“L’évasion fiscale locale et internationale” · Université St Joseph Faculté de Gestion et...
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Université St Joseph Faculté de Gestion et de Management
“L’évasion fiscale locale et
internationale”
Conférence présentée par:
Me Antoine Chenaihi
le 30 janvier 2004
1
Dans son histoire de la révolution, Michelet écrit:
“L’assemblée était fondée, elle vivait, il lui manquait la force, la
certitude de vivre. Elle se l’assura en saisissant le droit de l’impôt''.
Cet impôt exprime la servitude du contribuable qu’il atteint
dans ses biens; il ampute la richesse privée au profit de la richesse
publique; d’un autre côté, l’impôt exprime la grandeur du
contribuable, invité à le consentir directement ou par ses
représentants et bénéficiaires.
Le contribuable insatisfait par cet impôt et voulant le réduire,
l’éviter, le contourner, a recours parfois à la fraude fiscale, qui
implique une violation intentionnelle de la loi, ou à l’évasion qui est
l’utilisation de la loi pour minimiser le coût fiscal des opérations.
On s’accorde à penser que cette pratique est légitime; par
exemple choisir d’utiliser les allègements et stimulants fiscaux
existant dans les législations internes, s’abstenir de consommer un
produit taxé ou investir dans des activités ou industries exonérées
de l’impôt comme celles mentionnées dans les articles 5 et 5 bis du
décret-loi 144 du 12/6/1959 (code de l’impôt sur le revenu) à citer:
les établissements d’enseignement, hôpitaux, orphelinats, asiles
d’aliénés, sociétés coopératives de consommation, exploitations
agricoles, compagnies de navigation aériennes et maritimes etc.
Cette attitude est celle de l’OCDE qui invite dans son rapport
sur l’évasion et la fraude fiscale internationales en 1987 à adopter
une définition large de l’évasion, en distinguant, au sein de toutes les 2
formes de réductions de la charge fiscale, l’évasion acceptable et
l’évasion inacceptable. C’est l’évasion inacceptable qui est en fait
visée lorsque l’on parle couramment y compris dans le titre même
des conventions fiscales, d’"évasion fiscale".
Toute la question devient alors de savoir ce qui est
acceptable et ce qui ne l’est pas. Sur ce point, la réponse des milieux
d’affaires n’est évidemment pas celle des pouvoirs publics.
Les milieux d’affaires suggèrent que l’évasion fiscale et le
recours aux paradis fiscaux sont dûs en grande partie à la nécessité
économique de faire baisser les coûts fiscaux, jusqu’à un niveau
supportable, compte tenu en particulier des contradictions qui
peuvent exister entre les législations nationales et qui génèrent des
surimpositions sur les entreprises qui réalisent des opérations
internationales.
Les pouvoirs publics, en général, mettent en avant le fait que
l’existence de paradis fiscaux est un facteur important d’orientation
des capitaux en fonction des motivations de nature fiscale et porte
atteinte á la neutralité de l’impôt. Ils sont également sensibles aux
pertes budgétaires qui peuvent résulter d’une érosion de la matière
taxable.
Le système fiscal appliqué au Liban diffère du système
français où l’assiette globale est de rigueur. Au Liban c’est
l’application du système cédulaire, c à d. que chaque revenu est
imposé différemment de l’autre. 3
Même les revenus individuels d’une seule personne
provenant de biens immobiliers, d’activités commerciales et
industrielles, de carrières libérales ou de valeurs mobilières sont
imposés séparément et selon des taux différents…..
Afin de donner quelques exemples d’évasion fiscale, il serait
souhaitable de prendre en considération les cédules et les taux
d’imposition en cours au Liban.
I- Sur le plan interne
Aperçu général
Le code de l’impôt sur le revenu a prévu trois titres
d’imposition:
Titre I: Il s’applique aux bénéfices des professions industrielles,
commerciales et non commerciales (y compris les carrières libérales,
artisanales….) imposés à un taux progressif par tranches variant de
4% a 21%.
Titre II: Il s’applique aux traitements, salaires, pensions de
retraite, imposés également à un taux progressif par tranches variant
de 2% à 20%.
