Les conditions de succès des restructurations...Restructuration, succès, légitimité, survivants,...
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UNIVERSITE PARIS I- PANTHEON SORBONNE Institut d’Administration des Entreprises de Paris
École doctorale de Management Panthéon-Sorbonne - ED 559
Equipe de Recherche GREGOR - EA 2474
Les conditions de succès des restructurations
THÈSE présentée et soutenue publiquement le 8 mars 2017
en vue de l’obtention du
DOCTORAT EN SCIENCES DE GESTION
par
Gagnon Olivier
JURY Directeur de recherche : Monsieur Noël Florent
Professeur, IAE de Paris Rapporteurs : Monsieur Grasser Benoit
Professeur, Université de Lorraine Monsieur Arcand Guy
Professeur, Université du Québec à Trois-Rivières Suffragants : Monsieur Paquette Jonathan
Professeur, Université d’Ottawa Madame Beaujolin Rachel
Professeur, NEOMA Business School – Campus Reims
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L’université de PARIS I – Panthéon Sorbonne n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs
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last page - 4ème de couverture : Les conditions de succès des restructurations Résumé : Cette thèse vise l’amélioration de la compréhension des conditions de succès des restructurations. En identifiant les configurations de conditions permettant à une organisation d’affronter les défis des restructurations, les gestionnaires seront en mesure d’être mieux outillés afin de réussir leur projet de restructuration. Grâce à une revue de littérature exhaustive et en privilégiant la méthode de l’analyse comparative, la collecte de données réalisée sur l’industrie des fabricants de meubles québécois a permis le traitement de l’analyse booléenne pour produire différentes configurations. Les résultats obtenus ont favorisé l’identification de combinaisons de conditions qui peuvent favoriser le succès des restructurations. Ces résultats constituent un apport novateur et significatif pour les entreprises sur une problématique organisationnelle complexe en ajoutant une valeur prescriptive d’un point de vue managérial. Mots clés : Restructuration, succès, légitimité, survivants, responsabilité sociale, gestion des ressources humaines The conditions for successful restructuring Abstract : This thesis aims to improve understanding of the conditions for successful restructuring. By identifying the configurations of conditions that allow an organization to face the challenges of restructuring, managers can be better equipped to enable their organization to ensure the success of this strategy. Using a detailed literature review and focusing on the comparative method, data collection on the Quebec furniture industry led to the Boolean analysis make different configurations results emerge. The results obtained highlights identification of combinations of conditions conducive to the success of restructuring. These results constitute an innovative and significant contribution for companies on a complex organizational problem by adding a prescriptive value from a managerial point of view.
Key words : Downsizing, success, legitimacy, survivors, social responsibility, human resources management
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Remerciements
La réalisation de cette thèse de doctorat a été une expérience extraordinaire dans mon
cheminement de carrière. Il s’agit d’une étape charnière qui a su donner un sens aux
mots travail, engagement et persévérance. Je tiens à prendre quelques instants afin de
remercier des personnes qui de très près ou de façon plus éloignée, ont pu contribuer à
mon projet doctoral. Ces quelques lignes représentent une opportunité de témoigner de
ma reconnaissance et de la gratitude que je ressens pour leur appui, leur soutien.
Je pense tout d’abord à mon directeur de recherche, Florent Noël qui m’a permis de
traverser cette épreuve en m’encadrant, en me soutenant et surtout en repoussant
constamment mes limites. Ma venue à l’IAE de Paris était pour moi une source
d’incertitude en tant qu’étudiant étranger et j’ai eu le privilège d’obtenir un encadrement
d’une grande qualité.
Je tiens à remercier les membres du jury d’avoir accepté d’évaluer cette recherche
malgré le fait qu’ils soient très sollicités.
Plusieurs personnes méritent d’être soulignées pour l’aide apportée tout au long de ce
parcours. Je pense notamment à Jean-Claude et à Guy. Je remercie chaleureusement
mon employeur et mes collègues de l’Université du Québec à Chicoutimi pour leurs
encouragements à persévérer.
Finalement, je voudrais remercier ma famille qui a su m’épauler tout au long de ces
années. Les sacrifices ont été nombreux et je tiens à exprimer ma gratitude à mes
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enfants, Pierre-Olivier, Éliane, Gabriel, Thomas et Camille pour m’avoir soutenu tout ce
temps. Enfin, il m’aurait été impossible de faire un doctorat sans l’appui total de ma
conjointe Dominique que je ne pourrai jamais remercier assez de m’avoir permis, grâce
à sa patience et sa compréhension, de me laisser réaliser mes rêves.
La fin du doctorat constitue le début de nouvelles aventures. Il est temps de fermer ce
chapitre et d’entrouvrir les portes de projets prometteurs, porteurs de nouvelles
connaissances et de collaborations fructueuses.
Merci à tous !
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Sommaire
LISTE DES FIGURES ............................................................................................................................... 11
LISTE DES TABLEAUX ............................................................................................................................ 12
INTRODUCTION DE LA THÈSE ............................................................................................................... 15
CHAPITRE 1 L’INTRODUCTION DU CONCEPT DE RESTRUCTURATION ET CES EFFETS ......................... 18
1. INTRODUCTION .................................................................................................................................. 18
1.1. DOWNSIZING OU RESTRUCTURATION : DE QUOI PARLE-T-ON ? ............................................................... 18
1.2. VERS UNE PRÉCISION DU CONCEPT DE RESTRUCTURATION ...................................................................... 19
1.3. LES RESTRUCTURATIONS : DU CONCEPT AUX EFFETS .............................................................................. 20
1.4. L’APPORT DE CAMERON AUX CONNAISSANCES SUR LES RESTRUCTURATIONS .............................................. 21
1.5. LE CONTEXTE DES RESTRUCTURATIONS ............................................................................................... 22
1.6. LA CONSTRUCTION DE LA DÉFINITION DE RESTRUCTURATION POUR NOTRE THÈSE ........................................ 25
1.7. L’ÉVOLUTION DES RESTRUCTURATIONS ............................................................................................... 26
1.8. L’IMPORTANCE DE L’ANALYSE DU CONTEXTE INTERNE ET EXTERNE ........................................................... 29
1.9. PROCÉDER À UNE RESTRUCTURATION OU PAS ?.................................................................................... 31
1.10. LES PERSPECTIVES DES RESTRUCTURATIONS ......................................................................................... 34
1.11. LA PORTÉE DES RESTRUCTURATIONS .................................................................................................. 36
1.12. TYPOLOGIE DES FORMES DE RESTRUCTURATION ................................................................................... 41
1.12.1. LA MODIFICATION DU PÉRIMÈTRE DE L’ENTREPRISE .......................................................................... 41
1.12.2. LA MODIFICATION DE LA TAILLE DE L’ENTREPRISE ............................................................................. 44
1.13. LE DÉPLOIEMENT DE LA THÈSE .......................................................................................................... 49
1.14. LA VARIABLE DU SUCCÈS DE LA RESTRUCTURATION ................................................................................ 57
1.14.1. LES PERSPECTIVES DU SUCCÈS ...................................................................................................... 59
1.14.2. LES RESTRUCTURATIONS ET LA PERFORMANCE ................................................................................ 66
1.15. LA VARIABLE DE LA GESTION DES SURVIVANTS ...................................................................................... 67
1.15.1. LES EFFETS CHEZ LES SURVIVANTS ................................................................................................. 71
1.15.2. LA PERCEPTION DES EMPLOYÉS RESTANTS ...................................................................................... 73
1.15.3. LE STRESS CHEZ LES SALARIÉS ....................................................................................................... 74
1.15.4. LA MOTIVATION CHEZ LES SALARIÉS .............................................................................................. 76
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1.16. LA VARIABLE DE LA LÉGITIMITÉ .......................................................................................................... 80
1.16.1. L’ACCEPTABILITÉ SOCIALE ........................................................................................................... 84
1.16.2. LA JUSTICE CHEZ LES SALARIÉS ...................................................................................................... 86
1.16.3. LE PARTAGE DE L’INFORMATION EN PÉRIODE TROUBLE...................................................................... 91
1.17. LA VARIABLE DU MAINTIEN DES PRATIQUES DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES .................................. 93
1.17.1. LE DÉVELOPPEMENT DE L’EMPLOYABILITÉ ET DES COMPÉTENCES ......................................................... 94
1.17.2. LA PERCEPTION DE L’INSÉCURITÉ DANS LES RESTRUCTURATIONS ......................................................... 97
1.18. LA VARIABLE DE LA RESPONSABILITÉ SOCIALE ....................................................................................... 99
1.18.1. L’ENCADREMENT JURIDIQUE DES RESTRUCTURATIONS ...................................................................... 99
1.18.2. LA DIMENSION ÉTHIQUE DES RESTRUCTURATIONS .......................................................................... 103
1.19. CONCLUSION DU CHAPITRE I .......................................................................................................... 106
1.20. RÉSUMÉ DU CHAPITRE 1................................................................................................................ 108
CHAPITRE 2 LES CHOIX MÉTHODOLOGIQUES .................................................................................. 110
2. INTRODUCTION ................................................................................................................................ 110
2.1. LE SECTEUR MANUFACTURIER ......................................................................................................... 110
2.1.1. LA SITUATION ÉCONOMIQUE DANS LE SECTEUR MANUFACTURIER .......................................................... 111
2.1.2. LA SITUATION ÉCONOMIQUE DANS LE MONDE ................................................................................... 111
2.1.3. LA SITUATION ÉCONOMIQUE AUX ÉTATS-UNIS ................................................................................... 112
2.1.4. LA SITUATION ÉCONOMIQUE AU CANADA ......................................................................................... 113
2.1.5. LA SITUATION ÉCONOMIQUE DANS LA PROVINCE DU QUÉBEC ............................................................... 113
2.2. LES DÉTERMINANTS DE LA RESTRUCTURATION.................................................................................... 114
2.2.1. LA VIGUEUR DU DOLLAR CANADIEN.................................................................................................. 115
2.2.2. LES COÛTS DU PÉTROLE ................................................................................................................. 116
2.2.3. LES EFFETS DE LA MONDIALISATION ................................................................................................. 117
2.2.4. LA PÉNURIE DE MAIN-D’ŒUVRE QUALIFIÉE ........................................................................................ 118
2.3. LE SECTEUR D’ACTIVITÉ À L’ÉTUDE ................................................................................................... 119
2.3.1. LES FABRICANTS DE MEUBLES AU QUÉBEC......................................................................................... 119
2.4. MÉTHODOLOGIE ......................................................................................................................... 121
2.4.1. LA MÉTHODE DE L’ANALYSE COMPARATIVE ....................................................................................... 122
2.4.2. EXPLICATIONS DE L’ANALYSE COMPARATIVE ...................................................................................... 125
2.4.3. LA QCA EN SCIENCES DE LA GESTION ............................................................................................... 137
2.5. LA PROCÉDURE D’ÉCHANTILLONNAGE .............................................................................................. 138
8
2.6. INSTRUMENTS DE LA COLLECTE DE DONNÉES ..................................................................................... 141
2.7. VALIDITÉ EXTERNE ....................................................................................................................... 145
2.8. VALIDITÉ INTERNE ........................................................................................................................ 145
2.9. ÉTHIQUE .................................................................................................................................... 145
2.10. LIMITES ET SUGGESTIONS .............................................................................................................. 146
2.11. LA SÉLECTION DES CAS TRAITÉS ....................................................................................................... 147
2.12. CONCLUSION DU CHAPITRE II ......................................................................................................... 151
2.13. RÉSUMÉ .................................................................................................................................... 152
CHAPITRE III L’APPROFONDISSEMENT DES VARIABLES PAR L’ÉTUDE DE CAS .................................... 154
3. INTRODUCTION ................................................................................................................................ 154
3.1. L’ÉTUDE DES CAS ......................................................................................................................... 155
3.1.1. MEUBLES LOUISELLE .................................................................................................................... 157
3.1.2. MEUBLES CODEX ......................................................................................................................... 172
3.1.3. MEUBLES TABLEAU ...................................................................................................................... 184
3.1.4. BEAULIT ..................................................................................................................................... 195
3.1.5. SALEC ........................................................................................................................................ 207
3.2. LES VARIABLES ............................................................................................................................ 220
3.2.1. EXPLICATION DES VARIABLES .......................................................................................................... 221
3.2.2. DES VARIABLES DE TYPE RH À L’AJOUT DE VARIABLES DE TYPE BUSINESS ................................................. 223
3.3. CONCLUSION DU CHAPITRE III ........................................................................................................ 225
3.4. RÉSUMÉ DU CHAPITRE 3................................................................................................................ 226
CHAPITRE 4 CONSTRUCTION DE L’ÉCHANTILLON ET CODAGE DES CAS ........................................... 228
4. INTRODUCTION ................................................................................................................................ 228
4.1. LE TRAITEMENT DES NOUVEAUX CAS ................................................................................................ 228
4.1.1. APPEX ....................................................................................................................................... 232
4.1.2. STAR ......................................................................................................................................... 234
4.1.3. ASTERIX ..................................................................................................................................... 236
4.1.4. MEUBLES JOLIE ........................................................................................................................... 238
4.1.5. SINESCO .................................................................................................................................... 240
4.1.6. SISIGRAS .................................................................................................................................... 242
4.1.7. MEGERE .................................................................................................................................... 244
4.1.8. NOVELLO ................................................................................................................................... 246
9
4.1.9. HAUTAIN ................................................................................................................................... 248
4.1.10. ITALIEN ................................................................................................................................. 250
4.1.11. ANGELILE .............................................................................................................................. 252
4.1.12. MATEC ................................................................................................................................. 254
4.1.13. MASKINONGÉ ........................................................................................................................ 256
4.1.14. ICI ........................................................................................................................................ 258
4.1.15. MIA ..................................................................................................................................... 260
4.1.16. CONCEPT .............................................................................................................................. 262
4.1.17. ILLINOIS ................................................................................................................................ 264
4.1.18. OUVRIER ............................................................................................................................... 266
4.1.19. AGASSI ................................................................................................................................. 268
4.1.20. DE LA BRISE ........................................................................................................................... 270
4.1.21. MEUBLES LOUISELLE................................................................................................................ 272
4.1.22. MEUBLES CODEX .................................................................................................................... 273
4.1.23. MEUBLES TABLEAU ................................................................................................................. 274
4.1.24. BEAULIT ................................................................................................................................ 275
4.1.25. SALEC ................................................................................................................................... 276
4.2. RÉSUMÉ DES CAS ......................................................................................................................... 276
4.3. CONCLUSION DU CHAPITRE IV ........................................................................................................ 282
4.4. RÉSUMÉ .................................................................................................................................... 282
CHAPITRE 5 ANALYSE BOOLÉENNE ET DISCUSSION DES RÉSULTATS .............................................. 284
5. INTRODUCTION ................................................................................................................................ 284
5.1. ANALYSE DES RÉSULTATS ............................................................................................................... 285
5.2. PHASE I - SOLUTIONS AVEC LES VARIABLES DE TYPE RH ....................................................................... 287
5.2.1. LA PHASE I - SOLUTION DE TYPE COMPLEXE ....................................................................................... 288
5.2.2. LA PHASE I - SOLUTIONS DE TYPE PARCIMONIEUSE .............................................................................. 292
5.2.3. PHASE I - SOLUTIONS DE TYPE INTERMÉDIAIRE ................................................................................... 297
5.2.4. L’AJOUT D’UNE VARIABLE DE TYPE BUSINESS : LA SANTÉ FINANCIÈRE DE L’ENTREPRISE................................ 300
5.3. PHASE II - SOLUTIONS AVEC L’AJOUT DE LA VARIABLE SANTÉ FINANCIÈRE DE L’ENTREPRISE ......................... 303
5.3.1. PHASE II - SOLUTIONS DE TYPE COMPLEXE ........................................................................................ 304
5.3.2. PHASE II - SOLUTIONS DE TYPE PARCIMONIEUSE................................................................................. 307
5.3.3. PHASE II - SOLUTIONS DE TYPE INTERMÉDIAIRE .................................................................................. 309
10
5.3.4. L’AJOUT D’UNE SECONDE VARIABLE DE TYPE BUSINESS......................................................................... 311
5.4. PHASE III - SOLUTIONS AVEC L’AJOUT DE LA VARIABLE NICHE DE PRODUITS .............................................. 312
5.4.1. PHASE III - SOLUTIONS DE TYPE COMPLEXE ....................................................................................... 314
5.4.2. PHASE III - SOLUTIONS DE TYPE PARCIMONIEUSE................................................................................ 316
5.4.3. PHASE III - SOLUTIONS DE TYPE INTERMÉDIAIRE ................................................................................. 317
5.5. SYNTHÈSE DES TROIS PHASES .......................................................................................................... 319
5.6. DISCUSSION ................................................................................................................................ 322
5.6.1. LES CONSTATS DES RÉSULTATS DU TRAITEMENT BOOLÉEN DES VARIABLES ................................................ 324
5.6.1.1. LA VARIABLE DE LA RESPONSABILITÉ SOCIALE ................................................................................ 324
5.6.1.2. LA VARIABLE DE LA NICHE DE PRODUITS ....................................................................................... 326
5.6.1.3. LA VARIABLE DU MAINTIEN DES PRATIQUES DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES ............................ 327
5.6.1.4. LA VARIABLE DE LA LÉGITIMITÉ ................................................................................................... 330
5.6.1.5. LA VARIABLE DE LA SANTÉ FINANCIÈRE ......................................................................................... 331
5.6.1.6. LA VARIABLE GESTION DES SURVIVANTS ....................................................................................... 332
5.6.2. LES CONDITIONS ET COMBINAISONS DE CONDITIONS DE SUCCÈS ............................................................ 335
5.6.2.1. CONFIGURATION I (LEG * SURV) ................................................................................................ 335
5.6.2.2. CONFIGURATION II (~ LEG * ~SURV * RESP * PGRH) ..................................................................... 337
5.6.2.3. CONFIGURATION III (LEG * SURV * PGRH * SFE) .......................................................................... 338
5.6.2.4. CONFIGURATION IV (LEG * SURV * ~RESP * PGRH * SFE) ............................................................... 339
5.6.2.5. CONFIGURATION V (NICHE * SFE * PGRH * SURV * LEG) ................................................................ 339
5.6.3. UNE VALEUR PRESCRIPTIVE POUR LES GESTIONNAIRES ET HAUTS-DIRIGEANTS ........................................... 340
5.6.4. RECOMMANDATIONS AUX GESTIONNAIRES ET HAUTS-DIRIGEANTS ......................................................... 345
5.6.5. UNE CONDITION... LA GESTION DES SURVIVANTS ................................................................................ 349
5.7. CONCLUSION DU CHAPITRE V ......................................................................................................... 350
5.8. RÉSUMÉ .................................................................................................................................... 351
CONCLUSION DE LA THÈSE ................................................................................................................. 352
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................. 356
11
Liste des figures
FIGURE 1 STRATÉGIE DE «DOWNSIZING» .............................................................................................................. 28
FIGURE 2 ÉLÉMENTS DU CONTEXTE INTERNE ET EXTERNE ......................................................................................... 30
FIGURE 3 TYPOLOGIE DES LOGIQUES MENANT À L'IDENTIFICATION DE SUREFFECTIFS ...................................................... 38
FIGURE 4 ÉTENDUE ET PROFONDEUR DES PRATIQUES DE «DOWNSIZING» .................................................................... 47
FIGURE 5 PRESCRIPTION DES MEILLEURES PRATIQUES DE «DOWNSIZING» ................................................................... 51
FIGURE 6 PRINCIPALES ÉTUDES FRANÇAISES CONSACRÉES AU LIEN RÉDUCTION D'EFFECTIFS ET PERFORMANCE ÉCONOMIQUE ET
FINANCIÈRE ............................................................................................................................................ 61
FIGURE 7 TABLEAU DES ÉTUDES EMPIRIQUES SUR LE LIEN RÉDUCTION D'EFFECTIFS ET PERFORMANCE ORGANISATIONNELLE ... 64
FIGURE 8 LES AVANTAGES ET LES INCONVÉNIENTS DE PLUSIEURS TECHNIQUES UTILISÉES DANS LES RESTRUCTURATIONS ........ 66
FIGURE 9 MODÈLE DE STRESS DES RESTRUCTURATIONS ............................................................................................ 76
FIGURE 10 UN EXEMPLE TYPIQUE DE PRESCRIPTIONS MANAGÉRIALES EN MATIÈRE DE «DOWNSIZING» .............................. 82
FIGURE 11 EXEMPLES DE PROPOSITIONS REPRENANT LES IDÉES-FORCES PRÔNÉES EN EUROPE POUR LA GESTION DES
RESTRUCTURATIONS ................................................................................................................................. 84
FIGURE 12 RECENSEMENT DES ÉTUDES PORTANT SUR LA JUSTICE ORGANISATIONNELLE .................................................. 90
FIGURE 13 L'ALTERNATIVE RECHERCHE QUANTITATIVE/QUALITATIVE DES PRINCIPES .................................................... 123
FIGURE 14 DES MÉTHODES PARTAGÉES ET DES MÉTHODES DISTINCTES ..................................................................... 124
FIGURE 15 EXEMPLE DE TABLE DE VÉRITÉ ............................................................................................................ 130
FIGURE 16 EXEMPLE DE VARIABLES RETENUES AVEC LA QCA .................................................................................. 131
FIGURE 17 ÉTUDES EMPIRIQUES UTILISANT LA QCA ............................................................................................. 134
FIGURE 18 QUALIFICATION DES AVANTAGES ET DES INCONVÉNIENTS DES MÉTHODES DE RECHERCHE .............................. 142
12
Liste des tableaux
TABLEAU 1 COMPARAISON ENTRE CAMERON ET GAGNON ....................................................................................... 56
TABLEAU 2 LISTE DES FABRICANTS DE MEUBLES QUÉBÉCOIS SELON L'AFMQ .............................................................. 148
TABLEAU 3 LISTES DES CAS POUR LES FINS DE LA THÈSE .......................................................................................... 150
TABLEAU 4 QUESTIONNAIRE D'ENTREVUE ........................................................................................................... 155
TABLEAU 5 NOMBRE D'EMPLOYÉS DE L'ENTREPRISE LOUISELLE ............................................................................... 158
TABLEAU 6 GRILLE D'ÉVALUATION DES SALARIÉS .................................................................................................. 164
TABLEAU 7 NOMBRE D'ACCIDENTS DU TRAVAIL DÉCLARÉS ...................................................................................... 168
TABLEAU 8 DURÉE DES PRÉAVIS SELON LA LOI DES NORMES DU TRAVAIL DU QUÉBEC .................................................. 170
TABLEAU 9 RÉSUMÉ DES VARIABLES DU CAS MEUBLES LOUISELLE ............................................................................ 171
TABLEAU 10 CONSTAT DES RÉDUCTIONS D'EFFECTIFS POUR LA PÉRIODE 2007-2012 .................................................. 177
TABLEAU 11 LISTE DES COMPORTEMENTS ET DES COMPÉTENCES RECHERCHÉS ........................................................... 178
TABLEAU 12 RÉSUMÉ DES VARIABLES DE MEUBLES CODEX..................................................................................... 183
TABLEAU 13 NOMBRE D'EMPLOYÉS EN DATE DU 1ER JANVIER ................................................................................. 185
TABLEAU 14 MOTIFS POUR LICENCIER LES SALARIÉS .............................................................................................. 187
TABLEAU 15 LISTE DES VALEURS DE MEUBLES TABLEAU ........................................................................................ 189
TABLEAU 16 RÉSUMÉ DES VARIABLES DE MEUBLES TABLEAU .................................................................................. 194
TABLEAU 17 NOMBRE D'EMPLOYÉS POUR LA PÉRIODE 2004-2010......................................................................... 198
TABLEAU 18 LISTE DES CRITÈRES DE SÉLECTION DES SALARIÉS LICENCIÉS .................................................................... 199
TABLEAU 19 TAUX PERSONALISÉ À LA COMMISSION DE LA SANTÉ-SÉCURITÉ DU TRAVAIL .............................................. 204
TABLEAU 20 RÉSUMÉ DES VARIABLES DE BEAULIT ................................................................................................ 206
TABLEAU 21 NOMBRE D'EMPLOYÉS ACTIFS EN DATE DU 1ER JANVIER ....................................................................... 209
TABLEAU 22 NOMBRE DE DOSSIERS OUVERTS À LA COMMISSION DE LA SANTÉ-SÉCURITÉ DU TRAVAIL ............................. 215
TABLEAU 23 NOMBRE DE SUGGESTIONS PAR EMPLOYÉ .......................................................................................... 218
TABLEAU 24 RÉSUMÉ DES VARIABLES DE SALEC ................................................................................................... 219
TABLEAU 25 EXPLICATIONS DES VARIABLES INDÉPENDANTES POUR LE TRAITEMENT BOOLÉEN ........................................ 220
TABLEAU 26 RÉSUMÉ DES ÉTUDES DE CAS ........................................................................................................... 225
TABLEAU 27 LISTE DES ENTREPRISES POUR LA SECONDE PARTIE DE LA COLLECTE DE DONNÉES ........................................ 229
TABLEAU 28 QUESTIONNAIRE UTILISÉ POUR LA CODIFICATION DE LA TABLE BOOLÉENNE ............................................... 231
TABLEAU 29 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES D'APPEX .......................................................................... 233
TABLEAU 30 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE STAR ........................................................................... 235
TABLEAU 31 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES D'ASTÉRIX ........................................................................ 237
TABLEAU 32 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE JOLIE ........................................................................... 239
13
TABLEAU 33 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE SINESCO ...................................................................... 241
TABLEAU 34 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE SISIGRAS ...................................................................... 243
TABLEAU 35 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE MEGERE ...................................................................... 245
TABLEAU 36 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE NOVELLO ..................................................................... 247
TABLEAU 37 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE HAUTAIN ..................................................................... 249
TABLEAU 38 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES D'ITALIEN ......................................................................... 251
TABLEAU 39 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES D'ANGELILE ...................................................................... 253
TABLEAU 40 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE MATEC ........................................................................ 255
TABLEAU 41 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE MASKINONGÉ ............................................................... 257
TABLEAU 42 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES D'ICI ................................................................................ 259
TABLEAU 43 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE MIA ............................................................................ 261
TABLEAU 44 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE CONCEPT ..................................................................... 263
TABLEAU 45 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES D'ILLINOIS ........................................................................ 265
TABLEAU 46 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES D'OUVRIER ....................................................................... 267
TABLEAU 47 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES D'AGASSI ......................................................................... 269
TABLEAU 48 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE DE LA BRISE .................................................................. 271
TABLEAU 49 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE MEUBLES LOUISELLE ...................................................... 272
TABLEAU 50 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE MEUBLES CODEX ........................................................... 273
TABLEAU 51 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE MEUBLES TABLEAU ........................................................ 274
TABLEAU 52 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE BEAULIT....................................................................... 275
TABLEAU 53 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE SALEC.......................................................................... 276
TABLEAU 54 RÉSUMÉ DES CAS SELON LES VARIABLES ............................................................................................. 278
TABLEAU 55 DESCRIPTION DES VARIABLES POUR LA CODIFICATION BOOLÉENNE .......................................................... 280
TABLEAU 56 CODIFICATION DE LA TABLE DE VÉRITÉ............................................................................................... 281
TABLEAU 57 TABLE DE VÉRITÉ AVEC LES VARIABLES DE TYPE RH .............................................................................. 287
TABLEAU 58 SOLUTIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA SOLUTION COMPLEXE ....................................................................... 289
TABLEAU 59 SOLUTIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA SOLUTION PARCIMONIEUSE ............................................................... 294
TABLEAU 60 SOLUTIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA SOLUTION INTERMÉDIAIRE................................................................. 298
TABLEAU 61 RÉSUMÉ DE LA PHASE I .................................................................................................................. 299
TABLEAU 62 TABLE DE VÉRITÉ AVEC L'AJOUT DE LA VARIABLE SANTÉ FINANCIÈRE DE L'ENTREPRISE .................................. 302
TABLEAU 63 SOLUTIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA SOLUTION COMPLEXE ....................................................................... 305
TABLEAU 64 SOLUTIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA SOLUTION PARCIMONIEUSE ............................................................... 308
TABLEAU 65 SOLUTIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA SOLUTION INTERMÉDIAIRE................................................................. 310
14
TABLEAU 66 RÉSUMÉ DES SOLUTIONS DE LA PHASE II ............................................................................................ 311
TABLEAU 67 TABLE DE VÉRITÉ AVEC L'AJOUT DE LA VARIABLE NICHE DE PRODUITS ....................................................... 313
TABLEAU 68 SOLUTIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA SOLUTION COMPLEXE ....................................................................... 315
TABLEAU 69 SOLUTIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA SOLUTION PARCIMONIEUSE ............................................................... 317
TABLEAU 70 SOLUTION PRIVILÉGIÉS AVEC LA SOLUTION INTERMÉDIAIRE .................................................................... 318
TABLEAU 71 RÉSUMÉ DES SOLUTIONS DE LA PHASE III ........................................................................................... 319
TABLEAU 72 RÉSUMÉ DES PRINCIPAUX RÉSULTATS OBTENUS .................................................................................. 321
TABLEAU 73 RÉSUMÉ DES 6 RÈGLES POUR RÉUSSIR SA RESTRUCTURATION ................................................................ 345
15
Introduction de la thèse
Les restructurations sont au cœur des préoccupations managériales en raison des
retombées que présupposent les directions d’entreprises. Pas une journée ne passe sans
que nous soyons un témoin privilégié de la restructuration d’une entreprise. À l’autre
bout du spectre, mis à l’écart derrière les promesses d’augmentation de la productivité et
de stabilisation des finances, les salariés y assistent impuissants en constatant
l’effritement des emplois et la détérioration des conditions d’emploi.
La popularité des restructurations s’avère indéniable depuis une vingtaine d’années et la
communauté scientifique s’est intéressée à ce phénomène. Une question se pose : les
restructurations obtiennent-elles les résultats escomptés? En parcourant la littérature sur
le sujet, on peut observer que bon nombre de chercheurs mettent en doute la profitabilité
de telles stratégies. Les tenants d’une approche comptable simpliste constatent une
augmentation de la profitabilité en raison de la diminution des charges salariales.
Cependant, l’analyse en profondeur de la performance organisationnelle soulève de
sérieux doutes sur la valeur des résultats ou du moins la prise en charge de l’ensemble
des paramètres. À moyen et long terme, ces entreprises voient régulièrement leur
performance stagner ou diminuer venant annuler du même coup les espoirs placés dans
la restructuration. Or, certaines entreprises parviennent à traverser leurs restructurations
avec succès en ne subissant pas les contrecoups.
C’est devant ce constat que prend naissance cette thèse. Quelles sont les conditions de
succès des restructurations? Pourquoi certaines entreprises réussissent-elles là où
d’autres échouent? Nous allons répondre à cette question en mettant en exergue des
conditions de succès qui permettent non seulement de déterminer leur valeur respective,
16
mais également d’identifier les combinaisons de succès qui favoriseront le succès. Dans
un autre registre, nous obtiendrons, d’un point de vue prescriptif et managérial, une
meilleure compréhension des risques à ignorer certaines conditions lors d’une
restructuration.
Grâce à la méthode de l’analyse comparative, nous serons en mesure d’obtenir des
résultats robustes en procédant à des études de cas et à une analyse statistique grâce au
traitement de l’analyse booléenne. Les résultats suggéreront des combinaisons de succès
qui font défaut actuellement pour augmenter la compréhension du phénomène de la part
des gestionnaires et hauts dirigeants.
Notre thèse permettra de repousser les limites sans cesse grandissantes de la
connaissance en mettant en lumière le concept des restructurations et ces effets qui
s’inscrivent comme un sujet prisé dans les sciences de la gestion. Certains auteurs
comme Cameron ou Appelbaum ont déjà avancé certaines conditions de succès dans un
univers précis. En actualisant leurs travaux dans un secteur d’activité différents, nous
ferons des avancés sur un sujet contemporain, d’actualité et porteur de sens pour
l’amélioration des pratiques de gestion de nos organisations.
17
Chapitre I
Le concept de restructuration et les effets sur l’entreprise
18
Chapitre I Le concept de restructuration et les effets sur l’entreprise
1. Introduction
Le premier chapitre de cette thèse permettra de positionner le sujet de recherche afin de
pouvoir amorcer la réflexion sur les conditions de succès des restructurations. Loin de
faire l’unanimité parmi les chercheurs, contrairement aux managers, les restructurations
interpellent autant la communauté scientifique que celle des affaires. Celle-ci y voit une
opportunité d’explorer une méthode prescriptive qui permettait d’obtenir de multiples
gains en termes financiers. Les chercheurs ont toutefois remis en cause le mythe de la
réussite des restructurations en mettant en garde les praticiens quant aux difficultés et
aux sources d’échecs pouvant paver la voie d’un tel projet. Nous verrons dans ce
chapitre la théorie concernant les restructurations tout en mettant l’emphase sur certaines
conditions de succès pour lesquelles nous tenterons de démontrer l’importance.
1.1. Downsizing ou restructuration : de quoi parle-t-on ?
Le monde du travail s’est substantiellement métamorphosé depuis une trentaine
d’années en raison de l’accélération des changements technologiques, économiques et
sociaux (Appelbaum et coll., 1999). Directement reliés aux répercussions de la
mondialisation, ces changements ont modifié la façon dont les organisations sont gérées.
Les restructurations se sont progressivement imposées dans la gestion des organisations
tant au niveau du secteur privé que du secteur public (Fairhurst, Cooren et Cahill, 2002).
Le discours managérial associé au concept, en accord avec Cornolti et Moulin (2007),
continue à justifier la réduction des postes en argumentant qu’il s’agit d’une réponse aux
contraintes environnementales, à la compétitivité ou encore à l’assainissement de la
situation financière difficile (Boyer, 2005). Tous les secteurs d’activités sont désormais
touchés. Amadieu (1999) souligne que certains types d’emplois ont toujours été soumis
à une plus grande insécurité, mais on constate actuellement une nette augmentation de ce
19
type d’emploi. Malgré la popularité grandissante des restructurations, bon nombre
d’entreprises n’ont pas connu les résultats escomptés, voyant leur performance
organisationnelle stagner ou même décliner (Pichault et coll. 1998).
Au-delà des entreprises, les restructurations ont alimenté un cynisme croissant de la part
des salariés en raison des comportements qui s’inscrivent fréquemment à l’encontre de
certains idéaux sur la valorisation de la fonction ressources humaines (Pichault, 1998).
On constate une dichotomie marquée dans le comportement des entreprises et de leurs
managers entre les moyens pris afin d’obtenir des résultats financiers en opposition à la
finalité qui cause des préjudices chez les salariés (Cornolti et Moulin, 2007). De ces
moyens utilisés, les restructurations demeurent une des tactiques privilégiées pour faire
face aux changements de l’environnement interne et externe (Severin, 2007). Elles
peuvent se décliner sous de multiples formes et ses résultats demeurent très variables. Si
certaines entreprises réussissent grâce à une restructuration efficace à maintenir leurs
activités, plusieurs autres se placent dans une situation qui menace la pérennité de
l’entreprise (Cameron, 1994). Un questionnement jaillit dès lors sur la nature profonde
des restructurations et des différents facteurs amenant la réussite.
1.2. Vers une précision du concept de restructuration
Un des premiers questionnements se situe au niveau de la terminologie utilisée. Alors
qu’en Amérique, les chercheurs font davantage référence au terme downsizing, on
constate que dans la langue française l’utilisation du terme restructuration. Doit-on
considérer que le terme restructuration s’avère la traduction française du downsizing?
Alors que celui-ci fait référence à la notion de diminution, de décroissance et de
suppression d’emploi, les restructurations font appel à un ensemble de méthodes qui
dépasse la simple suppression d’emploi. Le concept de reengineering fait, par exemple,
partie de ces méthodes permettant une restructuration après une réorganisation complète
des processus sans toutefois en arriver à une réduction des effectifs.
20
Cascio (1993) souligne que dans le cadre d’un downsizing, l’objectif consiste à la
destruction planifiée de positions ou d’emplois. Moulin (2001) évoque que la
restructuration se définit comme une stratégie intentionnelle d’une entreprise qui vise les
réductions de la main-d’œuvre comme un moyen d’augmenter l’efficacité
organisationnelle. Il précise qu’elle ne vise pas uniquement les coûts salariaux, mais
également la réorganisation du travail et l’amélioration continue des processus de
production.
Dans le cadre de cette thèse, et pour simplifier la compréhension des termes étudiés,
nous allons utiliser le terme restructuration qui implique la notion downsizing. Alors que
la littérature utilise abondamment le downsizing, les restructurations offrent une vue
d’ensemble plus explicative de ce phénomène. Le downsizing se veut davantage
réducteur à la notion de suppressions d’emplois. Les restructurations permettent
d’approcher le changement organisationnel sous un angle multidimensionnel.
1.3. Les restructurations : du concept aux effets
Le concept de restructuration est socialement critiqué en raison des répercussions
causées. Les pertes d’emplois qui y sont associées ne contribuent pas à sa
reconnaissance dans la population citoyenne. La restructuration corrélée à la
décroissance d’une organisation laisse perplexe en vertu de la simplicité de l’association
de la réduction de la masse salariale à la rentabilité financière (Cornolti et Moulin,
2007). L’application d’un raisonnement financier de premier niveau se veut
essentiellement mécanique et repose sur une logique financière en faisant de l’effectif la
principale variable d’ajustement (Servais, 1997). Suivant cette logique, que représente la
valeur d’un employé? Quels sont les impacts de la perte des connaissances, de ces
compétences spécifiques à une entreprise qui confère une valeur unique à la main
d’œuvre? Alors que la gestion se veut de plus en plus complexe (Appelbaum et coll.,
1999), les médias nous rappellent constamment l’annonce de réductions massives du
21
personnel. Certaines entreprises réussissent à passer à travers ces zones de turbulences
en contrôlant les répercussions, alors que d’autres semblent tergiverser sans fin en
provoquant des conséquences majeures au niveau humain, notamment (Beaujolin-Bellet
et Schmidt, 2012).
L’adaptation des entreprises à un environnement instable implique un questionnement
sur la nécessité de procéder à des ajustements de la main-d’œuvre afin de régulariser
l’état de la situation (Severin, 2007). Il est intéressant de constater le réflexe premier des
entreprises d’enclencher un processus d’ajustement des effectifs en procédant à des
réductions d’effectifs (Cornolti et Moulin, 2007). Cameron (1994) soulève l’idée que
certaines entreprises se renforcissent suite à la restructuration alors que d’autres
régressent. Quelles sont les caractéristiques d’une stratégie de restructuration réussie?
Pourquoi certaines entreprises réussissent-elles là où d’autres échouent? Il importe
d’augmenter le niveau de compréhension des restructurations afin que les managers
puissent prendre des décisions profitables en tout état de cause.
1.4. L’apport de Cameron aux connaissances sur les restructurations
Cameron (1993; 1994) s’est grandement intéressée à ce sujet en tentant de dégager
certaines conditions favorables à la réussite d’un downsizing. Fortement inspirées par
les travaux de Cameron qui a révélé plusieurs conditions de succès, certaines limites
doivent être soulignées. Les travaux de Cameron ont mis en évidence des conditions de
succès dans l’industrie manufacturière américaine de l’automobile. En privilégiant un
secteur d’activité en particulier, un questionnement doit être soulevé. Existent-ils des
différences entre les grandes entreprises et les PME? Celles-ci possèdent-elles des
spécificités propres à leur statut? Peut-on généraliser ces résultats afin de les appliquer
dans tous les secteurs d’activités? Cameron nous a permis d’apporter un éclairage fort
contributif en mettant l’accent sur les conditions de succès des restructurations. Il
importe toutefois de souligner ces limites et de profiter de celles-ci afin de prolonger les
22
explications quant aux conditions de succès des restructurations. La figure six démontre
l’ensemble des 30 conditions de succès prescrit par Cameron. Nous tenterons
d’actualiser ces résultats en modifiant les paramètres de la recherche, notamment en
nous adressant à des entreprises de type «PME» dans un secteur manufacturier précis,
soit celui de l’industrie des fabricants de meubles québécois. Ce nouvel environnement
de recherche permettra de conduire à de nouveaux résultats sur les conditions de succès
des restructurations. Les restructurations ont évolué considérablement depuis une
trentaine d’années et la prochaine section mettra en valeur le contexte des
restructurations.
1.5. Le contexte des restructurations
Le terme restructuration s’est développé autour de la notion d’opérations visant à donner
une nouvelle structure. Plusieurs chercheurs soulignent la complexité du phénomène et
en appellent à un enrichissement du concept de restructuration. Edouard (2005) traite de
la restructuration pour désigner une tendance profonde à procéder à d’importantes
transformations des modes organisationnelles des entreprises. Aubert (2002) souligne
son caractère diffus, permanent et protéiforme. Beaujolin-Bellet et Schmidt (2012)
précise qu’il importe de comprendre toute la complexité du phénomène par les
interactions des processus de transformations de l’organisation tant au niveau micro que
macro. Devant la difficulté à préciser le concept de restructuration, il n’est guère
surprenant de voir de multiples terminologies et qualificatifs y être attribués comme les
anglicismes downsizing, reengineering, offshoring, outsourcing, rightsizing ou
rebalancing (Beaujolin-Bellet et Schmidt, 2012). Dans la langue française, la
terminologie fait référence à des termes comme pratique de gestion, délocalisation,
réorganisation, redressement, refonte des processus, fermeture d’établissement et
liquidation pour traiter des restructurations d’entreprises (Beaujolin-Bellet et Schmidt,
2012). Face à cette panoplie de termes, la communauté scientifique a tenté d’y voir plus
clair afin de préciser le sens apporté aux restructurations d’entreprise.
23
D’origine anglo-saxonne, le terme downsizing a été utilisé aux États-Unis en raison de la
crise pétrolière du début des années 1970 où les entreprises ont amorcé des efforts pour
réduire la taille des voitures ainsi que leur consommation d’essence. Dans les années
1980, le terme a évolué vers l’élimination planifiée d’emplois (Cascio, 1993) provoquant
une reconfiguration du travail (Cameron, 1994). Partant d’une réponse à un problème
conjoncturel, le downsizing s'est transformé en une stratégie de gestion visant
l’optimisation des ressources humaines, matérielles et financières. Suite à cette mutation,
Morin (2001) précise que le downsizing doit se voir comme une restructuration du
portefeuille d’activités, d’une restructuration financière ou d’une restructuration
organisationnelle. Cameron (1994) souligne qu’il faut distinguer les restructurations
numériques, les restructurations fonctionnelles, les réorganisations internes et les
restructurations structurelles. Le concept de restructuration demeure, malgré son
évolution, un terme souvent incompris, voire imprécis puisqu’il existe pratiquement
autant de définitions que d’auteurs.
Les restructurations bénéficient constamment d’une forte médiatisation en raison du
caractère dramatique de chacune des annonces de pertes d’emplois. Rapidement, la
population citoyenne s’est construit une opinion singulièrement négative des
restructurations en raison de l’accent placé sur le négativisme des répercussions
humaines. Sujet fort prisé dans la communauté française grâce au Noël, Beaujoin-Bellet,
Schmidt et Allouche, notamment, il s’agit d’un sujet qui a été négligé chez les
chercheurs québécois pour des raisons que nous ignorons malgré le fait que les
restructurations soient aussi présentes en Europe qu’en Amérique. Malgré la place qu’on
lui octroie depuis 25 ans, il n’en demeure pas moins que le concept de restructuration est
mal balisé d’un point de pratique de sorte que les entreprises ont des difficultés à
identifier une marche à suivre (Séverin, 2007). Rouleau (2000) souligne qu’à cet effet,
les restructurations doivent s’apprécier dans une forme intégrée recoupant toutes les
24
initiatives d’amélioration. Toutefois, plusieurs entreprises ont échoué dans leur tentative
de s’améliorer alors que d’autres ont réussie. Le succès de ces entreprises suggère
qu’elles ont fait les choses différemment.
Au départ associé à des mouvements de correction et de rétablissement d’entreprises en
difficultés, les années 2000 ont permis de constater que plusieurs entreprises en situation
financière avantageuse ont procédé à des restructurations afin d’augmenter les profits et
l’efficacité technique. D’ailleurs, à cet effet, Pichault et coll. (1998) affirment que 63%
des entreprises qui ont procédé à une restructuration dans l’année en cours ont déjà en
tête de reproduire cette stratégie. Toujours selon Pichault et coll. (1998), les
restructurations peuvent avoir un statut stratégique plutôt que réactionnaire aux
évènements. Les restructurations s'actualisent dans une stratégie de modernisation visant
à répondre à des objectifs d’efficacité et de profitabilité qui transforme l’organisation sur
le plan interne et international dans son mode de gestion (Pichault et coll. , 1998). AgirE
(2008) évoque trois caractéristiques majeures illustrant la complexité du processus de
restructuration :
a) Les restructurations suscitent des transformations multidimensionnelles de
l’entreprise qui impliquent toutes les fonctions de l’entreprise (stratégie, finance,
production, organisation, sociale et ressources humaines). Le caractère
multidimensionnel est donc reflété dans les politiques qui ont un impact sur les
restructurations.
b) Les restructurations forcent à intégrer du même coup les différents niveaux
d’actions de l’entreprise soit le communautaire, le multinational, le territoire
étant le lieu d’action et les niveaux de régulation et d’action politique soit
régional provincial ou national.
25
c) L’action est donc à multiples niveaux pour tous les acteurs au sein de
l’entreprise, sur le territoire ou au plan politique.
AgirE (2008) met l’accent sur l’importance de la règle des 3M (Multidimensionnels,
Multi-niveaux, Multi acteurs). La complexité de l’analyse d’une restructuration permet
de mieux comprendre les multiples enjeux et intérêts associés à un tel recours. La
variabilité des intérêts nous conduit à une kyrielle de possibilités et d’actions se
succédant pour assurer l’atteinte des objectifs de la firme (Jalette, 2014). Le concept
étant établi de même que les explications concernant le contexte nous permettent
d’introduire la construction de la définition de restructuration.
1.6. La construction de la définition de restructuration pour notre thèse
D’un point de vue opérationnel, le Dictionnaire européen des relations industrielles en
ligne, publié par La Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et
de travail (2008) propose la définition suivante de restructuration :
«Restructuring covers a multitude of different forms of reorganising the activities
of the enterprise, may of which levels and terms and conditions of employment».
Le downsizing est habituellement défini comme une intention de réduire le personnel
afin de rehausser l’efficacité organisationnelle, la compétitivité ou la productivité
(Budros, 1999; Cameron, Freeman et mishra, 1991). Freeman et Cameron (1993) ont fait
la distinction entre le déclin organisationnel, l’inefficacité et la réduction de
l’organisation qui est souvent involontaire et le résultat d’une érosion des ressources de
l’organisation (Fairhurst et coll., 2002).
26
Dans le cadre de cette thèse, en considérant l’ensemble des définitions que nous avons
retrouvé dans les différentes études, nous avons développé notre propre définition des
restructurations qui sera au cœur de cette thèse :
«Il s’agit d’un ensemble d’ajustements, d’une complexité variable, pour venir en réponse
à des pressions des environnements externes et internes qui visent à corriger un ou des
éléments s’éloignant des objectifs de la firme. Ces modifications se veulent
intentionnelles que l’organisation soit sur le déclin, en période de consolidation ou en
croissance».
Dans le cadre notre thèse, les entreprises de notre échantillon se retrouvent toutes dans
une situation de déclin suite à des modifications de l’environnement externe et
provocant des changements organisationnels à l’interne, soit une restructuration.
1.7. L’évolution des restructurations
Les entreprises ont commencé à procéder à des resturcturations il y a une quarantaine
d’années. Les premières restructurations se sont caractérisées par l’application d’un
raisonnement financier ayant pour but de réduire l’impact de la masse salariale. Au fur et
à mesure, les restructurations sont devenues une stratégie de choix pour améliorer
l’efficience, la productivité et les profits (Gandolfi, 2008a). Ces mesures peuvent
toutefois avoir de sérieuses conséquences sur les employés et sur l’organisation en
mettant en péril sa capacité d’apprentissage, sa croissance et sa capacité à générer des
profits (Gandolfi, 2008a). Les épisodes de réduction des effectifs se traduisent en
général par un manque d’empathie de la part des employés, de la population et même
parfois des membres de la direction (Gandolfi, 2008a). Les entreprises qui procèdent à
une restructuration doivent être en mesure de se relever le plus rapidement possible pour
27
éviter les conséquences négatives et limiter les impacts négatifs sur la performance
organisationnelle.
Dès lors, la question se pose à savoir comment se relever d’un tel épisode ? On constate
dans la figure 1 qu’en fonction de la stratégie de downsizing utilisée, les caractéristiques
du changement et les actions possibles peuvent être différentes. S’agit-il d’un contexte
économique suite à une crise financière, à un contexte où la structure est à modifier ou à
la nécessité de changer la culture organisationnelle ? Les différentes actions possibles
comme les licenciements, les incitations à des départs volontaires ou à des retraites
représentent des actions qui ont le potentiel de laisser des marques indélébiles dans
l’esprit des salariés. Cet état d’esprit se caractérise par les conséquences de la gestion
des survivants. Les conséquences à moyen terme des actions peuvent être réduites dans
la mesure où les actions prises acquièrent une forme de légitimité ou d’acceptation
sociale. Enfin, la perspective à long terme nécessite une vision articulée autour du
changement organisationnel en remettant en question la mission et les valeurs de même
que l’activité commerciale dominante.
Pichault (1998) souligne le caractère immédiat des restructurations grâce aux objectifs
courts termes et des impératifs financiers. L’auteur précise toutefois que dans une
dimension temporelle à moyen et long terme, les restructurations visent à répondre à des
objectifs axés sur la dimension structurelle et culturelle, laissant entrevoir un message
davantage positif. À titre d’exemple, la figure 1 met en évidence des solutions
l’amélioration continue ou la reconfiguration des équipes de travail dans une solution
visant le long terme.
28
FIGURE 1 STRATÉGIE DE «DOWNSIZING» Stratégie de
downsizing Temporalité Caractéristiques du
changement Actions possibles
Downsizing économique
Réduction des effectifs
Court terme -Départs d’urgence
-Réduction des effectifs
-Gel des engagements
-Licenciements
-Incitants aux départs volontaires
-Transferts
Incitation à la retraite
Downsizing structurel
Restructuration des processus
Moyen terme
-Départs liés à l’évolution de la productivité
-Mise en œuvre d’un changement organisationnel
-Remise en cause des flux d’opérations et d’informations entre les fonctions
-Refonte des tâches
-Élimination des niveaux
-Fusion des unités
-Suppression et reconversion
-Élimination de produits
-Reengineering
Downsizing culturel
Reconfiguration de l’organisation dans sa mission et sa culture
Long terme -Départs sur mesure : Quels besoins ?
-Changement des normes et des valeurs
-Mise en œuvre de la culture et mission
-Refonte de l’entreprise
-Changement des responsabilités
-Recomposition de la force de travail
-Implication globale
-Amélioration continue
-Remise en question des valeurs et normes
Source : Pichault, Warnotte et Wilkin (1998), adapté de Cameron (1994)
29
1.8. L’importance de l’analyse du contexte interne et externe
Les activités de restructuration demandent une solide préparation afin de comprendre
l’ensemble des éléments qui peuvent avoir une influence sur les résultats. Les
gestionnaires doivent procéder à une étude exhaustive du contexte interne et externe de
l’entreprise. Pichault et coll. (1998) soulignent à la figure 2 cette nécessité en soulignant
l’importance de l’historique de la firme, sa culture, sa structure, sa situation financière,
sa stratégie globale ainsi que son évolution technologique comme facteurs internes
susceptibles de venir influencer la performance. Au niveau externe, les environnements
politique, économique, socioculturel et technologique seront appréhendés afin de mieux
comprendre et expliquer la complexité du milieu organisationnel.
La compréhension d’un univers borné par la complexité du milieu implique la
dangerosité d’appliquer une forme de mimétisme. Cette dernière est à proscrire en ce
sens que les actions de copiage ne peuvent reproduire le contexte particulier d’une firme
puisque chaque entreprise possède sa propre identité, ses spécificités qui la définissent
(Pichault et coll., 1998). Ainsi, une compréhension approfondie de l’entreprise nécessite
une introspection profonde permettant de dégager notamment l’historique de
l’entreprise. L’historique de l’entreprise a des incidences sur le raisonnement des
employés en influençant leur jugement, en particulier au niveau de la légitimité de la
restructuration (Pichault et coll., 1998). Cette dimension culturelle peut notamment
rendre davantage incisive une action dans une entreprise qui aurait subi plusieurs
traumatismes dans le passé. Il en va de même avec l’ensemble des crises et changements
organisationnels vécus qui pourraient décupler les effets à l’intérieur d’une entreprise
par rapport à une autre. Ces distinctions rendent ardues toutes tentatives de mimétisme
des pratiques de gestion dans la mesure où les gestionnaires tentent simplement de
reproduire des pratiques identifiées comme best practices.
30
FIGURE 2 ÉLÉMENTS DU CONTEXTE INTERNE ET EXTERNE Environnement politique Évolution du secteur d’activité, position par rapport aux
concurrents.
Environnement économique
Contexte réglementaire, législation sociale, législation du travail.
Environnement socioculturel
L’évolution des habitudes d’achats et de consommation.
Environnement technologique
État de l’évolution technologique dans le secteur d’activité.
Histoire de l’entreprise Date et origine de fondation, principales étapes de développement de l’entreprise, principaux changements intervenus dans le passé.
Culture Éléments de cohésion, de cohérence et de légitimation qui participent au système de représentation.
Structure Modes d’organisation du travail du personnel, localisation du pouvoir, système de prise de décision, systèmes d’information et communications internes.
Situation financière Chiffre d’affaires et indicateurs d’évolution.
Stratégie globale Stratégie annoncée, stratégie en action et, en particulier, comment le downsizing y est inscrit
Évolution technologique Nature de la technologie utilisée et rapports entre celle-ci et le downsizing
Relations industrielles Type de relations industrielles et poids relatifs de celles-ci dans les processus de décision
Source : Pichault et coll. (1998)
De nos jours, la dimension compétitive reliée à la volatilité des marchés et les périodes
de turbulences économiques amènent plusieurs dirigeants à justifier les restructurations
comme une action inévitable pour assurer la pérennité de l’entreprise. Il n’en demeure
pas moins que plusieurs organisations s’engagent fréquemment dans de telles pratiques
malgré les évidences démontrées sur les échecs des restructurations à produire des effets
positifs à long terme sur les résultats financiers (Gandolfi, 2008a; De meuse et coll.,
2004; Gahan et Buttigieg, 2008). Plusieurs études ont démontré que les organisations qui
ont maintenu leur niveau d’employés stable ont réussi à mieux se sortir de situations
31
économiques difficiles et ont surclassé celles qui ont établi des stratégies de
restructuration (Gandolfi, 2008a, Morris et coll., 1999). Devant la noirceur du tableau
dépeint par la communauté scientifique, il devient légitime de se questionner sur la
pertinence de procéder à une restructuration.
