LUTTER CONTRE LA MONDIALISATION … : Philippe Maine, Pascal Nari Arts & Lettres : Anne Bernet,...

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xxx 3:HIKLKJ=XUYUU\:?m@i@b@i@k; M 01093 - 2818 - F: 4,00 E 4 s N° 2818 65 e année Du 2 au 15 juin 2011 Paraît provisoirement les premier et troisième jeudis de chaque mois www.actionfrancaise.net L UTTER CONTRE LA MONDIALISA UTTER CONTRE LA MONDIALISATION : TION : ENTRETIEN ENTRETIEN AVEC LA VEC LAURENT OZON URENT OZON p. 16 16 L’ACTION FRANÇAISE 2000 L'ESSENTIEL ÉCONOMIE Sommet du G8 : gouvernance en trompe l'œil . . . . . . . . . . . . . . p. 2 POLITIQUE DSK, une affaire de plus . . . . . . p. 4 SOCIÉTÉ Libérer l'expression avec le Cercle des Avocats libres . . . . p. 5 Un eugénisme d'État ? . . . . . . . . p. 6 MONDE Duel mémoriel en Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 7 Bruxelles sermonne Paris . . . . . p. 7 Élection bouleversante à Ottawa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 8 Après le "printemps arabe" : décrypter le jeu américain . . . . . p. 9 ARTS & LETTRES Peinture : Odilon Redon, prince du rêve . . . . . . . . . . . . . . p. 10 Livres : les derniers rois possibles ? . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 11 HISTOIRE Le Vert Galant au risque de la France . . . . . . . p. 12 IDÉES D'un humanisme à l'autre . . . . p. 13 POUR UN JEUNE FRANÇAIS Regard sur la science-fiction... et la bioéthique . . . . . . . . . . . . . p. 14 COMBAT Rencontre avec un militant francophone . . . . . . . . . . . . . . . p. 15 « « T OUT CE Q OUT CE Q UI EST N UI EST NA TION TION AL EST NÔTRE » AL EST NÔTRE » Deux enterrements, une naissance LA RÉPUBLIQUE française et son person- nel politique semblent en proie depuis quelques jours à une véritable crise de vertu. Mais ce n'est pas une crise de ré- gime, tout au plus un symptôme provi- soire, un souffle d'air nécessaire en pleine sclérose démocratique. Rien de plus. La chose n'est pas nouvelle et pour atteindre un peu d'altitude, prenons un peu de recul. Antoine Pinay, l'homme du nouveau franc, faillit connaître en 1965 le même sort que DSK, quand sur le point de se présenter contre de Gaulle, il fut menacé de révélations sur son goût pour les très jeunes femmes. Cinq ans plus tôt éclatait ce qu'un journaliste inventif avait désigné sous le nom de « Ballets roses ». Adrien Le Troquer, fruit de la méritocra- tie républicaine, héros mutilé de la guerre 14-18, résistant modèle des an- nées quarante et figure emblématique de la SFIO mais surtout président de l'As- semblée nationale, sombrait dans une si- nistre affaire de moeurs. Une photogra- phie ancienne le montre près d'un agent de police à la 15 ème Chambre du tribu- nal correctionnel de Paris où il comparait pour excitation de jeunes filles mineures à la débauche. Cela vaut bien un DSK menotté, une barbe de trois jours au menton. Ainsi tombent en politique ceux dont le style de vie rend vulnérables. Tandis que s'effondre l'époux d'Anne Sin- clair, tandis que plonge Georges Tron, Ni- colas Sarkozy, tout compte fait, se porte bien, père bientôt comblé. Dans son bloc-notes du 1er février 1959 Mauriac assure : « La question pour chaque être humain, quel qu'il soit, c'est de maîtriser dans sa vie apparente, mais aussi, mais surtout au-dedans de lui, cette convoi- tise dont l'objet, après tout, importe peu. Ce qui compte c'est de n'être pas dévoré . » Marc Savina L'incapacité du pouvoir Immigration incontrôlée Insécurité galopante P P a a g g e 3 e 3

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4 s y N° 2818 y 65e année y Du 2 au 15 juin 2011 y Paraît provisoirement les premier et troisième jeudis de chaque mois y www.actionfrancaise.net

LLUTTER CONTRE LA MONDIALISAUTTER CONTRE LA MONDIALISATION :TION : ENTRETIEN ENTRETIEN AAVEC LAVEC LAURENT OZON URENT OZON pp.. 1616

L’ACTION FRANÇAISE2 0 0 0

L'ESSENTIEL

3 ÉCONOMIE

Sommet du G8 : gouvernance

en trompe l'œil . . . . . . . . . . . . . . p. 2

3 POLITIQUE

DSK, une affaire de plus . . . . . . p. 4

3 SOCIÉTÉ

Libérer l'expression avec

le Cercle des Avocats libres . . . . p. 5

Un eugénisme d'État ? . . . . . . . . p. 6

3 MONDE

Duel mémoriel

en Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 7

Bruxelles sermonne Paris . . . . . p. 7

Élection bouleversante

à Ottawa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 8

Après le "printemps arabe" :

décrypter le jeu américain . . . . . p. 9

3 ARTS & LETTRES

Peinture : Odilon Redon,

prince du rêve . . . . . . . . . . . . . . p. 10

Livres : les derniers rois

possibles ? . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 11

3 HISTOIRE

Le Vert Galant

au risque de la France . . . . . . . p. 12

3 IDÉES

D'un humanisme à l'autre . . . . p. 13

3 POUR UN JEUNE FRANÇAIS

Regard sur la science-fiction...

et la bioéthique . . . . . . . . . . . . . p. 14

3 COMBAT

Rencontre avec un militant

francophone . . . . . . . . . . . . . . . p. 15

« « TT O U T C E QO U T C E Q U I E S T NU I E S T N AA T I O NT I O N A L E S T N Ô T R E »A L E S T N Ô T R E »

Deux enterrements,une naissanceLA RÉPUBLIQUE française et son person-nel politique semblent en proie depuisquelques jours à une véritable crise devertu. Mais ce n'est pas une crise de ré-gime, tout au plus un symptôme provi-soire, un souffle d'air nécessaire enpleine sclérose démocratique. Rien deplus. La chose n'est pas nouvelle et pouratteindre un peu d'altitude, prenons unpeu de recul. Antoine Pinay, l'homme dunouveau franc, faillit connaître en 1965le même sort que DSK, quand sur le point

de se présenter contre de Gaulle, il futmenacé de révélations sur son goût pourles très jeunes femmes. Cinq ans plus tôtéclatait ce qu'un journaliste inventifavait désigné sous le nom de « Ballets roses ». Adrien Le Troquer, fruit de la méritocra-tie républicaine, héros mutilé de laguerre 14-18, résistant modèle des an-nées quarante et figure emblématique dela SFIO mais surtout président de l'As-semblée nationale, sombrait dans une si-nistre affaire de moeurs. Une photogra-phie ancienne le montre près d'un agentde police à la 15 ème Chambre du tribu-nal correctionnel de Paris où il comparaitpour excitation de jeunes filles mineures

à la débauche. Cela vaut bien un DSKmenotté, une barbe de trois jours aumenton. Ainsi tombent en politique ceuxdont le style de vie rend vulnérables.Tandis que s'effondre l'époux d'Anne Sin-clair, tandis que plonge Georges Tron, Ni-colas Sarkozy, tout compte fait, se portebien, père bientôt comblé. Dans sonbloc-notes du 1er février 1959 Mauriacassure : « La question pour chaque êtrehumain, quel qu'il soit, c'est de maîtriserdans sa vie apparente, mais aussi, maissurtout au-dedans de lui, cette convoi-tise dont l'objet, après tout, importepeu. Ce qui compte c'est de n'être pasdévoré . » q

Marc Savina

L'incapacité du pouvoir

Immigration

incontrôlée

Insécurité

galopante

PPaagge 3e 3

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z 2 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2818 – Du 2 au 15 juin 2011

Économie

Directeur de 1965 à 2007 : Pierre Pujo (?)

Directeur de la publication : M.G. Pujo

Rédacteur en chef : Michel Fromentoux

Rédacteur graphiste : Grégoire Dubost

Politique : François Marcilhac (éditorialiste),

Guillaume Chatizel, Jean-Philippe Chauvin,

Aristide Leucate, , Marc Savina

Société : Stéphane Blanchonnet,

Jean-Pierre Dickès, Michel Fromentoux,

Stéphane Piolenc

Économie & Social : Guy C. Menusier

Europe : Charles-Henri Brignac,

Grégoire Dubost, Guy C. Menusier

Monde : Philippe Maine, Pascal Nari

Arts & Lettres : Anne Bernet, Monique

Beaumont, Charles-Henri Brignac,

Louis Montarnal, Alain Waelkens

Histoire : Michel Fromentoux,

Yves Lenormand, René Pillorget,

Frédéric Winkler

Chroniques : Jean-Baptiste Morvan

Idées : Stéphane Blanchonnet,

Dimitri Julien, François Marcilhac

Abonnements, publicité, promotion : Monique Lainé

10 rue Croix-des-Petit10 rue Croix-des-Petits-Champs-Champs s

75001 Paris75001 Paris

Tél. : 01 40 39 92 06 - Fax : 01 40 26 31 63

wwwwww.actionfrancaise.net.actionfrancaise.net

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ISSN 1166-3286

L’ACTION FRANÇAISE 2000

La France,nouveau labelLes pouvoirs publics créent un label censépromouvoir la production nationale. Unefaçon d'enrayer la désindustrialisation ?

LE NOUVEAU LABEL "Origine France garantie"est piloté par une association d'entreprises etsyndicats professionnels, logée à l'enseignede Pro France dans la quiétude de l'Assem-blée des chambres françaises de commerceet d'industrie à Paris. Le certificateur est leBureau Veritas. Les coûts sont bridés et lesprocédures lisibles. Tout va bien. Aussi doit-on s'étonner de la brièveté de la liste des par-tenaires que publie Pro France. La presse éco-nomique repasse en boucle quelques marquesconnues du grand public comme le lunetierAtol, les skis Rossignol ou le carrossier d'élec-troménager Fagor. Dans les détails se nichele démon. Le produit doit être conçu en France

et la valeur ajoutée obtenue pour moitié surle territoire national. Comme il n'existe au-cune génération spontanée dans l'industrie,on comprend déjà que la certification ne peutêtre sûre que si les intrants obéissent eux-mêmes à cette proportion, ce qui est impos-sible à sourcer sérieusement.

Production à moitié nationale

Si le label est un succès – il faut bien sûr lesouhaiter – s'engouffreront dans la certifica-tion les malins après les sincères. Et très vite,car ils n'attendent jamais longtemps, les en-trepreneurs étrangers viendront chez nous na-turaliser leurs produits. Exemple-type : cinqcents hectares de zone industrielle ont étéouverts aux Chinois à Châteauroux sur l'an-cienne base OTAN pour produire du "high tech"céleste made in France ! C'est le contrat passépar la région Centre avec 4 000 emplois à laclef. On doit comprendre que les entreprisesfrançaises moyennes et petites – c'est la cible –qui produisent réellement en France ont fa-

talement des coûts de production supérieursà leurs concurrents émergents. Ce surcoût serépercute sur l'étiquette en magasin. Le nou-veau label "France" effacera-t-il la prime pa-triotique dans la décision d'achat du consom-mateur-citoyen ? On sait d'expérience que non,le patriotisme n'est pas si répandu qu'il suf-fise à vendre, sauf pour des produits tech-niques achetés par des connaisseurs impliquésdans la durabilité ou la normalisation. Et quedire quand le produit franco-français sera misen concurrence avec un produit turc "moitiéfrançais" made in Bangladesh ?Si l'on a retenu la proportion de 50 %, et nonpas 66 (2/3) voire 75 % (3/4), c'est qu'à l'exa-men, il reste peu d'entreprises françaises pro-duisant sous ces critères. La désindustriali-sation du pays est achevée, le label réacti-vera le commerce intérieur de produits plusou moins faits ici, et l'exportation d'articlespas encore francisés dans l'esprit du consom-mateur lointain. Pour réindustrialiser, il fau-dra innover. n

Catoneo

Capitale d'un monde fictif du-rant deux jours, Deauville aaccueilli la semaine dernière

les participants au sommet du G8,soit dix-huit chefs d'État ou degouvernement, en comptant lesinvités, 2 500 membres de délé-gation, quelque 3 500 journalistes– et plus de 12 000 policiers et mi-litaires chargés de la sécurité.

En attendant le G20

Ainsi bunkérisée, la station bal-néaire n'avait certes plus rien decommun avec le décor planté parClaude Lelouch pour Un hommeet une femme. Mais les "globalleaders" n'étaient pas là pours'abandonner à la nostalgie. D'au-tant que, selon les analystes, lesaffaires du monde sont préoccu-pantes. Elles requerraient deconsidérables moyens financierspour apaiser les foyers d'instabi-lité, alors que les caisses sontvides. Ce qui n'empêche pas leclub des "pays les plus industria-lisés" de continuer à se compor-ter comme si la fortune n'avaitpas tourné.Rappelons que le G8 comprendl'Allemagne, les États-Unis, le Ca-nada, la France, l'Italie, le Japon,le Royaume-Uni et la Russie. LaChine et les autres pays émergentsen sont donc absents. Il faudra at-tendre le prochain sommet duG20, les 3 et 4 novembre àCannes, où Nicolas Sarkozy pas-sera le témoin au Mexique, pouravoir une représentation géopoli-tique et économique plus juste etefficiente. À Deauville, Sarkozy,Obama, Cameron, Merkel et lesautres ont toutefois voulu donnerle change, notamment en affi-chant ostensiblement leur soutienaux pays du sud de la Méditerra-née qui seraient engagés dans unprocessus démocratique, la Tuni-sie et l'Égypte, mais aussi à despays subsahariens comme le Ni-

ger, la Guinée et la Côte d'Ivoire.Tous ces pays, dont les dirigeantsavaient été invités à Deauville,ont présenté une liste de besoinsfinanciers « pour ancrer la dé-mocratie » : la note se chiffre endizaines de milliards d'euros.

Généreux mais désargentésCette fameuse promesse de dé-mocratisation est encore problé-matique, comme le suggère le pos-sible report au mois d'octobre desélections tunisiennes initialementprévues en juillet. Mais qu'im-porte ! Les pays du G8 veulent serassurer et croire à une normali-sation sud-méditerranéenneconforme aux critères occiden-taux. Encore faut-il trouver l'ar-gent de cette générosité intéres-sée. Impécunieux et eux-mêmescouverts de dettes, quand ils nedoivent pas faire face comme leJapon à une crise de l'énergie nu-cléaire, les dirigeants du G8 ont,fort heureusement pour eux,

beaucoup de relations et des ac-cès facilités aux ressources desorganisations multilatéralesidoines. Ainsi, le FMI pourraitcontribuer à hauteur de 25 mil-liards de dollars. Seront en outresollicitées la Banque mondiale, laBanque européenne d'investisse-ment, institution de financementà long terme, et la Banque euro-péenne pour la reconstruction etle développement. Après avoir ac-compagné la transition des ex-pays communistes vers l'économiede marché, la BERD va réorienterses activités vers le sud de la Mé-diterranée. Un sud qui, bien sûr, ne comprendpas encore la Libye, toujours ex-posée aux bombardements del'OTAN et avec d'autant moins deretenue que le président russeDmitri Medvedev vient de lâcherKadhafi. Le Syrien Bachar el As-sad, jusqu'alors soutenu en sous-main par la Russie, peut se fairedu souci, même s'il garde encorela main sur des réseaux toxiquesdans l'ensemble de la région.

À considérer l'empressement duG8 à répondre aux sollicitationsdes "bons Arabes", on ne peuts'empêcher de le comparer à lamorgue manifestée par les nan-tis envers les pays européens ex-posés à un défaut de paiement.Certes, la réunion de Deauvillen'était pas destinée à proposerune solution aux problèmes dontl'Union européenne souhaiteconserver la maîtrise – raison pourlaquelle les Vingt-Sept ont rejetéil y a quelques mois une solution100 % FMI pour la Grèce. Néan-moins, ce sont bien des fonc-tionnaires du Fonds monétaire in-ternational qui, depuis le 10 mai,discutent avec le Trésor grec desmodalités de remboursement d'unprêt accordé en 2010.

La Grèce humiliée

Les Grecs peuvent d'ailleurs sedemander à quelle sauce ils se-ront mangés. Et jusqu'où ira leprogramme de privatisations de-vant permettre au gouvernementPapandréou d'éviter la faillite.Une des idées circulant actuelle-ment dans l'Euroland consisteraità créer une agence de privatisa-tions indépendante du gouverne-ment grec et pilotée par des ex-perts étrangers. On ne fait pasplus humiliant. Du coup, on re-parle à Athènes d'un éventuel re-tour à la drachme.Les pays de l'Europe méridionalene sont pas les seuls à jongleravec les déficits. S'exprimant ré-cemment sur une chaîne de télé-vision nord-américaine, le princesaoudien Al-Walid ben Talal, uninfluent financier, a mis en gardeles États-Unis contre le poids écra-sant de leur dette publique, « unebombe à retardement », a-t-il dit.Plutôt discret à Deauville, exceptésur l'affaire libyenne, BarackObama songeait sans doute à larude bataille qui l'attend auCongrès, justement sur la réduc-tion des déficits. Aussi ne s'est-ilguère montré vétilleux sur la suc-cession de Strauss-Kahn au FMI.D'abord réticent, il aurait finale-ment donné son aval à la candi-dature de Christine Lagarde. Lagouvernance mondiale, dont onnous rebat les oreilles, n'a pastrouvé à Deauville ses référentsincontestés. n

Guy C. Menusier

o G8 À DEAUVILLE

Gouvernance en trompe-l'œilConfrontés à de multiples foyers d'instabilité, les États du G8 ont affiché leur soutien aux pays du sud de la Méditerranée. Mais leur générosité s'avère bridée par l'ampleur de leurs dettes.

Manifestation contre le G8 au Havre le 21 mai 2011

Sur le front de l'euroUn tabou vient-il d'êtrebrisé ? « Le scénario d'unéloignement de la Grèce del'euro est désormais sur latable. » C'est un commissaireeuropéen qui l'a annoncé, laGrecque Maria Damanaki.« Soit nous tombons d'accordavec nos bailleurs de fonds[...], soit nous retournons àla drachme », a-t-elle pré-venu. Peut-être cette postureest-elle censée influencer desnégociations en coulisses.Athènes ne sera pas en me-sure de se refinancer sur lesmarchés dès l'année pro-chaine. Aussi l'UE et ses Étatsmembres devraient-ils re-mettre la main à la poche.Quant aux « agents privés »,ils pourraient « prendre unepart du fardeau » selon leprésident de la République.En cas de restructuration, lesbanques françaises seraientparmi les plus exposées. MaisBNP-Paribas se veutrassurant : une décote de 25à 30 % affecterait 0,04 % deses "fonds propres durs". Unimpact « significatif mais li-mité » selon la banque. Loin de partager cet opti-misme, le gouverneur de laBanque de France, ChristianNoyer, pointe « le scénario del'horreur ». Une restructura-tion, fût elle limitée à « l'al-longement des délais de paie-ment » poserait « des ques-tions juridiques trèscompliquées ». « Il y a defortes chances pour que celasoit l'équivalent d'un dé-faut ». Du moins les marchéspourraient-ils l'interprétercomme tel. Au risque d'êtregagnés par la panique et deprovoquer un nouveau séismefinancier. q G.D.