Titre III: Il s’applique aux revenus des capitaux mobiliers (y
compris dividendes et tentièmes) imposés à un taux fixe de 10%.
4
Ce même décret-loi a soumis les bénéfices des sociétés de
capitaux à un taux fixe de 15%.
Il a soumis aussi à l’impôt, par les articles 41 et 42 du code de
l’IR, les sommes payées au Liban, en rémunération d’activités
imposables, à des personnes physiques ou morales n’ayant pas
d’établissement professionnel au Liban. C’est le cas par exemple
d’un technicien ou d’un artiste de passage qui a été rémunéré sur le
territoire libanais ou le cas d’un courtier libanais qui n’a pas
d’adresse professionnelle et qui a conclu une affaire pour le compte
d’une société.
C’est aussi le cas d’un étranger qui écoule occasionnellement
de la marchandise au Liban dans le cadre d’une exposition par
exemple.
A noter que le code de l’impôt sur le revenu a accordé un
abattement de 7,5ML.L pour chaque personne physique
contribuable, de 2,5ML.L pour le contribuable marié si sa femme ne
travaille pas et de 0.5ML.L pour chaque enfant à charge jusqu’à
cinq enfants.
Il a prévu de même trois genres d’imposition : sur la base du
bénéfice réel, forfaitaire ou estimé.
1- En ce qui concerne l’impôt sur le revenu.
Les sociétés au Liban sont la plupart du temps des sociétés
familiales, ou la propriété d’un groupe homogène qui cherche les 5
meilleurs moyens de réduire l’impôt. Cette situation facilite la sortie
d’une partie des bénéfices de la société qui est alors transférée, avant
qu’elle ne soit imposée, aux actionnaires ou propriétaires des parts
sociales sous forme de rémunération pour prestations de services ou
autres.
a- Evasion par l’intermédiaire des articles 41-42 de la loi. (*1)
En vertu de ces deux articles, la personne morale peut
procéder à l’évasion suivante:
Si on considère qu’elle veut minimiser l’impôt sur 100M de
L.L de bénéfices réalisés, elle n’a qu’à les verser comme prestations
de services à une ou plusieurs personnes (qui peuvent être les
actionnaires mêmes) et qui n’ont pas d’établissement professionnel
au Liban.
Et le tableau suivant montre comment est réalisée l’évasion fiscale.
(*1) Les articles 41et 42 disposent ce qui suit: - art 41: Les sommes payées au Liban en rémunération d’activités soumises au présent impôt, à des personnes, sociétés ou entreprises n’ayant pas d’établissement professionnel au Liban, ainsi que les bénéfices, recettes et produits réalisés au Liban par ces mêmes personnes, sociétés ou entreprises, sont imposés conformément aux dispositions de l’article ci-après. - art 42: (modifié) Le montant net imposable est fixé forfaitairement à 15% des recettes de base visées par l’article précédent, et 50% si lesdites sommes représentent une indemnité pour prestations de services. L’impôt est retenu et acquitté sur base de 15%.
6
Le tableau suivant montre comment est réalisée
L’évasion fiscale de par les Articles 41 et 42 du code de l’IR
Sur 100 M de LL de bénéfices d’une société imposés comme
prestations de service á un non résident
Situation normale Situation d’évasion
Déclaration Taux Impôts Déclaration Taux Impôts
100 M 15 % 15 M 50 M (b) 15 % 7.5 M
85 M (a) 10 % 8.5 M
total= 23.5 M Total= 7.5 M
Taux global= 23.5 % Taux global= 7.5 %
D’où une différence d’évasion de : 23.5 % - 7.5 % = 16 %
(a)Déduction d’impôts : 100 M- 15 M= 85 M (b) 100M * 50%= 50 M
7
b- Evasion par l’intermédiaire de sociétés de personnes (S.N.C par
exemple).
Comme nous venons de le citer, les sociétés de capitaux au
Liban, étant en général des sociétés familiales, peuvent
parallèlement constituer une société de personnes dont les titulaires
des parts sont les actionnaires mêmes.