1.9. Procéder à une restructuration ou pas ?
Cascio (1998) a examiné la performance financière de 311 entreprises du Standard and
Poor’s 500 qui ont eu recours à des pratiques de downsizing entre les années 1981 à
1990. L’auteur a analysé la performance financière trois ans avant et trois ans après le
downsizing. Son étude a révélé la performance financière négative ou une amélioration
quasi nulle. De Meuse et coll. (1994) a analysé la performance financière de 52
entreprises de Fortune 100 entre 1987 et 1991. Près de 70% de ces entreprises n’ont pas
procédé à des épisodes de downsizing. Les paramètres de cette étude ont mis en évidence
cinq indicateurs de performance financière analysés deux ans avant et deux ans après le
downsizing. L’étude démontre qu’il n’y a aucune différence significative en termes de
performance financière entre les deux groupes. L’étude précise que celles ayant affiché
la plus grande stabilité numérique avec la main-d’œuvre ont augmenté légèrement leur
marge de profits. Celles ayant procédé à des licenciements ont par ailleurs diminué leur
marge de profits. De Meuse et coll. (2004) ont également repris le même type d’étude
une dizaine d’années plus tard pour en arriver à des conclusions similaires malgré le fait
que le contexte politico-socio-économique ait considérablement changé durant cette
période.
La question de procéder ou non à une restructuration a largement été questionnée dans la
littérature. À cet effet, Kuhn et Moulin (2006) soulignent que les gestionnaires justifient
les réductions d’effectifs par l’amélioration attendue des performances économiques,
financières et organisationnelles malgré les remises en causes démontrées par les
32
recherches de Appelbaum et coll. (1999), Allouche et coll. (2004) et Noël (2004),
notamment. Kuhn et Moulin (2006) évoquent cette question :
« Pourquoi les dirigeants persistent-ils à recourir à cette option plutôt qu’à une autre
solution, malgré leur connaissance de l’absence d’effets systématiques sur la
performance »?
À cette question riche de sens, Kuhn et Moulin (2006) répondent en signalant que les
dirigeants ont recours à cette solution, car ils ne connaissent pas les études portant sur
les resturcturations, mais ils croient connaître le sujet et son efficacité. Cette
connaissance est en relation avec l’effet de mimétisme qui prescrit les restructurations
comme étant une mesure efficace de redressement. Dans l’évolution de la gestion des
organisations, les managers ont rapidement saisi l’avantage principal des suppressions
d’emplois en réduisant la masse salariale. Adoptant cette idée, ils l’ont généralisé avec
l’aide des experts spécialistes de la gestion des organisations sans s’interroger sur la
réelle pertinence de sa rationalité apparente (Kuhn et Moulin, 2006). Ils y voient une
solution simpliste qui répond à leur besoin en fournissant une solution qui en apparence
peut sembler gagnante. À ce sujet, Kuhn et Moulin, 2006 affirme que les gestionnaires
sont soumis à une vision biaisée pour les raisons suivantes :
- En raison des effets de prédilection qui stipule que les gestionnaires favorisent la
réduction des effectifs pour obtenir un effet mécanique comptable à court terme;
- Que les effets de rôle soutiennent qu’en tant qu’hommes d’affaires, ils retiennent
davantage les théories qui vont de concert avec celles du groupe d’appartenance.
33
Le gestionnaire se retrouve dans une situation où selon Kuhn et Moulin (2006), il ne sait
pas qu’il ne sait pas et croit qu’il sait. Il ne perçoit pas les risques et se leurre quant à
l’efficacité. Sinon, le gestionnaire sait qu’il ne sait pas et qu’il est difficile de savoir,
mais la nécessité de la situation le pousse à esquisser d’autres solutions. Le gestionnaire
se contente donc d’imiter les pratiques des autres entreprises.
Di maggio et Powell (1983) ont traité de cette question en identifiant trois forces qui
démontrent le comportement des entreprises face aux interactions sociales. Ils expliquent
l’isomorphisme coercitif, l’isomorphisme mimétique et l’isomorphisme normatif.
L’isomorphisme coercitif est défini de la façon suivante selon Di maggio et Powell
(1983):
«Il résulte à la fois de pressions formelles et informelles exercées sur la firme par
d’autres organisations dont l’entreprise est dépendante. Ce sont ces forces exercées qui
incitent l’entreprise à se conformer à des règles institutionnelles définissant les
structures et activités managériales légitimes».
L’isomorphisme mimétique est défini par les mêmes auteurs comme étant :
«Une composante qui incite à imiter les actions des membres les plus prestigieux et les
plus visibles de l’industrie. Il en va de même pour la réduction des effectifs comme des
autres techniques de gestion».
L’isomorphisme normatif est défini par Di maggio et Powell (1983) comme étant :
«La composante qui fait émerger des pratiques managériales enseignées dans les
universités, les écoles ou les associations professionnelles. La mise en valeur au sein de
34
ces formations des carrières de dirigeants prestigieux peut devenir de puissants facteurs
d’incitation pour les étudiants à emboîter le pas de leurs aînés».
Les restructurations peuvent en conséquence être considérées comme une mode
qu’adoptent les gestionnaires en pensant utiliser les meilleures pratiques de gestion.
Ironiquement, malgré les résultats des études démontrant les faibles résultats obtenus
grâce aux restructurations, celles-ci se reproduisent à grande échelle par ces
gestionnaires persuadés de faire ce qui est de mieux pour leur organisation. Ce constat
devient un puissant incitatif afin de démontrer aux gestionnaires les risques associés aux
restructurations, mais également les conditions de succès.
1.10. Les perspectives des restructurations
Bien que l’analyse des études soit peu encline à démontrer une augmentation de la
performance financière à long terme pour les organisations ayant choisi de procéder à
une restructuration, ces dernières continuent régulièrement de procéder à des
restructurations de toutes sortes. Trois perspectives peuvent expliquer les raisons qui
poussent les organisations à continuer de s’engager dans ces pratiques : il y a la
perspective institutionnelle, la perspective idéologique et la perspective stratégique.
La première perspective, l’institutionnelle, fait ressortir que le changement
organisationnel est le résultat de pressions coercitives, mimétiques et normatives sur les
organisations provenant de l’environnement externe (DiMaggio et Powell, 1983). Les
auteurs se réfèrent aux forces institutionnelles isomorphismes qui tiennent compte des
besoins de légitimité de l’entreprise de même que de l’importance de sa position dans le
marché (Nöel, 2004). Les pressions coercitives sont connues comme des forces
contraignantes, que ce soit d’un point de vue politique ou social comme le besoin de se
conformer aux normes prescrites par les autres organisations (Noël, 2004; DiMaggio et
35
Powell, 1983). L’idée d’une organisation en santé ou affichant une stabilité encourage à
adopter la théorie du lean and mean production ou du faster, better, cheaper que prône
la société comme comportement légitime. Les pressions mimétiques favorisent la
reproduction de pratiques qui deviennent standardisées ou carrément copiées ou
fortement inspirées d’un modèle, viennent réduire les zones d’incertitudes en
privilégiant des pratiques socialement acceptées et encouragées (Nöel, 2004; DiMaggio
et Powell, 1983; Mizruchi et Frein, 1999). L’idée d’une pratique légitimement
acceptable prend une vigueur insoupçonnée lorsque l’on voit les entreprises ayant un
statut de référence ou de leader agir comme tel (McKinley et coll., 1995). Les pressions
normatives viennent également des institutions d’enseignement, des collègues, des
associations professionnelles et des réseaux sociaux qui adoptent des façons de faire
similaires.
La deuxième perspective, l’idéologique, suggère que la décision d’une organisation de
procéder à une restructuration devrait provenir de la stratégie d’affaires (Edwards et
coll., 2003; Rust et coll., 2005; Sronce et McKinley, 2006). Il existe quatre idéologies de
stratégie d’affaires possible : a) l’idéologie de la compétition du marché, b) l’idéologie
de l’intérêt des actionnaires, c) l’idéologie de l’autonomie des employés, d) l’idéologie
du mérite des employées (Rust et coll., 2005; Sronce et McKinley, 2006).
L’idéologie de la compétition du marché suggère que les organisations doivent demeurer
compétitives face au marché (Rust et coll., 2005). L’idéologie de l’intérêt des
actionnaires suggère que les intérêts des actionnaires doivent être placés au-dessus de
tout le reste (Rust et coll., 2005). L’idéologie de l’autonomie des employés suggère que
ces derniers devraient prendre le contrôle de leur propre situation et devenir aussi
indépendants que possible de leur employeur (Sronce et McKinley, 2006). Ainsi, les
employés sont responsables de développer leur autonomie par rapport aux champs
d’expertise dont ils auront besoin pour accomplir leur fonction. L’idéologie du mérite
36
des employés suggère que le capital humain est la partie la plus importante de
l’entreprise. Cette dernière n’existe que par l’accomplissement du travail par ses
employés au quotidien (Rust et coll., 2005; Sronce et McKinley, 2006). En conséquence,
les décisions de restructuration sont prises en considérant les besoins à la fois des
employés comme ceux de l’organisation.
La troisième perspective, la stratégique, montre que le concept de restructuration comme
une stratégie qui peut être construite à l’intérieur d’un processus de planification
stratégique de l’organisation (Appelbum et coll., 1999) pour la positionner dans un axe
long terme sur le chemin du succès. Avec les stratégies de downsizing, les organisations
planifient intentionnellement l’implantation de downsizing au besoin interne de
l’entreprise afin de faire face aux changements requis par l’environnement externe.
Planifier des actions de downsizing implique une évaluation régulière de la structure
organisationnelle en fonction de la structure organisationnelle attendue. Cette corrélation
entre la structure désirée et celle actuelle nécessitera des ajustements pour corriger les
écarts et impliquera une évaluation des résultats obtenus (Band et Tustin, 1995). La
perspective stratégique implique une vision et une planification basées sur le long terme.
Toutefois, l’environnement n’est pas toujours si prévisible et certains évènements
peuvent venir chambouler les prévisions.
1.11. La portée des restructurations
Les dirigeants d’entreprises qui ont recours à une stratégie de restructuration
développement des raisonnements qui sont susceptibles de justifier cette prise de
décision? Jacquot et Point (2001) ont développé une analyse qui relève quatre
rhétoriques. La première explique la contrainte économique externe, la seconde les
conséquences des restructurations, la troisième la planification de la compétitivité et la
dernière la négociation et l’accompagnement social. Ils mettent l’emphase sur un
37
processus qui mesure à la fois l’environnement de la firme et les conséquences pour
l’entreprise elle-même, ses activités et les conséquences pour la main d’œuvre.
Beaujolin-Bellet et Schmidt (2012) soulignent que les dirigeants mettent l’emphase sur
les stratégies de mise en œuvre des restructurations, évitant les explications sur les
motivations à restructurer. Bourguigon et Guyonvarc’h (2010) ont par ailleurs démontré
que dans près de 30% des cas qu’ils ont étudiés, les décideurs ont justifié leurs actions
par rapport aux effets de la crise financière de 2008. Or, le projet avait déjà été évoqué
précédemment et devient une occasion, voire un prétexte, pour justifier des réductions
de personnel. Boyer (2005) explique que les décisions reposent sur un argumentaire
économique qui s’exerce autour de la recherche de la productivité, de la perte de marché
et des mauvais résultats financiers. Boltanski et Thévenot (1991) illustrent un
enchaînement basé sur une justification marchande, une justification industrielle et une
justification civique. Le discours se veut davantage exogène en rejetant la responsabilité
sur les conditions externes défavorables, et rendant acceptable et socialement légitime
les actions des restructurations (Beaujolin-Bellet et Schmidt, 2012). On constate l’écart
prononcé entre le discours managérial et la décision de restructurer. Le discours fait
référence aux pressions de l’environnement externe alors que la décision se justifie par
un souci de rentabilité.
Afin d’expliquer les décisions de restructuration, Beaujolin-Bellet et Schmidt (2012) ont
développé sur les types de logique sous-jacente aux restructurations; la logique
financière intervient lorsqu’il s’agit de retrouver les moyens financiers alors que la
logique industrielle intervient pour redessiner la nouvelle organisation.
En accord avec Cornolti et Moulin (2007), la logique financière repose sur un
raisonnement séquentiel, linéaire et simpliste selon lequel une perte de productivité
38
requiert une réduction des coûts qui est calculée par rapport au volume des ventes sur le
nombre d’effectifs. Le ratio qui en découle provoque souvent une réaction d’ajustement
immédiat. La logique industrielle se veut plus systémique mettant en relation le court
terme et le long terme. Souvent associée à la recherche d’une plus grande compétitivité,
elle se basera sur des critères quantitatifs, mais également qualitatifs. Ce type de logique
se veut plus réfléchie en raison de sa planification constante.
Noël (2004) a mis en évidence un modèle proposant deux axes et quatre logiques
comme démontré à la figure 3. Le premier axe met en opposition une réponse au déclin
du marché versus des décisions basées sur les pressions institutionnelles et une forme de
mimétisme. Le deuxième axe oppose l’analyse organisationnelle peu poussée à très
poussée. De ces deux axes ressortent quatre logiques; une logique de mimétisme, de
déclin, d’optimisation ou de routine.
FIGURE 3 TYPOLOGIE DES LOGIQUES MENANT À L'IDENTIFICATION DE SUREFFECTIFS
Pression institutionnelle et mimétisme
Analyse organisationnelle peu poussée Analyse organisationnelle très poussée
Déclin
Source : Noël (2004)
Optimisation Routine
Déclin
Mimétisme
39
La dimension institutionnelle et mimétique de Nöel (2004) a été reprise par d’autres
auteurs qui ont mis en exergue cette dimension. La question du sureffectif questionne les
chercheurs depuis longtemps déjà. Issu d’une logique financière simpliste, cela a soulevé
un questionnement dès la fin des années 1980 en soulignant la complexité entre les gains
de productivité et l’identification du sureffectif. La simple notion des compétences
perdues vient donner du sens à ce questionnement. Meyer et Roman (1977) ont tenté de
démontrer comment la conformité avec les forces institutionnelles et environnementales
devient un enjeu pour acquérir une légitimité externe et provoque la diffusion et
l’homogénéité des formes organisationnelles au sein des populations d’organisations
(Allouche et coll., 2003). Ainsi, les organisations adoptent les pratiques, les procédures
et les structures qui prévalent dans leur environnement social comme standard de
rationalité (Noël, 2003). C’est pourquoi l’organisation formelle apparaît en tout lieu
comme un idéal de progrès et de rationalité opposé à l’inorganisation et au chaos
(Meyer, 1992). L’adoption de pratiques institutionnalisées devient un puissant
conducteur de l’isomorphisme. Cela permettrait aux organisations d’adopter des
comportements et des configurations similaires au même moment (Meyer et Rowan
(1977).
Meyer et Rowan (1977) ont décrit trois mécanismes par lesquels les normes
organisationnelles se diffusent. Le premier mécanisme fait référence à la densité des
réseaux sociaux qui permettent d’expliquer la diffusion de modèles institutionnalisés
entre des organisations subissant des contraintes similaires. Les mythes et les pratiques
se propagent au fur et à mesure que les décideurs sont en contact les uns aux autres.
Ainsi, les mythes et pratiques influencent les fournisseurs, les sous-traitants et les autres
organisations qui évoluent dans le giron de l’entreprise. Le deuxième mécanisme est
articulé autour de la diffusion des normes organisationnelles qui deviennent homogènes
en raison de la codification, de la réglementation et de la judiciarisation de l’activité de
l’organisation. Dès lors, l’État joue un rôle significatif dans l’explication de la diffusion
de modèles institutionnalisés. Le troisième mécanisme fait référence aux organisations
40
qui cherchent à institutionnaliser leurs propres objectifs et le mode de gestion face aux
entreprises avec lesquelles elles sont en relation.
Ainsi, c’est le mode de diffusion des pratiques de gestion qui est influencé par le mode
institutionnalisé. On constate que leur diffusion repose sur des mécanismes sociaux, et
non économico-rationnels, et qu’ils peuvent donc être adoptés par les entreprises en
fonction de leur degré d’institutionnalisation et non par simplement de la cohérence avec
les problématiques vécues.
La notion du poids d’une organisation est un élément variable qui a considérablement
évolué. Le Big is beautiful des années 1970 s’est métamorphosées aux principes du lean
management, à l’aplatissement des structures, au reengineering des processus tant bien
que les restructurations sont devenues un outil de prédilection pour les managers. Ce
mouvement a pris une telle ampleur que même dans l’incertitude, les managers ont
continué à procéder à des restructurations en raison des effets mimétiques. En regardant
agir leurs homologues, les managers les ont imités afin de démontrer qu’ils sont en
phase avec les pratiques de saine gestion.
Il existe également l’existence de décisions moins standardisées, moins institutionnelles,
voire plus innovantes (Beaujolin-Bellet et Schmidt (2012). Ces dernières démontrent que
les entreprises familiales ont développé une logique de décision particulière compte tenu
des paramètres auxquels ils font face. Même en des périodes économiques difficiles, ces
entreprises sont moins sujettes à licencier leur personnel (Lee, 2006). En accord avec
Allouche et coll. (2008), l’explication reposerait sur le type de relation d’emploi, la
durée de la relation d’emploi, la préservation de leur capital humain et la préservation de
leur réputation. La PME et les entreprises familiales offrent souvent des conditions
d’emplois moins généreuses et elles ne peuvent se permettre de perdre leurs employés en
41
raison de la difficulté à les attirer. Beaujolin-Bellet et Schmidt (2012) soulignent
l’engagement dans des pratiques de gestion responsables. Ces PME redoutent les effets
pénibles de licenciement en raison de leur proximité avec leurs employés. Les
licenciements demeurent une pratique populaire dans les activités de restructuration,
mais de nombreuses formes peuvent être adoptées, rendant les effets encore plus
difficiles à cerner. La prochaine section soulignera la typologie des différentes formes de
restructuration.
1.12. Typologie des formes de restructuration
Les mouvements de restructuration peuvent prendre de nombreuses formes sous
lesquelles les impacts organisationnels produiront des effets à court, moyen et long
terme sur les résultats directs de l’organisation, mais également sur la loyauté, le
sentiment d’appartenance et simplement l’envie de performer (Jalette et Chevance,
2008). Les différentes formes de typologie que nous allons traiter sont la consolidation
d’activités, la sous-traitance, la délocalisation, la faillite et fermeture, la fusion-
acquisition et finalement celle que l’on retrouve le plus souvent dans les organisations
manufacturières québécoises (Rouleau, 2000), les restructurations internes associées à
des suppressions d’emplois. Nous allons regrouper ces différentes formes de
restructuration en deux catégories. La première catégorie comporte les formes associées
à la modification du périmètre de l’entrepreprise. La seconde implique la modification
de la taille de l’entreprise.
1.12.1. La modification du périmètre de l’entreprise
La consolidation d’activités
Les entreprises peuvent avoir recours à une stratégie de consolidation d’activités afin de
répondre aux impératifs financiers des actionnaires. Les transferts d’activités
productives ne sont d’ailleurs pas strictement interprovinciaux ou internationaux (Jalette
42
et Chevance, 2008). À l’intérieur d’une région donnée voir d’un site industriel, une
organisation peut décider de réorganiser ses activités de production en privilégiant une
usine par rapport à une autre. À titre d’exemple, un important producteur manufacturier
de la Mauricie, entre la ville de Québec et Montréal, a choisi de concentrer ses
opérations en fermant une de ses quatre usines sur un même site. En redéployant une
partie de ses effectifs et en réorganisant sa production, l’entreprise souhaite pouvoir
bénéficier de gains de production majeurs et ainsi repositionner l’entreprise dans une
situation favorable. Le redéploiement organisationnel favorise à l’intérieur d’un plan
global une réduction de ses coûts et une productivité accrue (Jalette et Chevance, 2008).
La sous-traitance
Les activités de sous-traitance prennent vigueur par le phénomène de mondialisation qui
a comme conséquence d’imposer un rythme de production accru à moindre coût
(Tarondeau, 1998). Deux constats s’imposent à cet effet; le premier s’appuie sur la
notion de core business (Prahalade et Hamel, 1990) ou l’idée de se consacrer au cœur de
nos activités et le second s’appuie sur l’idée qu’il faut confier les travaux qui s’éloigne
de notre core business à des entreprises externes qui possèdent le temps et l’expertise
pour la réaliser afin de se consacrer à notre créneau d’excellence (Prahalad et Hamel,
1990).
Jalette et Warrian (2002) définissent la sous-traitance comme une entente conclue par un
employeur avec une entreprise externe pour la réalisation d’un travail de production ou
la fourniture de services qui étaient autrefois assumés, ou aurait pu l’être, par les
employés de l’organisation à l’aide de son propre matériel. On parle de sous-traitance
lorsqu’une entreprise dite donneur d’ordre confie à une autre entreprise appelée sous-
traitant ou preneur d’ordres, pour un cycle de production déterminé, une ou plusieurs
opérations de conception, de transformation, de fabrication, de construction ou de
maintenance d’un produit (Hornstein, 2008). Il existe plusieurs types d’organisation qui
43
se spécialise dans les activités de sous-traitance. Cette situation provoque également un
effet cascade en faisant dérouler les sous-traitants, chacun réalisant l’activité pour
laquelle il excelle (OCDE, 2005b).
La délocalisation
Pour plusieurs, les mouvements de délocalisation constituent un phénomène récent.
Toutefois, en raison de la mondialisation, ces mouvements ont pris de l’essor ces
dernières années. La mondialisation actuelle est caractérisée notamment par l’émergence
de chaînes de valeurs mondiales, son rythme ainsi que son ampleur qui sont sans
précédent (Berger et coll., 2006). La délocalisation ou le outsourcing désigne
l’utilisation de biens et de services produits à l’extérieur de l’entreprise. La
délocalisation peut être à l’intérieur du pays dans lequel est située l’entreprise. Elle peut
également se situer près de l’entreprise dans un pays externe comme le Mexique et les
États-Unis ou plus éloigné dans les économies émergentes où les avantages sont
nombreux comme la petitesse des coûts d’exploitation, un niveau de productivité élevé,
des compétences techniques adéquates et une législation du travail permissive (Michalet,
2007). De nombreuses entreprises manufacturières ont pris la décision de délocaliser une
partie de leur production, souvent la fabrication de certaines composantes, et de les faire
fabriquer dans des pays comme la Chine ou le Vietnam (Bernatchez, 2008).
Les fusions-acquisitions
Les fusions et les acquisitions prennent une place prépondérante depuis une vingtaine
d’années que ce soit aux États-Unis, en Europe ou dans les pays d’Asie. Ce sont des
actions qui visent à prendre le contrôle des opérations par lesquelles le contrôle du
capital d’une entreprise change de main (Sachwald, 2001). La fusion de deux entreprises
résulte dans un repositionnement des structures organisationnelles et amène une révision
des effectifs. L’acquisition peut s’avérer amicale ou hostile et crée une incertitude à
44
savoir s’il existe des doublons ou des postes à éliminer puisque redonnant (Sachwald,
2001).
Il existe deux types de fusion, soit la verticale et l’horizontale. Le premier type de fusion
fait référence à des motifs de nature technologique en supprimant certaines étapes du
processus de fabrication ce qui a un impact direct sur les coûts et la profitabilité (Perrot,
2009). Il peut également faire référence à des motifs de nature stratégique grâce à
l’élimination de la double marge en octroyant un prix final plus bas en cumulant les
économies au lieu d’additionner les coûts des deux unités séparées. Il en résulte une
meilleure maîtrise d’une ressource rare ce qui peut permettre d’exclure un concurrent et
cela permet de mieux affiner la fabrication tout au long du processus (Perrot, 1999).
Le deuxième type de fusion, l’horizontal, se produit entre des entreprises offrant des
biens substituables (Perrot, 1999). Elles se produisent pour des motifs définis en
fonction de la recherche de synergies entre activités et la configuration de marché
relativement nouvelle (Perrot, 1999). Plusieurs auteurs (Pikula, 1999; Létourneau, 1994)
sont d’avis que les fusions et acquisitions sont souvent une stratégie infructueuse en
raison du manque de considération de l’aspect humain et de la faiblesse des
communications.
1.12.2. La modification de la taille de l’entreprise
La faillite et la fermeture
La faillite et la fermeture d’usine font partie d’un cycle naturel de remplacement en
raison du déclin de certaines entreprises ou de certains secteurs d’activité. Puisque la
concurrence est omniprésente dans les environnements des entreprises, l’innovation
devient au cœur du succès. Les plus jeunes entreprises tentent par tous les moyens
possibles de s’imposer et viennent ainsi menacer les entreprises établies. Ce jeu de va-et-
45
vient permet de soutenir un contexte de concurrence accrue en laissant s’introduire de
nouveaux joueurs, mais vient également signifier la fin pour des entreprises n’ayant su
s’adapter. Plusieurs facteurs expliquent la décision des entreprises de réduire leurs
effectifs ou de fermer des usines (Baldwin et Brown, 2004). Le premier facteur est
l’incapacité à soutenir un niveau de rendement adéquat laissant la place aux pays des
économies émergentes (Baldwin et Brown, 2004). Le deuxième facteur est la désuétude
de certaines entreprises qui ne peuvent s’adapter sur le plan technologique (Baldwin et
Brown, 2004). Le troisième facteur est le passage du temps qui vient dégrader le capital
de l’usine suite au non-investissement entraînant une réflexion sur un investissement
massif dans la réfection de l’usine ou dans la construction d’une toute nouvelle usine
(Baldwin et Brown, 2004).
Les restructurations internes
Les restructurations internes surviennent lorsqu’une entreprise réduit ses effectifs pour
des raisons autres que celles évoquées précédemment. Ces mouvements de réduction de
personnel se nomment mis à pied dans l’usage québécois, ce qui signifie que
l’employeur pour des motifs économiques ne peut plus offrir du travail temporairement
à un ou plusieurs salariés. Dans la mesure où l’employeur ne voit pas ses affaires se
rétablir, ladite mise à pied deviendra permanente sous le vocable de licenciement qui
signifie une rupture définitive du lien d’emploi pour des motifs économiques. Statistique
Canada (2007c) définit l’expression mise à pied temporairement comme une personne
s’attendant à être rappelée par l’employeur. Bien entendu, dans la mesure où un
établissement ferme définitivement ses portes, la possibilité de rappel devient nulle.
La législation du travail au Québec vient d’ailleurs encadrer les licenciements en
s’assurant que l’employeur en avise le Gouvernement dans la mesure où le licenciement
est qualifié de collectif, soit un licenciement de plus de dix employés. Les indemnités
payées par l’employeur vont varier en fonction du nombre. Les semaines de préavis
46
peuvent passer de 8 à 24 dans le cadre d’un collectif. La loi prévoit également que
l’employeur peut être soumis à la participation à un comité de reclassement pour les
salariés victimes.
Il existe d’autres motivations que la conjoncture économique pour expliquer les
restructurations internes. La volonté des dirigeants d’accroître les retours financiers pour
les actionnaires peut justifier de telles pratiques comme une réorganisation du travail
pour faire place à une nouvelle technologie par exemple (Rouleau, 2000). Avant de
procéder à une restructuration interne, Le chevalier (2002) souligne qu’il existe des
alternatives qui peuvent être tentées d’une façon progressive et qui sont moins
dommageables pour le capital humain. Ainsi, avant de procéder à des licenciements
collectifs, une entreprise pourrait réduire voir éliminer l’attribution d’heures
supplémentaires. Elle pourrait également tomber en travail à temps partagé, mesure
québécoise visant à alterner les heures de travail avec l’assurance emploi afin de
conserver la force de sa main-d’œuvre.
Réduction des effectifs
Puisqu’il fait sens commun pour la majorité des dirigeants de procéder à des
mouvements de réduction d’effectifs, ceux-ci doivent toutefois justifier leurs actions
sous l’angle d’une réorganisation, d’un désinvestissement, d’un plan de sous-traitance
ou de procéder à des licenciements (Arzeni, 2004). Alors qu’il est connu, que le vocable
mise à pied en France évoque une mesure disciplinaire, au Canada, il s’agit d’une fin
d’emploi temporaire pour des motifs économiques. Afin de préciser cette situation, dans
un environnement syndiqué, un employé pourrait perdre son emploi lors d’une mise à
pied en raison de son manque d’ancienneté (Rouleau et Jalette, 2008). Le critère
principal pour une mise à pied dans un contexte syndiqué s’avère l’ancienneté, soit les
salariés possédant le moins d’ancienneté chez l’employeur. Pour l’environnement non
syndiqué, les règles ne sont pas les mêmes puisque la théorie des droits résiduels
47
s’applique, soulignant ainsi le pouvoir de l’employeur de déterminer quels seront les
paramètres afin de sélectionner les salariés licenciés (Rouleau et Jalette, 2008).
Cameron, Freeman et Mishra (1993) ont mis en évidence dans la figure 4 les différents
types de réduction des effectifs, les différents processus et le type de reconfiguration de
l’organisation. À titre d’exemple, en fonction des licenciements, la reconfiguration
organisationnelle implique l’élimination de niveaux et l’implication globale de toutes les
parties prenantes.
FIGURE 4 ÉTENDUE ET PROFONDEUR DES PRATIQUES DE «DOWNSIZING» Étendue
Réduction des effectifs Restructuration des processus Reconfiguration de l’organisation
Licenciement Élimination de niveaux Implication globale
Outplacement Fusion d’unités Amélioration continue
Incitation à la retraite Éliminations de produits Système de valeurs
Transferts Business Process Changement de culture
Incitants financiers au départ
Reengineering Amélioration continue
Profondeur
Source : Cameron, Freeman et Mishra (1993)
Les licenciements peuvent être qualifiés de contre-cycliques, car ils ont tendance à
augmenter lors de période de ralentissement économique et a contrario diminuer en
période de croissance. (Morissette, 2004; Bernard, 2009b). À ce titre, Freeman et
Cameron (1993) soulignent le flou concernant la réduction des effectifs par la
communauté scientifique :
48
«Organizational downsizing constitutes a set of activities, undertaken on the part of the
management of an organization, designed to improve organisazational efficiency,
productivity, and competitiveness».
Les gestionnaires se servent de la stratégie de réduction des effectifs afin de réduire la
taille de l’entreprise et de l’organisation. Plusieurs caractéristiques distinguent la
réduction des effectifs comme :
- On ne peut la qualifier d’extrinsèque à l’entreprise puisqu’elle prend forme à
partir d’une décision volontaire des gestionnaires et dirigeants d’entreprises par
rapport à un contexte d’entreprise en faillite (Freeman et Morgan, 2013);
- Elle n’implique pas nécessairement seulement la réduction d’effectifs, car
d’autres mouvements d’employés peuvent être utilisés comme des transferts, des
incitations à la retraite (Freeman et Morgan, 1993);
- Elle vise l’amélioration de l’efficacité et de l’efficience. On peut la qualifier de
proactive ou de réactive afin de réduire les coûts ou d’augmenter la compétitivité
de la firme. Ainsi, dans la mesure où on la qualifie de proactive étant donné
l’objectif d’augmenter la performance organisationnelle ou défensive si elle tente
d’agir sur le déclin de l’entreprise (Freeman et Morgan, 1993).
- La réduction des effectifs aura un impact sur l’ensemble de l’organisation en
raison de la diminution du nombre d’employés qui effectuent le travail en
réorganisant le travail, l’intensité de la charge de travail et la manière dont le
travail est accompli (Freeman et Morgan, 1993).
Cameron (1994) souligne que plus de 85% des entreprises du Fortune 500 ont procédé à
une restructuration dans les cinq dernières années et 100% ont planifié d’utiliser une
49
stratégie de downsizing dans les cinq années à venir. Aucun secteur n’est épargné que ce
soit dans le secteur public, privé, syndiqué ou non. Puisque les restructurations
s’affichent comme une stratégie de gestion primée, il devient probant d’investiguer sur
les pratiques porteuses de succès et non de diminution de la performance
organisationnelle. Parce que les échecs ont été nombreux, il est nécessaire d’augmenter
notre compréhension des conditions de succès des restructurations. Une étude menée
(1990) par Right Associates a révélé que 74% des managers seniors dans les entreprises
qui ont procédé à un downsizing affirment que le moral, la confiance et la productivité
ont considérablement souffert après le downsizing (Henkoff, 1990). Une autre étude
menée par la Society for Human Resource Management soulignait que plus de la moitié
des 1468 entreprises qui ont procédé à un downsizing affirment que la productivité s’est
détériorée (Henkoff, 1990). Une plus grande compréhension des conditions de succès
des restructurations devient essentielle pour non seulement augmenter l’état des
connaissances scientifiques sur le sujet, mais également afin de fournir des appuis aux
gestionnaires et haut dirigeants.
1.13. Le déploiement de la thèse
Les restructurations constituent un sujet qui vient à la fois susciter la curiosité de la
communauté scientifique, mais également de tous les praticiens et dirigeants
d’entreprises. Les croyances associées aux vertus des restructurations sont nombreuses
et sont propagées par bon nombre de gestionnaires, consultants et maisons
d’enseignement. Il devient essentiel de mieux cerner ces différents effets provoqués par
les restructurations. Alors que certaines entreprises réussissent leur restructuration,
d’autres échouent. Cette thèse vise à démontrer les conditions de succès des
restructurations. Cameron (1994) a déjà démontré il y a une vingtaine d’années une
trentaine de conditions de succès et en signalant des pratiques à éviter quant aux
restructurations. Elle souligne que les organisations ont changé leurs perceptions quant
aux facteurs de succès d’une organisation. Il y a une quarantaine d’années, on pouvait
50
mesurer le succès d’une organisation en fonction de la taille de celle-ci. La stature
occasionnée par le nombre de salariés apportait la reconnaissance du succès. Une
expression anglaise permet de bien résumer la situation : bigger is better. La perception
de l’entreprise en croissance était vitale. Une organisation en santé devait constamment
être en croissance et le contraire était perçu comme un signe de faiblesse. Une
organisation devait associer sa capacité d’adaptation et sa flexibilité à sa redondance
d’effectifs, ce qui lui permettait de saisir les opportunités du marché au vol puisque
l’entreprise avait déjà les effectifs requis.
De façon plus contemporaine, les entreprises ont adapté leur discours par rapport à la
dimension numérique des salariés. Le déclin et la décroissance sont des étapes naturelles
d’un cycle organisationnel. La capacité d’adaptation et la flexibilité sont toujours aussi
importantes, mais elles sont encadrées par la gestion des compétences.. Cameron (1994)
a ressorti dans son étude 30 prescriptions de meilleures pratiques de restructuration tel
que démontré à la figure 5.
51
FIGURE 5 PRESCRIPTION DES MEILLEURES PRATIQUES DE «DOWNSIZING» Approche
1. Approcher le downsizing comme une stratégie à long terme et qui permet une
pérennité organisationnelle.
2. Approcher les ressources humaines comme un plan d’investissement et qui
permet le développement et de nouvelles idées.
3. Approcher le downsizing comme une opportunité d’amélioration plus que
comme une réaction de faiblesse à une crise.
Préparation
4. Se préparer pour le downsizing avant d’agir pour ne pas simplement tenter
d’éteindre un feu.
5. Identifier la direction que l’entreprise va prendre dans sa mission et sa
stratégie d’affaires avec ses compétences clés afin de permettre qu’elle se
matérialise.
6. Établir des buts, des délais et des objectifs pour le downsizing afin de
présenter celui-ci comme une opportunité d’amélioration.
Participation
7. La participation des employés en identifiant les besoins de changement à
travers le downsizing et implanter ces changements plutôt que de diriger le
downsizing unilatéralement «top down».
8. Tenir chacun responsable de l’atteinte des buts du downsizing plutôt que de
le considérer comme la responsabilité du top management.
9. Faire participer les clients et les sous-traitants dans le design et les
suggestions implantation du downsizing plutôt que de fonctionner
uniquement à l’interne.
52
Leadership
10. S’assurer que les leaders sont visibles, accessibles et qu’ils interagissent avec
ceux qui sont affectés par le downsizing au lieu de succomber à la tentation
d’éviter les confrontations, la douleur et les inconforts associés à la gestion
du management.
11. Associer le downsizing avec une vision claire et articulée de ce qui est
attendu pour le futur de l’organisation, pas simplement comme une
échappatoire aux problèmes passés.
12. Projeter une énergie et des initiatives positives des leaders en motivant les
employés qui vivent le downsizing au lieu d’adopter un comportement
défensif et une perspective paranoïaque.
Communication
13. S’assurer que chacun soit complètement informé des objectifs du downsizing,
la stratégie poursuivie, les coûts impliqués, la période de temps plutôt que de
révéler seulement les informations nécessaires réserver au top management.
14. Communiquer amplement sur le déroulement du downsizing avec des
informations fréquentes, consistantes et véridiques à tous les employés sur les
progrès durant le processus plutôt que de laisser courir les informations vraies
ou fausses et ambiguës.
15. Donner de la rétroaction continue sur les résultats des participants au
processus de downsizing plutôt que de compléter le processus avant que
l’évaluation soit faite.
Soutien
16. Fournir une attention égale et supporter ceux qui restent dans l’organisation
et ceux qui quittent l’organisation plutôt que de mettre l’accent sur les
bénéfices.
53
17. Fournir un plan social à ceux qui quittent l’organisation pour favoriser la
transition plutôt que de laisser aller les gens avec une lettre de licenciement et
une indemnité de départ.
18. Fournir un entraînement à l’avance du downsizing afin en introduisant de
l’aide individuel plutôt que de simplement faire un suivi après downsizing.
Diminution des coûts
19. Introduire une variété d’activité de diminution des coûts plutôt que de
simplement réduire le nombre d’employés.
20. Mettre l’accent sur les sources de gaspillage souvent passé inaperçues et non
mesurées (excès d’information, excès de meeting, longueur des délais, excès
de nouveauté) plutôt que se concentrer sur couper seulement ce qui est visible
et mesuré.
21. Tracer et analyser tous les processus dans l’organisation à éliminer
l’inefficacité, la redondance, la non-valeur ajoutée et faire l’organisation du
travail plutôt que de continuer avec les vieux processus.
Mesures
22. Mesurer la vitesse et le temps utiliser dans l’organisation, pas simplement le
nombre d’employés lorsque l’on regarde les façons de faire un downsizing.
23. Développer des mesures spécifiques pour toutes les activités et processus qui
influencent les résultats directs des produits et services de l’organisation et
qui donnera les pistes d’amélioration pour déterminer le comment s’y prendre
plutôt que de mesurer simplement les rendements.
24. Estimer les habiletés, l’expérience et les attitudes désirées sur l’ensemble du
personnel et qui peuvent améliorer la prise de décision en situation de
downsizing.
54
Mise en œuvre
25. Mettre en œuvre un large éventail de stratégie de downsizing incluant la
culture d’entreprise au lieu de procéder qu’à une réduction des effectifs.
26. Administrer le downsizing honnêtement et proprement de façon à s’assurer
que ce ne soit pas vécu et perçu comme préjudiciable.
27. Fournir l’opportunité de croissance personnelle et de développement pour les
individus dans la période de downsizing plutôt que d’avoir des œillères et de
ne mettre le focus que sur le profit et les résultats financiers.
28. Mettre l’ensemble de l’organisation à contribution dans l’implantation du
downsizing plutôt que se servir uniquement de la chaîne de commandement.
29. Changer les évaluations, les récompenses, la sélection, le développement et
les communications afin de refléter les nouveaux buts et objectifs en fonction
du downsizing plutôt que de garder le système actuel traditionnel.
30. Implanter le downsizing en commençant avec de petits gains, lesquels vont
mettre en place un climat favorisant le déroulement du downsizing plutôt que
d’attaquer le downsizing comme quelque chose de gros, de complexe et
d’imprévisible.
Source : Cameron (1994)
Ces caractéristiques issues d’une étude exhaustive dans l’industrie automobile ont
permis de comprendre que pour assurer le succès d’une restructuration, des conditions
essentielles devaient être présentes. Toutefois, nous devons souligner certaines limites à
ces travaux. Premièrement, les travaux de Cameron se sont concentrés sur l’industrie
manufacturière américaine. Culturellement, existe-t-il des différences entre l’industrie
automobile américaine versus celle canadienne et européenne. Les conditions retenues
ont-elles la même prépondérance compte tenu de la localisation et de la culture de
l’entreprise. Cette thèse investiguera un autre territoire que celui américain en se
consacrant au territoire canadien, plus spécifiquement dans la province de Québec. La
55
langue dominante est le français, ce qui pourrait faire un clivage culturel avec les États-
Unis d’Amérique.
Deuxièmement, Cameron, en étudiant les fabricants automobiles, a choisi de se
concentrer sur la grande entreprise. Le mode de fonctionnement de la grande entreprise
diffère de celui de la PME en raison du nombre d’employés, de la structure et des
capitaux disponibles. Cette thèse se consacrera à l’étude de PME ayant une structure, des
capacités financières moindres et des infrastructures limitées.
Troisièmement, les travaux de Cameron portaient exclusivement sur l’industrie
manufacturière automobile. Ce secteur d’activité se veut très spécifique. Pourrait-on tirer
les mêmes conclusions, peu importe le secteur d’activité? Cette thèse interviendra dans
l’industrie des fabricants de meubles. En sélectionnant un secteur d’activité différent,
nous pourrons constater notamment qu’il s’agit d’un milieu traditionnellement non
syndiqué à faible salaire avec des emplois peu qualifiés comparativement à l’industrie
des fabricants automobiles. En privilégiant un secteur d’activité différent, nous ouvrons
la porte à la possibilité de découvrir des conditions de succès différentes.
La présente démarche symbolise une remise en question des résultats de Cameron.
Manifestement, bien que ces résultats aient contribué à l’avancement de la science en
jetant un éclairage nouveau sur les restructurations, ces résultats demeurent incomplets.
Des pièces sont manquantes et cela représente une opportunité de nous saisir des travaux
de Cameron comme pierre d’assise en y ajoutant notre contribution. Le tableau 1 résume
les résultats de Cameron par rapport à la direction de recherche que nous prenons dans le
cadre de cette thèse.
56
TABLEAU 1 COMPARAISON ENTRE CAMERON ET GAGNON Type d’entreprise Secteur d’activité Territoire
Cameron Grande entreprise Constructeur automobile
États-Unis
Gagnon PME Fabricant de meubles
Québec, Canada
Cette thèse vise à répondre à la question de recherche suivante : quelles sont les
conditions de succès afin de traverser une restructuration? L’originalité de cette thèse
se veut dans un premier temps une actualisation des travaux de recherches de Cameron
datant d’une vingtaine d’années. Elle vise ensuite l’utilisation d’une méthodologie qui
n’est pas issue d’un environnement méthodologique quantitatif ou qualitatif. Cette thèse
utilisera l’analyse comparative comme méthode de recherche. Cela permettra d’utiliser
des concepts à la fois qualitatifs et quantitatifs afin d’extraire les conditions ou
combinaisons de conditions de succès pour réussir une restructuration. Pour ce faire,
nous allons utiliser, outre la variable de succès des restructurations, quatre variables
explicatives directement associées à la gestion des ressources humaines. Il s’agit de la
légitimité, de la gestion des survivants, du maintien des pratiques de gestion des
ressources humaines et de la responsabilité sociale. Fidèles aux principes de la méthode
de l’analyse comparative, nous nous réservons la possibilité d’effectuer des allers-
retours afin de permettre au chercheur de préciser les conditions permettant d’expliquer
le succès des restructurations. Les quatre variables déterminées sont issues d’une
dimension de type RH. Dans le traitement de nos cas, afin nous allons utiliser d’autres
variables explicatives du succès des restructurations qui proviennent d’une dimension
business.
La prochaine section permettra de procéder à une recension des écrits concernant les
variables que nous utiliserons dans le cadre de cette thèse. Ces variables serviront dans
un premier temps à confirmer leur prépondérance grâce à l’étude de cinq cas. Cette étape
57
se veut charnière puisque ces variables initiales ont été sélectionnées grâce à la
connaissance du chercheur du milieu pratique étudié. Afin de s’assurer qu’elles soient
pertinentes, les études de cas nous permettront le cas échéant de faire les modifications
nécessaires. Dans un second temps, les variables que nous aurons cristallisées pour cette
thèse seront utilisées afin de procéder à l’exécution de la méthode QCA qui mettra en
évidence les conditions ou combinaisons de conditions de succès pour traverser une
restructuration. Les variables préliminaires retenues pour expliquer le succès sont la
légitimité, la gestion des survivants, le maintien des pratiques de ressources humaines et
la responsabilité sociale.
1.14. La variable du succès des restructurations
Il y a plusieurs années, les entreprises avaient pour objectifs d’avoir un maximum
d’employés (more is better). Toutefois, cette vision s’est complètement transformée pour
valoriser l’adaptation, l’efficacité, la vitesse d’exécution et la flexibilité (Applebaum et
coll., 1999). Le changement est devenu la norme (Frigeri, 1987). L’emphase est mise sur
le lean management afin de diminuer les coûts et d’améliorer l’efficience (Applebaum et
coll., 1999). En conséquence, les pratiques de réduction des effectifs sont devenues une
avenue commune pour réduire les coûts (Buchanan, 1997). La création de valeur pour
les actionnaires s’active aujourd’hui comme un objectif capital pour les entreprises
(Najar et Nekhili, 2009). De nos jours, les actionnaires n’hésitent pas à exiger un
rendement significatif de l’ordre de 10 à 15 % de leur investissement (Najar et Nekhili,
2009). Afin de susciter des réactions positives quant aux résultats actuels et perspectives
futures, les entreprises sont fortement enclines à procéder à des réductions d’effectifs
(Albouy, 1999). Ce désir d’obtenir constamment de hauts rendements constitue un
véritable danger pour les salariés en vertu des mesures de correction de la masse
salariale. L’entreprise se concentre dans des périodes troubles à réduire les effectifs afin
de restaurer la compétitivité. La fixation sur les coûts et la réduction de la masse
salariale sont des réponses directes aux rétablissements des ratios de rentabilité, comme
58
une sorte de décision réflexe (Beaujolin, 1999). Les salariés deviennent les victimes que
se livre la concurrence (Najar et Nekhili, 2009). Beaujolin (1999) souligne que le facteur
travail est désormais évalué comme une charge plutôt qu’un investissement qui génère
de la valeur.
Malgré tout, les études empiriques ne permettent pas de conclure avec certitude de
l’efficacité des réductions d’effectifs sur la performance de l’entreprise (D’Arcimoles et
Fakhfakh, 1997). Les doutes soulevés par l’accroissement de la performance se sont
accentués depuis une quinzaine d’années grâce à la contribution de plusieurs chercheurs
(Beaujolin-Bellet et Schmidt, 2012; Cornolti et Dumoulin, 2007; Faithhurst et coll.,
2002; Noël, 2004; Séverin, 2007). À ce sujet, ce dernier soulève un questionnement
quant à l’effet de contagion occasionné par le changement de valeurs des mouvements
de personnel :
« Si l’on considère la firme comme un portefeuille d’investissement dont la vraie valeur
est inconnue des investisseurs, l’annonce de suppressions d’emplois convoie de
l’information sur la firme et le secteur dans lequel elle évolue. Comme cette suppression
d’emplois génère des coûts (provision pour licenciements, programme de formation du
personnel, nouveaux investissements...), l’information peut être perçue négativement par
le marché, car cela va affecter les liquidités futures ».
Les restructurations peuvent envoyer un message négatif en indiquant que l’entreprise et
peut-être même le secteur d’activité se trouvent en difficulté. Cette situation peut
s’avérer délicate compte tenu des relations d’affaires avec les clients, fournisseurs et
sous-traitants et des employés.
59
Séverin (2007) souligne également que l’annonce de suppressions d’emplois constitue
une opportunité pour les autres compétiteurs. Lorsqu’une entreprise procède à un
licenciement, elle devient à court et parfois à moyen terme moins efficiente. La position
des compétiteurs devient automatiquement supérieure et améliorée. L’auteur conclut
également que l’entreprise qui procède à ces mouvements de main-d’œuvre fragilise la
relation d’affaires avec ces partenaires qui pourraient être effrayés par la situation et en
conséquence se tourner vers d’autres entreprises dont la réputation est plus solide. Une
étude de Sun et Tang (1998) est venue révéler qu’une suppression d’emploi avait un
impact négatif sur l’ensemble du secteur d’activité et laisse entrevoir au minimum des
difficultés à venir dans l’ensemble de l’industrie. Madura, Akhigbe et Barunek (1995)
ont également démontré qu’une suppression d’emplois d’une entreprise du secteur
bancaire a affecté l’ensemble de l’industrie.
1.14.1. Les perspectives du succès
D’une perspective plus positive, Cornolti et Moulin (2007) soulignent que la réduction
des effectifs permettrait d’augmenter la performance de l’entreprise selon trois
dimensions : comptable et financière, boursière et organisationnelle. La première grâce à
la réduction des coûts salariaux et des charges sociales provoque une augmentation de la
productivité et de la performance organisationnelle. Simple opération de calcul, la
soustraction de ces dépenses améliore la situation financière de l’entreprise, à court
terme du moins.
La deuxième perspective est en fonction de l’augmentation des cours boursiers en raison
de la réduction des effectifs. Le marché boursier peut considérer de telles actions comme
un symbole de saine gestion et en conséquence avoir un effet favorable sur la valeur de
l’action. Des études sur de grandes entreprises comme IBM, Sears, Xerox Nabisco et
Dupont ont été réalisées le lendemain de l’annonce des licenciements ont confirmé ce
60
phénomène. Au niveau de la France, les mêmes conclusions s’imposent suite à l’analyse
des sociétés Michelin, Société Générale, Danone ou Renault.
Troisièmement, la réduction des effectifs aurait des effets positifs sur la performance
organisationnelle. Ces améliorations attendues se situent au niveau de la prise de
décision plus rapide, une plus grande propension à innover, une communication plus
fluide, une décentralisation du pouvoir au bénéfice d’équipes responsabilisées et une
augmentation de la qualité (Bruton, Keels et Strook, 1996; Mroczkowski et Hanaoka,
1997).
Cornolti et Moulin (2007) en réponse aux trois dimensions procurant une augmentation
de la performance organisationnelle indique que de multiples études traitantes des
suppressions d’emplois sur la performance des organisations ont démontré que les
promesses d’amélioration de la performance ne sont tenues ni par les cours boursiers, ni
par la performance économique et financière, ni par la performance organisationnelle.
Les auteurs en appellent contre l’idéologie faisant des suppressions d’emplois des
générateurs d’économies et d’efficience organisationnelle. Des études, comme démontré
dans la figure 6, font état de piètres résultats lors de restructurations organisationnelles.
Arcimoles (1994) a démontré des liens négatifs entre les licenciements et la
performance. Meschi (1998) souligne dans son étude que bien que des résultats positifs
peuvent être corrélés entre les licenciements et la performance à court terme, la
performance se dégrade par la suite, résultats des activités de restructuration. Sentis
(1998) dans une étude portée sur 90 entreprises cotées en bourse a révélé que ces
entreprises ont augmenté leur niveau de productivité et leur niveau de rentabilité
supérieur par rapport à la période précédente à la restructuration.
61
FIGURE 6 PRINCIPALES ÉTUDES FRANÇAISES CONSACRÉES AU LIEN RÉDUCTION D'EFFECTIFS ET PERFORMANCE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
Auteurs Caractéristiques de l’étude Résultats
Arcimoles (1994)
- 61 grandes entreprises françaises
- Période d’observation de 1982 à 1989
- Indicateurs : Rentabilité économique et rentabilité financière
- Lien négatif non durable entre le taux de licenciement et la performance
- Lien entre l’intensité des licenciements et la performance future
Arcimoles (1996)
- Confrontation de deux bases de données sociales (1982 à 1989) et financières (1987 à 1989)
- Études de 61 grandes entreprises françaises de plus de 300 salariés appartenant au secteur industriel
- Indicateurs : ROI et productivité
- Amélioration immédiate de la performance. Son caractère durable n’est pas testé et fait l’objet d’interrogation de la part de l’auteur.
Arcimoles et Fakhfakh (1997)
- 56 grandes entreprises de l’industrie du bâtiment
- Période d’observation : 1997 à 1993
- Données comptables recueillies sur DIANE¸
- Indicateurs : Rentabilité économique
- Hausse non durable de la productivité et de la rentabilité économique
Meschi (1996a)
- Étude de 66 grandes entreprises de moins de 500 salariés
- Interviews de DRH
- Réduction du nombre d’innovations essentiellement dans les entreprises n’ayant pas amélioré leur performance
Meschi (1998)
- 59 annonces de suppressions de postes publiées dans le quotidien Les Echos
- Restructurations simplistes - Indicateurs : ROS et ROI - Observation de 1992 à 1995 - Date des restructurations
(1993)
- Amélioration de la performance en t+1 pour 40% de l’échantillon
- Amélioration partielle pour 44% et dégradation pour 15,3%
- Évolution non durable pour 63% des
62
entreprises
Sentis (1998)
- Échantillon de 90 sociétés cotées en bourse
- Réduction d’effectifs d’au moins 10% en 1993
- Fenêtre d’observation de 1991 à 1995
- Indicateurs : productivité, rentabilité économique et financière, opportunité de croissance, endettement financier
- Comparaison avec les moyennes sectorielles
- Hausse de la productivité
- Niveau de la rentabilité économique supérieur à celui du secteur sur les années qui suivent la suppression d’emploi
Source : Cornolti et Moulin (2007)
La réussite des restructurations par réduction des effectifs ne fait donc pas l’unanimité
parmi les chercheurs sur le sujet. Cornolti et Moulin (2007) soulignent :
« ...les réductions d’emplois seraient contingentes à l’état de la conjoncture
économique : lorsque cette dernière est défavorable, les entreprises s’engageraient dans
un processus de compression de leurs effectifs pour réagir à des pertes de marchés et
préserver leur équilibre financier ».
Toutefois, certains auteurs (Moulin, 2001; Noël, 2004; Pichault et coll., 1998) ont
démontré que la réduction des effectifs doit être dissociée de l’effet conjoncturel. Ainsi,
plusieurs organisations procéderaient à de telles démarches même dans un contexte
économique favorable, relevant d’une forme de mimétisme. La société, à l’intérieur de
ces façons de fonctionner et des différentes modes de gestion, rendrait l’idée d’une
réduction des effectifs nécessaires. Ce type d’argument justifiant une réduction des
effectifs sert bien la cause des organisations qui procèdent à des réductions des effectifs.
