous lancez pas dans une aventure de cette dimension là tout seul, regardez s’il y a
des professionnels qui peuvent vous aider.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 82
Propos de Laurence ALLARD
Maître de conférences en Sciences de la Communication,
Chercheur à l’IRCAV-Paris/Enseignante à l’Université Lille 3.
http://culturexpressives.fr
recueillis le vendredi 27 juillet 2012
par Jean-Luc GADIOUX
Dans un contexte où la difficulté à mobiliser des bénévoles associatifs est régulièrement mis
en avant par les médias et par les responsables associatifs eux-mêmes, et où des exemples
récents montrent la capacité de mobiliser à travers les réseaux sociaux (l’exemple du
printemps arabe en est une illustration), quelques questions sur les interactions possibles
entre les associations et les réseaux sociaux numériques peuvent se poser.
C’est donc le sujet que j’ai choisi de traiter dans mon mémoire de fin de Master II « Stratégie
et Management des Entreprises Associatives de l’Economie Sociale et Solidaire ».
Pour alimenter ma réflexion, j’ai décidé de prendre l’avis d’experts du sujet traité et c’est la
raison pour laquelle je vous ai sollicité.
Question J-Luc GADIOUX : D’après vous, les mobilisations sur les médias sociaux peuvent-
elles venir se substituer, mêmes partiellement, aux formes d’engagements associatifs plus
traditionnelles ?
Réponse de Laurence ALLARD : D’une part, les mobilisations sur les médias sociaux sont
avant tout complémentaires, les mêmes publics et les mêmes causes. Le cas extrême de la
campagne Kony 2012 avec une vidéo controversée utilisant la dramatisation, l’émotion et la
simplification stigmatisant un pays - l’Ouganda - alors même que Joseph Kony ne se cache
plus dans ce pays à l’heure actuelle, montre que tous ceux qui ont fait circuler cette vidéo sous
différentes modalités n’auraient jamais eu connaissance de ces exactions voire même du cas
des enfants soldats si les modalités de l’interaction par contenus en vigueur sur les réseaux
sociaux n’avaient pas été déployées à une échelle jamais atteinte jusqu’à là sur un sujet
« sérieux. » puisque la vidéo a été visionnée à des centaines de millions de vues en quelques
jours. Ces formes de mobilisation qui passent d’abord par des activités sémiotiques pré-
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 83
définies –liker, partager, commenter, mettre en favori etc. –ont un caractère minimal certes
mais elles ont le mérite d’élargir les publics et les causes d’engagement.
D’autre part, il apparaît que l’engagement associatif n’est parfois pas tant à relier à une cause
en particulier qu’à une volonté de s’engager en tant que tel. Cette forme de militantisme
trouve sa place dans les associations et les actions qu’elles proposent car c’est un « besoin »
d’une organisation qui va être au cœur de la logique d’engagement. En cela, les réseaux
sociaux ne sont pas substituables non plus aux associations traditionnelles.
JLG : Pensez-vous que l’utilisation des médias sociaux peut représenter une opportunité pour
les associations de diffuser leur projet politique et de mobiliser autour de celui-ci ?
LA : Il faut bien connaître les spécificités des modes de mobilisation sur les réseaux sociaux,
qui passent par des contenus d’abord partageables autour desquels il est possible d’interagir
également mais pas obligatoirement. Les vidéos, les infographies, les « images toutes faîtes »,
qu’il s’agit de partager, de liker, de RT... représentent les matériaux militants les plus
adéquats pour mobiliser autour d’un projet dans le cadre de cette logique de dissémination par
les publics des contenus (qui n’a rien à voir avec une «pseudo viralité immanente »). Ne pas
oublier les boites mails qui demeurent les premiers réseaux sociaux en termes d’histoire et
surtout d’usage même sur l’internet mobile. Pour communiquer les pages Facebook et les
liens Twitter vers des sites avec des textes plus approfondis et des analyses sont également
nécessaires pour assurer la présence en ligne de l’association. Le principe est d’être présent
sur tous les dispositifs pratiqués : réseaux sociaux de photos, de vidéos, de géolocalisation, de
reblogging car l’activité en ligne de posts d’informations, de photos des actions etc. incite à la
mobilisation.