La société de capitaux charge cette société de personnes
d’entreprendre des activités pour son compte à titre rémunératif.
Les sommes versées par la S.A.L à la S.N.C sont distribuées
aux personnes physiques propriétaires de la S.N.C, où chaque
associé doit déclarer l’ensemble de ses revenus.
8
Le tableau suivant montre comment est réalisée
L’évasion fiscale par l’intermédiaire de sociétés de personnes
500 M de LL versées (prestations de service ou autre) de la S.A.L. à la S.N.C. composée de cinq associés mariés.
Situation normale Situation d’évasion
Société SAL Société SNC
Déclaration Taux Impôts Déclaration Taux Impôts
500 M 15 % 75 M 90 M x 5(b) 10.77 % 48.5 M
425 M (a) 10 % 42.5 M
Total= 117.5 M Total= 48.5 M
Taux global= 23.5 % Taux global= 10.77 %
D’où une différence d’évasion de : 23.5 % - 10.77 % = 12.73 %
(a) Dividendes distribués (b) Société composée de 5 personnes : 500 M/ 5= 100M
A déduire l’abattement familial pour chaque personne physique : 100M – 10M= 90M
9
c- L’évasion fiscale par l’intermédiaire des salaires :
500 M de LL versées à cinq actionnaires considérés comme salariés mariés.
Le tableau suivant montre comment est réalisée
L’évasion fiscale
par l’intermédiaire des salaires
L’hypothèse étant la même
Situation normale Situation d’évasion Société SAL Salaires
Déclaration Taux Impôts Déclaration Taux Impôts
500 M 15 % 75 M 90 M x 5(b) 10.37 % 46.65 M
425 M (a) 10 % 42.5 M 100M x5(b) 9.33 % (46.65M )
Total= 117.5 M Total= 46.65 M
Taux global= 23.5 % Taux global(sur100M)= 9.33 %
Une différence de : 117.5M – 46.65M = 70.85M
d’où une différence d’évasion de : 23.5 % - 9.33 % = 14.17 %
(a) Dividendes distribués (b) Cinq salariés mariés : 500 M/ 5= 100M
A déduire l’abattement familial pour chaque personne physique : 100M – 10M= 90M
10
d- Evasion par l’intermédiaire d’une carrière libérale.
Les professions libérales, avocat, ingénieur, consultant etc.,
sont imposées, la plupart du temps, sur base de bénéfices forfaitaires
et à raison de 50% de leurs revenus; ce qui permet une évasion
facile.
Les sociétés ont recours à des consultants (la plupart du temps
actionnaires) pour opérer l’évasion suivante :
11
Les tableaux suivants montrent comment est réalisée
L’évasion fiscale par l’intermédiaire des carrières libérales
L’hypothèse étant la même 500 M de LL versées à cinq consultants mariés.
Situation normale Situation d’évasion Société SAL Profession libérale
Déclaration Taux Impôts Déclaration Taux Impôts
500 M 15 % 75 M 40 M x5(b) 8.32 % (c) 16.65 M
425 M (a) 10 % 42.5 M 100 M x5(b) 3.33 % (c) (16.65M)
Total= 117.5 M Total= 16.65 M
Taux global= 23.5 % Taux global(sur 100M)= 3.33 %
Une différence de : 117.5 M – 16.65 M = 100.85 M
D’où une différence d’évasion de : 23.5 % - 3.33 % = 20.17%
(a) Dividendes distribués (b) Cinq personnes mariées : 500 M/ 5= 100M
100M*50%= 50M A déduire l’abattement familial : 50M – 10M= 40M
(c) Par tranches au taux le plus bas
12
e- L’évasion par l’intermédiaire des actions:
1- De l’impôt sur le revenu.
La loi Nº 282 du 30/12/1993, dans son article nº19 a abrogé
l’alinéa 5 de l’article 73 du code de l’impôt sur le revenu. Cet alinéa
imposait le bénéfice de la cession d’actions qui, après cette date, a
été exonéré de l’impôt.
