(2013), Le patrimoine naturel marin et la liste du patrimoine mondial
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Prof. Dr. Jutta Ströter-Bender, Université de Paderborn, Allemagne
Eurolog Symposium in Tunis 2012
Education au patrimoine mondial. Art et Recherche
La communication interculturelle à travers la culture et les arts matériels.
1. Education au patrimoine mondial
Le patrimoine mondial de l’UNESCO et ses 962 monuments répartis sur 157 pays (juillet 2012) sont
des lieux idéals pour la transmission de l’histoire, de l’art, de la culture et de la nature authentiques
inscrits dans le contexte national et régional et empreints d’une dimension globale. L’Allemagne
compte actuellement 37 sites inscrits au patrimoine mondial et trois sites archéologiques :
les monuments romains de Trèves (inscrits au patrimoine mondial depuis 1986)
le limes romain en sa qualité de patrimoine mondial transnational (inscrit depuis 1986) et
les sites palafittiques préhistoriques autour des Alpes et leur caractère transnational (inscrit
depuis 2011)
Par ailleurs, les sites allemands inscrits au patrimoine mondial sont caractérisés par l’influence de
l’Antiquité sur l’Histoire des idées du XVIIIe et XIX
e siècle qui se reflète dans les ensembles
architectoniques et les espaces culturels de cette époque. A titre d’exemple, voici quelques sites
classés au patrimoine mondial :
le Weimar classique avec ses maisons d’écrivains et de poètes, ses parcs et jardins
(inscrit sur la liste du patrimoine mondial depuis 1998),
le royaume des jardins de Dessau-Wörlitz (inscrit depuis 2000),
ainsi que les ensembles architectoniques et les collections de l’Ile aux Musées à Berlin
qui représentent de manière exemplaire l’esprit de la tradition muséale du XIXe et du
début du XXe siècle (inscrit depuis 1999).
Aux termes de la Convention de l’UNESCO, tous ces sites classés au patrimoine mondial ont été
investis d’une mission éducative concrète et obligatoire, mission qui dépasse de loin les seuls aspects
du tourisme culturel. Vu de cette perspective, les sites classés au patrimoine mondial ne sont pas des
monuments isolés, mais des lieux, des espaces et des paysages authentiques de connaissance qui
s’inscrivent dans les biographies individuelles des citoyens de la région et des touristes, pour s’intégrer
dans un contexte plus large, national et international. Dans la présentation des sites du patrimoine
mondial se reflètent les normes et les systèmes de valeur, une certaine vision de la réalité et certaines
structures de pensée et d’action, mais également des modes de perception (esthétique), des mentalités
et des styles de vie d’une société et de son rapport avec l’héritage culturel. En même temps, ces sites
sont des lieux qui permettent un apprentissage tout au long de la vie et l’acquisition des compétences
culturelles et interculturelles.
En s’appuyant sur les principes établis par l’UNESCO relatifs à la mission éducative des sites du
patrimoine mondial et à la promotion de la diversité culturelle, l’Allemagne s’est engagée dans la mise
en œuvre de cette mission, qui d’ailleurs constitue aujourd’hui une nouvelle filière de recherche
culturelle d’une grande actualité appelée « Education au patrimoine mondial ». Par ce terme, on entend
un paysage de recherche et de science ouvert dont les contours sont marqués par la mise en réseau et
l’interdisciplinarité (www.unesco.de/6721, mai 2012). A l’intérieur de cette association nationale de
recherche, les sites inscrits au patrimoine mondial sont définis – à des fins de recherche,
d’enseignement et de médiation universitaire – comme des endroits et des espaces exemplaires qui
permettent d’explorer et de comprendre le monde par tous les sens et de reconnaître l’importance de ce
patrimoine pour la communauté internationale conformément aux conventions de l’UNESCO
(Schefers und Ströter-Bender 2009). Derrière cette approche se distingue clairement l’intention
d’ouvrir les sites du patrimoine mondial – lieux privilégiés de la rencontre interculturelle – aux idéaux
fondateurs de l’UNESCO pour le maintien et la promotion de la paix et de les percevoir comme tels
dans le contexte d’un réseau international pour le dialogue interculturel (Commission allemande
auprès de l’UNESCO : Résolution de Berlin du 4 mai 2012 ; Déclaration de Stralsunder II.6. du 22
juin 2012 ; Dippon, 2012).