Elles peuvent ainsi se justifier par rapport à des contraintes environnementales, la
63
sauvegarde de la compétitivité ou l’assainissement de la situation financière périlleuse
(Boyer, 2005). Toutefois, comme le démontre la figure 7, on souligne les effets
préjudiciables des restructurations sur l’organisation. Amabile et Conti (1999) notent un
déclin de la productivité. Bonnet arrive à la conclusion qu’il y a dégradation du potentiel
d’innovation liée aux pertes de compétences. Cameron (1994) dans une étude marquante
a fait ressortir les effets négatifs avec ses Dirty Dozen. Meschi (1996b) souligne la
diminution de la productivité suite à des suppressions d’emplois.
On constate une dichotomie entre les dirigeants d’entreprise qui projettent d’utiliser les
réductions d’effectifs comme moyen d’augmenter la performance organisationnelle et le
point de vue davantage modéré des chercheurs portant sur les restructurations. Une étude
réalisée par la Wyatt Worldwide a révélé que seulement près de 17% des entreprises
sondées ont reconnu avoir réalisé des gains au niveau de la bureaucratie. Non seulement
les entreprises n’atteignent-elles pas les objectifs escomptés, mais elles réussissent plutôt
à augmenter les effets négatifs tels qu’une centralisation accrue dans un contexte
d’inquiétude (Cornolti et Moulin, 2007; Cameron, 1994). Meschi (1996a) souligne que
la réduction des effectifs peut occasionner de l’inertie organisationnelle au lieu de
favoriser le changement.
64
FIGURE 7 TABLEAU DES ÉTUDES EMPIRIQUES SUR LE LIEN RÉDUCTION D'EFFECTIFS ET PERFORMANCE ORGANISATIONNELLE
Auteurs Caractéristiques de l’étude Résultats
Amabile et Conti (1999)
Monographie réalisée dans une entreprise de haute technologie employant 30 000 salariés. Étude longitudinale.
Déclin de la créativité expliquée par l’augmentation des obstacles, la diminution des facteurs stimulants et du niveau relationnel.
Bonnet (1997) Recherche-action menée auprès de cinq organisations ayant licencié l’année précédente.
Dégradation du potentiel d’innovation liée aux pertes de compétences, dégradation de la productivité.
Boroson et Burgess (1992)
Étude menée sur 1 000 entreprises américaines ayant licencié l’année précédente.
Baisse du niveau de productivité dans 60% des cas.
Cameron (1994) Étude longitudinale menée auprès de trente entreprises américaines du secteur automobile. Entretiens réalisés de 1987 à 1990 avec l’équipe dirigeante, complétés par près de 4 000 questionnaires adressés aux cadres intermédiaires.
«Les dirty dozen» donc hausse de la centralisation, perte d’esprit d’innovation, montée de l’individualisme, baisse de la communication.
Cascio (1993) Étude menée auprès de la Right Associate auprès de cadres supérieurs ayant contribué au downsizing.
Selon les cadres, 74% des ouvriers ont diminué leur productivité.
Dougherty et Bowman (1995)
Étude comparative portant sur 12 grandes entreprises américaines ayant réduit leurs effectifs selon des degrés de sévérité variables.
Baisse de la capacité d’innovation. Celle-ci est plus forte dans les entreprises ayant mis en œuvre des réductions d’effectifs sévères.
Meschi (1996a) Étude de 66 grandes entreprises Réduction du nombre d’innovations dans les entreprises n’ayant pas amélioré leur performance.
Meschi (1996b) Étude de cas Usinor-Sacilor. Cas d’un aplatissement organisationnel
Baisse de la productivité. L’auteur note également le
65
accompagné d’une réorganisation. développement d’un individualisme coopératif, une hausse des conflits larvés et du stress, une perte de confiance envers la direction.
Source : Cornolti et Moulin (2007)
Dans les effets préjudiciables pour l’organisation, la qualité des services offerts et des
produits a des répercussions considérables. Atwood et coll. (1995) ont démontré que la
baisse de la qualité des produits s’explique par une diminution de la participation, un
esprit d’équipe en baisse, une réduction des suggestions pour l’innovation. Une étude
menée par la Wyatt Worldwide montre que seulement 9% des entreprises affirment
avoir augmenté leur qualité. Lam et Reshef (1999) souligne dans leur étude que les
employés considéraient que les efforts fournis afin d’améliorer les processus
organisationnels auraient comme conséquence directe de provoquer une réduction des
effectifs. En ce qui a trait aux services, l’étude de la Wyatt Worldwide fait ressortir suite
à une restructuration, seulement 14% des répondants indiquent avoir obtenu une
augmentation de la satisfaction des clients suite à une restructuration axée sur la
réduction des effectifs (Cornolti et Moulin, 2007). Chitwood indique que suite à
l’analyse de 100 entreprises entre la période 1983-1995, seulement 18% de ces
entreprises ont pris de l’expansion, 25% ont subi une décroissance et 44% ont déclaré
faillite. Colby (1996) se questionne sur les résultats divergents entre les entreprises qui
procèdent à des restructurations. Pourquoi certaines ont du succès alors que d’autres en
arrivent à fermer leurs portes? Il est manifeste, à la lecture des études, que les
restructurations ne donnent pas toujours les résultats escomptés. Il serait plutôt exact
d’affirmer que dans la majorité des cas, les résultats par rapport aux objectifs initiaux
sont en dessous des attentes, même en dessous de la performance initiale. En affirmant
cela, il faut comprendre que même si elles sont moins nombreuses, des entreprises
réussissent leur restructuration. Pourquoi réussissent-elles ? Comment procèdent-elles ?
66
1.14.2. Les restructurations et la performance
Plusieurs raisons sont évoquées afin de justifier la réussite de la restructuration.
Plusieurs façons de faire ont été démontrées. On constate à la figure 8 qu’ils existent de
nombreux avantages et inconvénients dans les différentes stratégies utilisées dans les
restructurations. Applebaum et coll. (1999) souligne la perte de compétences et la
diminution de l’efficacité et de la cohésion organisationnelle. Il importe de développer
sur des variables explicatives de ce succès.
FIGURE 8 LES AVANTAGES ET LES INCONVÉNIENTS DE PLUSIEURS TECHNIQUES UTILISÉES DANS LES RESTRUCTURATIONS
Restructuration Définition de la
technique Avantages Inconvénients
Réduction des effectifs à travers l’ensemble de l’organisation
Chaque département contribue aux licenciements par un pourcentage
Les désagréments sont partagés équitablement à travers l’organisation
Cela pénalise l’efficience de l’entreprise dans tous les départements
Retraite prématurée
Opportunité pour des employés de quitter l’organisation sans pénalité financière et avec plusieurs avantages financiers
Convivial et fortement encouragé par la direction, mais n’est nullement forcé.
Permet de prendre la place d’un employé qui aurait subi un licenciement
Gain financier souvent nul
L’employé quitte avec son savoir et son expertise et il n’est pas toujours possible de le remplacer
L’externalisation Contracter avec une autre organisation la réalisation de certains biens ou produits
Coûts sauvés très rapidement
Réduit l’expertise de l’entreprise qui au fil du temps ne sera pas capable de récupérer les activités de production en raison de la perte des compétences
Réduction du Diminuer le Coûts sauvés par la Peut augmenter
67
temps de travail temps de travail de la force active de travail
diminution de la masse salariale
l’insatisfaction des salariés et le taux de roulement
Réduction de la structure hiérarchique
Diminution des niveaux hiérarchiques afin d’alléger la structure
Coûts sauvés sur la masse salariale
Peut apporter une surcharge de travail et de responsabilités
Source : Applebaum, Close et Klasa (1999)
Nous avons vu que plusieurs entreprises procèdent à des restructurations. Celles-ci
prennent la plupart du temps la forme de réduction des effectifs. Les effets positifs se
font toutefois attendre dans bien des cas. La littérature se veut incisive sur les effets
négatifs et le manque de corrélation entre les suppressions d’emplois et la performance
de la firme (Pugh, 2003; Flanagan et O’Shaughnessy, 2005; Datta et coll., 2010). Les
effets peuvent provoquer une baisse du niveau d’engagement des employés, une
diminution de la loyauté suite au bris du contrat psychologique et des injustices perçues
par les employés (Parzefall, 2012). Puisque certaines entreprises réussissent leur
restructuration et en ressortent plus fortes qu’avant, une meilleure compréhension des
conditions de succès devient une prérogative déterminante pour démontrer les conditions
ou combinaisons de conditions du succès de la restructuration. De ces conditions, les
études retiennent l’importance de la gestion des survivants.
1.15. La variable de la gestion des survivants
La gestion des survivants est au cœur des processus de restructuration qui se caractérise
comme étant une activité planifiée des emplois et qui peut être considéré comme
commun dans la vie d’une organisation (Cascio, 1993). Nous avons vu que les
restructurations ont pour buts de réduire les coûts, d’améliorer la profitabilité et
d’augmenter la performance organisationnelle. Toutefois, Cascio (1993) souligne que
plusieurs études ont démontré les ratés des restructurations. Les impacts sur les
68
employés peuvent être considérables et provoquer de multiples effets imprévus. En
partant avec des intentions louables quant à l’atteinte d’objectifs financiers et
organisationnels, une entreprise peut se retrouver dans une situation de recul et de pertes
financières de même qu’avec des dommages humains significatifs (Maertz, Wiley,
Lerouge et Campion, 2010). Les organisations optent souvent pour une stratégie de
réduction des effectifs afin d’obtenir une réduction des dépenses et augmenter en
conséquence la performance organisationnelle (Chipunza et Berry (2009).
Une restructuration peut laisser des cicatrices profondes chez plusieurs salariés. La
perception des évènements peut varier d’une personne à l’autre de sorte que les
gestionnaires doivent prendre conscience des effets préjudiciables pour l’organisation.
On constate trois types d’effets lors d’une restructuration sur les organisations et les
individus. Il y a ceux concernant les modifications de l’organisation, ceux entourant la
notion de démobilisation et ceux traitant de l’individualisation du salarié dans la
conception de sa carrière. Les ouvrages portant sur le syndrome du survivant mettent en
évidence que les suppressions d’emplois provoquent généralement des traumatismes tels
que le sentiment d’injustice et d’insécurité qui peuvent se refléter sur une longue période
dans le cadre de la durée de l’emploi (Raveyre, 2005). L’entreprise est alors perçue dans
un état de déstabilisation, avec des tensions sociales importantes, avec des
dysfonctionnements à plusieurs niveaux que les dirigeants tentent de contrôler, mais qui
se répercutent sur les salariés. L’équilibre semble précaire entre une situation de
réduction des effectifs et un chaos organisationnel réduisant les objectifs de performance
déterminés par les stratégies d’optimisation. François-Philip de Saint-Julien (2007)
souligne à propos des survivants :
« Chaque survivant va comparer, à partir de son standard de référence, sa situation par
rapport aux personnes impliquées, en utilisant des éléments d’analyse à la fois objectifs
69
et subjectifs. S’il constate un écart entre ses attentes et la réalité, il éprouvera un
sentiment de privation relative ».
C’est à partir de cette comparaison que va se créer une situation d’iniquité, ou un
sentiment d’injustice selon ce qu’il considère acceptable ou pas. L’entreprise et ses
dirigeants se voient examinés de toute part et le salarié survivant réagit au gré de ses
interprétations de la justice. Il s’agit de l’analyse des actes de l’organisation et un
positionnement du survivant par rapport aux actions de l’organisation.
Les survivants peuvent éprouver un sentiment de justice ou d’injustice selon une
dimension distributive, procédurale et interactionnelle. Dans le premier cas, ils peuvent
se positionner par rapport à la valeur du soutien financier et du plan social apportés aux
victimes. Dans le second cas, ils auront un sentiment de justice s’ils ont pu participer au
processus, s’exprimer sur leurs points de vue. Finalement, le troisième cas, ils peuvent
éprouver un sentiment de justice ou d’injustice interactionnelle s’ils considèrent que
l’entreprise ne leur a pas fourni assez d’explications sur la situation (François-Philip de
Saint-Julien, 2007).
La littérature a abondamment traité de la notion de survivant. Ce syndrome peut affecter
les salariés d’une façon telle qu’il peut annuler complètement les attentes en termes
d’objectifs de la restructuration. Beaujolin-Bellet et Schmidt (p. 85, 2012) soulignent à
propos des de la catégorie des survivants :
« Il s’agit d’une catégorie à part dans les restructurations, celle des salariés épargnés
par la perte d’emploi et qui restent dans l’emploi après la restructuration. On les
appelle les « survivants » par analogie avec celles et ceux qui survivent à une
70
catastrophe, ou à un accident collectif et qui présentent, immédiatement ou à
retardement, une série de syndromes ».
Les effets peuvent donc prendre différentes formes en fonction des caractéristiques de
chaque individu survivant. Alors que la littérature met une emphase certaine sur les
effets négatifs, il importe de spécifier que des effets positifs peuvent émerger d’une
situation de restructuration. Cela peut prendre de multiples formes telles que le
renforcement du degré de loyauté d’un individu envers son organisation, la possibilité
d’obtenir des avancements de carrière suite à la restructuration, des augmentations de
productivité ainsi qu’une hausse de la motivation (Beaujolin-Bellet et Schmidt, p. 85,
2012).
François-Philip de Julien (2005) suggère de départager la notion de survivants et de
restants. Dans de nombreux cas de restructuration, il est proposé aux salariés de faire un
choix quant à leur volonté de quitter l’organisation ou celle de demeurer. Les salariés
restants ont quand même été confrontés à réfléchir à la possibilité de quitter
l’organisation, ouvrant par le fait même une brèche dans leur sentiment de loyauté et
d’engagement.
Les survivants retiennent régulièrement l’attention lors d’une restructuration, mais
O’Neil et Lenn (p. 24, 1995) souligne que la catégorie des exécutants est souvent laissée
pour compte. Ceux-ci sont peu impliqués dans la décision de procéder à la
restructuration, ils doivent malgré tout exécuter la stratégie en maintenant en place les
activités de production avec tous les paramètres de qualité en place. Dans ce contexte, ils
doivent faire évoluer les employés dans un contexte tendu qui préconise une
intensification des charges de travail. Ils doivent également se soucier de la motivation
des employés tout en maintenant leur propre employabilité. Il n’est guère surprenant de
71
constater que selon une étude de Grunberg et coll. (2009), les supérieurs immédiats
ayant à gérer une restructuration font face à des niveaux de stress élevés, de l’insécurité
et à un niveau d’épuisement professionnel significativement élevé. On constate que dans
les effets négatifs, il peut y avoir une dégradation des relations de travail si la
restructuration est mal perçue de la part des survivants, alors qu’au contraire, si elle est
bien reçue, les effets négatifs peuvent être réduits (François-Philip de Julien (2005).
1.15.1. Les effets chez les survivants
La perception des salariés face aux comportements des dirigeants peut varier
considérablement. Dans la gestion des survivants, plusieurs auteurs font ressortir
l’importance de la justice dans la perception de l’employé de la légitimité de la
restructuration. François Philip de Saint-Julien (2005) a développé la justice
organisationnelle autour de trois aspects : la dimension distributive, l’aspect cognitif et
psychologique interactionnel et humain. L’auteur précise à propos de la contribution de
la justice distributive.
«...Le survivant apporte ses contributions à l’organisation et perçoit en retour des
récompenses, résultat de son « travail » au sein de celle-ci ; l’organisation faisant de
même pour sa part. Peuvent alors se créer une situation d’équité ou d’iniquité entre les
deux, un sentiment de justice ou d’injustice pour le survivant, selon qu’il considère
l’égalité ou la non-égalité entre son propre ratio et celui de l’organisation ou des
salariés licenciés » (François Philip de Saint-Julien, p.26, 2007)
François Philip de Saint-Julien (2005) souligne l’importance des liens psychologiques
entre le survivant et l’organisation. Ventilées en quatre dimensions, elles permettent de
comprendre le comportement des salariés survivants dans l’organisation suite au
processus de restructuration. Il y a la dimension affective qui évoque les émotions et les
72
sentiments ressentis, la dimension cognitive qui fait référence aux prédispositions du
salarié compte tenu de ses calculs et ses raisonnements, la dimension normative qui
traite des prédispositions liées aux valeurs et la dimension de l’engagement au travail qui
évoque le lien entre le survivant et son poste de travail.
Brockner (1987) a permis de mieux comprendre les réactions des salariés survivants en
fonction de leur prédisposition quant à la justice distributive. Il évoque quatre états
psychologiques qui ont une incidence sur le comportement du salarié survivant. Il y a
l’insécurité de l’emploi, la culpabilité du survivant, la colère et le soulagement. L’auteur
a pu démontrer que le salarié ayant une meilleure estime de soi peut être une source de
motivation puisque celui-ci ne croit pas qu’il puisse être choisi comme victime dans un
licenciement. Différentes études ont été menées afin de démontrer l’influence de la
perception de justice dans le comportement des salariés survivants post-restructuration.
Brockner et coll. (1993) ont réalisé plusieurs expérimentations afin de le démontrer.
Dans l’une d’elles, le salarié survivant s’est considéré privilégié dû au fait qu’il a été
choisi pour demeurer dans le projet organisationnel en fonction du mérite. Dans une
autre expérimentation, le lien d’amitié qui unit une victime et un survivant influencera le
comportement du salarié survivant en fonction de sa perception du traitement réservé à
la victime. Une autre expérimentation démontre les effets négatifs lorsque le survivant a
une forte insécurité. Une dernière expérimentation révèle que les suppressions d’emplois
ont davantage d’effets sur le sentiment d’engagement envers l’entreprise que face au
travail lui-même.
73
1.15.2. La perception des employés restants
Selon Bourguignon et coll. (2008), le syndrome du survivant apporte trois types d’effets
négatifs. Premièrement, il identifie des répercussions au niveau psychologique et
émotionnel en soulignant l’importance du deuil amenant le survivant à diminuer sa
satisfaction au travail et même à dégrader sa relation avec son supérieur immédiat et le
climat de travail.
Deuxièmement, il évoque des répercussions sur l’attitude au travail. Le survivant peut
modifier son implication et son engagement au travail, ce qui influence non seulement sa
prestation de travail, mais également l’influence qu’il a sur les autres salariés. D’ailleurs,
ultimement, cela peut se traduire par une augmentation de l’intention de quitter
l’organisation.
Troisièmement, il note des effets sur le comportement de l’employé. Celui-ci peut avoir
une baisse de sa motivation et déployer des comportements en conséquence. Il note une
augmentation de l’absentéisme et du présentéisme. Celui-ci fait référence au salarié qui
est présent dans son travail, mais en ne fournissant pas les efforts nécessaires ni les
comportements attendus. Selon Cody, Hegeman et Shanks (1987), il y a un lien entre la
diminution du moral des employés versus l’augmentation du stress relatif à l’emploi.
Il est documenté que les survivants à une restructuration sont dévastés par la situation et
que des effets négatifs sont ressentis au niveau physique et psychologique (Bennett,
Martin, Bies et Brocker, 1995; Appelbau, et Donia, 2001; Brockner, 1995, Maertz et
coll., 2010; François-Philip de Saint-Julien, 2007). Le syndrome du survivant s’est vu
attribuer une collection de symptômes tels que la colère, la dépression, la peur, la perte
de confiance et le sentiment de culpabilité (Noer, p.13, 1993). Brockner (1995) a
démontré que les employés survivants à la restructuration étaient davantage stressés et
74
avaient une diminution de leur niveau d’engagement et de motivation. Allen et coll.
(2001) ont réalisé une étude longitudinale qui a démontré d’une part les effets négatifs
des restructurations sur les employés restants, mais également que ces effets négatifs
peuvent durer jusqu’à 15 mois.
1.15.3. Le stress chez les salariés
Le stress peut être un facteur perçu comme positif dans certaines situations. Toutefois,
dans le cas des restructurations, celui-ci est considéré comme un effet négatif. Une
exacerbation du stress peut être occasionnée par l’incertitude de son emploi ou un faible
contrôle sur son emploi (Jex, 1998). Le sentiment que l’on possède un certain contrôle
sur son emploi et sur son environnement de travail peut diminuer les effets du stress ou a
contrario exacerber ces effets dommageables (Shaubroeck, Jones et Xie, 2001). Dans
des situations de suppressions d’emplois, les survivants perdent le contrôle de leur
employabilité et s’en remettent aux dirigeants pour la suite des choses. Kets de Vries et
Balazs (1997) soulignent qu’il y a une évidence de l’augmentation du stress chez les
victimes comme les survivants en raison du manque de contrôle associé à la situation et
influencera le comportement des employés dans leur attitude et leur désir de demeurer
dans l’organisation.
Conséquemment, dans la revue de la littérature sur le stress, le facteur psychologique est
le plus fréquemment étudié et se traduit par une réduction de la satisfaction au travail
(Cooper et coll., 2001). D’autres études ont démontré l’augmentation de l’anxiété
comme tendance à avoir des comportements associés à la dépression (Jex, 1998; Cooper
et coll., 2001). Des conséquences du stress peuvent se manifester par une augmentation
du rythme cardiaque, des dérangements gastro-intestinaux ou d’autres effets physiques
compte tenu de la réalité propre à chaque survivant.
75
Une étude de Karasek et Theorell (1990) a démontré le lien entre le stress dans l’emploi
et la mauvaise santé. Dans l’étude sur 1600 travailleurs suédois, ils ont mis en évidence
une détérioration des problèmes de santé dans les cas où les individus indiquaient que
leur travail était demandant psychologiquement combiné à la faible participation aux
décisions ce qui confirme les effets du stress occasionné par l’incertitude de l’emploi.
La figure 9 fait référence à un modèle expliquant le facteur du stress perçu par les
individus dans un processus de restructuration. Le modèle de Devine et coll. (2003)
indique qu’une restructuration amène un apport de stress à plusieurs niveaux, c’est-à-
dire comportemental, physique et psychologique. Toutefois, chaque employé est affecté
différemment selon Devine et coll. (2003) en fonction de la situation perçue et des
différentes caractéristiques personnelles face à la capacité à affronter la situation.
L’étude de Devine et coll. (2003) permet d’établir un lien entre le stress perçu face à un
évènement affectant l’emploi comme une suppression d’emplois, mais elle ne permet
pas d’identifier précisément les endroits où les survivants sont les plus vulnérables. Il en
ressort toutefois qu’une entreprise à grand intérêt de se soucier du facteur stress compte
tenu des effets préjudiciables mentionnés, mais tout en considérant que chaque salarié
est unique et peut réagir selon ses propres paramètres.
76
FIGURE 9 MODÈLE DE STRESS DES RESTRUCTURATIONS
Source : adapté de Devine et coll. (2003)
1.15.4. La motivation chez les salariés
Le survivant est confronté dans la gestion de son insécurité à son intention de quitter
l’organisation compte tenu de sa désapprobation face à la situation vécue. François-
Philip de Saint-Julien (2007) fait ressortir quatre variables qui influencent la possibilité
pour un individu de quitter l’organisation : il y a l’état de la santé de l’économie comme
le marché du travail, la situation extra-professionnelle de l’individu comme sa famille ou
ses activités civiques, la situation personnelle de l’individu face à son travail comme ses
attentes et sa satisfaction et finalement la situation personnelle de l’individu face à son
organisation comme son plan de carrière.
Caractéristiques personnelles :
Génétique, démographique,
personnalité
Restructuration
(Réduction des effectifs) Stress ressenti
Pression dans l’emploi
- Psychologique
- Physique
- Comportemental Perception du contrôle dans
le travail
77
Le développement des études a permis de comprendre grâce aux travaux de March et
Simon (1958) que plus la satisfaction d’un individu est grande et plus sera faible son
intention de procéder à un changement. Les auteurs soulignent le concept de
participation volontaire des individus qui procèdent à un échange entre leur force active
dans leur travail contre une forme de gestion basée sur une perception générale
d’équilibre et d’équité.
L’intention de quitter l’organisation serait selon François-Philip de Saint-Julien (2007)
attribuable à deux composantes : la première représente l’attraction ressentie de quitter
l’organisation alors que la deuxième constitue la facilité perçue de quitter l’organisation.
L’auteur souligne que les survivants peuvent être attirés par l’intention de quitter
l’organisation en fonction de leur satisfaction au travail et la possibilité ressentie d’être
mutée dans l’organisation ou encore en fonction de la capacité externe à pouvoir se
trouver un emploi jugé équivalent ou supérieur.
D’autres facteurs peuvent influencer l’intention de quitter. Le survivant peut comparer
son emploi actuel avec les différentes possibilités qui s’offrent à lui selon un critère de
comptabilité (Lee et Mitchell, 1996). Ces derniers ont étudié (1999 et 2004) les raisons
pour lesquelles des salariés quittent leur emploi et ont soulevé la dimension d’un choc
suivi d’une analyse psychologique avant de prendre la décision de quitter son emploi. Le
choc est attribuable à une situation qui ébranle un salarié, comme la décision d’une
entreprise de procéder à une restructuration, à une offre d’emploi spontanée, un
changement de statut familial, etc. Dans ce processus, l’individu va procéder à une
introspection afin de valider la concordance du choc avec ses valeurs, et si c’est le cas, il
concrétisera son intention de quitter s’il en a la possibilité (Francois-Philip de Saint-
Julien (2007).
78
La littérature sur les réductions d’effectifs met l’emphase sur les impacts négatifs des
survivants. Par exemple, Worrall, Cooper et Campbell (2000) ont observé les effets
négatifs dans le secteur public comme une diminution de la sécurité du travail et de la
motivation à atteindre les objectifs demandés. Mone (1999) a trouvé que le sentiment de
perte de contrôle de la situation et l’incertitude causée par les pertes d’emplois ont
provoqué une augmentation significative du stress au travail chez les survivants et s’est
développé en diminution de la motivation. Allen, Freeman, Russel, Reizenstein et Rentz
(2001) ont mis en évidence l’attitude au travail qui se reflète sur des aspects comme la
satisfaction au travail, le niveau d’engagement, la participation et la satisfaction du
supérieur immédiat devient moins favorable après la réduction d’effectifs.
Malgré tout, Armstrong-Stassen (2006) a démontré que plusieurs survivants suite à une
restructuration ont été amenés à travailler plus fort après la réduction d’effectifs, et
particulièrement lorsque des efforts ont été mis pour sécuriser les emplois. Armstrong-
Stassen (2006) a relevé que l’incertitude et le stress sont plus significatifs en période de
changement, mais que cela peut se résorber après un certain temps. Allen et coll. (2001)
ont également conclut que l’impact des restructurations peut se refléter négativement
longtemps après une restructuration. Il souligne aussi que cet impact peut être très court
si les employés peuvent développer les attitudes nécessaires à leur propre survie dans
l’entreprise ainsi qu’à la pérennité de celle-ci.
La notion d’engagement devient importante particulièrement en période de
restructuration (Armstrong-Stassen, 2006). L’engagement se définit comme
l’acceptation des buts organisationnels et de ces valeurs, le désir de fournir un effort en
fonction des attentes et le désir de non seulement contribuer au succès de l’organisation,
mais également de demeurer dans l’entreprise (Gautam, Dick et Wagner, 2004). Trois
sortes d’engagements ont été discutées dans la littérature. Il y a la dimension affective, la
continuité et la dimension normative. La dimension normative est le sens des
79
responsabilités qu’un employé développe en aidant substantiellement son entreprise et
ces activités (Allen et Meyer, 1990). La dimension de la continuité est définie comme
l’engagement de l’organisation basée sur les actions de celle-ci.
L’engament affectif est décrit comme comment l’attachement émotionnel de la personne
qui est développée et implique son désir de faire partie du projet (Brown, 1996). Les
études suggèrent que l’engagement des employés contribue à maintenir des attitudes
positives comparativement aux employés ayant un niveau d’engagement plus faible
(Metcalfe et Dick, 2001). De plus, un fort engagement diminue considérablement le taux
de roulement (Metcalfe et Dick, 2001).
La manière dont sera perçue la restructuration par les survivants quant aux raisons, la
façon de faire et les résultats aura une incidence sur leur niveau d’engagement. En
conséquence, la relation entre l’engagement et la justice procédurale a été démontrée
(Cohen-Charash et Spector, 2001). Des résultats similaires ont été trouvés comme après
une restructuration, le niveau d’engagement des survivants était tributaire de la
perception de la façon dont ils se considéraient traités de la part de l’employeur (Meyer
et Allen, 1997). Chang (1999) a démontré la corrélation entre le niveau d’engagement
affectif et l’intention de quitter. Chipunza et Berry (2009) ont mis en évidence que
l’engagement affectif après une restructuration peut être favorable sur un plan individuel
comme organisationnel en réduisant le taux de roulement, en augmentant la satisfaction
au travail et en maintenant voir augmentant la productivité.
La motivation des employés restants procure des effets positifs afin d’assurer la
pérennité de l’entreprise en restructuration. L’effort fourni par les survivants peut être
variable. La motivation le sera tout autant et explique partiellement le comportement des
80
salariés. Si la gestion des survivants constitue un enjeu significatif, la variable de la
légitimité l’est tout autant au niveau de l’acceptation sociale de la restructuration.
1.16. La variable de la légitimité
Melaine (2006) soutient que de développer les capacités de la firme à affronter le
changement devient un élément essentiel pour soutenir la productivité. En adoptant ce
type de stratégie, bon nombre d’entreprises visent à obtenir des effets positifs alors
qu’ils récoltent l’inverse. À ce sujet, Taylor (2008) souligne que les organisations
doivent s’adapter et évoluer. Les entreprises adoptent et implantent ces stratégies afin de
prévenir une érosion de leur productivité et la méthode choisie fait souvent référence à
une réduction des effectifs. Les pressions que subissent les managers sur la masse
salariale et en conséquence sur le nombre d’employés expliquent l’empressement à
procéder et des suppressions d’emplois. Ces processus de réduction des effectifs, d’un
angle structurel ou conjoncturel, visent à soit renforcer ou maintenir la compétitivité de
l’entreprise (Arnaud et Naulleau, 2015). Toutefois, l’articulation d’une telle stratégie
devient un aspect primordial pour favoriser la réussite.
Les restructurations sont fréquemment le résultat d’actions pressantes afin de répondre à
une pression interne et externe qui occasionne certaines maladresses dans l’exécution.
Arnaud et Naulleau (2015) soulignent que les buts poursuivis sont bien connus :
diminution des frais généraux, élimination d’échelons hiérarchiques, diminution de la
bureaucratie, prise de décision plus rapide, communication plus fluide, encouragement à
l’entrepreneuriat, gains de productivité, amélioration de la position concurrentielle, etc.
Les auteurs précisent que les entreprises se retrouvent dans une position d’orientation ou
de convergence. Alors que la première permet de redéfinir la mission de l’organisation
en fonction de ses compétences et de son environnement, la seconde permet de renforcir
la position actuelle en augmentant la participation et l’implication des salariés.
81
Dans les pistes de solutions retenues comme étant une bonne pratique, le niveau de
légitimité ou d’acceptation sociale s’élève comme un facteur déterminant de succès des
restructurations (Simpson, 2009). Arnaud et Naulleau (2015) soutiennent à cet effet que
l’acceptation sociale peut relever davantage de l’histoire de l’entreprise et de la qualité
des relations entre les parties prenantes que du respect des normes technico-légales.
La littérature fait référence au nombre d’entreprises développant des conséquences
déprimées et léthargiques suite à une restructuration (Amundson, Borgen, Jordan et
Erlebach, 2004; Simpson, 2009). On constate que les résultats des restructurations sont
souvent divergents des objectifs initiaux (Mishra, Preitzer et Mishra, 1998) et se
traduisent par une augmentation des coûts indirects (Igalens et Vicens, 2005). Beaujolin-
Bellet et Schmidt (2012) soulignent que certaines pratiques permettent à une
organisation d’atténuer les dommages causés par le bris du contrat psychologique. En ce
sens, elles réfèrent à un exemple de prescription managériale à la figure 10.
82
FIGURE 10 UN EXEMPLE TYPIQUE DE PRESCRIPTIONS MANAGÉRIALES EN MATIÈRE DE «DOWNSIZING»
1. Le temps est critique. Ce qui est
approprié au moment où les personnes sont plus émues et bouleversées n’est plus aussi efficace six mois après.
5. Les leaders doivent gérer leurs propres réactions émotionnelles afin de rester eux-mêmes en bonne forme et productifs.
2. La capacité des leaders à lire les sentiments et perceptions du personnel est également critique : cela permet de prendre les bonnes décisions au bon moment.
6. Les leaders devraient se préparer au downsizing avant qu’il ne soit annoncé. En d’autres termes, il devrait y avoir une stratégie pour aider le personnel, répondre aux questions qui émergent et conduire l’organisation vers l’avenir.
3. Les leaders doivent être capables d’accepter sans juger les réactions émotionnelles du personnel : ils seront ainsi eux-mêmes de meilleurs leaders, ce qui améliorera la volonté du personnel de les suivre.
7. L’erreur la plus fréquente des managers en matière de downsizing est de sous-estimer la nécessité de gérer les choses. Ils risquent de perdre le respect et la confiance des salariés.
4. Les leaders doivent aider le personnel à recentrer son attention sur le fait que le travail soit réalisé et que l’organisation soit meilleure dans le futur.
Source : Beaujolin-Bellet et Schmidt (2012)
La perception des salariés quant à légitimité des restructurations s’avère une piste
intéressante afin d’expliquer les conditions de succès d’une restructuration. Cette
acceptation sociale peut traditionnellement être étudiée sous l’angle du cadre normatif.
En France, l’encadrement législatif a permis d’exiger que toute entreprise licenciant plus
de 10 employés sur une période de trente jours développe un plan de sauvegarde de
l’emploi (Loi de cohésion sociale). Au Québec, les entreprises sont soumises à des
exigences similaires, quoique moins restrictives. Elle oblige à tout employeur d’aviser le
Ministère du travail de tout licenciement de plus de 10 employés sur une période de
83
trente jours. Toutefois, l’obligation légale de l’employeur se limite par la suite au
paiement d’un préavis. Bien que suggéré, il n’y a pas de mécanismes prévus pour
faciliter un processus consultatif et encourager le dialogue social entre les parties
prenantes.
À ce sujet, le Livre vert de la Commission européenne (2001) souligne que «les
entreprises doivent non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques
applicables, mais aussi d’aller au-delà et d’investir davantage dans le capital humain,
l’environnement et les relations entre les parties prenantes». Arnaud et Naulleau (2015)
précisent que les entreprises doivent veiller au respect du cadre normatif, mais
également à ce que ce processus soit concerté, basé sur le dialogue social en construisant
un processus réflectif pour amener les parties prenantes à réfléchir aux différentes
phases de la restructuration ouvrant la porte à la recherche et l’adoption de meilleures
pratiques. Boulanger et coll. (2009) souligne qu’en dépassant le cadre normatif, les
entreprises peuvent espérer obtenir une plus grande acceptabilité sociale dans le cadre
d’une restructuration comme démontré dans la figure 11. Ainsi, le dialogue social
permet de renforcir la position de chacun et permet non seulement à l’employeur de
mieux traverser cette période, mais aux salariés de maintenir leur engagement dans le
projet organisationnel. Le dialogue social et la cohérence des actions managériales, pour
boulanger et coll. (2009) se positionne comme des pratiques essentielles afin de traverser
une restructuration avec succès.
84
FIGURE 11 EXEMPLES DE PROPOSITIONS REPRENANT LES IDÉES-FORCES PRÔNÉES EN EUROPE POUR LA GESTION DES RESTRUCTURATIONS
1. Mieux anticiper les mutations par le
dialogue social dans l’entreprise.
6. Tirer les meilleures conséquences des dispositifs CTP (contrats de transition professionnelle), CRP (conventions de reclassement personnalisé) et améliorer encore ces derniers.
2. Élargir le champ des possibles pour les salariés.
7. Tirer le meilleur profit des dynamiques des territoires.
3. Prévenir les difficultés des entreprises.
8. Donner plus de cohérence aux actions de revitalisation.
4. PSE : faciliter la négociation des PSE et en améliorer la portée.
9. Appui aux maintiens dans l’emploi des salariés âgés.
5. Plus d’anticipation pour les salariés intérimaires ou employés des sous-traitants.
Boulanger et coll. (2009)
1.16.1. Les pratiques visant le renforcement de l’acceptabilité sociale
Arnaud et Naulleau (2015) dans leur questionnement sur l’acceptabilité sociale
suggèrent trois pratiques. La première souligne la nécessité d’utiliser les restructurations
en dernier recours, se plaçant à l’encontre de la pensée populaire des managers
d’entreprises qui y voient souvent une occasion en or de réduire les coûts. Les auteurs
précisent que les entreprises doivent être en mesure de faire la démonstration que les
autres options ont été envisagées, mis à l’épreuve et qu’il s’agit de la toute dernière
option. Grâce à cette démonstration, les salariés peuvent constater l’ensemble des efforts
déployés par l’employeur et en conséquence, constater que la restructuration devient
incontournable. L’employeur met en évidence un fait : les restructurations sont une
stratégie de dernier recours pour assurer la pérennité de l’entreprise.
85
La seconde recommandation que proposent Arnaud et Naulleau (2015) envisage les
salariés en tant que valeurs et non comme coûts. C’est dans cette optique que la qualité
de l’accompagnement social que l’entreprise offre aux salariés victimes de la
restructuration qui aura une incidence sur la perception des employés restants et donc de
leur acceptabilité de la décision de procéder à une restructuration (De Meuse, Marks et
Dai, 2011).
La troisième recommandation prescrit d’inscrire le processus de restructuration dans un
plan stratégique à long terme afin que les employés puissent se projeter dans leur futur
rôle (Arnaud et Naulleau, 2015). L’élément central de cette recommandation s’appuie
sur un rejaillissement d’un élan de positivisme permettant de reconstruire sur des
attitudes positives face à la situation et l’organisation (Casio, 2010). Ainsi, la clarté de la
direction à prendre face à la stratégie à la vision globale permet aux salariés de croire
dans le processus et d’aspirer à revenir à une situation de stabilité (Cascio, 2009).
Le degré d’acceptabilité sociale des employés peut varier en fonction de plusieurs
critères. Nous avons vu que les réponses apportées aux questions des employés peuvent
contribuer à renforcir la perception positive ou négative envers les managers et le
processus de restructuration. Amundson et coll. (2004) ont mis en évidence que la
confiance établie sur l’ouverture et l’honnêteté constitue un enjeu de taille afin de faire
passer le changement dans un contexte de restructuration. Bourguignon (2012) soutient
que les communications lorsque les employés la perçoivent comme ouverte et honnête
peuvent solidifier le degré de confiance envers les gestionnaires et l’organisation.
Amundson (2004) souligne que l’effet inverse est aussi vrai puisque le manque de
communication va engendrer de l’anxiété, génère de la confusion, provoque une baisse
de la confiance ou amène les employés à s’imaginer divers scénarios catastrophes qui
alimentent la crainte, la peur et l’anxiété créant en quelque sorte un cercle vicieux
(Arnaud et Naulleau, 2015). Ces derniers mettent en garde sur l’importance de
86
l’historique organisationnelle dans les communications et la qualité des relations. Plus
l’historique est positif et plus les employés adhéreront au discours managérial.
D’une manière générale, l’argumentaire est organisé autour des éléments relativement
simples, marquant une difficulté incontestable qui ne peut être résolue par d’autres
moyens que la décision envisagée (Paucard, 2003; Beaujolin-Bellet, Bruggeman et
Paucard, 2006). Les acteurs afin de convaincre de la nécessité et de l’impérativité de la
situation vont se rabattre sur un argumentaire économique qui est extérieur à
l’entreprise. Ces mêmes acteurs omettent toutefois systématiquement, comme le
démontrent Beaujolin-Bellet et coll. (2006) d’expliquer les décisions stratégiques et les
choix de gestion conduisant à la mise en œuvre de la restructuration. Comme l’explique
Beaujolin-Bellet (2002) :
« La construction de l’argumentaire économique occulte ainsi l’espace des choix de
gestion tels que nous les avons identifiés, en établissant un lien direct entre l’espace de
l’environnement de l’organisation et l’espace de la mise en œuvre des décisions de
suppressions d’emploi, toute la complexité du processus délibératif étant réduite à
l’expression de causes exogènes, autrement dit, de causes sur lesquelles l’acteur
managérial n’a que peu de prise, voire face auxquelles il ne dispose d’aucun choix ».
1.16.2. La justice chez les salariés
L’importance de l’acceptabilité sociale se joue à de multiples niveaux. Le sentiment de
justice afin d’obtenir un degré de légitimité devient un élément contributif essentiel. La
justice devient un facteur primordial de la compréhension des salariés à l’intérieur de
l’entreprise. Devant des évènements, les salariés ne se contentent pas d’être passifs. Ils
réagissent en fonction de leurs perceptions. Pour anticiper, comprendre et modifier leurs
87
réactions, ils importent de bien saisir les éléments contribuant à leurs perceptions de
justice (Frimousse, Peretti et Swalhi, 2008).
En termes de justice, les salariés ont des attentes que ce soit au niveau de la
rémunération, de la qualité des relations interpersonnelles ou des procédures de prise de
décision. En fonction de la perception de l’application de la justice ou non, des réactions
émotionnelles et affectives émergeront contribuant à des effets positifs ou négatifs sur la
performance de l’organisation et sur les comportements de citoyennetés
organisationnelles (Frimousse, Peretti et Swalhi, 2008). A contrario, la perception d’une
injustice peut provoquer une série de dommages collatéraux sur les sources de coûts
pour l’entreprise et d’engagement de la part des salariés.
Afin de comprendre l’importance de l’influence de la justice organisationnelle dans les
changements organisationnels, notamment les restructurations d’entreprise, Cropanzano
et Alii (2001) suggèrent de considérer la théorie de la motivation afin d’expliquer
comment se forme le sentiment de justice chez les salariés. Ils mettent en évidence la
justice distributive, la justice procédurale et la justice interactionnelle.
La justice distributive est issue de deux théories. Selon la théorie de la privation relative,
le sentiment d’injustice est dû à une contradiction entre ce qui est perçu et ce qui devrait
être perçu (Adams, 1965). La deuxième fait référence à la théorie de la dissonance
cognitive qui indique qu’un homme est en situation de dissonance lorsque la
connaissance qu’il a d’une chose n’est pas en harmonie avec sa connaissance d’un autre
objet (Festinger, 1965), alimentant par le fait même le sentiment d’injustice. Peretti
(2004) souligne que l’existence d’une inégalité, après une comparaison, forme le
sentiment d’injustice qui initie soit un mouvement de rééquilibrage positif ou négatif.
88
Pour Frimousse et coll. (2008), Il y a une iniquité lorsqu’un salarié perçoit sa
contribution dans une situation inverse avec sa perception du traitement de l’autre.
Selon Frimousse et coll. (2008), chaque individu se représente son environnement social
qui comporte de composants procéduraux en fonction de sa perception des règles
procédurales justes. Leventhal (1980) met en évidence six règles procédurales justes :
L’uniformité stipule que les procédures d’allocation, pour être
perçues par un individu comme justes, devraient être uniformes à
travers les personnes et dans le temps;
La suppression du parti pris par la réduction des préjugés dans les
procédures d’allocation des ressources;
La précision de l’information;
La possibilité de révision. La perception de l’équité des
procédures est tributaire de la présence des procédures d’appel qui
permet de modifier les décisions à diverses étapes;
La représentativité. Tous les individus doivent être représentés
lors de la prise de décision;
Les principes moraux et éthiques.
La justice interactionnelle fait référence aux préoccupations des personnes en ce qui a
trait aux traitements interpersonnels reçus durant les procédures (Bies et Moag, 1996).
La justice interactionnelle renvoie à la justice procédurale en étant la continuité de celle-
ci. La perception des traitements interpersonnels devient un élément qui peut influencer
par la perception des individus des traitements interpersonnels ainsi que la façon dont les
procédures sont expliquées (Frimousse et coll. 2008). Quatre critères ont été relevés par
Frimousse et coll. (2008). Ces critères sont l’honnêteté, la courtoisie, le respect et le
feed-back opportun.
89
Tessema, Tsegai, Ready, Embaye et Windrow (2014) en accord avec Folger et
Cropanzano (1998) soulignent qu’un des aspects les plus importants de la gestion
concerne la justice organisationnelle ou la gestion des impressions d’équité et de justice
sur le lieu de travail (Ponnu et Chuah, 2010).
Plusieurs études concernant la justice organisationnelle perçue viennent expliquer la
variation sur d es résultats comme la satisfaction au travail, la motivation, l’engagement
organisationnel, l’intention de départ, la confiance envers l’organisation et ses managers,
etc. (Al-Zu’bi, 2010, Tessema et coll., 2014). Moorman (1991) définit la justice
organisationnelle comme «la manière dont le personnel détermine s’il est traité de façon
équitable au travail et la manière dont ces jugements influencent d’autres variables liées
au travail». Tessema et coll. (2010) indiquent que les travailleurs qui ont la perception
d’être traités équitablement auront des dispositions favorables face à leur entreprise et
adopteront en conséquence un comportement favorable à celle-ci.
Plus précisément, Temessa et coll. (2014) font une revue des études démontrant l’impact
de la justice organisationnelle sur les résultats de la firme. La figure 12 fait référence au
recensement fait par ces auteurs des études portant sur le lien entre la justice
organisationnelle et différentes variables indépendantes.
90
FIGURE 12 RECENSEMENT DES ÉTUDES PORTANT SUR LA JUSTICE ORGANISATIONNELLE
Sujet
Auteurs
Satisfaction professionnelle Al-Zu’bi, 2010
Baakile, 2011
L’engagement professionnel DeConick, 2010
Cohen-Charash et Spector, 2001
La motivation Latham et Pinder, 2005
Robbins et Judge, 2008
Les comportements de citoyenneté Ball, 2006
Muhammad, 2004
Chiaburu et Lim, 2008
L’intention de départ Field et coll., 2000
La satisfaction de la clientèle Bélanger et coll., 2006
Mattinez et coll., 2006
La confiance dans les cadres et l’organisation
DeConick, 2010
Chiaburu et Lim, 2008
La productivité du personnel Cohen et Spector, 2001
Coprazano et Wright, 2003
Aux émotions Barsky, Kaplan et Beal, 2011
Aux vols par le personnel et agressions sur le lieu de travail
Karriker et William, 2009
Aux actes de châtiments ou de représailles Skarlicki et Folger, 1997
Aux sentiments de colère, d’indignation et de ressentiment
Ball, 2006
Aux problématiques de santé Liljegren et Ekberg, 2009
Temessa et coll. (2004)
91
1.16.3. Le partage de l’information en période trouble
Depuis une quinzaine d’années, les licenciements économiques se sont accélérés en
octroyant aux actionnaires les rôles de décideur et de régulateur de la performance. Du
coup, on constate de nombreuses mutations aux restructurations de sorte qu’elles ne sont
pas toujours aussi visibles que certains le voudraient. Aubert et Beaujolin-Bellet (2004)
précisent que dans le cadre d’un plan de sauvegarde d’emploi, les suppressions
d’emplois pour motif économique ne sont que la pointe de l’iceberg, preuve que les
entreprises se sont adaptée afin de pouvoir procéder sans les contraintes légales,
administratives ou sociales. Beaujolin-Bellet, Lerais et Paucard (2012) soulignent que
les modalités de gestion des sureffectifs se sont assujetties à des pratiques variées et
individualisées qui provoquent comme conséquence une incapacité à chiffrer les
restructurations.
Un des reproches faits aux entreprises dans le cadre des restructurations constitue
l’incapacité à anticiper les évènements. Bien entendu, dans la mesure où la
restructuration s’avère une réponse désespérée afin d’assurer une survie temporaire, il
peut être plus ardu d’anticiper. Dans le même acabit, une réponse à des évènements
imprévus et soudains qui impacte l’entreprise comme les évènements du 11 septembre
2001 à New York s’avèrent fortement imprévisibles. Toutefois, nombreuses sont les
organisations qui ont adopté les restructurations par suppressions des effectifs comme un
mode gestion (Pichault et coll., 1998). Puisque celles-ci peuvent faire partie d’un agenda
caché, il n’est guère surprenant de constater la colère montée dans le collectif ouvrier et
voir la communauté scientifique en appeler à une plus grande transparence et
anticipation de nos organisations (Beaujolin-Bellet, Lerais et Paucard, 2012).
Beaujolin-Bellet et coll. (2007) argue que les entreprises devraient partager, d’une façon
anticipée, les informations sur leurs difficultés ou sur les décisions stratégiques qui
pourraient affecter l’emploi. Beaujolin-Bellet, Lerais et Paucard (2012) précisent que
92
l’anticipation repose sur la capacité à ne pas attendre la mise en œuvre de la
restructuration avant d’informer les parties prenantes et ainsi préparer les salariés à cette
possibilité et commencer à prévoir une transition professionnelle. Beaujolin-Bellet et
coll. (2007) en appellent toutefois à la prudence pour ne pas effrayer les clients, les
fournisseurs ainsi que le financeur en émettant des signaux négatifs. De plus, les
directions d’entreprises ont bien souvent des difficultés à légitimer le rôle des autres
parties prenantes dans le processus d’information et de décision. Sur la même lignée, la
crainte des organisations syndicales peut également s’avérer un frein. On peut aisément
comprendre que celles-ci ne veuillent point être impliquées dans des processus de
réduction du personnel.
Un autre point qui suscite moult interrogations est l’implication de certains salariés dans
un processus de restructuration en voyant la présence d’un volontariat passif, c’est-à-dire
l’intégration de la demande d’employés de se sacrifier et de démissionner dans le cadre
d’un processus de suppressions d’emplois ou non. Beaujolin-Bellet et coll. (2012)
précise que la notion de volontariat en laisse perplexe plus d’un en vertu du fait que cette
démarche est initiée par la demande de l’employeur. Les auteurs ajoutent que la
frontière entre mobilité subie et choisie se brouille en gardant nébuleux les motifs de cet
acte de sacrifice de la part des salariés. Bien entendu, la conséquence ultime pour
l’employeur de favoriser le volontariat par la démission est de réduire les contraintes
auxquelles un employeur est contraint dans le cadre d’un licenciement collectif pour
motif économique.
Bourguignon et Guyonvarc’h (2010) se questionne sur de la définition et des conditions
de contrôle du volontariat ainsi que des conditions de régulation sociale de ces pratiques
individualisées. Ces pratiques permettent à l’employeur de profiter d’un flou juridique
qui lui permet de s’esquiver de certaines obligations nécessaires lorsque l’on traite d’un
licenciement économique. Les démissions réduisent le fardeau financier et administratif
93
de l’employeur, mais la question se pose à savoir comment les employés restants jugent-
ils la situation et acceptent-ils en y accordant toute la légitimité nécessaire? Malgré la
tendance à l’individuation de la relation de travail (Noël et Schmidt, 2011), aucune
donnée ne permet de prétendre que le recours à un départ volontaire est préférable pour
les salariés (De Larquier et Remillon, 2008). Comment réagissent les salariés restants à
de telles manœuvres de la part de l’employeur? Quels sont les effets sur la relation
d’emploi et le niveau d’engagement? À ces questions, il faut comprendre
qu’individuellement, peut-être que l’effet peut être limité, mais combiné à d’autres
facteurs, y a-t-il une combinaison qui accroît les dommages collatéraux chez les
employés survivants? Dans un autre registre, et après avoir démontré l’importance de la
légitimité, la variable du maintien des pratiques de gestion des ressources humaines doit
être traitée afin de valider son impact sur le succès des restructurations.
1.17. La variable du maintien des pratiques de gestion des ressources humaines
Les répercussions d’une restructuration peuvent provoquer un choc pour les employés
restants. Nous avons vu que le degré d’acceptabilité de ces employés peut être
déterminant pour le niveau d’engagement. La légitimité se développe notamment face à
la manière dont est organisée la restructuration. Un autre aspect à considérer qui
influencera la réaction, les comportements et les attitudes des salariés se caractérise par
le maintien des pratiques de gestion des ressources humaines. On pense immédiatement
à la stratégie dans la gestion du développement des compétences et de l’employabilité et
à la gestion de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles,
notamment. Ces pratiques, positionnées d’un point de vue stratégique, envoient un
message qui fait suite aux discours managériaux. Les salariés ont l’opportunité
d’entendre le discours de l’employeur, mais ceux-ci seront également aux premières
loges pour constater le niveau de cohérence affiché entre les actions et le discours.
94
1.17.1. Le développement de l’employabilité et des compétences
Le salarié a la responsabilité de développer son employabilité tout au long de sa carrière.
Il devient en quelque sorte un «salarié acteur» chez qui on a transféré la responsabilité
de sa carrière et de son emploi (Hallier, 2009). Le salarié doit donc se soucier du
développement de son emploi et de sa carrière de façon continue afin de maintenir son
niveau d’employabilité à l’interne comme à l’externe (Raoult et coll., 2011; Saint-
Germes et coll., 2013). Loufrani-Fedida, Oiry et Saint-Germes (2015) soulignent la
présence croissance du caractère individuel depuis les années 2000 du développement
des compétences et de l’employabilité. Les auteurs complètent en précisant que «dans
les différents travaux de recherche, les compétences individuelles ont été
progressivement réduites à l’individu dans la situation de travail et l’employabilité a été
très focalisée sur la transférabilité des compétences et les transitions professionnelles sur
le marché du travail».
Dans une situation de restructuration, les entreprises doivent se questionner par rapport à
leur stratégie dans le développement des compétences. Alors que pour certaines
entreprises, la position à préconiser veut une coupe dans les budgets alloués au
développement des compétences, d’autres vont privilégier un maintien des
investissements afin non seulement de préserver les compétences nécessaires à la
réussite de leur mission d’affaires, mais également afin de lancer un message clair que
l’entreprise possède un futur (Waraich et Bhardwaj, 2010).
Loufrani-Fedida et al. (2015) a développé une théorie autour de deux axes, soit l’axe des
ressources organisationnelles versus individuels ainsi que l’axe statique versus
dynamique. La lecture croisée de ces deux axes permet de faire ressortir quatre types de
convention d’évaluation de l’employabilité qui dévoile également quatre figures de
compétences.
95
L’employabilité biographique fait référence à une logique patrimoniale et individuelle
où chaque employé développe son portefeuille de compétences au cours de sa carrière.
L’employabilité différentielle s’articule autour de la notion de profilage où chaque
employé est évalué et classifié. Ce positionnement hiérarchique permet à l’entreprise de
savoir et comprendre spécifiquement les compétences majeures pour le bon
fonctionnement de l’entreprise. L’employabilité supportée met en évidence le soutien
dynamique par l’environnement de la position de l’individu (Loufrani-Fedidaet al.,
2015). Enfin, l’employabilité projective est développée sur le déploiement de l’individu
dans le contexte en fonction des comportements anticipés ou notés. Ce modèle permet
de constater que dans le cadre d’une restructuration, le capital-compétence des employés
peut différer en fonction de l’importance accordée par l’organisation et en conséquence
voir la possibilité de voir s’afficher des répercussions négatives augmenter
considérablement lorsque l’entreprise a développé une personnalisation des compétences
(Loufrani-Fedidaet al., 2015).
