L'opinion publique et la science : à chacun son ignorance : Bensaude-Vincent B. Paris : Les...

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Notes de lecture 543 harmonieusement, ils doivent pouvoir retrouver un processus de maturation au sein d’une commu- naute therapeutique fonctionnant selon un modele identifie a une image de famille Clargie. Partageant cette con&nation avec beaucoup de therapeutes familiaux, Jorge E. Garcia Bada- racco observe au contact des Cquipes soignantes combien les patients rep&tent un v&u et des comportements, identiques a ceux qu’ils avaient connus au sein de leurs propres familles d’ori- gine. Cette dimension familiale de la pathologie (chap. VI) se conk-me en particulier dans la decouverte et l’observation des failles existantes dans le narcissisme de ces familles entrainant des Cchecs graves dans les tentatives d’individuation de leurs patients design& Le travail au sein de la communaute est ainsi orient6 vers la prise en charge des malades et de leurs familles par le biais de therapies familiales afin de lever les complicites pathologiques souvent restees secretes. L’ouvrage se termine par d’authentiques vignettes cliniques decrivant l’evolution du destin de ces patients. Ainsi il trace pas a pas sa conception des processus de guerison et des ecueils rencontres, Cvoquant les premiers contacts avec les patients, l’atmosphere Cmotionnelle, la recu- peration des aspects infantiles sains, les processus d’individuation mais aussi les problemes institutionnels rencontres au sein des Cquipes et les pistes pour la resolution de ces inevitables crises. En Cclairant d’une note d’espoir le travail en institution, ce livre intelligent et bien docu- mente est un veritable message de lucidite adresse a tous ceux qui aujourd’hui se retranchent derriere une attitude fataliste dune simple gestion de l’handicap. A. de La Forest Divonne Histoire I Aronowitz R. Les maladies ont-elles un sens ? Paris : Les EmpCcheurs de penser en rond, ~011. (( Les Empecheurs de penser en rond )) ; 1999.384 p. L’importance du fait social dans la definition et le traitement des maladies psychiatriques est tres largement admis mais qu’en est-il en medecine generale ? Robert Aronowitz apres des etudes de linguistique et une specialisation en medecine inteme, s’est interesd a (( l’histoire des maladies D. I1 nous propose d’etudier le processus de decouverte d’une nouvelle maladie ou comment la signification de l’angine de poitrine, de la maladie de Lyme, ou bien encore du syndrome de fatigue chronique s’est modifiee au tours du temps. Son point de vue est construc- tiviste. M&me s’il considere fondamentales les recherches effect&es en biologie ou en epi- demiologie pour la comprehension des maladies, il est, selon Robert Aronowitz, tout aussi important de considerer les facteurs multiples intervenant a des niveaux differents. On peut titer en vrac : la nationalite du chercheur, le contexte disciplinaire, les inter&s Cconomiques, les attentes des patients, etc. L’approche historique et contextuelle developpee par Robert Arono- witz offre un regard passionnant sur l’histoire de maladies, leur definition et leur traitement. M.V. Bensaude-Vincent B. L’opinion publique et la science : ii chacun son ignorance. Paris : Les Empecheurs de penser en rond, ~011. N Les Empecheurs de penser en rond )) ; 2000.238 p. I1 n’est pas une semaine sans que les joumaux relatent des Cvtnements mobilisant l’avis d’experts.. L’affaire du sang contamine, le nuage de Tchemobyl, le (( scandale )) de la vache folle. Tres souvent l’opinion publique s’en remet aux conclusions enoncees par les chercheurs.

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Notes de lecture 543

harmonieusement, ils doivent pouvoir retrouver un processus de maturation au sein d’une commu- naute therapeutique fonctionnant selon un modele identifie a une image de famille Clargie.

Partageant cette con&nation avec beaucoup de therapeutes familiaux, Jorge E. Garcia Bada- racco observe au contact des Cquipes soignantes combien les patients rep&tent un v&u et des comportements, identiques a ceux qu’ils avaient connus au sein de leurs propres familles d’ori- gine. Cette dimension familiale de la pathologie (chap. VI) se conk-me en particulier dans la decouverte et l’observation des failles existantes dans le narcissisme de ces familles entrainant des Cchecs graves dans les tentatives d’individuation de leurs patients design& Le travail au sein de la communaute est ainsi orient6 vers la prise en charge des malades et de leurs familles par le biais de therapies familiales afin de lever les complicites pathologiques souvent restees secretes.

L’ouvrage se termine par d’authentiques vignettes cliniques decrivant l’evolution du destin de ces patients. Ainsi il trace pas a pas sa conception des processus de guerison et des ecueils rencontres, Cvoquant les premiers contacts avec les patients, l’atmosphere Cmotionnelle, la recu- peration des aspects infantiles sains, les processus d’individuation mais aussi les problemes institutionnels rencontres au sein des Cquipes et les pistes pour la resolution de ces inevitables crises. En Cclairant d’une note d’espoir le travail en institution, ce livre intelligent et bien docu- mente est un veritable message de lucidite adresse a tous ceux qui aujourd’hui se retranchent derriere une attitude fataliste dune simple gestion de l’handicap.

A. de La Forest Divonne

Histoire

I Aronowitz R. Les maladies ont-elles un sens ? Paris : Les EmpCcheurs de penser en rond, ~011. (( Les Empecheurs de penser en rond )) ; 1999.384 p.

