Madame Bovary de Gustave Flaubert - MR FRANCAIS

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Madame Bovary de Gustave Flaubert Support de cours | Mathieu Roduit | 2020-2021

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Madame Bovaryde Gustave Flaubert

Support de cours | Mathieu Roduit | 2020-2021

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Table des matiùres1. Biographie de Gustave Flaubert2. Structure du roman3. Les personnages4. L’ironie flaubertienne5. Analyses

5.1. PremiĂšre partie, Chapitre I (Incipit) : Le premier jour d’école de Charles 5.2. PremiĂšre partie, Chapitre VI : L’éducation d’Emma5.3. DeuxiĂšme partie, Chapitre VIII : Les Comices agricoles

6. Conclusion

*. Le genre narratif*.1. Le temps du récit : la chronologie

*.1.1. La prolepse*.1.2. L’analepse

*.2. Le temps du rĂ©cit : le rythme*.2.1. L’ellipse*.2.2. Le sommaire*.2.3. La scĂšne*.2.4. Le ralenti*.2.5. La pause

*.3. Les fonctions du narrateur*.3.1. La fonction narrative*.3.2. La fonction de régie ou de contrÎle*.3.3. La fonction communicative*.3.4. La fonction métanarrative*.3.5. La fonction testimoniale*.3.6. La fonction modalisante*.3.7. La fonction évaluative*.3.8. La fonction explicative*.3.9. La fonction généralisante ou idéologique

**. Les registres littéraires**.1. Le registre comique**.2. Le registre ironique

***. Le portrait****. Le antihéros

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1. Biographie de Gustave Flaubert

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2. Structure du romanPremiĂšre partie DeuxiĂšme partie TroisiĂšme partie

Nombre de chapitres 9 chapitres 15 chapitres 11 chapitres

Nombre de pages 59 pages 137 pages 98 pages

Lieux(apparente progression)

Tostes (surtout la maison de Charles) Yonville-L’Abbaye (village fictif) Yonville-L’Abbaye et Rouen(ouverture du champ d’action d’Emma)

TemporalitĂ© 1837-1840 — Chapitre I (1828-1836) 1841-1843 1844-1847 — Chapitre XI (1848-1856)

Amants / adultĂšres(apparente progression)

‱ Charles‱ Vicomte de la Vaubyessard (adultùre

symbolique)

‱ LĂ©on (platonique)‱ Rodolphe

‱ LĂ©on

Charles Jeune mariĂ© Mari trompĂ©VƓuf accablĂ© par les dettes, la

souffrance, la trahison et la mort

Emma Femme dĂ©sillusionnĂ©e Amante dĂ©sillusionnĂ©e Être humain dĂ©sillusionnĂ©

Fonctions Présenter les personnages et poser la situation

Enlisement d’Emma dans son quotidien Sentiment d’accĂ©lĂ©ration, tension dramatique, effondrement

Schéma narratif

Situation initiale : vie paisible de Charlesavec sa premiĂšre femme et d’Emma avecson pĂšreNƓud : mariagePĂ©ripĂ©ties : bal de la Vaubyessard

PĂ©ripĂ©ties : naissance de BerthePĂ©ripĂ©ties : amour platonique avec LĂ©onPĂ©ripĂ©ties : histoire d’amour, comicesagricoles, puis rupture avec Rodolphe

PĂ©ripĂ©ties : histoire d’amour, avec LĂ©onPĂ©ripĂ©ties : les dettes s’accumulentDĂ©nouement : suicide d’EmmaSituation finale : Emma morte, Charlesaussi, Homais reçoit la croix d’honneur,LĂ©on se remarie

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2. Structure du roman

I II III

I II III IV V VI VII

VIII IX I II III IV V VI VII

VIII IX X XI XII

XIII

XIV

XV I II III IV V VI VII

VIII IX X XI

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L’intrigue‱ Une femme mal mariĂ©e sombre progres-

sivement dans l’adultùre et l’endettementpuis meurt.

‱ Parcours de la jeunesse pleine d’espoirset de rĂȘves Ă  la mort de l’hĂ©roĂŻne.

Rythme‱ Scùnes : ralentissement du rythme à

moments grandioses de la vie d’Emma(noce, bal de la Vaubyessard, comicesagricoles, ThĂ©Ăątre Ă  Rouen, fiacre)

‱ Sommaire Ă  rĂ©pĂ©tition du mĂȘme (impar-fait de l’ennui)

‱ ScĂšnes : ralentissement du rythme Ă Moments symptomatique de la vie deCharles (1er jour d’école, opĂ©ration dupied-bot), emblĂ©matique

‱ Sommaire Ă  rĂ©pĂ©tition du mĂȘme (impar-fait de la routine)

Doubles et symĂ©tries‱ 2 femmes de Charles / 2 amants d’Emma‱ Bal de la Vaubeyssard / Bal masquĂ© Ă 

Rouen‱ Valeur dĂ©risoire des Ă©lĂ©ments redoublĂ©s,

monotonie itérative, dégradation

« Les perles composent le collier, mais c’est le fil qui fait le collier. Or, enfiler les perles sans en perdre une seule et toujours tenir son fils de l’autre main, voilĂ  la malice. » (Lettre Ă  Louise Collet, 1853)

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Emma‱ Absente du dĂ©but et de la fin du roman

‱ Tout de mĂȘme 33 sur 35 chapitres (9 ans en400 pages)

‱ EnfermĂ©e dans le rĂ©cit comme elle l’est dans sonmariage, Ă©touffĂ©e par l’omniprĂ©sence de Charles

‱ Sa vie n’aura Ă©tĂ© qu’une parenthĂšse inutile, onentre dans le roman sans la connaitre encore, onquitte le roman au moment oĂč elle estparfaitement oubliĂ©e

‱ Adultùre = chapitre central (chapitre XVIII surXXXV)

Charles‱ Biographie de Charles dans laquelle s’insùre celle

d’Emma‱ Emma n’est que sa seconde femme

‱ Prologue (I, I) : 9 ans en 10 pages consacrĂ©es Ă  lavie de Charles

‱ Épilogue (III, XI) : une dizaine d’annĂ©es en 10 pagesconsacrĂ©es Ă  la mort de Charles, Ă  la vie de Bertheset Ă  la croix d’honneur de Homais

‱ Vie circulaire‱ Perd une femme, puis l’autre‱ Éternel retour du mĂȘme‱ Aucune Ă©volution du personnage

‱ SociĂ©té‹ Échec du couple Charles (simplicitĂ© et mĂ©diocritĂ©)

+ Emma (romantisme et miĂšvrerie)

‱ RĂ©ussite de Homais qui sort son Ă©pingle du jeu(reçoit la croix d’honneur) et victoire des valeursqu’il incarne (anticlĂ©ricalisme, arrivisme,matĂ©rialisme bourgeois)

‱ Conclusion ironique, voire mĂȘme cynique

2. Structure du roman

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2. Structure du romanMariage

Bal Ă  la Vaubyessard

Médiocrité de Charles

Retour Ă  Tostes

Berthe est une fille

Naissance d’un enfant

Amour pour LĂ©on

Amour pour Rodolphe

Don Juan

Dettes

Lassitude

Achats compulsifs

I II III Suicide

La spirale de l’ennui‱ CircularitĂ©

‱ Passage de l’espoir au dĂ©sespoir‱ Vie rĂ©pĂ©titive et monotone‱ Vie parsemĂ©s d’accidents sans consĂ©quences (pavĂ© dans la marre)

‱ Pas de progression, lassitude‱ Change de lieux et d’amants, mais ne trouve pas le bonheur

‱ Engrenage tragique‱ Enlisement de la situation‱ Prisonniùre de sa vision du monde

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3. Les personnagesEmma BovaryL’un des personnages fĂ©minins les plus cĂ©lĂšbres de lalittĂ©rature

‱ Mythe littĂ©raire qui donne son nom Ă  une façon d’ĂȘtre au monde, lebovarysme (facultĂ© de l’ĂȘtre de se concevoir autrement qu’il n’est)

Onomastique

‱ « Madame Bovary !
 Eh ! tout le monde vous appelle comme cela !
Ce n’est pas votre nom, d’ailleurs ; c’est le nom d’un autre ! »

‱ PrĂ©nom « aima » + Nom « bovin » = oxymore (romanesque / trivial)

‱ Madame Bovary annonce la tragĂ©die de son existence, le mariage

Grand charme physique

‱ MĂȘme si son portrait est Ă  peine esquissĂ© (longs cheveux noirs,silhouette mince)

‱ Peut-ĂȘtre pour que le lecteur puisse s’en faire sa proprereprĂ©sentation

‱ On le devine plus qu’on ne la reprĂ©sente Ă  travers l’érotisme qu’elledĂ©gage

Pleine d’émotions (discours indirect libre : interrogations,exclamations), mais dĂ©pourvue de rĂ©flexion

Victime d’elle-mĂȘme (conduite)

‱ PensĂ©es Ă©garĂ©es par un faux idĂ©al suite Ă  une « intoxicationlittĂ©raire » (on peut concevoir Madame Bovary comme de lamĂ©talittĂ©rature)

‱ IncapacitĂ© Ă  voir la rĂ©alitĂ© en face, naĂŻvetĂ© et forme debĂȘtise

‱ Durant son Ă©ducation, elle ne retient que ce qui flatte sa nature ; ellene dĂ©veloppe aucun esprit critique et n’acquiert aucuneconnaissance

‱ Le lecteur connait avant elle la mĂ©diocritĂ© de Charles,l’hypocrisie de Rodolphe, la fourberie de Lheureux, etc.