Kuhn et Moulin (2013) se sont intéressés au concept du désapprentissage au niveau
organisationnel. Ils font notamment référence à l’abandon de routines qui suite à une
restructuration permet de constater la diminution de l’efficacité des systèmes de gestion
à court terme. Le désapprentissage demeure un concept flou malgré les efforts de
chercheurs d’apporter un éclairage sur le sujet. Tsang et Zahra (2008) ont fait le tour des
diverses définitions du concept et ont finalement proposé leur propre définition : «the
discarding of old routines to make way for new ones». Kuhn et Moulin (2013) souligne
que l’utilisation du désapprentissage dans un contexte de restructuration après une
certaine période de temps peut s’avérer favorable puisque l’abandon des routines permet
de bâtir le futur, de générer un renouveau plutôt que de stagner sur les anciennes façons
de faire (Pentland et Feldman, 2005).
96
Les restructurations apportent fréquemment des modifications substantielles dans
l’organisation du travail. Dans bien des cas, les entreprises passent d’un mode de
production à tendance taylorienne fordienne à un mode d’ordonnancement plus flexible
(Gandolfi, 2009) qui favorise une plus grande responsabilisation et un accroissement de
l’autonomie. Ces nouvelles façons de faire ont comme conséquence de rendre obsolète
le mode de management traditionnel et bien souvent les acteurs que sont les
superviseurs. Les organisations peuvent profiter d’une restructuration afin de modifier
l’organisation du travail, le mode de management et évoluer dans un contexte de
désapprentissage pour faire émerger de nouvelles façons de faire, plus propice à la
nouvelle réalité de l’entreprise et des défis à affronter (Gandolfi, 2009).
Le désapprentissage organisationnel peut devenir une façon d’assurer un changement
organisationnel dans le cadre d’une restructuration. Toutefois, dans bien des cas, c’est la
perte des compétences qui est identifiée dans les résultats d’études menées sur les
restructurations. En accord avec Whiddett et Hollyforde (2004), ils soulignent que les
compétences de l’emploi sont dans une certaine mesure attribuables à un trait, une
habileté, à l’image du rôle social ou à un ensemble de connaissances qu’ils utilisent.
Spencer et Spencer (2008) mettent en évidence le lien entre l’utilisation des
compétences individuelles et collectives pour augmenter la performance
organisationnelle.
La perte de ces compétences individuelles et collectives peut s’avérer fort dommageable
pour une organisation en raison des coûts cachés (Waraich et Bhardwaj, 2010). Alors
qu’en réduisant les dépenses opérationnelles, certains managers visent à augmenter la
profitabilité, ils constatent, souvent un peu tard, l’étendue des dommages provoqués par
la perte des compétences (Nair, 2008). Dans un contexte de restructuration, le rôle de la
fonction ressources humaines devient crucial afin de maintenir un niveau de motivation
requis pour la force active de travail (Waraich et Bhardwaj, 2010). La fonction
97
ressources humaines se voit octroyer de multiples responsabilités dans le cadre d’une
restructuration. Teague et Roche (2014) ont mis en évidence l’importance de
l’accompagnement de la fonction ressources humaines dans ces circonstances quant à
l’identification des compétences clés et de la valeur des employés en regard de ces
compétences. Ils ont également souligné leurs rôles quant à l’identification de la
motivation de ceux-ci grâce à leur expérience, à la relation de confiance qu’ils peuvent
obtenir avec les employés de même que leur capacité à influencer les gestionnaires et les
cadres de l’entreprise.
1.17.2. La perception de l’insécurité dans les restructurations
Un questionnement s’impose sur le niveau d’insécurité développé par les salariés suite à
des mouvements de suppressions d’emplois. L’insécurité d’emploi a été définie par De
Witte (2005) qui souligne le caractère subjectif du phénomène. Il précise que
«l’insécurité de l’emploi est la perception d’une menace et des inquiétudes liées à cette
menace relative à sa fonction professionnelle». L’insécurité de l’emploi a été étudiée en
fonction de trois niveaux d’explications (Farzaneth, 2015) :
- Le niveau macroéconomique qui souligne que l’insécurité économique provenant de
la concurrence, des technologies qui évoluent affectent la perception des employés
quant à la pérennité de leur travail;
- Le niveau sociodémographique stipule que certains paramètres peuvent placer les
salariés dans une position d’insécurité dans leur travail (statut professionnel, sexe,
âge, pays, culture, etc.);
- Le niveau individuel met en évidence les traits de personnalité qui peuvent affecter
les sentiments d’insécurité des salariés.
98
Farzaneth (2015) précise que peu importe les raisons de la perception de l’insécurité,
elles auront pour conséquence d’alimenter des réactions provoquant un état de
négativisme chez le salarié en influençant la prestation de travail. La perception de sentir
son emploi menacé affecte la manière dont l’employé perçoit son travail ou son
organisation dans la quête de sens du travail (Farzaneth, 2015). De plus, Noer (1993) a
mis en évidence les difficultés des salariés à affronter des changements organisationnels
suite à une restructuration. Kalyat et coll. (2010) ont démontré que l’insécurité d’emploi
aura un effet négatif sur leur compréhension des changements organisationnels en cours.
Enfin, Greenhalgh et Sutton (1991) ont démontré une diminution des efforts consentis
par un salarié pour atteindre les objectifs organisationnels lorsque celui-ci se trouve en
situation d’insécurité d’emploi.
L’insécurité a des incidences qui sont souvent négligées ou ignorées par les dirigeants
d’entreprise. Ce manquement a notamment des incidences sur le comportement des
employés au niveau de l’innovation. Farzaneh et Boyer (2014) définissent le
comportement innovateur comme «une tentative intentionnelle d’introduire et de mettre
en place de nouvelles idées de production ou de procédures dans le cadre de son travail
ou de son organisation».
Yuan et Woodman (2010) ont mis en évidence deux facteurs explicatifs de l’innovation
des employés. Le premier fait référence à la prémisse que l’employé agit en fonction des
conséquences attendues de leur comportement. L’employé doit avoir le sentiment que sa
contribution aura des incidences sur sa performance individuelle ainsi que sur la
performance organisationnelle. Le deuxième facteur fait référence à la notion d’image
qu’il renvoie à l’organisation. D’adopter le comportement souhaité lui permettra
d’obtenir les ressources matérielles et sociales afin d’atteindre ses propres objectifs. Les
travaux de Yuan et Woodman (2010) permettent de faire un lien entre le comportement
d’entreprises en situation de restructuration d’emploi qui négligeront ces aspects en
99
raison du contexte organisationnel difficile alors qu’elles devraient au contraire se
soucier plus que jamais des messages envoyés aux salariés, conscients ou non. De ces
messages, le maintien des pratiques de gestion des ressources humaines permet
certainement de maintenir le caractère innovateur des salariés. Si, a contrario, il y a
diminution des investissements sur le développement des compétences ou de la
prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, cela aura une
incidence sur l’augmentation de l’insécurité de l’emploi et des conséquences
précédemment discutées. L’apport du maintien des pratiques de gestion des ressources
humaines a été démontré. La dernière variable mise en évidence est la responsabilité
sociale.
1.18. La variable de la responsabilité sociale
Les processus de suppressions d’emplois et autres formes de restructuration ont pris un
essor considérable ces 30 dernières années. Leur croissance a amené certains auteurs à
proposer une nouvelle terminologie, soit une mutation industrielle (Aubert, 2002). Ce
terme est maintenant utilisé afin de définir les nouveaux enjeux ainsi que la complexité
des dynamiques du phénomène (Igalens et Vicens, 2005). Toutefois, peu importe les
raisons pour justifier l’application de restructuration, les répercussions peuvent être
considérables d’un point de vue organisationnel et humain.
1.18.1. L’encadrement juridique des restructurations
L’encadrement juridique des restructurations varie en fonction du pays. Par exemple, la
France offre un encadrement juridique particulièrement important contrairement aux
États-Unis. Igalens et Vicens (2005) soulignent que la législation en France est fort
contraignante pour l’employeur et protectrice pour les salariés. Malgré les mesures
mises de l’avant, la situation ne semble pas faire l’unanimité et même être fortement
critiquée (Blanchard et Tirole, 2003). Beaujolin-Bellet et Schmidt (2012) précisent que :
100
« nombre d’observateurs et experts des restructurations s’accordent sur un point : le
système français de régulation sociale des restructurations, incarné notamment par le
plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), est tout à la fois complexe et compliqué, sans
qu’il apporte pour autant la preuve de son efficacité, par exemple en termes de
trajectoires professionnelles pour les personnes concernées».
Saint-Julien (2010) souligne que malgré les efforts mis pour réglementer les
restructurations par diverses lois, consultations et précisions, les entreprises dans leur
mise en exécution parviennent encore à s’éloigner de l’idée d’origine.
Face aux mécontentements occasionnés par les résultats de l’accompagnement social, le
concept de responsabilité sociale a commencé à être appliqué dans le domaine des
restructurations. Igalens et Vicens (2005) à ce sujet soulignent «qu’une entreprise
dispose de multiples façons de se restructurer, mais qu’une modalité responsable est à la
fois possible et souhaitable au sens où elle s’avère bien plus efficace lorsqu’elle
équilibre les intérêts de toutes les parties prenantes dans l’entreprise». Il devient
primordial dans une dimension de responsabilité sociale de considérer l’ensemble des
intérêts des parties prenantes qui subiront les impacts des changements (Gazier, 2003).
Malgré l’émergence d’un appel aux actions socialement responsables, la récurrence du
discours face à l’inefficacité des dispositifs d’accompagnement des restructurations
continue à s’amplifier. Igalens et Vicens (2005) arguent qu’en termes de sécurité
d’emploi, les salariés victimes des coupes d’emplois sont fréquemment ceux que la loi
tentait de protéger. Les auteurs précisent que des catégories d’emplois sont davantage
visées dans les restructurations et qui rendent inefficaces les efforts dans les comités de
reclassement comme les salariés ayant une forte ancienneté couplée à une faible
qualification. Cette situation se traduit par une forte instabilité dans le cheminement
101
postérieur au licenciement. Il en résulte par des périodes d’alternance de chômage, une
succession de contrat à durée déterminée et bien entendu une rémunération plus faible et
moins attrayante.
Les restructurations ont été davantage encadrées afin de tenter de limiter ces impacts
négatifs. Il importe à l’intérieur du droit du travail et afin de comprendre quels salariés
sont éligibles à une forme d’aide de définir le licenciement collectif en opposition au
licenciement individuel. On peut définir le premier comme un licenciement effectué par
un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié,
résultant d’une suppression ou d’une transformation d’emploi ou d’une modification,
refusée par le salarié, d’un élément essentiel au contrat de travail, consécutive
notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques (L. 1233-3).
Goux (2006) nous met en garde sur le manque de clarté et de précision sur les difficultés
économiques d’un point de vue juridique. Beaujolin-Bellet et Schimdt (2012) précisent
que la jurisprudence renvoie à une détérioration du chiffre d’affaires, à un endettement
important, des pertes financières, à une baisse de rentabilité la cessation des activités.
Le licenciement individuel et les procédures légales accompagnant ce type de rupture
d’emploi ont des implications différentes du licenciement collectif. Beaujolin-Bellet et
Schmidt (2012) mettent en évidence trois configurations. La première est le licenciement
individuel pour motif économique qui ressemble à un licenciement pour motif
personnel. La deuxième est le «petit licenciement» qui s’applique à un licenciement
économique pour deux à neuf salariés sur une période de 30 jours. Finalement, dans le
cas où une entreprise de plus de 50 employés licencie pour motif économique 10 salariés
et plus sur une période de 30 jours, une procédure de «grand licenciement» doit être
mise de l’avant avec notamment un plan de sauvetage des emplois.
102
Les entreprises soumises à la réglementation concernant les licenciements collectifs
doivent mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi. Ce plan implique certaines
obligations comme les mesures de reclassement interne et externe. L’objectif d’un
licenciement collectif est d’éviter ou de réduire les pertes d’emplois et d’offrir aux
salariés de meilleures perspectives de reclassement. Il s’agit là d’une différence
importante avec la législation québécoise. En effet, au Québec, les entreprises ne sont
pas soumises à cette obligation légale, quoique fortement suggérée, ce qui se traduit par
une suppression d’emploi à la hauteur de ce qui est annoncé. Les comités de
reclassement obtiennent peu de résultats et leurs impacts demeurent limités.
Les restructurations par réduction des effectifs s’attirent de nombreuses critiques face
aux conséquences que provoquent leurs actions. Igalens et Vicens (2005) proposent trois
explications qui viennent démontrer l’inefficacité des plans d’accompagnement et de
reclassement.
1. Il y a d’abord le paradoxe entre le désir de protéger juridiquement les employés les
plus fragiles par rapport au désir de conserver les meilleurs effectifs;
2. Il y a ensuite le désir des entreprises de se soustraire aux règles existantes en raison
de leur lourdeur. Plutôt que de procéder à des réductions d’effectifs dites collectives,
les entreprises préfèrent y aller au compte-gouttes, limitant les effets d’un
licenciement collectif en privilégiant une série de licenciements individuels. Cette
stratégie de contournement permet à l’entreprise de se soustraire à des impératifs
contraignants et dispendieux;
3. Il y a finalement le consensus entre les parties prenantes qui visent à camoufler des
licenciements par des offres généreuses de retraites anticipées et de départ
103
volontaire. Il s’agit là d’une autre forme de stratégie de contournement afin de se
soustraire aux obligations légales que la loi impose suite à un licenciement collectif.
1.18.2. La dimension éthique des restructurations
La notion de responsabilité sociale concernant les restructurations commence à faire
couler beaucoup d’encre. Elle permet d’évaluer la pertinence des décisions visant à jeter
un regard sur l’ensemble des parties prenantes d’une organisation, pas seulement sur les
actionnaires (Gond, 2001). Noël (2004) se questionne sur le traitement des
restructurations en se questionnant par rapport à l’action de privilégier une partie
prenante spécifique au détriment des autres parties prenantes de l’organisation. L’auteur
souligne qu’une des conséquences des restructurations est de rejeter sur le marché du
travail une partie de la main-d’œuvre.
Le point soulevé par les tenants d’une approche libérale soulève l’importance pour les
actionnaires de pouvoir gérer leur entreprise afin de maximiser leur profitabilité.
Friedman (1970) a avancé que les entreprises n’ont d’autre responsabilité que de
dégager du profit, et que l’entreprise doit maximiser la rentabilité, l’efficacité et
l’efficience, et ce, pour le bien-être de tous. Autrement, dit, les entreprises se
positionnent dans une doctrine axée sur un capitalisme pur où l’utilisation des
ressources, de l’ensemble des ressources, est bénéfique pour l’entreprise et en
conséquence bonne pour la société.
Un courant de pensée néo-libéralisme affirme que les salariés ne sont responsables que
de leur vie professionnelle et non de l’entreprise. Il revient à celle-ci de prendre les
décisions dans le meilleur intérêt de l’entreprise nonobstant le statut précaire des salariés
sur le marché du travail. McKinley et coll. (1998) s’avance dans ce courant en affirmant
que le fait de devoir quitter l’entreprise d’une manière forcée pourrait avoir des effets
104
bénéfiques pour la carrière du salarié licencié. Il est probant de constater que l’étude de
l’employabilité permet d’analyser le tout dans une dimension économique de prime
abord, mais également dans une dimension psychologique, démocratique ou citoyenne
(Noël, 2004).
Noël (2004) souligne que l’étude du caractère responsable doit être faite selon deux
dimensions : la première sous l’angle de l’efficacité économique alors que la deuxième
vise le niveau éthique. Donaldson et Preston (1995) précise que même si les entreprises
doivent évoluer en fonction de prescriptions normatives et déontologiques, il ne faut pas
oublier que les considérations instrumentales viendront permettre un plus grand respect
des salariés dans le processus de restructuration.
Le discours face aux restructurations peut donc être scindé en deux. À un bout du
spectre, certains arguent que l’entreprise doit tenir en considération l’ensemble des
réalités venant influencer les salariés de sorte que l’entreprise devrait faire fi de sa
propre situation, du moins partiellement, et considérer l’ensemble des parties prenantes.
Alors qu’à l’autre bout, l’entreprise doit maximiser son profit et avoir comme seule
contrainte sa situation économique. Noël (2004) souligne qu’on «retrouve derrière les
suppressions d’emplois une rhétorique martiale associant l’obéissance à une hiérarchie
affirmée à la possibilité de subir des pertes qui ne doit pas infléchir la marche vers un
objectif imposé de l’extérieur». Mckinley et coll. (2000) mettent en évidence l’argument
selon lequel la sphère managériale se concentre autour de l’idée de l’efficacité et se
détourne, volontairement ou non, du concept de responsabilisation et d’éthique. Cette
dichotomie entre responsabilité et efficacité constitue une occasion pour certaines
entreprises de faire les choses autrement et de tenter de considérer les deux versants
(Montagne et Sauviat, 2000).
105
Il est intéressant de constater le constrate idéologique des études portant sur les impacts
des restructurations. Certains auteurs prônent pour une vision plus riche des
suppressions d’emplois opposant les actionnaires face aux travailleurs (Noël, 2004).
Allouche, Laroche et Noël (2004) ont réalisé une étude qui a démontré l’effet de ces
suppressions d’emplois sur la valeur boursière négative, à moyen terme du moins. Selon
Noël (2004), les répercussions seraient davantage modérées dans certains pays comme
en France ou au Canada. L’auteur précise que «ce ne sont pas les suppressions
d’emplois en elles-mêmes qui sont appréciées des actionnaires, mais plutôt la capacité
des entreprises à optimiser dans la continuité leur appareil de production». Il semble
que les restructurations structurées visant à augmenter la performance de la firme sont
davantage valorisées. D’un autre point de vue, les entreprises à la recherche d’un
électrochoc en raison de leurs difficultés financières sont perçues comme des entreprises
en difficulté sur la route du déclin.
En tenant compte de la complexité du phénomène des restructurations et de ces effets
indésirables sur la performance à court, moyen et long terme, pourquoi certaines
entreprises valorisent-elles des restructurations basées sur l’accroissement de la
productivité? Selon Noël (2004), une restructuration n’a de sens que si elle règle les
problèmes de l’entreprise. La réduction dans le personnel peut s’avérer souhaitable que
dans la mesure où du personnel excédentaire serait identifié. À cet effet, Freeman (1994)
souligne que pour ôter le caractère de crise d’une restructuration, les entreprises doivent
diriger les opérations sous l’angle de la continuité et non pas sous la rupture. Enfin,
McKinley (1995) et Noël (2004) mettent en évidence que les gestionnaires doivent
éviter de suivre un modèle de gestion ou un chemin tracé à l’avance pour éviter de
sombrer dans la simplicité qui occasionne des soubresauts majeurs chez les salariés et
des dysfonctionnements organisationnels.
106
1.19. Conclusion du chapitre I
Les restructurations ont prise une place croissante depuis plus d’une trentaine d’années
dans la plupart des organisations dans les pays industrialisés. Elles furent adoptées au
départ comme une réponse à une période économique difficile (Gandolfi, 2006).
Toutefois, à partir du milieu des années 1990, les restructurations sont devenues une
stratégie de premier plan pour les entreprises à la grandeur de la planète (Mirabel et
DeYoung, 2005) en cherchant à réaliser des gains rapides par la réduction des coûts et
en augmentant l’efficience et la performance organisationnelle (Farell et Mavondo,
2004). Cascio (1993) met en évidence une réalité brutale : «downsizing is the planned
eliminations of positions or jobs». Cascio démontre le but à atteindre qui est de réduire
la force de travail d’une entreprise pour maximiser la profitabilité. Galdolfi (2006)
souligne que peu importe la terminologie utilisée, que ce soit le resizing ou le
rightsizing, on constate à quel point ces termes ont une aura de suspicion et de méfiance.
Les restructurations touchent autant les entreprises privées que le secteur public (Dolan,
Belout et Balkin, 2000). Juste aux États-Unis, c’est plus de 4,3 millions d’emplois qui
ont été éliminés suite à des restructurations selon le US Bureau of Labor Statistics entre
1979 et 1996.
La place grandissante des restructurations se concrétise chaque jour en constatant des
annonces de restructuration et rien ne semble vouloir altérer ce phénomène. Cependant,
la complexité associée aux restructurations occasionne des défis importants pour les
hauts dirigeants (Gandolfi, 2006). Il a été démontré que les entreprises procédant à des
suppressions d’emplois n’obtiennent généralement pas les résultats escomptés
(Cameron, 1994; Pichault et coll., 1998; Beaujolin-Bellet et Schmidt, 2012). Gandolfi
(2008) pose la question : est-ce possible de déterminer les meilleures pratiques ou
conditions afin de réaliser une restructuration avec succès? Cameron (1994) a tenté
d’offrir des réponses tout comme Appelbaum et coll. (1999).
107
Gandolfi (2008) a mis en évidence quatre leçons afin de réaliser une restructuration
réussie. La première souligne le manque de plan et de préparation des entreprises qui
veulent réaliser une stratégie de restructuration. L’implication des managers dans la
planification stratégique devient essentielle. La préparation permettra selon Gandolfi
(2008) de tenir compte de la complexité de la réalité organisationnelle telle que la
culture organisationnelle et l’historique de l’entreprise. La deuxième leçon demande
d’apporter une attention particulière aux employés survivants en leur portant assistance
et support. Le manque d’investissement dans les employés survivants pour faire face à la
nouvelle réalité, aux changements dans l’organisation du travail, etc. provoque une
multitude de comportements négatifs comme la diminution du sentiment d’engagement,
la perte de motivation et la diminution de la loyauté.
La troisième leçon est dans la continuité de la deuxième en s’assurant non pas seulement
de maintenir un niveau d’investissement dans les survivants au niveau du poste de
travail, mais en prenant soin de ces employés, de leur état psychologique, de leur besoin
de parler, de les écouter, bref de les considérer. La quatrième et dernière leçon souligne
l’importance de comptabiliser les coûts associés à une restructuration. Ces coûts sont
souvent négligés de sorte que l’idée générale des gestionnaires demeure positive.
Toutefois, lorsque les coûts directs et cachés sont dévoilés, cela incite les gestionnaires à
développer de meilleures pratiques afin d’encadrer les restructurations.
La complexité des paramètres à étudier pour déterminer la performance de cette stratégie
est sans doute une des raisons pour laquelle les dirigeants retiennent les économies
réalisées sur la masse salariale comme facteur de succès des restructurations. Nous
avons démontré des conditions qui doivent être davantage analysées afin de comprendre
les conditions de succès des restructurations.
108
1.20. Résumé du chapitre I
Le premier chapitre nous a permis de développer sur le sujet des restructurations en
insistant sur les définitions du concept et de ces effets. Nous avons compris que les
restructurations peuvent prendre de multiples formes et causer des effets positifs dans
l’entreprise, mais bien souvent négatifs. Nous avons mis en évidence des conditions de
succès des restructurations. Ces conditions ont été développées en raison de
l’importance que la communauté scientifique leur donne et elles seront utilisées dans
notre thèse afin d’expliquer le succès des restructurations.
Le prochain chapitre mettra en place les assises méthodologiques de cette thèse. Le
choix de la méthodologie utilisée sera discuté de même que le secteur d’activité
sélectionné en insistant sur les paramètres spécifiques à ce dernier. Ce chapitre permettra
de camper nos positions et objectifs pour cette thèse de doctorat.
109
Chapitre II
Les choix méthodologiques
110
Chapitre II Les choix méthodologiques
2. Introduction
Le chapitre I nous a permis de mieux cerner les composantes des restructurations et des
effets néfastes qu’elles peuvent causer. Nous avons vu que des pratiques sont éviter afin
et que des conditions sont mises en valeur par les chercheurs traitant des restructurations
pour permettre à une organisation d’assurer sa pérennité et aller de l’avant dans le
développement et l’atteinte d’objectifs organisationnels. Cameron (1994) propose des
conditions à privilégier dans le cadre d’un processus de restructuration. C’est en
regardant dans cette direction et en actualisant le questionnement sur les conditions
favorables pour réussir le projet de restructuration que nous abordons ce deuxième
chapitre. Il expliquera les choix méthodologiques pour cette thèse. Nous traiterons
également des particularités du secteur d’activité choisi. Celui-ci nécessite certaines
explications puisqu’à notre connaissance, peu de recherches ont été réalisées dans le
secteur manufacturier des fabricants de meubles au Québec.
2.1. Le secteur manufacturier
Nous avons vu que les restructurations ont pris un essor considérable ces dernières
années en raison notamment de la volonté des dirigeants de réduire la masse salariale
dans des périodes troubles. Les restructurations semblent répondre à un besoin des
dirigeants afin d’atteindre les objectifs et résultats escomptés en termes économiques,
financiers et de productivité. La situation économique qui prévaut aura une incidence
certaine sur la décision des gestionnaires à procéder à des restructurations. Le secteur
manufacturier, à l’instar des autres secteurs d’activités, n’est pas exempt des fluctuations
et a subi de multiples contrecoups des restructurations. Nul pays n’y échappe, mais tous
ne le vivent pas avec la même intensité.
111
2.1.1. La situation économique dans le secteur manufacturier
Les restructurations au sein des organisations sont d’une ampleur mondiale, car on ne
peut désormais plus se limiter à un territoire donné. Les effets au niveau de l’industrie
manufacturière sont manifestes que ce soit dans les pays émergents et de la nouvelle
économie que ceux en Europe ou en Amérique du Nord. À cet effet, les répercussions
peuvent être croisées, conséquence des effets de la mondialisation. Cette section vise à
examiner les motifs pouvant l’expliquer afin d’augmenter la compréhension du
phénomène.
2.1.2. La situation économique dans le monde
On constate depuis le début des années 2000 un ralentissement significatif du milieu
manufacturier dans les économies de l’OCDE (Pilat et coll., 2006). La part de marché de
ces pays s’effrite progressivement et tout laisse croire que cela continuera en ce sens
(Pilat et coll. 2006). Les pays d’Europe comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ont
notamment enregistré de grandes pertes d’emplois entre les années 1985 et 2005 (Pilat et
coll., 2006). Le Canada et la France, comme d’autres pays, ont su résister davantage aux
répercussions des effets de la mondialisation. Dans les raisons venant expliquer ce
phénomène, on observe l’intensité du capital technologique. Les pays exploitants des
industries à haute technologie ont davantage résisté au mouvement de déclin que ceux à
faible technologie (Berger, 2006). On remarque toutefois que les pays à haute
technologie ont été victimes malgré tout d’une baisse. Le secteur manufacturier subit
une profonde transformation qui affecte d’une manière ou d’une autre chaque entreprise,
chaque pays.
Le développement économique est caractérisé par un processus progressif de mutation
structurelle (Pilat et coll. (2006). Les indicateurs provenant du Rapport trimestriel du
European Restructuring Monitor (European Fondation for the Improvement of Living
112
and Working Conditions, 2007) dévoilent que les restructurations internes représentent
la principale raison des pertes d’emplois (55,6%) suivis par les faillites et fermetures
(21%) et des fusions acquisitions (14,9%). Ces données réfutent donc la croyance
populaire que la délocalisation des emplois vers les pays à bas salaire serait le facteur
déterminant du déclin de l’emploi industriel (Berger, 2006). Selon Aubert et Simard
(2005), seulement 8% des pertes d’emplois annoncées pour la période 2003-2006
seraient attribuables à un transfert d’emploi à un autre emplacement. Aubert et Simard
(2005) ont compilé le nombre d’emplois touché en France par la délocalisation
d’activités industrielles qui sont venues corroborer les conclusions de Berger (2006) sur
les motifs de pertes d’emplois pour la période 1995-2001. Globalement, on constate que
les phénomènes industriels d’adaptation nécessitent une révision des processus
industriels qui occasionne un redéploiement des stratégies impliquant diverses stratégies
visant la maximisation des profits.
2.1.3. La situation économique aux États-Unis
Aux États-Unis, les entreprises manufacturières ont produit plus de 30% des
licenciements collectifs en 2003 (U.S. Départment of Labor, 2008). Dans ce secteur, on
a constaté davantage de fermetures d’usines que dans les autres secteurs d’activité.
Brown (2004) note que ces fermetures se sont concentrées dans les secteurs de la
fabrication de produits informatiques et électroniques, la fabrication de machines et la
fabrication de textiles et de vêtements. Il souligne ce constat en arguant que la
concurrence internationale et la délocalisation de la production des États-Unis vers les
pays d’Asie sont les justifications les plus avancées. De multiples secteurs de
fabrications ont été touchés tels que la fabrication de jouets, les chaussures, la
fabrication de produits en bois et du papier, l’aérospatial, les appareils ménagers, les
produits domestiques, l’équipement industriel et la machinerie et notamment le secteur
du textile et des vêtements (Bronfenbrenner et Luce, 2004). L’application de
restructurations constitue une pratique courante aux États-Unis en raison de l’importance
113
du milieu manufacturier, de la recherche constante de l’utilisation des pratiques de
gestion les plus primées, ainsi que la transformation de l’économie traditionnelle
américaine.
2.1.4. La situation économique au Canada
Le secteur manufacturier au Canada détient une place significative dans l’économie
canadienne (Informetrica, 2007). En raison d’un recul du Produit intérieur brut (PIB) de
3% depuis 2007, les emplois de ce secteur ont diminué de près de 100 000 emplois par
année en 2007 et 2008 (Burt et Poulin, 2008). Bernard (2009b) note que les chances de
conserver son emploi quatre années d’affilée dans le secteur de la fabrication n’ont
jamais été aussi faibles en trente ans. Bien que les entreprises manufacturières
canadiennes aient subi une baisse, Bernard (2009) souligne que les autres secteurs ont
quand même réussi une certaine croissance. Au niveau manufacturier, le textile et la
fabrication de meubles ont été les plus durement touchés. La dépendance des
exportateurs canadiens s’exacerbe dans un contexte où l’on assiste à des fluctuations du
dollar canadien.
2.1.5. La situation économique dans la province du Québec
Le secteur manufacturier au Québec ne s’est pas comporté différemment face aux
modifications de l’environnement externe (Kowaluk, 2005). Le secteur manufacturier
est en décroissance dans l’économie québécoise alors que les entreprises de service
affichent une hausse de l’emploi. Selon Informetrica (2007) un emploi sur dix a été aboli
dans la période 2002-2007. Au niveau des provinces canadiennes, le Québec a affiché
une meilleure performance dans le secteur manufacturier (Informetrica (2007). La
diversité de l’économie québécoise est l’élément qui vient la différencier par rapport à
l’économie canadienne. Dans les solutions préconisées pour préserver l’emploi, la
réduction du temps de travail à temps partagé a permis de réduire les possibles
114
licenciements en protégeant un certain nombre de salariés. Le nombre d’emplois a
amorcé sa baisse en 2003 dans pratiquement l’ensemble des entreprises manufacturières
québécoises. Pour la période 2003-2007, c’est en moyenne près de 22 000 emplois qui
ont été perdus par année au Québec (Informetrica, 2007).
Après avoir discuté de la situation économique au niveau du secteur manufacturier, nous
devons prendre acte d’une diminution marquée du nombre d’emplois. Nous avons
constaté la fragilité de l’économie canadienne et la pression marquée sur les
restructurations. Nous allons maintenant élaborer sur le secteur des fabricants de
meubles québécois pour lequel nous allons investiguer dans le cadre de cette thèse. Ces
entreprises ont vécu des difficultés majeures depuis une quinzaine d’années. Au-delà de
ce constat, il importe de souligner les déterminants de la précarité des entreprises dans le
secteur manufacturier. La prochaine section mettra en évidence ces déterminants qui
viennent expliquer les raisons qui ont conduit les fabricants de meubles québécois dans
une situation de déclin, situation qui a fait multiplier les restructurations dans cette
industrie.
2.2. Les déterminants de la restructuration
Les restructurations mettent en relief certains déterminants qui peuvent parfois être
d’ordre structurel et d’autres fois d’ordre conjoncturel. Les déterminants structurels ont
des répercussions à long terme sur les emplois et sur les entreprises en supprimant de
façon permanente les emplois en raison des transformations durables de la structure de
l’économie et des organisations (Statistiques Canada, 1998a). Les déterminants
conjoncturels découlent de la conjonction des rapports économiques tels qu’ils peuvent
être saisis à un moment quelconque (Dupriez, 1959). Puisque tributaires de facteurs qui
affectent temporairement l’activité économique de l’entreprise, les déterminants
conjoncturels provoquent davantage de licenciements temporaires que permanents. Les
licenciements provoqués en raison de ce type de conjoncture ont des incidences sur les
115
entreprises en raison de la perte de compétences. Compte tenu de la problématique
conjoncturelle, la situation se résorbe souvent avec le temps sans toutefois récupérer les
employés et leurs compétences spécifiques à l’entreprise.
Selon la Chambre des communes du Canada, il existe quatre grands facteurs qui ont une
influence sur la compétitivité des entreprises manufacturières canadiennes : la force du
dollar canadien, la hausse et la volatilité des coûts de l’énergie, la mondialisation et la
pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Selon l’association des fabricants de meubles du
Québec (AFMQ), ces facteurs constituent les raisons majeures qui ont conduit le secteur
d’activité à une période de déclin.
2.2.1. La vigueur du dollar canadien
Au Canada, le secteur manufacturier est très sensible aux fluctuations du dollar canadien
(Burt et Poulin, 2008; Bernard, 2009). Depuis, une dizaine d’années, nous assistons à
une valorisation du dollar canadien par rapport à la devise américaine (Macdonald,
2007). L’appréciation de la devise canadienne a provoqué des répercussions importantes
qui se sont traduites par une détérioration du secteur manufacturier. Au Canada, de
multiples entreprises manufacturières survivent en raison de leurs exportations en
territoire américain, dont l’industrie du meuble. Une variation à la hausse de la devise
canadienne peut avoir des conséquences graves et provoquer un sévère déséquilibre
commercial dans ce secteur d’activité.
La hausse du dollar canadien a eu comme conséquence d’abaisser la marge bénéficiaire
des fabricants canadiens amenant de nombreuses entreprises à revisiter leurs stratégies
commerciales, à subir de multiples cures d’amincissement et parfois à carrément fermer
des usines, voir la cessation définitive des activités commerciales (McDonald, 2007).
Inévitablement, lorsque le dollar canadien prend de la vigueur, l’emploi dans le secteur
116
manufacturier chute alors que lorsqu’il perd de la valeur, l’emploi dans ce secteur
d’activité se consolide ou augmente (Chambre des communes du Canada, 2007).
Afin de se prémunir face à la variation de la devise canadienne, les entreprises
canadiennes ont apporté des changements dans leur mode de gestion en tentant de
réduire leur masse salariale et en délocalisant une partie de la production dans des pays
émergents comme la Chine, le Mexique, le Brésil ou le Viet-Niam (Banque du Canada,
2004a). On constate qu’à partir de 2003, les vagues de licenciements ont pris une
ampleur considérable en représentant le geste le plus fréquemment posé pour améliorer
la productivité. Une des réponses apportées par les entreprises a été de mettre l’emphase
sur les activités à forte valeur ajoutée soutenue par l’innovation (Pilat et coll., 2006). On
constate depuis 12 mois une détérioration de la devise canadienne par rapport à la devise
américaine qui a des impacts positifs en termes de croissance pour les entreprises
manufacturières canadiennes. La devise canadienne s’est hissée à la parité durant
quelques années pour se replacer vers une valeur de 0,80 par rapport au dollar américain.
Pour les entreprises exportant aux États-Unis, ce replacement de la devise canadienne
vers une valeur davantage classique a eu un effet de baume en stabilisant, du moins
temporairement, les finances des entreprises.
2.2.2. Les coûts du pétrole
Les coûts reliés au secteur de l’énergie ont représenté une hausse significative des coûts
de production du secteur manufacturier. La distance nécessaire afin de déplacer les
matières premières et de livrer les biens produits est considérable. L’étendue du territoire
nord-américain accentue les frais de déplacement et rend plus vulnérable les entreprises
à soit absorber les pertes occasionnées par la fluctuation des coûts de l’énergie, ou soit
en refilant ces hausses aux clients, fragilisant ainsi la relation commerciale avec leurs
clients (Ressources naturelles Canada, 2008). À partir de 1998, l’équilibre mondial en
matière d’offre et de demande d’énergie a commencé à se resserrer, et les prix de
117
l’énergie ont monté, d’abord assez lentement, puis en flèche à partir de 2000, avant
d’amorcer une certaine stabilisation ces dernières années (Chambre des communes du
Canada, 2007). Actuellement, les coûts du pétrole ont stagné ce qui a des impacts
positifs en diminuant les inquiétudes des entreprises qui ont vu les coûts augmenter
dramatiquement durant plusieurs années consécutives. On constate que plusieurs
secteurs d’activité bénéficient de la stabilisation des coûts du pétrole actuellement.
2.2.3. Les effets de la mondialisation
Aucune entreprise ne peut se soustraire aux effets directs ou indirects de la
mondialisation. Ces effets sont tels que McDonald (2007) note que les autres facteurs
justifiant les difficultés des entreprises manufacturières sont bien minces face à la
mondialisation. L’économie mondiale a favorisé l’arrivée de nouveaux pays provocants
ainsi une précarisation de l’emploi et des conditions de travail qu’on leurs octroie
(Freeman, 2005). Le développement économique le plus important dans cette ère de
mondialisation est la multiplication par deux de la main-d’œuvre mondiale (Freeman,
2005). La Chine a provoqué une transformation structurelle des entreprises au Canada
comme ailleurs dans le monde (Burt et Poulin, 2008). La main-d’œuvre chinoise coûte
en moyenne un quarantième de celle du Canada (Bernard, 2009). Il devient pratiquement
impossible de rivaliser par rapport aux salaires de la Chine ou de pays émergents. Il
s’agit d’un déclin pour les secteurs d’activités à faibles coûts de production qui ont subi
une baisse considérable de leurs activités commerciales, mais également de la main-
d’œuvre (Berger, 2006; Bernard, 2009).
La mondialisation laisse des traces qui peuvent s’avérer discrètes voir invisible. Bernard
(2009) a démontré que les dirigeants d’entreprises devant l’intensification des
entreprises concurrentes craignent davantage que s’installe une période de morosité
économique. Pour prévenir, ils vont plus facilement prendre la décision de supprimer
118
des emplois afin de jouer la carte de la sécurité. Il s’agit d’un cercle vicieux qui renforcit
l’idée stéréotypée que les suppressions d’emplois représentent la stratégie à utiliser.
La mondialisation a eu comme conséquence d’augmenter la sensibilisation des
entreprises à leur productivité. Alors que plusieurs bénéficiaient des retombées positives
associées à la faiblesse du dollar canadien, le peu d’engagements face au ratio de
productivité a caractérisé les entreprises canadiennes jusqu’au tournant du présent siècle.
Ce point tournant a favorisé l’émergence de concepts associés à l’augmentation de la
productivité comme le lean management. En s’inspirant des principes de la philosophie
japonaise du constructeur automobile Toyota, les entreprises canadiennes ont embrassé
les principes afin de bénéficier de gains de productivité. Ces gains se sont toutefois plus
souvent qu’autrement traduits par des pertes d’emplois associées à une restructuration.
2.2.4. La pénurie de main-d’œuvre qualifiée
Le secteur manufacturier canadien fait face à des difficultés appréciables quand vient le
temps de combler les besoins en main-d’œuvre qualifiée (Sabourin, 2001). Alors que le
secteur manufacturier lutte pour freiner les épisodes de délocalisation en raison du coût
excessif de main-d’œuvre au Canada, les entreprises qui elles se développent par rapport
à l’utilisation de nouvelles technologies et une stratégie d’innovation sont contraintes à
la rareté de la main-d’œuvre spécialisée (Burt et Poulin, 2008; Sabourin, 2001). En
raison du fort déclin du secteur manufacturier, les jeunes travailleurs se montrent
hésitants à s’investir dans ce domaine d’activité (Poulin et Charest, 2007). Un sondage
récent démontre que plus de 40% des manufacturiers estiment que les pénuries de main-
d’œuvre les empêchent véritablement d’améliorer leur rendement (FCEI, 2006).
L’investissement dans le développement du capital humain s’avère une solution retenue
comme celle de miser sur une plus grande flexibilité des conditions de travail (Burt et
Poulin, 2008). Dans la prochaine section, nous allons développer sur le secteur d’activité
sélectionné pour cette thèse, le secteur manufacturier québécois.
119
2.3. Le secteur d’activité à l’étude
Le secteur d’activité choisi pour cette thèse est celui des fabricants de meubles
québécois. Ce secteur est caractérisé par les difficultés auxquelles il a fait face depuis 15
ans. Il est bon de rappeler que ce secteur d’activité a historiquement subi des variations
importantes à la baisse comme à hausse. Victime de nombreuses restructurations,
plusieurs entreprises ont déposé les armes et ont cessé leurs activités. La prochaine
section traitera de ce secteur d’activité spécifique en territoire québécois.
2.3.1. Les fabricants de meubles au Québec
L’industrie du meuble demeure l’un des plus importants employeurs manufacturiers
québécois se situant au cinquième rang en 2005. Cette industrie se caractérise par sa
forte intensité en main-d’œuvre, sa présence dans presque toutes les régions du Québec
et le fait qu’elle soit majoritairement de propriété québécoise.
Le secteur manufacturier québécois du meuble doit évoluer dans un contexte à la fois de
changements structurels et conjoncturels en raison des aléas de la mondialisation.
L’industrie peut toutefois bénéficier du plus grand marché de consommation de meubles
au monde grâce aux États-Unis. Cet alléchant marché fait en sorte que ces entreprises
redoublent d’efforts afin de percer ce marché. Depuis l’entrée en vigueur de l’Accord de
libre-échange nord-américain (ALENA) en 1994, les échanges commerciaux se sont
multipliés jusqu’en 2002 où la pression de la hausse du dollar canadien et de la
concurrence étrangère a eu comme conséquence de provoquer un ralentissement des
échanges commerciaux.
La fabrication de meubles est intimement associée à l’ère de la colonisation au Québec.
L’abondance de matière première associée à la demande pour ces produits a assuré le
développement de ce secteur d’activité. L’industrie du meuble a toutefois subi une
120
période de transformation dans les années 1990 afin mettre l’accent sur la réduction des
coûts, l’accroissement de la productivité et de la qualité ainsi que l’optimisation des
matières premières. L’industrie s’est également tournée progressivement vers les
équipements technologiques comme des équipements à commandes numériques.
Depuis une dizaine d’années, l’industrie du meuble s’est modernisée en intégrant
plusieurs méthodes d’ingénierie comme la fabrication sans gaspillage, la gestion de la
qualité totale, les Kaizen, les Kanban, etc. Les effets de ces techniques sont une
réduction des coûts, de meilleurs délais de livraison et un plus grand respect des attentes
des clients. Pour plusieurs fabricants de meubles, ces techniques ont permis de réduire
leur précarité face aux pressions concurrentielles externes. Ces changements ont eu un
impact direct sur la main-d’œuvre active en provoquant des pertes d’emplois
temporaires ou permanents. L’application de ces méthodes de philosophie japonaise a eu
plusieurs effets positifs sur l’amélioration de la productivité et de la qualité. Toutefois,
ces gains se sont traduits par des restructurations coûteuses en nombre d’emploi. En
conséquence, de multiples suppressions d’emplois sont venues alourdir l’industrie en
termes de climat de travail, de satisfaction et d’engagement.
Afin d’affronter la concurrence asiatique, les fabricants de meubles québécois ont opté
pour un changement de stratégie durant cette période en privilégiant la flexibilité. Cela
signifie que pour se distinguer, ils ont développé des techniques afin d’offrir des
produits personnalisés. Plutôt que de produire des lots en masse, ils ont adapté leurs
systèmes de production afin d’offrir aux consommateurs de multiples combinaisons
d’options. La flexibilité est devenue le principal indicateur de performance et de réussite
pour les fabricants québécois de meubles en réponse à la rude concurrence des pays
asiatiques. Certains fabricants de meubles québécois offrent des millions de
combinaisons de configurations possibles avec les choix de modèles, de couleurs et
tissus, notamment.
121
Selon les données d’Emploi-Québec en 2005, l’industrie du secteur du meuble
fournissait 1 % de l’emploi total et 6 % de l’emploi manufacturier québécois dont elle
occupait le cinquième rang, comparativement au dixième en 1987. Les hommes
occupaient près de trois emplois sur quatre, et 96 % des postes occupés étaient à temps
plein. D’après les perspectives sectorielles d’Emploi-Québec pour les années 2007-2010,
la croissance annuelle moyenne de l’emploi dans l’industrie du meuble se situait entre
0 % et 1 % en comparaison de 1,3 % pour l’ensemble du secteur manufacturier. Par
ailleurs, le nombre d’heures hebdomadaires moyennes travaillées par les salariés est en
diminution depuis 2003. Selon emploi-Québec, seulement 8 % des employés sont formés
dans les écoles professionnelles et techniques telles que l’École nationale du meuble et
de l’ébénisterie. Avec plus de 30 000 salariés répartis dans 1752 établissements à travers
le Québec et un PIB atteignant 1,5 G$, l’industrie du meuble demeure un maillon
important du secteur manufacturier québécois.
Une fois le secteur manufacturier des fabricants de meubles expliqué, il convient pour
les fins de notre thèse d’approcher la section des choix méthodologiques qui permettront
de déterminer les conditions de succès des restructurations dans l’industrie des fabricants
de meubles québécois.
2.4. Méthodologie
Dans cette section, nous allons expliquer la méthodologie utilisée et les différents outils
qui permettront de répondre à notre objectif de recherche. L’aspect méthodologique est
fort important afin de permettre au chercheur d’appuyer ses résultats sur une logique
scientifique rigoureuse. Nous avons procédé à l’analyse du type de méthodologie à
prioriser compte tenu de notre question de recherche, à savoir quelles sont les conditions
de succès d’une restructuration. Puisque chaque méthodologie a son lot d’avantages et
d’inconvénients, nous avons déterminé que l’analyse comparative constituait la méthode
optimale pour cette thèse. En plus d’expliquer notre choix en développant sur l’analyse
122
comparative, nous ferons un survol des méthodes qualitatives et quantitatives afin de
mieux camper notre choix en regard des méthodes traditionnelles.
2.4.1. La méthode de l’analyse comparative
Dans le cadre de cette thèse, nous opterons pour la méthode d’analyse comparative
(Qualitative Comparative Analysis ou QCA). Déterminer les conditions de succès d’une
restructuration exige une réflexion quant aux traitements méthodologiques. Alors que
l’analyse quantitative permet de recueillir des résultats sur un grand nombre
d’entreprises sans toutefois fournir d’explications riches de sens, l’analyse qualitative
permet davantage d’explications avec un petit nombre de cas avec des difficultés à
généraliser les résultats. Rihoux et Lobe (2009) soulignent que la QCA réunit les forces
des méthodes qualitatives et quantitatives. Elle permet de préserver la complexité des
cas tout en les simplifiant (Rihoux et Lobe (2009).
Dans toute recherche, la question se pose à savoir quelle est la meilleure méthode. Notre
thèse utilisera la méthode de l’analyse comparative plutôt que d’opter pour une
recherche quantitative ou qualitative. Le but de la recherche étant de déterminer les
conditions de succès des restructurations, elle semble être la méthode idéale. Toutefois,
il est primordial d’avoir analysé les possibilités qu’offrent les autres méthodes.
La question de la méthodologie est à la base de toute recherche et la réponse que
donnera le chercheur dictera la méthode retenue (quantitatif ou qualitatif). Ces choix
méthodologiques peuvent toutefois être complexes en ce sens que le caractère subjectif
de la recherche qualitative semble parfois peu apprécié par une strate de la communauté
scientifique. La figure 13 illustre la dichotomie qui existe entre les deux approches en
rappelant que traditionnellement le quantitatif est associé à l’objectivité et le qualitatif à
l’intuition.
123
FIGURE 13 L'ALTERNATIVE RECHERCHE QUANTITATIVE/QUALITATIVE DES PRINCIPES
Adapté de Rispal, 2002.
La méthodologie retenue dépend donc de ce que le chercheur désire obtenir comme
résultat et de la nature des observations. Les diverses techniques d’extraction des
données vont favoriser l’utilisation d’une méthode plutôt qu’une autre. La figure 14
démontre la singularité de chaque méthode quant aux différentes méthodes de collectes
des données.
Afin de préciser la nature des choix méthodologiques, Van Maanen (1983) traite de la
définition de la recherche qualitative inductive en proposant une vision plus
technicienne, mais large comme le recours à une palette de techniques d’interprétation
dont le projet est de décrire, décoder, traduire ou du moins saisir la signification, et non
la fréquence, d’un phénomène du monde social survenant de façon plus ou moins
naturelle.
Le quantitatif
L’explication
L’examen de la théorie
L’universalité
La cause
L’objectivité
La réduction
Le qualitatif
Le Verstehen
La génération de théorie
L’idiosyncrasie
L’interprétation
La subjectivité
L’analyse interprétative
124
FIGURE 14 DES MÉTHODES PARTAGÉES ET DES MÉTHODES DISTINCTES
Adapté de Rispal, 2002
Dans la mesure où nous avons un échantillon potentiel d’une cinquantaine d’entreprises
et qu’il est réaliste d’anticiper qu’une vingtaine de ces entreprises désireront participer à
notre étude, la méthode de l’analyse comparative s’inscrit comme une méthode de choix
afin de déterminer les conditions de succès d’une restructuration. Nous serons à mi-
chemin entre le qualitatif et le quantitatif en bénéficiant des avantages d’une recherche
qualitative, mais en utilisant une portion quantitative dans l’analyse des résultats grâce à
l’application du traitement booléen.
La nature du questionnement du chercheur vient considérablement influencer le choix de
la méthode utilisée. Dans le cadre de cette thèse et étant donné que nous tentons de
déterminer les conditions ou potentiellement les combinaisons de succès des
restructurations, la QCA permettra d’atteindre nos objectifs.
Type de méthodologie
MÉTHODES QUANTITATIVE QUALITATIVE
Observation Travail préliminaire Indispensable
Entretiens Directif Non directif ou semi-directif
Semi-directif
Enregistrements Peu utilisés Analyse de la manière de dire
Analyse textuelle Fréquence d’apparition Compréhension des catégories
des unités d’enregistrement
125
2.4.2. Explications de l’analyse comparative
La QCA a été adaptée par Ragin (1987) et se veut désormais une méthode
particulièrement utilisée dans les sciences sociales, mais également en science de la
gestion. Rihoux (2007) recense déjà plus de deux cent cinquante applications. Cette
méthode jouit d’une popularité encore limitée actuellement en science de la gestion,
mais est actuellement en progression puisque plusieurs ouvrages empiriques
reconnaissent la QCA (McDonald, 1996; Stevenson et Greenberg, 2000; Romme, 2000;
Beaujolin-Bellet et coll., 2012). Selon Chanson et coll. (2005), il est probable qu’elle
continue à se développer dans les prochaines années en raison des contributions
importantes qu’elle peut apporter (Curchod 2003a, Curchod 2004, Chanson et coll.
2005, Chanson, 2006).
La communauté scientifique a longtemps mis à l’écart puisque la QCA traînait la
réputation de manquer de légitimité auprès de certains chercheurs qui soulignaient ses
faiblesses quant à la rigueur du processus. L’ouvrage de Ragin (1987), «The
Comparative Method : Moving Beyond Qualitative and Quantitative Strategies», a
toutefois permis d’apporter une variation à la méthode comparative pour lui donner une
nouvelle légitimité en sciences sociales et en sciences de la gestion (Chanson et coll.,
2005). Rihoux (2009) souligne :
«Alors qu’à l’époque, la plupart des études comparatives se focalisent soit sur un cas ou
deux (étude de cas), soit plus de 50 cas (c’est-à-dire assez pour utiliser les méthodes
quantitatives classiques), il s’agit alors de proposer une méthode systématique qui
permette tout à la fois de conserver la capacité de généralisation des études
quantitatives et la capacité de prendre en compte la complexité des études qualitatives».
126
Ragin (1987) souligne qu’il existe deux grandes traditions de recherche en sciences
sociales. La première permet d’apporter des recherches quantitatives et repose sur une
forte abstraction. Ces retombées sont essentiellement des relations théoriques entre
variables et s’éloignent des réalités complexes du terrain (Chanson et coll., 2005). La
seconde est d’inspiration qualitative. Elle permet de faire ressortir toute la complexité et
les spécificités historiques de chaque terrain. Son approche holistique apporte des
relations entre variables qui s’avèrent fort complexes en dehors du milieu étudié
(Chanson et coll., 2005). Puisque la généralisation, d’un point de vue statistique est plus
ardue à démontrer en approche qualitative, la méthode comparative permet de faire la
part des choses en combinant les forces des deux approches et en tentant de contrôler
leurs faiblesses (Lehoux et Lobe, 2009; Chanson et coll., 2005).
Rihoux et coll. (2004) souligne quant aux perspectives la QCA comme choix
méthodologiques :
« Différentes explications peuvent être avancées, comme la persistance d’un clivage
entre qualitativistes et quantitativistes (rendant difficile le développement d’une
troisième voie originale, et en particulier d’enseignements spécifiques, d’opportunités et
de publications, etc.), ou encore le caractère peu convivial des premières versions du
logiciel QCA (sous DOS), l’exigence de la méthode et son caractère intensif en travail,
l’absence de véritables manuels permettant de vulgariser les nouveaux outils, etc. ».
Rihoux et coll. (2004) met en évidence des études de cas versus des études centrées sur
les variables permettant de renforcir l’intérêt de la QCA comme méthode de recherche.
Les auteurs soulignent l’importance de saisir l’opportunité que propose la QCA quant à
la nature de l’échantillon. Elle met en évidence certaines différences entre les études de
cas et celles axées sur les variables.
127
Au niveau des objectifs généraux, l’étude de cas permet l’utilisation d’un nombre
restreint de cas en fonction de leur importance par rapport à une étude centrée sur les
variables qui tentent de travailler avec un grand nombre de cas. Alors que dans l’étude
de cas on tente d’expliquer des situations ou des phénomènes, le deuxième type d’études
vise à identifier la relation entre des variables indépendantes et une variable dépendante.
Elle permet d’avoir des données objectives, mais qui ne renferment pas d’explications
ou de justification compte tenu du contexte.
Au niveau du choix des cas, l’étude de cas les traite comme une entité singulière et
entière. Toutefois, il peut être ardu de catégoriser le cas sélectionné en le comparant à
d’autres. L’étude approfondie d’un seul cas aboutit parfois au développement d’une
catégorie conceptuelle totalement nouvelle, ce qui peut avoir des implications
importantes pour les théories et typologies existantes. Dans le cas des études centrées sur
les variables, peu d’énergie est consacrée à la démarche de constitution des cas et des
populations. L’enjeu principal est de savoir comment obtenir un échantillon qui soit
représentatif de la très grande population qui est supposée être à disposition du
chercheur.