Internet et le mobile sont des technologies de communication et doivent être utilisés à cette fin
pour faire connaître et faire agir.
JLG : A votre avis, les outils numériques collaboratifs pourraient-ils aider à la mise en place
d’une gouvernance associative plus participative et démocratique ?
LA : L’idéal d’une gouvernance plus participative et démocratique pourrait être atteint si on
considère que les citoyens ont désormais entre leurs mains des outils d’expression, des
moyens de prises de vues et d’écriture dans une ampleur massive. C’est le rapport même à
l’écrit qui est dédramatisé avec les textos par exemple.
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 84
Du côté des pouvoirs publics, il faudrait prendre garde à ne pas bâtir des cathédrales de l’e-
démocratie, des dispositifs intimidants mais plutôt à la manière de la gouvernance 2.0
d’Obama (avec toutes ses limites) en s’appuyant sur les pratiques numériques existantes
comme par exemple les types d’interactions par contenus sur les réseaux sociaux qui ont
inspiré des contest de vidéos pour le ministère de la santé.
Il y a aussi la nécessité de livrer des ressources aux citoyens de type données publiques
ouvertes pour que leur participation ne soit pas simplement de la figuration sans connaissance
fondée des problèmes d’un pays.
A bien y réfléchir les citoyens ont déjà appris à se gouverner, à s’organiser avec les outils
numériques qui sont les leurs depuis de nombreuses années sur Internet sans attendre que la
gouvernance 2.0 soit à la mode. Les pouvoirs publics sont d’une certaine façon en retard sur
ce terrain.
JLG : Ne pensez-vous pas que l’utilisation de médias sociaux de type Facebook, dont le
modèle économique est capitaliste, ne vient pas en contradiction avec les valeurs de
l’Education Populaire, et plus globalement de l’Economie Sociale et Solidaire ? Connaissez-
vous des solutions alternatives ? Doit-on, au nom des valeurs, se priver de l’audience que
représente ce type de média ?
LA : En effet, ce capitalisme du partage, ce crowdsourcing qui consiste à faire produire et
diffuser les contenus par les usagers en en retirant seuls les bénéfices est contradictoire avec
les principes de l’économie sociale et solidaire. Demeure la logique sociale de la participation,
de la contribution qui est à l’œuvre sur ces mêmes réseaux sociaux et qui est au fondement de
cette économie. Il y a là une contradiction qui peut être résolue en déployant volontairement
une tactique activiste d’instrumentation du caractère massivement socialisé de Facebook par
exemple en l’utilisant comme tremplin vers d’autres sites et dispositifs dont l’ouverture
informationnelle est plus grande en termes de code source et qui sont les terrains digitaux plus
cohérents dans des projets d’économie sociale et solidaire.
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Propos de Dominique CARDON,
Sociologue et Chercheur associé au Centre d’étude des
mouvements sociaux de l’École des Hautes Études en Sciences
sociales,
recueillis le mercredi 18 juillet 2012
par Jean-Luc GADIOUX
Dans un contexte où la difficulté à mobiliser des bénévoles associatifs est régulièrement mis
en avant par les médias et par les responsables associatifs eux-mêmes, et où des exemples
récents montrent la capacité de mobiliser à travers les réseaux sociaux (l’exemple du
printemps arabe en est une illustration), quelques questions sur les interactions possibles
entre les associations et les réseaux sociaux numériques peuvent se poser.
C’est donc le sujet que j’ai choisi de traiter dans mon mémoire de fin de Master II « Stratégie
et Management des Entreprises Associatives de l’Economie Sociale et Solidaire ».
Pour alimenter ma réflexion, j’ai décidé de prendre l’avis d’experts du sujet traité et c’est la
raison pour laquelle je vous ai sollicité.