‱ Faute de se comprendre ou de comprendre ce qui lui arrive, elleprĂ©fĂšre accuser la fatalitĂ© : « mais pour elle rien n’arrivait, Dieu l’avaitvoulu ! », « il lui semblait que la Providence s’acharnait Ă  lapoursuivre » (dĂ©charge erreur fondamentale d’attribution)

‱ Quand elle ne se dĂ©charge pas sur Charles, bouc Ă©missaire de sonmalheur

‱ MalmariĂ©e, frustrĂ©e et nĂ©vrosĂ©e, condamnĂ©e Ă  ne jamais retrouverdans son mariage l’idĂ©al de ses lectures

‱ S’abandonne Ă  la faute non par passion, mais par ennui, par envied’échapper Ă  la mĂ©diocritĂ© de sa condition sociale, cherche unremĂšde dans le matĂ©rialisme et la sensualitĂ©, voire parfois dans laspiritualitĂ©

‱ À la fois bourreau et victime, rĂȘve son existence plutĂŽt que de la vivre‱ Projet de Flaubert d’écrire « un livre sur rien » (ne vit pas)

Victime de la société (condition : « un homme, au moins, estlibre »)

‱ DĂ©possession de sa vie de femme par le mariage et les frustrationsqu’il engendre (aucune autonomie financiĂšre, aucune libertĂ©sexuelle)

‱ Doit mentir pour obtenir ce qu’elle veut et devient prisonniĂšre de sonmensonge Ă  faussetĂ©

‱ Seule face Ă  son destin, hĂ©roĂŻne tragique sans confidente

‱ Mort = parodie de tragĂ©die avec le personnage symboliquede l’aveugle Ă  la place du chƓur (tragique ordinaire)

Mythe, universalité

‱ Irrite, ennuie, en mĂȘme temps qu’elle sĂ©duit

‱ « Madame Bovary, sans doute, souffre et pleure dans plus de centvillages de France, Ă  la fois, Ă  cette heure »

Don Quichotte

‱ « Enfin, notre hidalgo s’acharna tellement Ă  sa lecture que ses nuitsse passaient en lisant du soir au matin, et ses jours, du matin au soir.Si bien qu’à force de dormir peu et de lire beaucoup, il se dessĂ©chale cerveau, de maniĂšre qu’il vint Ă  perdre l’esprit. Son imagination seremplit de tout ce qu’il avait lu dans les livres, enchantements,querelles, dĂ©fis, batailles, blessures, galanteries, amours, tempĂȘtes,et autres extravagances ; et il se fourra si bien dans la tĂȘte que toutce magasin d’inventions rĂȘvĂ©es Ă©tait la vĂ©ritĂ© pure, qu’il n’y eut pourlui nulle autre histoire plus certaine dans le monde. »

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3. Les personnagesCharles BovaryTout entier rĂ©sumĂ© dans l’incipit du roman

‱ « Ridiculus sum »

‱ Grotesque (qui fait rire par sa bizarrerie), clownesque

DĂ©finition nĂ©gative « pas », « ni
 ni
 », « rien »

‱ CaractĂ©risĂ© par le nĂ©ant

‱ Projet de Flaubert d’écrire « un livre sur rien »

Paradoxalement une place importante dans le roman

‱ Sert Ă  mettre en Ă©vidence la profondeur du dĂ©pit, du mĂ©pris, puis dela haine d’Emma

‱ PrĂ©sentĂ© essentiellement Ă  travers ses yeux, peu par le narrateur

Épicurien, aime les plaisirs simples, vit au jour le jour (carpediem)

‱ Le narrateur accorde une place importante aux repas et la digestionde Charles

‱ « il s’en allait ruminant son bonheur, comme ceux qui mĂąchentencore, aprĂšs diner, le gout des truffes qu’ils digĂšrent. »

MĂ©diocre intellectuellement

‱ Besogneux, pĂ©tri de bonnes intentions, mais Ă©choue Ă  ses examens

MĂ©diocre professionnellement

‱ Pas mĂ©decin, mais Ă  peine « officier de santĂ© » qui Ă©chouecomplĂštement l’opĂ©ration d’Hippolyte

MĂ©diocre socialement

‱ Incapable de reconnaitre ceux qui se moquent de lui, lui veulent dumal, ou le trompent

‱ Homme sans caractĂšre, jouet de tous (ses parents lui choisissentses Ă©tudes, sa mĂšre lui trouve une Ă©pouse, Homais le pousse Ă opĂ©rer Hippolyte, Emma gĂšre ses finances, etc.)

‱ « La conversation de Charles Ă©tait plate comme un trottoir de rue, etles idĂ©es de tout le monde y dĂ©filaient dans leur costume ordinaire,sans exciter d’émotion, de rire ou de rĂȘverie. »

‱ Meurt endettĂ© et dans la solitude

MĂ©diocre comme Ă©poux

‱ Veuf

‱ Mari trompĂ©

‱ Elle est une inconnue pour lui alors qu’elle ne le connait que tropbien (vite fait le tour)

‱ Ses rĂ©actions lui apparaissent toujours comme un mystĂšre

Figure lyrique et tragique qui meurt par amour

‱ Seul qui ait vraiment aimĂ© Emma

‱ Maladroit, mais cherche en toute occasion son bonheur

‱ Mort romantique (meurt par amour), la douleur sincĂšrel’élĂšve au-dessus de la mĂ©diocritĂ©

‱ Absence de rĂ©action lors du face-Ă -face avec Rodolphe =signe de mĂ©diocritĂ© ou d’un amour profond?

‱ Qui est le vĂ©ritable hĂ©ros du roman?

‱ En tout cas le seul qui est tournĂ© vers autrui

‱ Pas narcissique, gĂ©nĂ©reux

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3. Les personnagesLĂ©on Dupuis

Clerc du notaire Guillaumin, pensionnaire du Lion d’Or et locataire d’Homais

Amant sentimental et plutÎt « féminin »

‱ Garçon sans envergure et sans personnalitĂ©

‱ Partage le mĂȘme gout pathĂ©tique qu’Emma pour les lectures niaises et pour les clichĂ©s Ă©culĂ©s d’unromantisme Ă  l’eau de rose

‱ Trouve en Emma une complice de rĂȘverie et se contente de cette amitiĂ© amoureuse

‱ Incarnation du « couillonisme profond »

Parodie d’amour oĂč les rĂŽles s’inversent

‱ VirilitĂ© d’Emma et faiblesse « fĂ©minine » de LĂ©on

‱ « Il devenait sa maitresse plutĂŽt qu’elle n’était la sienne. Elle avait des paroles tendres avec des baisersqui lui emportaient l’ñme. »

Amour Ă©chec

‱ « Emma retrouvait dans l’adultĂšre toutes les platitudes du mariage. »

Rodolphe Boulanger de la Huchette

Propriétaire du domaine et du chùteau de la Huchette

Amant viril et physique

‱ TempĂ©rament brutal et intelligence perspicace

‱ Emprunte tous les clichĂ©s romantiques pour sĂ©duire Emma

‱ Fait dĂ©couvrir Ă  Emma l’ivresse des sens

‱ Double viril et expĂ©rimentĂ© de LĂ©on, souligne le ridicule du clerc Ă  travers un amour sensuel et uneattitude conquĂ©rante de sĂ©ducteur

Jouisseur soucieux avant tout de son petit confort

‱ Feint l’humilitĂ© et la dĂ©contraction pour mieux souligner sa richesse, la qualitĂ© de sa toilette, son Ă©lĂ©gance,etc.