Profitant de cette loi les résultats de quelques ventes sont les
suivants:
- La vente des actions d’une société (une vente qui est
exemptée de l’impôt sur les bénéfices) comprend la vente
de la société et de son actif qui aurait d û être imposé sur la
plus- value en vertu de l’article 45 du code de l’IR.
Exemple:
Une société anonyme possédant des biens mobiliers:
-actif immobilisé imposé à un taux de 10%
-actif circulant imposé à un taux de 15%
En cas de vente des actions on aurait vendu la société comprenant
tous ses actifs (immobilisés et circulants).
Et par conséquent la cession aurait été réalisée sans impôt d’où :
EVASION FISCALE TOTALE
13
2- De la taxe du transfert de la propriété foncière.
- En vertu de ce principe qui s’est élargi à la propriété foncière,
l’évasion comprend l’impôt sur la plus-value de même que la taxe
foncière.
Exemple pratique: constitution d’une société pour s’approprier
un immeuble soit par achat soit par apport en nature.
L’immeuble existant dans l’actif de la société a une valeur
comptable de 500M en une année (x). Sa valeur réelle en l’année (y)
est devenue 800M.
La vente des actions de cette société comprend la vente de la
société et celle de l’immeuble.
14
Le tableau suivant montre comment est réalisée
L’évasion fiscale de l’impôt et de la taxe
de transfert de la propriété foncière
Impôt normal Taxe propriété foncière
Montant Taux Impôts/Taxe
Plus value 300 M (a) 15 % 45 M
Taxe foncière (b) 800 M 5.8 % 46.47 M
Total= 91.47 M
Evasion totale
(a) Vente (800 M) - Achat (500M)= 300M (b) Taxe foncière (droit de transfert de propriété)
15
- Cette idée s’est élargie jusqu'à arriver à des opérations
camouflées de vente de l’usufruit de biens immobiliers.
C’est le cas par exemple d’une société constituée pour
s’approprier un centre balnéaire ou commercial et qui répartit les
actions en fonction de l’acquisition d’un magasin, d’un bureau ou
d’un chalet à l’intérieur du complexe. L’acheteur des actions
relatives á un local donné aura donc l’usufruit du local en question.
La vente est apparemment celle des actions auxquelles sont
rattachés les biens immobiliers et non des biens eux-mêmes alors
qu’en fait c’est une opération de transfert de l’usufruit des biens
immobiliers permettant d’échapper à la taxe foncière d’où :
EVASION FISCALE TOTALE
d- Evasion par la société off shore
Ce type de société a pris naissance par le décret loi 46 du
24/6/1983.
Domiciliée au Liban, ses opérations doivent se passer en
dehors du territoire libanais. Les bénéfices réalisés suite à ses
activités sont exemptés de l’impôt sur les sociétés.
Ses bénéfices distribués, sont aussi exemptés de l’impôt sur les
dividendes.
Profitant de cet avantage le contribuable libanais, personne
physique ou morale, au lieu de comptabiliser ses opérations
commerciales faites entre un pays (A) et un pays (B) en dehors du
Liban, a recours à ce type de société.
16
Cette société est aussi exemptée de droits de timbre sur ses
contrats conclus au Liban et se rapportant à des opérations en dehors
du territoire libanais.
Celle-ci ne payera en définitive qu’un million de L.L. d’impôt
d’où évasion fiscale appréciable.
2- Impôts indirects (droits de timbre)
Les timbres non apposés sont considérés comme une fraude,
car il est interdit sous peine d’amende de conclure un accord sous
seing-privé sans y apposer de timbre fiscal.
Par contre, un seul exemplaire déposé auprès d’un notaire ou
d’un avocat constitue une évasion fiscale ; puisqu’ à chaque copie
retirée de chez le dépositaire, il suffit d’apposer un timbre de
20,000L.L plutôt que de payer 3‰ pour chaque exemplaire.
3- Droit de mutation (régi par le décret loi N146 du 12-6-
1959)
C’est une taxe imposée sur la valeur nette de la succession,
elle atteint tous les droits et biens mobiliers et immobiliers transmis
à des tiers par voie de succession, testament, donation ou autre ….
sans contrepartie équivalente à leur valeur réelle.
