Les données embryologiques utilisées en micro kinésithérapie
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Ann. Kinésithér., 1984, t. 11, n° 10, pp. 457-460© Masson, Paris, 1984
MISE AU POINT
Les données embryologiquesutilisées en micro kinésithérapieD. GROSJEAN, P. BENINIMasseurs-kinésithérapeutes, CD.M, 30, rue Foch, F57240 Nilvange.
Avaut-propos
Un thème aussi nouveau devait être abordéavec sérieux et, de la part de la revue, avecprudence. Nous avons été séduits par le fait queles deux confrères auteurs de l'article ontaccepté, selon les termes du Professeur PierreCarayon : « avec beaucoup de courage et uneparfaite honnêteté de participer à une étude enpathologie digestive malgré la difficulté deréalisation d'un placébo, les contraintes d'unesuivi de plusieurs mois, les risques d'un échec ».
Voici donc des kinésithérapeutes qui agissentà l'extrême limite de la kinésithérapie, mais quise sont placés dans le courant majeur du contrôlemédical, en obtenant l'accès à un servicehospitalier dirigé par un clinicien et enseignantde renom, qui n'a pas hésité à utiliser laméthodologie statistique des essais thérapeutiques pour valider cette technique de soins.
Nous ne pouvons que nous réjouir de cetteexpérience._positive, contée en détails dans unouvrage consacré à la « microkinésithérapie ».A partir de leur important travail, les auteursont accepté de rédiger pour notre revue unarticle qui détaille ce qu'ils placent sous levocable qu'ils ont inventé.
Le micromouvement décrit par Sutherlandet documenté par Upleger se transmet dansles tissus d'origine mésoblastique. Pour contrôler ce micromouvement les auteurs étudientl'embryogenèse du mésoblaste afin de définirdes sous-ensembles aisément contrôlables à lapalpation. Ils montrent par l'exemple decolopathies fonctionnelles la méthode de travail utilisée en microkinésithérapie.
Tirés à part: D. GROSJEAN, à l'adresse ci-dessus.
Depuis que Sutherlànd a obseJ'vé et décrit lemécanisme respiratoire primaire (MRP) (1) etque cette observation a été confirmée parUpleger (2), le micromouvement fait partie desdonnées scientifiques indiscutables. Ce qui demeure hypothétique c'est son origine, son moded'action et sa fonction.
Sutherland a fort bien décrit ce micromouvement au niveau des os du crâne et du sacrum;et propose des techniques dites « crâniennes »pour le contrôler et le corriger. Or ce micromouvement se propage bien au-delà de ces structuresosseuses et se retrouve dans la plus grande partiedes tissus organiques et en particulier desaponévroses ou fascias. Cette donnée palpatoireest unanimement reconnue mais l'étude dumicromouvement dans ces tissus n'a été que trèspartiellement entreprise jusqu'à ce jour. Lamicrokinésithérapie propose une approche rationnelle à partir de l'embryologie qui débouchesur des techniques de contrôle et des possibilitésde correction éventuelle de,ces tissus.
Upleger a .de plus prouvé qu'une action surce micromouvement a des répercussions instantanées (3) sur les principales fonctions physiologiques, entre autres, cardiaques et respiratoires.Ceci montre l'intérêt du contrôle de ce micromouvement, qui pour être petit et même trèsminime,' n'en est pas pour autant insignifiant.Il est non seulement une clef de lecture pourpouvoir apprécier le bon état physiologique duterrain concerné mais sa correction permet derestaurer ce terrain dans la plupart de sesparamètres.
L'hypothèse suivante peut être avancée : làoù le micrômouvement existe le terrain concernéest bon, là où il a disparu ou se trouve déforméle terrain est altéré et donc présente un certainnombre de dysfonctionnements pouvant se
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Fm. 1. - Coupe frontale d'un embryon humain de 19 jours.
manifester par toute une symptomatologie diverse. Le travail des tissus mous passe doncpar l'appréciation et le contrôle du micromouvement.
Les tissus concernés par le micromouvement (4)
L'observation palpatoire montre que le micromouvement ne se retrouve pas dans les ongleset les phanères en général, ce qui laisse supposerqu'il ne concernerait pas les tissus d'origineectoblastique et donc le système nerveux. Il n'estpas possible d'apprécier la micromobilité de lamuqueuse interne des organes d'origine entoblastique et il n'existe aucun moyen de contrôleou de correction palpatoire de celle-ci.
Par contre la palpation montre que tous lestissus d'origine mésoblastique sont animés parce micromouvement.