‱ Se prend pour un dandy (aristocrate de l’esprit)

‱ Personnage cynique et vulgaire

‱ Don Juan incapable d’élĂ©gance vĂ©ritable (lettre de rupture, refuse de prĂȘter de l’argent, aucune attentionlors de la mort d’Emma)

‱ L’amour n’est pour lui qu’un « tas de blague » et la conquĂȘte du cƓur d’une femme n’est qu’une questionde stratĂ©gie

Amour Ă©chec

‱ « Ils se trouvaient l’un vis-Ă -vis de l’autre, comme deux mariĂ©s qui entretiennent tranquillement uneflamme domestique. »

« Rodolphe, qui, pour se distraire, avait battu le bois toute la journée, dormait tranquillement dans son chùteau ; Léon, là-bas, dormait aussi. »

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3. Les personnagesMonsieur HomaisIncarne le pouvoir de la science et le positivisme

Son nom vient de « homme », homo en latin, son humanismeridicule propose une image déformée de la philosophie deslumiÚres

‱ Il se rĂ©clame des valeurs de la raison, de la tolĂ©rance, du progrĂšs etn’a de cesse de dĂ©raisonner avec narcissisme (exercice illĂ©gal de lamĂ©decine, tyran domestique, opportuniste, charlatan, bavardvaniteux)

‱ Caricature de l’anticlĂ©ricalisme extrĂȘme et ridicule

Incarne une bourgeoisie satisfaite, suffisante et sure de sesvaleurs

‱ Se fait passer pour un savant, alors qu’il n’a guĂšre publiĂ© qu’un « fortfascicule » de 72 pages sur la fabrication du cidre, intitulĂ©prĂ©tentieusement « pomologie »

‱ Utilise des termes scientifiques (« coryza » pour rhume,« phlĂ©botomie » pour « saignĂ©e », « strĂ©phopode » pour « pied-bot »)et des formulations latines

‱ Se fait appeler pharmacien au lieu d’apothicaire, fait peindre partoutson nom en lettres d’or

‱ Pour cacher que derriĂšre cette vitrine se cache un abymed’ignorance scientifique, incapable de soigner Emma Ă  vĂ©ritabledictionnaire des idĂ©es reçues

ObsĂ©quieux devant plus fort que lui, il n’hĂ©site pas enrevanche Ă  Ă©craser les faibles

‱ Face aux Bovary qui viennent d’arriver, il offre ses services pour

mieux lier ses futurs dĂ©biteurs, d’autant plus qu’exerçantillĂ©galement la mĂ©decine, il a besoin de se concilier l’officier desantĂ©

‱ MĂ©decine tout d’abord un excellent commerce

‱ Abandonne Charles à la mort d’Emma et interdit ses enfants de voirBerthes

Triomphe final ironique

‱ ApothĂ©ose de la mĂ©diocritĂ©

‱ Non seulement les vrais coupables ne sont pas punis, ils sontencore rĂ©compensĂ©s et honorĂ©s

‱ Traduction du pessimisme fondamental de Flaubert qui dĂ©peint unmonde oĂč la sottise humaine, l’arrivisme et la mĂ©diocritĂ© satisfaite etle matĂ©rialisme triomphent

Abbé BournisienIncarne le pouvoir de la religion

‱ Pouvoir d’un temps passĂ© maintenu par la force d’inertie del’habitude, dĂ©trĂŽnĂ© par le positivisme (nouvelle idĂ©ologie qui voue unculte aux sciences et en qui est placĂ©e le salut des hommes) commel’annonce le triomphe d’Homais

Incarne mal la foi

‱ Pratique mĂ©canique de la religion rĂ©duite Ă  un rituel dĂ©nuĂ© de sens

‱ Incapable d’entendre Emma, prĂ©occupĂ© par la discipline desenfants lors du catĂ©chisme et par l’organisation des communions

‱ Impassible face à la souffrance d’Hippolyte

PrĂȘtre matĂ©rialiste

‱ Égocentrique

‱ Gout pour la bonne chĂšre (partagĂ© avec Homais)

‱ Avilit le christianisme qu’il est censĂ© reprĂ©senter

Monsieur LheureuxIncarne le commerce et le pouvoir de l’argent

‱ Peinture du dĂ©veloppement Ă©conomique et de ses victimes

Figure du tentateur

‱ Serpent de la Genùse

‱ Permet d’accĂ©der au bonheur matĂ©rialiste de l’avoir

Apparait comme par enchantement

‱ Surprend Emma aux cĂŽtĂ©s de Rodolphe, puis de LĂ©on

Dénué de toute empathie

‱ Vend toutes sortes de choses futiles (rideaux en soie, tapis d’Orient)

‱ Utilise des moyens de pression, du chantage

‱ Profite de la fragilitĂ© de ses victimes

‱ Artisan du suicide d’Emma

‱ S’acharne sur Charles aprùs la mort d’Emma

‱ Sa fortune s’accroit sur l’infortune des autres

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4. L’ironie flaubertienneDĂ©finitionDu grec Î”áŒ°ÏÏ‰ÎœÎ”ÎŻÎ± (eironeia), « ignorance feinte »

‱ de Î”ÎŻÏÏ‰Îœ (eiron), « celui qui pose une question en se prĂ©tendantcrĂ©dule » (cf. question rhĂ©torique), et de Î”ÎŻÏÎ”ÎčÎœ (eirein), « parler ».

OrigineSocrate fut l’un des premiers à utiliser l’ironie qui, chez lui, est unetechnique de questionnement

‱ ጕΜ ÎżáŒ¶ÎŽÎ± ᜅτÎč ÎżáœÎŽáœČÎœ ÎżáŒ¶ÎŽÎ± (hĂ©n oȋda hĂłti oudĂšn oȋda), « je ne sais qu’unechose, c’est que je ne sais rien »

Ironie situationnelleIronie non intentionnelle qui apparait par le tĂ©lescopage de deuxrĂ©alitĂ©s antagonistes‱ Le cambriolage d’un commissariat de police

‱ L’incendie d’une caserne de pompier

‱ Le bouquet de mariĂ©e de la premiĂšre femme de Charles lorsqu’Emma vienthabiter avec lui

‱ L’opĂ©ration ratĂ©e du pied-bot

On parle habituellement d’« ironie du sort » ou d’« ironiecosmique » lorsqu’on a l’impression que le destin s’acharne surun personnage (karma)‱ La tartine qui tombe toujours sur le mauvais cĂŽtĂ©

‱ La chanson paillarde de l’aveugle lors de la mort d’Emma

‱ Mort de RenĂ© assassinĂ© alors qu’il a ratĂ© sa vie

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4. L’ironie flaubertienneIronie verbaleSens commun

‱ Forme d’esprit qui consiste à se moquer en disant le contraire de ce que l’onveut faire entendre

Sens technique

‱ ÉnoncĂ© non littĂ©ral (cf. mĂ©taphore) dans lequel ce qui est dit (signifiant senslittĂ©ral) diffĂšre de ce qui est signifiĂ© (sens suggĂ©rĂ©)‱ L’ironie implique souvent le rappel :

‱ d’un Ă©vĂšnement antĂ©cĂ©dent (le « le pauvre homme ! » de Dorine dans Tartuffe)‱ d’une norme sociale (la casquette neuve de Charles)‱ d’une attente partagĂ©e en dĂ©calage avec la situation prĂ©sente (Charles « attentif comme

au sermon »)

‱ L’interprĂ©tation adĂ©quate par le destinataire ne peut se faire qu’avec une priseen compte du contexte d’énonciation

‱ L’ironie exprime l’attitude du locuteur, le plus souvent une attitude critique‱ Permet d’attĂ©nuer ou d’accentuer la critique‱ Permet l’humour, dire l’inverse de ce qui est attendu est surprenant et incongru‱ Permet les messages entre initiĂ©s : ceux qui saisissent l’ironie se reconnaissent

mutuellement, ce qui renforce la cohĂ©sion sociale‱ Permet Ă  un locuteur de signifier quelque chose sans le dire directement (discours

ambigu), laissant Ă  ses interlocuteurs la responsabilitĂ© de l’interprĂ©tation‱ TrĂšs utile en politique : un locuteur ayant produit un Ă©noncĂ© transgressif de maniĂšre

ironique pourra arguer que son discours Ă©tait Ă  prendre au premier degré‹ Un locuteur ayant produit un discours explicitement raciste ou sexiste, pourra prĂ©tendre

qu’il ironisait

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4. L’ironie flaubertienneProcĂ©dĂ©s stylistiques chez Flaubert‱ Ironie omniprĂ©sente

‱ Figures de style‱ Antiphrase : « Hivert venait le plaisanter. Il l’engageait [l’aveugle] Ă 

prendre une baraque à la foire Saint-Romain, ou bien lui demandait, enriant, comment se portait sa bonne amie. » (TroisiÚme partie, chapitre V)

‱ Hyperbole : « Approchez, vĂ©nĂ©rable Catherine-Nicaise-ElisabethLeroux ! » (II, VIII, Comices agricoles)

‱ Litote : « C'est comme dans la Bible ; il y a..., savez-vous..., plus d'undĂ©tail... piquant, des choses... vraiment... gaillardes ! » (II, XIV, Discussionentre Homais et Bournisien)

‱ Guillemets, italiques, discours (in)direct libre Ă  mise Ă  distance,parole rapportĂ©e

‱ Points de suspension Ă  indice d’un commentaire non prĂ©cisĂ©

‱ Discordance entre ce qui est dit et le contexte

‱ Discordance entre la voix du personnage et celle du narrateur

Buts de l’ironie chez Flaubert‱ L’ironie permet la critique

‱ De la mĂ©diocritĂ©, de l’esprit romanesque, du matĂ©rialisme bourgeois, dudonjuanisme, etc.