Question J-Luc GADIOUX : D’après vous, les mobilisations sur les médias sociaux peuvent-
elles venir se substituer, même partiellement, aux formes d’engagements associatifs plus
traditionnelles ?
Réponse Dominique CARDON : Il est inutile d’opposer les mobilisations en ligne et les
mobilisations traditionnelles, passant par les formes associatives. En fait, les premières sont
souvent très poreuses et beaucoup de ceux qui sont les plus actifs dans les mobilisations en
ligne ont souvent une socialisation militante et politique préalable. Ceci étant, il existe aussi
une spécificité des formes de mobilisation en ligne, la spontanéité, les engagements « faibles
», la coordination lâche et l’absence de définition préalable du programme d’action, qui lui
donne un caractère très particulier ; que l’on retrouve notamment dans des nouvelles formes
d’action comme le mouvement des Indignés. De sorte que, en ligne ou hors ligne, ce qui est
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nouveau dans le domaine des formes de mobilisation, c’est l’organisation en réseau des
individus à l’écart des formes traditionnelles de l’affiliation associative (Indignés/Occupy,
Parti Pirate, Anonymous…)
JLG : Pensez-vous que l’utilisation des médias sociaux peut représenter une opportunité pour
les associations de diffuser leur projet politique et de mobiliser autour de celui-ci ?
DC : Oui bien sûr, mais cela suppose de « débureaucratiser » les structures associatives des
grandes fédérations et de faire un usage plus audacieux d’Internet (par exemple Greenpeace).
JLG : A votre avis, les outils numériques collaboratifs pourraient-ils aider à la mise en place
d’une gouvernance associative plus participative et démocratique ?
DC : Incontestablement et certaines associations en font de plus en plus usage. La question de
la transparence notamment.
JLG : Ne pensez-vous pas que l’utilisation de médias sociaux de type Facebook, dont le
modèle économique est capitaliste, ne vient pas en contradiction avec les valeurs de
l’Education Populaire, et plus globalement de l’Economie Sociale et Solidaire ? Connaissez-
vous des solutions alternatives ? Doit-on, au nom des valeurs, se priver de l’audience que
représente ce type de média ?
DC : A mon sens il faut encourager les alternatives à ces plateformes (diaspora, etc.) mais il
faut aussi être réaliste. Ces alternatives n’ont pas d’utilisateurs. Un usage tactique des médias
sociaux à succès n’empêchent pas de les critiquer et d’être attentif aux conditions de leur
développement et à l’usage qu’elles font des données. Il me semble qu’il serait dommage de
s’en priver.
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Propos de François MEYNIER,
chargé de mission Technologies de l’Information et de la
Communication à la Ligue de l’enseignement de la Dordogne,
mission déléguée « Société Numérique » auprès de la Ligue de
l’enseignement nationale.
recueillis le lundi 23 juillet 2012
par Jean-Luc GADIOUX
Dans un contexte où la difficulté à mobiliser des bénévoles associatifs est régulièrement mis
en avant par les médias et par les responsables associatifs eux-mêmes, et où des exemples
récents montrent la capacité de mobiliser à travers les réseaux sociaux (l’exemple du
printemps arabe en est une illustration), quelques questions sur les interactions possibles
entre les associations et les réseaux sociaux numériques peuvent se poser.
C’est donc le sujet que j’ai choisi de traiter dans mon mémoire de fin de Master II « Stratégie
et Management des Entreprises Associatives de l’Economie Sociale et Solidaire ».
Pour alimenter ma réflexion, j’ai décidé de prendre l’avis d’experts du sujet traité et c’est la
raison pour laquelle je vous ai sollicité.
Question de J-Luc GADIOUX : En quelques mots pouvez-vous vous présenter ?
Réponse de François MEYNIER : je suis actuellement chargé de mission Technologies de
l’Information et de la Communication à la Ligue de l’enseignement de la Dordogne, et j’ai
également une mission déléguée « Société Numérique » auprès de la Ligue de l’enseignement
nationale.
