L'étonnante histoire des bains de mer
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août 2013 - N° 800
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portrait… Jules tallandier, l’éditeur précurseur
nos rendez-vous inédits : préhistoire, archéologie, les routes de l’histoire, l’origine d’une expression…
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ce Jour-là 4 août 1789, l’abolition des
privilèges
comment sont nées
nos stations balnéaires
bains de merl’étonnante histoire des
• pour se soigner au xviie
• pour se montrer au xixe
• pour bronzer au xxe
4 historia août 2013
contributeurs
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Jean VerdonProfesseur honoraire des universités, il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Intrigues, complots et trahisons au Moyen Âge (Perrin, 2012).
Denis LefebvreHistorien, il dirige la collection « L’encyclopédie du socialisme ». On lui doit Les Secrets de l’expédition de Suez (Perrin, 2010).
Bernard toulierChercheur au CNRS, conservateur en chef du patrimoine, il a écrit Villes d’eaux : stations thermales et balnéaires (Imprimerie nationale, 2002).
Joëlle ChevéSpécialiste de la société d’Ancien Régime, elle a dernièrement signé Les Grandes Courtisanes (First, 2012).
6 aCtUaLitÉsLa Seine au fil de l’eau
10 À La PrÉhistoirELes premiers Américains
13 arChÉoLoGiEUn village breton du VIIe siècle ressuscité
15 LE MUsÉE iNsoLitELe musée de la Préfecture de police de Paris
16 L’art DE L’histoirEBerthe Morisot : la palette lumineuse de la dame en noir
18 LEs roUtEs DE L’histoirESur les pas de Giono
20 L’iNÉDit DU MoisAoût 1930 : une tentative d’évasion à la prison d’Aix-en-Provence
21 UN iLLUstrE iNCoNNUAntonio Stradivari
22 UN Mot, UNE EXPrEssioNPayer en monnaie de singe
23 L’air DU tEMPsHello, le soleil brille
26 CE JoUr-LÀ4 août 1789 : l’abolition des privilèges
31 DossiErL’étonnante histoire des bains de merDes terreurs médiévales à l’engouement né des Trente
Glorieuses en passant par les stations balnéaires du
XIXe siècle, les rivages ont suscité bien des fantasmes.
60 LEs DEssoUs DE…L’arche de NoéPas de chance pour le patriarche : son embarcation s’est
échouée sur un massif montagneux aujourd’hui disputé
par les Turcs, les Arméniens et les Azerbaïdjanais…
66 sPÉCiaL ViLLERoyanSise à l’embouchure de la Gironde, célèbre pour ses
plages de sable fin, cette station balnéaire réputée de
la Belle Époque a su renaître de ses cendres après les
lourdes destructions de 1945.
76 À L’affiChE
84 LiVrEs
91 Mots CroisÉs
92 PortraitJules Tallandier, l’éditeur précurseurLe fondateur éponyme de la célèbre maison d’édition a su
répondre, à la fin du XIXe siècle, à l’essor sans précédent
du marché du livre et de la presse. Retour sur la carrière
de celui qui a lancé Historia.
98 iDÉE rEçUELa papesse Jeanne a bien existé
sommaire Août 2013
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roger DachezMédecin, enseignant à l’université Paris VII - Denis-Diderot, il a publié une Histoire de la médecine, de l’Antiquité à nos jours (Tallandier, 2012).
Matthieu LetourneuxUniversitaire, il a coécrit La Librairie Tallandier : histoire d’une grande maison d’édition populaire (1870-2000), chez Nouveau Monde éditions (2011).
Claudine Le tourneur d’isonÉgyptologue, elle a collaboré à divers documentaires et écrit plusieurs ouvrages, dont Chroniques égyptiennes (Le Pré au Clerc, 2005).
olivier CoquardDocteur en histoire, pro fesseur à Henri-IV, il a consacré sa thèse à Marat (Fayard, 1993). Il dirige la collection « Vies parallèles » (éd. Autrement).