‱ L’ironie renforce le pathĂ©tique et consiste en une premiĂšre littĂ©raire‱ « Ce sera, je crois, la premiĂšre fois qu’on verra un livre qui se moque de

sa jeune premiĂšre et de son jeune premier. L’ironie n’enlĂšve rienau pathĂ©tique. » (Lettre Ă  Louis Collet, 1852)

‱ L’ironie permet d’affronter les difficultĂ©s de la vie‱ « L’ironie pourtant me semble dominer la vie. – D’oĂč vient que, quand je

pleurais, j’ai Ă©tĂ© souvent me regarder dans la glace pour me voir ? –Cette disposition Ă  planer sur soi-mĂȘme est peut-ĂȘtre la source de toutevertu – Elle vous enlĂšve Ă  la personnalitĂ©, loin de vous y retenir. »

(Lettre Ă  Louis Collet, 1852)

‱ « Quand est-ce qu’on Ă©crira les faits au point de vue d’une blaguesupĂ©rieure, c’est-a-dire comme le bon Dieu les voit, d’en haut ? »

(Lettre Ă  Louis Collet, 1852)

Page 15: Madame Bovary de Gustave Flaubert - MR FRANCAIS

4. L’ironie flaubertienneExemples d’ironie1. « Mais ce n’était pas tout que d’avoir Ă©levĂ© son fils, de lui avoir fait

apprendre la mĂ©decine et dĂ©couvert Tostes pour l’exercer : il luifallait une femme. Elle [la mĂšre de Charles] lui en trouva une : laveuve d’un huissier de Dieppe, qui avait quarante-cinq ans et douze-cents livres de rente. » (PremiĂšre partie, Chapitre I)

2. « GrĂące Ă  ces travaux prĂ©paratoires, il [Charles] Ă©chouacomplĂštement Ă  son examen d’officier de santĂ©. On l’attendait le soirmĂȘme Ă  la maison pour fĂȘter son succĂšs ! » (PremiĂšre partie, Chapitre I)

3. « Il se portait bien, il avait bonne mine ; sa rĂ©putation Ă©tait Ă©tablie toutĂ  fait. Les campagnards le chĂ©rissaient parce qu’il n’était pas fier. Ilcaressait les enfants, n’entrait jamais au cabaret, et, d’ailleurs,inspirait de la confiance par sa moralitĂ©. Il rĂ©ussissaitparticuliĂšrement dans les catarrhes et maladies de poitrine.Craignant beaucoup de tuer son monde, Charles, en effet,n’ordonnait guĂšre que des potions calmantes, de temps Ă  autre del’émĂ©tique, un bain de pieds ou des sangsues. Ce n’est pas que lachirurgie lui fĂźt peur ; il vous saignait les gens largement, comme deschevaux, et il avait pour l’extraction des dents une poigne d’enfer. »d (PremiĂšre partie, Chapitre IX)

Morale ambiguĂ« de Madame Bovary‱ ImpersonnalitĂ© du narrateur qui n’intervient pas pour porter un jugement

explicite sur ses personnages

‱ Dieu crĂ©ateur qui laisse des crĂ©atures se disqualifier sous nos yeux

‱ Satire constant des illusions, de la vanitĂ© et de la bĂȘtise des personnages

‱ Critique non parce qu’il juge, mais parce qu’il ne juge pas, se contente de les montrer et de les faire parler

‱ LittĂ©rature plus dans le « dit », mais dans le « dire »‹ Amour pitoyable, exploit manquĂ©s, Ă©vasion seulement rĂȘvĂ©es, mort dĂ©risoire Ă 

roman sans romanesque‱ HĂ©ros idĂ©alisĂ© qui accomplit des exploits Ă  femme que l’idĂ©alisation des lectures

conduit Ă  l’échec‱ « Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c’est un livre sur rien, un livre

sans attache extĂ©rieure, qui se tiendrait de lui-mĂȘme par la force interne de son style, comme la terre sans ĂȘtre soutenue se tient en l’air, un livre qui n’aurait presque pas de sujet ou du moins oĂč le sujet serait presque invisible, si cela se peut. Les Ɠuvres les plus belles sont celles oĂč il y a le moins de matiĂšre. [
] C’est pour cela qu’il n’y a ni beaux ni vilains sujets et qu’on pourrait presque Ă©tablir comme axiome, en se plaçant au point de vue de l’Art pur, qu’il n’y en a aucun, le style Ă©tant Ă  lui seul une maniĂšre absolue de voir les choses. »(À Louise Colet, 16 janvier 1852)

Page 16: Madame Bovary de Gustave Flaubert - MR FRANCAIS

4. L’ironie flaubertienneExemples d’ironie : Le pied-botL’article de journal Ă  paraitre prĂ©sente Charles comme un hĂ©ros digne des plus grands dithyrambes (ironie situationnelle) Ă  il y a ainsi un Ă©cart entre le portrait du mĂ©decin par Homais et les consĂ©quences de sa pratique mĂ©dicale, consĂ©quences annoncĂ©es plus tard par le narrateur et non non encore connues par les protagonistes de l’opĂ©ration (comique de situation)

‱ « M. Bovary, un de nos praticiens les plus distinguĂ©s » (l. 18 et 24-25) Ă  superlatif apposĂ© rĂ©pĂ©tĂ© deux fois Ă  pluriel prĂ©tentieux, pas d’autres mĂ©decins Ă  Yonville

‱ « Honneur donc aux savants gĂ©nĂ©reux ! honneur Ă  ces esprits infatigables qui consacrent leurs veilles Ă  l’amĂ©lioration ou bien au soulagement de leur espĂšce ! Honneur ! trois fois honneur ! » (l. 37-39) Ă  Anaphore de « honneur », rĂ©pĂ©tition du point d’exclamation, pĂ©riphrases pour dĂ©signer Charles : « savant gĂ©nĂ©reux », « esprit infatigable », ton hyperbolique, pluriel prĂ©tentieux

‱ « les deux savants jugĂšrent Ă  propos de rĂ©tablir le membre dans l’appareil, et en l’y serrant davantage, pour accĂ©lĂ©rer les choses. » (l. 59-61) Ă  ironie verbale du narrateur dans sa pĂ©riphrase pour dĂ©signer Homais et Charles, ironie situationnelle, ils croient amĂ©liorer la situation, mais leurs gestes empressĂ©s par la panique aggrave la situation d’Hippolyte

L’article de journal Ă  paraitre prĂ©sente la mĂ©decine comme l’aboutissement de la science qui va assurer Ă  l’humanitĂ© sa survie (ironie situationnelle) Ă  il y a ainsi un Ă©cart entre la haute considĂ©ration de la mĂ©decine par Homais et ses rĂ©sultats mĂ©diocres dĂ©crits par le narrateur

‱ « N’est-ce pas le cas de s’écrier que les aveugles verront, les sourds entendront et les boiteux marcheront ! Mais ce que le fanatisme autrefois promettait Ă  ses Ă©lus, la science maintenant l’accomplit pour tous les hommes ! » (l. 39-43) Ă  mĂ©taphore christique (Charles, le nouveau messie), avĂšnement de la mĂ©decine comme successeure de la religion

‱ « Comme par enchantement » (l. 29-30) Ă  comparaison Ă  un acte magique, d’ailleurs pas compris par les auteurs mĂȘmes de cet acte

‱ « Tout porte Ă  croire que la convalescence sera courte ; et qui sait mĂȘme si, Ă  la prochaine fĂȘte villageoise, nous ne verrons pas notre brave Hippolyte figurer dans des danses bachiques, au milieu d’un chƓur de joyeux drilles, et ainsi prouver Ă  tous les yeux, par sa verve et ses entrechats, sa complĂšte guĂ©rison ? » (l. 33-34) Ă  fanatisme scientifique Ă  la hauteur du fanatisme religieux, la prĂ©tention altĂšre la conscience et l’esprit d’analyse, hypothĂšse « si » pas scientifique, mais profession de foi

L’article de journal Ă  paraitre prĂ©sente l’opĂ©ration comme un acte de philanthropie (ironie situationnelle) Ă  il y a ainsi un Ă©cart entre la perception par les mĂ©decins et les propos du narrateur qui dĂ©crit les conditions de vie d’Hippolyte

‱ « Notre petite citĂ© d’Yonville s’est vue le thĂ©Ăątre d’une expĂ©rience chirurgicale qui est en mĂȘme temps un acte de haute philanthropie. » (l. 16-17)