La recherche qualitative peut se caractériser par son ciblage sur des phénomènes qui sont
intéressants précisément parce que le nombre de cas est limité. Typiquement, ces
phénomènes sont de grandes échelles et sont historiquement limités, et donc non
génériques. La population des cas pertinents pour une recherche peut être limitée par
l’occurrence historique d’un nombre peu élevé, voire d’un seul cas (Rihoux et coll.,
2004). A contrario, dans des recherches qualitatives, l’apport du nombre de cas n’est
jamais limité en ce sens que le chercheur tentera d’utiliser le plus grand nombre possible
de cas compte tenu de son échantillon et de son contexte.
128
Au niveau de la théorie, l’objectif principal est d’expliquer le comment des phénomènes
étudiés. La théorie joue un rôle important d’orientation en apportant de précieuses
indications et des concepts-guides pour la recherche empirique, mais la théorie existante
est rarement suffisamment bien formulée que pour fournir des hypothèses explicites
(Lehoux et coll., 2004). Dans les études centrées sur les variables, on accorde une
importance majeure aux tests de théories qui sont souvent caractérisés par une
dimension scientifique. On encourage les chercheurs à demeurer très près du modèle
scientifique. On suppose que dans ce type d’étude, la théorie est suffisamment bien
développée pour permettre la spécification d’hypothèses falsifiables et que la
connaissance scientifique va progresser à travers le rejet d’idée théorique que l’on ne
parvient pas à soutenir empiriquement. La méthodologie quantitative permet en
conséquence de départager des théories rivales.
Ragin propose une méthode originale se démarquant des approches précédentes.
L’auteur se base ainsi sur la méthode comparative qui est orientée sur les études de cas,
et y apporte une sophistication méthodologique permettant de traiter spécifiquement des
variables et d’effectuer des comparaisons entre ces dernières pour différents cas (Fiss,
2007; Chanson et coll., 2005; Chanson, 2006). Selon Rihoux (2009), il explique la QCA
de la façon suivante:
«Elle permet de prendre en compte la complexité des relations de causalité et,
notamment, le fait que des combinaisons différentes de conditions peuvent générer le
même résultat, tout en respectant le principe de parcimonie et de généralisation
modeste».
L’utilisation de la méthode QCA favorise un traitement qui n’est pas séquentiel puisque
ce n’est qu’une fois l’ensemble des cas analysés que le chercheur peut les comparer. La
129
QCA ne privilégie aucun cas puisque chacun y est traité de la même façon. Une des
particularités de la QCA consiste à permettre au chercheur si les facteurs explicatifs
provenant des cas s’avèrent insuffisants de revenir sur ses travaux. Dans ces
circonstances, il est permis au chercheur de retourner à son analyse afin de déterminer de
nouvelles causes qu’il avait, pour de multiples raisons, omises (Chanson, 2006).
La QCA prend désormais ses bases sur l’algèbre booléenne pour mener une analyse
systématique des différents cas étudiés. Cette adaptation permet de réunir à la fois les
tenants de l’approche qualitative ainsi que ceux de l’approche quantitative. Elle apporte
ainsi un éclairage spécifique sur certaines réalités complexes tout en augmentant sa
généralisation grâce au traitement de l’analyse booléenne. On note dans la figure 15 la
table de vérité qui définit la façon dont s’articule la méthode booléenne en configurant
de façon binaire chacune des variables aux différents cas. Ragin (1987) propose donc un
résultat égal à 1 ou 0 qui permet la plus grande minimisation possible.
D’un point de vue opérationnel, le chercheur doit sélectionner préalablement la variable
dépendante à étudier. Chanson et coll. (2005) note qu’avec la logique de l’algèbre
booléenne, cette variable prend deux valeurs (1 ou 0) selon la présence ou non du
phénomène étudié dans le cas concerné. Sur la base d’un ensemble d’études de cas
approfondies, le chercheur sélectionne ensuite les différentes variables indépendantes
qu’il fera intervenir dans son modèle explicatif. Campbell (1984) suggère de tirer parti
des capacités de discernement que procure une connaissance approfondie des situations
étudiées. Pour ce faire, une bonne connaissance de nombreux cas permettra aux
chercheurs de choisir les variables les plus pertinentes dans l’explication. Comme la
variable dépendante, les variables indépendantes prennent deux valeurs (0 ou 1) qui
correspondent à la présence ou l’absence d’une condition.
130
FIGURE 15 EXEMPLE DE TABLE DE VÉRITÉ Configuration Technologie Taille Rareté_
MO
Niche Management
progressiste
Nombre
de cas
1 0 0 0 0 0 1
2 1 0 0 0 0 1
3 0 1 0 0 0 1
4 1 1 0 0 1 1
5 0 0 1 0 0 3
6 1 0 1 0 0 3
7 0 1 1 0 1 2
8 1 1 1 0 0 3
9 0 0 0 1 0 0
10 1 0 0 1 0 0
Source : chanson et coll., 2005
Une bonne connaissance du phénomène et des terrains d’étude doit permettre au
chercheur de dichotomiser de façon satisfaisante ses variables. La figure 16 est tirée de
Beaujolin-Bellet et coll. (2012) et démontre la structure du déploiement des variables
avec les différentes variables et leur description respective. Afin de pouvoir codifier la
valeur de 1 ou 0, le chercheur doit définir clairement dans quelle mesure on peut
qualifier la valeur 1. Dans cette figure, le chercheur pourra codifier la valeur 1 à la
variable de la légitimité s’il y a le respect d’au moins deux des trois critères de légitimité
soulevés. Cette façon de procéder permet une plus grande compréhension de chaque
variable quant à leur applicabilité et permet une codification nécessaire à l’utilisation de
la table de vérité.
131
FIGURE 16 EXEMPLE DE VARIABLES RETENUES AVEC LA QCA Variables Nom Description
Employabilité Empl 1 si employabilité élevée des salariés
touchés par la restructuration ; 0 sinon
Légitimité Leg 1 si respect d’au moins deux des trois
critères de légitimité (contexte de déclin,
effort d’évitement des suppressions
d’emplois, effort de mise en débat de la
décision de restructuration) ; 0 sinon
Ressources Ress 1 si l’entreprise dispose de ressources
importantes pour l’accompagnement
social de la restructuration, 0 sinon
Historique des relations
sociales
rel_soc 1 si existence dans le passé de relations
sociales de qualité, 0 sinon
Présence de syndicats actifs Synd 1 si présence de syndicats réellement
actifs et influents ; 0 sinon
Efforts de reclassement recla 1 si effort de reclassement élevé au regard
de ce qui est imposé par la loi; 0 sinon
Indemnité financière ind-fin 1 si indemnité financière supérieure à ce
qui est imposé par la loi; 0 sinon
Source : Beaujolin-Bellet et coll., 2012
132
Selon Miles et Huberman (2003), il existe de multiples stratégies pour analyser les
données qualitatives collectées sur des cas multiples. Yin (1994) souligne que la
réplication permet de confronter un cas à quelques autres afin d’obtenir la réplication.
Toutefois, la QCA permet de comparer les cas qu’une fois ceux-ci analysés. En cours
d’analyse, il est possible que le chercheur considère les facteurs explicatifs insuffisants
et soit alors amené à retourner à l’analyse afin d’identifier de nouvelles causes qui, pour
de multiples raisons, auraient été ignorées. Contrairement à la méthode qualitative, la
QCA ne privilégie aucun cas (Chanson, 2006). Leur traitement se veut égalitaire dans
l’approche du chercheur quant aux différences et aux points de rapprochements.
Ultimement, si la comparaison montre que les cas qui partagent une même
caractéristique aboutissent à un même résultat, alors cette dernière peut être considérée
comme une condition de ce résultat (Chanson, 2006). Le principe des allers-retours dans
la QCA constitue une étape primordiale afin d’augmenter la validité des résultats qui en
fonction de la connaissance des cas et de l’évolution des connaissances du chercheur
permettra d’obtenir de meilleurs résultats. Il s’agit d’une force de la QCA en permettant
de revenir et de procéder à de multiples ajustements afin de mieux cerner l’évolution de
la recherche.
Ragin (1987) s’est montré relativement discret sur le processus de sélection des
variables. Le chercheur peut utiliser une approche de nature déductive et proposer des
variables identifiées par la littérature en permettant de comparer le pouvoir explicatif de
théories différentes (Chanson, 2006). L’approche peut également être inductive et faire
émerger de l'étude des cas les variables propices à la recherche. Se refusant à formaliser
cette étape, Ragin (1987) propose plutôt une certaine flexibilité :
« Generally, Boolean techniques should not be used mechanicaily [...] it is important to
emphasize that the construction of a truth table involves considerable effort - an
intellectual labor that has been taken granted in ail these examples. To construct a
133
useful truth table, it is necessary to gain familiarity with the relevant theories, the
relevant research literature, and, most important of all the relevant cases » (Ragin 1987,
p. 121).
L’intérêt de la diffusion et la légitimation de la QCA en gestion pourraient ainsi
conduire à multiplier les recherches comportant un nombre de cas intermédiaire entre
méthodes qualitatives et méthodes quantitatives traditionnelles (Chanson et coll., 2005).
Selon ces derniers, la QCA possède le potentiel d’augmenter significativement sa
prépondérance malgré le peu d’études à l’heure actuelle. La légitimation de la QCA en
gestion permettrait ainsi aux chercheurs de ne plus abandonner trop rapidement des cas
pour répondre aux critères des méthodologies qualitatives ou de ne plus chercher
systématiquement à multiplier les individus pour obtenir une étude quantitative
considérée comme valide ou intéressante (Chanson et coll., 2005). La figure 17 fait
ressortir différentes études ayant utilisé la méthode de la QCA. On retient celles
concernant les sciences de la gestion comme Coverdill et Findlay (1995), Curchod
(2003), Fiss (2007), Grekhamer et coll. (2008), Kogut et Ragin (2006), Marx et coll.
(2007) et Stevenson et Greenberg (2000). Toutefois, il faut souligner que dans le
domaine des relations industrielles et de la gestion des ressources humaines, la QCA est
encore trop peu utilisée. Il importe de souligner ses bénéfices afin d’augmenter sa
diffusion et sa légitimité.
134
FIGURE 17 ÉTUDES EMPIRIQUES UTILISANT LA QCA Études Nombre
de cas
Unité
d’analyse
Échantillon
exhaustif
Nombre
de
variables
Cas
logiques
Cas
contradictoires
Gestion
Coverdill et
coll., 1994
22 Entreprise
s
Non 4 Oui Oui
Mc Donald,
1996
144 Managers Non 11 Oui? Non
Stevenson et
Greenberg,
2000
12 Processus
décisionne
l
Oui 3 Oui Oui
Romme, 1995 22 Entreprise
s X
périodes
Non 4 Oui Non?
Curchod et al,
2003
16 Pays Oui 4 Oui Oui
Curchod,
2003b
4 Sites
d’interméd
iation
Non 2, 5, 10 Oui Non
Sociologie
Hicks et coll.,
1995
15 Pays Quasi 5 Oui Non
Britt, 1998 38 puis
74
Familles Non 2 Non? Oui
135
Amenta et
Halfmann,
2000
66 Sénateurs ? 4 Oui Oui
Haworth-
Hoeppner,
2000
30 Femmes Non 4 Oui Non?
Cress et Snow,
2000
15 Associatio
ns
Non 5 Oui Oui
Gran et
Aliberti, 2003
193 Pays Quasi 5 Oui Oui
Sciences politiques
Amenta et
Poulsen, 1996
32 puis
33
États US Quasi 5 Oui Oui
Redding et
Viterna, 1999
18 Pays Quasi 5 Oui Oui
Santé publique
Hollinsworth
et Ragin, 1996
36 Pays*date
s
Non 4 Oui Non
Harkreader et
Himerschein,
1999
27 Sessions
législative
s
Quasi 7 Oui Oui?
Melinder et
Anderson,
2001
12 Pays Quasi 5 Oui Oui
Source : Chanson et coll., 2005
136
Le traitement de l’analyse booléenne permet de mettre en évidence différents types de
solutions. En utilisant le logiciel QCA, nous ferons ressortir des solutions de types
complexes, parcimonieuses et intermédiaires. La différence entre ces différents types se
situe au niveau de la minimisation booléenne qui veut éliminer des équations les
variables ou conditions qui sont constamment absentes. Nous allons, dans le cadre de
cette thèse, utiliser principalement les solutions de type complexe, même si nous allons
exposer l’ensemble des types de solutions dans l’analyse des résultats.
Au niveau des résultats, chaque solution va être identifiée avec certains symboles. Nous
pourrons voir, à titre d’exemple les symboles suivants :
leg * surv = 0,600000
~pgrh * surv * resp = 0,567456
On peut constater que le symbole « * » signifie une addition. Dans l’exemple ci-haut, la
variable de la légitimité est additionnée à celle de la gestion des survivants pour y
donner une valeur de 0,600000.
Le symbole « ~ » signifie que dans la combinaison de variables retenues, on retient les
cas dont la pgrh est négative ainsi que l’addition de la variable gestion des survivants et
de la responsabilité sociale.
Évidemment, nous allons retenir les conditions et combinaisons de conditions qui
affichent la plus haute valeur afin d’expliquer les conditions de succès des
restructurations.
137
2.4.3. La QCA en sciences de la gestion
Pour les chercheurs en sciences de la gestion, la méthode QCA présente des avantages
évidents par rapport aux deux choix méthodologiques offerts traditionnellement. Par
rapport aux méthodologies qualitatives, elle permet de traiter un nombre de cas plus
important (supérieur à 10) tout en favorisant une comparaison rigoureuse entre ces
derniers (Chanson et coll., 2005). L’algèbre booléenne facilite la phase de réduction des
données par rapport aux approches qualitatives traditionnelles (Chanson et coll., 2005).
La rigueur de la QCA repose également sur la nécessité d’expliciter les variables
étudiées (Chanson et coll., 2005). Elle réside, enfin, dans l’obligation de réfléchir aux
combinaisons de variables non observées empiriquement (Chanson et coll., 2005). Par
rapport aux méthodologies quantitatives, la méthode QCA permet de traiter de plus
petits échantillons tout en préservant une rigueur d’analyse. Elle oblige, tout comme
pour le qualitatif, à présenter les codages opérés pour les différentes variables autorisant
ainsi le lecteur à juger de la pertinence ou non de ces codages (Chanson et coll., 2005).
La QCA conduit également, grâce à l’hétérogénéité causale, à identifier potentiellement
plusieurs combinaisons de variables expliquant le phénomène étudié (Chanson et coll.,
2005). On constate que les méthodologies quantitatives traditionnelles ne démontrent
qu’une explication unique d’un phénomène. L’hétérogénéité causale repose sur la
sensibilité au cas dans la méthode QCA. Alors que les méthodes quantitatives
traditionnelles s’appuient sur l’analyse de la variance, la QCA met en évidence les
conditions suffisantes et nécessaires à l’apparition d’un phénomène (Amenta et Poulsen,
1996).
138
Un point sensible de la QCA constitue la notion d’échantillon. Celui-ci est-il
représentatif ? Les résultats sont-ils significatifs ? Les résultats sont-ils généralisables ?
Contrairement à la sociologie ou aux sciences politiques qui travaillent sur des
échantillons quasiment exhaustifs, les sciences de la gestion étudient les organisations.
Puisqu’il est impossible de mener une étude QCA sur toutes les organisations, il faut
donc se rabattre sur différentes stratégies afin de conserver l’exhaustivité de
l’échantillon. Selon Chanson et coll. (2005), le chercheur peut réserver la méthode à des
populations de taille limitée, limiter la population étudiée en circonscrivant le champ
d'analyse à des organisations très spécifiques et peu nombreuses ou utiliser la QCA pour
l’étude de phénomènes intra organisationnels, car au sein d'une organisation, si grande
soit-elle, le chercheur appréhende un univers borné.
Dans le cas où l’exhaustivité fasse défaut, le chercheur utilisant l’analyse QCA sera
confronté à un problème de généralisation statistique. Ainsi, la validité externe peut
s’avérer difficile à établir. L'approche QCA requiert donc un échantillon qui s'inscrit
dans un périmètre de recherche précisément défini. La QCA est une méthode qualifiée
de sensible au cas puisque chaque configuration observée est prise en compte dans la
minimisation booléenne (Chanson et coll., 2005). La validité externe des conclusions
basées sur les occurrences observées est donc étroitement liée à l'univers prédéfini de la
recherche (Chanson et coll., 2005).
2.5. La procédure d’échantillonnage
Afin de déterminer notre échantillon, nous allons utiliser quatre critères
d’échantillonnage. Le premier critère se définit comme étant un fabricant de meubles
québécois. Il s’agit du secteur d’activité étudié. Le deuxième critère vise à réduire les
entreprises sélectionnées en fonction de leur taille. Le troisième vise à regrouper les
entreprises dans un territoire limité. Le quatrième critère vise à retenir la présence de
pratiques de ressources humaines soutenues. Le critère du contexte syndical pourrait
139
être intéressant à traiter afin d’investiguer s’il existe des différences entre un contexte
syndiqué et non syndiqué. Toutefois, dans notre échantillon, la forte majorité des
entreprises sont non syndiquées. Il appartiendra à d’autres chercheurs de tester cette
hypothèse dans de futures recherches.
Le premier critère est celui de s’assurer que les entreprises sélectionnées sont des
fabricants de meubles québécois. Pour ce faire, nous avons sélectionné les entreprises en
fonction de leur appartenance à l’Association des fabricants de meubles du Québec
(AFMQ). Nous avons pris contact avec un dirigeant de cette association afin d’obtenir
non seulement la liste des entreprises, mais également plusieurs informations utiles sur
chacune ainsi que les personnes ressources à contacter. Il peut parfois s’avérer difficile
de s’introduire pour le chercheur dans un milieu d’étude, or, l’AFMQ a permis de
faciliter les amorces de même que la légitimité de la recherche.
Le deuxième critère repose sur la localisation géographique dans l’axe du fleuve St-
Laurent entre la ville de Québec et de Montréal et s’explique par de nombreuses
raisons. Cet axe renferme un bassin suffisamment grand d’entreprises afin de satisfaire
aux principes d’échantillonnage. Deuxièmement, afin de pouvoir assurer la profondeur
de collectes de données nécessaires, de nombreuses présences sont souhaitables pour
chaque cas de sorte que la distance s’avère déterminante pour la faisabilité de la
recherche. Cela permettra d’avoir un plus grand contrôle sur notre échantillon. De plus,
des limites concernant le budget attribué à la recherche ont favorisé le critère de la
localisation géographique. Le Québec étant un vaste territoire représentant pratiquement
une douzaine d’heures entre les entreprises opposées au niveau du territoire, cela
engendrait des difficultés de déplacement, d’horaire et bien entendu de finance.
140
Le troisième critère est celui de la taille de l’entreprise. Afin de s’assurer que des
pratiques de ressources humaines soient présentes, cette recherche privilégiera des cas
qui emploient plus de 25 salariés. Il est de mise afin d’étudier des cas de restructuration
d’avoir des pratiques de ressources humaines organisées. À cet effet, les variables
retenues comme le maintien des pratiques de gestion des ressources humaines
nécessitent la présence d’un service des ressources humaines. Sinon, cela influencerait
considérablement les résultats en les rendant moins significatifs. Cela permettra
d’obtenir des cas ayant une certaine homogénéité. Lorsqu’une entreprise est de très
petite taille, les pratiques de gestion des ressources humaines sont souvent minimalistes.
Ces entreprises ne pourraient être représentatives de la question de recherche et
viendraient fausser les résultats. Par ailleurs, il serait pertinent d’étudier les pratiques et
façons de faire des petites entreprises quant à leur capacité à effectuer une
restructuration avec succès, mais il appartiendra à d’autres chercheurs d’investiguer à ce
niveau.
Le quatrième critère, connexe au deuxième, doit assurer que les entreprises possèdent un
système de gestion des ressources humaines. Il est vrai que la plupart des entreprises
possèdent un minimum de pratiques de gestion des ressources humaines, mais elles
doivent également avoir des pratiques visant à obtenir une valeur ajoutée à
l’organisation. Ainsi, certaines entreprises se limitent à des activités qui n’ajoutent aucun
bénéfice à l’organisation comme la gestion de la paie, la gestion du temps de travail, etc.
Le fait d’avoir en place un service de gestion des ressources humaines va permettre
d’analyser ces entreprises dans l’optique qu’ils ont les ressources nécessaires afin de
réagir et d’organiser leur restructuration. À titre d’exemple, dans une petite entreprise, il
arrive souvent que le responsable de la production soit également l’«Homme à tout
faire» au niveau de la gestion des ressources humaines. On ne peut s’attendre de ce type
d’organisation les mêmes comportements et les mêmes pratiques qu’une entreprise ayant
des spécialistes de la gestion des ressources humaines.
141
2.6. Instruments de la collecte de données
La collecte de données sera réalisée en deux temps. La première vise à la réalisation
d’études de cas afin de consolider les variables indépendantes pour le traitement
booléen. La littérature associée à la QCA prescrit que le chercheur doive avoir une
bonne connaissance du phénomène étudié pour en extraire les variables que l’on
confrontera ultérieurement à la méthode booléenne. Cette étape est particulièrement
importante et nécessitera plusieurs méthodes de collectes de données.
La première méthode est la recherche documentaire sur l’entreprise en fonction
d’informations secondaires pour mieux connaître l’entreprise ainsi que pour obtenir une
plus grande compréhension des sources qui influencent les environnements internes et
externes de nos cas. Différents ouvrages comme les articles de la presse écrite ont
permis d’obtenir des informations pertinentes sur chacun des cas. La recherche sur le
Web a notamment été fructueuse en ayant accès à des écrits remontant jusqu’au début
des années 2000. Pour compléter ces informations, il nous a été possible d’obtenir à
l’interne plusieurs types de documents comme des chartes de valeurs, des procédures et
diverses informations permettant d’affiner notre compréhension des cas.
La deuxième méthode, l’entrevue semi-dirigée s’avère déterminante. Savoie-Zajc (1998)
la définit comme une interaction verbale de façon souple par le chercheur. La QCA
prescrit que le chercheur doive faire l’étude de cas dans des milieux pratiques dans
lesquelles il a une bonne connaissance afin de faire émerger ou consolider les variables
qui serviront au traitement booléen. En fonction du flux de l’entrevue, le chercheur
abordera des thèmes généraux sur lesquels il souhaite entendre le répondant, permettant
de dégager une compréhension riche du phénomène étudié (Rispal, 2002). Grâce à cette
méthode, le chercheur a l’avantage de recueillir de l’information précise, mais en se
gardant la souplesse d’échanger avec le répondant (Rispal, 2002). Il devient possible, au
fur et à mesure, d’adapter l’entrevue afin de faire ressortir des informations pertinentes,
142
connexes ou nécessaires pour le chercheur. Afin de structurer l’entrevue semi-dirigée,
elle doit s’accompagner d’un guide d’entrevue (Rubin, 1995). La figure 18 illustre les
avantages et les inconvénients de l’entretien, mais également d’autres techniques de
collecte de données.
FIGURE 18 QUALIFICATION DES AVANTAGES ET DES INCONVÉNIENTS DES MÉTHODES DE RECHERCHE
Méthodes Avantages Inconvénients
Observation Écoute des lieux et des acteurs
sans l’influence des discours.
Erreurs d’interprétation toujours
possibles.
Modification du comportement
des sujets observés.
Accès parfois difficile
Documents Étrangers à la recherche.
Documents formalisés et publiés :
lecture facilitée et validité
supérieure.
Force probante. Permettre de
valider ou de nuancer les propos.
Accès par fois difficile.
Intentions des auteurs à
déchiffrer a posteriori.
Les informations ne sont pas
actualisées.
Entretiens Fournissent une information
directe sur le phénomène étudié.
Modes de recueil et d’analyse
diversifiés.
Information limitée à ce que les
acteurs peuvent dire du
phénomène étudié.
Discours langue de bois toujours
possible.
Faible disponibilité des acteurs.
Source : adaptées de Rispal (2002)
143
Pour maximiser la qualité et la pertinence des informations recueillies, l’utilisation du
guide d’entrevue s’avère indispensable. Son utilisation favorisera le traitement de tous
les répondants sur un pied d’égalité puisque les sujets seront préalablement définis par le
chercheur. L’ordre des questions demeure important (Deslaurier, 1991). Le guide doit
donc être construit afin de passer de questions préliminaires à des questions spécifiques
pour compléter avec des questions complémentaires. Par ailleurs, comme le mentionne
Yin (1994), d’autres outils doivent être intégrés pour aider à mieux cerner les cas
étudiés.
Les notes ou les mémos constituent également un outil précieux pour le chercheur
qualitatif (Yin, 1994; Deslaurier, 1991). L’objectif de la prise de notes est de pouvoir
rendre compte de ce que l’entrevue ne peut révéler, c’est-à-dire ce que le chercheur voit,
ressent ou pense tout au long de l’entrevue.
On peut classifier les notes en trois catégories. Premièrement, il y a les notes
méthodologiques qui se rapportent au déroulement concret des opérations de recherches
(Deslaurier, 1991). Le chercheur codifie tout au long de la recherche les opérations
effectuées quant aux problèmes rencontrés, aux solutions envisagées, etc. Ainsi, cet
outil apporte une aide précieuse au chercheur lors de la rédaction du travail de recherche
puisque les notes relatent l’historique de la démarche.
Deuxièmement, on retrouve les notes théoriques qui servent à donner un sens et une
cohérence aux différentes observations (Deslaurier, 1991). Que ce soit à propos
d’intuitions, de réflexions, d’interprétations ou d’hypothèses, les notes théoriques
permettent au chercheur de structurer sa pensée et sa direction.
144
Troisièmement, le chercheur peut se servir de notes descriptives ou d’un tableau de bord
qui s’articule en fonction du lieu, des acteurs et des évènements. Cet outil trouve sa
pertinence en dressant chronologiquement les étapes et événements survenus lors de la
collecte de données.
Finalement, la dernière méthode utilisée sera les données secondaires qui permettent de
jeter un regard plus analytique sur les cas étudiés en s’arrêtant sur leur historique, sur les
moments charnières et sur leurs pratiques en générales. Ces documents, surtout issus de
diverses publications comme les journaux, les rapports d’activités, revues ou
publications professionnelles ou sur les sites Web constituent des sources de
documentation efficaces.
Suite à la collecte de données des cinq premiers cas qui auront permis de déterminer les
variables de notre modèle explicatif, nous allons intervenir dans le traitement de
l’analyse booléenne sur nouveaux 20 cas tout en intégrant les données recueillies lors
des cinq études de cas réalisés pour porter notre nombre de cas à 25. La collecte de
données se fera en fonction de différentes données recueillies dans des documents de
l’Association des fabricants de meubles du Québec. Nous allons également grâce à un
entretien téléphonique avec un dirigeant des ressources humaines de chaque cas valider
les informations préalablement recueillies. Cela permettra de réduire à sa plus simple
expression le modèle explicatif. Grâce aux variables indépendantes, nous pourrons
construire la table de vérité et codifier en valeur binaire les résultats. Nous nous
donnerons l’opportunité, comme la QCA le prescrit, l’opportunité de faire des allers-
retours afin de préciser les variables indépendantes et obtenir des résultats significatifs.
Nous serons en mesure de déterminer quelles sont les conditions de succès nécessaires
dans le cadre d’une restructuration dans le secteur d’activité de l’industrie du meuble
québécois.
145
2.7. Validité externe
La généralisation des résultats est assurée par l’échantillon contrôlé d’entreprises
provenant du secteur du meuble et qui respecte certaines caractéristiques afin d’assurer
l’homogénéité des cas. Nous avons vu que les entreprises font toutes partie de
l’Association des fabricants de meubles du Québec afin d’assurer cette homogénéité.
Ces entreprises ont également certaines caractéristiques communes dont notamment en
termes de nombre d’employés et de structure de service de gestion des ressources
humaines. Ces caractéristiques renforcissent l’homogénéité des cas afin de permettre de
comprendre les configurations de combinaisons permettant d’expliquer le succès des
restructurations.
2.8. Validité interne
En ce qui concerne la validité interne, nous avons tenté de considérer le plus d’éléments
possible afin d’étudier le phénomène en débutant avec la liste des conditions de succès
de Cameron (1994). Une analyse inductive nous a permis de faire émerger les conditions
explicatives dans l’industrie du secteur de meuble. Ainsi, au fur et à mesure que
l’analyse des cas préliminaires a progressé, plusieurs conditions ont été naturellement
mises de côté. Nous avons pu écarter les cas rivaux en raison de la bonne connaissance
des cas. Cette compréhension du secteur d’activité a été bénéfique pour la déterminaison
du nombre de cas retenu (Eisenhardt 1989), de la disponibilité des personnes à plus
d’une reprise et de la validation de certaines informations avec les sources de données
secondaires.
2.9. Éthique
Le chercheur en gestion étant souvent dans une relation d’infériorité avec les personnes
avec qui il travaille dans sa démarche de collecte de données, il convient de se protéger
en établissant formellement un contrat régissant quelques règles d’éthique (Usinier et
146
coll., 2000). Les questions d’éthique sont davantage soulignées dans la recherche
qualitative (Usinier et coll., 2000). Il faut donc se prémunir des situations ambiguës en
consignant par écrit notre relation avec les acteurs, les données de la collecte, de
l’interprétation des données et la publication des résultats de la recherche.
Plus précisément, au niveau des acteurs que nous allons rencontrer, nous devrons leur
fournir par écrit les objectifs clairs de notre étude ainsi que sa portée. La communication
écrite fera mention du programme de doctorat, sa structure, les modalités d’intervention
dans l’entreprise et l’échéancier prévu.
Pour la question de la publication des résultats, un compte-rendu des résultats de la
rencontre devra être mis à la disposition des participants. Ce document permettra aux
personnes rencontrées de valider ou infirmer leurs propos. Certains aspects de la
recherche peuvent être rendus anonymes avant que la thèse soit publiée. Ainsi, il n’est
pas rare de rendre anonyme le nom d’entreprise des cas, de même que les personnes
interviewées. Dans les cas utilisés dans cette thèse, une majorité de cas ont soumis des
réserves sur la publication du nom de l’entreprise. Nous avons décidé de rendre les noms
des entreprises confidentiels pour l’ensemble des cas traités pour leur assurer un
anonymat total.
2.10. Limites et suggestions
Cette recherche aura comme retombées de permettre à la communauté scientifique et
d’affaires d’avoir une étude mettant l’accent sur les conditions de succès d’une
restructuration dans l’industrie du meuble au Québec. Il est certain cependant que la
présente recherche n’échappe pas à certaines limites. La principale limite s’avère la
subjectivité des résultats quant aux informations perçues. Les variables déterminées par
le chercheur renferment leur part de subjectivité. Pourquoi avoir choisi certaines
147
variables et en avoir ignoré d’autres. Un autre chercheur aurait-il retenu les mêmes
variables. Les études de cas qui serviront à alimenter la recherche et développer les
variables demeurent sujettes à une certaine subjectivité dans un secteur d’activité précis.
La présente recherche générera des théories locales qui ne seront pas nécessairement
transférables ou généralisables aux autres secteurs d’activité. En fonction du modèle
déployé, il serait intéressant que d’autres chercheurs travaillent sur une recherche
empirique quantitative afin de valider le modèle présenté dans d’autres secteurs
d’activités. Comme nous l’avons fait pour les travaux de Cameron en soulignant
certaines limites, la présente recherche renferme son lot de limites qui ouvre la porte à
d’autres chercheurs de continuer les investigations et augmenter les connaissances en
affinant la recherche avec un angle et des paramètres différents.
2.11. La sélection des cas traités
Dans une recherche basée sur la QCA, la taille de l’échantillon s’avère un aspect
déterminant. Le nombre de cas étudié, nous l’avons vu précédemment, sera supérieur à
ce que l’on retient en qualitatif, mais inférieur à l’utilisation du quantitatif. Cela permet
de bénéficier de toute la richesse du qualitatif en augmentant le nombre de cas étudiés.
Compte tenu du secteur d’activité qui nous intéresse, soit l’industrie de la fabrication de
meubles au Québec, nous avons dressé une liste des fabricants de meubles québécois
grâce à la collaboration de l’Association des fabricants de meubles québécois (AFMQ)
tel que démontré au tableau 2. Nous pourrons bénéficier d’informations essentielles qui
permettront d’utiliser la liste de l’AFMQ afin d’y juxtaposer nos critères d’échantillon.
148
TABLEAU 2 LISTE DES FABRICANTS DE MEUBLES QUÉBÉCOIS SELON L'AFMQ Entreprise Entreprise
1. Meubles Canadel 35. Giguère et Morin
2. Groupe Bermex 36. Huppé meubles
3. Meubles AP 37. Meubles Idéal
4. Arseno 38. Meubles Italdivaldie
5. Artopex 39. Jaymar
6. Alphavic 40. Meubles JLM
7. Industries Amisco 41. Groupe Lacasse
8. Les anciens 42. Meubles Leadeale
9. Arboit Poitras 43. Liinz
10. Julien Beaudoin 44. Loevel Morcel
11. Meubles Belisle 45. Mobiliers de bureau Logiflex
12. Bermex 46. Masson et fils
13. Bertanie 47. Meubles BDM+
14. Bestar 48. Midi
15. BSG 49. Meubles Mobican
16. Buggatti Design 50. Norteck
17. Meubles Busch 51. Meubles Nouveau concept
18. Camien 52. La perfection du meuble
19. Industries Caron 53. Pratte Morissette
20. Meubles Cathedra 54. Pulsion Québec
149
21. Meubles Concept traditionnel 55. Industries Rouillard
22. Conception M.B. 56. Fabrication Sedia
23. Meubles Concordia 57. Shermag
24. Création Viebois 58. South Shore
25. Crinar 59. Meubles St-Damase
26. H.P. Cyrenne 60. Meubles St-Paulin
27. Dezmo 61. Meubles Tomali
28. Diffusion Desqua 62. Meubles VA
29. Dinec 63. Trica
30. Dutaillier 64. Vaisseliers JB & filles
31. Ameublement El-Ran
65. Meubles Via
32. Meubles Foliot 66. Vic Mobilier
33. Fomirama 67. William
34. G. Romano 69. Zedbed
Compte tenu des critères d’échantillonnage retenus précédemment, nous avons pu
dresser une liste officielle des entreprises avec lesquelles nous allons travailler afin de
collecter les informations nécessaires à notre recherche. Il convient de rappeler que des
contacts préliminaires ont été réalisés à chacune des entreprises sélectionnées pour
assurer leur pleine collaboration et leur intérêt à participer à cette recherche. Ce premier
contact visait à présenter le chercheur, les visées de la recherche et les moyens utilisés
pour la collecte de données. Trois entreprises ont signifié leur manque d’intérêt en raison
du manque de temps pour les deux premières et d’un manque d’intérêt pour la troisième
entreprise. Le tableau 3 présente les cas qui ont été sélectionnés ainsi que leur statut au
150
niveau de la recherche. Cinq cas seront utilisés pour la phase de l’étude de cas alors que
20 cas sont nécessaires pour le traitement de la phase booléenne. Il faut préciser que
suite à la demande de la majorité des entreprises, il a été obligatoire de dépersonnaliser
les cas afin de conserver l’anonymat des entreprises et de leur gestionnaire. Le fait que
le sujet des restructurations constitue un sujet sensible à l’épiderme organisationnel a été
soulevé. Puisque cela n’influence pas les résultats ni ne les altère, nous avons procédé au
changement de nom des cas utilisés et nous n’évoquerons pas le nom des personnes
rencontrées. Nous allons uniquement les appeler par leur titre professionnel dans
l’entreprise tels que le directeur des ressources humaines ou le président de l’entreprise.
TABLEAU 3 LISTES DES CAS POUR LES FINS DE LA THÈSE Entreprise pour l’analyse de cas Entreprise pour le traitement booléen
Meubles Louiselle Appex
Meubles Codex Star
Meubles Tableau Astérix
Beaulit Jolie
Salec Sinesco
Sisigras
Mégère
Novello
Hautain
Italien
Angelile
Matec
151
Italien
Ici
Mia
Concept
Illinois
Ouvrier
Agassi
Delabrise
2.12. Conclusion du chapitre II
Les choix méthodologiques traités dans le cadre du chapitre II ont permis de fournir une
direction claire sur l’orientation de la thèse. Compte tenu des options méthodologiques à
notre disposition, et en fonction de notre questionnement à savoir quelles sont les
conditions de succès des restructurations, la méthode de l’analyse comparative s’est
imposée comme celle permettant de traiter du nombre suffisant de cas à notre
disposition. Alors qu’avec les méthodes classiques qualitatives et quantitatives, notre
échantillon n’aurait su répondre aux normes de la recherche scientifique, l’analyse
comparative le permet en y allant d’une combinaison des deux méthodes grâce à l’étude
de cas suivie de l’analyse booléenne.
En développant sur la situation économique et les déterminants qui expliquent le déclin
du secteur manufacturier des fabricants de meubles québécois, nous avons mis en place
les explications nécessaires pour commencer la collecte de données dans le chapitre III.
152
2.13. Résumé du chapitre II
Le premier chapitre a permis de préciser le concept des restructurations sous ces
différents angles. Différentes conditions et effets ont été évoqués afin d’expliquer le
succès d’une restructuration en regard des différentes justifications que les auteurs sur le
sujet ont évoquées ces 25 dernières années.
Le deuxième chapitre a explicité les choix méthodologiques. Nous avons, dans un
premier temps, mis à l’avant-plan le secteur manufacturier et la situation dans lequel il
se retrouve tant sur le plan local, national et international. Par la suite, nous avons
développé d’un plan méthodologique sur le milieu précis que nous traiterons. Le secteur
d’activité des fabricants de meubles québécois constitue un choix judicieux puisqu’il a
subi de multiples secousses depuis une quinzaine d’années ce qui a justifié l’application
de plusieurs restructurations.
Nous avons continué le développement des choix méthodologiques en identifiant et en
expliquant l’analyse comparative comme méthode de recherche. Nous avons justifié les
raisons pour ce choix et les spécificités de cette méthode et l’apport en sciences de la
gestion. Nous avons également démontré les distinctions par rapport aux méthodes
traditionnelles comme la méthode qualitative et quantitative. Finalement, nous avons
dressé l’évolution de la structure d’échantillonnage afin de passer de la liste complète
des entreprises faisant partie de l’AFMQ à une liste de cinq cas pour la première phase
et de 20 cas supplémentaires pour la seconde phase de l’analyse comparative.
Le troisième chapitre mettra de mettre à l’épreuve les conditions que nous avons
identifiées préliminairement en fonction de la connaissance du chercheur des entreprises
analysées. Nous verrons cinq études de cas qui nous permettra de cristalliser les
variables sélectionnées ou de procéder à des ajustements comme l’encourage la QCA.
153
Chapitre III
L’approfondissement des variables par l’étude de cas
154
Chapitre III L’approfondissement des variables par l’étude de cas
3. Introduction
Ce chapitre permettra de préciser les conditions de succès pour lesquelles nous avons
déterminé qu’elles étaient significatives en raison de notre connaissance du secteur
d’activité choisi. Nous allons mettre à l’épreuve ces conditions dans cinq études de cas
afin de consolider la validité de ces conditions. Chacun des cas sera traité de la même
manière.
Dans un premier temps, nous allons recueillir les informations sur chaque cas dans le
cadre de nos recherches dans les médias et sur le Web. Nous allons ensuite procéder à
une entrevue semi-dirigée avec le président de l’entreprise, le directeur général ou le
directeur des ressources humaines. Nous aurions aimé que ce soit la même fonction pour
les cinq cas, mais des contraintes de temps et occupationnelles ont été soulevées. Une
grille d’entrevue a été conçue afin d’uniformiser la structure de l’entrevue. La grille
d’entrevue permet d’une part d’obtenir des réponses à des sujets précis en s’assurant de
traiter de tous les aspects désirés pour le bien de la recherche et d’autre part, assurer un
traitement uniforme pour les cinq cas. Les entrevues ont duré environ de 60 à 90 minutes
et ont été réalisées dans des contextes favorables exempts de distraction. Chaque cas a
été enregistré afin d’assurer la plus grande exactitude possible des propos recueillis dans
le traitement des données. Pour certains cas, un retour téléphonique a été nécessaire pour
fournir des explications supplémentaires lorsque qu’une zone de floue était présente.
À l’aide du questionnaire d’entrevue, nous allons recueillir des informations relatives
aux conditions de succès traitées précédemment dans le chapitre I. Pour chaque cas,
nous obtiendrons des informations concernant la légitimité, la gestion des survivants, le
maintien des pratiques de gestion des ressources humaines ainsi que la responsabilité
155
sociale. Ces cas nous permettront d’en apprendre davantage sur le secteur d’activité, sur
les conditions identifiées et sur les ajustements nécessaires en termes de variables pour
expliquer le succès des restructurations.
3.1. L’étude des cas
La QCA requiert l’étude de cas afin de déterminer les différentes variables à retenir dans
cette thèse. Dans un premier temps, nous allons présenter chacun des cinq cas étudiés.
Les entreprises sont Meubles Louiselle, Meubles Codex, Meubles Tableau, Beaulit et
Salec. Il faut prendre note que le nom des entreprises a été modifié afin de respecter la
confidentialité de celles-ci. À cette étape, ces études de cas permettront de consolider le
choix des variables et possiblement d’en ajouter le cas échéant. Les données récoltées
serviront également à l’analyse booléenne dans le chapitre IV. Le tableau 4 fait la
nomenclature des questions posées lors des entretiens pour chaque cas. Nous avons
enregistré les conversations afin d’assurer un codage adéquat ultérieurement.
TABLEAU 4 QUESTIONNAIRE D'ENTREVUE POUR LES ÉTUDES DE CAS
156
Questions générales
1. Pouvez-vous nous expliquer les débuts de votre entreprise ?
2. Dans quelle niche vous situez-vous dans votre secteur d’activité ?
3. Combien d’employés avez-vous en date d’aujourd’hui ?
4. Pouvez-vous nous indiquer un aperçu de votre chiffre d’affaires ?
Questions portant sur la restructuration
5. Pouvez-vous nous parler de votre situation organisationnelle ?
6. Avez-vous pris une décision de procéder à une restructuration ?
7. À partir de quel moment avez-vous pris la décision de procéder à une
restructuration?
8. Quelles actions avez-vous entreprises ?
9. Quelles étaient vos raisons pour procéder ?
10. Quels messages avez-vous donnés à vos employés ?
11. Comment ceux-ci ont-ils réagi ?
12. Avez-vous instauré un plan social ?
13. Quel a été votre niveau d’implication durant cette période ?
14. Quelles ont été les conséquences au niveau de la productivité ?
15. Quelles ont été les conséquences sur la qualité des produits ?
16. Quelles ont été les conséquences sur la participation des employés ?
17. Comment jugez-vous la motivation de vos employés ?
18. Avez-vous continué vos activités et investissements en santé-sécurité du travail ?
19. Avez-vous continué vos activités au niveau du développement des compétences ?
20. Avez-vous l’impression que votre restructuration a été un succès ?
21. Qu’est-ce qui a été déterminant selon vous dans votre restructuration?
22. Que feriez-vous de différent ?
23. Somme toute, évaluez-vous vos activités de restructuration comme performante ?
157
3.1.1. Meubles Louiselle
Pour l’analyse de ce cas, nous avons rencontré à deux reprises le président directeur
général de l’entreprise. Chaque rencontre a duré 90 minutes. Nous avons pu discourir
avec lui sur son entreprise dans un cadre ouvert. À l’aide d’un questionnaire d’entrevue,
nous avons pu donner une ligne directrice à notre premier entretien afin de traiter de
certains points que nous avions identifiés comme prioritaires. Lors du deuxième
entretien, téléphonique cette fois, nous avons approfondi quelques points.
Meubles Louiselle est une entreprise qui fabrique et assemble du mobilier de salle à
manger depuis 1982. Avec plusieurs usines de fabrication de composantes de bois et
plusieurs usines d’assemblage de meubles, elle se caractérise comme une entreprise qui
offre des produits «de gamme intermédiaire» selon son président. L’entreprise a grandi
progressivement au fil des ans jusqu’à atteindre son apogée au début des années 2000.
Avec un chiffre d’affaires de près de 175 millions de dollars, elle était le plus grande
fabricante de chaises en Amérique du Nord avec plus de 2 000 chaises par jour. En plus
des chaises, elle offre des meubles de type buffet et desserte, des tables en bois ainsi que
différents petits meubles accessoires. Suite à de nombreuses réductions d’effectifs, elle
emploie aujourd’hui environ 400 employés.
La croissance de l’entreprise a été très rapide entre 1995 et 2004. Période florissante
pour l’industrie du meuble au Québec, Louiselle a vécu une crise de croissance où elle
peinait à recruter le personnel nécessaire. Cette période a amené les managers à
s’inquiéter davantage de la capacité de production qu’à la notion de productivité. Afin
d’assurer d’avoir les effectifs nécessaires pour répondre à la demande, elle a augmenté
ses effectifs intentionnellement. Cette stratégie leur a été bénéfique jusqu’en 2004 où le
secteur d’activité a été confronté pour la première fois à la concurrence asiatique. Le
choc fut brutal et le chiffre d’affaires s’en est ressenti affichant une baisse marquée. Les
managers ont dû procéder à des modifications de leurs méthodes de gestion dont
158
notamment celle de rééquilibrer le nombre d’employés par rapport à la nouvelle réalité.
On constate au tableau 5 la décroissance du nombre d’employés répartie sur 10 ans.
Durant cette période, près de 50% des employés ont quitté pour de multiples raisons. De
ces raisons, les restructurations s’inscrivent en premier suivi des départs volontaires qui
sont, dans une bonne proportion, attribuables aux licenciements.
TABLEAU 5 NOMBRE D'EMPLOYÉS DE L'ENTREPRISE MEUBLES LOUISELLE Année Nombre d’employés
2003 1 000
2004 875
2005 800
2006 700
2007 650
2008 550
2009 475
2010 450
2011 450
2013 475
2014 475
2015 498
L’entreprise possède de grandes racines familiales puisque ses fondateurs sont le père et
son fils. Quelques années plus tard, deux autres fils sont venus les accompagner dans la
gestion de l’entreprise. Une anecdote contée par le président a retenu notre attention. Au
159
cours des premiers mois d’existence de l’entreprise, elle a connu des difficultés
financières. Des quelques employés actifs, huit d’entre eux ont tous prêté la somme de
5 000$ dans une période économique de récession (1982). Selon un calcul fait à partir
d’un outil de la Banque du Canada, cela représente un montant supérieur à 11 000 $ en
date d’aujourd’hui. Il n’est certainement pas erroné d’affirmer que ces employés se sont
acheté un emploi dans un contexte économique moribond. Quelques années plus tard,
l’entreprise a remboursé les sommes empruntées avec intérêts, bien entendu. Ces prêts
ne sont pas anodins dans l’histoire de l’entreprise puisque cela a grandement influencé la
culture d’entreprise. Celle-ci s’est développée autour de la philosophie de management
«porte ouverte». Cette philosophie signifie que chaque employé peut, s’il le désire,
rencontrer les membres de la direction, voir le président afin de faire part de son
insatisfaction par rapport à des situations vécues au travail. Que ce soit pour des règles
non suivies, du harcèlement ou toute situation vécue ou perçue, l’employé peut choisir
son interlocuteur. Cette philosophie de management se veut la continuité de la relation
privilégiée qui s’est développée entre les actionnaires et les huit premiers employés.
Pour paraphraser l’un des actionnaires :
« J’ai grandi avec ces gars-là ! Nous avons joué ensemble dans le champ et fait les 400
coups ensemble. Je me vois mal leur fermer ma porte et les référer à un directeur. Je me
dois d’être accessible et la structure organisationnelle doit s’adapter à cette réalité.
Pendant les premières années, j’ai peinturé des chaises avec les gars, j’ai travaillé
jusqu’à tard le soir afin d’assurer l’expédition. On ne peut se comporter comme une
firme insensible et inaccessible. La réussite doit être partagée au niveau de la richesse
et de l’accessibilité ».
L’historique de l’entreprise a donc considérablement influencé le choix des valeurs
qu’elle a voulu se doter. Trois valeurs sont au cœur de la gestion de l’entreprise. La
160
première constitue le respect. La deuxième la participation et la troisième le souci du
travail bien fait.
Le respect constitue une valeur fondamentale de l’entreprise dans les relations qu’elles
désirent avoir tant avec ses employés, ses fournisseurs et sous-traitants et autres
partenaires d’affaires. Les échanges doivent se faire dans le respect et la civilité. Dans
toutes les circonstances, le respect est de mise. Il s’agit également du respect des
produits, des clients, des outils et des équipements mis à la disposition des employés.
La valeur de la participation signifie que tous les partenaires d’affaires de l’entreprise
ont un rôle à jouer afin d’assurer la progression vers les objectifs d’excellence. La
participation dans la prévention de la santé-sécurité du travail, dans l’amélioration des
processus de production, la participation dans le développement des compétences, la
participation dans l’ambiance de travail, ce sont toutes des façons de contribuer au
succès de l’entreprise.
Finalement, la valeur du travail bien fait démontre l’importance de s’appliquer
rigoureusement à bien faire du premier coup. Le souci de l’excellence demande de bien
faire en termes de préparation, d’exécution et de vérification. Cette valeur rejoint celle
du respect en imposant des normes de qualité supérieure.
L’entreprise évolue aujourd’hui dans un contexte où après une période de turbulence
caractérisée par de multiples restructurations, elle semble voir la lumière au bout du
tunnel. L’entreprise a annoncé récemment qu’elle allait procéder à un agrandissement
majeur afin de faire face aux nouveaux défis qui se présentent à elle. L’entreprise a
notamment développé une collection de meubles fabriquée et assemblée au Vietnam.
Elle devient en quelque sorte un distributeur pour cette collection. Cela lui permet de se
161
positionner face à la concurrence asiatique soutenue. La devise canadienne a perdu de la
vigueur ce qui est une excellente nouvelle pour les exportateurs tels que les fabricants de
meubles québécois faisant affaire au sud de la frontière.
Lors de nos entretiens avec le président, nous avons eu l’opportunité de lui poser des
questions de façon à faire émerger les conditions particulières qui ont été mises en place
lors des restructurations pour maximiser le succès de celles-ci. Les entretiens ont permis
de développer sur de nombreux sujets reliant la gestion des ressources humaines et les
restructurations.
Les échanges ont débuté afin de comprendre l’émergence de l’entreprise dans son
secteur d’activité. Les années 1980 étaient propices au démarrage de ce type d’entreprise
et de nombreuses entreprises ont été créées dans cette période. Les premières années ont
été modestes. La distinction entre le président et le journalier était mince puisque le
président cumulait tous les emplois selon l’urgence de la situation. Cela lui a toutefois
permis de bien comprendre l’ensemble des processus manufacturiers. Cela a également
permis d’instaurer la philosophie de management qui perdure encore aujourd’hui. Même
si la philosophie « porte ouverte » a toujours demeurée, elle a perdu un peu de son sens
en raison du nombre grandissant d’employés. Dans ce contexte, le degré de
personnalisation de chaque employé a diminué, mais ils continuent de prôner cette
philosophie.
Les échanges ont ensuite porté sur le vif du sujet, les nombreuses restructurations. La
première a eu lieu en 2004 au mois de février. L’entreprise a procédé à un licenciement
collectif de 57 employés en réponse à la diminution de la profitabilité de l’entreprise. En
raison de la concurrence asiatique, les ventes avaient décliné affectant le bilan financier.
Le recul des ventes était une première depuis une dizaine d’années et les graphiques
162
démontraient un recul constant par rapport à l’année précédente. Le président ne cache
pas qu’un certain matin, en voyant les résultats, il y a eu une urgence d’agir. En quelques
jours, la première restructuration a été effectuée. Par la suite, deux à trois licenciements
ont été effectués chaque année jusque vers les années 2012. L’objectif avoué du
président était de rétablir l’équilibre dans le ratio nombre d’employés versus les ventes
réalisées. Les pratiques de licenciement ont évolué grandement au fil du temps dans
l’entreprise.
La première suppression d’emplois en 2004 a été faite en utilisant une méthodologie
simple, soit l’application de l’ancienneté comme critère de sélection. Ainsi, ils ont
appliqué le critère de l’ancienneté et ceux et celles en ayant le moins ont été licenciés.
Cette méthode a le mérite d’être relativement équitable en ce sens qu’aucune évaluation
n’est faite, seulement l’application de la date d’embauche. Cette méthode a permis de
faire accepter le choc en raison de son caractère impartial. Toutefois, pour l’entreprise,
cela signifie de se priver de quelques bons employés n’ayant pas le niveau d’ancienneté
voulu.
Par la suite, la méthode a été modifiée afin d’utiliser des critères répondant davantage
aux besoins de l’entreprise. Ainsi, une grille d’évaluation a été conçue afin de permettre
de sélectionner les employés licenciés. Cette méthode a grandement été contestée
puisqu’aucun employé ne pouvait être assuré de son emploi, peu importe son niveau
d’ancienneté. La grille retenait huit critères d’évaluation :
a. La productivité (le respect des quotas de production)
b. La qualité (le respect des niveaux de qualité demandé)
c. L’attitude (savoir afficher une bonne attitude)
d. La polyvalence (être en mesure d’accomplir plusieurs postes)
163
e. La capacité à travailler en équipe
f. L’ancienneté (elle demeure importante même si elle n’est pas capitale)
g. L’absentéisme (les retards et les absences non justifiées)
h. Le dossier disciplinaire (les avis disciplinaires et les suspensions)
Chacun des critères était évalué de façon objective ou subjective. Alors que certains
critères comme la productivité s’évaluent en observant les rapports de production,
d’autres comme l’attitude étaient essentiellement subjectifs. Le superviseur évaluait son
employé au mieux de ses connaissances sans élément précis de sorte que l’évaluation
était quelque peu biaisée par les dernières semaines où les incidents critiques de l’aveu
du président. Celui-ci mentionne que ces critères ont permis d’utiliser la grille afin de
permettre de sélectionner des individus indésirables. Le tableau 6 démontre la grille
d’évaluation et son système de pointage.
164
TABLEAU 6 GRILLE D'ÉVALUATION DES SALARIÉS Identification de l’employé
Nom de l’employé : ______________________________________________________
Poste occupé : ___________________________________________________________
Classe : ________________________________________________________________
Usine : _________________________________________________________________
Pondération
1 point – l’employé atteint très peu le critère évalué.
3 points – l’employé est dans la moyenne des employés concernant le critère évalué.
5 points – l’employé fait partie du groupe de référence concernant le critère évalué.