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L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2818 – Du 2 au 15 juin 2011 3 z

Éditorial

z NOTRE SOUSCRIPTION POUR L'AF

L'incapacité du pouvoir

Un partout ? Le triste spectacle offert parl'UMPS en ce printemps 2011 augure mal dela dignité de la campagne pour l'élection

présidentielle et s'il fallait un argument supplé-mentaire en faveur d'un régime politique qui nouslibérerait de cette corvée républicaine, l'actualiténous le fournirait aisément. Certes, Georges Tronn'avait pas les ambitions d'un DSK. Toutefois, aprèsAlain Joyandet, Christian Blanc, Éric Woerth et Mi-chèle Alliot-Marie, c'est le cinquième ministre àdevoir quitter le gouvernement depuis l'étédernier ! Quant à Christine Lagarde, chargée del'Économie sans interruption depuis 2007, pense-t-elle qu'épinglée par la Cour des comptes pour sonrôle dans l'affaire Tapie – deux de ses plus prochescollaborateurs sont déjà dans le collimateur de lajustice –, son élection à la tête de l'organisationinternationale la protégerait des poursuites ? Sil'affaire éclatait, la réputation internationale de laFrance en prendrait un nouveau coup, quoi qu'onpense par ailleurs de l'action du FMI.

Effets de communication

Oui, la campagne a commencé très tôt et très bas.Mais le plus inquiétant, c'est que les problèmesréels des Français, qui se sont aggravés depuisquatre ans, ne servent déjà aux responsables poli-tiques qu'à de simples effets de communication. Ilsemble même que Claude Guéant se contente delire L'Action Française pour confirmer les craintesque nous émettions au moment de sa nomination :l'esbroufe et non la volonté de s'attaquer réelle-ment aux conséquences catastrophiques pour lepays d'une insécurité galopante et d'une immigra-tion incontrôlée. Car le ministre de l'Intérieur, del'Outre-mer, des Collectivités territoriales et del'Immigration (n'en jetez plus !) ne cesse de multi-plier les déclarations incendiaires jugées provoca-trices par la gauche, cristallisant sur sa personnedes commentaires aussi excessifs que ridicules.Comme si, au fond, l'opposition officielle cherchaità faire le jeu de l'UMP en accréditant le gouverne-ment d'une volonté réelle de contrôler l'immigra-tion, de revenir sur les facilités accordées, notam-ment aux Tunisiens, de venir travailler en France,de limiter le regroupement familial ou de faire ces-ser les abus au droit d'asile, alors qu'il fait lecontraire de ce qu'il affirme, qu'il s'agisse des pré-tendus besoins du pays en immigration ou du poidsde celle-ci dans l'échec scolaire. Les Français at-tendront encore longtemps que des mesures appro-priées suivent les constats, les décisions en la ma-tière se prenant à Bruxelles et non à Paris... Les

mensonges de Guéant sont flagrants : n'est-ce pasen vertu du pacte sur l'immigration que Sarkozy afait adopter lors de la présidence "française" del'Union européenne en 2008 que la Commission a puannoncer le 24 mai préparer « un train de mesuresafin d'améliorer la gestion des flux migratoires ori-ginaires du sud de la Méditerranée », dont le butest de « promouvoir la mobilité et des migrationsbien gérées » et « d'offrir davantage de voies lé-gales d'entrée en Europe [...] en assouplissant en-core davantage les régimes des visas » ? La vraiepolitique menée par Guéant... et Sarkozy, la voilà !

Tragi-comédie à l'UMP

Quant à la tragi-comédie interne à l'UMP, à la suitedes mesures aussi démagogiques qu'inefficaces,voire accidentogènes, du gouvernement en matièrede « violence » routière – concept qui a remplacécelui d'insécurité ou d'infraction –, elle n'a faitqu'accroître la certitude du malaise de l'UMP de-vant la progression du Front national. Non que lesdéputés de la Droite populaire n'aient raison des'inquiéter : les électeurs sont effectivement ulcé-rés. Le dommage est que leur seul sujet de préoc-cupation soit leur réélection en 2012 et non uneréelle politique de sécurité routière respectueusede nos libertés... Du reste, ils sont, comme d'habi-tude, rentrés dans le rang dès que Fillon a sonnéla fin de la récréation. Nous n'en sommes pasmoins à un tournant de société : la présomption deculpabilité qui pèse sur chaque Français dès qu'ilprend sa voiture traduit, au nom d'une morale sé-curitaire, la volonté réelle d'instaurer un flicagegénéralisé de la population. Le conducteur est dé-sormais considéré comme un délinquant en puis-sance qu'il s'agit de piéger pour punir, l'écart leplus minime devant déboucher sur une sanctionsystématique. La tolérance zéro pour les honnêtesgens : la seule que Sarkozy aura instituée au coursde son mandat.

D'ailleurs, le secrétaire d'État au logement, BenoistApparu, a vendu la mèche dans Le Figaro du23 mai, en distinguant à l'intérieur de l'UMP unedroite « traditionnelle de type régalien », « incar-née » par Guéant, et une droite « plus ouverte,plus généreuse et plus moderne », « incarnée »par Juppé... Opposer la tradition régalienne à lagénérosité et à l'ouverture : l'aveu est de taille !Mais il ne gêne pas, précisément, ce représentantd'une droite « moderne » jumelle de la gauche« moderne » : idéologiquement soumises au mon-dialisme, elles ont toutes deux perdu le sens de

l'État. Le plus intéressant est le cynisme, d'unenaïveté confondante, du secrétaire d'État : ladroite « régalienne » ? « On doit la conserver pourne pas laisser le champ libre au Front national. »Le nigaud se rend-il compte de l'hommage qu'ilrend ainsi au parti de Marine Le Pen ? Et surtoutde la légitimité qu'il reconnaît à la dynamique na-tionale en train de s'organiser ? Mille ans de tradi-tion capétienne – car comment comprendre autre-ment la tradition de type régalien ? – réduits ainsià une slogan électoral ! C'est à la fois reconnaîtrele sûr instinct du pays réel qui sait que la préser-vation de ses libertés fondamentales dépend decelle d'un État souverain et protecteur – d'un roiempereur en son royaume –, et avouer le méprisdu pays légal, droite et gauche « modernes »confondues, pour cette même indépendance de lapatrie qui reste, comme le disait Maurras, la plusprécieuse de nos libertés.

Dans l'entretien qu'il a bien voulu nous accorderdans le précédent numéro, notre ami Paul-MarieCoûteaux soulignait que le « royalisme est uneécole de pensée, on pourrait dire qu'il est par ex-cellence l'école de la pensée française, et non unparti ». Nous lui sommes reconnaissants de cethommage. Mais dans "Action française", il y a "ac-tion" : et nous n'avons aucune prévention sur lesmoyens à mettre en œuvre pour sauver le pays. En1919, Léon Daudet fut élu député royaliste – iln'était du reste pas le seul – dans le cadre d'unegrande coalition nationale. Les moyens sontneutres, à partir du moment où ils ne contredisentpas l'objectif poursuivi. Nous prendrons, sousquelque forme que ce soit, toute notre part dans lalutte qui doit conduire à la libération nationale :sans illusion aucune sur la pérennité à long termede notre lutte dans un système républicain, maisavec la détermination de sauver l'héritage en at-tendant l'héritier qui, seul, sera à même d'assurerl'avenir français. q

François Marcilhac

3 Merci d'établir vos chèques à l ' o rdre de M me Geneviève Castelluccio et de les lui envoyerà : L'Action Française 2000,10 rue Croix-des-Petits-Champs,75001 Paris.

DEPUIS le début de l'année, nousavons apporté de sensibles amé-liorations au contenu rédaction-nel et à la présentation de L'Ac-tion Française 2000, provoquantune augmentation des ventes enkiosques.

Malheureusement, le journal nepeut vivre de ses seules res-sources ordinaires (abonnementset ventes au numéro). Commetous les périodiques politiquesqui ne bénéficient pas de sub-

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nais, agence A, place du Théâtrefrançais, 75001 Paris, compten° 73 536 S. Vous pouvez aussi nous aider envous abonnant si vous ne l'êtespas encore et en nous commu-niquant l'adresse de personnessusceptibles d'être intéresséespar notre journal. Nous leur fe-rons un service gratuit pour lesinciter à s'abonner. Pour tout cela, merci de toutcœur.

Marielle Pujo

Comment vous pouvez nous aiderListe n° 7Virement régulier : Mlle Annie Paul,15,24 ;

« En souvenir de mon père », Ernest Berger, 100 ; Jacques Lamonerie, 220 ; livres d'occasion,130 ; Mlle Huguette Fouquet, 30 ;« Amitiés, vive Dieu, vive le roi »,Guy Steinbach, 70.

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Politique

HUMEUR

DSK d'école...Quand la solidarité manifestée à l'égard d'un accusé célèbre est jugée insupportable.

ILS SONT TOUS sous le choc : Martine Au-bry, Benoît Hamon... Mais pas seulementceux du Parti socialiste, toute la classe po-litique... Mais pas seulement la classe po-litique, toute la classe médiatique, éco-nomique, oligarchique... En fait, nous fe-rons plus simple en disant la classedirigeante du pays. Quoi ? Quelle horreur,quelle injustice, l'un des leurs subirait lesort réservé aux vulgaires, aux manants,aux délinquants ordinaires ? Certes, il se-

rait indécent de se réjouir du malheur d'unhomme, fut-il, il y a peu, l'un des plus puis-sants de la planète. Mais, n'est-il pas aussiindécent de voir ces expressions tragiquessur les visages célèbres devant les images"insoutenables" de DSK menotté et conduiten prison pour des faits graves ? N'est-ilpas indécent de voir un BHL crier au scan-dale et se livrer spectaculairement à unecrise de nerfs médiatique à cause de cesseules images ?

Un microcosme hypocrite

Où étaient-ils, ces parangons de la dignitéhumaine, quand, par exemple, nos amis lesfrères Castelluccio, innocents des faits quileur étaient reprochés (ce qui fut confirmépar la cour d'appel) ont été jetés deux mois

en prison après avoir été réveillés chez leurmère à 6 heures du matin et conduits me-nottes aux poignets ? Les socialistes étaientalors au pouvoir.Le plus insupportable est de voir cettecaste s'émouvoir qu'un de ses représen-tants puisse être mis en cause par la jus-tice et inculpé, avec, il faut le souligner,une certaine naïveté devant le peuple.Tout le monde, semble-t-il, connaissait,dans ce microcosme hypocrite, les pen-chants du grand homme. Mais chez cesgens-là on se soutient, on est solidaire. Onavait eu un avant-goût de cette belle conni-vence pendant l'affaire Polanski. Quellecandide arrogance ! Ces êtres "à part" sontrejoints par la réalité sordide du mondequi bruisse loin en-dessous d'eux. Au pointque la victime, dont on ne sait rien et dont

certains voudraient même douter de l'exis-tence, n'a droit qu'a peu de considérations.D'ailleurs, en vérité, il n'y a qu'une seulevictime : Strauss-Khan lui-même !Cette compassion répétée sur les ondes auquotidien donne la nausée. Cette petiteélite nombriliste et méprisante du peupleoffre une fois de plus un spectacle navrantd'autosuffisance larmoyante qui non seu-lement n'émeut plus personne mais ag-grave le ressentiment populaire légitime.Ces gens-là ne fréquentent pas le peupleet n'entendent pas les commentaires dansles estaminets. Marine Le Pen, décidément,n'a plus qu'à laisser ces nains, qui se croientdes géants, tomber les uns après les autres.Il ne lui restera plus qu'à se baisser pourramasser le pouvoir. n

Olivier Perceval

Notre précédente chroniques'attachait à démontrer quele seul vrai socialiste d'ap-

parence fut Mitterrand, lequels'est méthodiquement employé àgauchir le PS. Celui-ci, coupé d'unpeuple que Mélanchon et Le Penessayent d'attirer dans leurs gi-rons, s'est peu à peu rempli, jus-qu'à la noyade idéologique, « de vertus chrétiennes devenuesfolles », selon les mots célèbresde Chesterton. Aujourd'hui, ilpeine à trouver son champion.

Dos à dos

Après Delors, c'est au tour de DSKde lui faire faux bond. Si Jospinet Royal ont été pulvérisés par lesuffrage universel, les deux pre-miers se sont dérobés devant luiet le second plutôt lamentable-ment. Nolens volens, le PS doitjouer le jeu des institutions de laVe République et sacrifier au ri-tuel sacrificiel du rendez-vousavec le peuple. Pour envisager des'en affranchir, une fois parvenuau pouvoir, en révisant la Consti-tution dans un sens plus parle-mentariste. En attendant, il luifaut rebattre ses cartes et se do-ter rapidement d'un nouvel out-sider. Pas question de réitérer l'er-reur de 2007 où l'on avait vu Royall'emporter dans des primaires quitournèrent finalement en eau deboudin au détriment des autresapparatchiks du parti, censés êtreplus "présidentiables". Désormais,ces primaires, tant vantées commel'acmé de la démocratie interne,doivent, non pas désigner, maisentériner le candidat qui aura étépréalablement choisi par le bu-reau politique. Par son aura acquise (à tort ou àraison) à la direction du FMI, au-tant que par sa stature interna-tionale, DSK était secrètement at-tendu par tout le PS réuni. Unefois n'est pas coutume, les socia-listes se seraient accommodés duprincipe de l'homme providentiel,naguère combattu. Les primairesn'auraient été rien d'autre qu'unvote par acclamation. Patatras !

La chute du satyre de Washing-ton ressuscite les anciennes que-relles, jusque-là étouffées sous leboisseau d'une campagne interneaussi discrète que consensuelle.Les vannes du tout à l'ego ont ra-pidement cédé sous les frasquesancillaires de DSK. Aubry versusHollande (qu'elle abhorre), Royalversus le même et aussi contretous les autres sur lesquels elle aune revanche à prendre pour leurmontrer qu'elle est tout à la foisla nouvelle Jeanne et Charles VII. À droite, on se réjouit. Pas tropbruyamment, histoire de ne pasaccréditer une improbable thèsed'un complot ourdi contre l'ex-di-recteur du FMI. Mais la victoireest loin d'être acquise. Entre Mit-terrand (le neveu), les accoin-tances politico-financières desWoerth-Bettancourt et Lagarde-Tapie, la dernière affaire de"Tronssexualisme" qui a valu ausecrétaire d'État à la Fonction pu-blique de démissionner, (sans ou-blier le Fouquet's, les cigares deChristian Blanc, les voyages éclairsd'Alain Joyandet, l'appartement

de fonction de Fadela Amara...),autant de scandales qui entachentune droite qui n'a rien à envier àla gauche dans son amoralisme.

Parfum de scandales

Reste que la France sort affaibliede tout ça. L'inconséquence dontnos gouvernants ont fait preuveen proposant la nomination d'unPriape notoire à la tête d'une ins-titution internationale à moitiéfinancée par les États-Unis frisela désinvolture. Les Français ontdécouvert, effarés, une réelleconnivence entre le tout pourrimédiatique et l'oligarchie politi-cienne. Ce n'est même pas nousqui le disons, mais Le Canard En-chaîné (25 mai 2011) : « DSK, his-toire de préparer sereinement sacampagne, avait rencontré dansle plus grand secret les états-ma-jors de trois gazettes de gauche[Libé, Nouvel Obs et Marianne],lesquelles avaient passé uncontrat moral avec lui : il en di-rait beaucoup sur tout ce que lesFrançais attendent depuis des

mois, mais, chut, interdictiond'écrire, tout était "off". » Après,on nous tympanisera avec la pré-tendue indépendance de la presseà l'égard des élites du fric et-oude la pourritique. Sur cetteconstante de la vie intellectuellefrançaise depuis le XIXe siècle, onrenverra utilement nos lecteurs àl'un des plus pertinents et tou-jours actuels textes de CharlesMaurras, L'Avenir de l'intelligence.Il y démontrait, notamment, com-ment « la presse est devenue unedépendance de la finance », maissurtout combien il faut s'en dé-fier, tant l'« on soupçonnera trop[qu'elle] n'est pas libre dans sonaction et qu'elle est "agie" par desressorts inférieurs ».

Papiers d'alcôves

L'affaire DSK est une affaire Drey-fus à l'envers. Tandis qu'hier onusait de papiers aussi compro-mettants que falsifiés pour accu-ser un juif français d'intelligenceavec l'ennemi, aujourd'hui, unautre juif français se comprometdans les petits papiers d'alcôvesd'une presse vendue et complai-sante. La Ve République s'abîmedans le double écueil que voulaitpourtant lui éviter De Gaulle en1958. Être aussi inefficace, mu-tatis mutandis, que la IVe (par lesmultiples abandons de souverai-netés abusivement consentis) etaussi scandaleuse que la IIIe. Desdiamants centrafricains de Gis-card, aux emplois fictifs de Chi-rac, en passant par les faux lis-ting de l'affaire Clearstream oules écoutes sauvages de Mitter-rand, tout exhale l'irrespirableodeur de chair putréfiée d'unegueuse moribonde qui n'en finitpas de crever. 2012 se profile et cette même Ma-rianne desséchée se peaufine levisage de la future vertu quin-quennale, comme de vieilles putesse tirent la peau pour paraîtreplus jeune. Une fois de plus, l'onva tromper les Français, qui, telsdes consommateurs décérébrés(par l'Éradication nationale) etconditionnés (par la télévision)vont, une nouvelle fois, se lais-ser prendre au piège des grandeset belles promesses de lendemainsqui chantent. Si ce n'est la pana-cée, rétablissons quand même unmonarque, seul gardien de l'inté-rêt général se tenant au-dessusdes combinaisons politiciennes. n

Aristide [email protected]

o DSK

Une affaire de plusLes déboires de Dominique Strauss-Kahn ont privé le PS de son hommeprovidentiel. Mais c'est toute la République qui est éclaboussée par ce nouveau scandale... Regard sur l'"Affaire" dans le viseur de 2012.

Après Jacques Delors, c'est au tour de DSK de faire faux bond au PS.

» DIVIDENDES

La démagogie s'avèrepayante : la prime sur les di-videndes serait « une bonnesolution pour augmenter lepouvoir d'achat » selon 62 %des personnes interrogées parViavoice-BPCE (sondage pourLes Échos et France Info).Sans doute les Français ont-ilsété abusés par la confusionentretenue entre bénéfices etdividendes. Or, tandis qu'unesociété comme Total setrouve épargnée par le dispo-sitif, d'autres se préparent àle contourner, en pratiquant,par exemple, le rachat d'ac-tions. De toute façon, pour-quoi les salariés devraient-ilsrecevoir plus ou moins d'avan-tages selon que leur entre-prise se finance sur les mar-chés d'actions ou par la sous-cription de prêts bancaires ?

» PATRONS

Les patrons sont prévenus :ils s'exposeront aux foudres lajustice s'ils se risquent à in-fluencer à leur profit les co-mités de rémunération. TelAntoine Zacharias, l'ex-PDGde Vinci, condamné pour« abus de pouvoir ».

» HOMOPHOBIE

L'Éducation nationale s'associeà nouveau à la campagneLigne Azur. Dans les collègeset les lycées sera promu « unservice d'écoute, de parole etde soutien ». Accessible partéléphone ou par Internet, ilest ouvert « à tous les ado-lescents qui s'interrogent surleur orientation sexuelle ».

