L'HEURE DE VÉRITÉ

2
Époque Procès PHOTOS : WIRE IMAGE - T. HEISLER/AP/SIPA L’AUDIENCE DU 23 AOÛT S’ANNONCE CRUCIALE POUR LES FORCES EN PRÉSENCE : UNE FEMME DE CHAMBRE DISCRÉDITÉE CONTRE UN HOMME POLITIQUE À LA CARRIÈRE BRISÉE. PAR MAXIME ROBIN, À NEW YORK Le « defendant » Depuis son arrestation à bord d’un avion au départ de New York, Dominique Strauss-Kahn est plongé dans l’univers des séries judiciaires américaines. Il espère un abandon des charges lors de sa comparution devant le tribunal de Manhattan. Tiré d’affaire ? L’accusatrice Début juillet, la crédibilité de Nafissatou Diallo avait été affaiblie par ses mensonges, de l’aveu même du procureur de New York qui jusqu’alors soutenait une accusation sans faille contre l’homme politique français. Peu après, celle qui accuse DSK de tentative de viol a mené une contre-offensive médiatique bien orchestrée. Convaincante ? AFFAIRE DSK L’HEURE DE VERITE

description

Les points sombres de l'enquête

Transcript of L'HEURE DE VÉRITÉ

Page 1: L'HEURE DE VÉRITÉ

Époque ProcèsP

HO

TO

S : W

IRE IM

AG

E -

T. H

EIS

LER

/AP

/SIP

A

L’AUDIENCE DU 23 AOÛT S’ANNONCE CRUCIALE POUR LES FORCES EN PRÉSENCE : UNE FEMME DE CHAMBRE

DISCRÉDITÉE CONTRE UN HOMME POLITIQUE À LA

CARRIÈRE BRISÉE.P A R M A X I M E R O B I N , À N E W Y O R K

Le « defendant » Depuis son arrestation à bord d’un avion

au départ de New York, Dominique Strauss-Kahn est plongé

dans l’univers des séries judiciaires américaines. Il espère

un abandon des charges lors de sa comparution devant

le tribunal de Manhattan. Tiré d’affaire!?

L’accusatrice Début juillet, la crédibilité de Nafi ssatou Diallo avait été affaiblie par ses

mensonges, de l’aveu même du procureur de New York qui jusqu’alors soutenait une

accusation sans faille contre l’homme politique français. Peu après, celle qui accuse DSK

de tentative de viol a mené une contre-offensive médiatique bien orchestrée. Convaincante ?

AFFAIRE

DSK! ! ! ! !

L’HEUREDE VERITE

Page 2: L'HEURE DE VÉRITÉ

Le 8 août, Nafissatou Diallo a déposé une plainte au civil contre

DSK, demandant ainsi le versement de dommages et intérêts. Une suite attendue – et logique dans le système judiciaire américain – mais aussitôt dénoncée par les conseils de DSK comme la

preuve de la vénalité de la femme de chambre. Dou-glas Wigdor, l’un de ses avocats, s’en explique. VSD. Pourquoi déposer cette plainte maintenant ?Douglas Wigdor. Parce que le temps presse. L’équipe du procureur Vance nous tient à l’écart des éléments de preuves. S’il décide d’abandonner – je n’ai pas dit qu’il allait le faire –, nous devons nous tenir prêts à enquê-ter nous-mêmes avant que l’affaire se tasse, que les gens oublient, que les mails et les SMS s’effacent. Légalement, nous n’avons qu’un an pour lancer la procédure civile. Nous avons beaucoup de personnes agressées par M. Strauss-Kahn à retrouver. VSD. Qui sont ces personnes ?D. W. Je ne peux pas le dire pour l’instant. VSD. Avez-vous choisi le Bronx parce que le jury sera socialement et ethniquement plus proche de votre cliente ?D. W. (Il coupe.) Madame Diallo dépose plainte dans le Bronx parce qu’elle y habite, point.VSD. Cela donne du grain à moudre à la défense, pour qui elle ne serait motivée que par l’argent.D. W. C’est faux. Ceux qui médisent sur le cabinet Thompson Wigdor sont juste contents d’être cités dans les journaux. Il est clair, depuis le début, que Mme Diallo fait appel à nous pour obtenir des répa-rations au civil. Si nous déposons plainte maintenant, c’est pour battre le fer pendant qu’il est chaud.VSD. Pourquoi ne mentionnez-vous aucun horaire alors que le timing des événements est crucial ?D. W. Une plainte est un document formel : nous avons simplement tracé les grandes lignes, sans donner de détails que la défense pourrait exploiter. ! M. R.