Critères d’évaluation
1. Productivité – le quota de production est-il atteint régulièrement ?
2. Qualité – l’employé atteint-il régulièrement le niveau de qualité demandé ?
3. Attitude – l’employé affiche-t-il régulièrement une bonne attitude ?
4. Polyvalence – l’employé est-il en mesure d’accomplir plusieurs postes ?
5. Capacité à travailler en équipe – l’employé s’intègre-t-il bien aux équipes ?
6. Ancienneté – moins 1 an (1point) 1 à 5 ans (3 points) 5 ans et + (5 points)
7. Absentéisme – retards et absences injustifiées
8. Dossier disciplinaire – l’analyse du dossier disciplinaire
165
Selon le président, la méthode utilisée pour sélectionner les employés licenciés doit
obligatoirement être expliquée et acceptée des employés si l’on veut que ceux-ci
continuent de maintenir les efforts demandés. Selon lui, un licenciement provoque un
électrochoc qui dure quelques jours voir quelques semaines. Toutefois, si le sentiment
d’injustice prend le dessus, cela aura un impact négatif sur la prestation de travail des
employés. Il explique l’application de la grille :
« La première fois que nous avons utilisé la grille, nous avons négligé d’expliquer
comment les employés avaient été sélectionnés, ce qui a eu un impact sur les
performances. Au contraire, lorsque nous avons expliqué les critères de façon
transparente, l’impact sur la productivité immédiate a été moindre ».
Autrement dit, le président explique que le degré d’acceptabilité de la méthode est
important pour la réussite de la restructuration. D’ailleurs, avec le temps, ils ont
commencé à utiliser la grille pour faire du renforcement positif malgré le contexte de
restructuration.
Au niveau du développement des pratiques de gestion des ressources humaines,
l’entreprise a continué d’investir au même rythme que précédemment. Ainsi, les efforts
ont été déployés pour assurer que le niveau de compétences requis de la part de chaque
employé soit maintenu et ce, peu importe le poste. Le type de formation privilégié a été
la formation en action, c’est-à-dire celle où l’employé se fait former à son poste en
accomplissant ses tâches sous la supervision d’un employé expérimenté du même
niveau. Fait à noter, l’entreprise a su répondre chaque année à ses obligations légales
d’investir 1% de sa masse salariale dans le développement des compétences de ses
employés. Cela fait référence à la loi sur le développement des compétences instaurée au
Québec en 1995 par le gouvernement provincial. Fait à noter, celle loi a fortement été
166
inspirée par une loi française datant de 1971 portant sur le développement des
compétences. D’autres types de formations sont offerts aux employés, mais cela
demeure relativement marginal afin de répondre à des besoins particuliers tels que
l’acquisition de compétences relatives à l’exportation ou le développement de
compétences relatives à de nouvelles technologies informatiques.
Au niveau de la rémunération, deux méthodes distinctes sont utilisées par la direction.
La première vient répondre à la grande majorité des employés qui se voient tous
attribuer la même augmentation de salaire. Dans la période de référence de 10 ans,
l’augmentation moyenne annuelle a été de 1,60%. L’autre méthode consiste à déterminer
si des employés dans le personnel de bureau, les superviseurs ou la direction ont eu des
résultats significativement supérieurs aux attentes. Ainsi, quelques employés triés sur le
volet se voient octroyer des augmentations variant entre 5% et 20%. Dans l’ensemble, au
fur et à mesure que la décroissance s’est accentuée, le nombre d’élus a diminué. Malgré
tout, l’entreprise a continué à maintenir ses pratiques de rémunération. À une seule
reprise, elle a préféré ne pas octroyer d’augmentation de salaire annuelle. Elle a
cependant tenu à informer ses employés des raisons tout en promettant qu’il s’agissait
d’une exception. Le président indique que somme toute, les employés ont bien réagi à
cette annonce.
Au niveau de la santé-sécurité du travail, l’entreprise a continué de maintenir ses efforts
en prévention de la santé-sécurité du travail. Elle a conservé les différents comités en
place d’identification de risques et de corrections de ceux-ci. D’ailleurs, les budgets
relatifs aux comités ont été maintenus au fil du temps. Il faut toutefois préciser que la
direction a avantage à obtenir une bonne performance si elle veut bénéficier de taux
d’assurance favorables contre les lésions professionnelles. Ces comités permettent aux
employés d’augmenter leur niveau d’engagement et de mobilisation afin d’atteindre des
objectifs organisationnels. La formule de participation employeur et employés permet de
167
réduire les risques de lésions professionnelles, mais également permet de renforcir les
communications, la transparence et la légitimité selon le président de l’entreprise.
La performance de la gestion de la santé-sécurité du travail a connu une amélioration
spectaculaire durant cette période. Alors qu’elle avait un dossier peu reluisant en 2003,
elle a su obtenir des gains significatifs qui se sont traduits par une diminution marquée
des accidents de travail ainsi que par des gains importants en réduction des primes
d’assurance pour l’employeur. Le tableau 7 fait état de ces améliorations. Les comités,
étant donné les résultats obtenus, ont pu bénéficier d’une autonomie accrue favorisant le
dialogue social. Le président souligne la qualité des échanges et le respect mutuel,
malgré la décroissance subie. Celui-ci souligne que :
«...Malgré les difficultés économiques, il existe des façons de préserver la motivation
des employés. Le maintien des activités SST est un incontournable en raison de son
caractère rassembleur et protecteur ».
168
TABLEAU 7 NOMBRE D'ACCIDENTS DU TRAVAIL DÉCLARÉS Année Nombre d’accidents déclarés à la CSST*
2003 32
2004 35
2005 24
2006 18
2007 10
2008 2
2009 5
2010 4
2011 7
2012 4
*Commission de la santé-sécurité du travail
Le président souligne l’importance d’expliquer aux employés le contexte de l’entreprise
afin de justifier la restructuration. Les employés doivent adhérer aux changements. Le
président explique que l’entreprise a grandement appris suite aux restructurations
successives. Plus les employés reçoivent d’explications sur le contexte interne et externe
de l’entreprise et plus ils vont comprendre et adhérer à ce changement. Le président
souligne :
« Il ne s’agit pas de dévoiler les états financiers, mais bien d’expliquer que l’entreprise a
subi un recul dans ses ventes, qu’elle entrevoit dans sa gestion prévisionnelle une
169
diminution des ventes, qu’elle est à peaufiner une nouvelle collection novatrice afin de
regagner le terrain perdu, etc. ».
Puisque l’approbation est primordiale selon lui pour le succès de l’opération, ils ont
appris à communiquer, car l’opacité de l’information amène la méfiance. Cette méfiance
provient des survivants tels que vus dans le chapitre I où l’on constate une frustration
élevée, une méfiance envers l’organisation et des comportements qui font régresser la
performance organisationnelle. À cet effet, le président affirme que l’attitude des
employés suite à une restructuration est tributaire de l’information reçue. Il souligne que
les managers et lui-même ont eu à apprendre, car ce n’était pas dans la culture de
l’organisation de partager ces informations. Toutefois, ils ont compris l’importance de ce
facteur et la différence est majeure selon lui.
L’entretien s’est tourné sur le niveau de responsabilité de l’entreprise dans un contexte
de restructuration. L’entreprise s’est très peu engagée à ce niveau. Dans le processus de
suppression des emplois, l’entreprise n’a proposé aucun plan social outre celui exigé par
l’obligation légale. La loi prévoit un préavis pour mettre fin au contrat de travail en
fonction de l’ancienneté tel que démontré au tableau 8. Il est à noter que le préavis peut
être travaillé ou non, c’est-à-dire que le salarié pourrait avoir droit à un préavis de quatre
semaines, mais que si celui-ci est exigé travaillé, la loi ne prévoit aucune autre indemnité
monétaire outre celle obtenue en travaillant. Le président souligne qu’une telle situation
est particulière. Du côté de l’employeur, il a la possibilité de faire travailler le préavis, ce
qui réduit à 0 le coût des indemnités, puisque travaillées. Toutefois, le message lancé
aux employés peut être néfaste. Il laisse un goût amer aux employés victimes de la
restructuration et ceux-ci peuvent en retour négliger leur prestation de travail tant au
niveau de la qualité que de la productivité. Ils peuvent également devenir des « agents
contaminateurs » en répandant un climat négatif. Les employés « survivants » peuvent
aussi désapprouver une telle situation et adopter des comportements négatifs, contre-
170
productifs, voire destructeurs. Le président explique qu’ils ont eu recours au préavis
travaillé et non travaillé et qu’avec le recul, il préfère les préavis non travaillés.
TABLEAU 8 DURÉE DES PRÉAVIS SELON LA LOI DES NORMES DU TRAVAIL DU QUÉBEC Ancienneté du salarié Durée du préavis
Moins de 3 mois 0 semaine
Moins de 1 an, mais plus de 3 mois 1 semaine
De un an à 5 ans 2 semaines
De 5 à 10 ans 4 semaines
De 10 ans et plus 8 semaines
Conclusion du cas
Le cas Louiselle a fait ressortir des éléments importants pour cette thèse. Premièrement,
la façon dont l’entreprise a géré les communications et les informations transmises a été
capitale afin de limiter les effets néfastes du syndrome du survivant. Les employés ont
bénéficié de plusieurs rencontres avec la direction. Deuxièmement, les investissements
dans les pratiques RH comme la formation et le développement des compétences, la
santé-sécurité du travail et la rémunération ont permis d’envoyer un message probant sur
la qualité de l’avenir de l’organisation. Troisièmement, l’absence d’un plan social pour
accompagner les victimes ne semble pas avoir eu d’impact significatif. Le tableau 8
résume le cas Louiselle par rapport aux variables retenues.
171
TABLEAU 9 RÉSUMÉ DES VARIABLES DU CAS MEUBLES LOUISELLE Légitimité
L’entreprise s’est adaptée et les gestionnaires ont partagé les informations
Les hauts dirigeants se sont montrés présents dans les périodes difficiles
Les communications ont été nombreuses
Les outils pour mener la restructuration ont été expliqués
Gestion des survivants
Plusieurs rencontres avec les employés restants
Application d’une philosophie «porte ouverte»
Implication de la haute direction au quotidien dans la gestion des opérations
Maintien des pratiques RH
On constate une augmentation des plans de développement des compétences
Il y a un maintien de la structure de rémunération
Il y a maintien des programmes de santé-sécurité du travail
Responsabilité sociale
Ils ont offert des préavis aux employés licenciés
Ils n’ont offert aucun programme d’accompagnement social
Restructuration est considérée comme un succès
L’entreprise a réussi à assurer sa pérennité
Ils sont de retour en situation de croissance
Le cas Meubles Louiselle est classé dans la catégorie succès
172
3.1.2. Meubles Codex
Pour l’étude ce cas, nous avons rencontré la vice-présidente à la commercialisation à deux reprises pour un entretien de 90 minutes et un autre téléphonique de 40 minutes. Le deuxième entretien a servi à préciser des informations recueillies précédemment. Les rencontres se sont déroulées au bureau de la vice-présidente.
Fondé en 1983, Meubles Codex est l’un des plus importants fabricants de meubles en Amérique du Nord et distribue également trois marques de produits importés d’Asie. L’entreprise compte plus de 700 employés actifs, répartis dans 13 usines de fabrication, un centre de développement, un garage, trois centres de distribution et des bureaux administratifs.
Dans une industrie grandement ébranlée par la concurrence asiatique et la récente crise financière, Meubles Codex a su se démarquer par sa stratégie de commercialisation axée sur la personnalisation de ses meubles et la qualité des produits offerts ainsi que par l’acquisition, l’intégration et le redressement d’entreprises. Meubles Codex a connu une croissance importante de ses activités au cours des 30 dernières années, plus particulièrement durant les sept dernières en acquérant et redressant plusieurs entreprises. Voici une liste d’acquisitions que l’entreprise a effectuées ces dernières années.
Acquisition au printemps 2006 des actifs d’exploitation d’un important concurrent québécois;
Acquisition en 2007 d’un autre concurrent situé dans la même localité;
Acquisition d’une participation de 50 % d’un fabricant de composantes de bois afin de sécuriser l’expertise nécessaire à la fabrication de composantes non peintes de tables, de chaises et de bahuts;
Acquisition de 80,5 % des actions d’un concurrent en faillite et de ses filiales en octobre 2009 ;
173
Acquisition du contrôle d’un autre fabricant de composantes de bois en 2010. Cette acquisition permet de contrôler son approvisionnement en chaises et pièces de chaises non peintes, en lits et pièces de lits non peints ainsi qu’en pièces de tables non peintes (pattes et bases notamment) et d’assurer le développement de ses produits.
Le modèle d’affaires de Meubles Codex privilégie une structure distinguant les activités de fabrication des activités de finition et de mise en marché des meubles. Après les dernières acquisitions et réorganisations d’entreprise, la structure s’est transformée de façon à fusionner les activités de finition ainsi que de fabrication de pièces.
La réussite de Meubles Codex repose essentiellement sur le concept de personnalisation, une approche novatrice, centrée sur la mise en marché de meubles résidentiels hautement personnalisés et de qualité supérieure, fabriqués entièrement au Québec. Les collections de produits offrent une grande variété de styles, de couleurs, de finis, de tissus et de cuirs répondant aux goûts et aux besoins spécifiques de la clientèle.
Le concept de personnalisation, la qualité supérieure et la rapidité de la livraison sont les avantages concurrentiels Meubles Codex. Le fait que les produits offerts sont fabriqués localement constitue un autre avantage concurrentiel important.
Puisque l’entreprise offre des produits personnalisés à leurs clients, la production se fait
sur commande. Par conséquent, chaque meuble produit en usine est déjà vendu à un
client. Il est assemblé et fini selon ses choix et spécifications. Une fois la production
terminée, le meuble est livré chez le détaillant auprès duquel le consommateur final a
effectué son achat.
Meubles Codex a décidé de mettre à l’avant-plan certaines valeurs qui les représentent et
déterminent comment les dirigeants et leurs employés doivent se comporter. La première
174
valeur est celle de la rigueur. L’entreprise veut porter une attention à tous les gestes
posés pour bien faire du premier coup. Le professionnalisme et la quête d’excellence
débutent avec de la rigueur. Celle-ci est gage de la qualité du travail effectuée et de
l’amélioration continue qui contribuent à poursuivre leur engagement.
La deuxième valeur est celle du respect. Le respect de l’équipe dans un esprit
d’ouverture à l’égard des idées et des attentes des partenaires d’affaires. Le respect se
caractérise dans les paroles et dans les gestes. Le respect s’impose pour les humains
comme pour le matériel.
La troisième valeur touche à la notion de solidarité. La collaboration pour atteindre les
objectifs doit provenir de chacun des membres de l’organisation. Collègues et
partenaires d’affaires doivent collaborer et faire preuve de compassion envers les autres.
La quatrième valeur symbolise la fierté de l’entreprise. Elle se manifeste par la qualité
du produit et du service livrés à la clientèle. Elle se voit jour après jour dans chaque
meuble fabriqué aussi bien que dans le support offert.
Finalement, la dernière valeur constitue l’honnêteté. La transparence et l’intégrité au
quotidien, en tout temps et envers tous afin d’établir des liens de confiance durables et
de qualités avec chaque employé et partenaire d’affaires.
L’entreprise s’est développée à un rythme régulier durant les 20 premières années. Elle
est passée par un stade d’évolution typique de l’industrie du meuble au Québec.
Toutefois, l’entreprise a pris un essor considérable au début des années 2000. La période
2000-2006 fut florissante. La stratégie commerciale de l’entreprise a permis un
175
développement accéléré. Alors que les principaux concurrents aux Québec visaient le
marché américain en raison des possibilités en termes de densité de population, Meubles
Codex tentait d’être maître au Québec, et au Canada, avant de s’investir aux États-Unis
d’Amérique. Cette stratégie commerciale leur a grandement servi puisqu’ils n’ont pas
senti les effets de l’augmentation de la devise monétaire canadienne comme plusieurs
concurrents. En proportion, il s’agissait de l’inverse des concurrents entre le taux de
pénétration Canada-USA versus USA-Canada.
Elle a toutefois subi les contrecoups de l’arrivée massive de la concurrence asiatique qui
a causé des dommages considérables dans toute l’industrie. Afin de prévenir les
répercussions, Meubles Codex a choisi d’intégrer verticalement plusieurs sous-traitants
de façon à se positionner comme fabricant de composantes de bois et non plus seulement
comme spécialiste de la finition de meubles. Cette décision explique pourquoi malgré les
années le nombre d’employés est demeuré stable. Ainsi, plusieurs départs ont eu lieu
suite à des restructurations, mais ils ont été dissimulés par l’acquisition ou la fusion
d’entreprises.
Les restructurations ont eu lieu dans la période 2008-2012 d’une façon différente de bien
des entreprises concurrentes québécoises. Ils ont tenté autant que possible de contrôler
l’image projetée à l’externe, c’est-à-dire dans les médias. Le contrôle du message a,
selon la vice-présidente commerciale, permis de conserver voir d’augmenter l’image de
marque de l’entreprise et sa capacité d’attraction. Plutôt que de procéder à des
licenciements collectifs percutants (soit plus de 10 employés), elle a privilégié des petits
ajustements d’employés réguliers. En procédant de cette façon, l’entreprise favorise une
culture de performance où les employés offrant un écart de rendement négatif dans leur
prestation de travail sont susceptibles de perdre leur emploi. Il s’agit d’une façon de
procéder qui est à l’antipode de la notion d’ancienneté. Dans la culture d’entreprise, la
176
vice-présidente à la commercialisation soutient que ce type de fonctionnement devient
vite légitimement accepté en raison du message véhiculé :
« ...les employés savent que dans notre industrie, la seule façon dont nous pouvons
rivaliser avec la concurrence est de s’assurer d’avoir des employés productifs et dédiés à
la cause de l’entreprise. Ceux qui dévient sont ceux qui perdent leur emploi.
L’ancienneté n’est pas considérée comme un critère essentiel pas seulement parce que
nous n’avons aucune obligation légale de la respecter, mais parce que nous voulons
évoluer avec des employés dédiés qui veulent s’investir ».
À partir de la fin 2007 jusqu’en 2012, l’entreprise a procédé à de multiples petits
licenciements qui sont souvent passés inaperçus. Le tableau 10 démontre les
licenciements dans les effectifs de l’entreprise. Il faut noter que nous avons comptabilisé
un licenciement à partir du départ pour motif économique de plus de deux employés.
Alors que la deuxième colonne fait l’inventaire du nombre d’épisodes, la troisième
colonne identifie le nombre d’employés licenciés par année durant la période de
référence mentionnée plus haut.
177
TABLEAU 10 CONSTAT DES RÉDUCTIONS D'EFFECTIFS POUR LA PÉRIODE 2007-2012 Année Nombre d’évènements Nombre d’employés licenciés
2007 1 4
2008 8 35
2009 4 17
2010 4 16
2011 3 16
2012 1 3
Total 21 91
L’entreprise a progressivement subi une métamorphose durant cette période. Selon la
vice-présidente, comme les autres entreprises de secteur d’activité, ils utilisaient un
système de gestion des ressources humaines traditionnel. Le type de supervision, la
façon de communiquer les instructions de travail, l’approche par rapport à l’importance
des employés quant à leur contribution au succès de l’organisation a évolué
considérablement. L’entreprise vise un système de gestion des ressources humaines
renouvelée. Au fur et à mesure, durant cette période, l’entreprise a compris que plusieurs
caractéristiques organisationnelles allaient leur permettre de passer au travers de
l’adversité. Premièrement, il y a le développement des compétences, deuxièmement,
l’information et les communications données aux employés et troisièmement, la
cohérence de leurs pratiques par rapport aux demandes formulées.
Le développement des compétences a pris tout son sens dans la logique de la
métamorphose de la culture RH dans cette période de restructuration. L’entreprise s’est
178
questionnée par rapport aux talents et aux compétences qui allaient quitter. Selon la
vice-présidente à la commercialisation, l’expertise ne vient pas nécessairement avec
l’ancienneté. Ils ont compris que le type de dotation effectué durant des années a apporté
une multitude d’employés problématiques avec des comportements indésirables et des
problématiques de compétences. L’entreprise a été en mesure d’identifier les
compétences importantes de même que les comportements à prioriser dans
l’appréciation de la contribution à la performance organisationnelle. Le tableau 11 fait
référence aux compétences et comportements priorisés.
TABLEAU 11 LISTE DES COMPORTEMENTS ET DES COMPÉTENCES RECHERCHÉES Comportements Compétences
Ouverture aux changements Polyvalence pour être en mesure de pouvoir
effectuer plusieurs postes de travail
Collaboration des savoir-
faire dans le travail
Maîtrise de la tâche dans chacune des situations
de travail
Transparence dans les
informations sur le travail
Connaissance des risques au niveau de la santé-
sécurité du travail
Rigueur dans tous les
processus de production
Maîtrise des connaissances de base au niveau de
la lecture du français
Participation à
l’amélioration des
processus
Connaissances des principes de base de
l’amélioration continue
Respect de l’assiduité, des
autres et des processus
Savoir se comporter avec civilité
179
La gestion du développement des compétences de la main-d’œuvre se fait donc au cœur
de la gestion de l’entreprise. La philosophie d’identifier les compétences et de les
développer se fait donc afin d’assurer la pérennité de l’entreprise. La notion de qualité
est intimement liée aux compétences. La productivité l’est tout autant. Le maintien et le
développement des investissements dans les compétences s’avèrent une priorité selon la
vice-présidente à la commercialisation :
« Nous avons priorisé le développement des compétences comme vecteur de notre
performance organisationnelle. Il est donc naturel de soutenir et même d’augmenter les
sommes attribuées à cette activité. Le contexte de restructuration n’est pas une excuse.
C’est même une occasion de tirer profit de la situation et de démontrer à tous nos
employés que nous croyons en eux...»
Le développement des compétences se veut également une réponse aux effets de la
mondialisation grâce à une main-d’œuvre dite davantage polyvalente et une versatilité
accrue. Pour ce faire, les plans de formation tels que les plans de compagnonnage
permettent de créer un effet mobilisant aux dires de la vice-présidente à la
commercialisation :
« ... avec de solides plans de formation, nous sommes en mesure d’augmenter la
mobilisation de nos employés ainsi que leur sentiment d’appartenance. Le renforcement
de cette culture d’entreprise permet de minimiser certains mouvements de réduction des
effectifs. L’impact devient réduit et la continuité de nos opérations normales permet de
mettre ces petits licenciements de côté ».
L’aspect de la rémunération constitue une préoccupation certaine tant de la part des
employés que des dirigeants. L’entreprise assure avoir toujours maintenu des
180
augmentations de salaire afin de reconnaître les employés pour les efforts fournis. Pour
la vice-présidente à la commercialisation, il est primordial de tout tenter pour faire
progresser les conditions salariales des employés :
«...Tous les employés sont pareils. Ils désirent obtenir une augmentation de salaire.
Imaginez le message lancé lorsque malgré une diminution du chiffre d’affaires, une
réduction des effectifs, le président rencontre les employés pour leur annoncer une
augmentation salariale de 1,5% malgré tout le contexte. Le message lancé ? Vous êtes
importants. L’entreprise fonctionne grâce à vous. Vous êtes ceux qui font la
différence...»
Nul ne doute que dans un contexte de restructuration, les messages véhiculés aux
employés sont une part importante de l’adhésion des employés dans les changements
organisationnels. Les employés selon la vice-présidente à la commercialisation ont
besoin de croire dans l’organisation.
« Les employés doivent comprendre que l’entreprise ne tente pas de se restructurer pour
le plaisir. Ce n’est pas uniquement pour les profits non plus. Il s’agit avant tout d’assurer
la pérennité de l’entreprise. Il ne s’agit pas de faire un coup d’argent en sauvant sur la
masse salariale. Il faut démontrer aux employés le bien-fondé des actions, leur nécessité
et surtout, que les jours heureux vont revenir. C’est exactement ça que les employés
doivent comprendre si l’on veut qu’ils continuent à avoir la motivation nécessaire pour
maintenir les efforts et la rigueur des processus ».
L’entreprise a pris la décision également de maintenir les activités de santé-sécurité du
travail. Depuis plusieurs années déjà, la prévention des lésions professionnelles est une
priorité organisationnelle. Ils ont amélioré significativement leur performance. Des
181
comités ont été formés. Les employés ont été impliqués afin qu’ils puissent prendre en
charge leur milieu de travail. L’implication conjointe dans la volonté d’assurer un milieu
sécuritaire constitue un message puissant dans lequel les employés peuvent croire dans
la mesure où malgré les changements organisationnels, malgré les difficultés
rencontrées, les employés peuvent constater le maintien des activités. Pour la vice-
présidente, c’est le signal qu’il s’agit d’une mauvaise passe et qu’on continue de croire
dans l’entreprise :
« C’est absolument essentiel que nos employés croient en nous autant que l’on croit en
eux. Cela signifie que peu importe ce qui arrive, ils sont notre priorité et leur sécurité
nous tient à cœur».
À la question portant sur la responsabilité sociale, l’entreprise reconnaît qu'elle fait peu.
Elle n’offre aucun plan social particulier outre que les indemnités de départ tel
qu’imposées par la Loi des Normes du travail (LNT). En fonction de l’ancienneté du
salarié licencié, l’indemnité de départ se veut légèrement majorée. Aucune autre forme
d’aide n’est apportée. L’entreprise justifie sa position comme similaire aux autres
entreprises dans le secteur du meuble et surtout, conforme aux dispositions de la loi
LNT.
On constate que l’entreprise a modifié ses pratiques avec les années passant d’une
gestion des ressources humaines traditionnelles à une gestion des ressources humaines
renouvelée. La clarification des valeurs jumelées à l’intensification des communications
et de l’information ont permis de garder le cap sur une direction précise. L’adhésion aux
discours managériaux est d’autant plus facilitée. Les dirigeants mettent beaucoup
d’énergie avec un concept générique : le bonheur au travail. La notion de bonheur est
intéressante, car selon la dirigeante rencontrée, elle permet d’augmenter le plaisir au
182
travail, elle mobilise et permet d’avoir un groupe d’employés qui recherchent l’atteinte
des objectifs organisationnels. La dirigeante met à l’avant-plan ce qu’elle appelle la
règle des 3P :
« ...c’est la responsabilité de l’entreprise de favoriser le plaisir au travail. Celui-ci va se
transformer en passion avant de se développer en performance ».
Conclusion du cas
L’étude du cas Meubles Codex a mis en exergue certains aspects de leur gestion.
Premièrement, ils ont modifié leur façons de gérer leur personnel en s’ouvrant à une
gestion des ressources humaines plus contemporaines. Cela signifie qu’ils ont mis des
efforts afin d’assurer une plus grande satisfaction dans le cadre du travail à leurs salariés.
Deuxièmement, ils ont su adapter leur façon de communiquer les directives et les
informations pour permettre une plus grande transparence. Ainsi, les employés ont été
plus réceptifs et compréhensifs aux messages véhiculés. Troisièmement, on a pu
constater l’importance de maintenir actives les pratiques de gestion des ressources
humaines. Le développement des compétences et la santé-sécurité du travail sont au
cœur de la vie de l’entreprise et servent de courroie de transmission pour passer certains
messages tangibles et parfois intangibles.
183
TABLEAU 12 RÉSUMÉ DES VARIABLES DE MEUBLES CODEX Légitimité
L’entreprise a mis en place des pratiques axées sur le partage d’information
Il y a eu une grande implication des hauts dirigeants
Les communications ont été nombreuses
Les valeurs de l’entreprise ont favorisé l’émergence d’outil de gestion en conséquence
Gestion des survivants
Plusieurs rencontres avec les employés restants
De multiples rencontres concernant la nouvelle organisation du travail
Implication de la haute direction au quotidien dans la gestion des opérations
Maintien des pratiques RH
On constate une augmentation des plans de développement des compétences
Il y a un maintien de la structure de rémunération
Il y a maintien des programmes de santé-sécurité du travail
Responsabilité sociale
Ils ont offert des préavis aux employés licenciés
Ils n’ont offert aucun programme d’accompagnement social
Restructuration est considérée comme un succès
L’entreprise a réussi à assurer sa pérennité
Ils sont en situation de croissance
Le cas Meubles Codex est classé dans la catégorie succès
184
3.1.3. Meubles Tableau
Pour l’analyse de ce cas, nous avons rencontré à deux reprises le propriétaire dirigeant
de l’entreprise. La première rencontre a duré 90 minutes alors que la deuxième a duré 40
minutes. Nous avons pu discuter avec lui d’une manière libre et ouverte sur son
entreprise. À l’aide d’un questionnaire d’entrevue, nous avons pu donner une ligne
directrice à notre premier entretien afin de traiter de points précis que nous avions
identifiés comme prioritaires. Lors du deuxième entretien, sans guide, nous avons
approfondi certains points qui avaient été vagues lors du premier entretien.
L’entreprise Meubles Tableau s’est établie en Mauricie au début des années 2000. Elle
propose une gamme innovatrice de produits telle que des tables de poker, bars, fauteuils
de cinéma maison et des unités murales. Le propriétaire de l’entreprise, véritable
entrepreneur typique, a démarré son entreprise dans la cour arrière de sa propriété. Après
quelques années, l’entreprise explose en raison de son dynamisme et de la flexibilité de
sa gamme de produits. L’entreprise a récemment procédé à la construction d’une bâtisse
commerciale afin de pouvoir rencontrer les demandes sans cesse grandissantes de ses
clients.
Le propriétaire dans nos entretiens revient régulièrement sur son parcours atypique.
Superviseur durant une quinzaine d’années chez un grand fabricant de meubles de la
région mauricienne, il a décidé de démissionner pour devenir entrepreneur. Il s’est
rapidement associé avec une personne qui allait devenir son bras droit. Le directeur des
ventes a su aider à structurer les différents processus industriels et commerciaux afin de
faire grandir l’entreprise. Il relate l’épisode d’un contrat pour le stade des Yankees de
New York dans la Ligue majeure de baseball aux États-Unis. Ils ont su se démarquer
lors des soumissions et faire partie de ce projet de construction en ayant comme mandat
d’assurer la finition des sièges. En dix années, ils sont extrêmement fiers de l’évolution
de la compagnie.
185
Meubles Tableau compte actuellement environ 65 employés à temps complet. Pour lui,
le nombre d’employés n’est pas particulièrement important. Il insiste plutôt sur la qualité
des emplois offerts. Le propriétaire explique l’évolution de l’entreprise en spécifiant sur
les difficultés du démarrage :
« Au départ de l’entreprise, je continuais à travailler à titre de superviseur et j’assurais
les quelques commandes le soir avec des membres de ma famille. Nous ne sommes pas
partis en peur... Nous avons augmenté progressivement en fonction du type de contrats
que nous obtenions. Aujourd’hui, nous sommes peut-être 65, mais ce nombre a
grandement fluctué en raison des variations des contrats obtenus».
Le tableau 13 relate le nombre d’employés au 1er janvier de chaque année de l’entreprise
depuis ses débuts. On constate que de multiples variations ont affecté l’entreprise et
qu’elle a fréquemment dû s’ajuster.
TABLEAU 13 NOMBRE D'EMPLOYÉS EN DATE DU 1ER JANVIER Année Nombre d’employés
2000 1
2001 3
2002 10
2003 25
2004 35
2005 31
2006 41
186
2007 32
2008 28
2009 40
2010 28
2011 38
2012 49
2013 55
2014 60
2015 65
L’entreprise a subi un recul au cours de ces années en termes de nombre d’employés. En
2005, une restructuration a été nécessaire en licenciant cinq employés. En 2007, deux
restructurations ont été effectuées. La première a provoqué la perte de quatre emplois
alors que la seconde a amputé de sept le nombre d’employés. Finalement, l’année 2010 a
nécessité deux restructurations afin de pallier à la diminution des contrats. Sept
employés et cinq employés ont perdu leur emploi.
Les restructurations au sein de l’entreprise se sont déroulées de façon adéquate selon le
propriétaire. La décision de procéder à des réductions de personnel a été prise suite à la
perte de contrats combinée au revers de soumissions de contrats. C’est à partir de ce
moment que la décision a pris force et que s’est amorcé le processus de sélection des
employés à être licenciés. Puisque non syndiquée, l’entreprise avait la possibilité de ne
pas fonctionner sous le principe de l’ancienneté. Elle devait déterminer les critères selon
lesquels un salarié perdait son emploi. Selon le propriétaire, le premier critère demeure
encore l’ancienneté des employés ayant moins de six mois d’ancienneté dans
187
l’entreprise. Le deuxième critère, selon le propriétaire, est d’identifier les cas
problématiques en termes d’absentéisme, de comportements inappropriés et de
compétences. L’entreprise tiendra également compte du niveau de productivité du
salarié. Le tableau 14 explique les critères selon les dires du propriétaire.
TABLEAU 14 MOTIFS POUR LICENCIER LES SALARIÉS Motifs des salariés licenciés Explications
Ancienneté Le salarié se verra reconnaître informellement son statut
de senior dans l’entreprise. Aucune mesure formelle
identifiée exceptée que l'ancienneté ne procure une forme
partielle de protection.
Absentéisme Le salarié verra examiner son niveau d’absentéisme et s’il
s’avère négligé, l’évaluation en tiendra compte d’une
manière significative. Il n’y a aucune pondération ou
évaluation objective.
Comportements inappropriés Le salarié est évalué sous l’angle des écarts de conduite,
d’une attitude déficiente et d’un respect de l’entreprise,
des salariés et des équipements.
Le niveau des compétences Le salarié doit maîtriser sa fonction principale, mais
également être en mesure d’accomplir d’autres fonctions
dans l’entreprise.
Le niveau de productivité Le salarié doit être en mesure de respecter les quotas de
production.
188
La lecture des motifs des salariés licenciés lors des restructurations laisse entrevoir un
manque de justice lors de la sélection des salariés. À la suite d’un complément
d’information, il semble que les motifs ne soient pas négatifs, mais les explications
fournies par le propriétaire de l’entreprise indiquent que chaque élément est évalué
d’une manière sommaire sans chiffre à l’appui et sans barème d’évaluation. Cette
situation soulève un doute quant à légitimité des décisions prises par l’employeur et les
effets postérieurs à la restructuration. Lorsque questionné à cet effet, le propriétaire
souligne que ces cas sont évidents et que tous reconnaissent la sélection effectuée et que
cela n’entraîne pas de répercussions négatives.
L’entreprise tente de mettre en évidence certaines valeurs qui dictent la logique d’action
de l’entreprise et qui donnent les balises comportementales aux salariés. Ces valeurs sont
l’engagement, le respect et la solidarité. Affichés à plusieurs endroits dans l’entreprise,
ces mots sont fréquemment repris pour expliquer les orientations et les décisions prises.
Le tableau 15 explique chacune des valeurs mises de l’avant.
189
TABLEAU 15 LISTE DES VALEURS DE MEUBLES TABLEAU Valeurs Explications
L’engagement L’engagement se veut la base de l’ensemble des
comportements et des attitudes des employés envers
l’entreprise. Des employés dédiés vont permettre
d’afficher l’effort et la minutie nécessaires à la
réalisation de notre mission. Des employés engagés
sont des employés qui croient en l’entreprise et qui
ont envie de s’investir.
Le respect Le respect se traduit par des employés qui ont à
cœur la satisfaction des clients tous au long des
processus en assurant une harmonie entre les
employés et un respect du produit, des directives et
des normes exigés par l’entreprise. Sans le respect,
il est impossible d’assurer la pérennité de
l’entreprise.
Solidarité La solidarité et l’entraide sont des mots clés pour
l’entreprise pour que tout un chacun soit épaulé et
assuré d’avoir le soutien nécessaire. Cela signifie
que la direction doit être à l’écoute de ses employés,
mais que ceux-ci doivent également se montrer
compréhensifs dans les directives afin de respecter
la mission de l’entreprise.
La dimension des communications avec les employés constitue un aspect intéressant
dans le cadre des restructurations pour assurer la légitimité du processus. Lorsque
questionné à ce sujet, le propriétaire s’est montré quelque peu sur la défensive en
190
indiquant qu’il communique suffisamment avec ses employés. Toutefois, ses exemples
demeurent sommaires et limités. Il ne semble pas rechercher la transparence et une
ouverture aux échanges avec ses employés. Il privilégie plutôt certains échanges
concernant les consignes et directives pour l’exécution du travail. Il n’a pas relevé
l’importance d’informer les salariés sur la situation financière de l’entreprise ni sur la
situation des contrats perdus avec les clients ou avec les échecs des projets de
soumissions. À ses yeux, il gère comme un bon père de famille :
« L’important pour moi, c’est de bien diriger mes employés afin qu’ils sachent le travail
à exécuter. Ils ne s’attendent pas à ce que je leur montre mes états financiers. Ils
s’attentent à ce que j'offre du travail aujourd’hui, demain et le mois suivant... Ils veulent
travailler. Point final ».
La question du développement des compétences est intimement liée à la recherche et aux
développements de nouveaux produits. Quelques employés sont sélectionnés afin de
perfectionner leurs compétences ou en acquérir de nouvelles par rapport aux projets en
cours. Ceux-ci deviennent les gardiens des compétences et ont une importance capitale
selon le propriétaire :
« Nos spécialistes doivent constamment être à la fine pointe de notre industrie pour nos
produits actuels, mais également pour les projets que nous développons. L’entreprise a
grandi grâce à des coups d’éclat où nous avons su obtenir des contrats majeurs. Sans les
bonnes compétences, il aurait été impossible d’être là où nous sommes. C’est pourquoi
nous avons toujours continué d’investir dans les compétences de nos employés. Le
message est clair : vous êtes la raison de nos succès ».
191
Une formation d’apprentissage dans l’action et une forme de compagnonnage est
également prévue. Toutefois, ce type de formation classique porte demeure limité en
termes d’efficacité, car elle ne nécessite pas un engagement particulier de l’employeur.
Face à l’adversité, le propriétaire souligne qu’il n’y a rien de mieux que les efforts dans
la recherche de nouveaux contrats et de nouveaux produits pour stimuler les troupes.
Les efforts déployés au niveau de la santé-sécurité du travail représentent une sorte de
minimum garanti en ce sens que l’entreprise respecte le cadre légal imposé par la loi
sans toutefois tenter d’en faire plus. En ce sens, malgré les restructurations effectuées,
l’entreprise a continué de faire les mêmes actions. Le propriétaire explique que
l’entreprise pourrait faire davantage, mais qu’il n’y a jamais eu d’accident majeur. Il
préfère investir temps et argent ailleurs dans l’entreprise. Il souligne également que les
employés n’ont jamais fait de revendications significatives sur la gestion de la santé-
sécurité du travail. Pour lui, il n’y a pas d’enjeux majeurs sur ce sujet. Les
investissements demeurent donc constants, mais limités.
L’entreprise n’offre aucune forme de plan social aux employés licenciés outre ce qui est
prescrit par la loi. Ainsi, selon la Loi des Normes du travail, le préavis offert aux
employés licenciés varie entre deux semaines et huit semaines. L’entreprise n’offre rien
de particulier en termes d’aide et de support. La terminaison se fait rapidement à l’aide
d’une lettre remise à l’employé ainsi que de brèves explications. Le lien d’emploi est
rapidement rompu et aucune communication supplémentaire n’est nécessaire.
Questionné sur l’absence d’un plan social afin de venir en aide aux employés victimes
de la restructuration, le propriétaire donne ces explications :
« Il est déjà assez difficile d’assurer la pérennité de l’entreprise, s’il fallait en plus se
soumettre à une législation plus contraignante, ce serait une catastrophe. Une entreprise
192
ne fait pas de licenciements pour le plaisir. Il serait insensé d’en demander plus. Nous
nous contorsionnons pour réussir en affaires et offrir des emplois de qualité. Le
Gouvernement devrait plutôt nous faciliter la vie plutôt que de songer à nous imposer
des plans sociaux qui ne feraient qu’affecter notre stabilité financière. Après tout, un
employé qui perd son emploi bénéficiera quand même d’environ 12 mois de protection
sociale avec l’assurance emploi et pourra même bénéficier dans certains cas d’une
requalification professionnelle ».
Compte tenu de la réalité d’une PME, celle-ci ne peut se permettre de voir son
propriétaire-dirigeant absent ou distant. L’implication directe et constante envoie le
message qu’il est concerné par les défis auxquels fait face l’entreprise et qu’il est
solidaire au même titre que l’ensemble des salariés de la situation. Affrontant toutes les
situations, il se montre rassurant et indique à tous que l’entreprise a un présent et un
futur. À ce sujet, il indique :
« Il est nécessaire que le dirigeant de l’entreprise assume son leadership par sa présence
et son engagement. Les employés me regardent aller et lorsqu’ils constatent que je vais
faire l’impossible pour assurer le succès de l’entreprise, de nos emplois, cela les sécurise
et les pousse à continuer de me suivre, de croire dans l’entreprise. L’implication devient
un remède préventif au découragement et au laisser-aller des employés. Si je me tiens
debout et que je leur donne l’heure juste sur la situation, ils vont embarquer avec nous ».
Le sujet abordé au niveau de la motivation des salariés vient chercher le propriétaire-
dirigeant, lorsque questionné. Il explique qu’il a toujours fait des efforts considérables
pour assurer la plus grande motivation possible chez ses employés. Il dit qu’au fil du
temps, il a affiné ses techniques de gestion pour être plus sensible aux évènements.
Alors qu’à la première restructuration, il tentait de demeurer fort et autoritaire dans le
193
but d’inspirer confiance, il a ensuite affiché une plus grande empathie envers les
employés survivants et il s’est préoccupé de leur incertitude :
« Après la première vague de licenciement, j’ai constaté que des employés ont eu
beaucoup de difficultés à accepter le départ de certains collègues. Cela a provoqué une
vague de négativisme qui a duré un certain temps. J’ai donc dû corriger certaines lacunes
de ma gestion en non seulement expliquer davantage mes décisions, mais également
prendre le pouls plus fréquemment pour éviter que la situation ne dégénère ».
L’entreprise a instauré des activités comme les pauses santés, les midis «marche», les
meetings d’informations, l’employé du mois et les boîtes à suggestions afin de motiver
les employés et de mieux cerner si des problématiques altèrent le climat de travail. Selon
le propriétaire, pour de faibles dépenses, il a su augmenter la motivation au travail et la
satisfaction au travail.
Conclusion du cas
Le traitement de ce cas nous a permis de comprendre qu’il s’agit d’une PME dirigée par
son propriétaire dirigeant qui est omniprésent dans le déroulement des activités de
production. L’entreprise a appris des restructurations vécues. Les communications et le
partage d’informations n’étaient pas optimaux, mais le temps a amélioré la situation. Il y
a eu maintien des activités de gestion des ressources humaines, quoique celles-ci ne
soient pas nécessairement développées comme chez certains concurrents. Enfin, nous
avons vu que l’entreprise a augmenté la légitimité de ses restructurations en créant une
méthode de sélection des employés licenciés qui a permis de justifier les choix.
194
TABLEAU 16 RÉSUMÉ DES VARIABLES DE MEUBLES TABLEAU Légitimité
L’entreprise a progressivement mis en place des pratiques pour partager l’information
Il y a constamment une grande implication des hauts dirigeants
Les communications se sont accentuées au fil du temps
Les valeurs de l’entreprise ont favorisé l’émergence d’outils de gestion en conséquence
Gestion des survivants
Plus ou moins à l’aise avec le concept
Ajustement concernant la nouvelle organisation du travail
Implication de la haute direction au quotidien dans la gestion des opérations
Maintien des pratiques RH
On constate le maintien des plans de développement des compétences
Il y a un maintien de la structure de rémunération
Il y a maintien de la de santé-sécurité du travail malgré la faiblesse des actions posées
Responsabilité sociale
Ils ont offert des préavis aux employés licenciés
Ils n’ont offert aucun programme d’accompagnement social
Restructuration est considérée comme un succès
L’entreprise a réussi à assurer sa pérennité
Ils sont en situation de croissance
Le cas Meubles Tableau est classé dans la catégorie succès
195
3.1.4. Beaulit
Pour l’analyse de ce cas, nous avons rencontré à deux reprises la directrice des services
administratifs de l’entreprise. Chaque rencontre a duré 60 minutes. Nous avons pu
discuter avec elle sur l’entreprise dans un cadre ouvert. À l’aide d’un questionnaire
d’entrevue, nous avons pu donner une ligne directrice à notre premier entretien. Lors du
deuxième entretien, sans guide, nous avons approfondi certains points qui demeuraient
imprécis.
Beaulit est une entreprise québécoise qui se spécialise dans la fabrication de matelas en
mousse mémoire. Il s’agit d’une entreprise familiale qui a su trouver sa place dans un
marché de gamme intermédiaire et qui lui a permis d’assurer une forte croissance depuis
une quinzaine d’années malgré quelques périodes de ralentissement. Outre les matelas
en mousse mémoire, ils fabriquent également des lits ajustables ainsi que des matelas
conventionnels à ressorts ensachés. Ils font affaire partout en Amérique du Nord en
partant de leur terre d’accueil, le Québec, au Canada et aux États-Unis.
L’entreprise a vu le jour dans le milieu des années 1990 où son propriétaire a compris le
potentiel du marché du matelas. Provenant d’une famille où le paternel était un
représentant commercial de matelas, il a saisi l’opportunité qu’il voyait se présenter à
lui. Il a aussitôt convaincu ses deux frères d’investir une petite somme d’argent afin
d’assurer la liquidité nécessaire pour démarrer l’entreprise. Après le décès du cadet, son
fils est venu prendre la relève et prendre en charge le développement commercial d’une
façon plus structurée.
Une étape importante de l’histoire de l’entreprise se situe en 2004 où elle acquiert pour
la première fois de véritables installations en procédant à l’achat d’une installation de
production. Ils ont pu l’acquérir en raison des difficultés financières des propriétaires
196
précédents. Cette acquisition a permis d’obtenir les conditions favorables afin de
pouvoir entreprendre leur croissance. Aujourd’hui, suite à cette décision charnière, ils
ont les installations pour être un leader au niveau de la recherche et du développement
de produits. À titre d’exemple, ils ont éliminé les hydrocarbures dans le procédé de
fabrication pour les remplacer par de l’huile de soya, une ressource renouvelable. Ils ont
également fait l’acquisition d’une piqueuse (une machine unique en Amérique du Nord)
qui permet de coudre directement le tissu dans plus de deux pouces de mousse mémoire,
ce qui améliore la durabilité des matelas. Aujourd’hui, l’entreprise fabrique le plus vaste
choix de matelas en mousses écologiques au Canada. Elle est la seule entreprise à
fabriquer des mousses mémoires de haute densité contenant des huiles naturelles.
L’entreprise s’est au fil des ans développé une identité qui lui est propre. Elle a su mettre
à l’avant-plan des valeurs qui ont permis de développer de bonnes relations avec leurs
partenaires d’affaires et leurs employés. Ainsi, le respect, l’intégrité, le travail d’équipe,
le plaisir et l’accomplissement dictent leur conduite et leur façon de penser pour gérer et
développer l’entreprise.
La valeur du respect se définit selon la directrice des services administratifs comme le
fait de considérer les individus œuvrant dans l'organisation et ses partenaires avec
diplomatie et écoute tout en agissant convenablement.
La valeur de l’intégrité se définit comme la capacité à entretenir des discussions franches
avec l'ensemble des interlocuteurs et agir de manière transparente, honnête et exemplaire
dans les pratiques de travail.
La valeur du travail d’équipe est la capacité à encourager l'entraide et accepter de
coopérer avec nos partenaires ainsi qu'avec tous les membres de l'organisation malgré
197
les différences afin d'atteindre les buts fixés en sachant reconnaître la bonne volonté et la
contribution de chacun.
La valeur du plaisir se définit par les efforts à veiller à ce que l'ambiance de travail soit
agréable, propice au bien-être et stimulante pour ses employés et maintenir de bonnes
relations entre collègues et avec les partenaires.
La dernière valeur, l’accomplissement, vise à outiller les membres de l'organisation afin
qu'ils puissent performer, s'encourager et à se dévouer pleinement dans leur travail et
surtout s'épanouir personnellement ainsi que professionnellement. Ces valeurs ont
émergé progressivement en même temps que l’entreprise a amélioré ses processus
administratifs et de production. Aujourd’hui, cela aide à tenir le cap sur ce qui est
important.
Actuellement, l’entreprise compte 55 employés. Étant donné qu’elle vient de procéder à
l’acquisition d’une licence commerciale d’un compétiteur ayant fait faillite, la directrice
des services administratifs prévoit une augmentation du chiffre d’affaires de 50% pour
2016 et de 100% pour 2017. La directrice souligne toutefois que la situation actuelle qui
prévaut ne révèle aucunement les difficultés traversées dans la période 2008-2010 :
« Suite à l’acquisition de la bâtisse en 2004, les années suivantes ont été plutôt
florissantes pour nous. Toutefois, à partir de 2008 jusqu’en 2010, nous avons dû nous
serrer la ceinture et procéder à deux restructurations. Pour la première fois, nous avons
dû composer avec un contexte négatif et nous étions assaillis de questions du type
comment faire, qui choisir, quel message communiquer, etc. Nous avons viré
l’entreprise de tous bords tous côtés en meeting pour venir à la conclusion que nous
allions supprimer des effectifs ».
198
On peut constater que sur la période 2004-2015, le nombre de salariés a augmenté sans
cesse sauf exception de la période 2008-2010. Suite à cette période de restructuration,
l’entreprise a regagné ces emplois et même plus. Le tableau 17 démontre la fluctuation
du nombre d’employés.
TABLEAU 17 NOMBRE D'EMPLOYÉS POUR LA PÉRIODE 2004-2010 Années Nombre d’employés
2004 15
2005 17
2006 28
2007 35
2008 29
2009 22
2010 29
2011 35
2012 42
2013 45
2014 50
2015 55
Les restructurations qui ont eu lieu à la fin 2008 et 2009 ont été extrêmement complexes
émotionnellement pour les dirigeants. Petite entreprise familiale, ils considèrent que les
employés sont au cœur du succès de l’entreprise. La décision est devenue impérative en
regard des états financiers. N’ayant pas la liquidité pour assumer des emplois alors que
199
les ventes n’étaient pas au rendez-vous, ils ont à contrecœur amorcé une réduction des
effectifs. Afin d’être le plus respectueuse possible, en accord avec les valeurs
organisationnelles, la directrice des services administratifs a conçu un outil afin de
l’aider dans la sélection des salariés à licencier. Le tableau 18 démontre les critères pour
procéder à la sélection. La directrice souligne la nécessité que le processus fasse du sens
et soit accepté par les employés. S’il ne l’était pas, cela aurait accentué le
mécontentement et aurait affecté les opérations et la relation avec les employés.
TABLEAU 18 LISTE DES CRITÈRES DE SÉLECTION DES SALARIÉS LICENCIÉS Catégories Critères
Production - Qualité - Productivité - Polyvalence - Adaptation aux changements
Comportements - Comportement sécuritaire - Implication - Attitude - Esprit d’équipe
Prise en charge - Apparence physique - Fiabilité - Absentéisme
La directrice des services administratifs souligne à quel point il a été important de
rencontrer les employés pour leurs expliquer la situation. La transparence avant, pendant
le processus de restructuration et après est incontournable. Dans une situation où les
employés sont déstabilisés, il importe pour l’employeur d’assumer son rôle de leader :
« J’ai pris rapidement la décision d’informer l’ensemble de nos employés de la situation
dans laquelle nous nous trouvions. Nous avons pris le temps de donner toutes les
informations que nous pouvions donner. Cela a permis de les rassurer, de démontrer que
nous étions solidaires et que nous travaillons pour assurer la pérennité de l’entreprise.
200
Dans la phase de restructuration, le fait d’avoir un plan, une structure a permis de
regrouper les employés dans la bonne direction ».
L’implication de la direction a été importante dans le processus de restructuration. Loin
d’être enfermés dans leur bureau, les actionnaires et la directrice des services
administratifs ont continué d’assurer une présence soutenue dans l’usine. La directrice
relate d’ailleurs l’exemple du président de l’entreprise qui quotidiennement fait le tour
de l’usine afin de saluer chaque employé. Le respect qu’il voue à ses employés permet
de pouvoir prendre des décisions plus difficiles sans altérer le degré de confiance des
employés :
« La présence du président permet d’avoir un meilleur esprit d’équipe. Sentir la présence
du leader, impliqué, engagé, déterminé, constitue peut-être notre plus grande force pour
affronter l’adversité ».
Au niveau de l’implication dans un plan social suite aux restructurations, la directrice
souligne qu’ils sont seulement une PME et qu’ils n’ont pas les capacités financières des
grandes entreprises. Elle précise que l’entreprise respecte les obligations légales. Elle
précise toutefois qu’ils ont offert un soutien moral aux employés licenciés.
Concernant les aspects touchants, la production, la directrice souligne que malgré les
restructurations, ils n’ont jamais vu de baisse de productivité ou de diminution de la
qualité demandée. Elle l’explique par la présence active dans l’usine de la direction. Ils
ont continué d’investir dans les techniques d’amélioration continue à l’aide d’un projet
chapeauté par une firme de consultants.
201
D’une façon complémentaire à l’amélioration continue, l’entreprise encourage fortement
les employés à s’investir et à participer à la réduction des irritants au travail. Que ce soit
au niveau de la production, des risques associés à la santé-sécurité au travail ou au
climat de travail, les employés peuvent s’exprimer en toute liberté et faire de suggestions
d’amélioration. La directrice précise qu’ils sont encore plus à l’affût avec les nouveaux
employés :
« Lorsque nous embauchons un nouvel employé, il arrive avec son toute la richesse de
son expérience. Il peut alors remettre en question nos façons de faire et suggérer des
pistes d’amélioration. Quand un employé est chez nous depuis longtemps, il devient
dans une zone de confort et devient moins enclin à faire des suggestions afin de
préserver son environnement de travail comme il le connaît et comme il l’apprécie. C’est
intéressant d’un côté, mais nuisible de l’autre côté ».
La motivation des employés est au cœur du succès de l’entreprise selon la directrice.
Afin de l’obtenir, nous avons vu qu’ils utilisent un management participatif. Au-delà de
la participation, ils font plusieurs petites choses pour permettre d’obtenir le respect et la
motivation des salariés. Par exemple, la directrice explique que le président apporte des
viennoiseries tous les jours. Il offre le café aux employés durant les pauses. Ils sont
soucieux de régler les insatisfactions le plus rapidement possible aussitôt qu’ils sont mis
au courant de l’état de la situation. De plus, ils ont développé une approche basée sur la
conciliation travail-famille qui permet d’augmenter la motivation des salariés selon la
directrice :
« La conciliation travail-famille prend tout son sens chez nous. Alors que souvent, les
entreprises demeurent chétives dans son application, chez nous, on y va à fond. Plusieurs
employés ont une heure de début et de fin différente. Cela permet de respecter leurs
202
obligations familiales. Certains en profitent pour le départ ou le retour des enfants de
l’école. Pour d’autres, c’est de multiples aménagements de la plage horaire en fonction
des rendez-vous médicaux. Cette flexibilité est grandement appréciée. D’ailleurs, nous
n’avons à peu près pas d’absentéisme non justifié. De nos jours, ça en dit long... »
Elle insiste également sur des évènements précis comme la fête de Noël ou la fête des
vacances au mois de juillet qui sont des évènements à ne pas manquer en raison de
toutes les activités de reconnaissance organisées par l’entreprise. Il y a également un
dîner collectif d’organisé tous les jeudis afin de se rapprocher des employés et favoriser
l’esprit d’équipe. La directrice souligne que ces dîners sont très importants pour
l’ensemble des employés de même que pour la direction. Il est extrêmement rare qu’un
employé ou un membre de la direction ne soit pas présent.