Le mésoblaste ou 3e feuillet de l'embryonfournit l'appareil locomoteur dans ses structuresosseuses, tendineuses, ligament aires et musculaires. Il est également à l'oïigine de lamusculation lisse des organes, de l'appareiluro-génital et de tout le tissu conjonctif issusdu mésenchysme. C'est dire la place importantequ'occupe le mésoblaste dans le corps humain.Le contrôle du micromouvement va doncau-delà d'un simple contrôle des aponévroses oudes fascias même si celles-ci semblent être sonprincipal support.
Pour essayer de démêler un peu cet écheveauextraordinairement compliqué des aponévroseset du tissu conjonctif en général, la microkinésithérapie fait appel aux données de l'embryogenèse.
bandelette ganglionnaire
mésoblaste paraxial
mésoblaste intermédiaire
entoblaste
Fm. 2. - Coupe frontale d'un hémi-embryon humainde 22 jours.
Les subdivisions du mésoblaste
Selon Dollander (5) le mésoblaste se subdiviseen 3 zones appelées mésoblaste paraxial, intermédiaire, et latéral (fig. 1). Chacune de ces3 zones va subir un développe~ent très particulier et indépendant lesùnes des autres si bienqu'il est nécessaire de bien les dissocier si l'onveut maîtriser la propagation du micromouvement et sa diffusion dans ces sous-ensemblesembryologiques (fig. 2).
LE MÉSOBLASTE PARAXIAL
Une de ses particularités est qu'il se structureen métamères qui reproduisent tout le long del'axe longitudinal un même modèle segmentaire.C'est la division annelée du corps que l'onretrouve typiquement par exemple au niveau dechaque vertèbre. Le mésoblaste paraxial ainsisegmen"téen somites se subdivise en sc1érotomedans sa partie centrale et en myodermatomedans sa partie externe. Le sc1érotome donne lamusculature axiale et le tissu osseux des
vertèbres, le myodermatome, la musculatureparaxiale et le derme.
La microkinésithérapie s'efforce de préciserdavantag~ les rapports étroits qui existent entreces groupes musculaires et les aponévrosessuperficielles sous-dermiques, ce qui permetd'établir toute une topographie de zone deprojection de ces sous-ensembles.
LE MÉSOBLASTE LATÉRAL
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épiderme
bandelette postérieure
sclérotome ) , bl t
' meso as e
dermatome ' lpara xiamyotome
corde primitive
mésoblaste intermédiaire
Fm, 3, - Coupe schématique d'un embryonau niveau d'un membre.
nucléus pulposus. Sachant que cette cordes'étend depuis la base de la selle turciquejusqu'au coccyx, la microkinésithérapie rattachecet ensemble au système endocrinien et proposeune technique spécifique de contrôle pour cetensemble endocrinien.
Il se subdivise en somatopleure et en splanchnopleure, le premier fournit principalement lesmuscles et les os des membres et des ceintures,alors que le deuxième fournit la musculationlisse ou spécifique de l'appareil respiratoire,cardiaque et digestif (fig. 3J.
L'embryogenèse montre ainsi très bien lacontinuité entre ces deux sous-ensembles et l'oncomprend ainsi beaucoup mieux pourquoi lamicrokinésithérapie peut avoir une action surdes organes par un travail spécifique sur lemésoblaste latéral dans sa partie périphériqueou centrale.
Cet ensemble splanchnopleure et somatopleure a été nommé « voie ».; et 12 voies ontainsi été définies et contrôlées avec une partieinterne, une autre externe et une zone charnièrevertébrale.
épibtaste
somatopleure )splëF1Chnopleure
entoblaste
cordon ombilical
mesoblaste
latéral
LE MÉSOBLASTE INTERMÉDIAIRE
Il est à l'origine de l'appareil uro-génital etla, microkinésithérapie a déterminé que cemésoblaste est en plus accroché ou dépendantdu pôle céphalique, si bien que toute lésion d'unde ses éléments se répercute sur le mouvementcrânien. Ceci prouve à quel point le crâne estindu dans un ensemble de tissus dont on ne peutl'extraire sous peine de ne plus rien comprendreà son micromouvement.
LA CORDE DORSALE
L'apparition du mésoblaste entre les 2 feuilletsdu disque embryonnaire se fait conjointementavec celle du canal cordaI qui donne la cordedorsale dont les reliquats se retrouvent dans les
LES ZONES PARTICULIÈRES
Dans le pôle céphalique et pelvien le mésoblaste subit des transformations importantesdans ses développements tout en conservant lemême schéma de base.