Spécial ville : Royan, p. 66L’Océan en héritage
Dossier : L’étonnante histoire des bains de mer, p. 31
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16 historia août 2013
l’art de l’histoire
Le musée de Caen met l’artiste à l’honneur dans l’exposition intitulée « Un été au bord de l’eau », qui se tient jusqu’au 29 septembre. Une occasion de découvrir l’une des figures majeures du courant impressionniste.
Parce qu’ils se rendent sur place et prennent pour sujet leur environnement quotidien, les
peintres impressionnistes sont les témoins privilégiés des transformations de la société à la fin du XIXe siècle. Berthe Morisot est de ceuxlà. Fille de préfet, née en 1841 à Bourges, elle passe une partie de son enfance à Caen, avant que ses parents ne s’établissent à Passy. Elle reçoit l’éducation d’une jeune fille de bonne famille et prend des cours de dessin.Particulièrement douée, elle s’affirme bientôt comme artiste à part entière. En 1868, elle rencontre Manet au Louvre, où elle copie les grands maîtres. Une étape déterminante de sa carrière : elle devient sa muse, épouse le frère du peintre, Eugène, et, par son intermédiaire, intègre le groupe des impressionnistes.Les œuvres de ce courant reflètent l’évolution rapide des modes de vie. Nombre d’entre elles rendent
compte de l’essor des villégiatures et des loisirs en plein air. Le train a rendu accessibles les côtes normandes. Berthe se rend souvent, dans la maison de campagne des Manet. On la voit aussi à Lorient, chez sa sœur, Edma. Elle aime traduire les vibrations changeantes du ciel et de la mer, unis dans une subtile symphonie.Chaque été, aristocrates et grands bourgeois se retrouvent au bord de la mer. Officiellement, ils s’y rendent pour se refaire une santé et bénéficier des bienfaits des cures thermales, alors fortement conseillées par le corps médical. La ligne ParisLe Havre, inaugurée en 1847, met le désir de nature à seulement trois heures et demie de la capitale. De nouveaux équipements répondent aux besoins de ce tourisme sélect et marquent le début de l’urbanisation du paysage côtier : hôtels de luxe, casinos dernier cri et villas extravagantes accueillent ces voyageurs exigeants.
Sur place, ils découvrent le spectacle de l’océan, la lumière changeante et les vastes plages face à l’horizon, où ciel et eau se confondent. Certains s’aventurent même jusqu’à faire trempette. La comtesse Jean de Pange relatera, en 1900, ses premiers souvenirs estivaux : « On pouvait rester des heures immobiles sur les galets à regarder l’horizon, sous les ombrelles et avec des gants et des voilettes pour se préserver du hâle. »En plantant leurs chevalets le long des promenades ou sur la plage, Édouard Manet, Edgar Degas, Claude Monet ou Berthe Morisot saisissent le début d’un phénomène appelé à se développer : le tourisme. À la recherche de sensations nouvelles et de dépaysement, les vacanciers les plus aisés reproduisent leurs habitudes parisiennes, et les planches normandes deviennent vite le « boulevard d’été de Paris ». Jusqu’à la Première Guerre mondiale, la promenade sur la digue
ou les retrouvailles sur les terrasses des grands hôtels occupent une partie de l’aprèsmidi et de la soirée de ces nouveaux estivants.Dans la préface de l’exposition « Un été au bord de l’eau », au musée de Caen, l’historien d’art André Rauch souligne : « Pour les peintres impression nistes, célébrer les rivages, c’est rythmer l’harmonie nouvelle de la nature et du corps. » La pratique du yachting et du canotage leur donne ainsi l’occasion de reproduire des poses moins soumises à la rigidité des conventions sociales d’alors.L’eau et ses reflets constituent l’un des motifs de prédilection de ces avantgardistes. Une fascination qui s’accentue avec l’installation de Monet à Argenteuil, entre 1871 et 1878, lorsqu’il met au point la technique de la fragmentation de la lumière par la couleur. Une liberté de la touche relayée avec bonheur par Berthe Morisot, fidèle compagne du groupe d’artistes. LÉlisabeth Couturier
Berthe MorisotLa palette lumineuse de la dame en noir
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août 2013 historia 17
1La cité portuaire. La ville aux cinq ports –
militaire, pêche, commerce, voyageurs et plaisance – se modernise à partir du milieu du XIXe siècle. C’est alors qu’Edma, la sœur de Berthe, quitte Paris et s’installe avec son mari dans cette ville côtière, alors modeste. L’artiste lui rend souvent visite et la prend ici pour modèle.