Les monuments archéologiques et les musées disposent d’un potentiel énorme en termes de contenus
et comme vecteurs de communication et de médiation qui, à de nombreux égards, est loin d’être
exploité. Notamment par rapport aux objectifs d’intégration et de construction identitaire de larges
couches de la population et aux impulsions de la pédagogie interculturelle et de la convention de
l’UNESCO sur la diversité culturelle (www.unesco.de/kulturelle-vielfalt), beaucoup reste à faire.
L’Education au patrimoine mondial à l’Université de Paderborn
A l’Université de Paderborn un module de l’Institut des Beaux-Arts destiné à la formation des
enseignants (arts) se consacre depuis 2002 aux questions de la médiation culturelle dans l’Education
au patrimoine mondial. Pour les futurs enseignants, l’examen des méthodes de médiation et de
communication de base constitue un élément central de l’Education au patrimoine mondial. La
médiation et la communication du patrimoine culturel dans la formation des enseignants, qu’il s’agisse
de la transmission du patrimoine régional ou prioritairement du patrimoine mondial, devient ainsi un
objectif à long terme dont la durabilité cible les générations futures. Dans environ 20 ans, 50% des
jeunes qui vivront en Allemagne seront issus de l’immigration. Pour cette raison, il est devenu une
préoccupation politique d’organiser la vie dans une société multiethnique et d’identifier et réaliser des
espaces communs pour la pratique culturelle. Les recherches et les méthodes développées dans le
cadre de l’Education au patrimoine mondial nous montrent le potentiel de réconciliation qui se cache
derrière l’Histoire, l’art et la culture des sites du patrimoine mondial. Elles nous montrent également
comment les exploiter et comment procéder à une nouvelle lecture, à une nouvelle perception du
patrimoine culturel, de l’art et de l’histoire pour soutenir les processus de participation et d’intégration
des différents groupes de la population.
fig.1
fig.2
fig.3
2. Le projet des valises-musées
Les musées, les monuments, les sites culturels et naturels et les sites du patrimoine mondial peuvent
être présentés, de manière visuelle et sensorielle, dans un « musée en miniature » que nous avons
appelé la « valise-musée ». Réunis dans un espace de collection réduit, les matériaux et les objets
sélectionnés (originaux ou reproductions) ouvrent des perspectives multiples vers les priorités
thématiques des monuments et des collections de musées qui font aussi partie d’unités d’enseignement
complètes. Ces valises-musées présentent différents contextes temporels et spatiaux et différents
niveaux de l’Histoire des sciences, qui nous incitent à une approche sensorielle aux processus créatifs.
Ces valises sont des médias à la fois didactiques et artistiques qui grâce à la multitude d’objets et aux
perspectives présentées, « densifient » en quelque sorte les fonctions classiques du MUSEE que sont la
collection, la conservation, l’archivage, la documentation, la présentation, le montage et la
transmission. Leurs concepts nous renvoient autant à des traditions didactiques telles que
l’enseignement de la culture matérielle qu’à la culture des cabinets de curiosités et leur agencement.
Elles prennent comme modèle les techniques de présentation historiques et actuelles des musées et des
collections ainsi que les concepts des « musées amateurs sauvages » (Janelli 2012). Mais elles
empruntent également aux stratégies de l’art contemporain et à ces pratiques biographiques et
performatives. Elles constituent des collections d’objets qui ne sont pas fermées mais qui, au contraire,
s’élargissent au fur et à mesure que l’on s’approche des différents thèmes. Ainsi elles ouvrent de
nouvelles dimensions de l’apprentissage par la « découverte », par l’exemple, grâce à des expériences
matérielles de la culture et de l’objet, qui peuvent aussi servir dans la formation des adultes. Les
valises-musées sont utilisées dans les universités, les écoles, lors des visites guidées, pour préparer des
excursions, concevoir des expositions et dans le cadre de projets destinés à la formation esthétique.
Elles se trouvent à l’interface entre « la didactique publique et la médiation culturelle » (Dannecker
und Thielking; Hgg. 2012).