‱ « Hippolyte dĂ©jĂ  s’était plaint d’en souffrir ; on n’y avait pris garde ; il fallut reconnaitre qu’il n’avait pas eu tort complĂštement ; et on le laissa libre quelques heures. » (l. 57) Ă  litote, antiphrase « il n’avait pas eu tort complĂštement »

‱ « — Qu’a donc notre intĂ©ressant strĂ©phopode ? » (l. 50) Ă  Hippolyte est dĂ©shumanisĂ©, il est rĂ©duit par mĂ©tonymie Ă  sa dĂ©formation et n’est plus qu’un cas Ă  Ă©tudier

‱ « Mais le percepteur, qui tous les jours y dinait, se plaignit avec amertume d’un tel voisinage. Alors on transporta Hippolyte dans la salle de billard. » (l. 67-68) Ă  le confort d’un mourant est moins important que l’appĂ©tit d’un vivant

Situation d’Hippolyte dĂ©crite par le narrateur omniscient

‱ « Ce qui n’empĂȘcha pas que, cinq jours aprĂšs, la mĂšre Lefrançois n’arrivĂąt tout effarĂ©e en s’écriant :— Au secours ! il se meurt !
 J’en perds la tĂȘte ! » (l.44-46) Ă  ellipse de 5 jours, on passe de la guĂ©rison magique au danger de mort

‱ « Spectacle affreux » (l. 54), « bouffissure » (l. 55), « couverte d’ecchymoses » (l. 56), « tumĂ©faction livide » (l. 63), « phlyctĂšnes » (l. 67), « suintait un liquide noir » (l. 64) Ă  champ lexical de l’horreur

Page 17: Madame Bovary de Gustave Flaubert - MR FRANCAIS

4. L’ironie flaubertienneExemples d’ironie : Le pied-botHomais adopte un ton supĂ©rieur (ironie situationnelle) Ă  il y a ainsi un Ă©cart entre sa prĂ©tention de membre du corps mĂ©dical et les rĂ©sultats auxquels il parvient

‱ « Je n’ai pas mis le terme scientifique, parce que, vous savez, dans un journal
, tout le monde peut-ĂȘtre ne comprendrait pas ; il faut que les masses
 » (l. 21-23) Ă  ton condescendant, vocabulaire pĂ©joratif « tout le monde », « les masses »

‱ « — Qu’a donc notre intĂ©ressant strĂ©phopode ?Il se tordait, le strĂ©phopode, dans des convulsions atroces, si bien que le moteur mĂ©canique oĂč Ă©tait enfermĂ©e sa jambe frappait contre la muraille Ă  la dĂ©foncer. » (l. 50-52) Ă  ironie verbale par la reprise du mot strĂ©phopode par le narrateur qui souligne qu’Homais et Charles n’ont de connaissances mĂ©dicales que la connaissance des termes techniques

L’article de journal Ă  paraĂźtre dans le Fanal de Rouen est rĂ©digĂ© par Homais, qui a participĂ© Ă  l’opĂ©ration d’Hippolyte par Charles (ironie situationnelle) Ă  il y a ainsi un Ă©cart entre la dĂ©ontologie et la pratique journalistique, le papier manque cruellement d’objectivitĂ©

‱ « C’était la rĂ©clame qu’il destinait au Fanal de Rouen » (l. 10-11)

Emma a un regain d’intĂ©rĂȘt soudain pour Charles Ă  Il y a un Ă©cart entre ses sentiments dans ce chapitre et ses sentiments le reste du roman, mais surtout un Ă©cart entre ses sentiments et les motivations qui devraient ĂȘtre sincĂšres et non intĂ©ressĂ©es

‱ « Ils parlĂšrent de leur fortune future » (l. 1-2) Ă  les occurrences de pronoms pluriels pour dĂ©signer Ă  la fois Charles et Emma comme couples sont rares dans le roman, la projection vers l’avenir Ă©galement, en gĂ©nĂ©ral Emma regrette son mariage et Charles se contente du prĂ©sent

‱ « elle se trouvait heureuse de se rafraichir dans un sentiment nouveau, plus sain, meilleur, enfin d’éprouver quelque tendresse pour ce pauvre garçon qui la chĂ©rissait » (l. 4-6) Ă  la tendresse n’est pas de l’amour, elle Ă©prouve de la tendresse et de l’empathie, « pauvre garçon » est surement l’expression en discours indirect libre de ses pensĂ©es

‱ « L’idĂ©e de Rodolphe, un moment, lui passa par la tĂȘte ; mais ses yeux se reportĂšrent sur Charles : elle remarqua mĂȘme avec surprise qu’il n’avait point les dents vilaines. » (l. 7-24) Ă  la pensĂ©e pour Rodolphe est dĂ©placĂ©e, encore une fois, Charles est dĂ©fini de maniĂšre nĂ©gative

But de l’ironie

‱ Se moquer de la mĂ©diocritĂ© de Charles, Emma, Homais, et du positivisme

Page 18: Madame Bovary de Gustave Flaubert - MR FRANCAIS

5.1. L’incipitUn incipit progressif‱ Dramatisation immĂ©diate

‱ commence par le premier jour de Charlesdans sa nouvelle Ă©cole

‱ Saturation informative‱ commence par l’enfance, prĂ©sentation trĂšs

dĂ©taillĂ©e de la casquette, etc.‱ PrĂ©sente ensuite la vie des parents, etc.

‱ ≠ Incipit traditionnel (statique) comme chezBalzac

Fonction 1 : CrĂ©ation d’un mondefictif‱ Cadre spatiotemporel : province au

XIXe siùcle (plus ou moins contemporain deGustave Flaubert)‱ Monarchie de Juillet (on l’apprend plus tard)

‱ Portrait physique et psychique d’un CharlesBovary qui a tout d’un antihĂ©ros

Fonction 2 : Pacte de lecture‱ Roman rĂ©aliste

‱ Recherches : technolecte de la chapellerie‱ Absence de personnages d’exception‱ Contexte provincial et bourgeois

‱ Sous-titre : « Madame Bovary : MƓurs deprovince »

Fonction 3 : Accrocher le lecteur‱ Incipit dĂ©ceptif, suscite du suspense

‱ On ne commence pas par prĂ©senter ce que letitre semble indiquer comme le personnageprincipal : Madame Bovary Ă  1. Pourquoin’apparait-elle pas dĂšs l’incipit ? 2. Qui est-elle ?

1. Le personnage prĂ©sentĂ© d’abord comme le« nouveau » (l. 1, 9, 26, 47, 52, 65, 70 et74), puis est nommĂ© : « Charbovari » (l. 53),mais c’est seulement Ă  la ligne 60 que l’oncomprendra sa rĂ©elle identitĂ© : « CharlesBovary » (l. 60)‱ Le nom « Bovary » (onomastique) Ă©voque les

bovidĂ©s, connotation (lenteur, bĂȘtise,conformisme, grossiĂšretĂ©, rudesse,lourdeur physique et psychologique)

2. On pense d’abord que c’est sa mĂšre(Madame Bovary 1), puis sa femme(Madame Bovary 2), mais ça sera en rĂ©alitĂ©seulement Madame Bovary 3, sa secondefemme (effet de retardement)

5. Analyses

Page 19: Madame Bovary de Gustave Flaubert - MR FRANCAIS

5.1. L’incipitUn narrateur ambigu‱ Narrateur d’abord en focalisation interne (un

des Ă©coliers ou la masse des Ă©coliers)‱ Pas d’accĂšs aux pensĂ©es de Charles, que

des suppositions : « d’une quinzained’annĂ©es environ » (l. 10), « devait le gĂȘner »(l. 13), « soit qu’il n’eĂ»t pas remarquĂ© cettemanƓuvre ou qu’il n’eĂ»t osĂ© s’y soumettre »(l. 25-26)

‱ TroisiĂšme personne du singulier (pronomindĂ©fini) : « on l’apercevait Ă  peine » (l. 17) Ă point de vue d’un ou de plusieurs Ă©colier(s)

‱ PremiĂšre personne du pluriel (narrateur + lesautres Ă©lĂšves + le lecteur) : « Nous Ă©tions Ă l’étude » (l. 1) Ă  connivence avec le lecteur,isole encore plus Charles dont le lecteur esttĂ©moin de la maladresse, et acteur de lamoquerie (ambiguitĂ©) Charles exclut du«nous»

‱ Narrateur ensuite en focalisation omnisciente‱ Pronom impersonnel : « il fallait » (l. 22), « Il y

eut un rire éclatant des écoliers » (l. 43), « Cefut un vacarme » (l. 54)