L’importance du fait social dans la definition et le traitement des maladies psychiatriques est tres largement admis mais qu’en est-il en medecine generale ? Robert Aronowitz apres des etudes de linguistique et une specialisation en medecine inteme, s’est interesd a (( l’histoire des maladies D. I1 nous propose d’etudier le processus de decouverte d’une nouvelle maladie ou comment la signification de l’angine de poitrine, de la maladie de Lyme, ou bien encore du syndrome de fatigue chronique s’est modifiee au tours du temps. Son point de vue est construc- tiviste. M&me s’il considere fondamentales les recherches effect&es en biologie ou en epi- demiologie pour la comprehension des maladies, il est, selon Robert Aronowitz, tout aussi important de considerer les facteurs multiples intervenant a des niveaux differents. On peut titer en vrac : la nationalite du chercheur, le contexte disciplinaire, les inter&s Cconomiques, les attentes des patients, etc. L’approche historique et contextuelle developpee par Robert Arono- witz offre un regard passionnant sur l’histoire de maladies, leur definition et leur traitement.

M.V.

Bensaude-Vincent B. L’opinion publique et la science : ii chacun son ignorance. Paris : Les Empecheurs de penser en rond, ~011. N Les Empecheurs de penser en rond )) ; 2000.238 p.

I1 n’est pas une semaine sans que les joumaux relatent des Cvtnements mobilisant l’avis

d’experts.. L’affaire du sang contamine, le nuage de Tchemobyl, le (( scandale )) de la vache folle. Tres souvent l’opinion publique s’en remet aux conclusions enoncees par les chercheurs.

544 Notes de lecture

Cependant ici ou la, des associations de consommateurs, de riverains s’organisent en contre- pouvoir. Profanes et savants revendiquent chacun un savoir. Professeur d’histoire et de philo- Sophie des sciences a l’universite Paris-10, Bernadette Bensaude-Vincent nous invite a reflechir sur le lien particulier qu’entretient le grand public avec les scientifiques. Depuis la G&e anti- que, savants et grand public semblent Cvoluer dans une danse interminable. Entre admiration et mefiance, l’opinion publique compose avec une science libre et critique mais parfois toute puis- same et dogmatique. Au cows du vingtieme sitcle, les risques d’un fosd grandissant entre les scientifiques et les (( autres )) alimentent les debats sur la place et le role de chacun. Souvent disqualifiee, l’opinion publique ne peut rester passive face a autant d’enjeux. Souvent moteur de l’avenement de la democratic, la communaute scientitique ne risque-t-elle pas de le freiner en retisant aux citoyens le droit (( a juger et I decider de leur sante ou de leur avenir )) ?

M.V.

Fougeyrollas P. M&amorphoses de la philosaphie. Platon, Descartes, Kant, Nietzsche. Paris : L’Harmattan, ~011. (( Ouverture philosophique )) ; 2000.398 p.

Ceux qui ont frequent6 les ouvrages anterieurs de Pierre Fougeyrollas sont invites a changer leurs modalites de lecture. Ici, l’auteur est devenu un pur et brillant philosophe, hors de toute derive politique, loin de toute perspective polbmique, dans le total oubli de cette lourde charge d’obedience marxiste qui avait marque ses travaux anterieurs. Une pareille renaissance permet d’apprecier une approche philosophique qui expose d’une plume alerte et avec une grande chute pedagogique les auteurs ici retenus. Tire en avant de lui-m&me par une perspective << post- philosophique )), Fougeyrollas nous invite a suivre certaines des metamorphoses du discours philosophique autour de quatre points-carrefours : Platon, Descartes, Kant, Nietzsche. Le propos est orient6 vers une evolution de l’art de penser, acquisition necessaire dans le chemine- ment de l’humain. La clarte de l’exposd est contirmee par la presence d’un glossaire de treize pages qui foumit au lecteur le moyen de preciser les significations des termes utilises dans le corpus ou, au moment voulu, ces termes recoivent utilement une description appropriee. Livre agreable a lire et fortement utile pour savoir aujourd’hui se reindrer dans la pensee qui a contri- hue a fonder notre humanisme.

Des le preambule, Fougeyrollas nous annonce que (< La pensee de Kant a CtC incontesta- blement d’une grande originalite et d’une grande puissance )) (p. 14), pour ajouter encore : a Incontestablement Kant a completement change le statut Cpistemologique de la philosophie )) @. 19). Fougeyrollas n’hesite pas a choisir d’koquer cette demarche plutot que celle de Hegel, par exemple. Platon s’impose pour ses Dialogues et par la place qu’il accorde a Socrate ; c’est une sorte de pere fondateur. Descartes sollicite notre inttret en tant qu’initiateur de la modemite philosophique : il inaugure l’be du sujet pensant. Kant va dominer cependant la quadrature de l’expose. Enfin Nietzsche, qui exercait depuis longtemps une sorte de tentation, va desormais remplacer Marx dans les amours de notre auteur. Voyons cela dans le detail.

Platon (-427/-348) ou la fondation de la philosophie. L’allegorie de la caveme demontre le jaillissement du monde de l’esprit face aux simulacres trompeurs. I1 est evident qu’entre Platon et nous, << le christianisme a impose sa tradition et bien souvent la pensee grecque a souffert d’une sorte de christianisation intempestive >) (p. 27). L’instauration des deux mondes : celui, intelligible des idles, et celui des sensibilites, marque une coupure dont nous avons herite. (( Selon Platon, c’est le monde visible, celui des etres vivants, qui se trouve en bas et qui est