Toutefois, la définition des valises-musées reste encore floue comme nous le fait remarquer le premier
ouvrage standard sur les valises-musées dans les pays germanophones écrit par Hans Joachim Gach et
intitulé « Geschichte auf Reisen » - L’Histoire en voyage (2005: 48f.). Dans les pays anglophones ces
valises-musées sont appelées « museumscoffers » ou « kits ». Alors que le terme « boîte à matériaux »
ou « boîte d’apprentissage » pourrait, selon Gach, indiquer une réunion fortuite et non-ordonnée
d’objets, le terme « valise-musée » renvoie plutôt aux fonctions d’un musée et à l’agencement
systématique des collections. Le plus souvent, les valises-musées ne sont pas fabriquées
industriellement, il s’agit d’objets uniques, de petites archives réunies avec beaucoup d’efforts et
d’engagement par les institutions, les enseignants et les classes d’écoliers. Elles contiennent des
matériaux qui poursuivent la longue tradition des activités d’éveil et leurs supports d’enseignement
réalisés de manière individuelle. Dans le cadre de l’apprentissage par la découverte et les exemples, les
valises-musées comptent aujourd’hui parmi des médias particulièrement impressionnants et réussis.
Entre 2002 et 2012 le projet « valises-musées » de Paderborn initialement conçu comme un projet
pour les étudiants, s’est transformé d’un projet d’apprentissage destiné aux écoles en un domaine de
recherche et d’apprentissage indépendant avec des projets de thèses et de publications scientifiques
((Ströter-Bender 2009) sur la culture matérielle et la tradition des pratiques esthétiques (telles que les
modèles d’architecture et les techniques artisanales). Parallèlement, le projet valises-musées et ses
multiples mises en scènes d’objets a continué de se développer. Sur de nombreux sites allemands du
patrimoine mondial, des projets d’expositions indépendants ont été organisés faisant de la valise-
musée un média-messager indépendant pour le patrimoine mondial. Le projet a reçu les récompenses
suivantes : le prix de la recherche de l’Université de Paderborn 2002 ; projet gagnant du concours du
ministère de l’éducation et de la recherche : L’esprit enthousiasme. Année des sciences humaines.
Valise-musée pour le classicisme de Weimar pendant l’année Anna Amalia, 2007. Au total, plus de
450 valises-musées ont été créées au cours des dix dernières années, dont certains concepts peuvent
être consultés dans les archives numériques des valises-musées (http://www.uni-
paderborn.de/index.php?id=30921).
Après une visite sur les lieux, les objets pour les valises-musées sont fabriqués individuellement dans
les séminaires et les ateliers universitaires par les étudiants qui développent ainsi leurs propres
questions relatives à la recherche et la médiation culturelle et aux concepts de conservation. Par la
pratique de production esthétique et par le travail de médiation, ces valises ouvrent dès l’université la
voie à une multitude d’expériences concrètes et souvent inhabituelles avec les matériaux. Outre
l’acquisition des connaissances de base et des discussions sur l’Histoire de la culture et de la science –
elles apportent toute une panoplie d’expériences et de compétences artisanales et artistiques et mènent
vers des questions sur le choix des stratégies artistiques et des concepts de collection. Grâce à la
perspective de voir ces valises dans des expositions et dans la médiation culturelle, les concepts des
valises-musées engagent également une réflexion sur tous les aspects de la participation, de la stratégie
de conservation, de la question du genre, de la concrétisation possible d’un discours scientifique de la
mémoire et des pratiques matérielles et immatérielles des cultures du souvenir (Tewes 2009).