» LE PAF ORPHELIN

Éric Zemmour ne sévira plussur le plateau de Laurent Ru-quier. Celui-ci prétend vouloirdonner « un nouveausouffle » à son émission (LeParisien, 27/05/2011). Com-mentant la réaction d'ÉricNaulleau, dont il se sépareaussi, l'animateur a soutenuqu'il n'était pas « le parangonde la liberté d'expression ».« J'ai eu des gens avant luicomme Michel Polac quiétaient exactement dans lemême rôle », a-t-il déclaré.

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L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2818 – Du 2 au 15 juin 2011 5 z

Société

En France, la liberté d'ex-pression semble de plus enplus limitée par une omerta

intellectuelle, sociale et média-tique que des dispositions légis-latives renforcent progressive-ment. Nous ne sommes pas en-core arrivés au stade de limitationde la pensée que connaît la Co-rée du Nord... mais nous en pre-nons la voie. Le Cercle des Avo-cats libres a récemment organiséun colloque à Paris pour tirer lasonnette d'alarme. Philippe Bilger,avocat général, Christian Van-neste, député, Yves-Marie Laulan,démographe, Robert Ménard, jour-naliste, et Jacques Trémolet deVillers, avocat, ont montré com-ment, la "pensée unique", le "po-litiquement correct" et le terro-risme intellectuel, favorisés parla lâcheté des hommes politiqueset l'idéologie majoritaire dans lesmédias, s'étendaient à un nombrede domaines croissant.

Tabous en série

Le racisme, l'immigration, l'ho-mosexualité et le mariage homo-sexuel, la peine de mort, la co-lonisation, le révisionnisme, l'avor-tement, le préservatif et, bienévidemment, le Front national neconstituent qu'une partie des su-jets sur lesquels s'exerce la po-lice de la pensée. « Aujourd'hui,pour pouvoir s'exprimer sur unsujet "sensible", a fait observerPhilippe Bilger, il faut d'abord ver-ser son droit de péage aux auto-

routes de la pensée et parexemple affirmer haut et fortqu'on n'est pas du Front nationalpour pouvoir commenter une deses déclarations ! » Le problèmen'est plus de savoir si un proposreflète la vérité mais s'il est dé-cent, au regard des nouvellesnormes imposées au langage... Àl'affrontement verbal on préfèrela judiciarisation ; l'appréciationsubjective d'une intonation suffitparfois à faire condamner, à je-ter l'opprobre, à cataloguer quel-qu'un comme "sulfureux".

Mai 68 oublié...

Ceux-là même qui, en 1968, af-firmaient qu'il est "interdit d'in-terdire" proclament maintenant"qu'il n'y a pas de liberté pour lesennemis de la liberté" et, tout enprônant le multiculturalisme,cherchent à supprimer le droit àla différence. Le vocabulaire est"glissant", certains mots devien-nent tabous, interdits, obscènes :"nègre", puis "noir", puis "de cou-leur" ont cédé la place à l'anglais"black" ; "inverti" ou "pédéraste"ont disparu du langage ; "patriote"n'a plus le sens de défenseur dela patrie mais a pris, dans beau-coup de médias, celui d'agresseurde la minorité ou de xénophobe.Le langage n'est plus le vecteuret l'introduction de la pensée maisdevient un simple accolage demots réflexes. Des associations,ne comptant parfois que quelquesmembres, ont imposé leur pres-

sion aux gouvernements succes-sifs, lesquels ont chaque fois cédéen concluant des conventions, enleur accordant des soutiens fi-nanciers ou en légiférant (lois Ple-ven, Gayssot, Taubira...). « Denos jours, estime Me Trémolet deVillers, Pascal, Voltaire, Ronsardou La Fontaine devraient compa-raitre devant la 17e Chambre ! »Pourtant, malgré cette pensée àsens unique que voudraient im-poser les médias, les élus, les gou-vernements, malgré la censurequi ne veut pas dire son nom, mal-gré le vide intellectuel de nos"élites", la société française nesupporte plus ces débats qui n'ensont pas et force ainsi la main auxpatrons de presse, demain peut-être aux politiques.

Contre-exemples

Selon Philippe Bilger, « certainspropos acceptés aujourd'hui n'au-raient pas pu être tenus il y aquelques années ». La rééditiondu Camp des saints de Jean Ras-pail, le renouveau d'intérêt portéà Louis-Ferdinand Céline grâce àun choix maladroit du gouverne-ment sont aussi des signes posi-tifs de la persistance d'une iden-tité française. Il faut espérer qued'autres Vanneste, à l'Assemblée,d'autres Zemmour, Ménard, ouRioufol dans la presse se ferontconnaître pour que cesse l'actuelle"chasse aux sorcières". n

Arnaud Danloux-Dumesnils

o COLLOQUE

Libérer l'expressionLe Cercle des Avocats libres s'inquiète des restrictions imposées à la libertéd'expression. Il vient d'organiser une réunion publique sur le sujet, en présence de Philippe Bilger, Robert Ménard...

BIBLIOTHÈQUE

Livres d'occasion

» CHARLES MAURRAS

o L'Action française et la religion catholique broché 20,00 so L'Action française et le Vatican relié jaspé marron 40,00 so L'Action française et le Vatican broché 20,00 so Anthinea broché 15,00 so L'Avenir de l'intelligence broché 15,00 so Devant l'Allemagne éternelle relié jaspé orangé 40,00 so Kiel et Tanger broché 20,00 so Kiel et Tanger relié marron rouge dos rouge 40,00 so Pour réveiller le grand juge broché incomplet 15,00 so Pour réveiller le grand juge relié beige 30,00 so Le Procureur et l'Habitant relié beige 25,00 so La Seule France relié rouge 30,00 so Votre Bel aujourd'hui broché neuf 25,00 s

» LÉON DAUDET

o Deux idoles sanguinaires relié jaspé orangé 25,00 so L'Hécatombe relié beige 25,00 so L'Hérédo broché 25,00 so Hors du joug allemand relié beige 25,00 so Moloch et Minerve ou l'après-guerre relié jaspé 25,00 so Le Nain de Lorraine... relié jaspé 25,00 so Paris vécu (deux volumes) broché 40,00 so Sous la Terreur relié beige 25,00 so La Tragique existence de Victor Hugo relié jaspé 25,00 s

» JACQUES BAINVILLE

o L'Allemagne relié marron 25,00 so Histoire de deux peuples relié marron 25,00 so Histoire de deux peuples relié marron clair 25,00 s

» ALBERT MARTY

o L'Action française racontée par elle-même broché 20,00 s

3 Frais d'envoi : + 15 %3 Commandes à envoyer à L'Action Française 2000,

10 rue Croix-des-Petits-Champs, 75001 Paris, accompagnées d'un chèque à l'ordre de la PRIEP.

DEPUIS qu'elle a été fondée en1899, l'école d'Action françaisea produit un nombre considé-rable d'ouvrages de critiquehistorique, politique, littéraire,qui, ensemble, constituent untrésor. Ils contiennent uneabondante matière de ré-flexions qui permettent decomprendre non seulementl'histoire du XXe siècle maisaussi les événements que nousvivons aujourd'hui.

Trente et un de ces ouvragesont été sélectionnés pour fairel'objet d'articles publiés dansL'Action Française 2000 en2004 et 2005. Tel quel, ce re-

cueil d'articles permet de com-prendre l'originalité de la pen-sée politique de l'Action fran-çaise dont les années ontconfirmé la solidité.À travers les études publiées,le lecteur se familiarisera avecla pensée de Jacques Bainville,Augustin Cochin, Léon Daudet,Pierre Gaxotte, Pierre Las-serre, Charles Maurras, Léonde Montesquiou, Maurice Pujo,le marquis de Roux, Henri Vau-geois.

3 Éditions de l’Âge d’homme, 138 p., 20 euros. Disponible à nosbureaux : 22,11 euros franco(chèque à l’ordre de la PRIEP).

Le Trésor de l'Action françaiseSous la direction de Pierre Pujo

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le "droit" au crime d'avortement.L'eugénisme a été, bien sûr, aucentre des débats, avec le dia-gnostic prénatal. Le député Chris-tian Vanneste a réglé son compteà « cette volonté toujours plusforte de nos contemporains demettre au monde un enfant zérodéfaut, un enfant parfait ». Et ledéputé Marc Le Fur a renchéri :« Il faut que nous parvenions àmettre fin à cette situation danslaquelle les parents qui gardentun enfant trisomique sont consi-dérés par les uns comme des hé-ros, par les autres comme des dé-viants. Ces parents nous devonsles assister, les soutenir, les re-connaître. Sachez que l'enfant queces parents ont su accueillir peutleur donner beaucoup de bonheuret d'amour. » Mais la plupart des députés n'ontpas su ou pas osé trancher et ilrestera sans doute l'obligationfaite aux médecins de fournir àleur patiente « une informationloyale, claire et appropriée »qui, pour la première fois enFrance, vient insérer dans la loiun élément de contrainte eugé-nique. Cela entraînera sans nuldoute un accroissement du re-

cours à l'avortement par desfemmes laissées désespérémentseules et sans soutien face à l'an-nonce de l'attente d'un enfant po-tentiellement différent.

Droit à l'enfant

Il faut s'attendre aussi à ce queressorte la question de droit à l'as-sistance en matière de concep-tion pour les couples homosexuels.Cette aberration apparaît déjàdans certains discours de parle-mentaires (Noël Mamère entreautres). Mettre au monde des en-fants au nom du seul "droit" à l'en-fant, comme du droit à un jouetquelconque, serait un chambou-lement complet dans notre civi-lisation. L'enfant a le droit de ve-nir au monde accueilli par un papaet une maman faute de quoi ilsera malheureux et mal élevé. Àcréer des enfants artificiels, lasociété va finir au nom du "pro-grès" par ne même plus êtreviable. Voilà les enjeux du votede nos parlementaires en ces pre-miers jours de juin 2011. En sont-ils tous conscients ? n

Michel Fromentoux

z 6 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2818 – Du 2 au 15 juin 2011

Société

o L'"affaire" a nourri ces der-niers temps une actualité aussifolle que diverse. Les media,totalement déboussolés devantla chute brutale et soudaine(mais pas forcément inatten-due) de leur homme providen-tiel qui allait tourner la pagede cinq ans de sarkozysme, ontdonné de la voix à la thèse ducomplot anti-américain ouanti-sarkozyste. Le chercheur Pierre-André Ta-guieff s'inscrit en faux contrecette opinion et expliquequ'« il est abusif de parler de"théorie du complot" : le com-plot n'est nullement théorisé,c'est l'innocence de DSK qui estaffirmée, par des gens qui ex-priment ainsi leur malaise ouleur angoisse. Les dénoncia-teurs du complot ou de la ma-chination ne peuvent claire-ment répondre à la question "Àqui profite le crime ?" Le seulbénéficiaire de l'hypothèsecomplotiste est DSK lui-même,puisqu'il apparaît comme unevictime innocente. » (Le Point,du 20 mai 2011) Outre-Atlantique, on ne croitpas, une seule seconde, à cettethéorie fantasque de la conspi-ration anti-DSK. La journalisteaméricaine Anne Applebaum(auteur d'une histoire du goulagédifiante et fort documentée),prédit ainsi que « Sarkozy netirera pas parti de la fin simoche de Strauss-Kahn. Laprincipale bénéficiaire sera lafemme politique qui bénéficiede l'électorat à la croissance laplus rapide de France en cemoment : Marine Le Pen ».(Slate.fr, 17 mai 2011) Une perspective qui, on s'endoute, ne réjouit guère le PS,et encore moins les amis deDSK, parmi lesquels des trots-kistes lambertistes (Cambadé-lis, Le Guen, Moscovici). Mi-nute (16 mai 2011) rappelleainsi que « DSK était le candi-dat de la majorité des trots-kistes lambertistes ayant re-joint le PS. Son arrestationmet un terme à leur rêve deconquête du pouvoir en 2012. »Et l'hebdomadaire politique-ment incorrect de poursuivreen s'interrogeant rêveusementsur cette « étrange alliancedes anciens révolutionnaires etde l'homme du FMI ». Le trots-kisme s'est dévoyé en transfor-mant la révolution permanenteen statu quo perpétuel, par unentrisme qui a fini par devenirstratégique et carriériste aulieu de rester purement tac-tique et opportuniste. En tout état de cause, la dé-mission forcée de DSK du FMIn'est peut être pas un mal ensoi, à en croire le penseur li-bertarien, Guy Sorman (Atlan-

tico.fr, 17 mai 2011) : « DSKs'est attaché l'affection du per-sonnel en restaurant le FMIcomme vaste bureaucratie in-ternationale. Crise ou pascrise, et politicien avant tout,DSK voyait grand. La crise futune aubaine : DSK essaya depositionner le FMI en gouverne-ment économique mondial. »Pis, selon cet expert ès-atlan-tisme, DSK aura renoué avecune ancienne pratique de l'ins-titution qui consistait à « en-courager les gouvernements etles banques centrales à secou-rir les pays les plus mal gérés[...], à sauver les États voyouspar des prêts de faveur ». Onvoit, effectivement ce qu'il enest, un an après être intervenuau chevet de la Grèce. Le paysest au bord de l'explosion so-ciale et menace même de seretirer de la zone euro. Et c'està cet apprenti sorcier que l'onvoulait confier les destinées denotre pays !

o Si la présidentielle est danstous les esprits, force est deconstater qu'elle semble hanterplus particulièrement ceux descours de justice en France,comme à Luxembourg. Dansune analyse serrée et très do-cumentée du panorama juri-dique et judiciaire de notredroit des étrangers actuel,l'avocat, Karim Ouchikh (parailleurs, membre du comitéexécutif du Rassemblementpour l'indépendance de laFrance présidé par Paul-MarieCoûteaux), rend compte, dansLes Manants du roi (26 mai2011), d'une décision de laCour de justice de l'Union euro-péenne du 28 avril dernier, quiinterdit, dorénavant, d'empri-sonner un clandestin qui de-meurerait sur le sol français enviolation d'un ordre de quitterle territoire. Le juriste souve-rainiste pose donc la seulequestion « qui doit dominer ledébat politique actuel : en su-bissant si fortement uneconstruction européenne quis'édifie clandestinement sui-vant une logique supranatio-nale, les Français peuvent-ilsêtre contraints d'accepter àleurs corps défendant un mo-dèle de civilisation qu'ils n'au-raient pas authentiquementchoisi en conscience ? » Évi-demment non. En ce cas, fauted'être écoutés par les urnes,osons un coup de force et ap-pelons le roi à prendre encharge les intérêts du pays etdemandons-lui d'assurer, untemps, une nécessaire dicta-ture de salut public (« supremapopuli, lex esto », disaient lesRomains).

Aristide Leucate

Au fil de la presseOù l'on apprend qu'il existe un véritable complot objectif contre l'intelligence et l'avenir des peuples. Quand l'"affaire" DSK, telle qu'il convient de la nommer, n'est que la face visible de cette confluence d'actes et d'événements quiconcourent au même résultat, sous couvert de démocratie :l'instauration sournoise d'une dictature qui commence par l'embastillement de la pensée.

L'examen du projet de loi bioé-thique a pris fin vendredi 27mai à l'Assemblée nationale.

Le vote solennel sur l'ensemble duprojet aura lieu les premiers joursde juin, donc les résultats ne pour-ront pas être connus avant la pu-blication de ce numéro de L'AF2000. Néanmoins, nous pouvonsexprimer des craintes bien réelles.Il ressort de tout ce débat que lavie est une chose trop importanteet trop précieuse pour que sescommencements soient confiés àdes parlementaires. Ceux-ciavaient d'autres soucis, commecelui des avertisseurs de radarsélectoralement beaucoup plus ren-tables, et n'ont pas consacré à labioéthique l'attention qu'il auraitfallu. L'UMP, prise dans ce sauve-qui-peut, ne s'est pas montrée àla hauteur de la situation.

Dérogations

On peut dire en gros que les dé-putés se sont montrés un peu plussages que les sénateurs, notam-ment sur le fameux article 23 quiautorise la recherche sur l'em-bryon, qui se retrouvait chargédes pires dérogations au sortir duLuxembourg et qui revient presqueau statu quo après passage au Pa-lais Bourbon - ce qui ne sauraitnous rassurer car il s'agit de la re-cherche autorisée par la loi ac-tuelle qui ne vise pas, comme leprécise Généthique, « à soignerun embryon malade mais à pré-lever les cellules d'un embryon (etdonc le détruire) pour les utilisercomme matériau d'expérimenta-tion ». La chose est déjà horribleen soi, et seule Mme Christine Bou-tin semble se contenter de cettedemi-mesure. La dignité de toutevie humaine dès la conception faitpeur, car elle remettrait en cause

o BIOÉTHIQUE

Un eugénisme d'État ?Le débat sur la révision des lois de bioéthique s'est achevé à l'Assembléenationale. Aperçu de quelques nuances par lesquelles les députés se sont distingués de leurs collègues sénateurs.

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La France s'oriente vers la généralisation du diagnostic prénatal.

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L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2818 – Du 2 au 15 juin 2011 7 z

Monde

En Belgique, les prétoires sontrarement la scène de grandsprocès politico-littéraires. Il

en est un, manqué pour l'instant,qui emplit les colonnes des jour-naux. Il oppose Bart De Wever, leprésident de la NVA (le principalparti nationaliste flamand), àPierre Mertens, peut-être le plusconnu des écrivains belges.

Repentance

La querelle remonte à décembre2007, quand le bourgmestre d'An-vers présenta ses excuses pour laresponsabilité exercée par l'ad-ministration communale dans lesdéportations durant la guerre.Bart De Wever répondit aussitôt :« Les dirigeants durent prendredes décisions dans des circons-tances difficiles. Je ne trouve pastrès courageux de donner descoups de pied au derrière de cespersonnes. » Il faut savoir queson grand-père fut membre duVNV (Vlaams Nationaal Verbond,Alliance nationale flamande) quicollabora avec l'ennemi en vuede promouvoir l'indépendance dela Flandre. De plus Bart De We-ver prétendra au poste de bourg-mestre d'Anvers lors des électionscommunales de 2012. Pierre Mer-tens, dont le père était résistantet la mère juive, fit paraître dans

Le Monde un article au vitriol ac-cusant Bart De Wever de néga-tionisme. Se jugeant offensé, ce-lui-ci déposa plainte. Tous lesdeux souhaitent débattre devantles Assises. Le parquet traîne les pieds, embarrassé par lecontexte politique. La semainedernière, la chambre du Conseilde Bruxelles a repris le dossier...pour renvoyer au 13 décembreson examen. Dans une lettre ouverte publiéedans Le Soir, l'écrivain clame lanécessité du « devoir de mé-moire ». Il s'insurge parce queBart De Wever n'a jamais pour-suivi ceux qui le traitaient d'an-tisémite ou de fasciste. « Mais,souligne-t-il, moi qui ai dénoncéce que je considère comme sonnégationisme, je suis le seul à quiil réclame des comptes judi-ciaires. Au fil du temps, j'ai ap-pris à m'en réjouir. » Pour l'heure,les salles de rédaction se trans-forment en prétoires avec, pourtoile de fond, le dossier réexhuméde l'amnistie qui divise profondé-ment les Belges, qu'ils soient fran-cophones ou néerlandophones.L'on se prend à rêver : sur lesécussons, symbole de l'État, la de-vise demeure officiellement :« L'union fait la force. » n

Charles-Henri Brignac

DES ÉLECTIONS municipales à deuxtours se sont déroulées en Italieà la mi-mai et les 29 et 30 mai.Les résultats à l'issue du secondtour sont sans équivoque : ladroite perd notamment Milan, mé-tropole économique du pays,Trieste et Cagliari ; à Naples, oùla tête de liste berlusconienne pa-raissait en ballottage favorable aupremier tour, la gauche conservefinalement la mairie. Symboli-quement, la droite perd la com-mune lombarde d'Arcore, où setrouve la célèbre résidence pri-vée du président du Conseil.La défaite du PDL berlusconien àMilan est particulièrement sévèrepour le Cavaliere, qui s'était en-gagé dans la campagne au côtédu maire sortant Letizia Moratti.C'est un ancien magistrat issu deRefondation communiste, GiulianoPisapia, qui dirigera la mairie,alors que cette ville passait jus-qu'à présent pour être le bastiondu berlusconisme politique et éco-

nomique. Cette déroute risque depeser sur la cohésion de la droite(PDL et Ligue du Nord) au niveaunational. La législature court nor-malement jusqu'au printemps2013, mais Silvio Berlusconi aurabien du mal à éviter des électionslégislatives anticipées. Même si,déjà, il entend se donner lesmoyens de rebondir. n G.C.M.