Elle est assez élevée et imposée selon le degré de parenté entre
le de cujus et les héritiers, et ce par tranches suivant un taux variant
de 3% á 45%.
17
a- Evasion des mobiliers et argent liquide
1) une donation de main à main se fait du donateur au
donataire ou bien du de cujus aux héritiers avant le décès. C’est
l’évasion la plus simple.
2) Par l’intermédiaire d’une banque
De part l’article 25 du code du droit de mutation précité, les
héritiers ne peuvent entrer en possession des biens du de cujus
qu’après avoir acquitté le droit de mutation.
Une amende est infligée à tout débiteur à une succession qui
remet un bien en sa possession aux héritiers sans qu’ils aient acquitté
le droit de mutation.
Cette amende n’est pas appliquée aux banques et par la suite la
banque peut commettre une infraction à la loi en remettant les biens,
compte en banque ou contenu d’un coffre-fort, aux héritiers ou aux
ayants droit sans qu’elle ne soit pénalisée.
b-Immobilier
L’article 4 de la loi précitée considère que les biens mobiliers
et immobiliers dont le défunt a disposé en faveur d’un de ses
héritiers, dans les deux années précédant son décès, sont considérés
comme faisant partie de la succession et par la suite soumis au droit
de mutation.
Il suffit donc que le de cujus transmette aux héritiers, par une
vente qui cache une donation, les biens en question, et que les deux
ans s’écoulent pour échapper à la taxe prévue par la loi.
18
II- Sur le plan international Conventions et paradis fiscaux
La fiscalité internationale n’existe pas car l’impôt est soumis
aux principes de la territorialité de la loi et de la souveraineté de
l’Etat sur son territoire.
C’est le transfert du mobilier entre un Etat et un autre qui doit
être étudié sous deux couvertures: les conventions et les paradis
fiscaux.
A- Conventions :
Les conventions fiscales modernes sont bâties sur le même
moule issu des travaux de l’OCDE et de l’ONU; ceux-ci ont
d’ailleurs donné lieu à des modèles de conventions.
Ces conventions fiscales servent de cadre de relations entre les
Etats, en remplissant deux objectifs: éliminer les doubles
impositions, et lutter contre la fraude et l’évasion fiscales
internationales. Leur portée est très importante, même si elle est
parfois limitée par le fait d’un Etat qui ne remplit pas ses
engagements internationaux.
D’une manière générale ces conventions fiscales ont
normalement, comme toute convention internationale, une autorité
supérieure à celle des lois.
19
1- L’objet essentiel des conventions est d’éliminer les doubles
impositions. Là, réside leur véritable portée à l’égard des opérateurs
du commerce international. Ceux-ci ont la certitude juridique soit de
n’être imposés que dans un seul Etat, soit de bénéficier d’un crédit
d’impôt en cas d’imposition dans les deux Etats.
A cet égard, la portée des conventions est variable, selon que
les Etats connaissent ou non un mécanisme d’élimination des
doubles impositions en droit interne et ceci dans deux hypothèses :
a) - S’il existe un système de droit interne d’élimination des
doubles impositions, la convention fiscale apporte moins aux
entreprises ou aux individus. Tel est le cas, par exemple, des Etats
Unis (système généralisé de crédits pour impôts étrangers.)
b) - S’il n’existe pas de système de droit interne pour
l’élimination des doubles impositions, la convention se révèle
extrêmement précieuse, tel est le cas par exemple, en ce qui
concerne l’impôt en France. En l’absence de conventions, les
doubles impositions ne sont pas éliminées; elles ne sont que
faiblement atténuées ; les charges payées à l’étranger étant
déductibles en France.
2- La lutte contre l’évasion et la fraude fiscales internationales
Les conventions permettent également de lutter contre
l’évasion et la fraude fiscales internationales au moyen de :
- L’échange de renseignements entre Etats.
- L’assistance au recouvrement. 20
Presque tous les Etats contrôlent à des degrés divers et avec
des moyens variés, les opérations internationales réalisées par leur
résidents, sauf s’il s’agit précisément de “paradis fiscaux”.