Ils ont également travaillé à développer une structure salariale qui favorise le respect des
salariés. Ainsi, chaque poste a été analysé et pondéré pour assurer que chaque employé
soit rémunéré à sa juste valeur. Même lorsqu’un employé est déplacé dans une autre
fonction et que celle-ci est appréciée à la hausse, le salaire est augmenté la durée du
déplacement. Alors que la rémunération est souvent une source de tension et de conflits,
la directrice nous assure qu’ils en tirent un avantage marqué attribuable à une plus
grande satisfaction au travail.
Sondée sur la question du développement des compétences, la directrice estime qu’ils
ont su maintenir le niveau d’investissement dans le développement des compétences des
employés. D’ailleurs, chaque année, ils dépassent l’obligation légale que leur confère la
loi 90 sur la valorisation et le développement des compétences. Au-delà de la loi, la
directrice souligne que dans les moments difficiles, c’est à l’entreprise d’assumer le
leadership et d’envoyer les bons messages à l’ensemble de l’organisation. Pour ce faire,
203
le message envoyé dans le maintien de l’investissement en développement des
compétences signifie que l’entreprise est résolument tournée vers le futur et qu’elle va
passer à travers ces zones de turbulences. À ce sujet, la directrice affirme :
« Une entreprise est aussi forte que le message reçu et compris par les employés. Il faut
prendre grand soin de réfléchir aux messages que l’on envoie par nos actions ou nos
inactions...»
La question du maintien des investissements dans la prévention des lésions
professionnelles est un aspect important de l’entretien avec la directrice des services
administratifs de l’entreprise. Alors qu’au début des années 2000 les résultats laissaient à
désirer, ils ont entrepris de fournir des efforts humains et financiers afin de réduire non
seulement le nombre de lésions professionnelles, mais également le nombre
d’évènements potentiels. Ces efforts ont été perçus très positivement de la part des
employés et se sont traduits par d’excellents résultats. Le tableau 19 démontre la
progression des taux de risques associés à l’entreprise par l’organisme étatique gérant la
santé-sécurité du travail, soit la Commission de la santé-sécurité du travail (CSST). On
peut constater que l’entreprise avait en 2004 un taux personnalisé supérieur au taux de
l’unité (soit celui des fabricants de meubles québécois) alors qu’aujourd’hui, ils battent
aisément ce taux.
204
TABLEAU 19 TAUX PERSONNALISÉ À LA COMMISSION (CSST) Année Taux de l’unité Taux personnalisé
2004 4,54 4,70
2005 4,56 4,68
2006 4,61 4,60
2007 4,59 4,58
2008 4,62 4,50
2009 4,62 4,49
2010 4,64 4,25
2011 4,60 4,19
2012 4,66 4,03
2013 4,65 3,99
2014 4,66 3,85
2015 4,67 3,75
La directrice soutient encore une fois que le message envoyé lorsque les investissements
sont maintenus en prévention des lésions professionnelles a un impact fort sur le respect
et l’engagement des employés envers l’entreprise. Selon, elle, ce respect se traduit par
un effort supérieur, une attention plus grande aux détails et un taux roulement nettement
plus faible. L’entreprise s’assure de la participation des employés à un comité de santé
sécurité du travail qui a pour but de réduire voir d’éliminer les risques associés au
travail. Ils ont un budget annuel pour réaliser leurs activités et les actions correctives qui
augmentent sans cesse en proportion du chiffre d’affaires annuel. Ainsi, si les années où
le chiffre d’affaires a stagné ou reculé, la direction a pris la décision d’augmenter
205
symboliquement le budget du comité. La directrice souligne qu’il s’agit d’un excellent
investissement qui va de pair avec les valeurs organisationnelles.
Résumé du cas
L’étude du cas Beaulit souligne de nombreux éléments qui expliquent pourquoi une
entreprise réussit à passer au travers des périodes troubles associées à des suppressions
d’emplois. Premièrement, les valeurs organisationnelles déployées aident à favoriser une
réception des messages communiqués et elles jouent un rôle important dans le processus
de légitimité de la restructuration. L’implication des dirigeants démontre la volonté de
réussite et le souci des employés. Les pratiques de gestion des ressources humaines sont
cohérentes et récurrentes, et les stratégies afin de motiver les employés sont
omniprésentes.
206
TABLEAU 20 RÉSUMÉ DES VARIABLES DE BEAULIT Légitimité
L’entreprise s’assure de fournir le maximum d’informations aux employés
Les dirigeants sont omniprésents dans l’usine
Les communications sont régulières sous de multiples formes
Les valeurs de l’entreprise ont favorisé l’émergence d’outils de gestion en conséquence
Gestion des survivants
Il y a plusieurs rencontres d’information après la restructuration
Ajustement concernant la nouvelle organisation du travail expliqué
Soucis des superviseurs sur les éléments dysfonctionnels suite à la restructuration
Maintien des pratiques RH
On constate une augmentation des plans de développement des compétences
Il y a un maintien de la structure de rémunération
Il y a augmentation des programmes de santé-sécurité du travail
Responsabilité sociale
Ils ont offert des préavis aux employés licenciés
Ils n’ont offert aucun programme d’accompagnement social
Restructuration est considérée comme un succès
L’entreprise a réussi à assurer sa pérennité
Ils sont en situation de croissance
Le cas Beaulit est classé dans la catégorie succès
207
3.1.5. Salec
L’entreprise Salec représentait un acteur important de l’industrie du meuble au tournant
des années 2000. Cette entreprise a été créée par un jeune entrepreneur âgé dans la fin
vingtaine qui avait vu son père opérer une entreprise de ce secteur d’activité dans les
années 1980. Fort dynamique, il s’est rapidement fait remarquer dans l’industrie du
meuble, particulièrement aux États-Unis. Ancien joueur de baseball professionnel dans
les ligues mineures américaines, il a rapidement su se bâtir un réseau de contacts et faire
prospérer son entreprise. Celle-ci a démarré dans son garage aménagé avec des moyens
limités. Il a su la faire croître à un rythme effréné et a acheté une bâtisse industrielle afin
d’assurer sa croissance. L’entrepreneur a obtenu de nombreuses marques de
reconnaissances comme celle du club sélect des meilleurs entrepreneurs québécois de
moins de 35 ans.
Salec a vu le jour en 1995 de façon modeste. Dès 1998, elle aménageait dans ses
nouveaux locaux et tentait de maintenir un rythme de croissance fulgurant. Durant ses
huit premières années d’existence, elle a su doubler son chiffre d’affaires annuel et ainsi
ébranler les fondations des piliers de l’industrie du meuble en Amérique du Nord. Elle a
pris d’assaut principalement le marché américain en développant une offre de produits
de gamme intermédiaire. Profitant de la faiblesse de la devise canadienne, l’entreprise a
été florissante très rapidement jusqu’au jour où elle a été confrontée à l’adversité.
Comme bien des entreprises de l’industrie du meuble, elle a dû affronter un concurrent
de taille à partir de 2003. L’arrivée massive de meubles provenant de la concurrence
asiatique a eu des répercussions majeures pour Salec. Pour la première fois, non
seulement l’année 2004 n’allait pas permettre de doubler le chiffre d’affaires, mais ils
ont constaté un net recul de leur profitabilité, premier signe d’une fragilité nouvelle.
Les changements dans l’industrie du meuble n’ont pas été anticipés ni par l’industrie ni
par l’entreprise. Puisque la fin des années 1990 et le début des années 2000 ont été
208
généreux, l’entreprise avait amorcé de grands changements organisationnels. Le premier
fut l’acquisition d’un système de gestion informatisée de classe mondiale pour les
grandes entreprises qui avait des opérations dans plusieurs pays multisites. Il s’agissait
du système le plus primé et le plus en vue pour les entreprises ayant du succès. Introduit
à grands frais, ce système a multiplié les échecs. Selon les dires du directeur des
opérations que nous avons rencontré, ils ont perdu la trace de composantes, livré des
commandes aux mauvais endroits et alourdi le système de gestion à ce point que les
employés ressentaient un profond malaise à utiliser ce système. Le directeur des
opérations souligne :
« Tous savaient et comprenaient que ce système n’avait pas de bons sens. Trop gros,
trop lourds, nous avons répété et répété notre désaccord. Toutefois, le président voyait
grand et voulait maintenir le niveau de croissance auquel nous étions habitués... »
Le deuxième changement a été la construction d’une deuxième bâtisse industrielle qui
allait permettre de soutenir la croissance de l’organisation. Encore une fois, le directeur
des opérations souligne que les principaux directeurs étaient contre ce projet. Le
directeur affirme qu’ils avaient la possibilité d’agrandir la première installation ce qui
aurait été plus sage dans les circonstances.
« La construction de la bâtisse s’avère l’élément qui nous a fragilisés du point de vue
financier. Alors que nous avions profité d’une situation favorable durant plusieurs
années, tout soudainement a changé et la nouvelle bâtisse fut le catalyseur. La suite des
choses fut une série d’éléments catastrophiques d’un angle financier, organisationnel et
humain. Nous jouissions d’une certaine liberté décisionnelle de la part des banquiers en
raison de notre succès, mais quand le vent a tourné, chaque évènement, même mineur,
nous faisait regretter le stress financier que la nouvelle réalité nous imposait ».
209
La progression de l’entreprise a donc stagné et conduit les dirigeants de l’entreprise à
procéder à une série de suppression d’emploi. Le processus décisionnel a été
relativement facile à prendre selon le directeur des opérations en fonction de la
situation :
« Rendu à un certain point, le président a réuni les principaux directeurs pour leur
expliquer l’état de la situation. Nous devions trouver des liquidités ou réduire dans les
dépenses en coupant dans la masse salariale. Puisque nous étions incapables de faire
apparaître une opportunité financière, il restait à privilégier la décision de procéder à
une suppression d’emplois ».
La situation a décliné dans le courant de l’année 2004 et de multiples épisodes de
réductions des effectifs et de restructurations ont eu lieu. Alors que l’entreprise
employait plus de 400 employés, les restructurations ont conduit l’entreprise jusqu’à la
faillite où elle s’est fait racheter par un compétiteur. Le tableau 21 démontre la
régression du nombre d’employés sur les trois années qui l’ont conduit à la faillite. Le
rachat par un compétiteur a stabilisé le nombre d’employés par la suite. Les explications
de la situation dans les prochaines pages traiteront de la période 2004-2007.
TABLEAU 21 NOMBRE D'EMPLOYÉS ACTIFS EN DATE DU 1ER JANVIER
210
Année Employés
2002 350
2003 401
2004 407
2005 325
2006 253
2007 174
Une rencontre avec le président de l’entreprise de l’époque a permis d’éclaircir le
comportement de l’entreprise à cette époque. Nous avons évoqué les premières
suppressions d’emplois qui ont provoqué plusieurs inquiétudes et frustrations au sein des
employés. Les critères de sélection des employés à être licenciés ont été en fonction des
salaires gagnés. Une première vague de licenciement a permis de réduire la masse
salariale de 20 employés étant dans les plus haut salariés de production. Par la suite, la
même stratégie a été déployée pour le personnel de bureau pour 14 personnes. Ces
licenciements ont été très mal reçus par les salariés. À cet effet, le président souligne :
« Compte tenu des difficultés financières auxquelles nous faisions face, nous avons pris
la décision de procéder à des licenciements qui allaient avoir un maximum d’impact sur
la masse salariale. Nous avons effectivement atteint notre objectif à court terme, ce qui
a réduit la pression financière du moment. Toutefois, nous avions mal évalué la réaction
des employés à la situation. Ils ont affiché un large mécontentement. La proximité et
l’engagement que nous avions avec eux se sont volatilisés. Alors que nous profitions de
leur expérience et de leur savoir, aussitôt les suppressions d’emplois faits, leurs
comportements se sont métamorphosés. Je me souviens de l’inquiétude de certains de
mes principaux directeurs... »
211
Les critères de sélection des employés licenciés ont provoqué plusieurs répercussions
négatives chez les employés restants comme chez les employés victimes des
licenciements. Cette grogne s’est traduite par la non-acceptation des critères de sélection
et a provoqué une forme de rejet de la légitimité de la restructuration et de la direction.
Par la suite, des comportements déviants ont été identifiés tels que l’insubordination, la
baisse de l’effort déployé, une baisse de la qualité des produits fabriqués et un
désengagement profond quant aux objectifs et résultats de l’entreprise. Le directeur des
opérations souligne :
« Il est clair que le sentiment de désengagement de nos employés augmentait. On s’est
rendu compte assez rapidement de notre erreur. Ça ne passait pas ! Les employés ne
reconnaissaient pas nos moyens de s’en sortir. Je me souviens que l’un d’eux m’a
apostrophé en me disant qu’avec tout ce que les employés avaient fait pour l’entreprise,
il pourrait avoir la décence d’agir autrement, avec un peu de respect et de dignité. Ce
fut un choc... je me disais qu’on aurait peut-être dû faire les choses autrement ».
Dans les regrets du directeur des opérations, il évoque une situation qui a démontré le
comportement de l’entreprise qui met en évidence les raisons pour lesquelles les
employés n’ont jamais accordé la légitimité nécessaire à l’entreprise. Il explique :
« Un conseiller en ressources humaines de l’entreprise a procédé à l’ensemble des 13
licenciements dans la journée. Ce fut une journée horrible pour lui de rencontrer et
d’annoncer à tous ces employés la perte de leur emploi. À la fin de la journée, le
président l’a rencontré dans son bureau pour lui annoncer qu’il était également
licencié. Il avait fait le sale boulot et on terminait avec lui. Je me souviens encore de la
212
réaction des employés et collègues qui étaient stupéfaits de la façon de procéder. Il
devenait difficile dans ces circonstances de respecter son employeur ».
Au niveau de communication, l’entreprise n’a pas été très explicite dans les motifs pour
justifier la restructuration. Quelques explications ici et là de la part de certains dirigeants
ou cadres intermédiaires sans plus. Le message ou l’absence de message a contribué à ce
que les suppressions d’emplois n’aient pas la légitimité voulue. De plus, les employés
savaient très bien que l’industrie du meuble allait plutôt mal et que des concurrents
procédaient à des mouvements de personnel similaires. Le directeur des opérations
explique :
« Certains de nos employés avaient leur conjoint ou conjointe qui travaillait pour nos
concurrents à deux coins de rue. Nécessairement, la comparaison était forte et
inévitable. Cela a alimenté l’insatisfaction, car les employés avaient peu d’information à
se mettre sous la dent. Il subissait ».
L’entreprise en ce qui a trait à la responsabilité sociale n’a pas offert de plan particulier.
Elle s’est contentée d’offrir le minimum garanti par la loi sur les Normes du travail.
Cette loi garantie que le salarié a le droit à un préavis travaillé ou non dont la durée varie
entre une semaine à 16 semaines en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise. À ce
sujet, le président souligne :
« Il est curieux de constater que le gouvernement nous impose des indemnités à verser
étant donné nos difficultés financières. De verser ces sommes ne fait qu’aggraver notre
situation et apportera d’autres licenciements ».
213
Il est à noter que l’entreprise n’a pas plus collaboré avec les instances gouvernementales
qui prévoient la possibilité d’offrir un comité de reclassement pour les employés
victimes des suppressions d’emplois. Ce comité devrait être financé par l’entreprise
normalement. D’ailleurs, le directeur des opérations met en exergue le mécontentement
des employés sur la façon de faire et l’accompagnement des employés victimes et
survivants.
La discussion a tourné sur le développement des pratiques de gestion des ressources
humaines. À partir des premiers évènements de suppressions d’emplois, l’entreprise n’a
pas maintenu les investissements en développement des compétences. L’entreprise a
coupé dans les grands projets et diminué les budgets. Le directeur des opérations
souligne que dans la mesure où la situation mettait l’entreprise sous pression financière,
il devenait périlleux de maintenir ce type d’investissement. Le président a dès lors donné
comme instruction de les tenir au strict minimum. Le directeur des opérations souligne à
ce sujet :
« Le désinvestissement en formation a suscité beaucoup de réactions négatives de la
part de nos employés. Sans pouvoir mettre le doigt dessus, il comprenait le sérieux de la
situation puisque le développement des compétences signifie croire à demain, à un futur.
On investit dans le futur lorsqu’on y croit. De couper dans ces budgets en n’expliquant
pas pourquoi a sans contredit été une mauvaise décision. Le message envoyé était
extrêmement négatif et a laissé la place à l’insécurité, le stress et à des employés
désabusés de la situation ».
Avec le recul, le directeur des opérations ainsi que le président soulignent qu’ils auraient
du mieux préparé la stratégie de communication pour faire face aux employés. La pire
chose aura été de ne rien faire et de laisser les employés interpréter le message. Ce
214
sentiment d’abandon a alimenté l’insatisfaction, la réticence et a provoqué
progressivement des départs volontaires de la part d’employés qui n’ont pas attendu leur
tour venir selon le directeur des opérations :
« On dirait que l’effet cumulé de la méthode de sélection couplé à la diminution des
investissements dans le développement des compétences de nos employés a été comme
un coup de massue. C’est un peu comme si pour plusieurs, c’était le début de la fin ou la
fin d’une belle aventure. Plusieurs départs de nos meilleurs employés nous ont fait mal.
Le message que comprenaient nos employés restants était que le bateau coulait de
partout. Il fallait quitter le navire. Comme dirigeants, nous n’avions jamais fait face à
un tel sentiment et à de telles réactions de la part de nos employés. Mais il fallait
continuer... »
Nous avons continué à nous intéresser aux pratiques de gestion des ressources humaines
en abordant la prévention de la santé-sécurité du travail. Au même titre que le
développement des compétences, cette pratique permet de valider l’importance du futur
de l’organisation. Le directeur des opérations soutient que dans les entreprises dans
lesquelles il a travaillé, la santé-sécurité du travail a toujours constitué une priorité pour
deux raisons. La première raison fait référence à la dimension financière des lésions
professionnelles. Celle-ci, dans le régime d’assurance obligatoire au Québec, peut
s’avérer très onéreuse pour les entreprises de grandes tailles. La deuxième raison est en
relation avec le message véhiculé. Il précise :
« La prévention des accidents de travail et des maladies professionnelles permet de nous
rapprocher de nos employés et de leur démontrer toute l’importance qu’ils ont dans le
succès de l’entreprise. Les investissements sont nécessaires afin de leur démontrer qu’ils
ne sont pas des numéros sans importance ».
215
Suite au début des suppressions d’emplois en 2004, l’entreprise a pris la décision de
mettre sur la glace le comité de santé-sécurité du travail le temps que l’entreprise
reprenne du mieux. Le directeur des opérations confirme que ce comité n’a jamais repris
ces activités laissant pendantes toutes les activités déjà en marche. Nul doute selon le
directeur des opérations que cela a contribué à accroître la distance entre les employés et
le projet d’affaires qu’ils maintenaient à bout de bras et à même provoqué une
augmentation des déclarations d’évènements et des lésions professionnelles. Le tableau
22 révèle les dossiers ouverts à la Commission de la santé-sécurité du travail (CSST),
organisme gouvernemental qui assure que tous les travailleurs québécois bénéficient
d’une forme de protection au travail.
TABLEAU 22 NOMBRE DE DOSSIERS OUVERTS À LA COMMISSION DE LA SANTÉ-SÉCURITÉ DU TRAVAIL
Année Nombre d’évènements
2003 32
2004 28
2005 41
2006 51
Lors de notre entretien avec le président, nous nous sommes intéressés à la question de
la motivation des salariés dans ce processus de restructuration. Alors que cette entreprise
constituait un fleuron de l’industrie au début des années 2 000, notamment en fonction
de leur gestion des ressources humaines qui avaient remporté un prestigieux concours
les plaçant comme un employeur de choix au Québec, les répercussions des suppressions
d’emplois ont réduit considérablement le niveau de motivation des salariés. Le président
se confit :
216
« Alors que la situation nous était favorable en particulier en raison du taux de change,
lorsque les facteurs externes ont été modifiés, nous avons complètement modifié notre
approche de gestion des ressources humaines parfois volontairement et d’autres fois
non. Le stress financier était insoutenable. Le besoin de couper dans les dépenses a fait
en sorte que nous nous sommes déshumanisés et cela s’est rapidement répercuté sur la
motivation des employés ».
La motivation est donc un phénomène complexe à gérer selon le directeur des
opérations. Il souligne que le développement des bonnes pratiques de gestion a pris des
années à maîtriser alors que rapidement on a constaté une diminution de la motivation
suite aux réductions d’effectifs. Dans les premières journées suivant la première vague
de licenciement, il a constaté une diminution progressive du niveau de productivité.
Croyant le phénomène passager en raison des évènements, il a compris que cet effet
serait durable après quelques semaines. Son explication du phénomène est que dès que
les employés ont perdu une forme d’espoir dans l’avenir de l’entreprise, la prestation des
employés allait s’en ressentir.
La motivation est un phénomène étrange qui peut varier et qui peut être influencé en
fonction de détails parfois minimes selon le président. Il précise qu’avoir su
l’importance de ces détails, parfois perçus comme peu signifiants, il aurait porté une
attention spécifique afin de maintenir le dynamisme et la motivation des employés au
niveau habituel. D’ailleurs, la motivation n’est jamais étrangère à la capacité de la firme
de communiquer efficacement avec ses salariés affirme le directeur des opérations.
« Nous nous sommes préoccupés davantage du stress financier que du stress et de
l’incertitude vécus par nos employés. Dans la mesure où nous n’avons pas su adapter
nos communications à la réalité et le contexte particulier dans lequel nous nous
217
retrouvions pour la première fois de notre histoire, il n’est guère surprenant que nos
employés aient subi une baisse de motivation face à ce choc. Plutôt que d’être à leur
écoute, nous avons préféré écouter nos banquiers avec le résultat que l’on connaît ».
Les effets des suppressions d’emplois se sont fait considérablement ressentir au niveau
des indicateurs de productivité et de qualité. Alors que l’entreprise était couramment
citée comme un modèle à suivre au niveau de sa gestion de la production, elle a quelque
peu trébuché relate le directeur des opérations :
« Nous avons dès le début des années 2 000 introduit des principes du lean
manufacturing dans l’entreprise, car nous voulions afficher une plus grande efficacité
dans notre production et dans la qualité des produits offerts. Les résultats ont été
spectaculaires. Des gains de 25% au niveau de la productivité ainsi qu’une diminution
de 50% des retours en 24 mois. Ces gains ont été réalisés avec l’appui et la
collaboration des employés. Leur participation à tous les niveaux a permis non
seulement de les impliquer, mais également d’extraire tous le savoir et les
connaissances acquises au fil du temps. La collaboration devient essentielle sur le plan
de l’information, des techniques et des observations. Toutefois, cela devient très
éphémère lorsque le contexte devient négatif. Je dirais que gains réalisés avec les
employés deviennent des pertes dans un contexte aussi misérable. La confiance se gagne
lentement, mais se perd rapidement comme si les employés n’attendaient juste ça ».
Le tableau 23 fait référence à une donnée très significative dans le lean management.
Les principes de cette philosophie de gestion introduite en 2002 valorisent la
participation des employés dans l’amélioration de leur poste de travail, de leur
département et de leur usine. On dénote d’ailleurs que des entreprises appliquant ces
principes obtiennent des taux forts de participation et des suggestions d’amélioration. On
218
y constate une forte progression suite à son application suivie d’une forte régression
suite aux mouvements de restructuration en appliquant les suppressions d’emplois.
TABLEAU 23 NOMBRE DE SUGGESTIONS PAR EMPLOYÉ 2002 0,7
2003 12,2
2004 15,3
2005 4,2
2006 1,7
Conclusion du cas
Le traitement de ce cas nous a permis de constater que cette entreprise n’a pas réussi sa
stratégie de restructuration comme les autres cas vus précédemment. Les suppressions
d’emplois ont eu des effets considérables et les répercussions ont été très négatives.
L’entreprise ne s’est jamais remise de la façon dont elle a traité avec la situation. La
confiance des employés a été altérée. La motivation a ainsi décliné. L’entreprise s’est
davantage préoccupée de ses finances que d’accompagner ses salariés dans ces moments
difficiles. Les quatre premiers cas ont démontré un contexte de suppressions d’emploi
difficile qui a été négocié avec succès par les entreprises en mettant les salariés au
premier rang comme partenaire afin d’affronter l’adversité. Ce cas-ci s’est avéré un
échec puisque l’entreprise ne s’en est jamais remise, faisant faillite et en étant racheté
par une entreprise concurrente.
219
TABLEAU 24 RÉSUMÉ DES VARIABLES DE SALEC Légitimité
L’entreprise a très peu informé ses employés de la situation préoccupante
Les dirigeants n’ont pas été présents ni engagés
Les communications ont été au strict minimum
Les processus de restructuration ont été fortement contestés
Gestion des survivants
Il n’y a pas eu de séances d’informations après les restructurations
Les ajustements concernant la nouvelle organisation du travail ont été imposés
Aucun accompagnement des superviseurs sur les éléments dysfonctionnels après
Maintien des pratiques RH
On constate une diminution des plans de développement des compétences
Il y a eu un arrêt de la structure de rémunération
Il y a diminution des programmes de santé-sécurité du travail
Responsabilité sociale
Ils ont offert des préavis aux employés licenciés
Ils n’ont offert aucun programme d’accompagnement social
Restructuration est considérée comme un succès
L’entreprise a fait faillite
Ils ont été rachetés
Le cas Salec est classé dans la catégorie des échecs
220
3.2. Les variables utilisées
Pour le traitement méthodologique et pour faire suite à l’analyse des cinq cas vus
précédemment, nous avons consolidé les variables observées de ces cas. Ces variables
sont une combinaison des observations suite aux études de cas ainsi qu’à la connaissance
du chercheur de ce secteur d’activité. Le tableau 25 explique chacune des variables.
TABLEAU 25 EXPLICATIONS DES VARIABLES POUR LE TRAITEMENT BOOLÉEN Condition Explications
Légitimité Contexte de rationalisation justifiable,
informations et communication aux
salariés, acceptation de la méthode utilisée
pour les suppressions d’emplois.
Responsabilité sociale Présence d’un plan social, implication de
la direction dans le processus, image
corporative positive à l’externe.
Développement des ressources humaines Continuité des bonnes pratiques RH telles
que le développement des compétences, le
maintien des activités de prévention de la
santé-sécurité du travail, le maintien des
règles en place.
Gestion des survivants
L’entreprise met en place des mesures
pour rassurer, encadrer et sécuriser ses
employés afin de réduire les
comportements négatifs.
221
3.2.1. Explication des variables
Les différentes variables ont été retenues suite aux études de cas réalisées dans les
entreprises Meubles Louiselle, Meubles Codex, Meubles Tableau, Beaulit et Salec. Suite
à l’analyse des données recueillies, les variables suivantes ont été retenues pour l’étape
du traitement de la méthode booléenne : la légitimité, la responsabilité sociale, le
développement des ressources humaines, la gestion des survivants et finalement le
succès de la restructuration.
La première variable est la variable dépendante qui porte sur le succès de la
restructuration. Il importe de se questionner par rapport à la position de l’entreprise suite
à l’application des changements suite aux activités de restructuration. L’entreprise a-t-
elle rétabli sa situation financière ? Le chiffre d’affaires s’est-il stabilisé ? Encore mieux,
a-t-il repris de la vigueur? Dans quel état se situent le moral et la motivation des
employés? Sous quels critères une restructuration peut être considérée comme un
succès?
Pour cette variable, nous allons retenir la reprise de la croissance du chiffre d’affaires de
l’entreprise, c’est-à-dire sa capacité à rétablir un niveau de profitabilité financière.
Conséquemment, les différents gestes posés dans le cadre d’une restructuration ont-ils
permis à l’entreprise d’assainir son bilan financier en redevenant rentable.
La variable de la légitimité s’inscrit dans une dynamique où l’entreprise doit être en
mesure de justifier les activités de restructuration. Afin d’éviter que la main-d’œuvre
perde leur motivation, il importe que l’entreprise diffuse adéquatement les informations
aux salariés. Ceux-ci veulent être informés, car ils sont une partie prenante de la
situation. En étant d’une certaine façon les victimes, les salariés désirent obtenir toutes
les informations nécessaires afin de maintenir à un juste niveau les efforts nécessaires
222
demandés par l’employeur. L’entreprise doit s’assurer de la légitimité du processus en
faisant accepter les actions et gestes posés. Ainsi, les employés doivent juger que
l’entreprise n’avait pas d’autre choix et qu’elle a agi pour assurer sa pérennité.
Conséquemment, les salariés ont-ils légitimé la restructuration de l’entreprise ?
La variable de la responsabilité sociale veut mesurer si l’entreprise s’est impliquée dans
un plan social ou si elle s’est limitée à ses obligations légales en octroyant les indemnités
de départs imposées par la loi. Quelles implications les dirigeants ont-ils eues dans les
activités de restructuration. Étaient-ils présents et solidaires ou enfermés dans les
bureaux? Quelle image corporative a été projetée par cette situation? Conséquemment, il
faut valider s’il y a présence d’un plan social pour appuyer et encadrer les employés
victimes de la restructuration et valider l’implication de la haute-direction dans ce
processus.
La variable du développement des ressources humaines signifie le maintien des activités
de gestion des ressources humaines malgré la présence d’une restructuration.
L’entreprise a-t-elle continué ses activités en prévention de la santé et de la sécurité du
travail ? A-t-elle maintenu les budgets effectifs ? Les programmes de développement de
la main-d’œuvre ont-ils été maintenus. Les programmes de gestion des carrières ont-ils
été développés. Les employés doivent continuer de croire dans le projet organisationnel
malgré les activités de restructuration en place. Ils doivent sentir qu’il y aura un après.
Pour ce faire, le maintien des pratiques de gestion des ressources humaines est un
excellent signal à envoyer à toute l’organisation. Conséquemment, l’entreprise continue-
t-elle d’investir dans le développement des ressources humaines ?
La variable de la gestion des survivants vise à évaluer quelles actions ont été entreprises
afin de maintenir la vigueur de la force de travail active. Le syndrome du survivant est
223
bien défini et l’entreprise doit poser des actions concrètes afin de minimiser ces effets.
L’entreprise doit s’assurer de maintenir à un niveau acceptable la motivation de ses
employés. Conséquemment, quels gestes ont été posés et quelles répercussions sur la
main-d’œuvre.
3.2.2. Des variables de type RH à l’ajout de variables de type business
L’application des études de cas permet d’un point de vue qualitatif, grâce à des
entrevues semi-dirigées, de soit consolider les variables préalablement définies par le
chercheur grâce à sa connaissance du secteur d’activité ou de faire émerger des variables
en fonction des observations effectuées sur le terrain. Dans notre cas, nous avons
consolidé les variables suite aux cinq études de cas. Toutefois, en comparant les
différents cas et en relisant les notes d’entrevues, nous avons fait une constatation. Les
variables retenues peuvent être affublées d'un profil ressources humaines. Peut-on
uniquement se servir de ce type de variables afin d’expliquer le succès d’une
restructuration?
Dans le cas de l’entreprise Salec, un élément, en renfort aux variables sélectionnées peut
expliquer leur échec. Il s’agit de la santé financière de l’entreprise. Malgré tous les
efforts de saine gestion qu’une entreprise pourrait entreprendre, il n’en demeure pas
moins qu’on ne peut ignorer la dimension de la variable financière de l’entreprise.
L’entreprise Salec, en raison de ses investissements dans une nouvelle bâtisse
commerciale et dans un système informatique de gestion intégré de l’organisation, s’est
mise dans une piètre situation financière. On ne peut ignorer cette situation dans
l’analyse et le traitement des variables. La comparaison avec Meubles Louiselle est
probante. Celle-ci, en étant dans une situation financière favorable, a sans doute eu
davantage de succès dans ses restructurations. En conséquence, nous allons introduire la
variable de la santé financière de l’entreprise.
224
La deuxième variable que nous désirons introduire est la variable de la niche de produits
afin d’expliquer le succès des restructurations. Suite à l’analyse de nos cinq cas et des
explications fournies, nous nous sommes questionnés sur le produit lui-même. Une
entreprise a-t-elle davantage de chances de réussir sa restructuration si elle évolue dans
une niche de produits spécifiques? Autrement dit, une entreprise dans le secteur des
fabricants de meubles est-elle favorisée si elle évolue dans une gamme de marchés de
base, intermédiaires ou haut de gamme? Avec des produits d’entrée de gamme,
comment une entreprise peut-elle compétitionner avec la concurrence asiatique? La
niche de produits nous semble une variable à considérer dans notre recherche de
comprendre quelles sont les conditions ou les combinaisons pouvant permettre de
traverser avec succès une restructuration. En conséquence, nous allons également
introduire la variable niche de produits.
Le tableau 26 constitue un résumé des études de cas réalisées en fonction des variables
retenues. Lors de notre retour en arrière, nous avons intégré dans notre analyse les deux
nouvelles variables de type business. Les variables utilisées sont donc la légitimité
(Leg), la gestion des survivants (Surv), la responsabilité sociale (Resp), le maintien des
pratiques de gestion des ressources humaines (PGRH), la santé financière de l’entreprise
(SFE), la niche de produits (Niche) et finalement le succès de la restructuration (Succès).
225
TABLEAU 26 RÉSUMÉ DES ÉTUDES DE CAS Cas Leg Surv Resp PGRH SFE Niche Succès
Meubles
Louiselle
Oui Oui Non Oui Oui Oui Oui
Meubles
Codex
Oui Oui Non Oui Oui Oui Oui
Meubles
Tableau
Oui Oui Non Oui Non Non Oui
Beaulit
Oui Oui Non Oui Non Oui Oui
Salec
Non Non Non Non Non Oui Non
3.3. Conclusion du chapitre III
Les études de cas réalisées ont permis de recueillir des informations sur les cas
sélectionnés en regard de l’objectif de la thèse, soit de déterminer les conditions de
succès des restructurations. Nous avons ajouté une dimension business aux variables
déjà existantes de type ressources humaines. Les informations colligées seront reprises
dans le traitement de l’analyse booléenne dans le chapitre 4. Les études de cas ont
favorisé la compréhension de diverses situations des entreprises et ouvrent la porte à la
poursuite de la collecte de données grâce à l’analyse de 20 cas supplémentaire qui nous
permit de codifier ces cas et de construire la table de vérité. C’est donc 25 cas
d’entreprises qui seront pris en considération dans l’analyse booléenne. Cette dernière
sera le climax de la thèse en permettant d’obtenir des résultats sur les conditions et les
combinaisons de succès des restructurations.
226
3.4. Résumé du chapitre III
Le chapitre III a permis d’explorer grâce à des études de cas sur les variables que le
chercheur avait préalablement identifié grâce à sa connaissance du secteur d’activité. Il
est primordial dans le cadre de l’analyse comparative de développer sur des études de
cas afin d’apprendre à mieux cerner les enjeux. Cette portion qualitative amène le
chercheur à affiner sa compréhension du secteur d’activité et même à se poser d’autres
questions par rapport aux observations effectuées et dans la phase de collecte de
données.
Ce questionnement a fait faillir une réflexion. Bien que les variables préliminaires
puissent expliquer le succès ou l’échec d’une restructuration, d’autres éléments, étranger
aux variables retenues de type «GRH» pourrait-ils l'expliquer. Nous avons en ce sens
introduit deux autres variables complémentaires que nous allons tester dans le traitement
de l’analyse booléenne. La première variable est la santé financière de l’entreprise et la
seconde la niche de produits de l’entreprise.
Le prochain chapitre permettra de continuer la collecte de données qui permettra
l’application de l’analyse booléenne afin de faire ressortir les configurations de
conditions nécessaires pour expliquer le succès des restructurations. Nous prendrons
dans ce chapitre 25 cas pour lesquelles nous bâtirons une grille de vérité. Ces cas seront
issus de la première partie de la collecte de données des études des cinq cas auxquels
nous ajouterons 20 cas supplémentaires.
227
Chapitre IV
Construction de l’échantillon et du codage des cas
228
Chapitre 4 Construction de l’échantillon et codage des cas
4. Introduction
Le premier chapitre a permis au lecteur d’apprivoiser le concept des restructurations en
développant sur le contexte et les diverses typologies appliquées dans les organisations.
Le chapitre II a mis en évidence l’aspect méthodologique de cette thèse en introduisant
la QCA. Le troisième chapitre a pour objectif de compléter le traitement des nouveaux
cas avec la table booléenne et par la suite enchaîner avec l’analyse et la discussion des
résultats. Dans un processus itératif, cette étape permettra de boucler la boucle sur les
variables de succès d’une restructuration utilisées dans cette thèse.
4.1. Le traitement des nouveaux cas
Le traitement des cas à cette étape se veut différent de la première étape des cas lors du
chapitre III. Alors que nous avons procédé à des études de cas en procédant à l’interview
de différents dirigeants d’entreprises afin de faire ressortir les variables pertinentes pour
cette thèse, nous allons cette fois procéder au traitement de 20 nouveaux cas pour
lesquelles nous allons réaliser une entrevue téléphonique à l’aide d’un questionnaire.
Nous allons également nous servir des données recueillies dans les cinq études de cas
afin de les transposer dans l’analyse booléenne pour porter le compte à 25 cas. Nous
désirons autant que possible discuter avec soit le président ou le propriétaire-dirigeant, le
directeur des opérations ou le responsable des ressources humaines de chaque entreprise.
Il peut parfois être complexe dans certaines entreprises de discuter avec un interlocuteur
occupant la même fonction pour de multiples raisons comme la complexité
organisationnelle ou le temps mis à leur disposition. Les résultats obtenus permettront de
procéder à la codification de la table de vérité. Le tableau 27 indique la liste des vingt-
cinq cas sélectionnés pour la thèse et le nombre d’employés au moment de la collecte de
données.
229
TABLEAU 27 LISTE DES ENTREPRISES POUR LA COLLECTE DE DONNÉES Entreprise Nombre d’employés
1. Appex 150
2. Star 140
3. Astérix 450
4. Jolie 55
5. Sinesco 170
6. Sisigra 100
7. Mégère 75
8. Novello 75
9. Hautain 75
10. Italien 55
11. Angelile 100
12. Matec 75
13. Maskinongé 65
14. Ici 45
15. Mia 65
16. Concept 55
17. Illinois 45
18. Ouvrier 85
19. Agassi 45
20. Delabrise 155
230
21. Meubles Louiselle 450
22. Meubles Codex 650
23. Meubles Tableau 55
24. Beaulit 65
25. Salec 75
Le tableau 28 montre la liste de questions afin de collecter les données dans les
différents cas. Nous avons également utilisé comme source documentaire les différents
articles de journaux retracés afin d’obtenir le maximum d’informations pertinentes sur
chaque cas. Dans la mesure du possible, nous avons demandé à chaque cas de nous
donner accès à des documents internes afin de corroborer certaines informations
recueillies. Comme pour l’étude des cinq cas précédents, la majorité des nouveaux cas
ont demandé à ce que leur cas soit dépersonnalisé afin que l’on ne puisse identifier
l’entreprise et ses représentants. Il est à noter qu’il s’agit d’un questionnaire différent de
l’étude de cas puisque les entretiens ont été plus courts et la plupart ont été
téléphoniques. Pour chaque cas, la durée a varié de 30 à 45 minutes par entreprise. Nous
avons également pu bénéficier de sources et de documents secondaires pour bonifier
notre collecte d’information.
231
TABLEAU 28 QUESTIONNAIRE UTILISÉ POUR LES 20 CAS
Entreprise : ____________________________________________________________
Nom de la personne ____________________________________________________
Titre : _________________________________________________________________
1. Quelle est votre activité commerciale, votre mission ?
2. Voudriez-vous nous parler de l’historique de votre entreprise ?
3. Avez-vous vécu des restructurations au cours des quinze dernières années ?
4. Comment cela s’est-il passé ?
5. Quel critère de sélection des salariés à licencier avez-vous utilisé ?
6. Quel type de présence la haute direction a-t-elle assurée ?
7. Avez-vous informé votre personnel de la situation ?
8. Quel a été l’impact des restructurations sur les pratiques de gestion des ressources humaines ?
9. Y a-t-il eu ralentissement des efforts consacrés et des sommes allouées ou le maintien ou l’augmentation ?
10. Y a-t-il eu un plan social offert ou une forme d’accompagnement pour les salariés victimes de restructuration ?
11. Suite à la restructuration, l’organisation du travail a-t-elle changé ?
12. Y a-t-il un programme ou des actions concrètes pour supporter ces employés?
13. Rétrospectivement, considérez-vous que votre restructuration a été un succès ? 14. Comment et pour quelles raisons ? 15. Que referiez-vous de différent aujourd’hui ? 16. Commentaires ?
232
4.1.1. Appex
L’entreprise Appex a pendant longtemps été un fleuron de l’industrie du meuble au
Québec grâce à la qualité de ses mobiliers de chambre à coucher. Après 65 ans
d’opération, l’entreprise a plié l’échine en 2014 après avoir déposé les livres une
première fois en 2013. La relance de l’entreprise n’a pas eu lieu malgré un
investissement de 1,3 million de dollars d’Investissement Québec, une institution
gouvernementale. L’entreprise confiait au Journal La Presse le 18 septembre 2015 que
tout près de 150 travailleurs ont perdus leur gagne-pain. Après plusieurs restructurations,
nous n’étions plus en mesure de fonctionner... » Suite à une faillite, elle est désormais
fermée complètement.
Nous avons été en mesure de nous adresser au l’ex-président de l’entreprise. La
discussion a duré une soixantaine de minutes. En regard des variables discutées dans les
chapitres précédents, nous avons évoqué les multiples suppressions d’emploi effectuées :
« les ventes n’ont cessé de décliner et nous n’avons pas été en mesure de remédier à la
situation. Aurions-nous pu faire différemment ? Probablement que oui. Aurions-nous
survécu ? Probablement que non... » affirme l’homme d’affaires.
Au niveau de la légitimité, il soutient avoir très peu informé son personnel et procédé
aux suppressions d’emploi en fonction de ses impressions quant à ceux qui étaient les
plus performants, subjectivement. Les employés survivants n’ont bénéficié d’aucune
attention particulière si ce n’est qu’une augmentation de la cadence et des charges de
travail. Ils n’ont pas cru bon de soutenir ce groupe, puisque selon le président, ils avaient
eu la chance de conserver leur emploi.
Au niveau de la responsabilité sociale, l’entreprise n’a jamais offert de plan social aux
victimes outre les modalités légales que la loi impose. Finalement, l’entreprise a soit
233
coupé, soit diminué les investissements dans les pratiques de gestion des ressources
humaines de sorte que les messages envoyés relevaient de la morosité financière.
Dans le contexte concurrentiel et financier, ils n’avaient tout simplement pas les armes
nécessaires afin d’affronter les défis de l’environnement externe. La dimension
financière ne leur permettait pas d’espérer passer à travers les difficultés. Appex, dans sa
stratégie commerciale, n’offrait pas une gamme de produits spécifiques qui lui aurait
permis d’avoir des éléments distinctifs face à une concurrence asiatique intense.
TABLEAU 29 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES D'APPEX Variables Oui/non
Légitimité Non
Gestion des survivants Non
Maintien des pratiques de GRH Non
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Non
Niche de produits spécifiques Non
Succès des restructurations Non
234
4.1.2. Star
L’entreprise Star a été fondée en 1948 et se désigne comme un important fabricant de
meubles prêt à assembler. Ils se spécialisent dans la fabrication de mobiliers résidentiels
et de bureaux fonctionnels. Ils emploient plus de 140 employés bien que ceux-ci ont
fluctué considérablement au cours des 10 dernières années. En 2014, l’entreprise a été
vendue à un groupe d’investisseurs de la région de Sherbrooke.
Une discussion téléphonique a eu lieu avec la directrice des ressources humaines de
l’entreprise durant près de 70 minutes sur les 15 dernières années. L’entreprise a procédé
à quelques suppressions d’emplois comportant à chaque occasion une dizaine
d’employés. Bien qu’elle affirme que l’entreprise s’en soit bien sortie, somme toute, elle
croit qu’ils ont appris en cours de route, ce qui leur a permis d'améliorer leur gestion de
la décroissance.
La variable de la légitimité a été un aspect important du processus. Alors qu’au départ,
les premiers licenciements étaient réalisés sans aucun critère de sélection, la méthode
était vivement contestée. Puis, ils ont conçu un outil afin d’évaluer les employés et ils
ont expliqué la méthode au personnel. La gestion des survivants a également évolué en
fonction de l’expérience dans ce type de situation. Des rencontres formelles et
informelles étaient initiées par la direction sur les défis de l’entreprise, les projets et
l’avenir à court et moyen terme. On a demandé aux superviseurs un plus grand degré de
patience et de prendre le pouls régulier de leur équipe de travail.
Aucun plan social n’a été proposé aux employés victimes. Aucune aide particulière n’a
été proposée. Ils ont simplement versé les indemnités prévues par la loi. L’entreprise a
amorcé toutefois une profonde réflexion sur les enjeux en gestion des ressources
humaines. Par la suite, ils ont pris la décision d’investir dans le développement des
235
compétences de la main-d’œuvre ainsi que dans la prévention des lésions
professionnelles. De plus, ils ont formé leur personnel de supervision afin qu’ils
améliorent leurs compétences de mobilisation d’une équipe de travail.
Star est une entreprise qui semblait bien prospérer avant que ne surviennent les
difficultés. La faiblesse de leur liquidité a amené l’entreprise à devoir vendre l’entreprise
il y a quelque temps. La vente pourrait représenter quelque chose de positif, mais elle a
été faite dans un contexte de difficulté financière. La niche de produit occupé par
l’entreprise les rendait très vulnérables face à la concurrence qui offrait des produits
moins chers.
TABLEAU 30 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE STAR Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Oui
Maintien des pratiques de GRH Oui
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Non
Niche de produits spécifiques Non
Succès des restructurations Non
236
4.1.3. Asterix
Asterix est entreprise familiale qui a été fondée il y a une trentaine d’années. Elle a pour
mission d’offrir une gamme complète de mobiliers de bureau fonctionnels et esthétiques.
L’entreprise offre un emploi à plus de 425 travailleurs. Fort d’une croissance importante
au Canada, mais également aux États-Unis, elle vise à accroître son taux de pénétration
au sud de la frontière. Malgré les ralentissements économiques depuis une dizaine
d’années, l’entreprise a continué d’investir dans la recherche et le développement de
nouveaux produits. Astérix continue à promouvoir ses valeurs familiales. Elle a toutefois
subi moult épisodes de suppressions d’emplois ces 15 dernières années.
Au niveau de la légitimité, l’entreprise a maintenu le canal de communications ouvertes
lors des actions de suppressions d’emplois de sorte que le degré d’acceptabilité a été
élevé. Les employés aux dires du propriétaire-dirigeant se sont sentis concernés par les
épisodes plus difficiles de l’entreprise, un peu comme s’ils étaient une partie prenante de
l’actionnariat de l’entreprise. En ce qui a trait à la gestion des survivants, l’entreprise n’a
pas cru bon investir dans un encadrement personnalisé de ses employés restants ni de
leur expliquer les changements et les défis à venir.
Au niveau du plan social, Astérix n’a fourni aucun accompagnement aux travailleurs
victimes des suppressions d’emploi. D’ailleurs, à cet effet, le propriétaire de voit pas ce
qu’il pourrait faire de plus que ce que la loi prévoit. L’entreprise n’a pas porté une
attention particulière au maintien des pratiques de gestion des ressources humaines.
Puisque le développement des compétences fait partie des bases de l’entreprise, ils n’ont
jamais ralenti. Toutefois, ils ont certaines années diminué ou éliminé les augmentations
de salaire. La prévention des lésions professionnelles a été maintenue dans le budget,
mais les coupes d’emploi ont défavorisé les divers comités associés à la prévention.
237
L’entreprise a toujours su maintenir une solide santé financière au fil des ans, ce qui lui a
permis de traverser plus aisément les périodes de turbulences associées à l’industrie du
meuble. Grâce à des produits uniques en intégrant le métal dans sa fabrication de même
qu’une qualité et une personnalisation élevée, ils ont su garder à distance la concurrence.
Au final, on peut certainement affirmer qu’Astérix a réussi à passer à travers sa période
trouble de restructuration alors qu’aujourd’hui, elle a le vent dans les voiles et se
retrouve en situation de croissance.
TABLEAU 31 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES D'ASTÉRIX Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Non
Maintien des pratiques de GRH Non
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Oui
Niche de produits spécifiques Oui
Succès des restructurations Oui
238
4.1.4. Meubles Jolie
Meubles Jolie est une PME de la région de Louiseville en Mauricie qui fabrique et
assemble du mobilier de salle à manger depuis 1991. Elle emploie une cinquantaine de
travailleurs. À l’instar de l’industrie au Québec, elle a suivi les cycles haussiers et
baissiers au fil des ans. Elle a su adopter des processus innovants qui lui ont permis de se
démarquer de la concurrence. Elle fait toutefois face à d’importants défis qui menacent
sa pérennité depuis une quinzaine d’années. Récemment, elle a contracté une entente
assurant la livraison de meubles destinés aux Jeux olympiques de Rio selon le Journal
des affaires du 15 novembre 2014.
Au niveau de la légitimité, il ressort que les suppressions d’emploi n’ont pas faites
l’unanimité. Le degré d’acceptabilité a été mitigé en raison du manque de clarté et
d’explications quant aux critères de sélection. Les dirigeants ont imposé leur façon de
faire sans informer ni tenir compte de l’avis de ses travailleurs. Ceux-ci ont eu, selon les
propos du dirigeant, plusieurs épisodes de résistance aux changements qu’il associe aux
suppressions d’emplois. La gestion des survivants n’a pas été considérée comme
importante par les gestionnaires qui ont continué comme si rien n’avait changé.
Aucun plan social ni forme de soutien ou d’accompagnement n’a été fait afin de soutenir
les victimes des suppressions d’emplois. Le propriétaire s’en remet à la loi et soutient
qu’il devait passer à autre chose, soit la pérennité de son entreprise. En ce qui a trait au
maintien des pratiques de GRH, l’entreprise a maintenu ses activités en recherche et
développement en maintenant son budget en développement des compétences. Ces
activités en prévention des lésions professionnelles ont également affiché une stabilité.
La gestion de la rémunération s’est maintenue, mais n’est pas très contributive puisque
les augmentations de salaire sont toujours très faibles. Ils ont toutefois mis des efforts
sur la motivation des salariés.
239
L’entreprise a toujours affiché une solide santé financière. Les propriétaires de
l’entreprise ont toujours misé de prudence quant aux cycles haussiers et baissiers. Ainsi,
la pérennité de l’entreprise n’a jamais été menacée. Jolie possède un solide réseau de
distributeurs au niveau des ventes, mais ne se distingue pas particulièrement au niveau
de sa niche de produits. Sa concurrence est grande tant en Amérique du Nord qu’en
Asie.
Au final, Jolie ont connu des difficultés, l’entreprise s’est remise sur les rails et la
croissance repart tranquillement comme le témoigne le contrat des Jeux olympiques de
Rio. Ils ont donc réussi à passer au travers des épisodes de restructuration avec succès.
TABLEAU 32 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE JOLIE Variables Oui/non
Légitimité Non
Gestion des survivants Non
Maintien des pratiques de GRH Oui
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Oui
Niche de produits spécifiques Non
Succès des restructurations Oui
240
4.1.5. Sinesco
Sinesco est une entreprise canadienne qui fabrique des meubles résidentiels de chambre
à coucher, de salle à manger ainsi que des unités murales. Elle compte près de 120
employés en date d’aujourd’hui. Toutefois, en 2005, c’est plus de 450 employés qu’elle
employait. Après avoir subi de nombreuses secousses entre 2005 et 2012, elle profite
pleinement de la relance où elle vient de procéder à l’embauche d’une dizaine
d’employés. Il est à noter que cela faisait plus de 10 ans que l’entreprise n’avait pas
procédé à des embauches. Un vent d’optimisme souffle sur l’entreprise.
Sinesco a subi plusieurs épisodes de suppressions d’emplois qui ont affecté le moral des
troupes puisque cela a duré plusieurs années. Le degré d’acceptabilité des suppressions
d’emplois a été bon en raison des explications et des informations données aux
employés. D’ailleurs, selon le dirigeant, plusieurs rencontres générales ont été
effectuées. Ces rencontres ont permis de favoriser la légitimité. Au niveau de la gestion
des survivants, l’entreprise s’est permis après chaque suppression d’emplois collective
d’encadrer le travail, les changements organisationnels et l’ambiance de travail dans les
semaines suivantes afin de ne pas sombrer dans la morosité des départs. Le message
d’espoir donné aux employés a été porteur et cela a permis aux employés de maintenir
leur niveau d’engagement.
Au niveau du plan social favorisant les victimes des suppressions d’emplois, l’entreprise
a payé les indemnités que la loi exige, mais ils ont également offert aux employés
licenciés de venir rencontrer les ressources humaines afin qu’ils puissent leur expliquer
les perspectives d’avenir et les chiffres sur le marché de l’emploi. Le service des
ressources a fait plusieurs démarches afin d’assurer les chances de replacement des
employés licencié. Sur la question du maintien des pratiques de GRH, le développement
241
des compétences a été laissé pour compte à plusieurs reprises. En fonction du contexte
organisationnel et financier, ils ont souvent diminué les investissements en la matière.
La situation est la même au niveau de la prévention des lésions professionnelles.
La santé financière de l’entreprise a été précaire. Ils ont fait certains choix en fonction de
cette réalité comme notamment la diminution des investissements en développement des
compétences. Par ailleurs, au niveau de la niche de produits spécifiques, ils ont suivi la
concurrence québécoise en ne cherchant pas à se caractériser, mais bien en offrant un
bon produit recherché par le consommateur.
On peut qualifier la restructuration de succès en bout de ligne puisque l’entreprise se
retrouve en situation de croissance au niveau de sa profitabilité et de son chiffre
d’affaires.
TABLEAU 33 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE SINESCO Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Oui
Maintien des pratiques de GRH Non
Responsabilité sociale Oui
Santé financière de l’entreprise Non
Niche de produits spécifiques Non
Succès des restructurations Oui
242
4.1.6. Sisigras
Sisigras est une entreprise qui a bénéficié d’une fusion afin de renforcir et consolider sa
place sur le marché québécois. Issue de deux petites entreprises familiales, elle a pour
mission d’offrir un produit de qualité durable. Ses mobiliers de salle à manger sont
fabriqués avec du bois de merisier ainsi que du bois de frêne. Elle brille par le rapport
qualité-prix qu’offre l’entreprise face à la concurrence locale avec ses quelque 55
employés. L’entreprise a dû se repositionner au tournant des années 2 000 afin de se
positionner face à la concurrence et sa stratégie d’affaires. La fusion de deux petites
entreprises a permis de consolider leur place. Le propriétaire souligne toutefois les
difficultés économiques qui ont affecté l’industrie et qui ont nécessité plusieurs
suppressions d’emplois.