‱ AccĂšs aux pensĂ©es de Charles : « il ne savaits’il fallait garder sa casquette Ă  la main, lalaisser par terre ou la mettre sur sa tĂȘte »(l. 44-45), « Il se mit en mouvement, mais,avant de partir, hĂ©sita » (l. 62-63)

‱ ConnaĂźt le passĂ© (analepse) et le futur(prolepse) de Charles : « GrĂące, sans doute, Ă cette bonne volontĂ© dont il fit preuve, il dutde ne pas descendre dans la classeinfĂ©rieure ; car, s’il savait passablement sesrĂšgles, il n’avait guĂšre d’élĂ©gance dans lestournures. C’était le curĂ© de son village quilui avait commencĂ© le latin, ses parents, parĂ©conomie, ne l’ayant envoyĂ© au collĂšge quele plus tard possible. » (l. 82 Ă  86)

‱ Narration pas neutre, distance ironique‱ Narration rĂ©aliste, mais excĂšs de dĂ©tail

(fonction de rĂ©gie) qui mettent en Ă©vidence legrotesque et le ridicule‱ Accumulation met en Ă©vidence l’ampleur

des efforts Ă  faire pour comprendre CharlesBovary : « parvenu Ă  saisir le nom de CharlesBovary, se l’étant fait dicter, Ă©peler et relire »(l. 60-61)

‱ Met en Ă©vidence la disproportion entre letravail de Charles et ses rĂ©sultatsmĂ©diocres : « GrĂące, sans doute, Ă  cettebonne volontĂ© dont il fit preuve, il dut de nepas descendre dans la classe infĂ©rieure »(l. 83-84)

‱ Sous couvert de rĂ©alisme, le narrateurchoisit de souligner par la juxtaposition de lalaideur du couvre-chef et de nouveautĂ© quisignale une acquisition rĂ©cente, tout lemauvais gout de Charles « Elle Ă©tait neuve ;la visiĂšre brillait. » (l. 35-36)

5. Analyses

Page 20: Madame Bovary de Gustave Flaubert - MR FRANCAIS

5.1. L’incipitChronologie : Annonce des thĂšmes (effet proleptique)L’omniprĂ©sence de la cruautĂ©

‱ ÉlĂšves sans pitié‹ « Toute la classe se mit Ă  rire » (l. 38)‱ « Il y eut un rire Ă©clatant » (l. 43)‱ « huĂ©es de la classe » (l. 49-50)‱ « Ce fut un vacarme qui s’élança d’un bond, monta en crescendo, avec des Ă©clats

de voix aigus (on hurlait, on aboyait, on trépignait, on répétait : Charbovari ! Charbovari !) » (l. 54-56)

‱ « quelque rire Ă©touffĂ©. » (l. 58) ‱ «quelque boulette de papier lancĂ©e d’un bec de plume qui vĂźnt s’éclabousser sur sa

figure » (l. 76-77) ‱ « Un voisin la fit tomber d’un coup de coude » (l. 39)

‱ Professeur mĂ©diocre et autoritaire qui encourage Ă  se moquer de Charles

RythmeScĂšne entre coupĂ©e d’ellipses

Premier jour d’école

Évùnements symptomatiques du caractùre de Charles

Double mĂ©tonymie‱ Casquette

‱ Premier jour d’école

5. Analyses

Page 21: Madame Bovary de Gustave Flaubert - MR FRANCAIS

5.1. L’incipitThĂ©orie : Le PortraitDĂ©finition

‱ Le portrait est une description d’un personnage

But

‱ Faire comprendre au lecteur ce qui fait l’unicitĂ© du personnage

Moyens

‱ Le portrait aborde gĂ©nĂ©ralement diffĂ©rents aspects (vĂȘtements, corpulence,regard, psychologie, sociologie, etc.)


‱ 
 prĂ©sentĂ©s selon un ordre logique (de haut en bas, vĂȘtements puisphysionomie, physique puis psychologie ou morale, etc.)


‱ 
 articulĂ©s Ă  travers des connecteurs spatiaux (Ă  l’avant, au-dessous, Ă l’intĂ©rieur, etc.)

‱ Les temps dominants sont le prĂ©sent ou l’imparfait de l’indicatif

‱ Le portrait comporte beaucoup d’adverbes, de verbes d’état et de groupesnominaux expansĂ©s par de nombreuses Ă©pithĂštes ou complĂ©ments du nom

Typologie

‱ Le portrait est statique (description pure, donnĂ©e par le narrateur, constitue unepause dans le rĂ©cit)

‱ ou dynamique (alternance description et action)

Remarque

‱ Le portrait peut ĂȘtre explicite (formulĂ© par le narrateur omniscient ou unpersonnage bien renseignĂ©)


‱ 
 ou implicite (si le lecteur est amenĂ© Ă  faire des dĂ©ductions)

‱ La caricature est un portrait qui dĂ©forme le rĂ©el en exagĂ©rant les dĂ©fauts‱ Elle permet une dĂ©nonciation par le rire des travers et des comportements d’une

sociĂ©tĂ© ou d’une personne‱ Le portrait prend une visĂ©e satirique et argumentative quand il est Ă  charge‱ La caricature recourt aux diffĂ©rents types de comique, Ă  des comparaisons

péjoratives ou des hyperboles

‱ Un portrait comique n’est une caricature que s’il a pour but de dĂ©noncer lestraits physique ou psychique d’un personnage

5. Analyses

Page 22: Madame Bovary de Gustave Flaubert - MR FRANCAIS

5.1. L’incipit1. Portrait « comique » de Charles1.1. Comique de mot

‱ Incapable d’articuler correctement les quelques pauvres syllabes qui sortent desa bouche : « Le nouveau articula, d’une voix bredouillante, un nominintelligible. » (l. 47), « Le mĂȘme bredouillement de syllabes » (l. 49)

‱ Incapable de prononcer son propre prĂ©nom : « Charbovari » (l. 53)

‱ Utilise des apocopes familiĂšres : « Ma cas
 » (l. 65)

‱ Ne parle qu’à travers des phrases nominales : « Charbovari » (l. 53), « Ma cas
 »(l. 65)

1.2. Comique de geste

‱ Description clownesque (provoque pas le rire, mais la moquerie) :‱ DĂ©guisĂ©, ridicule : « habillĂ© en bourgeois » (l. 1-2), mais « un gars de la campagne »

(l. 10)‱ Habits trop petits : « gĂȘner aux entournures » (l. 13-14)‱ Connotation pĂ©jorative : « un gars de la campagne » (l. 10), « comme un chantre de

village » (l. 11-12), « des poignets rouges habituĂ©s Ă  ĂȘtre nus » (l. 14-15), « un pantalonjaunĂątre » (l. 15), « Il Ă©tait chaussĂ© de souliers forts, mal cirĂ©s, garnis de clous » (l. 16)

‱ Gestes ridicules :‱ « Il se leva ; sa casquette tomba. Toute la classe se mit Ă  rire. / Il se baissa pour la

reprendre. Un voisin la fit tomber d’un coup de coude, il la ramassa encore unefois. » (l. 38-40)

5. Analyses

Page 23: Madame Bovary de Gustave Flaubert - MR FRANCAIS

5. Analyses5.1. L’incipit1. Portrait « comique » de Charles1.2. Comique de geste (suite)

‱ La casquette comme mĂ©tonymie de Charles Bovary‱ Longueur et prĂ©cision de la description disproportionnĂ©e pour un objet en

apparence sans intĂ©rĂȘt‱ MĂ©tonymie : Portrait de Charles Bovary Ă  travers quelque chose qui lui appartient

‱ ÉlĂ©ments qui ne vont pas ensemble, dĂ©saccordĂ©s, maladroits : « composite » (l. 27)‱ Ressemble Ă  tout, m’est n’est rien « Ă©lĂ©ments du bonnet Ă  poil, du chapska , du chapeau

rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton » (l. 27-29)‱ Multicolore : « rouge » (l. 32), « or » (l. 35), comme ses habits « vert » (l. 13), « noirs » (l. 13),

« bleus » (l. 15) et « jaunùtre » (l. 15), mal assortis à ses poignets « rouges » (l. 14)

‱ Multiples matiĂšres : « coton » (l.29), « velours » (l. 32), « poils de lapin » (l. 32)‱ Multiple forme : « rond » (l. 28), « ovoĂŻde » (l. 30), « boudins circulaires » (l. 31), « bande »

(l. 32), « losanges » (l. 32), « polygone » (l. 33)

‱ MalgrĂ© la description, impossible de se le reprĂ©senter, nĂ©anmoins grotesque : « lalaideur muette a des profondeurs d’expression comme le visage d’un imbĂ©cile »(l. 29-30), « une de ces pauvres choses » (l. 29)

‱ Mauvais gout de Charles ou de ses parents : « neuve » (l. 35) elle a donc Ă©tĂ© achetĂ©eexprĂšs, pour la rentrĂ©e scolaire de Charles