CERTAINS PEUPLES, par le cou-rage de certains de leurs repré-sentants, osent braver la penséetotalitaire et offrent ainsi auxautres Européens la possibilitéd'espérer. Le site Nouvelles deFrance nous livre, ce 21 mai, unentretien choc avec le député Os-kar Freysinger qui explique pour-quoi il a apposé sa signature aubas d'une pétition intitulée « Fi-nancer l'avortement est une af-faire privée » : « L'avortementest inclus dans les rembourse-ments de la caisse maladie, doncdes gens comme moi paient pource qu'ils considèrent comme uncrime, je trouve ça totalementanormal. Nous estimons que siquelqu'un, dans son plan de vie,veut avorter, il doit faire payercela par des caisses complémen-

taires. [...] On avorte comme onva aux toilettes. [...] Le but fi-nal est de revenir à une pratiqueou l'avortement n'est autoriséqu'en cas de danger pour la viede la mère. » n A.L.

SUISSE

L'avortement dans les urnesS'engouffrant dans la brèche ouverte par la "démocratie directe", l'UDC multiplie les votations suscitant la polémique dans l'Europe entière.

ITALIE

Déroute électorale de BerlusconiLe Cavaliere essuie un cuisant échec aux municipales. C'est un nouveau coup porté à son gouvernement, déjà gravement fragilisé.

o BELGIQUE

Duel mémorielL'inénarrable Bart De Wever va affronter dans lesprétoires un illustre écrivain... Le souvenir de laSeconde Guerre mondiale divise la Belgique.

» NOSTALGIE

Les Grecs regrettent-ils le ré-gime des colonels ? Jean Qua-tremer s'en inquiète sur sonblog, citant les conclusionsd'une enquête Kapa publiéesdimanche dernier par l'hebdo-madaire To Vima. « 30 % dessondés souhaitent que [leur]pays soit dirigé par "ungroupe d'experts et de tech-nocrates" », rapporte notreconfrère. « 22,7 % par un "di-rigeant puissant auquel parle-ment et élection ne puissentpas faire obstacle" pour ré-former le pays et moins d'unquart des sondés estime qu'ungouvernement élu démocrati-quement est capable de faireface à la crise. »

» PROGRESSISME

Malte rentre dans le rang.À l'occasion d'une consultationpopulaire organisée dimanchedernier, 52,67 % des votantsse sont prononcés en faveurde la légalisation du divorce.Une possibilité dont Euractivsignale qu'elle devrait être ré-servée, toutefois, « auxcouples mariés qui sont sépa-rés depuis quatre ans quand iln'y a pas de probabilités rai-sonnables de réconciliation etquand le bien-être des en-fants est assuré ».

» UTOPIE

Le Nouveau Centre reven-dique sa fidélité aux utopieseuropéistes. Son président,Hervé Morin, « préconise qu'ily ait le même jour une élec-tion sur une liste unique dansles vingt-sept pays » de l'UE,afin que se dégage au Parle-ment européen « une majo-rité politique » (Toute l'Eu-rope, 18/05/2011). Une pro-position inconséquente :outre les traditions propres àchaque État (on ne vote pasle même jour partout en Eu-rope), elle méconnaît l'éclate-ment politique de l'Union, oùl'opinion publique se formedans des espaces nationaux.Autrement dit, alors que leurconstitution se heurterait, detoute façon, à des obstaclesjuridiques, des listes uniquesne changeraient que partielle-ment la donne.

» SURENCHÈRE

Commentant, par ailleurs, lapolitique du chef de l'État,Hervé Morin lui reproche den'avoir « aucun projet d'Eu-rope fédérale » et de se can-tonner à de « l'intergouver-nemental ». « On discuteentre États et après il y a letampon européen », résumel'ancien ministre de la Dé-fense. Très répandue sur lesbancs du Parlement européen,cette analyse appelle quelquenuance : initié, par exemple,en marge de l'UE, l'espaceSchengen passa dans le gironcommunautaire quelques an-nées plus tard.

RemontranceseuropéennesTOUS LES MOIS, une pluie de remontrancesen provenance de Bruxelles s'abat sur les Étatsmembres de l'UE. Parmi les communiqués dif-fusés le 19 mai par la Commission européenne,six concernaient la France. Ainsi Paris est-il suspecté de ne pas avoir trans-posé une directive portant sur la gestion desdéchets. Ou de mettre en œuvre des projetsd'infrastructure sans procéder aux évaluationsnécessaires portant sur la sécurité routière.Il négligerait par ailleurs la qualité de l'air,alors que le taux de particules en suspensiondépasserait les valeurs limites dans seize zonesdu territoire national. Bruxelles pointe éga-lement les cagoules des sapeurs-pompiers,pour lesquelles Paris exige des conditions desécurité étrangères aux dispositions commu-

nautaire – au risque d'« entraîner une distor-sion sur le marché intérieur ». En outre, ilest reproché à la France de restreindre l'ac-cès à son marché du lait de brebis, du lait dechèvre et de leurs produits dérivés, et d'in-voquer à cet effet un prétexte fallacieux, lacrainte de la tremblante (l'équivalent, chezles ovins et les caprins, de la "maladie de lavache folle") étant jugée déplacée.

Fiscalité et "libre circulation"

La fiscalité n'est pas en reste. Elle se heurte,à nouveau, au principe de "libre circulation",dont on sait que l'acception européenne esttrès large. En cause : le code général des im-pôts, affectant d'une retenue à la source lesdividendes versés à l'étranger. « Du fait decette discrimination, les fonds de pension etd'investissement établis dans d'autres pays del'UE [...] sont désavantagés par rapport à leurscontreparties établies en France, et les clients

français risquent donc de bénéficier d'un choixde fonds de pension et d'investissement moinsimportant », soutient la Commission. L'annéedernière, la France aurait introduit de nou-velles dispositions en vertu desquelles les re-venus d'actions distribués aux organismes sansbut lucratif (y compris les fonds de pension),qu'ils soient ou non établis en France, seraientimposés au taux forfaitaire de 15 %. Toute-fois, relève Bruxelles, « il semble qu'en l'ab-sence de modalités d'exécution administra-tives plus détaillées, ces changements n'aientpas été appliqués dans la pratique ».Enfin, la profession de notaire pourra désor-mais être exercée par des ressortissants étran-gers. Ainsi en a décidé la Cour de Justice del'Union européenne le 24 mai, au motif quecette activité ne relève pas, selon son inter-prétation, de « l'exercice de l'autorité pu-blique ». Le cas échéant, l'Union européenneconsent tout de même à s'accommoder dequelque préférence nationale. n G.D.

Bart De Weverfustige les excuses

portant sur le passsé...

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restant perplexes. Un sondagepost-électoral a apporté quelquesrais de lumière sur cette ques-tion. La motivation principale n'apas du tout été celle d'une vaguegauchisante, mais un ras-le-bolgénéralisé vis-à-vis des partis enplace à Ottawa, ce qui incluait leBQ, malheureusement pour lui.Le NPD, quatrième parti dans lalégislature précédente, rappelons-le, est apparu comme une éven-

tuelle bouffée d'air frais. La pos-sibilité d'empêcher le PCC d'êtremajoritaire a pu jouer également,même si ceci s'est révélé un mau-vais pari. Certains Québécois ontpu aussi ne pas vouloir mettretous leurs œufs dans le même pa-nier, envisageant le succès du Partiquébécois au niveau du gouver-nement du Québec lors des pro-chaines élections.

Des Incidents cocassesCette élection a été émaillée d'in-cidents cocasses, presque tous re-liés au NPD et à son chef. Celui-ci a fait l'objet d'une révélation(d'ailleurs à la limite de la léga-lité), comme quoi la police l'au-rait averti qu'il avait fréquentéun salon de massage de réputa-tion douteuse à Toronto en 1996.M. Layton avait soutenu à cetteoccasion qu'il ignorait que l'éta-blissement était soupçonné d'êtreutilisé à des fins illégales. Soit,mais, comme disait Géronte dansLes Fourberies de Scapin, quediable allait-il faire dans cette ga-lère ? Par ailleurs, comme cela seproduit souvent quand un partibénéficie d'un raz-de-marée dansune région où il n'est pas très im-planté, certains candidats élus sesont révélés être ce que l'on ap-pelle en jargon syndical local despoteaux, c'est-à-dire des sympa-thisants peu engagés dans la ma-chine et qui ne s'attendent pas àêtre impliqués dans des actionsconcrètes, continues et détaillées.L'une de ces candidates était, no-tamment, en vacances à Las Ve-gas pendant la campagne électo-rale et quelques jours encoreaprès le vote ! C'est donc au Canada, et au Qué-bec en particulier, une situationpolitique toute nouvelle qui s'ins-taure. Le Parti conservateur auradésormais les coudées francheset ne sera modéré que par le Nou-veau parti démocratique qui sera,quant à lui, tiraillé entre son ailequébécoise envahissante et sa cul-ture antérieure anglo-saxonne etfédéraliste, peut-être encore as-sez présente dans les organes dumouvement. n

Henri Rallon

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Monde

Après quelques années mou-vementées, la situationvient de se clarifier au Ca-

nada au début du mois de mai :le Parti conservateur du Canada(PCC) a remporté les élections etpeut maintenant former un gou-vernement majoritaire. Ces élec-tions avaient été déclenchéessuite au vote d'une motion de dé-fiance à l'encontre du gouverne-ment minoritaire conservateur di-rigé par M. Stephen Harper. Le-quel avait eu la vie longue,presque trois ans.

Tsunami au Québec

Ce qui est surprenant, c'est queStephen Harper l'a emporté enn'obtenant que six sièges au Qué-bec. C'est le vote ontarien qui afait la différence, les conserva-teurs y ayant fait une percée no-table face au Parti libéral du Ca-nada (PLC). L'autre fait le plussaisissant a été le raz-de-maréeen faveur du Nouveau Parti dé-mocratique (NPD), de gauche, quipropulsé au rang d'opposition of-ficielle, lui qui n'était que le qua-trième parti en chambre lors dela législature précédente. Il fautdire que ce succès a été rendupossible par un "tsunami" au Qué-bec, où le Bloc québécois (BQ) afrôlé l'élimination totale passantde quarante-neuf députés àquatre seulement. Plus de la moi-tié de la députation NPD, partifédéraliste, est donc constituéede députés québécois. Au niveau pan-canadien, la ré-sultante de cette élection estdouble. Tout d'abord, le nouveaugouvernement est maintenant ma-joritaire et pourra plus ou moinsimposer ses politiques de droiteconservatrice avec ses bons et sesmauvais côtés : défense de la"morale" (mais peut-être rien surla question de l'avortement, si cen'est quelques mesures de frei-nage indirect), libéralisation dela détention d'armes à feu, sou-tien sans faille aux gouvernementsaméricain et israélien, souplesse(laisser-aller, diraient certains)dans le domaine de l'environne-ment, restrictions au financementpublic des partis, ou même sup-pression de celui-ci. Par ailleursle clivage à la Chambre des com-munes est plus strictement droite-gauche qu'auparavant, l'opposi-tion officielle étant constituéepar le NPD, parti de gauche unpeu plus idéologique que ne l'étaitle PLC, en quelque sorte centriste.Malgré tout, compte tenu dela déconfiture du PLC, certainsmembres de ce parti envisagentune fusion avec le NPD pour "sau-ver les meubles". Ceci aurait peut-être ravi le NPD il n'y a pas si long-temps, mais actuellement ? Au niveau québécois, la situationn'est pas particulièrement ré-jouissante : un parti fédéraliste

de culture jusqu'ici très "anglo",le NPD, a laminé le BQ qui, s'iln'œuvrait pas spécifiquement pourl'indépendance du Québec, dé-fendait tout de même mordicusles intérêts de "la belle province".Bien sûr, le chef du NPD a déclarépendant la campagne électoralequ'il soutiendrait les intérêts qué-bécois, mais promesse électoralene coûte pas chère...

Déchaînement

Plus inquiétant encore, certainsau Canada anglais se déchaînentdepuis l'élection contre le Qué-bec, prétendant que les Québé-cois ont "abandonné" le souverai-nisme et qu'on peut maintenantles "mettre au pas", en réduisantnotamment leur importance à laChambre des communes par l'aug-mentation de la part de députésprovenant de l'Ouest canadien etde l'Ontario. Ces mêmes élé-ments, généralement conserva-teurs, promeuvent également lasuppression du financement pu-

blic des partis politiques, dontnous parlions plus haut, dans lebut d'éliminer complètement leBQ et de diminuer le NPD. Il y achez ces gens-là des tendancesdictatoriales manifestes.Heureusement, leur analyse n'estpas forcément très rigoureuse, carsi le BQ décide de continuer, ilpourra probablement compter surun soutien militant plus nombreuxet motivé que celui des "machines"des autres partis fédéralistes auQuébec (et singulièrement celledu PCC). Le NPD peut, quant à luicompter sur les forces syndicales,à tout le moins au Canada anglais.De plus, certains médias anglo-saxons craignent déjà que cetteélection, paradoxalement, ne ré-veille les ardeurs « séparatistes »puisque, si les choses ne bougentpas pour le Québec, il n'y auraplus l'excuse de dire : c'est parceque le BQ "bloque" la situation à Ottawa. Beaucoup d'encre a coulé pourtenter d'expliquer le vote des Qué-bécois, la plupart des analystes

o CANADA

Une élection bouleversante à OttawaJusque-là minoritaire, le gouvernement canadien dispose désormais d'une soutien d'une majorité. Mais au Québec le souverainisme peut sembler moribond. Un jugement à relativiser.

À lire et à offrirLivres reliés de Charles Maurras,Léon Daudet,Jacques Bainville

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Le vote des Québécois a laissé perplexes la plupart des analystes.

Château FrontenacQuébec

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L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2818 – Du 2 au 15 juin 2011 9 z

Monde

NETANYAHU

Une douche froide pour ObamaSEPTIÈME FACE À FACE entre le présidentObama et le Premier ministre israélien Ben-jamin Netanyahu en visite officielle et trèsprotocolaire aux États-Unis. Il s'est adresséau Congrès en séance plénière et a été ins-tallé au Blair House à proximité de la Mai-son-Blanche, l'hôtel Marigny de la capitaleaméricaine, habituellement réservé aux seulschefs d'État.Quelques heures après le discours du prési-dent américain (voir ci-dessus), où ce dernieravait déclaré timidement son soutien à lacréation d'un État palestinien, avec Jérusa-lem-Est pour capitale et retour aux frontièresde 1967 (avant la guerre des Six Jours), Ne-

tanyahu a courtoisement mais très fermementdit non à Barack Obama. Israël ne reviendrapas aux frontières de 1967, Jérusalem danssa totalité est la capitale éternelle de l'Étathébreu, donc les colonisations sauvages conti-nueront. Néanmoins, a-t-il proclamé, Israëlest prêt à « un compromis » avec le prési-dent Mahmoud Abbas, à condition que ce der-nier renonce à son récent accord de récon-ciliation avec le Hamas qui gouverne Gaza etle dénonce. Mais pourquoi Benjamin Neta-nyahu ne l'a-t-il pas fait ces dernières années,lorsque Mahmoud Abbas avait rompu avec leHamas après le coup de force de ce dernierdans la bande de Gaza, ce qui aurait sauvéla paix au Proche-Orient ? Curieusement, per-sonne ne lui pose la question.Netanyahu a été chaleureusement applaudipar l'ensemble du Congrès. Triomphalement,pourrait-on dire. Il sait que le président Obamane peut rien contre sa politique. L'impuissance

américaine devant la politique israélienne n'estpas d'aujourd'hui. Cherche-t-il à empêcher saréélection à la Maison Blanche ? Certains com-mentateurs américains l'ont écrit. En tout cas,de ce côté, sa politique extrémiste ne ren-contrera pas d'obstacle réel. Avec l'appui duCongrès, l'objectif de Benjamin Netanyahusemble désormais d'empêcher la reconnais-sance de l'État palestinien par l'assemblée gé-nérale des Nations Unies en septembre pro-chain. Il est probable que les États-Unis ne lavoteront pas. Mais ils n'ont pas le droit de vétoà l'assemblée générale. Si ce vote avait lieuet était positif, cela serait un sévère couppour l'État hébreu , Israël serait violé, oupresque, sur la scène internationale surtoutavec le "printemps arabe" et la montée isla-miste en Égypte et ailleurs. Voilà donc l'en-jeu principal et l'affaire à suivre au cours desprochaines semaines. La situation au Proche-Orient demeure toujours inquiétante. n P.N.

Le nouveau discours de BarackObama sur les révoltes arabeset le conflit palestinien était

destiné à flatter ce que le prési-dent croit être l'opinion arabe etcontribuer à l'apaisement entrePalestiniens et Israéliens. Bellesparoles en effet, reprises presquetextuellement dans la résolutionde la conférence de Deauville, as-sorties d'une promesse d'aide dequarante milliards de dollars « surplusieurs années » aux deux pays« précurseurs de la démocratisa-tion », la Tunisie et l'Égypte. Bellepromesse aussi qui risque de re-joindre celle donnée aux Haïtiensaprès le tremblement de terredont les malheureuses victimesattendent toujours la réalisation.

Ce que la presse internationalecommence à peine à évoquer, etque les chancelleries sont suppo-sées savoir mais taisent minu-tieusement, c'est que le désen-chantement et la grogne com-mencent à gagner l 'opinionpublique, tant en Tunisie qu'enÉgypte.