2 edma. La tête penchée et le regard dans le vague
traduisent un sentiment de mélancolie, une certaine tristesse. La sœur de Berthe a suivi pendant longtemps des cours de dessin et partage le même amour de la peinture qu’elle, mais Edma a renoncé à une carrière d’artiste après son mariage. Celle qui fréquentait les salons parisiens et l’avant-garde artistique avait-elle imaginé vivre dans ce port de Bretagne pour suivre son mari, un officier de marine ?
3 L’ombreLLe bLanche. Garder
la peau blanche est un signe de haut rang social. Seules les paysannes ont le teint hâlé. Le modèle se protège donc du soleil au moyen de cet élégant accessoire. De même, sa belle robe, tout en broderie blanche, à manches longues, est fermée jusqu’au cou.
4 Le muret. Il symbolise une nette séparation
entre l’univers personnel de la jeune femme et la ville portuaire. Telle qu’elle est représentée, Edma semble se tenir à l’écart de la ville.
« Vue du port de Lorient », 1869. Huile sur toile de Berthe Morisot (1841-1895), 43,5 x 73 cm. Washington, National Gallery of Art.
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L’aboLition dEs priviLègEs
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Dossier32Les grandes peurs liquides du Moyen ÂgeDe la mer, on craint tout, qu’il s’agisse de pirates ou d’épidémies !Par Jean Verdon
39Dans le courant… théra peutiqueSur la côte, la bonne société se soigne et se montre… Par Joëlle Chevé
42Bains de plaisir pour la bonne sociétéCasinos et bains de mer assurent la prospérité des stations balnéaires.Par Bernard Toulier
48Le « populo » sur la grèveLes accords de l’été 1936 puis la prospérité des Trente Glorieuses ouvrent les plages à tous les Français.Par Denis Lefebvre
53Le mythe de l’éternelle jouvenceFoin des bains froids et vive la « câlinothérapie » ! Retour sur l’évolution de la thalassothérapie.Par Roger Dachez
Quoi de plus fréquent que de passer ses vacances sur le sable et sous le soleil estival ? Et pourtant, la perception et l’utilisation du littoral a bien évolué : espace dangereux au Moyen Âge ; centre de soins pour cas désespérés à l’époque moderne, ce n’est qu’au siècle dernier que
les stations balnéaires, telles que nous les connaissons, y ont pris leur essor. Et aujourd’hui, plutôt que l’appel du large, c’est le souci de soi
qui est proposé dans les instituts marins.
L’étonnante histoire des bains
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L’arche de Noé
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Territoire méconnu, enclavé en Arménie, en bordure du Caucase, le Nakhitchevan revendique la présence de l’arche de Noé sur son sol…
comme la Turquie et l’Arménie. Cette république autonome, à ma-jorité chiite, est comme un radeau perdu, flottant entre trois grandes entités, l’Iran chiite, la Turquie sunnite et l’Arménie chrétienne – tout en appartenant à l’Azerbaïd-jan. Le Nakhitchevan partage avec la Turquie (à l’ouest) et l’Armé-nie (au nord) la chaîne du Petit Caucase, où culmine, à 5 165 m, le fameux mont Ararat.