Outre les objectifs éminemment didactiques, une des intentions clés de ce projet est de fournir aux
futurs enseignants des matériaux et des objets concrets pour leur pratique professionnelle dans les
écoles. Ainsi se poursuit la tradition des collections d’objets réels qui ont pratiquement tous disparu
des écoles, ce qui permet d’élargir les possibilités des enseignants en termes de méthode et de contenu
(Gach 2005 ; Ströter-Bender 2009). Ce faisant, le projet suit les traces d’une archéologie des formes
traditionnelles de l’enseignement et de l’apprentissage (Foucault 1981).
fig.4
fig.5
3. L’archéologie de l’enseignement et de l’apprentissage
Les valises musées sont également intéressantes pour « l’archéologie des formes de l’enseignement et
de l’apprentissage » à laquelle se réfère la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité
culturelle (2001, objectif 8) qui demande « d’incorporer dans le processus éducatif, en tant que besoin,
des approches pédagogiques traditionnelles afin de préserver et d’optimiser des méthodes
culturellement appropriées pour la communication et la transmission du savoir ». Cela nous amène à la
question sur la pertinence actuelle des traditions telles que celles perpétuées par l’Histoire des
« cabinets de curiosités réunis dans des caisses » ou par les collections d’antiquités du XVIIIe siècle et
sur une possible utilisation des valises-musées dans la transmission esthétique du patrimoine culturel.
Le grand succès des valises-musées et leur utilisation dans les expositions, la pratique de la pédagogie
muséale et la pratique scolaire doit également être considéré face à la socialisation esthétique dominée
aujourd’hui par une culture du visuel. De nombreux matériaux, expériences et techniques de traitement
bien connues par les générations précédentes, ne sont plus accessibles aux jeunes générations, voire
complètement ignorés par les jeunes.
Sur la base de ces réflexions, un atelier sur les valises-musées a été installé à Paderborn. Sennett décrit
le travail dans l’atelier comme une forme de pratique matérielle, comme un lieu entre le travail
intellectuel, la pratique créatrice et la virtuosité artisanale, un lieu pour le « dialogue avec les
matériaux » (Sennett 2008 : 170). Ce concept peut être appliqué aux formes centrales de production
des valises-musées. Dans leur complexité, ces dernières se situent entre les processus de réflexion, la
pratique conceptuelle (Gethmann und Hauser 2009), le contrôle des processus de composition et les
possibles découvertes et développements. Poursuivant les différentes traditions d’atelier et leurs
prédécesseurs historiques (les mosaïques, la construction de modèles, le dessin, la peinture, la
réalisation d’objets, l’écriture, les techniques textiles, les techniques de restauration), le projet des
valises-musées renoue avec les expériences fondamentales sur la qualité des matériaux différents (Raff
2008; Wagner und Rübel 2010) et avec l’apprentissage des techniques artisanales et artistiques – en se
référant constamment à la dimension de la médiation et de la communication ultérieures du concept
sous-jacent.
Les valises-musées offrent ainsi un « espace » aux objets et aux expériences artisanales mais
également aux histoires à raconter. Elles sont le lieu idéal pour partir vers des voyages imaginaires,
pour raconter des contes et des légendes, pour inventer des biographies fictives, pour apprendre des
poèmes et des textes puisés dans la littérature et pour chanter des chansons et utiliser des instruments
de musique et des sons. Dans ce domaine encore, l’utilisation des valises-musées peut être élargie vers
des thèmes relatifs à l’archéologie ou aux sites archéologiques.
fig.6
4. Culture matérielle et transmission transculturelle
Placés à l’interface entre la traduction et l’interprétation des espaces culturels, les objets et les
collections des valises-musées ne renvoient pas uniquement – par leurs programmes, leurs concepts,
leur expression et leur mise en œuvre concrète – à des conceptions artistiques, à la recherche et à la
pratique scientifique existante mais également à des échelles culturelles et des interprétations du
monde et des champs de transmission transculturelle (Ströter-Bender 2010, 2012). A travers leurs
objets, les collections des valises-musées formulent des « commentaires matériels » et des priorités
scientifiques. Leurs objets sont ainsi employés – en suivant la perspective de la science culturelle –
comme autant de porteurs et d’acteurs (Ferus und Rübel 2009) de la traduction et de la présentation
des champs discursifs et transculturels de l’Histoire de l’art et de la culture, en particulier
- à travers la perception de leur matérialité, des pratiques artisanales et artistiques et des traditions
esthétiques auxquelles ils renvoient,
- par l’exploration, la présentation et la discussion sur la production des significations et des
identités culturelles, des systèmes de valeur et des mémoires de cultures matérielles (Döring und
Thielmann 2008 : 7-48),
- à l’interface entre l’immatérialité et la matérialité.
