Lycée MELKIOR GARRE
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Lycée MELKIOR GARRE Classe : 1ère Générale 1 Année scolaire : 2019/2020
THEME N° 1
LA POESIE DU XIXè SIECLE AU XXIè SIECLE
ŒUVRE
INTEGRALE Guillaume APOLLINAIRE, Alcools, 1913.
TEXTES ETUDIES
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ŒUVRE
INTEGRALE
Texte N°1 : APOLLINAIRE, Extrait de « Zone » : A la fin tu es las […]
l’avenue des Ternes », in Alcools, 1913.
Texte N°2 : APOLLINAIRE, « Marizibill », in Alcools, 1913.
Texte N°3 : APOLLINAIRE, « Les Colchiques », in Alcools, 1913.
TEXTES ETUDIES
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PARCOURS
ASSOCIE
PARCOURS : Modernité poétique ?
Texte N°4 : Charles BAUDELAIRE, « Le Joujou du pauvre », in Le Spleen de Paris –
Petits Poèmes en prose, 1869.
Texte N°5 : Raymond QUENEAU, « Si tu t’imagines », in L’Instant fatal, 1946.
Texte N°6 : Tristan CORBIERE, « I Sonnet », in Les Amours jaunes, 1873.
LECTURE
CURSIVE
Une œuvre au choix parmi les trois suivantes :
- Charles BAUDELAIRE, Le Spleen de Paris – Petits Poèmes en prose, 1869.
- Francis PONGE, Le Parti pris des choses, 1942.
- Tristan CORBIERE, Les Amours jaunes, 1873.
Professeur : Katell THOMAS
Etablissement : Lycée MELKIOR GARRE
Texte 1 : APOLLINAIRE, Extrait de « Zone », in Alcools, 1913.
À la fin tu es las de ce monde ancien
Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin
Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine
Ici même les automobiles ont l’air d’être anciennes 5 La religion seule est restée toute neuve la religion
Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation
Seul en Europe tu n’es pas antique ô Christianisme
L’Européen le plus moderne c’est vous Pape Pie X
Et toi que les fenêtres observent la honte te retient 10
D’entrer dans une église et de t’y confesser ce matin
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut
Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux
Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d’aventures policières
Portraits des grands hommes et mille titres divers 15
J’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oublié le nom
Neuve et propre du soleil elle était le clairon
Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes
Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent
Le matin par trois fois la sirène y gémit 20
Une cloche rageuse y aboie vers midi
Les inscriptions des enseignes et des murailles
Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent
J’aime la grâce de cette rue industrielle
Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l’avenue des Ternes 25
Texte 2 : APOLLINAIRE, « Marizibill », in Alcools, 1913.
Dans la Haute-Rue à Cologne
Elle allait et venait le soir
Offerte à tous en tout mignonne
Puis buvait lasse des trottoirs
Très tard dans les brasseries borgnes 5
Elle se mettait sur la paille
Pour un maquereau roux et rose
C'était un juif il sentait l'ail
Et l'avait venant de Formose
Tirée d'un bordel de Changaï 10
Je connais gens de toutes sortes
Ils n'égalent pas leurs destins
Indécis comme feuilles mortes
Leurs yeux sont des feux mal éteints
Leurs cœurs bougent comme leurs portes 15
Texte 3 : APOLLINAIRE, « Les Colchiques », in Alcools, 1913.
Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s’empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là 5
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne
Les enfants de l’école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l’harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères 10 Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément
Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l’automne 15
Texte 4 : Charles BAUDELAIRE, « Le joujou du pauvre », in Le Spleen de Paris - Petits
poèmes en prose, 1869.
Je veux donner l'idée d'un divertissement innocent. Il y a si peu d'amusements qui ne soient
pas coupables !