JLG : D’après vous, les mobilisations sur les médias sociaux peuvent-elles venir se
substituer, mêmes partiellement, aux formes d’engagements associatifs plus traditionnelles ?
FM : Elles ne pourront jamais se substituer totalement aux formes d’engagements
traditionnelles qui passent par les actions de terrain (comme par exemple les activités de
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 88
loisirs), utilisées comme autant de vecteurs pour faire passer pratiques, idées et valeurs. Elles
sont par contre un complément incontournable voire même indispensable lorsque l’on veut
communiquer sur ces actions. Les formes d’engagements associatifs traditionnelles ne
peuvent donc faire l’impasse sur ces nouveaux moyens de communication au risque de perdre
de l’audience voire de disparaitre face à des alternatives d’engagement plus axées sur de la
consommation.
JLG : Pensez-vous que l’utilisation des médias sociaux peut représenter une opportunité pour
les associations de diffuser leur projet politique et de mobiliser autour de celui-ci ?
FM : Plus qu’une opportunité, ces médias deviendront dans le futur, je pense, un des
principaux moyens de communication (en plus des moyens de communication traditionnels,
électroniques ou classiques). On assiste de plus à plus à l’émergence de la notion de « hub
informatif », où des sites tels que les réseaux sociaux agrègent, compilent, filtrent et
présentent de manière très attractive et interactive une quantité énorme d’informations sur
mesure, ciblées et formatées pour le lecteur en fonction de ses affinités culturelles et sociales.
Elles en ont donc d’autant plus d’impact. L’interactivité immédiate et moins engageante de
cette nouvelle forme de communication permet d’entrer en contact de manière horizontale
avec le public.
JLG : A votre avis, les outils numériques collaboratifs pourraient-ils aider à la mise en place
d’une gouvernance associative plus participative et démocratique ?
FM : S’il est bien un domaine clef où ces outils peuvent amener un réel plus, c’est bien celui
de la gouvernance associative. Les outils collaboratifs tels que les wikis, les forums ou encore
les groupes Facebook en sont une bonne illustration. Ils ont toujours existé, mais grâce aux
évolutions technologiques, ils sont maintenant faciles d’accès. Pour citer un exemple, la
fédération départementale de la Ligue de l’enseignement de la Dordogne dans laquelle je
travaille les a récemment utilisés afin de construire son nouveau projet politique et ce aussi
bien au niveau de la phase d’élaboration participative (à l’aide d’un wiki), qu’au niveau de la
priorisation des idées (en utilisant un système de sondage en ligne).
JLG : Ne pensez-vous pas que l’utilisation de médias sociaux de type Facebook, dont le
modèle économique est capitaliste, ne vient pas en contradiction avec les valeurs de
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 89
l’Education Populaire, et plus globalement de l’Economie Sociale et Solidaire ? Connaissez-
vous des solutions alternatives ? Doit-on, au nom des valeurs, se priver de l’audience que
représente ce type de média ?
FM : Le modèle économique de la plupart de ces outils (dont les principaux réseaux sociaux)
est bien sûr à l’opposé des valeurs de l’Economie Sociale et Solidaire. Dans certain cas et
dans certaines pratiques, il peut même être vu comme un «ennemi » (non-respect de la vie
privée, abus de position dominante, usages commerciaux déguisés…).
Se priver de leur audience serait malgré tout contre-productif, étant donné que 77% des
internautes français sont inscrits sur au moins un réseau social et 60% d’entre eux s’y rendent
au moins une fois par jour(*). Il est donc inutile de les diaboliser, autant les utiliser ne serait-
ce que pour en faire une critique constructive.
Je pense qu’il faut avant tout faire confiance en l’humain derrière son écran.
Il ne faut pas non plus oublier que d’autres outils -comme wikipedia pour le plus connu-,
partagent au contraire les mêmes valeurs que l’ESS, basés sur des systèmes de
fondation/coopérative et de démocratie participative.