C’est ainsi que les discours sur la culture matérielle, les matériaux et la production deviennent des
« champs de dialogue » particuliers dans l’apprentissage transculturel. Les expériences faites avec les
matériaux et les objets dans le contexte de l’archéologie créent des espaces pour un « autre » vécu du
temps, relié à la connaissance voire à la perception possible des techniques de traitement parfois
réticentes. Dans la recherche archéologique, les perspectives multiples sur le matériau et la production
peuvent se décliner par la hiérarchie des matériaux (précieux – sans valeur) (Raff 2008) et par
l’histoire des matériaux (artistiques) et leurs transferts, leur cheminement et leurs espaces
transculturels, à l’instar de l’Histoire culturelle de la route de l’encens, l’Histoire des pigments de
couleur ou des « pérégrinations » des technologies telles qu’on les observe dans la production des
armes ou des outils.
fig.7
5. L’archéologie dans l’Education au patrimoine mondial : Provenance. Restitution. Médiation
Le large spectre thématique « Provenance. Restitution. Médiation » et ses concepts relatifs à une
transmission à travers des objets et exprimés par le projet des valises-musées, semble être un autre
champ de dialogue important. Il est en relation avec les champs thématiques de l’archéologie et permet
de représenter, à travers des niveaux constructifs de transmission, les thèmes susceptibles de causer
des conflits et de nécessiter une médiation qui peut s’appuyer par exemple sur les discours relatifs au
patrimoine culturel et peut être traité à partir de plusieurs perspectives.
Les résultats de la recherche sur la provenance et sur l’art spolié – une discipline bien établie et en
développement rapide – ont profondément changé le regard sur l’Histoire des espaces archéologiques
et les collections des musées, et initié, au niveau de la politique culturelle, des discussions très
controversées sur la restitution de ces œuvres. Parmi les catégories définies du point de vue de la
justice et de la science des arts (Anton 2010-2013) qui structurent la recherche sur la provenance de
l’art et l’art spolié, on peut citer : le vol des œuvres d’art (voir entre autres Savoy 2011), le trafic des
biens culturels nationaux, le commerce illégal avec les antiquités, l’art spolié pendant la période nazie,
l’art vendu par les gens en fuite et l’art butin, ledit art dégénéré, l’art spolié transféré dans les états de
l’ex-Union soviétique (par exemple les objets trouvés par Heinrich Schliemann lors des fouilles à
Troie, entreposés aujourd’hui à Moscou), les biens culturels nationalisés pendant les dictatures et les
transferts des biens culturels pendant l’époque coloniale et le partage des résultats des fouilles. (Wolf
2010). De manière exemplaire, on peut citer par rapport à la recherche de provenance sur l’Histoire
récente le travail du « Loss Art Registers » à Londres (www.artloss.com).
Le débat actuel sur les résultats de la recherche de provenance et de restitution et les perspectives qui
en découlent pour l’Histoire des collections, des musées, des pratiques d’exposition et des transferts
d’objets, nous amènent également à une réflexion sur les liens historiographiques, ce que les
Allemands appellent la science de l’Histoire. Ce débat change notre regard sur les différents champs
de l’archéologie et de l’Histoire de l’art. Il ouvre un potentiel critique par rapport à notre perception de
la construction des débats nationaux et internationaux sur le patrimoine culturel, à l’interprétation du
passé et aux multiples dimensions d’une économie cachée dans la constitution des collections (et leurs
mécanismes de suivi). Les résultats de recherche contribuent à l’approfondissement de notre
perception de l’Histoire des différents niveaux de mise en scène dans les espaces muséaux et leur
didactique publique. Parallèlement, ces débats nous renvoient à l’Histoire des hiérarchies culturelles
dans l’évaluation de la culture matérielle et des objets d’art, leurs matériaux, les formes de production
et les technologies. Ils élargissent la cartographie culturelle et les connaissances sur les étapes
importantes de l’Histoire.