un déLuge qui sceLLe une nouveLLe aLLiance L’histoire de l’arche de Noé, bien connue, c’est d’abord celle d’une grosse colère. La Genèse rapporte que le Créateur, en observant la malveillance des descendants d’Adam et Ève, décide de provoquer un cataclysme afin d’effacer toute trace de vie sur terre. Juste et ver-tueux, Noé – personnage commun aux trois religions monothéis-tes – et sa famille sont choisis par Dieu pour survivre et perpétuer la lignée des hommes. La divinité lui transmet ses instructions en vue de la construction d’une arche. Noé s’exécute et, une fois le navire terminé, monte à son bord avec ses proches et un couple de toutes les espèces animales existant sur terre. Survient alors le Déluge : la pluie tombe durant quarante jours et quarante nuits, noyant la terre sous des trombes d’eau qui englou-tissent jusqu’aux plus hautes mon-tagnes. Tous les êtres vivants sont balayés. Seuls Noé et ses protégés échappent à la mort. Après de lon-gues journées de navigation, l’ar-che finit par s’échouer sur le flanc d’une montagne. Dieu ordonne alors à Noé de sortir avec les bêtes afin qu’ils repeuplent le monde dévasté. Satisfait du comporte-ment de celui qui fut choisi, Dieu s’engage à ne plus détruire la terre et fait apparaître un arc-en-ciel, symbolisant l’alliance entre Lui et les êtres vivants. Les musulmans, pour qui Noé est un prophète, font
un récit différent de celui de la Bible. L’homme a prêché neuf cent cinquante ans parmi son peuple avec une patience légendaire…Mais seule une poignée de person-nes l’ont suivi, essentiellement les pauvres. La majorité, composée de notables, demeure idolâtre et polythéiste puis le traite de men-teur. Une différence réside dans l’absence de l’épisode de l’ivresse de Noé (Genèse 9, 20-27) car, pour les musulmans, les prophètes sont « immunisés » par Dieu contre les péchés capitaux, comme l’ivresse, l’adultère et le mensonge. Les personnes montées à bord de l’arche n’appartiennent pas toutes à la famille de Noé, dont certains membres ont péri. Ainsi, sa femme est restée en arrière, à l’instar de l’épouse du prophète Loth lors de la destruction de Sodome et Gomor-rhe (Genèse 19). Et l’un de ses fils aurait refusé d’embarquer, croyant se mettre à l’abri sur des hauteurs. Noé se portera à son secours, mais une vague, « grosse comme une montagne » précise le Coran, l’en empêche. Après cet épisode, l’arche s’échoue sur le mont Djoudi (Coran, sourate 11, 44), situé sur à la frontière turco-syrienne, à deux cents kilomètres au sud-ouest de l’Ararat. Dominant la plaine du Tigre de ses 2 089 m, il abrite, jusqu’au VIIIe siècle, un ermitage nestorien, le « couvent de l’arche ».
Le bateau effectue un accostage maL LocaLisé Selon Flavius Josèphe, le fameux historien juif du Ier siècle de notre ère, les Arméniens montraient, eux, les restes de l’arche de Noé dans un lieu appelé Nakhitchevan, à une centaine de kilomètres au sud-est du mont Ararat. D’après un philologue allemand du XIXe siècle, Johann Heinrich Hübschmann, Nakhitchevan signifie en arménien « l’endroit de la descente », une référence au débarquement de Noé sur le mont Ararat voisin. Hübschmann note toutefois que ce vocable n’était pas utilisé dans l’Antiquité. Il semblerait donc que cette région ait fait partie de ce que les Arméniens revendiquent
des traditions contradictoires évoquent Le Lieu d’échouage du navire construit par Le patriarche. pour ne rien arranger, des probLèmes ethniques, dans une région revendiquée par pLusieurs états, perturbent Les recherches actueLLes…
PAr CLAUDINE LE ToUrNEUr D’ISoN
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