Comme on l’a vu par le passé, les choses ne restent jamais figées dans le domaine des TIC, et
rien n’empêche de rêver à l’apparition un jour d’un « Facebook à but non lucratif » gouverné
par ses utilisateurs.
(*) source médiamétrie : http://www.mediametrie.fr/comportements/communiques/plus-de-3-
internautes-sur-4-sont-inscrits-sur-un-reseau-social.php?id=698
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Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ? Page 90
@crdva 24 : Etude retweets & mentions - Liens forts / Liens faibles
ABONNES A @CRDVA24 Champ d'activité
Association
affiliée à la
Ligue 24
Liens
forts
Liens
faibles
Abonnement
réciproque
Mentions
ou
retweets
Auprès
de X
abonnés
Relayé
par X
abonné(s)
auprès
de X
abonnés
1 Acteur Solidaire @ACT_SOLIDAIRE 1 oui
2 Alain Duez @LE_PLAN_ESSE
Fondateur de l'âge de faire, mensuel
national dédié à l'écologie, la
citoyenneté et la solidarité. Le Plan
ESSE c’est agir ensemble pour une
économie juste. 1 oui 1 373
3
Alexis Geo INZONZI
@AlexisKZokin 1 non
4 AOL de Périgueux @AOLPx 1 1 oui
5 associathèque @associatheque
Toutes les informations et ressources
utiles à votre #association : guides,
modèles, statuts, gestion, actualité.
Rendez-nous visite ! Un site du Crédit
Mutuel 1 oui 2 361
6 Associations @depuis1901 1 oui
7 Benjamin Roux @benjaminroux
Travaille et réfléchis sur des sujets
comme les pratiques #collectives, la
dynamique des #groupes, les
#collectifs, les #savoirs, la culture des
précédents… 1 oui 1 459
8 Bergeracnews @Bergeracnews 1 oui
9 Blog Sudouest @BlogSudouest 1 oui
10
canoes roquegeoffre
@canoedordogne 1 non
11 CAP'CINEMA @capcinema 1 non
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12 citizenplace @citizenplace
Groupes, associations, communautés
outillez-vous ! CitizenPlace, la
boutique d'applications pour répondre
à tous vos besoins. 1 oui 8 417 1 930
13 Comm Asso @CommAsso
Sébastien de mon prénom. Spécialisé
dans la #communication des
#associations. Je vous file des pistes
sur http://www.comm-asso.com Faites
briller votre asso ! 1 oui 15 347
14 comparemalin @comparemalin 1 non
15 cub pcf @cub_pcf 1 non
16
Culturedesprécédents
@CDPrecedents 1 non
17 Dukhon Laloy @DukhonLaloy 1 non
18 Ele tric Cir us @EleKtricCirKus 1 non
19
Emmanuel HAUDEBOURG
@ManuHau
Militant de l'éducation populaire,
délégué culture, éducation, territoire à
la ligue de l'enseignement, fédération
d'Indre-et-Loire 1 non 2 81
20 Festivals @festivals_ Communication sur tous festivals 1 non 1 978
21 FOL de la Nièvre @FOL58 1 oui
22 GreenDock @Green_Dock 1 non
23 Guillem Boyer @GuillemSarlat 1 oui
24 Hotels-live.com @Hotelslive 1 non
25 I love éduc pop @iloveeducpop 1 oui
26 Jean-Christo LABAILS @jclabails 1 oui
27 J-J. Berthier @JJBerthier 1 non
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28 juliaugi @juliaugi
Je tweet et retweet un peu sur tout :
Information locale, Dordogne,
#Smartphone, #HTC, #Android,