La pratique de médiation fait partie des aspects transnationaux et conflictuels de la recherche de
provenance, du débat sur le transfert et la restitution des œuvres et des objets d’art. D’un côté les
pratiques de médiation sont définies dans le discours muséologique comme stratégies culturelles qui
s’interposent entre les œuvres d’art et le public (Thiéblemont-Dollet ; Ed. 2008). De l’autre et dans le
cadre des méthodes du projet des valises-musées, elles sont comprises dans un sens plus large en tant
qu’efforts individuels et institutionnels pour l’entente, la médiation et la réparation dans le contexte de
la politique culturelle et éducative. Dans ce sens, l’idée de la médiation se réfère également aux
objectifs de l’UNESCO et de l’Education au patrimoine mondial de respecter et de conserver la
diversité culturelle en tant que patrimoine commun de l’Humanité et de renforcer le domaine de la
pédagogie de la paix par des compétences de base dans la compréhension, la discussion, la
formulation des images et les niveaux de médiation (Wiegelmann-Bals 2010).
Un des objectifs premiers du projet des valises-musées consiste à regarder les œuvres d’art
archéologiques et leur transfert lié aux stratégies de collection, aux conséquences des guerres (vol,
destruction, disparition, re-médiation dans des contextes nouveaux) et aux expropriations, en se
concentrant sur les zones d’ombres de la culture et le potentiel à la médiation, ce qui permet d’ouvrir
ces questions à la médiation dans le travail culturel, la pédagogie muséale et l’école. Des cartes
narratives et la cartographie sur les chemins, les rues et les événements ouvrent des formes de dialogue
et indiquent, par leur aspect visuel et matériel, les différents niveaux de médiation. Les modèles
d’architecture dans les valises permettent la reconstruction de monuments disparus ou détruits, ce qui
donne lieu à des « procédures de réparation » associatives. Les objets reconstitués ou des répliques
deviennent le point de départ pour raconter « l’Histoire des objets » et les péripéties de ces objets liées
à la spoliation, au commerce de l’art et aux collections muséales.
Traduction : Gudrun Meddeb
Fig.8
Fig.9
6. Les stratégies des valises-musées
Une des stratégies des valises-musées réussie et « transférable » à une archéologie ciblée sur la
provenance, la restitution et la médiation a été – outre la transmission de techniques issues de la
culture matérielle (mosaïque, poterie, vannerie) et la présentation de l’Histoire des objets – l’utilisation
des valises contentant des biographies fictives et l’invention de biographies dites esthétiques. Dédiée
aux personnalités historiques connues mais également aux voleurs de tombes, auteurs et victimes,
esclaves, enfants, chercheurs, voyageurs et artistes inconnus, cette méthode imaginaire mène à une
intensification des concepts des valises-musées. Des événements historiques lointains et des faits
concrets sont ainsi rendus visibles et intégrés de manière impressionnante dans le processus de
médiation. Ces biographies imaginaires deviennent vivantes grâce à de petits fragments de notes et des
objets tels que des vêtements, des poupées, des objets de la vie courante ou des bijoux personnels.
Dans le cadre des concepts de médiation artistique, le jeu des illusions et les falsifications peuvent – en
tant que modèles pour une autre expérience de la réalité – élargir les approches, rompre avec les
structures de perception et approfondir la compréhension. Par les biographies fictives et les référents
construits à partir de la réalité, on élargit, en même temps, les zones limites entre la vérité, les résultats
scientifiques et l’art de l’invention. Ainsi le travail sur les méthodes fondées sur la biographie
esthétique mène toujours vers des discussions sur sa légitimation didactique. Dans ce contexte les
stratégies utilisées par des artistes contemporains peuvent avoir toute leur importance (par exemple
l’artiste photographe américaine Cindy Sherman, née 1953).
En tant que représentants symboliques des sites du patrimoine naturel et culturel, des collections, des
événements historiques et des biographies, les valises-musées nous renvoient également à une autre
dimension non encore développée de l’Education au patrimoine mondial. Il s’agit d’un medium
extraordinaire très durable qui ne se « démodera » pas de sitôt. Les matériaux et les objets réunis dans
les valises-musées ne s’usent pas nécessairement lors des nombreuses utilisations. Les espaces dans
les valises et les caisses peuvent réunir de nombreux objets « utilisés ». Souvent, ils peuvent être
réalisés « sans argent », par la seule utilisation d’objets trouvés ou collectés. Des matériaux dits
« pauvres » ou des répliques peuvent devenir l’élément de base d’une valise. Pour la reconstruction
d’une simple bourse en lin d’un pèlerin du Haut Moyen-Age, on avait par exemple besoin de pain sec,
de coquillages dans une petite boîte en bois ronde, d’un carnet d’esquisses, d’une canne en bois et de
la cire d’abeille.