Élections reportées

Dans le premier pays, les élec-tions prévues pour le 20 juillet ontété reportées au mois de sep-tembre. Et peut-être à plus tard.Pour des raisons techniques, dit-on officiellement, notamment deslistes électorales à compléter. Enfait, les dirigeants actuels savent

ou pressentent que les électionspourraient amener à la victoired'El Nakda, section tunisienne desFrères musulmans, et la procla-mation d'une république islamiqueen Tunisie, donc la fin de tous lesacquis politiques et sociaux desTunisiens depuis des décennies.On sait que l'abstention sera mas-sive et les islamistes avec 10 ou15 % des voix sur la totalité desélecteurs inscrits seront à mêmede dominer la future assembléequi sera également constituante.Alors... Dans le pays, le chômage,le marasme économique, l'insé-curité, les règlements de compte,le désespoir dominent. Il y a àpeine un an, le FMI, alors dirigépar un "homme de gauche" (sic),

avait décerné à la Tunisie le bre-vet de la « meilleure » économieafricaine. Mais la croissance esttombée de 6 à 1 %, les touristesont disparu, les investisseurs plientbagage. C'est la démocratie. Et cen'est pas une promesse d'aide quiarrangera les choses.En Égypte, la situation est encoreplus inquiétante, car le pays estle plus grand du monde arabe. Àla crise économique, à l'insécu-rité dominante, à une politiqueagressive contre l'État hébreu quirisque de rallumer une crise dansle Sinaï, s'ajoute l'attitude du pouvoir envers la communautéchrétienne (10 à 12 % de la po-pulation). Les exactions, discri-minations et autres actes d'inti-midation ont repris. On massacreles chrétiens dans l'indifférencegénérale et le silence de la "com-munauté internationale". Dans cepays aussi, si les élections ontlieu, l'abstention massive d'unpeuple désenchanté peut amenerles Frères musulmans à une po-sition dominante et les islamistespourraient acquérir les clés dupouvoir.

Menace islamiste

À observer les faits, les ma-nœuvres, les connexions à peineoccultes, le jeu dangereux de cer-taines ONG et les déclarations an-géliques du président Obama, re-prises hélas par le G8, on estamené à poser une question. Levéritable objectif de l'adminis-tration actuelle des États-Unisn'est-il pas de favoriser l'arrivéeau pouvoir des islamistes qu'ilcroient "modérés" ? Il est incon-cevable de prétendre que l'igno-rance de certains décideurs àl'égard de la sociologie, de l'his-toire et des traditions des paysde la région soit à un tel degré.On brandit l'expérience turque,la réussite économique de cepays. On oublie que les paysarabes sont différents. Et onferme les yeux sur les aspects né-gatifs et si peu démocratiques decette expérience – le sort desKurdes, la délaïcisation rampante,les exactions à l'égard des chré-tiens... La réalité nous reviendraun jour en boomerang. « Straté-gie aveugle » comme écrivaitMaurice Druon il y a quelques an-nées, ou attitude délibérée. Ledébat est désormais ouvert. Ilnous concerne. n

Pascal Nari

o PRINTEMPS ARABE

Décrypter le jeu américainLes promesses de Barack Obama, lancées à la Tunisie et à l'Égypte, ont étéreprises par le G8 de Deauville. Salués pour leur "démocratisation", ces pays traversent pourtant une passe difficile...

» MÉDITERRANÉE

L'Union pour la Méditerranéedispose à nouveau d'un secré-taire général. Le 25 mai, Paris a salué « très chaleu-reusement » la nomination à ce poste du Marocain Youssef Amrani.

» TRIBUNAL

Commentant l'arrestation deRatko Mladic, Ban Ki-moon, lesecrétaire général des NationsUnies, a salué « un jour his-torique ». À cette occasion,Paris a exprimé « sonsoutien » au Tribunal pénalinternational pour l'ex-Yougo-slavie (TPIY), qui mènerait,selon le Quai d'Orsay, « uneœuvre essentielle [...] au ser-vice de la justice internatio-nale ». Alain Juppé souhaiteun transfert du prisonnier« aussi rapide que possible ».En attendant qu'il lui soit li-vré, le TPIY doit compteravec Vojislav Seselj, accuséd'« outrages » répétés à sonégard. L'ancien chef du Partiradical serbe s'obstinerait àdiffuser des renseignementsconfidentiels sur des témoinssous protection ayant témoi-gné lors de son procès.

» CONVOITISE

Outre la Grèce, l'Irlande et lePortugal, la Biélorussie estconfrontée à de graves dé-boires budgétaires. Mais c'estavec la Russie qu'il négocieson sauvetage. Laquelle nedevrait pas manquer d'impo-ser ses conditions... et profi-ter des privatisations qui luiseront imposées. « L'actif quiintéresse Moscou en premierlieu est le réseau de gazoducsBeltransgaz, dont Gazprom adéjà acquis 50 % du capitall'année dernière », rapporteEmmanuel Grynszpan dans LaTribune. « Beltransgaz ache-mine 20 % du gaz russe livré àl'Europe et représente à cetitre un intérêt stratégiquepour le monopole d'Étatrusse. Les autres actifs lesplus convoités sont les raffi-neries de pétrole, alimentéesessentiellement avec du brutrusse destiné à l'Europe. »

Benjamin Netanyahu en compagnie

du président Obama

Rendez-vous à la Maison Blanche

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Arts & Lettres

THÉÂTRE

Anouilh et le roi HenriA l'occasion du centenaire dela naissance de Jean Anouilh,l'Oratoire du Louvre aaccueilli une pièce peuconnue. Mise en scène parPaola Greco, le spectacleproposait une lecture del'assassinat du roi Henri IV àtravers le regard de LéonoraGaligaï, fille suivante deMarie de Médicis.

PRÉSIDÉE par ColombeAnouilh d'Harcourt, la Sociétédes Amis de Jean Anouilh adonné deux représentationsextraordinaires de ViveHenri IV ou la Galigaï, les 3et 4 mai derniers. Il ne s'est pas agi seulementde la pièce écrite par le dra-maturge, mais d'une « miseen scène audiovisuelle ou-vrant une porte sur l'histoirede la France au XVIIe siècle »telle que l'a vue Paola Greco.Cette œuvre prend ainsi unedimension tellurique : Galigaïva provoquer l'assassinat duroi et emporter l'action dansune suite de fins sanglanteset son propre supplice s'achè-vera dans l'horreur.Vive Henri IV ou la Galigaïprend certainement sa placedans le recueil des Piècesnoires pathétiques avec leJeu de massacre d'Ionesco.Entourée d'ombres et de lu-mières, de bruit et de fureur,la pièce nous fait entrevoir letremblant visage de l'assassinRavailllac : il est conduit parun clerc qui trahit son étatavec de bonnes intentions in-fernales. Le roi Henri, majes-tueux et amoureux affirme« sa volonté de bonheur ». Unde ses conseillers lui répondavec justesse : « Sire, vousêtes roi, et le bonheur cen'est pas votre métier. » Une seule restriction dansl'éloge général mérité parcette entreprise exception-nelle : la Galigaï n'a pas lalaideur que suppose son rôle,ni l'expression odieuse de sor-cière que l'on attendrait.Dans un entretien accordé audocteur Mahmoud Razzaghipour Les Dossiers de la Une,Jean Anouilh déclarait :« Dans les pièces pathétiquesnoires, j'ai honte : je ne memets pas dans la salle, jen'ose dire que c'est de moi. Etdans les pièces comiques on aenvie de dire que c'est de soi,on a envie de s'asseoir au mi-lieu du public, on estcontent... » q

Perceval

3 Mahmoud Razzaghi est l'au-teur d'une brillante thèse sur ladramaturgie de Jean Anouilhdans Roméo et Jeannette. Parailleurs, la Bibliothèque de laPléiade a publié deux volumesde pièces de Jean Anouilh.

Il vous reste jusqu'au 20 juinpour explorer l'étrange universd'Odilon Redon au Grand Pa-

lais. Depuis 1956 à l'Orangerie,aucune rétrospective ne lui avaitété consacrée à Paris. Celle-ci estd'une exceptionnelle ampleur. Ellerassemble quelque cent quatre-vingts peintures, pastels, fusainset dessins parmi lesquels plusieursinédits.

Inquiétude

C'est Thadée Natanson, dans laRevue Blanche en 1894, qui dé-cerne au peintre le titre de« prince du rêve », ce qui con-traste avec cet autoportrait de-meuré jusqu'ici inédit, accrochéaux cimaises du Grand Palais. Levisage, beau, empreint de dignité,laisse transparaître une inquié-tude suivie par les interrogationsde la vieillesse. Ce qui déconcerte,c'est la transversalité des appa-rences. Nous avons devant nousun bourgeois décoré de la Légiond'honneur, image même d'un no-table de la IIIe République promisaux certitudes tranquilles. Del'autre, un homme dont l'imagi-naire a été nourri de l'œuvre d'Ed-gar Poe traduit par Baudelaire.Edgar Poe auquel il rend hommagedans une série de lithographiesréunies en album. Elles figurentparmi les "noirs" d'Odilon Redon.Lorsqu'on nomme cette couleur,on songe à lui et, aujourd'hui, àSoulages, aussi éloignés soient-ilsdans le temps et quoique diffé-rents. Mais ce n'est peut-être pasun hasard de voir l'exposition duGrand Palais accueillie du 7 juilletau 16 octobre à Montpellier aumusée Fabre. On se souvient quepour sa réouverture, ce musée

prestigieux avait livré ses sallesrénovées à Soulages. Les voici of-fertes à Odilon Redon.

Entouré d'artistes

Si l'artiste occupe une place àpart, il est loin de s'isoler. Ses amissont peintres et musiciens, écri-vains aussi. Une grande amitié lelie à Mallarmé. Il rencontre Seu-rat et Signac. Il est introduit au-près du musicien Eugène Chaus-son. Il voyage. Se rend aux Pays-Bas et en Belgique. On en trouvetrace dans les vitrines du Grand

Palais, où sont exposés les fron-tispices ornant Les Chimères deJules Destrée, ce socialiste bar-résien célèbre pour sa lettre écriteen 1912 au roi Albert Ier – « Sire,il n'y a pas de Belges » – pour de-venir durant la Grande Guerre unministre patriote. Dans la mêmevitrine non loin des Chimères, cesont Les Flambeaux noirs d'ÉmileVerhaeren qu'illustre Odilon Re-don en 1891. Son œuvre est ja-lonnée d'albums, de planches, ren-dant hommage les unes à Goya,les autres à Flaubert comme LaTentation de saint Antoine.

La diversité des sujets auxquelss'intéresse l'artiste est grande. Lafin du XIXe siècle et le début duXXe coïncident avec un engage-ment pour l'étude de la nature etdes êtres qui l'animent. On verraainsi Maurice Maeterlinck, gan-dois, francophone des Flandres,Prix Nobel de littérature, écrireLa Vie des fourmis. Odilon Redon,lui, en artiste, non en savant,consacre une série de fusains àl'araignée. Il y a ainsi L'Araignéequi pleure, et L'Araignée sou-riante. Dans son œuvre, il y a les"noirs", ce "monde obscur de l'in-déterminé", mais on trouve éga-lement sur son chevalet une huileet peinture dorée sur papiercomme La Cellule d'or. Les exé-gètes de Redon voient dans cettetête en bleu cobalt sur fond d'orune transposition de la Vierge ren-voyant à une tradition médiévaleet byzantine. À l'âge de six ans,Odilon avait été voué à la Viergepour la remercier d'une "guérisonmiraculeuse".

Et soudain, la lumière

Il y a toute une série d'œuvres quin'appartiennent pas aux "noirs",mais dont les tonalités sont plussombres que lumineuses. Et sou-dain, d'un coup, on bascule dansla clarté, le soleil, la lumière quiéclabousse, irradie, apporte lajoie. Ce sont les fleurs, "fleurs derêve", dont Odilon Redon, dansde larges fresques lumineuses, dé-core la salle à manger du châteaude Domecy, propriété de son amiet mécène le baron Robert de Do-mecy. L'avouerais-je, ce n'est sansdoute pas l'Odilon Redon le plusoriginal et le plus étrange, maisc'est celui que je préfère. Peut-être l'apprécie-t-on d'autant plusqu'après avoir voyagé avec lui dansles ténèbres charbonneuses du fu-sain, il nous entraîne dans leséclats de soleil que sont les fleurset la lumière. « J'ai épousé la cou-leur, depuis, il m'est difficile dem'en passer » écrit-il à MauriceFabre. Nous aussi, nous ne nousen passons plus. n

Charles-Henri Brignac

o EXPOSITION

Odilon Redon, prince du rêveDe l'époque angoissée des Noirs, jusqu'à la profusion colorée des dernièresœuvres, le Grand Palais convie ses visiteurs à un parcours chronologique pour(re)découvrir Odilon Redon (1840-1916), une figure de l'art moderne.

CINÉMA

Les films de juino Monsieur Papa – Père malgrélui ! Ex-directeur financier au chô-mage, Robert Pique, Kad Merad,habite une tour du quartier chi-nois du 13e arrondissement de Pa-ris. Là, entre deux séances d'en-traînement de rugby pour lesjeunes du quartier, il s'est recon-verti en "Mozart" du repassage desvêtements de ses voisins etcherche du boulot. Un beau jour, une femme d'en-treprise de BTP, débordée, Mi-chèle Laroque, lui propose un "tra-vail" plus surprenant qu'un bao-bab sur la calotte glaciaire : jouerle rôle du père aventurier (qu'ellea inventé) que son fils Marius,Gaspard Meier-Chaurand, n'a ja-mais connu. But de ce mensonge :rendre le sourire à son jeune fils.Après hésitation, Robert délaissesa centrale vapeur et accepte le

rôle. Commence un jeu de dupesoù celui que l'on croyait prendren'est pas si dupe que ça et aucours duquel les liens de faux-père-fils vont devenir des attachespour la vie... Pour sa première réalisation KadMerad joue la carte du tendre etdu cœur, et nous sert un joli "pe-tit" film plein d'émotion, non sanshumour, servi notamment par ungamin épatant. En salle le 1er juin.

o London Boulevard – BodyGuard ! Tout juste sorti de pri-son, mais rattrapé par ses ancienscomplices voyous sur les bords,Michael, Collin Farrell, a du malà rompre avec son passé. Lors-qu'il est embauché comme "agentde sécurité" pour protéger la vieprivée de Charlotte, Keira Knight-ley, star de cinéma traquée parles paparazzi, il espère reprendrele droit chemin. Alors que lesdeux se rapprochent intimementet envisagent même ensemble dequitter le fog londonien pour unenouvelle vie à Los Angeles, le des-

tin est en embuscade. Un destinqui a pour nom Gant, Ray Wins-tone, puissant parrain de la pègrequi voit en Michael un atout pré-cieux pour ses mauvais coups,mais aussi le visage d'un "jeune"ado "filleul" et protégé de Gant,qui a massacré un vieux clochardet ami de Michael...

En portant à l'écran le roman deKen Bruel, William Monohan signeun polar noir percutant. Un coupde cœur pour un film coup de

poing qui change de la produc-tion calibrée "blockbuster" du mo-ment. En salle le 8 juin.

o Kung Fu Panda 2 (3D) – Un filmd'animation plein d'humour et augraphisme splendide de JenniferYuh Nelson. Avec les voix en VOde Jack Black, Angelina Jolie, Dus-tin Hoffman, Lucy Liu, J.C. VanDamme, Gary Oldman, et en VFcelles de Manu Payet, Pierre Ar-diti, Marie Gillain, Tomer Sisley.Po, le panda devenu le GuerrierDragon, protège, avec ses amisles Cinq Cyclones, la vallée de laPaix. Une vallée menacée par unambitieux et tyrannique pan, leseigneur Shen, qui, de la poudrede feu d'artifice, a fait de lapoudre à canon pour conquérir laChine et anéantir le kung fu. Unseigneur responsable de la mortdes parents d'un Po qui se chercheet se penche sur son passé. Dugrand spectacle animé pour pe-tits et grands. En salle le 15 juin.

Alain Waelkens

L'Araignée sourianteFusain, estompe,

traces de gommage, grattage et fixatif

sur papier velin chamois 1881

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Arts & Lettres

L'attitude de Charles X enjuillet 1830 provoque ahu-rissement et malaise : par

quelle aberration ce prince, moinssot qu'il est de bon ton de le pré-tendre, se jeta-t-il dans l'affairedes ordonnances quand lui man-quait l'appui d'une armée dont lestroupes assuraient la conquête al-gérienne ? Comment déclencha-t-il une révolution que toutes lesfactions s'entendaient à éviter,tant le spectre de 93 hantait lesesprits ? Comment se laissa-t-ilpersuader d'abdiquer alors querien n'était perdu ?

Incompréhension

L'incompréhension perdure, et lesentiment que le roi en avait as-sez d'une couronne trop lourde,d'un royaume qu'il ne comprenaitplus... Seul ou presque, il déter-mina l'accomplissement d'un dé-sastre que personne n'appelait deses vœux. Car, à l'évidence, la stu-peur, l'inquiétude, le désarroi l'em-portèrent de beaucoup, cet été-là, sur la satisfaction de voir tom-ber la branche aînée des Bourbons.La fabrication du mythe des TroisGlorieuses vint après, justifica-tion a posteriori d'un mouvementimprovisé qui n'aurait jamais dûaboutir. Quant au déroulementexact de ces 27, 28 et 29 juillet,il est, aujourd'hui, totalement ou-blié, sinon des spécialistes. C'estle mérite du livre de Michel Ber-nard Cartron, Juillet 1830, ladeuxième révolution française,d'en rappeler le déroulementexact, en partant du début decette année qui s'annonçait pai-sible et ordinaire, puis l'enchaî-nement invraisemblable, la mon-tée en puissance, typique d'uneémeute populaire récupérée pardes oppositions qui n'avaient rienvu venir.Or, personne, parmi ces oppo-sants, ne voulait revivre les ex-cès révolutionnaires dont la ré-publique paraissait synonyme.Cela amena le consensus autourde Louis-Philippe, unique recourssusceptible de canaliser les vio-lences. Cela fait du duc d'Orléansnon l'agent de la révolution maisson contraire, évidence que lagauche, pour l'avoir comprise, nepardonna pas au roi des Français,tandis que les légitimistes, fautede l'avoir comprise, en faisaientun factieux usurpateur. Ce rejetdes deux bords habite le récit cir-constancié, appuyé sur les té-moignages des contemporains, deMichel Bernard Cartron. La mo-narchie de juillet n'en vint jamaisà bout. Et c'est dommage.Les dernières biographies deLouis-Philippe ont, certes, mar-qué un progrès dans la connais-sance du prince et du roi, sans luirendre justice. Guy Antonetti, au-teur d'une somme monumentalequi fait autorité, ne l'aime pas.

L'Anglais Munro Price, s'il appré-cie l'œuvre, veut tout réduire àune adaptation française du mo-dèle britannique et tient MadameAdélaïde pour la tête pensantequi dictait ses décisions à sonfrère, ce qui se révèle exagéré.Manquait à cette galerie un por-trait qui ne fut pas à charge, nicoupé des réalités françaises etde passions encore brûlantes.