Le contrôle fiscal se fait surtout par les législations internes
des Etats qui visent en premier, les opérations internes, mais qui ne
sont pas limitées uniquement à ces opérations.
Ces conventions dont le but est d’éliminer l’évasion fiscale,
permettent par leurs dispositions quelques évasions.
A partir de la convention franco-libanaise nous allons citer
quelques exemples :
a- De l’impôt sur le revenu
Nous savons que cet impôt est soumis en France au principe de
l’assiette qui englobe tous les revenus du contribuable dans une
seule assiette, pour être imposés suivant un taux progressif.
Il suffit pour un contribuable imposé en France, de constituer
au Liban, une société de capitaux ou de personnes (selon ses
besoins) qui remplit les conditions du code de commerce libanais. Il
peut ainsi transférer au Liban, en contre-partie de prestations de
services, par exemple, une grande partie de ses bénéfices réalisés en
France. Ils seront ainsi imposés au Liban selon un taux moindre.
Ceci est applicable aussi à une filiale ou à une succursale
française opérant sur le territoire libanais, qui devient après un 21
certain temps un établissement stable imposé selon la loi libanaise.
Tous ses bénéfices peuvent retourner à la maison-mère sans impôt
profitant ainsi de la convention entre les deux pays.
b- Du droit de mutation
Le cas d’un de cujus libanais résidant au Liban et ayant des
biens en France:
- L’immobilier est soumis impérativement au droit de mutation
français, toujours en vertu de la territorialité et de la souveraineté.
- Les mobiliers (comptes en banque) peuvent être imposés au
Liban et un certificat du service du fisc libanais prouvant que la taxe
à été réglée au Liban, permettra d’éviter la double imposition tout en
payant une taxe plus faible que celle pratiquée en France.
B- Paradis fiscaux:
L’existence et l’utilisation des paradis fiscaux est liée à la
notion de “Tax planning”.
Il est évident qu’il n’existe aucun critère précis et objectif
permettant de définir ce qu’est un paradis fiscal. Il s’agit d’une
notion entièrement relative, un Etat pouvant présenter certains
aspects d’un paradis fiscal alors que par d’autres cotés, son régime
fiscal peut être très rigoureux.
Un paradis fiscal apparaît comme une entité territoriale, dotée
de la souveraineté fiscale, où les impôts sont faibles ou nuls.
Il existe en pratique un certain nombre de traits communs ou
de caractéristiques communes propres aux paradis fiscaux: 22
1) Une très faible ou une absence complète d’imposition des
revenus, des bénéfices, des distributions ou du capital.
Cette politique est appliquée à des degrés divers dans les
différents paradis fiscaux. Elle peut être :
- Totale sur tout le territoire et concernant les résidents et les
non résidents.
-Réservée aux non-résidents (sociétés n’ayant aucune activité
financière ou commerciale sur le territoire ou encore sociétés ''off
shore''.)
-Accordée seulement à certaines catégories de revenus comme
les bénéfices réalisés suite à des activités mentionnées dans les
articles 5 et 5 bis du code de l’impôt sur le revenu libanais et à
certains types d’opérations (bénéfices réalisés par la cession
d’actions au Liban.)
2) Une législation financière et commerciale attrayante.
3) Une condition sine qua non d’utilisation de ces Etats à
fiscalité privilégiée est normalement l’assurance pour
l’investisseur, que le secret bancaire est absolument garanti
(Luxembourg, Liban, sauf en cas de blanchiment d’argent.)
4) Une législation sur les sociétés caractérisée, en général, par
un grand libéralisme qui permet de créer très rapidement et sans
formalités coûteuses des sociétés simplement domiciliées, c’est- à-
dire enregistrées dans le pays.
Exemples:
ALDERNEY: durée de formalités d’enregistrement 24 heures
ouvrables environ, droit d’enregistrement 100 pounds.
ANGUILLA: durée de formalités d’enregistrement 24
heures, droit d’enregistrement 50$ etc. 23
Ces sociétés peuvent être fictives et se borner à disposer d’une
boite aux lettres dans une banque ou chez un avocat par exemple.