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Page 24: Madame Bovary de Gustave Flaubert - MR FRANCAIS

5. Analyses5.1. L’incipit1. Portrait « comique » de Charles1.3. Comique de caractĂšre :

‱ TimiditĂ© :‱ « RestĂ© dans l’angle, derriĂšre la porte, si bien qu’on

l’apercevait Ă  peine » (l. 9), « fort embarrassĂ© » (l. 12), « gĂȘner aux entournures » (l. 13-14), « n’osant mĂȘme croiser les cuisses » (l . 18), « dĂ©contenan-ça » (l. 43), « d’une voix bredouillante » (l. 47), « bredouillement » (l. 49), parler devant la classe lui demande une « rĂ©solution extrĂȘme » (l. 52)

‱ BĂȘtise :‱ En retard sur les autres : « Si son travail et sa

conduite sont mĂ©ritoires, il passera dans les grands, oĂč l’appelle son Ăąge. » (l. 7-8)

‱ Seulement une apparence d’intelligence : « l’air raisonnable » (l. 12), « le visage d’un imbĂ©cile » (l. 30)

‱ « s’il savait passablement ses rĂšgles, il n’avait guĂšre d’élĂ©gance dans les tournures » (l. 83-84)

‱ PrĂ©sentĂ© comme le « nouveau » (l. 1, 9, 26, 47, 52, 65, 70 et 74), en italique pour insister sur ce trait, c’est sa seule « qualitĂ© »

1.4. Comique de situation :

‱ DĂ©calé‹ ConnaĂźt pas les coutumes : « le nouveau tenait

encore sa casquette sur ses deux genoux » (l. 26-27) aprĂšs la priĂšre, alors que « le genre » (l. 24) voulait qu’on la jetĂąt

‱ Il est « attentif comme au sermon » (l. 17-18) alors que les autres « dormaient » (l. 2)

‱ On lui demande de reformuler parce qu’on n’a pas compris et il rĂ©pĂšte la mĂȘme chose : « RĂ©pĂ©tez ! / Le mĂȘme bredouillement de syllabes se fit entendre « (l. 48-49)

‱ Puni non par sa mauvaise attitude, mais par sa passivitĂ© : « Ă  deux heures, quand la cloche sonna, le maitre d’études fut obligĂ© de l’avertir, pour qu’il se mĂźt avec nous dans les rangs » (l. 19-20)

1.5 Conclusion intermédiaire

‱ Tous les types de comiques

‱ InadaptĂ© physiquement et socialement Ă  source de moquerie

‱ Premier jour d’école Ă  l’image de toute sa vie (mĂ©tonymie) et en dit long sur le pathĂ©tique de Charles, sans envergures, passif, et grotesque

Page 25: Madame Bovary de Gustave Flaubert - MR FRANCAIS

5. Analyses5.1. L’incipit1. Portrait « comique » de Charles1.6 Un portrait finalement pathĂ©tique : fait rire malgrĂ© lui

‱ Se donne de la peine en vain :‱ casquette « neuve » (l. 35) pour son premier jour d’école‱ « attentif comme au sermon » (l. 17-18) Ă  vocabulaire de la dĂ©votion‱ « Plus haut ! cria le maitre, plus haut ! / Le nouveau, prenant alors une rĂ©solution

extrĂȘme, ouvrit une bouche dĂ©mesurĂ©e et lança Ă  pleins poumons» (l. 51 Ă  53)

‱ « resta pendant deux heures dans une tenue exemplaire» (l. 74-75)‱ « mit en ordre ses petites affaires, rĂ©gla soigneusement son papier » (l. 79-80)‱ « travaillait en conscience, cherchant tous les mots dans le dictionnaire et se

donnant beaucoup de mal » (l. 80 à 82)

‱ Champ lexical de la pauvretĂ© au sens propre (pauvretĂ© matĂ©rielle) et figurĂ© (inspire la pitiĂ©)‱ Éducation nĂ©gligĂ©e : « C’était le curĂ© de son village qui lui avait commencĂ© le latin,

ses parents, par Ă©conomie, ne l’ayant envoyĂ© au collĂšge que le plus tard possible. » (l. 84 Ă  86)

‱ « une de ces pauvres choses » (l. 29), « pauvre garçon » (l. 44), « pauvre diable » (l. 61)

‱ ApeurĂ© :‱ « des regards inquiets » (l. 65-66)‱ « les yeux baissĂ©s » (l. 77-78)

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5. Analyses5.1. L’incipit1. Portrait « comique » de Charles1.7 Charles le antihĂ©ros

‱ DĂ©finition‱ Personnage central d’une Ɠuvre de fiction qui ne prĂ©sente pas certaines des

caractéristiques du héros conventionnel, voire dans certains cas aucune

‱ Typologie : il existe quatre types de antihĂ©ros‱ Personnage « sans qualitĂ©s », ĂȘtre ordinaire vivant une vie ordinaire dans un cadre

ordinaire‱ Charles Bovary, Homer Simpson, Charlie Chaplin dans Les Temps modernes

‱ HĂ©ros nĂ©gatif, porteur de valeurs anti-hĂ©roĂŻques et en gĂ©nĂ©ral antisociales, mais sans qualitĂ©s « hĂ©roĂŻques »‹ Dexter dans la sĂ©rie Ă©ponyme, mĂ©decin lĂ©giste tueur en sĂ©rie de criminels

‱ Walter White dans Breaking Bad, professeur de chimie en phase terminal du cancer qui fabrique de la drogue pour assurer l’avenir financier de sa famille

‱ Jack Sparrow

‱ HĂ©ros dĂ©cevant, porteur de qualitĂ©s hĂ©roĂŻques mais n’en faisant pas usage ou les utilisant mal ou Ă  mauvais escient, ou qui tend Ă  perdre ces qualitĂ©s, ou enfin qui se trouve dans un cadre oĂč ces qualitĂ©s ne sont plus apprĂ©ciĂ©es ou admises‱ Victor Frankenstein, BenoĂźt Brisefer, RenĂ©, Edouard aux mains d’argent

‱ HĂ©ros « dĂ©calĂ© », personnage ordinaire, sans qualitĂ©s, qui par les circonstances se trouve plongĂ© dans une situation extraordinaire‱ Meursault, The Dude dans The Big Lebovski, le Joker de Todd Phillips, Alice au Pays des

Merveilles

‱ Charles Bovary‱ Charles ne possùde ni la gloire, ni la force, ni la rage de vaincre, ni le courage, ni la

sagesse, ni l’intelligence, ni la grandeur, ni la gĂ©nĂ©rositĂ©, ni la magnanimitĂ©, ni aucune habiletĂ© exceptionnelle dans une activitĂ© noble ; il n’accomplit aucun exploit, mĂȘme malgrĂ© lui ; n’est pas beau ; etc.‱ Aucune qualitĂ©

‱ Il est aux antipodes d’un Roland, d’un Rodrigue, ou mĂȘme d’un René‹ Il n’est pour autant pas mauvais ou intĂ©ressĂ©, il est juste mĂ©diocre‱ Il est ainsi le hĂ©ros de la modernitĂ©, celui du rĂ©alisme et, plus encore que RenĂ©, du

dĂ©senchantement du monde‱ Pas de verticalitĂ©, d’hĂ©roĂŻsme

‱ HorizontalitĂ© du matĂ©rialisme

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5. Analyses5.2. L’éducation d’Emma1. Portrait psychologique d’EmmaMadame Bovary ≠ Emma Bovary

Femme de Charles à tragédie de son mariage

Couvent à lieu symboliqueCoupé de la réalité « sans jamais sortir » (l. 15), « femmes au teint blanc » (l. 16), repli sur soi et sur son intériorité

FrĂ©quente uniquement des femmes qui ont fait le vƓux de chastetĂ©, « vieille fille » (l. 43) Ă  inexpĂ©rimentĂ©es en matiĂšre d’amour, reprĂ©sentation de l’homme est complĂštement fantasmĂ©e, idĂ©alisĂ©eFrĂ©quente de femmes qui ne savent rien de l’extĂ©rieurĂ  Favorise le « rĂȘve» (l. 1), et la « fantasmagorie» (l. 77)MĂ©taphore et la cause du repli sur son monde intĂ©rieurĂ  Critique de cette institution religieuse qui encourage la dĂ©connexion avec le rĂ©elLieu d’éducation

13 ans Ă  ignorant, rĂȘveur, jamais Ă©tĂ© confrontĂ© Ă  la duretĂ© de la vie, naĂŻf, inluençableReligieux

≠ prend pas du tout au sĂ©rieu≠ rĂ©alitĂ©, = belle histoires « aime bien » (l. 20) les histoires Ă  jugement esthĂ©tiqueJĂ©sus Ă  personnage de fictionaucune intĂ©rioritĂ©