Talent et justice

Arnaud Teyssier, auquel l'on doitdéjà une très brillante étude, LesEnfants de Louis-Philippe et laFrance (Pygmalion), le brosse avecautant de sérieux que d'aisance,de talent que de justice. Le ducd'Orléans qu'il peint dans ces pagesest, certes, le fils de Philippe Éga-lité, et le biographe souligne com-bien le malheureux prince en souf-frit, lui qui aimait son père, necomprenait pas la faiblesse quil'avait conduit à voter la mort deLouis XVI, et se sentait respon-sable de son exécution, pour avoirsuivi Dumouriez, mais il tient sur-tout d'autres ascendants, plus ta-lentueux, plus vertueux, qui luiavaient transmis intelligence,amour du travail, goût de la fi-délité conjugale et de la pater-nité. Les auteurs légitimistes ontvoulu voir dans le prince qui re-gagna en 1816 le Palais Royal encompagnie de Marie-Amélie deBourbon-Siciles, nièce de Marie-Antoinette, exhibant sa splendideprogéniture face à la déshérencede la branche aînée, un fourbehypocrite jouant la comédie, fai-sant la chattemite, conspirant paren dessous pour refaire sa fortuneet s'emparer du pouvoir. À l'étude

des faits, à travers les écrits in-times de Louis-Philippe, d'abon-dance utilisés, ce vilain person-nage ne tient pas. Le duc d'Or-léans est ce qu'il est, en toutesincérité, c'est cela qui lui serareproché, comme un refus de com-mettre les mêmes erreurs que sescousins. Quand il « ramasse lacouronne », ainsi qu'il le dit, cen'est pas l'aboutissement d'unelongue tactique, mais la décision,impromptue, de saisir l'occasion,moins par esprit de revanche quepar conscience aiguë du bien dela France, et des désastres où ellese précipite s'il n'y pallie. Le sa-crifice lui coûta davantage qu'onle prétend. Arnaud Teyssier analyse, com-prend, admire souvent, sanss'aveugler sur les limites des pos-sibilités laissées au roi des Fran-çais. Pourtant, dix-huit années,louvoyant entre les extrêmes,Louis-Philippe maintiendra la paixcivile, oeuvrera à la prospérité gé-nérale, et parviendra même àconserver à la France sa place surl'échiquier international. Bilandigne de respect, mais obstiné-ment refusé par la postérité :cette solidité de reconstructeurprudent, habile, aimant manquaitde clinquant …Curieusement, Gabriel de Broglie,qui dresse lui aussi, dans uneétude serrée de la Monarchie deJuillet, un inventaire impression-nant des réussites du règne,conclut pourtant à la non viabi-lité du projet. Selon lui, l'expé-rience Orléans correspondait à cequ'il eût fallu faire en 1789 et quieût tout sauvé ; la tentative se-rait venue trop tard en 1814 ; en1830, elle était dépassée, vouée

à l'échec final, ne serait-ce qu'enraison de l'âge de Louis-Philippequi, à cinquante-sept ans, n'étaitplus en phase avec les jeunes gé-nérations. La mort tragique duPrince Royal interdit cet ultimerecours. La tentative était « ana-chronique ». L'on n'est pas forcé,à la lecture de ce passionnant ou-vrage, de partager ce point devue pessimiste, et de conclure lacause perdue d'avance.

Tout était possible

En abordant tour à tour étude desévénements, caractère du roi etdes siens, mentalités du person-nel politique, forces en présence,opinion, presse, jeunesse, écri-vains, artistes, paysannerie etmonde ouvrier, en mettant en évi-dence les efforts accomplis pourse rallier ces diverses compo-santes de la société française,M. de Broglie donne plutôt l'im-pression, sans doute fondée, quetout était possible et que rare-ment chances plus réelles s'offri-rent à la France de s'épargner lespérils de ses errances politiquessuccessives... Tel quel, le livre,véritable précis de la période, estune réhabilitation argumentée,appuyée sur les témoins contem-porains, de l'œuvre et de la per-sonnalité d'un souverain qui nemérite pas les caricatures qui lepoursuivent.Caricatures qui, au demeurant,n'ont pas épargné la branche aî-née et continuent de prospérer.La biographie que Laure Hillerinconsacre à la duchesse de Berry,l'oiseau rebelle des Bourbons, enest un bon exemple. C'est unemode appréciée de la presse fé-

minine de relire les destins royauxà l'aune des façons d'être ac-tuelles. Après Marie-Antoinetteannonciatrice de Lady Di de So-fia Coppola, voici Marie-Carolinede Bourbon-Siciles vivant sesrêves, ses fantaisies, ses capriceset sa sexualité quitte à choquertoute l'Europe bien-pensante, enprécurseur des libertés de lafemme... Il faut hélas admettreque la petite personne se prêtemieux à cette interprétation quesa grand-tante. Marie-Carolinepossédait un caractère fantasqueet capricieux qu'il ne faut pas im-puter aux manières de la cour na-politaine, malgré ses extrava-gances, mais à son tempérament.Ses façons d'enfant gâtée, tolé-rables tant qu'elles furent impu-tables à la prime jeunesse, de-vinrent moins supportables quandle veuvage et les responsabilités,trop précoces, l'obligèrent à as-sumer ses responsabilités de mèrede l'héritier du trône. Le malheurde la duchesse de Berry, et, par-tant, celui de ses partisans, futd'avoir voulu incarner la légiti-mité royale, ce qui était son droit,sans accepter les rudes con-traintes du rôle.

Sans délicatesse

Laure Hillerin, qui n'a pas les dé-licatesses ordinaires des bio-graphes de la princesse, ni leurspudeurs, n'hésite pas à lui attri-buer, avant la malencontreusenaissance de Blaye, deux autresgrossesses indésirables, dont ellene précise pas comment elless'achevèrent... Veuve à vingt-et-un ans, Caroline était certes ex-cusable de n'avoir pas renoncé àplaire mais il y a, dans les petitscalculs entourant ses amourettes,un aspect peu flatteur qui corro-bore le mot féroce prêté à Cha-teaubriand : « Comment voulez-vous que je vous dise de qui estl'enfant de Madame la duchessede Berry ?! Elle-même ne le saitpas ! » Qu'il n'était pas du princeLucchesi Palli, c'est un secret dePolichinelle, que la biographe en-tretient habilement, avant de pro-poser le nom d'un père putatif.Ces histoires d'alcôve, qui se ter-mineront le plus bourgeoisementdu monde par le remariage ita-lien et les enfants qui en naîtront,éclipsent, dans ce récit, la di-mension dynastique, politique, dela question. Or, c'est ce qui im-porte, avec l'affreux discrédit jetésur la Cause, et sur Henri V. Desfidèles, idéalistes, se firent tuerpour cela, qui dépasse, et de siloin, les velléités d'indépendanced'une petite femme pleine d'al-lant et de courage, mais qui nesut pas s'élever à la hauteur dupersonnage qu'elle avait voulu en-dosser. Il y a, dans ce cocufiagedes purs et des meilleurs, si lour-dement souligné ici, un côté sor-dide difficile à pardonner... n

Anne Bernet

3 Michel Bernard Cartron : Juillet1830, la deuxième révolution fran-çaise, Artena, 385 p., 29 s.3 Arnaud Teyssier : Louis-Philippe,Perrin, 450 p., 23 s.3 Gabriel de Broglie : La Monarchiede Juillet, Fayard, 450 p., 26 s.3 Laure Hillerin : La Duchesse deBerry, Flammarion, 540 p., 25 s.

o LIVRES

Les derniers rois possibles ?La période 1830-1848 suscite un regain d'intérêt. Cependant, les réactions qu'elle suscite continuent d'être contrastées.Revue de quelques ouvrages.

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Histoire

Réagissant à chaud dans notredernier numéro sur les ga-l ipettes de Dominique

Strauss-Kahn dans un hôtel de luxenew yorkais, nous avons comparéle richissime directeur du Fondsmonétaire international au roiHenri IV, lui aussi grand séducteurdevant l'éternel, et nous avonsmontré que le cœur tumultueuxde quelques-uns de nos rois n'avaitjamais chamboulé le fonctionne-ment des institutions parce quela personne royale s'inscrivait danstoute une tradition, dans une li-gnée, dans une continuité qui li-mitaient considérablement lesconséquences de leurs faiblessesindividuelles.

Les innombrablesmaîtresses du roi HenriEst-ce à dire qu'ils pouvaient sepermettre absolument n'importequoi ? À défaut des hommes, Dieusavait les protéger, même contreeux-mêmes. Nous retrouvons au-jourd'hui Henri IV, dont tout lemonde connaît le nom des in-nombrables maîtresses : Gabrielled'Estrées, Henriette d'Entragues,Jacqueline de Bueil, Charlotte desEssarts, Mme de Sauve, Mlle de Fos-seuse, la comtesse de Graumont(la belle Corisande), Marie de laBourdaisiere, pour nous en teniraux plus célèbres.La plus grande audace du roiconsista à tenter de séduire latoute jeune et toute fraîche Char-lotte de Montmorency, âgée d'àpeine quatorze ans, quand le vieuxbarbon qu ' i l était devenu àsoixante-six ans tomba amoureuxd'elle en la voyant répéter un bal-let à la Cour. Entrée au service dela reine de France Marie de Mé-dicis en 1609, elle était alors fian-cée avec le marquis de Bassom-pierre. Le roi lui fit aussitôtrompre ses fiançailles pour la ma-

rier à un prince du sang, son ne-veu Henri de Bourbon Condé, ré-puté porté plutôt vers les hommes,donc certainement peu regardantsur la conduite de son épouse. Leroi, pour une fois, s'était trompé :Henri de Bourbon Condé fut ja-loux et réellement amoureux desa femme. Il quitta la Cour avecelle pour fuir en province. Le roiles suivit et tenta d'approcher sabelle par les subterfuges les plusfous et sous divers déguisements,jusqu'au moment où Henri deBourbon Condé emmena sonépouse à Bruxelles pour la placersous la protection de l'Espagne,alors en guerre contre la France.« Il la voulait ravoir et la raurait,personne ne le pourrait empê-cher » disait-on.C'est à ce moment qu'intervint laguerre de succession des duchésde Clèves et de Juliers. Henri IVvoulut porter secours à l'électeurde Brandebourg et au comte pa-latin de Neubourg qui, pour pos-séder ces duchés, se dressaientcontre l'empereur catholique Ro-dolphe II. Le plan du Vert Galantétait en fait de se donner l'occa-sion d'effectuer un crochet parles Pays-Bas espagnols où il es-pérait "libérer" sa Charlotte, enl'enlevant...

Une guerre insensée

Cette guerre dont le prétexten'était pas des plus beaux risquaitde braquer contre le Vert Galantle pape et tous les États catho-liques, mais aussi une grande partde l'opinion publique française,donc de remettre en cause la paixcivile obtenue difficilement parl'Édit de Nantes. Le risque étaitmême d'embraser l'Europe entièreet de ruiner ce qu'un sens inné del'équilibre européen avait dicté auroi : le maintien de l'alliance avecla Turquie tissée jadis par Fran-

çois Ier, tout en gardant l'amitiédu pape afin de contenir l'empiregermanique qui ne rêvait que dedominer l 'Europe. En outre,Henri IV avait fait part à Sully deson grand dessein d'une Europed'où serait écartée toute hégé-monie, celle des Habsbourg, biensûr, mais aussi celle des autres,une Europe où la France, héritièred'une grande histoire, serait as-sez forte et solide pour redeve-nir, sans esprit de conquête, unexemple pour tous les autres pays,du sens de la mesure et du sensde l'humain...

La main de Dieu

« Nous sommes à la veille d'unerupture qui pourra mettre le feuaux quatre coins de la Chré-tienté », disait alors un observa-teur. Voilà le gâchis que risquaitde provoquer Henri IV pour sonmalheur et celui du royaume àcause des trop beaux yeux deCharlotte, que la situation sem-blait amuser follement. Le cou-teau de Ravaillac, le 14 mai 1610,en décida autrement. Et l'on peutvoir une intervention de Dieu danscet arrêt brutal d'une action quiallait porter un coup peut-êtremortel au royaume de France, eten tout cas, à l'image du roi Henridans la postérité.... Dieu n'avait-il pas promis à saint Remi la veilledu baptême de Clovis que leroyaume durerait « jusqu'à la findes temps » ? « Il sera victorieuxet prospère tant qu'il sera fidèleà la foi romaine. Mais il sera du-rement châtié toutes les fois qu'ilsera infidèle à sa vocation. » Do-minique Strauss-Kahn, qui n'estqu'un politicien laïc de bas étage,ne bénéficie évidemment pas deprotections divines contre sespropres débordements. n

Michel Fromentoux

o HENRI IV

Au risque de la FranceEn 1610, le Vert Galant semblait décidé à embraser l'Europe entière pourenlever une femme dont il était tombé amoureux. Mais à la différence de Dominique Strauss-Kahn, il fut assassiné... DU 13 MAI 1981, anniversaire

de la première apparition de laVierge à Fatima, jour où lepape Jean-Paul II échappa mi-raculeusement à une tentatived'assassinat commandité par lemonde communiste, au 25 dé-cembre 1991, qui vit la dissolu-tion de l'URSS et la disparitionde tous les drapeaux rougesdes bâtiments officiels, lemonde – principalement l'Eu-rope – vécut dix années deprières et d'espérance pourcertains, d'insouciance pourd'autres (les lâches !). Alors que la répression se dur-cissait pour maintenir en vie unsystème de barbarie totalitairecontre Dieu et contre l'homme,des combattants se sont dres-sés pour la défense de leurs li-bertés, du Français Alain Escof-fier s'immolant le 10 février1977 devant le siège parisiende l'Aeroflot pour « réveillerl'Occident », au père Jerzy Po-pieluszko, aumônier et porte-parole des ouvriers des aciériesde Huta Warszawa atrocementtorturé, le corps jeté à la Vis-tule, le 19 octobre 1984, enpassant par ceux qui résistè-rent héroïquement dans lesderniers et non moins terriblesgoulags, montèrent dans cesmoments décisifs des cœursfrançais solidaires des martyrs,tant de prières à Notre-Damede Czestochowa, de Kazan, deCompostelle, de Chartres, deFatima et de Moscou ! Ce sont ces chants qui firentcraquer la glace. Nul mieux quele Chœur Montjoie Saint Denis

ne pouvait s'en faire l'écho dansun disque magnifique où vibretant de courage et tant de foi,toujours soutenus par les pro-messes de la Vierge Marie (À lafin mon Cœur Immaculé triom-phera...) et de Saint Michel Ar-change, le vainqueur du dé-mon. Les combattants d'Indo-chine ne sont pas oubliés, euxqui, cinquante ans plus tôt, fi-rent face au même ennemi. Ceschants de prière et de combats,composés et adaptés parJacques Arnould, ne sont jamaistristes, emportés par une espé-rance à renverser les mon-tagnes avec toujours en écholes Partisans blancs tant aimésde Serge de Beketch. Nousavons particulièrement appré-cié Europe libère-toi, un appelà l'Occident à ne pas se laissergagner par la pourriture du ma-térialisme. Toujours d'une bru-lante actualité... q M.F.

* Chœur Montjoie Saint Denis :Chants de liberté pour le 20e an-niversaire de la fin de l'URSS, ac-compagnés d'un très beau livretavec les paroles des chants et desnotices très précieuses. Se pro-curer ce CD à SDCMSD, 226 ave-nue Daumesnil, 75012 Paris(20 euros + 3 euros de port).

CD

Pour la fin de l'URSSCélébrant les vingt ans de la chute de l'empire soviétique, le Chœur Montjoie Saint Denis entonne des chants de prière et de combats, emportés par une espérance à renverser les montagnes.

Bal à la cour d'Henri IV, peinture sur bois par Louis de Caulery, vers 1610

REIMS

Les 800 ans de la cathédraleSPECTACLES, concerts, confé-rences et autres manifestationssont prévus, jusqu'au dimanche23 octobre, date de la messeanniversaire de la dédicace dela cathédrale de Reims. La soi-rée inaugurale des festivités aeu lieu le 6 mai dernier. Aprèsun mot de bienvenue de l'ar-chevêque Mgr Thierry Jordan, leTe Deum de Marc-AntoineCharpentier a été exécuté parla maîtrise de la cathédrale.Mgr le comte de Paris, duc deFrance, et son épouse étaientau nombre des 2 600 invités. Iln'a pas manqué de dire sonémotion de se retrouver dansce lieu où vingt-cinq rois deFrance ont été sacrés et dansce palais de Tau où ils se sontrecueillis dans le jeûne et laprière la nuit précédant la cé-rémonie. Un spectacle de poly-chromie a été projeté sur lafaçade de la cathédrale, tra-

vail élégant qui met en lu-mière la cathédrale et animela statuaire (2 303 person-nages, dont cinquante-six roisde France) rétablissant les cou-leurs d'origine dans leursmoindres détails.La construction de la cathé-drale, commencée par le che-vet, s'étendit durant tout leXIIIe siècle, mais les travauxs'arrêtèrent en 1516 sans qu'onn'ait pu élever les flèches pré-vues. Lors de la PremièreGuerre mondiale, la cathédralebombardée par les Allemands,fut presque totalement dé-truite. L'édifice fut alors res-tauré sous la direction d´HenriDeneux, natif de Reims et ar-chitecte en chef des Monu-ments historiques. Il releva lacathédrale de ses ruines et ladota d'une charpente en bétonarmé, soutenant la toiture enplomb rétablie. q M.F.

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Idées

La redécouverte de l'Antiquité,à la Renaissance, est un mou-vement que le XIXe siècle a

nommé l'humanisme. Celui-ci re-lève aujourd'hui d'une catégoriehistoriographique autant que d'unemanière d'appréhender la réalité.Préconisant une fréquentation as-sidue des auteurs classiques, il aperduré, de Voltaire, Diderot ouKant jusqu'à Marc Fumaroli, PierreBourdieu ou Albert Jacquard, enpassant par Auguste Comte, KarlMarx ou Pierre-Joseph Proudhon.

Un caméléon maléable

L'idée de dignité humaine est pri-mordiale dans l'humanisme de laRenaissance. À la fin du XVe siècle,elle fut énoncée, notamment, parJean Pic de la Mirandole. Plaçantl'homme au centre de la Création,il en faisait un être à la natureindéterminée, capable de prendren'importe quelle forme au coursde son existence : « Qui n'admi-rerait ce caméléon que noussommes ? » Les traités fleurirentpour déterminer la forme que touthomme devrait prendre. « On nenaît pas homme, on le devient »,clamait Érasme. En 1960, PhilippeAriès a souligné que l'enfant étaitune figure centrale de la Renais-sance. Il était appelé à se formeraussi bien dans son âme que dansson corps, comme le décrivit Ra-belais dans Gargantua. On décèleles germes des théories pédago-gistes du XXe siècle : oppositionà l'apprentissage par cœur, à lacopie, adaptation du maître à l'en-fant et non de l'enfant au maître.L'idéal restait néanmoins celuid'une humanisation de l'enfantpassant par l'acquisition du lan-gage, la fréquentation des autres,l'amitié et surtout la lecture desauteurs classiques et la médita-tion de leurs leçons.Mais la conception d'un hommesans forme s'avère dangereuse. Di-verses utopies se proposèrent, àla Renaissance, d'éduquer un« homme nouveau ». Les dysto-pies, la Révolution française et lestotalitarismes du XXe siècle nousont montré les apories de cetteidéologie, exagérant la pédagogiehumaniste en faisant table rasedes traditions. Postulant la radi-cale liberté de l'homme et sa capacité à se créer et à se faire(« l'existence précède l'essence »),l'existentialisme sartrien s'est ré-féré lui aussi à l'humanisme.Celui-ci subit un infléchissementmajeur au XIXe siècle, devenantexclusif et excessif : ce qui esthumain n'a besoin que de lui-même. L'humanisme de la Re-naissance prenait sa source dansle christianisme et Dieu restait unprincipe d'explication et d'organi-sation essentiel. Mais des penseurscomme Ludwig Feuerbach conçur-rent l'humanisme comme une né-gation de la théologie : « L'hommeest un dieu pour l'homme. »

Proudhon définit l'humanismecomme un athéisme et Prométhéedevint pour Marx le premier saintdu calendrier philosophique. PourErnest Renan et Auguste Comte,l'humanisme apparut comme laphilosophie de l'avenir, celle d'unmonde sans dieu témoignant dela toute-puissance des hommes.La révolution industrielle réalisaitle rêve cartésien d'un homme« maître et possesseur de la na-ture ». L'hubris s'accentua avecJulian Huxley dans les années1850. Le frère d'Aldous Huxleypensait que l'homme pouvait setranscender par ses propresmoyens : ce fut la naissance dutranshumanisme, donnant un pou-voir illimité à la science, garantedu progrès dans une vision téléo-logique de l'histoire.