#geek, #photo, vu sur le web ! Je
recense le #PerigordHardcore 1 oui 3 580
29 La cooperative @lacoop2607
Point d'appui à la vie associative en
drome ardèche, Accompagnateur de
projets collectifs, formations,
accueil… 1 oui 1 311 1 674
30 L'echo @Echoegomalo 1 non
31 Ligue 24 @Ligue_24 1 oui
32 Ligue 18 @Ligue_18 1 oui
33 ligueenseignement37 @ligue37 1 oui
34 Loi1901.com @Loi_1901
La Maison des Associations loi 1901
sur Internet depuis 1999 -
Loi1901.com - #Associationsloi1901 1 oui 10 653 3 2216
35 Mickael Huet @mickaelhuet 1 non
36 NetPublic @netpublic 1 oui
37 Objectif Aquitaine @ObjectifAqui
Objectif Aquitaine, premier magazine
régional d'informations en Aquitaine. 1 non 1 1095
38 paysagiste dordogne @ldel244 1 non
39 Périgordin @perigordin 1 non
40 PICVERT @PICVER45 1 non
41 Pierre Labrunie @pierrelabrunie 1 oui
42 quentin brackers @quentinbdh 1 non
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43
RIBARDIERE Matthias
@MattRiba
Animateur socioculturel, militant de
l'éducation populaire. Agent de
développement chargé de la jeunesse
à la ligue de l'enseignement 37. 1 oui 2 26
44
Roman Laventure
@romainlaventure 1 1 oui
45 RunOrg @RunOrg
Et si gérer une organisation devenait
simple ? Tout pour faciliter la vie des
responsables et simplifier la
communication entre leurs membres 1 oui 2 348
46 sahmy chiab @largo69 1 non
47 Sébastien Laborde @Slaborde33 1 non
48 Some Produkt @someprodukt 1 oui
49
SORTIES DORDOGNE
@sortiesdordogne 1 non
50
SportEmploiAnimation
@SportEmploiAnim 1 non
51 ZenOuPresque @Zenoupresque 1 non
TOTAUX 2 7 44 0 49 6029 5 3820
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NON ABONNES A @CRDVA24 Champ d'activité
Liens
forts
Liens
faibles
Abonnement
réciproque
Mentions
ou
retweets
Auprès
de X
abonnés
Relayé
par X
abonné(s)
auprès
de X
abonnés
52 Girard Bérengère @line_soft
Agence de communication Web
marketing 1 non 1 183
53 LA LETTRE @LALETTRE
Nous souhaitons que vous interveniez
afin que ces agissements s’arrêtent
sans délais et que ces comptes soient
supprimés. 1 non 2 322
54 Bouillaud @pbouillaud
Patrick Bouillaud ,Cloud Business
developpement 1 non 1 1477
55 Sue Laurent @saurent
militant et responsable associatif.
ligue de l'enseignement de la loire 1 non 1 7
56 INJEP @Injep
Institut national de la jeunesse et de
l'éducation populaire Observatoire de
la jeunesse et des politiques de
jeunesse 1 non 1 787
57 Ekolo geek @Ekologeek
Association d'Education à
l'Environnement 1 1 non 1 133
58 MASCL @MASCL
MA in Strategic Communication &
Leadership at Seton Hall. Leo Bottary
invites you to share your insights on
both topics and learn about our online
program. 1 non 2 863 2 488
59
I. GILLETTE-FAYE
@FederationGAMS
Sociologue, Directrice du GAMS,
depuis 1990. Page FB 1 non 1 1276
60 JEANSOLEIL77 @JEANSO ? 1 non 1 150
61 Gullibear @iamgullibear
A place for tiny and giant ideas where
people build projects together.