Elles permettent de fixer les bénéfices dans un pays refuge. C’est ce
qu’on appelle des "sociétés écrans" dont le but est de rendre plus
difficile le contrôle fiscal.
5) La sécurité politique et économique
Il s’agit là d’un critère très important dans le choix d’un
paradis fiscal, si le devenir des capitaux transférés est incertain, et si
le pays est politiquement, économiquement ou socialement troublé,
les avantages fiscaux momentanés sont en effet très largement
illusoires.
Sur le plan économique le pays doit avoir une monnaie stable
et une organisation financière et bancaire bien structurée. L’absence
de contrôle de change et l’appartenance à une puissante zone
monétaire sont très importantes.
Ces paradis fiscaux permettent d’investir des capitaux et de
réaliser des bénéfices exemptés d’impôts ou imposés à un taux
faible. Citons comme exemple l’assurance vie conclue par un de
cujus libanais en faveur d’un testataire ou d’un héritier. Ces
assurances étaient imposées au Liban selon les taux prévus par la loi
sur les successions. Ce qui a amené les libanais à conclure ce genre
d’assurance vie dans un pays considéré comme un paradis fiscal. Le
législateur libanais, a donc décrété, (la loi Nº326 du 28-6-2001, loi
de finances) que l’assurance vie contractée par une personne est
24
considérée en dehors de la succession, et n’est imposable que d’un
taux de 5% sans tenir compte du degré de parenté.
Mais, pour extrapoler, il faudrait peut être déterminer la
position de l’administration fiscale, en matière de contrôle des
opérations d’évasion fiscale; contrôle qui s’avère être serré puisque
l’administration considère avec beaucoup de rigueur ce genre
d’opérations. En effet, l’administration, en vertu de ses pouvoirs
généraux de contrôle a le droit de restituer leur véritable caractère á
des opérations qui, sous couvert de contrats ou d’actes juridiques
quelconques, ont pour conséquence de faire échec á la loi fiscale. De
plus la loi libanaise considère par exemple que les salaires perçus par
les associés dans les sociétés de personnes sont considérés comme
bénéfices majorés à leurs résultats et imposés comme bénéfices
commerciaux et industriels c’est à dire sous le titre I.
Cette même administration essaye souvent de ne pas prendre
en considération les paiements de salaires et de prestations de
services et opère un contrôle sur ces montants depuis la date de leur
sortie de la société jusqu’à leur entrée dans le calcul de l’impôt des
bénéficiaires.
Souvent aussi l’administration essaye d’appliquer in extenso le
texte sans lui donner d’interprétation comme par exemple le cas du
contribuable qui a déduit de ses revenus imposables certaines
charges qui n’étaient pas expressément citées dans l’article 7 de la
loi de l’impôt sur le revenu. L’administration ayant refusé de les
déduire, il a eu recours au CE, d’où la décision Nº 295 du 25/5/1982 25
26
qui a permis plus de liberté dans l’interprétation des textes du fait
que le contenu de l’article 7 n’était autre qu’énumératif.
Mais rappelons que l’évasion fiscale, bien qu’elle ne soit pas
reconnue par toutes les législations des Etats, connaît son apogée,
comme nous l’avons vu, dans les conventions et les paradis fiscaux.
Mais elle peut être plus restreinte ou plus implicite ou explicite selon
le point de vue de l’administration fiscale et du juge fiscal.
Il reste que le meilleur moyen pour l’Etat d’inciter le
contribuable à payer ses impôts de bonne grâce est de lui montrer
que son argent est utilisé à bon escient. Le jour où le citoyen sentira
que plus d’impôts signifie plus de services publics, plus de
prestations sociales et surtout plus de souveraineté, il n’essayera plus
de se soustraire à ses devoirs envers l’Etat.
Enfin, et pour terminer sur une note optimiste, je dirai que la
tendance actuelle, dans le cadre de la mondialisation, est à une
réduction de l’interventionnisme de l’Etat donc à la réduction des
impôts. Mais serons-nous plus heureux pour autant? Le monde de
demain sera-t-il meilleur et plus juste? A nous d’y réfléchir.