L’agression présumée se serait déroulée en huit minutes

L’un des avocats de Nafissatou Diallo dit pourquoi ils réclament des dommages et intérêts à DSK.

Michael Wittman, conseiller à la cour criminelle de Brooklyn. La personnalité des juges de cour suprême compte. Ce ne sont pas des intellectuels. Ils sont pragmatiques. » Enfi n, au civil, il est plus facile de gagner qu’au pénal. Douglas Wigdor (lire encadré) rappelle à VSD le cas « OJ Simpson, où, après avoir été acquitté d’un double meurtre au pénal, celui-ci a été condamné au civil à verser des millions de dollars ». En poursuivant DSK, Wigdor espère faire aussi bien. Et Michael Wittman de pré-ciser : « Son cabinet amasserait un tiers de la somme des dommages et intérêts, comme c’est l’usage. » !

Le 23 août, on saura enfi n si un jury populaire new-yorkais jugera Domi-nique Strauss-Kahn pour crimes sexuels, ou si l’ancien président du FMI retrouvera son passeport. Après quatre mois d’enquête, émaillée de controverses et de rebondissements, l’audience, plusieurs fois reportée, qui se tiendra devant le tribunal de Manhattan devrait mettre un terme

aux supputations sur le sort de l’homme politique français. Que contient, au final, le dossier du procureur Cyrus Vance Jr. ? Revue de détail.

ADN, coups et blessures. Les traces physiques de l’agression présumée – déchirure d’un ligament à l’épaule droite, douleurs au pubis – ont été détail lées dans un rapport médical. Des « rou-geurs » au vagin, que DSK aurait meurtri avec force, ont été constatées à l’hôpital St. Luke’s Roo-sevelt, où la jeune femme a été conduite le 14 mai. Les avocats de DSK clament, depuis, que le dossier

« pour reprendre son matériel de ménage ». Ver-sion 4 : dans sa plainte au civil, déposée le 8 août, on lit qu’« à aucun moment elle n’est retournée dans la chambre 2820 qu’elle avait nettoyée avant l’attaque ». Et la version judiciaire ? C’est celle du procureur, la seule qui compte. Si les charges sont abandonnées le 23 août, on ne la connaîtra jamais.

Quand Nafi ment. « Si les erreurs du passé doivent infl uencer les décisions de justice en cas de viol, alors les femmes ont de quoi s’inquiéter », a déclaré le pasteur Bernard, qui soutient Nafi ssatou. Mais ses mensonges passés comptent énormément aux États-Unis, où la parole d’un témoin est sacrée et le parjure sévèrement puni. Nafi Diallo a menti pour obtenir l’asile. Ses relations avec un délin-quant, un Peul détenu en Arizona pour trafi c de drogue, entachent aussi sa crédibilité. Son compte en banque a été alimenté depuis deux ans par ce détenu, la somme totale avoisinant les 100 000 dol-lars. Au fisc américain, elle a déclaré avoir une seconde fi lle pour toucher plus d’allocations.

Les mensonges de DSK. Il a menti aussi, et dès le début de l’affaire. Il nie d’abord tout rapport sexuel avec Nafi ssatou Diallo. Puis de l’ADN est découvert sur la moquette. Ses avocats affi rment aussitôt qu’il y a eu un rapport sexuel, totalement consenti. « Quand ses avocats ont entendu ces trois petites lettres, ADN, il a bien fallu trouver une version qui se tienne », relève Lori Cohen, qui défend des hommes accusés de viol à la cour criminelle de Manhattan. « Imaginer une femme de chambre pratiquer une fellation à un parfait inconnu en huit minutes paraît difficile à croire », relève Stuart Taylor Jr., professeur de droit à Stanford.