Les différents niveaux de l’Education au patrimoine mondial forment un immense potentiel qui nous
permet de découvrir effectivement le patrimoine culturel et naturel de l’Humanité en tant que
patrimoine commun dont nous partageons la responsabilité dans le présent et l’avenir. A ce propos,
des coopérations entre les musées, les sites du patrimoine culturel, les universités et les institutions de
formation des enseignants auront toute leur utilité.
fig.10
6. Bibliographie et sources internet
M. Anton: Handbuch Kulturgüterschutz und Kunstrestitutionsrecht, Band 1-6, Berlin/ New York
2010-2013.
F. Balke, M. Muhle, A. von Schöning (Hg.): Die Wiederkehr der Dinge, Berlin 2011.
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Die kulturelle Bedeutung des Reliefs. 16. bis 21. Jahrhundert, Zürich 2007, 193-202.
W. Dannecker, S. Thielking (Hgg.): Öffentliche Didaktik und Kulturvermittlung, Bielefeld 2012
(Hannoversche Beiträge zur Kulturvermittlung und Didaktik 2).
L. Daston, P. Galison: Objektivität, Frankfurt am Main 2007.
P. Dippon: Lernort UNESCO-Welterbe. Eine akteurs- und institutionsbasierte Analyse des
Bildungsanspruchs im Spannungsfeld von Postulat und Praxis, Dissertation in Drucklegung,
Universität Heidelberg 2012.
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(Schriftenreihe der Isa Lohmann-Siems-Stiftung, 2).
M. Foucault: Archäologie des Wissens, Frankfurt am Main 1981.
H. J. Gach: Geschichte auf Reisen. Historisches Lernen mit Museumskoffern, Schwalbach am Taunus
2005.
D. Gethmann, S. Hauser (Hg.): Kulturtechnik Entwerfen. Praktiken, Konzepte und Medien in
Architektur und Design Science, Bielefeld 2009.
A. Jannelli: Wilde Museen. Zur Museologie des Amateurmuseums, Bielefeld 2012.
T. Raff: Die Sprache der Materialien. Anleitung zu einer Ikonologie der Werkstoffe, 2. Auflage,
Münster 2008.
D. Rübel (Hg.): Materialästhetik. Quellentexte zu Kunst, Design und Architektur, Berlin 2005.
B. Savoy: Kunstraub. Napoleons Konfiszierungen in Deutschland und die europäischen Folgen, Köln
2011.
B. Savoy: Nofretete. Eine deutsch-französische Affäre 1912-1931, Köln 2011.
H. Schefers, J. Ströter-Bender (Hg.): WORLD HERITAGE EDUCATION. Ergebnisprotokoll des
ersten Kamingesprächs über Konturen und Ziele pädagogischer Arbeit an UNESCO-Welterbestätten
(World Heritage Education) am 2. und 3. Oktober 2008 im Herrenhaus des Staatsparks Fürstenlager.
Überarbeitet von Dr. Susanne Braun, PD Dr. Andrea Richter, Prof. Dr. Ingrid Schoberth und Prof. Dr.
Hildegard Vieregg, Unveröffentlichtes Dokument 2009.
R. Sennett: HandWerk, Berlin 2008.
J. Ströter-Bender: Didaktik und ästhetische Präsenz. Dreidimensionale Modelle in kulturellen
Räumen, in: W. Dannecker, S. Thielking (Hg.), Öffentliche Didaktik und Kulturvermittlung, Bielefeld
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J. Ströter-Bender: Modelle, Materielle Kultur und World Heritage Education. Zur Aktualität von
Bildungstraditionen, in: J. Ströter-Bender (Hg.), World Heritage Education. Positionen und Diskurse,
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J. Ströter-Bender (Hg.): World Heritage Education. Positionen und Diskurse zur Vermittlung des
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Ausstellen und Gestalten für den Kunstunterricht der Primarstufe, der Sekundarstufe I und die
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(Materialien/Thüringer Institut für Lehrerfortbildung, Lehrplanentwicklung und Medien, 140), 68-69.