C'est ainsi par exemple que les arcs branchiaux sont l'équivalent du mésoblaste latéralde la région tronculaire. Une étude particulièrede ces régions était donc nécessaire tout enconservant la même méthodologie fournie parl'embryologie qui demeure ainsi le fil d'Arianepermettant de s'y retrouver dans ce labyrinthe.
Application' pratique
Le contrôle et la restauration du micromouvement permet de supprimer un certain nombre
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de dysfonctionnements inscrits dans les tissusd'origine mésoblastique. Les applications de lamicrokinésithérapie vont donc être multiples etpourront aussi bien concerner la symptomatologie rhumatismale, traumatologique ou orthopédique que digestive, cardiaque, pulmonaire ouautres.
Une expérience a été entreprise sur descolopathies fonctionnelles au C.H.U. de Besançon, de février à octobre 1983, dans le servicede gastro-entérologie, dirigé par le docteurPierre Carayon professeur à la faculté demédecine de Besançon. Nous relatons ici notremode d'approche.
LE MICROMOUVEMENT DU CÔLON
La musculature lisse du côlon et ses aponévroses annexes proviennent du mésoblaste latéral et plus précisément de la deuxième voie dontil forme la partie interne qui regroupe les tissusissus de la splanchnopleure.
La partie externe qui est en continuité avecla partie interne regroupe les tissus musculoaponévrotiques issus de la somapleure à savoirles muscles péristaphylins, trapèze, 'deltoïde,long supinateur, 1er et 2e radial, court supinateur, court abducteur du pouce. Les deux partiesont leur zone charnière en C3 C4 (4).
Toute lésion de l'un de ces éléments serépercute sur l'ensemble de la voie en limitantsa micromobilité.
La loi dite «du tout est dans la partie »permet alors de retrouver la lésion primaire danscet ensemble. Cette lésion est levée par la .loi« de similitude» (4). Ce micromouvement estainsi restauré dans chacun des éléments ycompris le côlon.
LA STIMULATION NEUROVÉGÉTATIVE
Le système orthosympatique freine le péristaltisme du gros intestin. La microkinésithérapiepeut vérifier s'il n'existe pas un dysfonctionnement de l'adnexa des ganglions concernés et enparticulier de DIO et D12 pour le nerf petit
splanchnique. Les muscles paravertébraux sontissus du mésoblaste axial ce qui nécessite uncontrôle de ces structures annelées dans leurssous-ensembles axial et paraxial (4)..• '"'
L'ENDOCRINE DU GROS' INTESTIN :LA SÉROTONINE
La microkinésithérapie constate que sa sécrétion dépend également de la 'micromobilité dela bandelette centrale et en particulier de sadouzième portion dans le coccyx. Le contrôleet la restauration éventuelle du micromouvement à ce niveau permet de retrouver unesécrétion hormonale normale de sérotonine.
Cet exemple précis n'a pour but que demontrer comment la microkinésithérapie essayede normaliser un terrain en supprimant lesdysfonctionnements micromécaniques éventuelsqui pourraient s'y trouver; il n'est bien sûrqu'une application possible de cette méthode.
Élaborer une technique est une chose, prouverson efficacité en est une autre. Cette premièreexpérimentation en double aveugle sur lescolopathies fonctionnelles a prouvé l'efficacitéde cette méthode en dépit du fait que le contrôleendocrinien n'ait pas été élaboré et doncappliqué à cette date. Il est nécessaire depoursuivre ces expérimentations dans bien d'autres domaines et les auteurs sont tout disposésà le faire. Ce n'est que par ce travail scientifiqueet rigourellx que la microkinésithérapie pourradéfinir exactement son champ d'action et trouver sa place parmi les thérapies modernes.
Références -
1. SUTHERLAND (W. A.). - The cranial bowl, Free PressCompagny. Mankato, Minnesota, 1939.
2. UPLEGER (J. E.). - The reprodueibility of eraniosaeral findings : a statistical analysis. Jaoa, 1977, 16, 890-899.
3. UPLEGER (J..E.), KARNI (Z.). - Meehano-electrie patternsduring eraniosaeral osteopathie diagnosis and treatmeni.Jaoa, 1973, 78, 782-791.
4. GROSJEAN, BENIN!. - Traité Pratique édité par CFM, 30,rue Foch, F 57240 Nilvange.
5. DOLLANDER (A.), FENART (R.). - «Embryologie », Flammarion, Paris, 1970.