EducationTriche par rapport aux rĂšgles

Critique littéraire, mise en abyme

Analepse

1. RĂȘverie d’Emma

obnubilée par ses lectures

attirée par le rocambolesque

Lectures

pervertissent son esprit

critique du romantisme

Critique Religion

X

2. Narrateur hétérodiégétique (objectivité, réalisme)

3. Contraste Charles-Emma

4. Ironie du sort (espérance, réalité)

5. Ironie du narrateur

Page 28: Madame Bovary de Gustave Flaubert - MR FRANCAIS

5. Analyses5.2. L’éducation d’Emma1. Portrait psychologique d’Emma

Historique« choses historiques » (l. 61)

TrĂšs trĂšs vagues connaissance perdues « immensitĂ© tĂ©nĂ©breuse » (l. )mĂ©lange Saint-BarthĂ©lĂ©my et Louis XIconnaĂźt ce qu’il y a sur les assiettes

EducationAmuse beaucoup

Triche par rapport aux rĂšglesÉducation nĂ©gligĂ©e de jeune bourgeoise qui de toute façon ne va jamais travailler

1. Analepse1. Déjà mariée avec Charles et narrateur, via sa fonction de régie décide de revenir

sur l’adolescence d’Emma2. Souligne l’abyme qui sĂ©pare Charles et Emma et annonce la tragĂ©die

3. Tout est déjà en place

1. RĂȘverie d’Emma

obnubilée par ses lectures

attirée par le rocambolesque

Lectures

Type de lecture (roman Ă  l’eau de rose, lectures romantiques, lectures historiques)Mise en abyme critique de la littĂ©rature (Flaubert, via Emma et l’ironie du narrateur, dĂ©finit ce qu’est la mauvaise littĂ©rature)NĂ©gation restrictive «ce n’étaient que (l. 53) «il n’était question qu» (l.73-74) Ă  tout est similaire et tout est mĂ©diocreAccumulation de mĂ©diocritĂ©RenforcĂ© par des hyperboles “vertueux comme on ne l’est pas» formule creuse mon dĂ©montrer le carectĂšre inaccessible des personnages, pour souligner la dimension stĂ©rĂ©otypĂ©e des lectursePĂ©jorati «graisser de la poussiĂšre»

« Amours, amants, amantes » (l. 53-54) Ă  amour vĂ©ritable en principe au singulier (proleptique)« vertueux comme on ne l’est pas, toujours bien mis » (l. 58) Ă  juxtaposition de l’apparence et de la vertu, mĂȘme pied d’égalitĂ©

Pervertissent son esprit

critique du romantisme

2. Narrateur hétérodiégétique (objectivité, réalisme)

4. Ironie du sort (espérance, réalité)

5. Ironie du narrateur

6. TragĂ©die (meurt de ce qu’elle lit, mĂ©canique, aveugle, chƓur de la tragĂ©die antique)

Page 29: Madame Bovary de Gustave Flaubert - MR FRANCAIS

5. Analyses5.2. L’éducation d’Emma1. Portrait psychologique d’Emma1. Structure du roman : portrait Charles, puis Emma Ă incompatibilitĂ© (pas d’intĂ©rĂȘt commun, Charles est pragmatique et mĂ©diocre et Emma est rĂȘveuse), tragĂ©die Ă  venir

2. Emma ressent de l’ennui, dĂ©jĂ  au couvent, caractĂ©ristique de sa personnalitĂ©, ennui vient de son manque d’expĂ©rience et de ses lectures qui lui ont offert une vision dĂ©formĂ©e et idĂ©alisĂ©e de la rĂ©alitĂ©, aime le trouble, le rocambolesque, et tout ce qui chamboule le quotidien

3. Hermétique à la morale et à la foi, par contre elle aime bien les images et les histoires et les grands sentiments, croit pas à la réalité de la foi, mais considÚre la religion comme un conte fantastique, punitions = jeu

4.

Page 30: Madame Bovary de Gustave Flaubert - MR FRANCAIS

5. Analyses5.3. Les comices agricoles1. Emma n’est qu’un objet pour Rodolphe

1. Valeur marchande séduction à marchandage1. « soixante-et-dix francs » (l. 27)

2. « soixante francs » (l. 40)3. « vingt-cinq francs » (l. 59)4. « mĂ©daille d’or » (l. 31)5. « mĂ©daille d’argent » (l. 58)6. La valeur des prix est dĂ©crescendo, comme la valeur morale d’Emma Ă 

mesure qu’elle est sĂ©duite (chute morale)

2. SĂ©duction impersonnelle1. Jamais nommĂ©e2. Formules creuses3. ClichĂ©s romantiques4. Hyperboles5. Ă  n’importe quelle femme

3. SĂ©duction par l’homme de la femme1. Emma est une proie, une « tourterelle captive » (l. 43)

4. Critique du romantisme1. CƓur de la femme est Ă  conquĂ©rir par le preux chevalier2. Attitude d’Emma crĂ©e la prĂ©dation

1. Rodolphe est un instrument de libĂ©ration2. Rodolphe est aussi un objet3. Emma l’aime par dĂ©faut (elle n’est pas heureuse dans son

couple)

‱ Ironie verbale : « M. Derozerays se leva, commençant un autre dis- cours. Le sien, peut-ĂȘtre, ne fut point aussi fleuri» l. 1-2(comique de mots)

1. RĂ©alisme de la scĂšne1. Narra&on polyphonique

1. Solistes (Rodolphe-Emma)2. Orchestre (orateurs et en creux la foule qui Ă©coute)

2. Focalisa&on externe3. ScÚne (discours directs)4. TrÚs cinématographique5. Portrait de la paysanne (on lit sur son corps toute

la souffrance de son existence, elle en porte les s&gmates)

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5. Analyses5.3. Les comices agricoles

1. Fourberie/duplicité de Rodolphe1. Phrases à double-sens (proleptiques)

1. « Mais vous m’oublierez. J’aurai passĂ© comme une ombre » (l. 35)

1. sens propre : amour impossible, se victimise, idée romatique de la romance impossible

2. sens second, implicite pour le lecteur (comique de situation) : annonce qu’il va l’abandonner

2. Narrateur compare Emma Ă  une « tourterelle captive » (l. 43), dĂ©calage entre le discours amoureux de Rodolphe et les propos du narrateur qui laisse apparaĂźtre de l’ironie Ă  une femme qu’on aime n’est ni un objet qu’on possĂšde, ni qu’on rend prisonnier

3. ProcĂ©dĂ©s de sĂ©ductions1. Hyperboles « toute ma vie» (l. 30), « «jamais je n’ai trouvé» (l. 32)

2. Formules creuse : « charme complet» (l. 32)

3. Métaphores romantiques: amour impossible/interdit, allusions au Vallon de Lamartine «deux fleuves» (l.19)

4. Exclamation naĂŻve et romantique

4. Emma dĂ©personnalisĂ©e1. Son prĂ©nom n’est jamais prononcĂ©

2. SĂ©duction n’a rien de personnel, Rodolphe aurait pu dire la mĂȘme chose Ă  n’importe quelle femme

5. Rodolphe n’aime pas Emma et ne s’intĂ©resse pas Ă  elle, il veut juste la « connaĂźtre » au sens biblique, il ne s’intĂ©resse qu’à ses charmes

2. Ironie situationnelle1. Déclaration burlesque (mélange de registre élevé et bas)

1. DĂ©claration d’amour (Ă©levĂ©)

2. Comices agricoles (bas)

1. Vocabulaire paysan : «bĂȘtes» (l. 10), « fumiers » (l. 29) Ă  double sens 1. mĂ©lange dexcrĂ©ment d’animaux de ferme et de paille 2. insulte (Rodolphe ?) «race porcine» (l. 40) Ă  double sens 1. cochon 2. insulte Ă  caractĂšre sexuel

2. Nom propre des personnages: « Cullembourg » (l. 40) «Tuvache» (l. 67)

3. Pas trÚs « romantique » comme contexte pour séduire (lac, jardin, montagne, parc, etc.)

1. Comice = naturel, mais pas nature

3. Juxtaposition de plusieurs rĂ©alitĂ©1. Juxtaposition gĂ©nĂšre de l’ironie

2. On ne peut pas ne pas juger1. Hommes, verbe facile, actif (Rodolphe, Conseiller, etc., autorité) / femmes silencieuses,

passives (Emma, Mme Leroux, soumises et gĂȘnĂ©es)

2. Paris, oisiveté (Rodolphe) / Province, dure réalité (autres)

3. Bourgeoisie, richesse / prolétariat, paysannerie, pauvreté

4. Pseudo-romantisme / réalité terrible

5. «il faut que ça hurle par l’ensemble, qu’on entende Ă  la fois des beuglements de taureau, des soupirs d’amour et des phrases d’administrateur. »

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7. AnalysesComique, satire et ironie