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J. Ströter-Bender, H. Wolter: Das Weltkulturerbe der UNESCO im Kunstunterricht. Materialien für
die Grundschule, Donauwörth: Auer, Kunstunterricht der Primarstufe, der Sekundarstufe I und die
Museumspädagogik, Marburg 2005.
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Paderborn 2004.
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B. Verwiebe: Verlust und Wiederkehr. Verlorene und zurückgewonnene Werke der Nationalgalerie,
Berlin 2010.
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N. Wolf: Beute. Kunst. Transfers. Eine andere Kunstgeschichte, Wiesbaden 2010.
Liste des sources internet
Allgemeine Erklärung zur kulturellen Vielfalt (31. UNESCO-Generalkonferenz, November 2001 in
Paris): http://www.unesco.de/443.html?&L=0(Stand: 10.7.2009, 9.14 Uhr)
Arbeitskreis World Heritage Education: http://www.unesco.de/6721 (Stand: 14.7.2012, 12.00 Uhr)
Das digitale Museumskofferarchiv der Universität Paderborn:http://www.uni-
paderborn.de/index.php?id=30921
Digitale Zeitschrift: World Heritage and Arts Education (5 Ausgaben seit 2009): http://groups.uni-
paderborn.de/stroeter-bender/WHAE/index.html
Loss Art Registers: (www.artloss.com) / Lost Art Datenbank: (www.lostart.de) (Stand: 14.7.2012,
12.00 Uhr)
Stralsunder Erklärung der Deutschen UNESCO-Kommission. 22. Juni 2012:
http://www.unesco.de/stralsunder_resolution.html (Stand: 14.7.2012, 12.00 Uhr)
UNESCO-Konvention der Kulturellen Vielfalt: http://www.unesco.de/kulturelle-vielfalt (Stand
14.7.2012, 12.00 Uhr)
Zur Washingtoner Erklärung und ihrer Umsetzung in der Bundesrepublik Deutschland:
http://www.lostart.de/cae/servlet/contentblob/5140/publicationFile/29/Handreichung.pdf (Stand:
14.7.2012, 12.00 Uhr)
7. Crédits photos
Prof. Dr. Jutta Ströter-Bender
World Heritage Education. Arts and Research.
Intercultural Communication through Material Culture and Arts
Abbildungsverzeichnis (alle Fotos Jutta Ströter-Bender bis auf Nr. 4 )
1 Education au patrimoine mondial
1. Maison Romain. Welterbe Klassik. Stiftung Weimar
2. Grafique: Bâtiment de recherche, World Heritage Education (Jutta Ströter-Bender/ Eva
Koch)
3. Grafique: Cadre des sujets. World Heritage Education (Jutta Ströter-Bender / Eva Koch)
2 Le projet des valises-musées
4. Projet des Valises musées Museumskoffer-Projekt. Foto Patricia Cabaleiro de Meuser
5. Valise musée de Sabrina Zimmermann. Les Fables du Fréres Grimm. 2012
3 L’archéologie de l’enseignement et de l’apprentissage
6. Valise musée de Peter Lepp. Bionique et oiseaux. Weltnaturerbe Alte Buchenwälder
Deutschland. 2011
4 Culture matérielle et transmission transculturelle
7. Valise musée de Young-Ran Kim. Histoire de l’écriture á Corée. 2012
5 L’archéologie dans l’Education au patrimoine mondial : Provenance. Restitution. Médiation
8. Valise musée du Thomas Contze. Héritage mondiale Epidauros. 2010
9. Mediation: Museumskoffer von Sarah Kass. Schicksal eines jüdischen Mädchens in
Ausschwitz. 2011
6 Les stratégies des valises-musées
10. Exposition dans une salle du Ruhrland Musées. Welterbesonntag in der Zeche Zollverein.
Essen. Présentation des valises musées. 2010