#launchingsoo 1 non 1 224
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62 Le Marsu @Le_Marsu
Méchant bot qui répond aux messages
contenant ou pas. Compte non officiel
à but humoristique. 1 non 1 4870
63
Bertrand CHARLET
@BertrandCharlet Manager produits frais Super U 1 non 1 2456
64 Edouard @jcktt co-founder and sociology student. 1 non 1 300
65 Le Page Gilles @lepagegilles
Auto-entrepreneur, formateur conseil :
tourisme, etourisme, TIC, web2.0,
epedagogie, Moodle, management de
projets TIC 1 non 1 508
66 Sorties et Loisirs @sortiesloisirs
Guide loisirs dédié aux sorties,
activités manuelles, créatives et
sportives en famille ou entre amis 1 non 2 397
67 Pierre Betainger @vttvelo
fan de VTT et je vais partager avec
vous mes découvertes sur internet. 1 non 1 50
68 Michelle McManus @mus
I dig Zumba and I am working
towards a black belt in Tang Soo Do.
Lover of unicorns and funny cat pics.
I adore The Oatmeal. Single mom. 1 non 1 1333
69 Stéphane Caillaud @s_caillaud
Médiateur/Facilitateur Internet
(orienté PKM et KM) 1 non 1 347
70 @credit_agri_PG Crédit Agricole Charentes Périgord 1 1 823 3 1042
71 @kupaia ? 1 1 181 1 394
72 @fcuignet
conseiller d education populaire et de
jeunesse a epinal 1 1 674
TOTAUX 1 3 18 0 24 17361 6 1924
TOTAUX GENERAUX 3 10 62 0 73 23390 11 5744
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Synthèse étude retweets & mentions - Liens forts / Liens faibles
Liens
forts
Liens
faibles Abonnés
Non
abonnés totaux
Totaux
10 62 51 21 72
Nbre de personne ayant diffusé l'Info.
13 21 34
Nbre de retwittes ou mentions
5 68 49 24 73
Nbre d'abonnés ayant reçu l'information
729 28405 9849 19285 29134
%
3% 97% 34% 66%
Titre du mémoire :
Associations et médias sociaux : relation de complémentarité ou de substituabilité ?
Nom et Prénom de l’auteur : Jean-Luc GADIOUX
Année 2012
Mots-clés :
Médias Sociaux, Associations, Engagement, Logiciels Libres, Education Populaire
Résumé :
Ce mémoire a pour thème les médias sociaux en ligne et leurs interactions possibles avec les
associations. Il s’inscrit dans un contexte où les responsables associatifs, relayés par certains
médias, évoquent une crise du bénévolat, et où émergent des mobilisations citoyennes
facilitées par l’engagement à travers les médias sociaux en ligne. Dans la première partie de
ce mémoire, nous définissons ce qui caractérise l’engagement associatif. Puis nous étudions
les risques de substitution de l’engagement militant traditionnel par les médias sociaux en
ligne, et les opportunités que peuvent représenter ces derniers pour le monde associatif. Dans
un deuxième temps, appuyés par la théorie de Marck Granovetter, « la force des liens
faibles », nous nous efforçons de montrer en quoi les médias sociaux peuvent être des outils
de renforcement d’un réseau militant et comment ceux-ci peuvent permettre d'élargir la
diffusion du projet politique des associations. Enfin, est posée la question de l'adéquation du
ou des médias sociaux issus de l’économie marchande avec les valeurs de l'Education
Populaire, et des liens éventuels avec le mouvement du Logiciels Libres.
Key words :
Social networks, Associations, Commitment, Free software, Popular education
Abstract :
This research paper is concerned with the possibilities for interactions between online social
networks and associations (i.e. community – based groups). This issue is closely related to the
fact that the voluntary sector is going through a crisis, as voiced by association officials
through certain media, and that private citizens tend to organize themselves into groups via
their involvement in online social networks.
In the first part of this paper, we aim to study the main features of community-based groups’
commitment. We then move on to study the risks of substituting traditional activism with
online social media on the one hand, and the opportunities that online social media may offer
to community-based groups on the other hand.
In the second part, relying on Marck Granovetter's theory entitled "The strength of weak ties",
we aim to show how social networks may support and strengthen the activism of community-
based groups and how they may be used to widen the audience for community-based groups’
political proposals.
We finally raise the issue of whether the social media born from our market economy may
uphold the values of Popular Education, and of potential links with the Free Software
Movement.