Quand vous sortirez le matin avec l'intention décidée de flâner sur les grandes routes,
remplissez vos poches de petites inventions à un sol, — telles que le polichinelle plat mû par
un seul fil, les forgerons qui battent l'enclume, le cavalier et son cheval dont la queue est un 5
sifflet, — et le long des cabarets, au pied des arbres, faites-en hommage aux enfants inconnus
et pauvres que vous rencontrerez. Vous verrez leurs yeux s'agrandir démesurément. D'abord
ils n'oseront pas prendre ; ils douteront de leur bonheur. Puis leurs mains agripperont
vivement le cadeau, et ils s'enfuiront comme font les chats qui vont manger loin de vous le
morceau que vous leur avez donné, ayant appris à se défier de l'homme. 10
Sur une route, derrière la grille d'un vaste jardin, au bout duquel apparaissait la blancheur d'un
joli château frappé par le soleil, se tenait un enfant beau et frais, habillé de ces vêtements de
campagne si pleins de coquetterie.
Le luxe, l'insouciance et le spectacle habituel de la richesse, rendent ces enfants-là si jolis,
qu'on les croirait faits d'une autre pâte que les enfants de la médiocrité ou de la pauvreté. 15
À côté de lui, gisait sur l'herbe un joujou splendide, aussi frais que son maître, verni, doré,
vêtu d'une robe pourpre, et couvert de plumets et de verroteries. Mais l'enfant ne s'occupait
pas de son joujou préféré, et voici ce qu'il regardait :
De l'autre côté de la grille, sur la route, entre les chardons et les orties, il y avait un autre
enfant, sale, chétif, fuligineux, un de ces marmots-parias dont un œil impartial découvrirait la 20
beauté, si, comme l'œil du connaisseur devine une peinture idéale sous un vernis de carrossier,
il le nettoyait de la répugnante patine de la misère.
À travers ces barreaux symboliques séparant deux mondes, la grande route et le château,
l'enfant pauvre montrait à l'enfant riche son propre joujou, que celui-ci examinait avidement
comme un objet rare et inconnu. Or, ce joujou, que le petit souillon agaçait, agitait et secouait 25
dans une boîte grillée, c'était un rat vivant ! Les parents, par économie sans doute, avaient tiré
le joujou de la vie elle-même.
Et les deux enfants se riaient l'un à l'autre fraternellement, avec des dents d'une égale
blancheur.
Texte N° 5 : Raymond QUENEAU, « Si tu t’imagines », in L’Instant fatal, 1946.
Si tu t'imagines
si tu t'imagines
fillette fillette
si tu t'imagines
xa va xa va xa 5 va durer toujours
la saison des za
la saison des za
saison des amours
ce que tu te goures 10 fillette fillette
ce que tu te goures
Si tu crois petite
si tu crois ah ah
que ton teint de rose 15 ta taille de guêpe
tes mignons biceps
tes ongles d'émail
ta cuisse de nymphe
et ton pied léger 20 si tu crois petite
xa va xa va xa va
va durer toujours
ce que tu te goures
fillette fillette 25 ce que tu te goures
les beaux jours s'en vont
les beaux jours de fête
soleils et planètes
tournent tous en rond 30 mais toi ma petite
tu marches tout droit
vers sque tu vois pas
très sournois s'approchent
la ride véloce 35 la pesante graisse
le menton triplé
le muscle avachi
allons cueille cueille
les roses les roses 40 roses de la vie
et que leurs pétales
soient la mer étale
de tous les bonheurs
allons cueille cueille 45 si tu le fais pas
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures
Texte 6 : CORBIERE, « I Sonnet », in Les Amours jaunes, 1873.
I Sonnet
avec la manière de s'en servir.
Réglons notre papier et formons bien nos lettres :
Vers filés à la main et d'un pied uniforme,
Emboîtant bien le pas, par quatre en peloton ;
Qu'en marquant la césure, un des quatre s'endorme...
Ça peut dormir debout comme soldats de plomb.
Sur le railway du Pinde est la ligne, la forme ; 5
Aux fils du télégraphe : — on en suit quatre, en long ;
À chaque pieu, la rime — exemple : chloroforme,
— Chaque vers est un fil, et la rime un jalon.
— Télégramme sacré — 20 mots. — Vite à mon aide...
(Sonnet — c'est un sonnet —) ô Muse d'Archimède ! 10
— La preuve d'un sonnet est par l'addition :
— Je pose 4 et 4 = 8 ! Alors je procède,
En posant 3 et 3 ! — Tenons Pégase raide :
« Ô lyre ! Ô délire ! Ô.... » — Sonnet — Attention !
Pic de la Maladetta. — Août. 15