« Ce type a de l’argent, je sais ce que je fais. » Cette phrase aurait été prononcée par Nafi lors d’une conversation, enregistrée par la police, avec son ami en prison. Sauf que le premier traducteur de la conversation, un Peul sénégalais, s’est peut-être trompé dans les dialectes. Ce problème de traduc-tion n’est toujours pas réglé. Pour étayer leur dossier, les défenseurs de Nafi Diallo se sont concentrés sur la recherche de témoignages d’autres victimes présumées de « M. Strauss-Kahn ».

Thompson et Wigdor sont ainsi en contact régulier avec l’avocat de Tristane Banon (dont les accusations font l’ob-jet d’une enquête préliminaire en France). La romancière

pourrait s’entretenir avec le procureur Vance.La plainte au civil. Nafi Diallo réclame des dom-

mages et intérêts, probablement des dizaines de millions de dollars. Ses avocats avouent à demi mot que la partie est perdue au pénal. Au civil, ils s’adres-sent à la cour suprême du Bronx, en réalité un tri-bunal local, composée de jurés « made in Bronx ». Souvent pauvres, noirs ou latinos, ils seront peut-être plus enclins à croire Nafi et à enfoncer un riche Blanc. « Les jurés du Bronx sont le meilleur redis-tributeur de richesses depuis l’Armée rouge », selon le bon mot de l’avocat médiatique Ron Kuby. « Une procédure civile dure plusieurs années, prévient

médical est vide. Parole contre parole : rien de sûr n’émergera sans procès.

L’homme du room service. Le timing du déroule-ment de l’agression présumée a fait l’objet de contestations multiples. Au terme de l’enquête, il apparaît établi que, ce jour-là, DSK a pris son petit déjeuner entre 10 h 30 et 11 h 30. À midi pile, un employé du room service vient débarrasser le repas. Il demande très fort s’il y a quelqu’un, ne trouve personne dans la suite, sort et dit à sa collègue Nafissatou que la voie est libre. À 12 h 06, Nafi ssa-tou Diallo entre à son tour. À 12 h 15, le Français appelle sa fi lle pour confirmer un déjeuner. Huit minutes se sont écoulées entre-temps.

Chambre 2820. Voisine de la 2806, cette chambre du Sofi tel est au centre des incohérences de « Nafi ». Version 1 : dans son témoignage initial au grand jury, en mai, elle dit avoir attendu de l’aide dans le couloir après l’attaque. Version 2 : début juillet, via une lettre envoyée par le procureur à la défense, on apprend qu’elle a nettoyé une chambre voisine, la 2820, avant de retourner dans la 2806. Version 3 : c’est Newsweek qui la donne, après interview de Nafi ssatou et examen des cartes magnétiques du personnel pour ouvrir les portes. Elle ne serait retournée dans la chambre 2820 à 12 h 26 que

N ° 1 7 7 3 2 1

DOUGLAS WIGDOR

‘‘ D’AUTRES VICTIMES À RECHERCHER’’

SI LES CHARGES SONT ABANDONNÉES CONTRE DSK, LES AVOCATS DE LA FEMME DE CHAMBRE GUINÉENNE MISENT SUR UN PROCÈS AU CIVIL,

ET LES MILLIONS DE DOLLARS QU’IL POURRAIT RAPPORTER

La chute Le 15 mai, devant les

caméras du monde entier, l’ancien directeur

général du FMI, sort, menotté et défait, d’un commissariat de police

de Manhattan. La fin d’une carrière!?

L’invisible Nafi ssatou Diallo, en quelques semaines, est passée du

statut de victime anonyme et traquée à celui de manipulatrice,

avide d’argent.

L’enquête Le procureur Cyrus Vance admet que la plaignante n’était pas d’une

fi abilité parfaite.

Un visage L’inconnue du Sofi tel se montre au grand jour le 24!juillet

sur ABC News.

PH

OTO

S : A

FP

- C

RY

STA

L/N

EW

S P

ICTU

RES -

STA

RFA

CE -

WIR

E IM

AG

E -

D. R

.