Crise de confiance

Il fallut attendre la SecondeGuerre mondiale pour qu'uneréelle opposition à ce courant s'ac-centue. Une crise de confiancesurgit vis-à-vis de la raison, duprogrès et de l'homme. Martin Hei-degger, par exemple, décentral'homme par rapport à la positiondominante qu'il occupait aupara-vant. Il s'agissait pour lui d'écou-ter le monde, et non plus de luifaire violence. Le biologisteJacques Monos participa égale-ment à la critique de l'huma-nisme : si l'homme est né d'unesérie de hasards, comment lui don-ner une dignité ? Dans un articlepublié en 2004, Francis Fukuyamadénonça quant à lui l'humanismeexclusif comme un spécisme etl'idée la plus dangereuse qui soit.Quel humanisme défendre au-jourd'hui ? Faut-il d'ailleurs en-core se revendiquer de l'huma-nisme ? La question qui devraitêtre posée est celle du rapport autemps. L'humanisme, rappelons-le, est avant tout un mouvementde retour à l'Antiquité et aux

textes classiques. Il conviendraitde redécouvrir ce premier huma-nisme et de s'opposer à celui duXIXe siècle. Rémi Brague, dans uneconférence de 2008, propose desubstituer à l'homme cartésien unhomme plénipotentiaire, respon-sable devant une instance à la-quelle il doit rendre compte. Ilréaffirme la piété virgilienned'Enée envers son père, une ad-miration devant ce qui précèdemêlée de gratitude : l'homme, sesachant dépendant, peut enter-rer ses ancêtres sans oublier qu'ilssurvivent en lui. Dans un livre publié en 1992, Eu-rope, la voie romaine, il rappe-lait la spécificité de l'Europe dela Renaissance, capable de trou-ver ses systèmes de pensée dansce qui lui était étranger, dans unrapport d'inclusion ; cela expliquele retour aux sources, l'attentiondonnée aux textes non traduits,les éditions bilingues, la compa-raison des documents – ce dontBernard de Chartres avait renducompte au XIIe siècle en affirmantque « nous sommes comme desnains juchés sur des épaules degéants ». Rémi Brague oppose cemodèle d'induction au modèle dedigestion des civilisations arabes,

traduisant immédiatement lestextes et ne gardant des œuvresque le contenu. La culture euro-péenne est donc « ex-centrique »,telle la culture romaine qui s'ap-propria la culture grecque ; c'estce qu'il appelle la « romanité »,véritable aqueduc, essence de lapensée et de la civilisation occi-dentales. Charles Maurras ne di-sait pas autre chose en 1906 dansLe Dilemme de Marc Sangnier :« Je suis Romain dès que j'abondeen mon être historique, intellec-tuel et moral. Je suis Romainparce que si je ne l'étais pas jen'aurais à peu près plus rien defrançais. » Grand humaniste, dé-fenseur des Humanités classiques,il préconisait déjà ce retour à l'hu-manisme originel contre le trans-humanisme moderne. Fervent cri-tique de la modernité sans pourautant être passéiste, il proposeune alternative véritablement mo-derne aux questions de sontemps : le nationalisme intégral.

La tradition critique

"Moderne", il faut le comprendreici au sens d'"actuel", car si l'hu-manisme maurrassien s'appuie surles œuvres du passé, c'est bienpour interpréter et penser le pré-sent, dans un mouvement consul-tatif de va-et-vient avec nos an-cêtres. C'est en ce sens qu'il sou-ligna que « la vraie tradition estcritique » (Mes Idées politiques),ajoutant très justement que « latradition n'est pas l'inertie ». Ceque nous apprend Maurras, c'estqu'il y a donc une véritable ca-pacité de résistance de l'œuvreclassique, qui est non seulementactuelle mais surtout intempo-relle. C'est cette recompositiondu dialogue avec le passé qu'ilnous faut entreprendre, afin de« renouer avec la chaîne destemps » qui n'a toujours pas étéressoudée depuis la Révolutionfrançaise. Cet humanisme est leseul qui soit viable. Thierry Mé-nissier, dans sa conférence don-née à l'université de tous les sa-voirs en 2008 sur Hannah Arendtet Léo Strauss, évoquait « leshumanités réactionnaires ». Àbien des égards, Charles Maurrasintègre cette famille à travers sapensée politique, mais égalementà travers ses œuvres poétiques,et c'est celle-ci qu'il nous faudraitrejoindre à notre tour, prônantce que le Martégal appelait lui-même « une antiquité très vi-vante » (article paru dans Can-dide le 3 novembre 1943). n

Dimitri Julien

Courrier des lecteursDANS LE NUMÉRO du 21 avril,Marc Savina, écrit dans sonbillet : « Malgré les défi-ciences des chefs de l'État, laVe République, la plus monar-chique de toutes, garantit lebon fonctionnement des af-faires courantes. » Non, laVe République n'est pas mo-narchique à aucun degré, elleest monocratique, électora-liste (oh combien !) et donccentralisatrice. Et commetoutes les républiques enFrance, elle n'est pas nationale. Dans le même numéro, Gré-goire Dubost conclut son ar-ticle « Sur le front del'euro » : « Une fois de plus,la démocratie menace d'enrayer la machine euro-péenne. » Dubost devrait s'enréjouir, pour une fois que ladémocratie nous servirait àquelque chose ! Dans l'article de Michel Fromentoux, il n'était pas dutout opportun de rappeler lesproblèmes métaphysiques de Maurras à propos du scan-dale d'un crucifix plongé dans l'urine ! Au sujet du numéro du 5 mai,interview de Jean-Paul Gouré-vitch : intéressant, mais ilfaudrait répondre. Gourévitchne parle pas du chômage en-gendré par les immigrés quitravaillent, ni du chaos desbanlieues qui coûte cher enpolice et en dégâts, ni desfoyers islamiques, ni del'abaissement culturel denos écoles. « Une vie de FrançoiseGiroud » : celle-ci, bonnejournaliste, a toujours faitpartie de l'anti-France ;d'ailleurs elle était kurde. Jene vois pas en quoi elle a mé-rité une page entière. q A.C.

o PHILOSOPHIE

D'un humanisme à l'autreAu nom de l'humanisme furent promus l'étude des auteurs classiques, mais aussi l'existentialisme, le pédagogisme, les utopies et leurs germes totalitaires. Décryptage d'un courant protéiforme.

L'ACTION FRANÇAISE 2000

Bulletin à retourner avec un chèque à l'ordre de la PRIEP à :L'Action Française 2000 10 rue Croix-des-Petits-Champs 75001 PARISCCP Paris 1 248 85 A

3 Civilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Prénom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Nom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

3 Code postal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Commune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Téléphone. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Courriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Premier abonnement (un an)o France . . . . . . . . . . . . .80 so Étranger . . . . . . . . . . .140 sAbonnement ordinaireo Un an . . . . . . . . . . . .125 so Six mois . . . . . . . . . . . .70 sAbonnement de soutien o Un an . . . . . . . . . . . .150 sÉtudiants, chômeurs, ecclésiastiques o Un an . . . . . . . . . . . . .70 sOutre-mer (un an)o DOM . . . . . . . . . . . . .135 so TOM . . . . . . . . . . . . .165 sÉtranger (un an)o Europe . . . . . . . . . . . .165 so Autres pays . . . . . . . . .178 s

BULLETIN D'ABONNEMENT

L'Homme de Vitruve

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z 14 L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2818 – Du 2 au 15 juin 2011

Pour un jeune Français

Époque oblige, la science-fic-tion de ces dernières annéess'intéresse de plus en plus

aux thématiques liées à l'utilisa-tion des organes humains, no-tamment celle de leur commer-cialisation, avec la question fon-damentale sous-tendue : celle durespect de la vie humaine. Nousavions déjà évoqué le film The Is-land. Deux autres films, peut-êtreplus austères, en tout cas plusdramatiques, apportent un éclai-rage particulier sur ce terrain :Never Let Me Go et Repo Men.

Never Let Me Go

Never Let Me Go est un film amé-ricain réalisé par Mark Romaneket sorti le 3 septembre 2010. Ilest lui-même une adaptation duroman Auprès de moi toujours pu-blié en 2005. Le film raconte lavie de trois jeunes gens, que l'ondécouvre enfants et que l'on ac-compagne au crépuscule de ladeuxième décennie de leur vie.La narratrice est Kathy (CareyMulligan), amoureuse de Tommy(Andrew Garfield) mais qui lui aété ravi par sa meilleure amie,Ruth (Keira Knightley). Ce mélo-drame amoureux, fondé sur unerelation sentimentale triangulaireentre les protagonistes, serait,somme toute, une banale histoiresans grand intérêt s'il n'y avait pasle contexte dans lequel l'intriguese déroule : les trois enfantsconnaissent une scolarité trèsstricte à Hailsham (quoique dansle cadre d'une morale affectiveet sexuelle assez souple) ,dansune Angleterre contemporaine auxcontours très conservateurs maispresque idylliques. Cependant, ilsn'ont pas de parents et ont pourseule "famille" le corps professo-ral et leurs camarades.Car il ne s'agit pas d'enfants nésde manière naturelle, mais defruits du clonage, technique dé-veloppée, selon le film, en 1952,grâce à laquelle des êtres sontcréés artificiellement pour servirde banques d'organes au reste dela société. L'on apprendra au furet à mesure que l'humanité de cesjeunes gens est purement et sim-

plement niée et que, à l'aube dela force de l'âge, chacun d'eux estappelé à subir, dans des hôpitauxspécialisés, des opérations en vuede prélèvements. Au bout de troisopérations a lieu la "terminaison",c'est-à-dire la mort du donneur.C'est la partie la plus importantedu film, où Kathy, alors âgée devingt-huit ans, est "accompa-gnante". Elle est chargée, enéchange d'un "sursis" (un ajour-nement de ses premiers dons d'or-ganes), de prendre soin des autresclones en fin de vie. Une missiontrès éprouvante moralement. C'està ce moment-là qu'elle retrouverases amis Ruth et Tommy, avec les-quels elle n'avait plus de contactdepuis une dizaine d'années.

Uchronie

Ce film appartient ainsi au genrespécifique de la science-fictionqu'est l'uchronie : le monde, dansles années cinquante, fera une dé-couverte extraordinaire permet-

tant l'allongement de la durée devie jusqu'à plus de cent ans. Maisle prix de cette découverte estune ignominie sidérante, consis-tant à nier l'humanité des clones.On comprend, à la fin du film,qu'avec le temps ces derniers sontplus ou moins élevés en batteries,constituant un immense "réser-voir" d'organes pour une sociétéqui, en aucun cas, ne serait prêteà revenir en arrière, à renoncerau confort que lui procurent lestransplantations d'organes préle-vés sur de jeunes clones. La so-ciété est disposée, pour ce faire,à commettre un massacre demasse industriel.Une histoire terrible qui n'ira passans renvoyer le spectateur cri-tique aux dérives scientifiques desa propre société où, par exemple,l'avortement de masse est utiliséde plus en plus par simple soucide "confort" et où certaines étudesmédicales se font par la manipu-lation des embryons. Entre cetteattitude et l'histoire décrite dans

Never Let Me Go, y a-t-il une dif-férence de nature ou une simpledifférence de degré ? Jusqu'à quelpoint sommes-nous différents deceux qui prélèvent des organessur des êtres humains pour pré-server notre confort et notre qua-lité de vie ? C'est toute la ques-tion que pose peut-être ce film.

Les Repo Men, des huissiers sans pitiéDans un registre peut-être plusburlesque, mais non moins dra-matique, Repo Men, film améri-cano-canadien de science-fictionréalisé par Miguel Sapochnik, sortien Amérique du Nord et au Ca-nada le 19 mars 2010 et en Eu-rope le 14 juillet 2010, racontel'histoire de deux amis apparte-nant au corps d'intervention épo-nyme. Le concept est très simpleet expliqué avec une clarté gla-çante par le narrateur en débutdu film : vous ne pouvez pluspayer votre maison, la banque la

reprend ; vous ne pouvez pluspayer votre voiture, la banque lareprend ; vous ne pouvez pluspayer votre foie, c'est là que leRepo Man intervient : travaillantpour le compte d'une compagnieappelée "l'Union", spécialisée dansla création, grâce à la biotechno-logie, et le commerce d'organes,il est en charge de "récupérer" lesfoies, cœurs ou reins dont le bé-néficiaire n'aura pas respecté leséchéances du paiement éche-lonné. Bien évidemment, l'opéra-tion du Repo Man, sorte de mer-cenaire violent et impitoyable,aboutit généralement à la mortdu payeur indélicat lorsque celui-ci, après avoir été étourdi, se voitenlever son cœur ou son foie. LesRepo Men, sortes d'Ankou mo-dernes, s'offrent ainsi comme laconcrétisation du capitalisme mar-chand dans sa forme la plus vio-lente et immorale.

En route vers la rédemptionDans le film, Remy (Jude Law)travaille avec son ami d'enfance,Jake (Forest Whitaker). Tous deuxsont des Repo Men terriblementefficaces et meurtriers. Leur tra-vail ne leur pose aucun problèmede conscience, d'autant que tousdeux sont d'anciens soldats qui fu-rent recrutés par l'Union aprèsêtre revenus désœuvrés du front.Néanmoins, sous les pressions desa femme, Remy envisage de quit-ter son poste pour être transféréau service commercial, ce quedésapprouve vigoureusement sonami. L'histoire prendra un tour-nant capital lorsque, suite à unedéfectuosité d'un de ses appareils,Remy recevra une violente dé-charge électrique qui le contrain-dra à recevoir lui-même un cœurartificiel de l'Union. Cela ne ces-sera plus de le hanter : incapablede vendre des organes artificielsau sein de service commercial,conscient du risque qu'encourentles clients s'ils ne paient pas, en-core moins à même de récupérerles organes dans le cadre de sonancien poste, le sort de ses vic-times ne le renvoyant que trop àsa propre situation, il finit rapi-dement à court d'argent et inca-pable de payer son cœur artifi-ciel. Une traque commence oùRémy devra échapper aux RepoMen, ses anciens collègues. Un re-tournement tragique mais au-thentiquement salvateur pour l'an-cien boucher qui atteindra unehauteur morale nouvelle et quisaura brûler ce qu'il a adoré au-trefois. n

Stéphane Piolenc

o CINÉMA

Regard sur la science-fictionEn marge des débats parlementaires sur la bioéthique, deux films viennent nourrir la réflexion. Tandis qu'une société clone des êtres humains pour prélever des organes, une autre traque les mauvais payeurs auxquels elle a vendu un cœur ou des poumons artificiels.

ROMAN

La quête des chimèresCette œuvre d'anticipation met en scènedes manipulations génétiques dans uneambiance angoissante.

PARIS, la "Mégapole", seconde moitié duXXIe siècle. Après une troisième guerre mon-diale effroyable sur fond de choc des civili-sations, l'humanité survit sur une planètepolluée, désespérante, mais riche d'unetechnologie de pointe et de progrès médi-caux tels qu'ils ont pratiquement éradiqué

la maladie, la vieillesse et la mort. Le prixà payer : des chercheurs libérés de toutecontrainte morale et capables de toutes lestransgressions. Ont-ils cependant osé fran-chir la dernière frontière, celle que toutesles lois continuent d'interdire : la créationde chimères, hybrides d'humains et d'ani-maux ? Chim', flic d'élite de la prestigieusebrigade des Traqueurs, en a la preuve. Lesquatre furieux qui ont ignominieusementmassacré toute une famille en Normandieportaient dans leur ADN les gènes du rat.Quant à arrêter les créatures, et mettrehors d'état de nuire le dément qui les aconçues et jouit des plus hautes protec-

tions, il s'agit d'un jeu où Chim laissera, fi-nalement, plus que la vie. Descott excelle àcréer des ambiances glauques, angois-santes, aux limites de la folie, mais il sesurpasse avec cette œuvre d'anticipation,trop crédible, si crédible même qu'elle sus-cite chez son lecteur un malaise intolérabletant l'évolution de la société rend envisa-geable l'univers de cauchemar qu'il met enscène et oblige à se poser des questions surla notion d'humanité. q

Anne Bernet

3 Régis Descott : L'Année du Rat, Lattès, 390 pages, 20 euros.

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L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2818 – Du 2 au 15 juin 2011 15 z

Combat

Président du Comitédirecteur d'AF

Stéphane BlanchonnetSecrétaire général

Olivier PercevalSecrétaire général

adjointRomain Hellouin

TrésorierGiovanni Castelluccio

SecrétaireadministratifMarie-Suzanne

de Benque d'AgutFormationMarc Savina

ProvincesPhilippe Castelluccio

MilitantismeJean-Baptiste

de l'AviathResponsableopérationnel

François Bel-Ker

Centre royaliste d'Action française10 rue Croix-des-Petits-Champs 75001 PARIS

[email protected]

o L'AF 2000 – Quand avez vousétabli votre premier constat dudéclin du français ? Était-cequand vous exerciez vos fonc-tions de diplomate ?o Albert Salon – Ce fut bien avant,à la lecture de René Etiemble,Parlez-vous franglais ? J'ai eud'abord des initiateurs et maîtres,surtout Philippe Rossillon, pala-din de la francophonie, inspira-teur de maintes institutions offi-cielles et d'associations. Membrede Défense de la langue françaisedepuis quarante ans, j'ai créé en1992, avec Dominique Noguez etDominique Gallet, Avenir de lalangue française. Nous avons étéà l'origine, avec nos amis parle-mentaires, de l'introduction decette phrase dans la Constitu-tion : « La langue de la Répu-blique est le français » ; puis del'avant-projet de ce qui devint,en août 1994, la loi Toubon ; en-fin, en juillet 2008, de l'intro-duction de la Francophonie autitre XIV, article 87, de notreConstitution. Au fil des années,dans leur quasi-totalité, les as-sociations concernées ont rejointce combat plus "politique", au

sens noble. Elles agissent en-semble tandis que des mouve-ments de réflexion et des partispolitiques les soutiennent par-tiellement. Chacun pourra le voirà la marche du 18 juin.

o Le français peut-il continuerde jouer le rôle qui fut le siennaguère, notamment dans le do-maine des échanges commer-ciaux internationaux ?o La principale puissance écono-mique est ailleurs, même si notreéconomie et celles d'autres paysfrancophones sont loin d'être né-gligeables. Mais les empiress'écroulent. Celui qui nous étrangleaujourd'hui, avec l'aide détermi-nante de trop de nos élites, enFrance, comme au Québec ouailleurs, est déjà en déclin, faceà de grands rivaux. Il dépend desfrancophones – des Français aupremier chef – de garder leur être,leur esprit, donc leur langue etles cultures qu'elle irrigue. Le fran-çais demeure promis a un grandavenir, si nous le voulons. La puis-sance économique n'est pas le seulfacteur. La puissance culturelleest toujours là.

o La langue française, si elle étaità nouveau pratiquée commelangue internationale, aurait-elleun impact sur les civilisations ?o Elle reste internationale, ne se-rait-ce qu'au sein des soixante-quinze pays de la Francophonieorganisée en communauté. Et biendes concepts, des philosophies,des marqueurs de civilisation, ontleur source dans le français. Ànous de veiller à continuer de lesformuler en français.

o Les Anglo-saxons sont-ils seulsresponsables du recul de notrelangue ? N'y a t-il pas, parmi nos"élites", des responsabilités ac-tives qu'il convient de souligner ?o Vous avez raison : le "peupleélu" des penseurs anglo-saxons –presque la "race élue" selon cer-tains – est évidemment hégémo-nique, sans pitié pour les faibleset les vaincus, mais il est loind'être seule responsable. Aussiest-ce bien surtout contre nospropres "élites" dévoyées que nouscombattons. Nous dénonçons sansrelâche la nouvelle "trahison desclercs".

o Quel esprit dominera la mani-festation que vous organisez le18 juin et qu'en attendez vous ?o Nous exprimerons le refus pas-sionné de l'hégémonie de toutelangue sur la nôtre ; le rejet dela domination de la finance in-ternationale sur les nations, lescultures, les langues ; la dénon-ciation d'une super-classe mon-diale qui écrase tout ce qui n'estpas son intérêt, y compris ce quinous est le plus sacré. Nous at-tendons un sursaut, un réveil dupeuple, un coup d'arrêt au mas-sacre, et demandons aux gouver-nements francophones, d'abordau nôtre, d'organiser des états gé-néraux de la langue française etde la Francophonie, un vrai granddébat avec toutes les forces vivesde la nation. Venez tous, pourcette cause, pour un sursaut, mar-cher avec nous le samedi 18 juin !Rassemblement à 14 h 30 au pieddu Panthéon. C'est le moment defaire nombre et masse. Et mercide m'avoir donné l'occasion dem'adresser à vos lecteurs ! n

o ALBERT SALON

La francophonie militanteDocteur d'état ès lettres, ancien ambassadeur, Albert Salon présidel'association Avenir de la langue française. Il appelle à manifester le 18 juin prochain.

o MARSEILLE - L'hommage renduà Jeanne d'Arc par les Marseillaissamedi 7 mai restera marqué parl'accroissement du nombre de par-ticipants par rapport aux annéesprécédentes. Cette heureuse évo-lution vient sans nul doute de lacréation de l'Action française Pro-vence représentant le CRAF dansla cité phocéenne. Une réunions'est tenue dans la soirée, où Jean-Luc d'Albeloy a traité le sujet sui-vant : "Du nationalisme intégralà l'union des patriotes". Le confé-rencier a souligné l'importance dunationalisme dans la pensée maur-

rassienne et démontré l'actualitédu compromis nationaliste. Lajournée s'est terminée par un dî-ner auquel ont participé unegrosse vingtaine de militants, dontla moitié avaient moins de vingt-cinq ans. L'AF Provence réitéreracette formule qui a enchanté tousles participants.

o NANTES - Un groupe de fidèlesroyalistes nantais, à l'initiative ducentre Pierre Juhel, a déposé le8 mai une gerbe au pied de la sta-tue de la sainte de la Patrie etrécité des prières pour la France.

o NÎMES - Le dimanche 22 mai, à10 heures, nos amis gardois sesont retrouvés près de la statuede Jeanne d'Arc œuvre de MaximeReal del Sarte. Le piquet militaireétait assuré par la Gendarmerieet une douzaine de drapeaux l'en-touraient. Après une courte allo-cution de Michel Baptiste, prési-dent des Amis de Jeanne d'Arc,et le dépôt de différentes gerbesa retenti la sonnerie aux mortssuivie de la Marseillaise. Puis lesparticipants ont pénétré dansl'église Saint-Baudile derrière lesporte-drapeaux. Une messe so-

lennelle a été célébrée rehaus-sée par la chorale accompagnéepar l'orgue et la trompette. En-suite les fidèles ont fait honneurà l'apéritif offert par la munici-palité, puis nombre d'entre euxse sont retrouvés pour un déjeu-ner à l'issue duquel Max Caban-tous a rappelé combien la situa-tion paraissait désespérée àl'époque de Charles VII... Pour lessix cents ans de la naissance deJeanne d'Arc la manifestation estfixée le 13 mai 2012 en accordavec les autorités civiles, mili-taires et religieuses.

Rendez-vous en provinceo PÉLÉRINAGE Paris-Chartres – Atoux ceux qui veulent partagertrois jours de prière entre mili-tants et sympathisants d'AF : mar-chez avec le chapitre SainteJeanne de France les 11, 12 et13 juin ! Ce chapitre est histori-quement le chapitre d'Action fran-çaise. Il est ouvert à tous ceuxqui voient dans l'engagement roya-liste un prolongement du devoirde charité, mais aussi à tous lessympathisants d'hier et d'aujour-d'hui qui souhaitent simplementvivre trois journées édifiantes, surles traces de Charles Péguy. Pourconnaître les tarifs en fonction devotre lieu de résidence principaleet du nombre de personnes quevous inscrivez, prenez contactavec Louis-Charles Bonnaves, lechef de chapitre : [email protected] ; 06 60 75 49 12.

o TOULON - Le rapprochemententre le CRAF et la RN provoquedans certaines régions une sy-nergie bienvenue. Nous en auronsl'heureuse illustration le mardi14 juin prochain à 20 h 30 à lasalle de réception de la résidencedu cap Brun à Toulon (192 rue dulieutenant aviateur Gayraud), oùHilaire de Cremiers, invité par lasection du Var de la Fédérationroyaliste provençale, viendra par-ler de la légitimité. À l'issue dela conférence, le docteur PierreNavaranne, président de la sec-tion du Var de la FRP, quittera sesfonctions pour les transmettre àPhilippe Lallement. Le CRAF serareprésenté par notre président ré-gional Michel Fransceschetti. Ledocteur Jean Gugliotta qui conduitla FRP présidera la soirée. Le CRAFqui souhaite relancer la sectiondu Var a nommé un responsableà Toulon qui travaillera en étroiterelation avec Philippe Lallement.Des initiatives sont d'ores et déjà

prévues, mais nous laisserons lesoin aux acteurs sur place d'an-noncer leur programme.

o NANTES – Samedi 18 juin, à l'oc-casion d'une belle journée d'unitéet d'amitié royaliste et française,Olivier Perceval et Hilaire de Cré-miers prendront tous les deux laparole, au nom, respectivement,du CRAF et de la RN. Ils serontles hôtes de l'URBVM. Renseigne-ments : [email protected]

o NÎMES - Le cercle Saint-Charlesvous propose une dernière réunionavant les vacances le samedi18 juin à 14 heures à la Brasse-rie Le Palace (angle Esplanade-rue Régale).

o UNIVERSITÉ D'ÉTÉ – Le CampMaxime Real del Sarte se dérou-lera cette année en Vendée, auLogis Sourdy (85130 La Gaubre-tière), du 21 au 28 août. Retenezdès à présent votre place ! Parti-cipation : 20 euros par jour ;140 euros pour la semaine jusqu'au15 juin, 160 euros après. Inscrip-tions au Centre royaliste d'Actionfrançaise, CMRDS 2011, 10 rueCroix-des-Petits-Champs, 75001PARIS (chèques à l'ordre du CRAF).Renseignements : [email protected], 06 88 97 00 40.

JOURNÉE LA VARENDE

Samedi 25 juin sous la prési-dence de Pierre Espaldet,maire de Saint-Aubin-de-Scel-lon (27230). 10 heures : messeà Thiberville (Eure) célébréeselon le rite extraordinaire.11 h 15 : à Saint-Aubin-de-Scellon, verre de l'amitié ; vi-site du musée et de l'exposi-tion Jean de La Varende.13 heures : déjeuner ; inter-vention de Didier Patte, prési-dent du Mouvement normandsur la "naissance de la Nor-mandie normande".16 heures : visite du châteaude La Sorcière à Saint-Pierre-du-Mesnil. 17 heures : re-cueillement sur les tombes deLa Varende et de l'abbé Mont-gomery dans le cimetière duChamblac. Inscription avant le15 juin (déjeuner : 26 euros).Tél. : 02 31 80 84 67 ; mél. :[email protected]

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Entretien

Édité par PRIEP S.A. au capital de 59 880 euros – 10, rue Croix-des-Petits-Champs, 75001 Paris – Imprimerie RPN – 93150 Le Blanc-MesnilNuméro de commission paritaire 0415I86761 – Directeur de la publication : M.-G. Pujo

o L'Action Française 2000 – LeFront national n'est pas votrefamille politique d'origine : pour-riez-vous présenter votre itiné-raire à nos lecteurs ?o Laurent Ozon – J'ai eu une pre-mière expérience politique trèsjeune, chez les Verts, à l'époqueoù ces derniers étaient une struc-ture politique par accident, com-posée essentiellement de natu-ralistes, c'est-à-dire de militantsrévoltés par la destruction de lanature, des paysages et de leurcadre de vie. Les Verts sont de-venus une structure politique lors-qu'ils ont été progressivement colonisés et, du même coup, dé-naturés par le mouvement trots-kiste. J'ai ensuite animé durantune dizaine d'années une revue,Le Recours aux forêts, dont l'ob-jectif était de fonder l'écologiepolitique en provoquant des dé-bats structurants pour notre cou-rant de pensée.

o Le titre de la revue fait échoà Ernst Jünger...o Effectivement, il évoque leTraité du rebelle. Pour Jünger,symboliquement, la forêt per-mettait de fonder la réflexion àpartir d'un point de vue extérieur(foris, en latin, signifie "dehors") :il s'agissait de repenser les pré-supposés de la réflexion politique.La forêt a toujours été un lieu derésistance ou d'alternative pourceux qui se retrouvent en ruptureavec l'ordre établi dans la cité.

o Vous êtes connu comme un op-posant résolu à la mondialisa-tion ; pourquoi ?o La mondialisation est un phé-nomène en extension et en accé-lération permanentes qui recouvreplusieurs dimensions. Elle a toutd'abord une dimension objective :l'accroissement et la généralisa-tion des moyens techniques etscientifiques et leur communica-tion sur le plan planétaire. Elleest ensuite un projet économiquevisant à l'interdépendance detoutes les nations du monde. Elleest également un projet culturel,tendant non pas tant aujourd'huià la mise en place d'un gouver-nement mondial – l'objectif ul-time – qu'à la transformation despeuples en producteurs-consom-mateurs interchangeables n'ayantpour seule finalité que la satis-faction de leurs besoins les plusbas ou les plus artificiels. Elle estenfin un projet politique qui apour conséquence directe la dis-parition progressive de tout ce quifait la beauté du monde : la mul-tiplicité des paysages comme ladiversité des cultures, lesquellesconstituent autant de forces pro-tectrices que les peuples se sontdonnées au cours de l'histoire poursurvivre. Il s'agit, comme l'avaitsouligné Claude Levi-Strauss, dechoix de valeurs essentiels. C'est

pourquoi les cultures sont vécuescomme des absolus par les peuplesqui les partagent et que, de l'ex-térieur, elles sont perçues commedes subjectivités. Or la mondiali-sation vise à les détruire, car elleest avant tout un projet de ra-tionalisation, d'objectivation etde mise en ressources, c'est-à-direde transformation du vivant, sousses diverses formes, en moyensd'une mégamachine techno-éco-nomique qui ruine les peuples enproduisant de la guerre, de la dé-tresse ou de la souffrance sociale.Il faut absolument donner auxpeuples les moyens d'entraver ceprocessus.

o Alors que les "élites" présen-tent la mondialisation comme unfacteur inéluctable, qui peut s'yopposer et comment ?o Ces "élites", qui n'ont d'élitesque le nom, font mine de con-fondre volontiers ce qui relève dela mondialisation objective(comme l'agriculture), qu'il fautaccepter dans ses effets positifset compenser dans ses effets per-vers, avec le projet d'une oligar-chie planétaire en cours de consti-tution qui vise à accaparer, à sonseul profit, les ressources, lesmarchés, les peuples et les ter-ritoires. Elle a besoin, pour lefaire, de réorganiser le monde.C'est à quoi je m'oppose. Com-ment ? C'est simple : n'oublionspas qu'il existe des entités histo-riques que sont, notamment, lesnations – c'en est encore une, entout cas, pour les Français. Cer-tains, assurément, sont attachésà d'autres formes d'organisationhumaine (la région, l'Europe). Jene fais aucun fétichisme organi-sationnel : un peuple doit avoirla forme d'organisation lui per-mettant de survivre et de satis-faire ses besoins essentiels.

o Vous pensez donc que le cadrenational est toujours pertinent...

o C'est surtout le seul. Aucun autreoutil, sur les plans européen ourégional, ne permettant d'agir, leseul à notre disposition pourconduire une action politique de-meure la nation. De plus, le tempsnous est compté en raison de l'ac-célération de l'histoire. La nationest donc bien le seul cadre quinous permette de lutter contre ladéstructuration des systèmes so-ciaux, la trahison des élites, laruine du système scolaire, la mon-tée de la violence, l'anarchie mi-gratoire, les guerres d'interven-tion à prétention morale, qui sontdes guerres d'énergie, ou encorela montée des communautarismes.Dois-je également évoquer les ca-tastrophes climatiques et les pro-blèmes énergétiques ? Cetteconvergence de problèmes créeune inquiétude de plus en plusnette et les populations attendentd'être protégées. Or, depuis trenteans, nous avons vécu la conquête,par cette oligarchie, de l'État na-tional, qui a été retourné pour de-venir sa courroie de transmission.L'objectif doit donc être de re-prendre le contrôle, tant qu'ilfonctionne encore, de l'État na-tional français, avec ses défautshistoriques mais aussi sa grandeur,afin d'en refaire une instance deprotection de la population.

o Les Français sont-ils prêtsà vous suivre ? Si on prendl'exemple de l'euro, seuls 30 %d'entre eux, selon un récent son-dage, sont favorables à sa sor-tie, non que la monnaie euro-péenne soit très populaire, maisles Français semblent avoir in-tégré un discours fataliste. o Notre discours est mal compris :notre propos n'est pas de casserl'euro mais de rappeler que lafonction de la monnaie est d'êtreun outil à finalité économique etpolitique, d'autant que le rôle del'économie est de permettre lasatisfaction des besoins de la po-

pulation, auxquels doit précisé-ment veiller le politique. Telleest, d'un point de vue politique,la mission de l'économie. La mon-naie n'est donc qu'un instrumentéconomique concourant à réali-ser cet objectif. Dès lors, la ques-tion est simplement : l'euro a-t-il, depuis sa création, répondu àsa mission d'outil monétaire ? Leconstat des Français est majori-tairement négatif.

o En même temps, ils n'osentpas en sortir...o Les Français sont inquiets deschangements, ils ont peur que,demain, une sortie de l'euro neprovoque des perturbations so-ciales, d'autant que l'oligarchiealimente un discours catastro-phiste sur la sortie de l'euro, aprèsavoir nourri un premier discourscatastrophiste, au début du siècle,pour convaincre l'opinion publiqued'accepter le passage à la mon-naie unique. On nous a vendul'euro comme l'unique solutionpour résoudre les problèmes éco-nomiques et sociaux. Le discoursde peur, ce sont les médias et l'oli-garchie qui le tiennent, ce n'estcertainement pas le Front natio-nal ! Notre analyse est que l'euroest un outil non seulement néfastemais qui, de plus, est en train dese casser la figure ! Les signes sontde plus en plus manifestes. Le rôledes politiques est d'anticiper cettechute et de l'accompagner. Nousne sommes pas nécessairementfavorables à la disparition del'euro : peut-être pourrait-il de-venir une monnaie commune,comme l'avait été l'écu... C'esttout à fait envisageable. De plus, les Français favorables àl'euro sont avant tout attachés àce qu'il symbolise : l'Europe. Lediscours de défense de l'euro duprésident de la République, lorsde ses vœux aux Français, n'étaitpas un discours de défense de l'ou-til monétaire mais du symbole mo-

nétaire : l'euro symbole de paixentre les peuples européens. Dece point de vue-là, il faut êtreclair : nous sommes par principefavorables à la paix et à l'ententeentre les peuples européens, etau-delà... La remise en questionde l'euro n'est donc pas celle d'unprojet d'entente et de coopéra-tion entre les peuples européens.D'ailleurs, les grands projets eu-ropéens qui ont réussi, notam-ment dans l'aéronautique, ont étéle fait de nations encore souve-raines qui battaient monnaie. Iln'y a donc aucune contradictionentre la possibilité de faire degrandes choses ensemble et desortir du carcan de l'euro, quiruine les Français et nous privedes moyens d'ajuster notre ré-ponse économique aux effets dela mondialisation.

o Pour contrecarrer la mondia-lisation, vous préconisez la re-localisation des activités...o Sans perdre de vue les grandsenjeux macro-économiques, il fautprévoir la mise en place d'un pro-tectionnisme social d'un nouveaugenre, fondé sur la relocalisationdes activités humaines et de l'éco-nomie, visant à rapprocher leslieux de travail, de production etde consommation dans le plusgrand nombre de domaines pos-sibles, notamment dans l'écono-mie de subsistance, qu'il convientde distinguer de l'économie decompétition. Certains secteurséconomiques relèvent de la com-pétition, comme la production debiens pointus, dans le cadre deprojets nationaux, européens,voire internationaux. En revancheles Français n'accepteront plus en-core longtemps que leur capacitéà satisfaire leurs besoins essen-tiels dépende des cours des mar-chés financiers. Nous voulons pou-voir décider chez nous ce qui estbon pour nous. Il ne s'agit pas de cesser leséchanges mais de favoriser notremarché contre les dumpings so-cial, économique et monétaire etde le protéger en le densifianttout en limitant les flux de mar-chandises, ce qui aura un impactécologique positif. Préférons unetomate du coin à une tomate im-portée ! Il faut favoriser la pro-duction et l'embauche locales. Onpourrait, par exemple, imaginerune TVA progressive intégrantcomme dimension la proximité enmatière de production, de trans-formation et de consommation.Il suffirait d'instaurer un systèmefiscal à la fois simple et incitatif,qui aurait pour avantage supplé-mentaire de renforcer la traça-bilité des produits et l'embauchedans le cadre des PME. Ce serait,de plus, une arme d'indépendancepolitique vis-à-vis des multina-tionales et des circuits de lagrande distribution. Enfin, je lerépète, cela permettrait de den-sifier le territoire... un vœu queColbert partageait déjà !

o Un dernier mot ?o Compte-tenu de l'accélérationde l'histoire et de son potentielde déstabilisation et de ruine,s'engager en politique est deve-nue une priorité absolue. n

Propos recueillis par François Marcilhac

o LAURENT OZON

Lutter contre la mondialisationNous accueillons aujourd'hui Laurent Ozon, membre du bureau politique du Front national, chargé de la formation. Il nous livre son analyse qui, par bien des côtés, rejoint la nôtre, sur le mondialisme et la façon de s'y opposer.