Au niveau de la légitimité, l’entreprise a obtenu une bonne acceptabilité en raison des
informations partagées et des communications fréquentes entre la direction et les
travailleurs. L’entreprise s’est occupée de préserver l’environnement de travail en
prenant soin des survivants suite aux diverses suppressions d’emplois. Communications,
écoute et ouverture ont favorisé la transition entre l’avant et le après. Les superviseurs
ont eu le mandat de prendre le temps d’écouter et de rassurer les employés. Ils sont
passés d’une supervision de contrôle à une d’accompagnement. Ce changement n’est pas
simple en soi, mais dans un contexte de restructuration, le propriétaire affirme que les
superviseurs ont été davantage enclins à progresser dans leurs méthodes de gestion.
Au niveau d’un plan social, rien de particulier à signaler outre l’application d’indemnités
en fonction de la loi. Les victimes se voyaient indiquer le montant de leur préavis et il y
avait une coupure du lien d’emploi. Pour les pratiques de gestion des ressources
humaines, il y a eu diminution de l’intensité des pratiques en ce qui a trait au
243
développement des compétences et de la prévention des lésions professionnelles. La
rémunération a toujours suivi les normes minimales dictées par la Loi des normes du
travail du Québec.
Bien que la fusion ait favorisé une certaine stabilité financière, l’entreprise a toujours été
dépendante de quelques prêts bancaires par rapport à la bâtisse industrielle et des
équipements de production de type outils industriel. Une niche spécifique a été identifiée
puisqu’ils se spécialisent dans les meubles à bon marché faits de bois dur québécois. Le
propriétaire mentionne qu’il se distingue de ses concurrents québécois et cela lui permet
de tirer son épingle du jeu d’un point de vue local.
La restructuration peut être qualifiée de succès puisque l’entreprise assure sa pérennité, à
une reprise de sa croissance et les effets négatifs semblent loin selon les dires du
dirigeant.
TABLEAU 34 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE SISIGRAS Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Oui
Maintien des pratiques de GRH Non
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Non
Niche de produits spécifiques Oui
Succès des restructurations Oui
244
4.1.7. Mégère
L’entreprise Mégère se distingue à titre de fournisseur de composantes de bois depuis
près de cinquante ans. Elle sert la plupart des manufacturiers utilisant le bois franc au
Québec, que ce soit les fabricants de meubles, d’armoires ou d’ébénisteries. Ces 90
employés permettent d’avoir la capacité d’adaptation nécessaire afin d’assurer la
production nécessaire à leurs clients. En raison de la nature de ses clients, elle a subi les
aléas de l’industrie en ayant ses heures de gloire, mais ses épisodes plus sombres. Elle a
subi les contrecoups de ses clients qui ont vécu des difficultés en raison de la précarité
du marché.
Au niveau de la légitimité, le degré d’acceptabilité des suppressions d’emplois était plus
facile à accepter pour les employés puisqu’ils savaient que c’était les répercussions de la
baisse des commandes des clients qui était mal en point. Le propriétaire explique qu’il a
mis des efforts pour développer de nouvelles façons de faire dans cette période afin de
démontrer aux employés qu’il avait le contrôle de bien faire les choses et d’être innovant
et performant. En ce qui a trait à la gestion des survivants, plusieurs séances
d’encadrement, d’informations et de suivis ont eu lieu. Ce faisant, les employés ont
senti, selon les propos du dirigeant, l’implication de l’employeur à assurer un futur à
l’entreprise et aux employés.
Pour le plan social, l’entreprise a accompagné les victimes non pas seulement avec les
indemnités prévues à la loi, mais en les supportant de concert avec les responsables
gouvernementaux de la région pour tenter de les reclasser selon leur expertise. Selon le
dirigeant, les employés victimes des suppressions d’emplois ont été reconnaissants. Au
niveau du maintien des pratiques de gestion des ressources humaines, ils n’ont pas
diminué leurs efforts au niveau du développement des compétences et de la prévention
des lésions professionnelles. Au niveau de la rémunération, il y a eu un ralentissement
des salaires octroyés en fonction de la rentabilité annuelle durant cette période.
245
Les actionnaires de l’entreprise ont toujours eu une vision conservatrice de leur
entreprise en ce sens qu’ils se savaient à la merci de leurs clients. En conséquence, la
prudence financière a toujours été de mise afin de limiter le niveau d’endettement de
l’entreprise. Ainsi, en période de morosité économique, ils n’avaient pas de dettes envers
des créanciers. Dans une niche particulière de fabricants de composantes de bois, ils ont
tenté de constamment d’innover dans leur façon de faire et dans les produits et
techniques offerts de façon à assurer le meilleur service possible aux clients.
Aujourd’hui, comme l’industrie, l’entreprise bénéficie d’une reprise après des années de
vaches maigres. Leur santé financière leur permet de s’afficher comme un leader du
secteur d’activité.
TABLEAU 35 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE MÉGÈRE Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Oui
Maintien des pratiques de GRH Oui
Responsabilité sociale Oui
Santé financière de l’entreprise Oui
Niche de produits spécifiques Oui
Succès des restructurations Oui
246
4.1.8. Novello
L’entreprise Novello est une entreprise familiale qui a pignon sur rue depuis cinquante
ans. Elle se spécialise dans la fabrication de meubles en bois massif personnalisés grâce
à l’expertise de son propriétaire dirigeant. Elle compte à ce jour 75 employés qui sont
formés dans les techniques traditionnelles afin de faire ressortir tout le savoir-faire des
meubles anciens. Ses clients étant davantage québécois, elle a davantage su tirer son
épingle du jeu lors de périodes difficiles qu’a connu l’industrie du meuble. L’entreprise
a eu à se restructurer et à procéder à quelques suppressions d’emplois.
Au niveau de la légitimité, l’entreprise a su faire avec les difficultés économiques en
assurant un discours fréquent et constant pour expliquer la situation. Le président
souligne que les employés sont en droit de savoir ce qui se passe et qu’il le mérite.
L’entrepreneur prétend que les employés doivent savoir et comprendre ce sur quoi ils
sont évalués. Selon ses dires, cela permet d’accroître le degré d’acceptabilité du groupe.
L’entreprise a également développé ses façons de faire avec les survivants en identifiant
un responsable par section qui a la responsabilité d’identifier les problématiques, de
relayer les informations sur les tensions et le climat de travail. Ainsi, les superviseurs
peuvent agir individuellement ou collectivement lorsqu’il y a un signe d’insatisfaction.
L’entreprise n’a pas appliqué de mesure de plan social particulière. Le président
souligne respecter les normes légales en vigueur ni plus ni moins. Les travailleurs
victimes d’un licenciement ont donc la responsabilité de gérer seuls leur situation avec
comme unique soutien l’indemnité de départ et l’allocation de chômage par la suite. Ils
ont su maintenir leur expertise au niveau des compétences en raison de la complexité de
certaines méthodes de travail. Ils ont, traditionnellement, toujours eu un fort pourcentage
de leur masse salariale dédié à la formation et cela s’est maintenu dans un contexte de
crise. Il en va de même pour la prévention des lésions professionnelles.
247
Au niveau de la santé financière, Novello a toujours minimisé les emprunts de façon à
garder le contrôle sur l’entreprise. Bien qu’un prêt ait été nécessaire aux débuts des
opérations pour l’acquisition d’une bâtisse commerciale, ils s’assurent aujourd’hui
d’avoir les liquidités nécessaires sans avoir besoin de recourir à un prêt commercial.
L’entreprise évolue dans une niche spécifique où la concurrence est relativement
mineure. Plusieurs ébénistes peuvent faire le même type de produits, mais aucune
entreprise ne se spécialise, outre eux, dans la reproduction industrielle de meubles
anciens québécois.
L’entreprise a traversé la crise du secteur du meuble et la restructuration doit être
qualifiée de succès en raison de la hausse du carnet de commandes et de la croissance à
venir.
TABLEAU 36 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE NOVELLO Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Oui
Maintien des pratiques de GRH Oui
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Oui
Niche de produits spécifiques Oui
Succès des restructurations Oui
248
4.1.9. Hautain
L’entreprise Hautain a été fondée en 1967 et elle a changé de propriétaire en 2010 en
étant rachetée en raison de l’âge avancé des propriétaires. L’entreprise a su diversifier
son offre de produits en devenant une alternative aux meubles de style européen. Grâce à
ses quelque 75 employés, elle tente de résister à la concurrence des fabricants chinois en
privilégiant de courts délais de livraison.
L’entreprise a été très active en procédant à plusieurs petites suppressions d’emplois. La
succession de mouvements de personnel a apporté un vent de négativisme selon le
directeur des opérations. Au fil du temps, les travailleurs en sont venus à percevoir la
fatalité de leur entreprise. D’un point de vue de la légitimité, il en ressort un esprit fort
négatif sur les décisions tout en ayant toutefois une certaine acceptabilité, un peu comme
de la résignation. Aucune action n’a été prise concernant la gestion des survivants. Il
ressort du comportement de l’employeur une attitude tournée vers l’avenir sans tenir
compte que pour les travailleurs, il existence de nombreux traumatismes venant
influencer leur milieu de travail. Le directeur des opérations souligne que la productivité
et les indicateurs de qualité n’ont jamais atteint les niveaux précédant les
restructurations.
L’entreprise n’a proposé aucun plan social de façon à accompagner les victimes des
suppressions d’emplois. Les indemnités exigées par la loi ont été payées. Une fois
l’annonce de la suppression d’emplois faite, les documents administratifs étaient
envoyés par courrier pour rompre définitivement le lien d’emploi. Au niveau des
pratiques de gestion des ressources humaines, il y a une diminution des engagements sur
les plans de développement des compétences et de la prévention des lésions
professionnelles. La rémunération n’a pratiquement pas augmenté depuis les dix
dernières années.
249
La santé financière des nouveaux propriétaires est solide selon leurs dires. Bien qu’ils
tentent de se distinguer avec une niche de produits spécifiques en se rapprochant de
meubles européens, la réponse des consommateurs semble tarder.
Même si l’entreprise demeure encore en activité en date d’aujourd’hui, l’entreprise ne
s’est jamais remise au niveau d’antan. Elle a joué avec la quantité de ses effectifs, a tenté
de trouver une recette magique pour s’en sortir, mais elle n’a jamais capitalisé sur les
effectifs en capital humain. Ceux-ci ont, selon le directeur des opérations n’ont jamais
vraiment cicatrisés leurs plaies et la pérennité de l’entreprise est remise en question. La
restructuration de peut être qualifiée de succès.
TABLEAU 37 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE HAUTAIN Variables Oui/non
Légitimité Non
Gestion des survivants Non
Maintien des pratiques de GRH Non
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Oui
Niche de produits spécifiques Non
Succès des restructurations Non
250
4.1.10. Italien
Italien a été fondé en 1993 avec l’ambition de devenir un leader dans la fabrication de
meubles rembourrés en cuir et en tissu. Elle emploie plus de 75 employés dans son
usine. L’entreprise a réussi à se tailler une place de choix dans le marché canadien grâce
à sa créativité et l’originalité de ses produits. Aujourd’hui, elle regarde au sud de la
frontière et tente de s’installer vers le marché des États-Unis.
L’esprit familial qui règne dans l’entreprise a aidé à passer à travers des crises qui ont
affecté l’industrie du meuble, mais plus directement Italien. Des ajustements de
personnel ont été nécessaires et cela a toujours été très difficile émotivement pour le
propriétaire-dirigeant. Au niveau du critère de la légitimité, les travailleurs ont accepté
les quelques suppressions d’emplois, sacrifices pour assurer la survie de l’entreprise.
L’information et les communications ont toujours été présentes afin que tous sachent
l’état de la situation et connaissent les objectifs à venir. Les survivants ont été pris en
charge avec de multiples rencontres sur les changements organisationnels et les
nouveaux objectifs. Le propriétaire les a invités aux festivités de Noël à quelques
occasions afin de les soutenir. Il relate l’histoire d’un ex-travailleur à qui il a fait un prêt
personnel compte tenu de sa situation précaire. Il prétend que ses actions ont permis de
conserver cet esprit familial.
Au niveau de la responsabilité sociale, la participation avec les instances
gouvernementales est nettement supérieure en temps, énergie et argent aux obligations
légales assumées. L’engagement de l’entreprise envers ses travailleurs victimes des
suppressions d’emplois était total selon le propriétaire. Au niveau des activités de GRH,
les changements provoqués dans l’organisation du travail ont été expliqués. Les
programmes de formation maintenus voir augmentés afin de bénéficier de toute la
flexibilité nécessaire et les activités de prévention maintenues. Ils ont su se développer
grâce à leurs compétences et maintiennent les investissements.
251
L’entreprise a grandi progressivement de sorte que le niveau d’endettement a toujours
été minime. La santé financière se trouve, en conséquence, en situation avantageuse. Au
niveau de la niche spécifique, ils ont toujours tenté de se situer à l’avant des tendances
grâce à leur influence italienne. Ainsi, ils savent se démarquer de la concurrence et ont
développé des meubles dans une gamme de prix spécifiques.
L’entreprise a su passer à travers les périodes troubles et a récupéré ce qui a été perdu.
Les sacrifices faits ont permis de cimenter le lien unissant l’employeur et les travailleurs.
La dimension familiale a d’ailleurs été nettement favorable dans la progression de
l’entreprise.
TABLEAU 38 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES D'ITALIEN Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Oui
Maintien des pratiques de GRH Oui
Responsabilité sociale Oui
Santé financière de l’entreprise Oui
Niche de produits spécifiques Oui
Succès des restructurations Oui
252
4.1.11. Angelile
L’entreprise Meubles Angelile fut un important fabricant de meubles québécois qui a été
en opération durant plus de 70 ans avant de fermer ses portes définitivement en 2010
après s’être placé sur la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Au
moment de la fermeture, elle comptait plus de 145 employés. La direction de l’entreprise
attribue ses difficultés à l’appréciation du dollar canadien et la baisse de son carnet de
commandes.
L’entrevue téléphonique avec le directeur des opérations en 2010 a permis de
comprendre que l’entreprise n’a jamais modifié ses pratiques. Elle s’est contentée de
procéder à des ajustements récurrents de sa main-d’œuvre en procédant à des
licenciements collectifs. Le style de gestion autoritaire n’a certes pas aidé à garder une
main-d’œuvre active motivée. La légitimité des actions de l’employeur a été grandement
remise en cause par les travailleurs quant aux choix et méthodes de sélection des salariés
à être licenciés. Le degré d’acceptabilité était très faible. La gestion des survivants était
inexistante selon le directeur des opérations. Les employés quittaient et la vie continuait.
Il souligne qu’aucune rencontre particulière n’a été faite, aucun ajustement de la part des
superviseurs.
Au niveau de la responsabilité sociale, l’entreprise n’a rien fait de particulier à cet égard
à l’exception des obligations légales. Le directeur précise que l’entreprise préférait
garder le focus sur le futur plutôt que de s’occuper du passé. En ce qui a trait aux
pratiques de gestion des ressources humaines, l’entreprise a toujours gardé ce volet dans
un état minimaliste. Le directeur souligne que l’argent était placé pour soutenir les
ventes des produits et non pas pour soutenir le volet administratif.
253
La santé financière de l’entreprise était précaire en raison du niveau d’endettement. Les
créanciers étaient nombreux et selon le directeur des opérations, le manque de liquidité
restreignait considérablement toutes les actions possibles. Au niveau de la niche de
produit spécifique, Angelile ne se démarquait pas et suivait la concurrence.
En regard des informations obtenues dans les médias et par le directeur des opérations
de l’époque, on comprend qu’ils n’ont pas réussi à passer à travers ces épreuves. La
gestion des restructurations est considérée comme un échec.
TABLEAU 39 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES D'ANGELILE Variables Oui/non
Légitimité Non
Gestion des survivants Non
Maintien des pratiques de GRH Non
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Non
Niche de produits spécifiques Non
Succès des restructurations Non
254
4.1.12. Matec
L’entreprise Matec a vu le jour dans les années 1990 et a eu une croissance fulgurante
jusqu’en 2004 où s’est amorcée une agonie de trois ans qui les a menées à déclarer
faillite en 2006. L’entreprise a été rachetée et a conservé les 140 emplois. Le fabricant
de mobilier de salle à manger à changer la stratégie d’affaires et Matec est encore en
opération aujourd’hui. Pour les fins de ce cas, nous avons analysé les actions de
l’entreprise avant sa faillite et rencontré le président de l’entreprise de cette époque.
Lorsque la situation économique s’est dégradée pour l’entreprise, ils ont procédé à
plusieurs suppressions d’emplois afin de réagir à la baisse du carnet de commandes. Au
niveau de la légitimité, le degré d’acceptabilité a toujours été bon selon le président
puisqu’ils ont joué la carte de l’honnêteté en fournissant beaucoup d’informations sur la
situation et en communiquant les changements. La résistance a été très faible jusqu’au
dernier licenciement collectif avant la faillite qui a provoqué frustration et amertume.
Tout au long de la décroissance, les salariés victimes de suppressions d’emplois
quittaient et l’entreprise passait à autre chose de sorte que très peu d’effort a été mis afin
de sécuriser et motiver les travailleurs survivants.
Au niveau de la responsabilité sociale, l’entreprise limitée à s’acquitter de ses
obligations légales envers les employés licenciés. Au niveau des pratiques de gestion des
ressources humaines, des coupures et des diminutions des investissements ont été
signalées un peu partout. Le mot d’ordre selon les dires du président était de rétablir les
finances de l’entreprise. Le département de la gestion des ressources humaines en a payé
le prix.
Le facteur de la santé financière de l’entreprise est majeur puisque l’entreprise avait
réduit sa marge de manœuvre financière en contractant des prêts pour une bâtisse
255
industrielle et des équipements de production. Aucune flexibilité n’était permise sur le
plan financier. Au niveau de la niche de produit, Matec a su se démarquer grâce à une
forte personnalisation de ses produits. Grâce au principe des options, elle offrait aux
consommateurs des configurations à l’infini de ses produits.
Le résultat de l’analyse de cette période est assurément l’échec des restructurations
puisque cela a conduit l’entreprise à déclarer faillite avant d’être rachetée par un
compétiteur.
TABLEAU 40 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE MATEC Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Non
Maintien des pratiques de GRH Non
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Non
Niche de produits spécifiques Oui
Succès des restructurations Non
256
4.1.13. Maskinongé
L’entreprise Maskinongé est une entreprise familiale qui œuvre dans la fabrication de
meubles de salle à manger depuis 1983. Grâce à la collaboration des quelque 60
employés, elle a réussi à se démarquer grâce à son caractère innovateur tant au niveau de
la production que de ses produits. Elle représente un exemple de l’entreprise du meuble
québécois et elle a subi des répercussions similaires à ses concurrents.
Au niveau du critère de la légitimité, le directeur de la production souligne que
l’entreprise est très près de ses employés et qu’ils n’ont jamais essayé de cacher la
situation. Il précise que le mot d’ordre était de s’en sortir ensemble. Les suppressions
d’emplois effectuées ont amené bien des discussions et des explications de façon à
augmenter le degré d’acceptabilité. Puisque tout était clair, même les employés victimes
comprenaient la situation. Les critères de sélection étaient par ancienneté tout en se
souciant des compétences spécifiques. En ce qui a trait à la gestion des survivants, ils ont
conservé leur lien d’emploi le plus longtemps possible en continuant de faire partie de la
grande famille. Pour ceux restants, des efforts ont été mis pour expliquer les
changements et avoir un type de supervision plus compréhensif, plus aux aguets de
l’insatisfaction et des frustrations.
Au niveau du critère de responsabilité sociale, aucun plan social n’a été mis en branle
outre les obligations légales. Pour les pratiques de gestion des ressources humaines, le
directeur de la production assure que l’entreprise n’a jamais diminué ses investissements
dans le développement des compétences et dans la recherche et le développement. De
plus, il indique que les activités de prévention des lésions professionnelles ont été
maintenues en raison notamment des valeurs organisationnelles.
257
L’entreprise Maskinongé bénéficiait d’un faible ratio d’endettement grâce à un mode de
gestion conservateur. Ils ont su grandir progressivement sans oublier que l’industrie du
meuble est réputée pour ces cycles. Au niveau de la niche de produit, Maskinongé offre
le même type de produits de bois de merisier comme bon nombre de fabricants de
meubles québécois.
Les suppressions d’emploi ont été réussies puisque non seulement l’entreprise a réussi à
passer au travers d’un point de vue financier et commercial, mais le climat de travail et
la motivation sont demeurés pratiquement intacts selon le directeur rencontré.
TABLEAU 41 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE MASKINONGÉ Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Oui
Maintien des pratiques de GRH Oui
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Oui
Niche de produits spécifiques Non
Succès des restructurations Oui
258
4.1.14. Ici
L’entreprise Ici a été fondée en 1989 par un entrepreneur qui avait eu l’opportunité
d’acquérir une bonne expérience dans l’industrie du meuble. Ils se sont spécialisés dans
le mobilier de salle à manger en merisier massif comme bon nombre de concurrents. À
l’instar de l’industrie du meuble, ils ont connu à partir de 2005 de graves difficultés
financières en raison de l’effritement du carnet de commandes. Ils ont vendu l’entreprise
en 2008 à un concurrent après avoir restructuré l’entreprise. Au moment de la
transaction, ils avaient 90 employés.
Un entretien téléphonique avec le président de l’entreprise de 2008 a permis d’en
apprendre sur les façons de faire de cette époque. Au niveau de la légitimité, le
propriétaire se souvient ne pas avoir pris le temps de rencontrer les travailleurs pour leur
donner des explications sur le contexte, les décisions à prendre et la restructuration. Ils
se sont contentés de procéder à une série de suppressions d’emplois afin d’équilibrer la
production. Le degré d’acceptabilité était fort contesté, car il n’y avait pas d’outil
particulier pour les guider. Les travailleurs reprochaient le caractère subjectif des
sélections. Pour la gestion des survivants, il n’y avait aucune attention particulière
puisque l’attention de la firme était tournée vers la productivité selon le président.
Au niveau de la responsabilité sociale, il n’y a eu aucune tentative d’accompagnement
ou de soutien envers les victimes de suppressions d’emplois excepté les obligations
légales. En ce qui a trait aux pratiques de gestion des ressources humaines, il y a eu
diminution des investissements dans les plans de formation et de développement des
compétences. Le budget alloué à la prévention des lésions professionnelles a également
été réduit.
259
La santé financière de l’entreprise était précaire de sorte que l’étau s’est resserré par
l’entremise des banquiers. Rapidement, la diminution des ventes par rapport aux
obligations financières a fragilisé l’entreprise. Les produits offerts par Ici ne se
distinguaient aucunement des compétiteurs québécois.
Dans la mesure où l’entreprise a été contrainte de vendre afin de ne pas déclarer faillite,
on doit qualifier la restructuration d’échec malgré le fait que l’entreprise demeure active
aujourd’hui.
TABLEAU 42 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES D'ICI Variables Oui/non
Légitimité Non
Gestion des survivants Non
Maintien des pratiques de GRH Non
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Non
Niche de produits spécifiques Non
Succès des restructurations Non
260
4.1.15. Mia
L’entreprise Mia a été fondée en 1978 et compte 55 employés. Elle est spécialisée dans
la fabrication de fauteuils, causeuses, canapés et fauteuils inclinables en cuir et en tissus.
Elle exporte 20% de ses produits aux États-Unis alors que le reste de sa production est
vendue au Canada.
Au niveau de la légitimité, l’entreprise avec ses valeurs familiales a toujours
communiqué abondamment avec ses employés. L’abondance de l’information offerte a
permis d’augmenter le degré d’acceptabilité des suppressions d’emploi à trois occasions.
Elle a démontré grâce aux explications fournies le caractère obligatoire des suppressions
d’emplois. L’entreprise a, au niveau de sa gestion des survivants, assuré une présence
soutenue et réconfortante selon le directeur des opérations. Cela a permis de sécuriser et
de maintenir le niveau d’engagement des employés. Une attention particulière a été
portée au superviseur afin d’assurer ce niveau de compréhension et de soutien que
proposent ses valeurs familiales.
Au niveau de la responsabilité sociale, aucune accommodation ni aide quelconque n’ont
été offertes. L’entreprise s’est contentée de respecter les prescriptions légales en vigueur.
En ce qui a trait aux pratiques de gestion des ressources humaines, l’entreprise n’a pas
assuré une continuité dans ces pratiques. On peut noter une diminution des budgets
consentis au développement des compétences et de la prévention des lésions
professionnelles.
Au niveau de la santé financière, l’entreprise s’était légèrement endettée lors de
l’acquisition d’une bâtisse commerciale. Ils ont également quelques dettes contractées
lors d’acquisition de véhicules commerciales. L’expertise développée progressivement
leur a bien servi en leur permettant d’offrir des produits modernes et personnalisés que
261
la concurrence ne réussit pas à imiter. Bien qu’ils ne soient pas un jouer majeur dans
l’industrie, il semble en bonne position d’assurer leur pérennité.
Il en ressort selon les dires du président un haut niveau de confiance des travailleurs
envers l’organisation en raison du sentiment de bâtir le futur. La restructuration de
Meubles Mia s’avère un succès puisqu’ils ont passé au travers les difficultés et sont
propulsés vers l’avenir à l’heure actuelle.
TABLEAU 43 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE MIA Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Oui
Maintien des pratiques de GRH Non
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Non
Niche de produits spécifiques Oui
Succès des restructurations Oui
262
4.1.16. Concept
L’entreprise Concept a été fondée en 2001 par deux entrepreneurs qui avaient cumulé
une vingtaine d’années d’expérience dans l’industrie du meuble à titre de journalier.
Après avoir vécu des années difficiles entre 2005 et 2009, ils ont dû se restreindre à
vendre leur entreprise à la fin 2010. Ils sont spécialisés par des produits en bois massif
de qualité en raison de leur imposant parc machine à contrôle numérique. L’entreprise
compte une trentaine d’employés en date d’aujourd’hui, mais en avait plus de 50 en
2005.
Le nombre d’employés de production a fluctué considérablement durant la période
trouble en qui concerne le personnel de production. Ils ont procédé à des embauches
spécialisées en fonction du développement des outils numériques. Les suppressions
d’emplois ont été nombreuses et de diverses envergures. La légitimité a été relativement
bien acceptée selon la propriétaire de l’époque en vertu des difficultés du secteur
d’activité et du changement organisationnel opéré. Les communications et les
explications ont été nombreuses et ont permises d’augmenter le degré d’acceptabilité. La
gestion des survivants a été plutôt négligée selon la propriétaire puisqu’ils ont mis leur
énergie sur l’évolution de l’entreprise. Le focus était sur le changement et l’avenir et ils
n’ont pas tenu compte des actions passées.
Aucun plan social n’a été proposé au niveau du critère de la responsabilité sociale. Les
obligations légales ont été acquittées. Au niveau du maintien des pratiques de gestion
des ressources humaines, l’entreprise a augmenté le nombre de formations afin
d’appuyer le changement organisationnel en cours. Les activités de prévention des
lésions professionnelles ont été maintenues. Suite à l’entretien téléphonique avec la
propriétaire-dirigeante de l’entreprise de l’époque, Concept n’a pas réussi à passer au
travers de la crise de l’industrie en raison de son niveau d’endettement.
263
Afin d’accroître son avantage stratégique avec des machines numériques, l’entreprise a
augmenté son ratio d’endettement. Le ralentissement des affaires a accentué les
difficultés et placé l’entreprise en position périlleuse en les forçant à vendre.
L’entreprise s’est dotée d’une position avantageuse au niveau technologique. Elle a
rapidement investi dans les technologies ce qui lui procure une qualité et une précision
inégalée.
En raison de la vente de l’entreprise pour des motifs directement reliés aux difficultés
financières, nous devons considérer comme un échec la gestion de la restructuration.
TABLEAU 44 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE CONCEPT Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Non
Maintien des pratiques de GRH Oui
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Non
Niche de produits spécifiques Oui
Succès des restructurations Non
264
4.1.17. Illinois
L’entreprise Illinois est un fabricant de mobilier de salle à manger qui offre des produits
en merisier qui a vu le jour en 2003. Ils misent sur des produits personnalisés de haute
qualité qui répondent au besoin des consommateurs. La personnalisation de leurs
produits implique un personnel compétent et qualifié. Ces quelque 50 travailleurs ont
toutefois vécu des périodes plus sombres dans la période 2005-2010 et deux vagues de
suppressions d’emplois ont été réalisées. Fait à noter, ils ont pratiquement réussi à
réembaucher tous les employés victimes des licenciements.
L’entreprise a connu des moments inquiétants qui ont affecté la pérennité de l’entreprise
selon le président de l’entreprise. Ils avouent lors de notre entretien avoir envisagé la
fermeture à une occasion. Il précise avoir toujours joué franc jeu avec son personnel ce
qui a eu comme conséquence de maintenir le canal de communication et garder la
satisfaction des employés au cours des moments difficiles. La légitimité a été très bonne
en raison de l’acceptabilité élevée des décisions prises. Il précise qu’ils n’ont eu aucun
recours juridique par rapport aux licenciements en raison de la franchise et de
l’honnêteté affichée. La gestion des employés survivants s’est avérée un élément capital
afin de maintenir un degré d’acceptabilité aussi fort. Les superviseurs ont eu une oreille
attentive. La direction s’est montrée à l’écoute et présente dans l’usine. Ils ont insisté sur
la collaboration et le travail d’équipe.
Au niveau de la responsabilité sociale, l’entreprise n’a pas cru bon d’agir autrement que
de respecter leurs obligations légales. Aucun plan social particulier n’a été appliqué. Le
critère du maintien des pratiques de GRH n’a pas été appliqué. On constate une
diminution des investissements dans le développement des compétences ainsi que des
programmes de prévention des lésions professionnelles.
265
L’entreprise Illinois a su garder la tête hors de l’eau sur le plan financier. Ils ont su
afficher une prudence dans toutes les étapes de croissance et de décroissance. Leur niche
spécifique quant à la qualité de leurs produits de haute gamme leur a sans doute permis
de minimiser les impacts de la crise, selon le président de l’entreprise.
L’analyse du cas permet de constater qu’ils ont su, malgré quelques embûches, sortir
gagnants des difficultés du secteur s’activité de l’industrie des fabricants de meubles. La
fierté du président se situe également par rapport à la réembauche des employés victimes
en cours de route.
TABLEAU 45 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES D'ILLINOIS Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Oui
Maintien des pratiques de GRH Non
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Oui
Niche de produits spécifiques Oui
Succès des restructurations Oui
266
4.1.18. Ouvrier
Meubles Ouvrier est une entreprise fondée il y a plus de 35 ans et qui se spécialise dans
la fabrication de chaises sur billes puis par la suite dans les fauteuils de détente. Fort
d’une qualité de fabrication appréciable et reconnue, elle a pris un essor au début des
années 2000. Elle compte plus de 200 employés. Même si l’entreprise va bien
aujourd’hui, elle a connu des moments difficiles entre 2008 et 2010 et en affichant une
perte de plus 50 emplois.
Ouvrier a procédé à une série de suppressions d’emplois durant la période mentionnée.
Le critère de la légitimité a été difficile puisque plusieurs vagues de protestations et de
frustration ont affecté l’entreprise. Le directeur des opérations avoue qu’ils auraient dû
mieux se préparer et communiquer plus efficacement la vision de l’entreprise, les
problèmes vécus ainsi que les critères de sélection permettant de sélectionner les
employés à licencier. Au niveau de la gestion des survivants, l’entreprise a bien
accompagné ses travailleurs survivants en leur accordant temps, attention et en étant à
l’écoute des insatisfactions et des insécurités. Les superviseurs ont eu un rôle
prépondérant afin de prendre le pouls de l’entreprise.
Au niveau de la responsabilité sociale, l’entreprise n’a pas participé à un plan social ni à
quelconque forme d’accompagnement de ses travailleurs victimes des suppressions
d’emplois. La loi obligeant les entreprises à verser des indemnités aux victimes, ils ont
respecté la loi. Le critère du maintien des pratiques de gestion des ressources humaines a
été un aspect important des discussions selon le directeur des opérations. La qualité des
produits exigés par de gros clients nationaux a amené l’entreprise à maintenir à jour et
même à créer de nouveaux programmes de développements des compétences. Ils ont
maintenu les activités de prévention en vigueur et même créé durant cette période un
comité de santé-sécurité du travail.
267
Au niveau de la santé financière de l’entreprise, le directeur des opérations affirme qu’ils
ont toujours évité de succomber à la tentation de l’endettement. Ils ont retardé des
projets en raison du manque de liquidité. Le directeur souligne qu’ils préfèrent retarder
d’un an ou deux que de se fragiliser d’un plan financier. Dans le marché des chaises à
bille et des fauteuils, ils ont développé une niche axée sur une gamme intermédiaire qui
leur permet de se distinguer de la concurrence, notamment celle asiatique.
Malgré les embûches, Ouvrier bénéficie aujourd’hui d’une reprise des activités
commerciales et l’avenir semble prometteur. La restructuration de la période 2008-2010
a été un succès en raison de la reprise des activités commerciales et de la profitabilité.
TABLEAU 46 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES D'OUVRIER Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Oui
Maintien des pratiques de GRH Oui
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Oui
Niche de produits spécifiques Oui
Succès des restructurations Oui
268
4.1.19. Agassi
Meubles Agassi a été fondé en 1997 par un entrepreneur qui avait œuvré dans le milieu
de la fabrication de meubles durant une quinzaine d’années. Elle fabrique des chaises sur
billes en bois et en métal. L’entreprise a rapidement pris de l’expansion en raison de la
popularité de ses meubles sur le marché québécois. Ils se sont rapidement diversifiés en
offrant une gamme de mobilier de salle à manger et des unités murales. Avec une
soixantaine d’employés, ils ont subi quelques épisodes de suppressions d’emplois qui,
selon les dires du propriétaire-dirigeant, ont laissé des marques profondes.
Agassi est une entreprise familiale située dans une petite localité où tout le monde se
connaît. Elle est donc soumise à l’image publique. Lorsque les difficultés ont
commencé, le propriétaire-dirigeant a aussitôt réuni ses employés afin de leur expliquer
la situation et le contexte de l’industrie du meuble. La franchise va avec le respect
qu’une entreprise porte à ses employés souligne-t-il. Il affirme que la question de la
légitimité ne s’est jamais posée puisqu’il tient des réunions toutes les semaines
permettant à tous de savoir la situation présente et future. Les employés savaient que le
seul et unique critère de sélection des salariés à être licencié était l’ancienneté. Ainsi, si
des postes devaient être supprimés, l’ancienneté était le critère qui discriminait un
employé par rapport à l’autre. La gestion des survivants est complémentaire à
l’acceptabilité sociale. L’accompagnement, la sécurité, les échanges d’information et le
côté paternaliste du propriétaire dirigeant étaient favorables à la situation.
Au niveau de la responsabilité sociale, l’entreprise, une petite PME, ne voit pas
comment elle n’aurait eu le temps ni les moyens afin de supporter les travailleurs
victimes des licenciements. À cet effet, il souligne que c’est le rôle de l’état de
s’impliquer dans cette démarche et que son rôle à lui est d’assurer la survie de
l’entreprise. En ce qui concerne le critère du maintien des pratiques de gestion des
ressources humaines, il constate que cela a fluctué une année rapport à l’autre. C’est en
269
fonction du contexte et des projets en cours qu’ils se sont intéressés aux développements
des compétences. Il y a eu diminution a quelques reprises, mais somme toute, un
maintien des activités tant sur le plan de la formation que de la prévention des accidents
du travail et des maladies professionnelles.
L’entreprise Agassi a su maintenir une santé financière tout au long de son existence.
Aucun prêt ni endettement ne leur a permis de faire face aux difficultés avec plus de
flexibilité. Le propriétaire relate d’ailleurs une occasion où il a préféré ne pas procéder à
des licenciements malgré ses indicateurs de performance pour préserver les emplois.
L’entreprise n’offre pas de produits issus d’une niche spécifique. Ils sont plusieurs
concurrents à s’affronter avec des produits similaires de gamme intermédiaire.
Malgré les périodes de turbulences, l’entreprise a repris une certaine croissance qui lui
permet d’espérer des jours meilleurs, voire plus rentables.
TABLEAU 47 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES D'AGASSI Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Oui
Maintien des pratiques de GRH Oui
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Oui
Niche de produits spécifiques Non
Succès des restructurations Oui
270
4.1.20. De la brise
Meubles De la brise est une entreprise fondée en 1940 qui conçoit et fabrique des
meubles prêts à assembler à coût modique. En raison de quelques acquisitions, ils sont
aujourd’hui plus de 800 employés. Toutefois, entre 2004 et 2010, ils étaient environ 400
employés. En raison d’une série de suppressions d’emplois, ce nombre a grandement
varié. Ils ont mis à jour une stratégie commerciale qui implique des usines au Canada,
aux États-Unis et au Mexique.
L’entreprise De la brise affiche une stratégie commerciale qui détonne par rapport au
reste de l’industrie du meuble. Alors que la plupart ont opté pour une stratégie de
personnalisation, ils ont préféré offrir des produits moins onéreux, à assembler et avec
un usage plus limité du bois franc. Ils ont traversé deux crises importantes en 2005 et en
2008-2009. Plusieurs suppressions d’emplois ont eu lieu. L’entreprise est une des rares
qui soit syndiquée au Québec. Même si les critères de sélection des travailleurs à
licencier étaient connus d’avance, il y a eu beaucoup de protestations, de frustration et
de conflits. Le syndicat a, selon le directeur des opérations, mis des bâtons dans les
roues de l’entreprise à chaque occasion. Le degré de confiance était très faible de la part
du syndicat. Il reprochait à l’employeur de ne pas les tenir informés, de ne pas envisager
d’autres solutions afin de préserver les emplois et de ne pas expliquer la vision de
l’avenir. Au niveau de la gestion des survivants, quelques gestes isolés ont été
répertoriés, en demeurant très marginaux.
De la brise tient un discours de responsabilité sociale fort. Le directeur mentionne qu’à
l’intérieur de la convention collective se retrouve la mention que l’employeur doit
participer à un comité reclassement afin d’aider les travailleurs à se replacer sur le
marché du travail. En ce qui a trait au maintien des pratiques de ressources humaines,
l’entreprise a continué de maintenir ses efforts dans le développement des compétences
de ses employés avec divers programmes visant à développer les différents savoirs
271
nécessaires. La présence syndicale favorise le développement de diverses activités
reliées à la gestion de la santé-sécurité du travail.
Au niveau de la santé financière, l’entreprise a un niveau d’endettement élevé en raison
de l’acquisition de bâtisses commerciales et de système de gestion informatisé. De la
brise se situe dans une niche de produits spécialisée en offrant des produits peu onéreux
qui comportent moins de matières premières nobles comme le bois.
De la brise n’a pas eu la vie facile et les deux périodes troubles qu’ils ont affrontées les
ont conduits à procéder à des restructurations importantes en éliminant plusieurs
emplois. La présence d’un syndicat a favorisé l’application de bonnes pratiques de
gestion. Au final, ils ont repris leur croissance et comme bien des fabricants de meubles
québécois, l’avenir semble intéressant.
TABLEAU 48 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE DE LA BRISE Variables Oui/non
Légitimité Non
Gestion des survivants Non
Maintien des pratiques de GRH Oui
Responsabilité sociale Oui
Santé financière de l’entreprise Non
Niche de produits spécifiques Oui
Succès des restructurations Oui
272
4.1.21. Meubles Louiselle
L’entreprise Meubles Louiselle a été traitée dans les études de cas. Nous allons
simplement démontrer leurs résultats quant à l’application des conditions de succès des
restructurations à l’aide du tableau résumé utilisé pour les vingt cas précédents.
TABLEAU 49 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE MEUBLES LOUISELLE Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Oui
Maintien des pratiques de GRH Oui
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Oui
Niche de produits spécifiques Oui
Succès des restructurations Oui
273
4.1.22. Meubles Codex
L’entreprise Meubles Codex a été traitée dans les études de cas. Nous allons simplement
démontrer leurs résultats quant à l’application des conditions de succès des
restructurations à l’aide du tableau résumé utilisé pour les vingt cas précédents.
TABLEAU 50 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE MEUBLES CODEX Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Oui
Maintien des pratiques de GRH Oui
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Oui
Niche de produits spécifiques Oui
Succès des restructurations Oui
274
4.1.23. Meubles Tableau
L’entreprise Meubles Tableau a été traitée dans les études de cas. Nous allons
simplement démontrer leurs résultats quant à l’application des conditions de succès des
restructurations à l’aide du tableau résumé utilisé pour les vingt cas précédents.
TABLEAU 51 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE MEUBLES TABLEAU Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Oui
Maintien des pratiques de GRH Oui
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Non
Niche de produits spécifiques Oui
Succès des restructurations Oui
275
4.1.24. Beaulit
L’entreprise Beaulit a été traitée dans les études de cas. Nous allons simplement
démontrer leurs résultats quant à l’application des conditions de succès des
restructurations à l’aide du tableau résumé utilisé pour les vingt cas précédents.
TABLEAU 52 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE BEAULIT Variables Oui/non
Légitimité Oui
Gestion des survivants Oui
Maintien des pratiques de GRH Oui
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Non
Niche de produits spécifiques Oui
Succès des restructurations Oui
276
4.1.25. Salec
L’entreprise Salec a été traitée dans les études de cas. Nous allons simplement
démontrer leurs résultats quant à l’application des conditions de succès des
restructurations à l’aide du tableau résumé utilisé pour les vingt cas précédents.
TABLEAU 53 RÉSUMÉ DE L'OBSERVATION DES VARIABLES DE SALEC Variables Oui/non
Légitimité Non
Gestion des survivants Non
Maintien des pratiques de GRH Non
Responsabilité sociale Non
Santé financière de l’entreprise Non
Niche de produits spécifiques Oui
Succès des restructurations Non
4.2. Résumé des cas
Afin de préparer le traitement de l’analyse booléenne, nous avons sélectionné 25 cas
respectant les critères d’échantillonnage préalablement établis. Ces cas ont permis de
colliger des données en rapport aux conditions retenues dans les études de cas. Un
questionnaire a été conçu et administré pour comprendre comment les entreprises se sont
comportées dans la gestion des diverses restructurations auxquelles elles ont été
confrontées. L’entretien téléphonique a duré en moyenne environ 60 minutes avec
parfois le président ou le propriétaire-dirigeant, parfois le directeur des opérations ou le
responsable des ressources humaines. Nous aurions préféré avoir constamment la même
fonction, mais dans la réalité, ces personnes n’étaient pas toujours disponibles.
277
L’étape de la cueillette d’information a permis de faire ressortir des points forts et
d’autres que l’on peut qualifier de suspects. Ces 25 cas ont révélé que certaines
entreprises n’ont pas réussi à se sortir des difficultés administratives et financières et leur
restructuration doit être qualifiée d’échec. D’autres cas ont réussi avec succès à passer
au travers les difficultés avec succès. Nous discuterons ultérieurement de ces conditions.
Suite à la collecte de données de ces cas, le traitement de l’analyse booléenne suivra de
même que l’analyse et les discussions afin de déterminer et expliquer quelles sont les
conditions de succès d’une restructuration. Le tableau 54 résume la codification des cas
pour chaque variable analyse et traité avec une réponse oui/non afin de pouvoir
déterminer le niveau de cohérence des réponses préliminaires.
278
TABLEAU 54 RÉSUMÉ DES CAS SELON LES VARIABLES Leg Surv R.S. PGRH SFE Niche Succès
Appex Non Non Non Non Non Non Non
Star Oui Oui Non Oui Non Non Oui
Astérix Non Non Non Non Non Non Non
Jolie Non Non Non Oui Oui Non Oui
Sinesco Oui Oui Oui Non Non Non Oui
Sisigras Oui Oui Non Non Non Oui Oui
Mégère Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
Novello Oui Oui Oui Non Oui Oui Oui
Hautain Non Non Non Non Oui Non Oui
Italiens Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
Angelile Non Non Non Non Non Non Non
Matec Oui Non Non Non Non Oui Non
Maskinongé Oui Oui Non Oui Oui Non Oui
Ici Non Non Non Non Non Non Non
Mia Oui Oui Non Non Non Oui Oui
Concept Oui Non Non Oui Non Oui Non
Illinois Oui Oui Non Non Oui Oui Oui
Ouvrier Oui Oui Non Oui Oui Oui Oui
Agassi Oui Oui Non Oui Oui Non Oui
De la brise Non Non Oui Oui Non Oui Oui
279
Louiselle Oui Oui Non Oui Oui Oui Oui
Codex Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
Tableau Oui Oui Non Oui Non Oui Oui
Beaulit Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
Salec Non Non Non Non Non Oui Non
Afin de comprendre la valeur binaire de la table de vérité, le tableau 55 indique les
caractéristiques amenant un oui ou un non qui se traduira par une valeur de 1 ou 0.
L’analyse booléenne se traduit par une application binaire des résultats en fonction de
l’application des paramètres de codification. Ainsi, pour une variable donnée, il se peut
que trois conditions à l’étude soient présentes. Afin d’obtenir la valeur 1, le chercheur
devra démontrer dans cet exemple le respect de deux des trois conditions. À défaut, il
devra inscrire la valeur 0. Il se peut qu’une seule condition soit nécessaire à l’application
de la valeur 1.
280
TABLEAU 55 DESCRIPTION DES VARIABLES POUR LA CODIFICATION BOOLÉENNE Variables Nom Description
Légitimité Leg 1 si respect d’au moins deux des trois
critères de légitimité (information et
communication, effort d’évitement des
suppressions d’emplois, effort de mise en
débat de la décision de restructuration) ; 0
sinon
Pratiques de gestion des
ressources humaines
Pgrh 1 si l’entreprise maintien ses
investissements d’au moins deux des trois
critères de pratiques de GRH
(développement des compétences,
prévention de la santé sécurité du travail
et rémunération à la hausse suite à la
restructuration, 0 sinon
Gestion des survivants Surv 1 si considération élevée des salariés
restants touchés par la restructuration ; 0
sinon
Responsabilité sociale Rse 1 si effort de reclassement élevé au regard
de ce qui est imposé par la loi; 0 sinon
Succès Succ 1 si l’entreprise a pu reprendre une
croissance de ses activités; 0 sinon
Le tableau 56 indique les résultats obtenus pour les 25 cas en fonction de la codification
imposée par la méthode booléenne. Pour chaque cas, la valeur 1 ou 0 sera codifiée afin
de permettre l’utilisation du logiciel QCA dans le prochain chapitre.
281
TABLEAU 56 CODIFICATION DE LA TABLE DE VÉRITÉ Leg Surv R.S. PGRH SFE Niche Succès
Appex 0 0 0 0 0 0 0
Star 1 1 0 1 0 0 1
Astérix 0 0 0 0 0 0 0
Jolie 0 0 0 1 1 0 1
Sinesco 1 1 1 0 0 0 1
Sisigras 1 1 0 0 0 1 1
Mégère 1 1 1 1 1 1 1
Novello 1 1 1 0 1 1 1
Hautain 0 0 0 0 1 0 1
Italiens 1 1 1 1 1 1 1
Angelile 0 0 0 0 0 0 0
Matec 1 0 0 0 0 1 0
Maskinongé 1 1 0 1 1 0 1
Ici 0 0 0 0 0 0 0
Mia 1 1 0 0 0 1 1
Concept 1 0 0 1 0 1 0
Illinois 1 1 0 0 1 1 1
Ouvrier 1 1 0 1 1 1 1
Agassi 1 1 0 1 1 0 1
De la brise 0 0 1 1 0 1 1
282
Louiselle 1 1 0 1 1 1 1
Codex 1 1 1 1 1 1 1
Tableau 1 1 0 1 0 1 1
Beaulit 1 1 1 1 1 1 1
Salec 0 0 0 0 0 1 0
4.3. Conclusion du chapitre IV
L’objectif de cette thèse est de déterminer les conditions ou les combinaisons de
conditions de succès afin de traverser avec succès l’étape de la restructuration. Après
avoir expliqué le concept de restructuration, défini les variables utilisées, nous avons
procédé à la collecte de données avec cinq études de cas. Nous avons ensuite ajouté 20
cas aux cinq précédents pour passer à l’étape suivante. Cette étape sera déterminante, car
nous serons en mesure avec traitement de la méthode QCA de mettre en évidence les
conditions de succès des restructurations. Cette étape charnière permettra de discuter
ultérieurement des résultats.
4.4. Résumé du chapitre IV
Le quatrième chapitre se veut la continuité du troisième chapitre, car il permet de
continuer la collecte de données sous un angle différent. Nous avons pu, grâce à 20
nouveaux cas, recueillir des informations sur ces entreprises grâce à l’application d’un
questionnaire entrevue. Les entrevues ont été plus succinctes que pour les études de cas,
mais en raison d’une meilleure connaissance du sujet et des variables ainsi que des
informations secondaires obtenues, nous avons pu procéder à la structure de la table de
vérité. Cette étape permet la codification binaire afin d’utiliser le logiciel QCA et
d’obtenir des résultats selon la méthode de l’analyse comparative.
283
Chapitre V
Analyse booléenne et discussion des résultats
284
Chapitre 5 Analyse booléenne et discussion des résultats
5. Introduction
Les restructurations constituent un sujet de prédilection afin d’étudier le comportement
des firmes. Alors que certains les utilisent comme une pratique à valeur ajoutée, d’autres
le font par mimétisme. Quoi qu’il en soit, la grande majorité des entreprises vont
effectuer une restructuration dans une échelle temporelle à court ou moyen terme. Nous
avons mis en évidence le concept de restructuration et plusieurs conditions de succès en
commençant par celles de Cameron jusqu’à nos propres conditions que nous avons
utilisées dans l’analyse comparative.
Après le premier chapitre qui traitait du concept des restructurations, le deuxième
chapitre a détaillé les choix méthodologiques au niveau de la méthode, et du secteur
d’activité. Nous avons expliqué notre choix méthodologique en le comparant à la
méthode qualitative et quantitative. Le troisième chapitre a permis d’explorer grâce à
cinq études de cas les variables avec lesquelles nous voulions travailler. Cette étape a
permis de comprendre qu’outre les variables de type ressources humaines, d’autres
éléments pouvaient expliquer le succès d’une restructuration. Nous avons alors introduit
des variables de type business que sont la santé financière de l’entreprise ainsi que la
niche de produits de l’entreprise. Le quatrième chapitre a conduit notre thèse plus loin en
permettant de recueillir des données sur 20 entreprises supplémentaires et d’extraire la
codification binaire pour l’application de la table de vérité qui constitue la prémisse au
traitement du logiciel QCA.
Le cinquième et dernier chapitre mettra en évidence l’utilisation de la méthode QCA
afin de procéder aux traitements et à l’analyse des résultats, puis nous discuterons des
résultats obtenus. Nous serons alors en mesure de mettre en exergue les conditions ou les
285
combinaisons de succès dans l’application d’une restructuration dans le secteur de
l’industrie des fabricants de meubles québécois. D’un point de vue pragmatique et
managérial, nous pourrons soumettre à la fin de ce chapitre des recommandations
prescriptives sur les conditions à mettre en évidence pour une entreprise évoluant dans
un contexte de restructuration.
5.1. Analyse des résultats
Après avoir défini les variables à utiliser pour déterminer les conditions de succès d’une
restructuration, nous avons recueilli des données sur 25 cas qui nous ont permis de
construire une table de vérité et d’utiliser le logiciel QCA afin d’obtenir des résultats. Il
faut préciser l’utilisation des allers-retours avec la méthode QCA. Ces allers-retours
peuvent permettre de procéder à des ajustements au fur et à mesure afin d’augmenter la
précision des résultats compte tenu des découvertes faites dans le cadre de la recherche.
À cet effet, nous avons ajouté deux variables supplémentaires précédemment en
identifiant la variable de la santé financière de l’entreprise et la niche de produits. Nous
allons nous permettre de développer des résultats préliminaires, de les questionner et de
retourner en arrière afin de mettre en évidence les conditions de succès d’une
restructuration. Pour ce faire, nous irons en trois différentes phases afin de comprendre
l’impact des différentes variables. La première phase utilisera les quatre premières
variables de type ressources humaines. Ces variables sont la légitimité, la gestion des
survivants, la responsabilité sociale et le maintien des pratiques de gestion des
ressources humaines. Dans la deuxième phase, nous ajouterons la variable de la santé
financière de l’entreprise. Dans la troisième et dernière phase, nous ajouterons la
variable niche de produits à l’ensemble des variables précédentes.
Pour chaque phase d’analyse, nous obtiendrons des résultats qualifiés de «complexes»,
«parcimonieux» et «intermédiaires» qui font référence au principe de la minimisation
booléenne. La prochaine section mettra en évidence les explications des différents types
286
de résultats afin de permettre au lecteur d’avoir une compréhension plus approfondie des
résultats obtenus avec la méthode QCA. Puisqu’à chaque phase nous présenterons les
différents résultats, il est essentiel de développer sur la signification de chacun d’eux.
Dans les résultats que nous allons présenter, il se peut que le lecteur soit pris au
dépourvu par les données présentées. Afin de simplifier la compréhension du lecteur,
certaines explications sont requises. Un exemple de conditions retenues sera utile afin
de comprendre efficacement les résultats :
leg * surv * ~resp * ~pgrh = 0,89000
Dans cet exemple, le «*» signifie une addition. On doit lire que la variable de la
légitimité est additionnée à la variable de la gestion des survivants. Il se peut que dans
certaines solutions proposées on ne retrouve qu’une variable, ce qui simplifie la
compréhension. Toutefois, dans plusieurs solutions proposées, on retrouve une
combinaison de variable. Le «~» signifie que la variable est négative. Finalement, la
valeur proposée de 0,89000 signifie la puissance du résultat obtenu. En conséquence,
plus on se rapproche de la valeur 1,00000, plus le résultat est significatif. Ainsi, une
solution proposée avec une valeur de 0,15000 n’aurait pas une grande valeur prescriptive
d’une condition de succès d’une restructuration alors que 0,89000 donne un sens et une
valeur significative. Un manager ne pourrait reprendre les résultats d’une valeur de
0,15000 et prétendre qu’il s’agit de la condition déterminante à utiliser pour réussir sa
restructuration. Pour chacune des phases, nous retiendrons trois solutions proposées.
287
5.2. Phase I - Solutions avec les variables de type RH
Pour la présentation des résultats, nous allons développer pour chacune des phases les
trois types de résultats obtenus. La première phase met en évidence les conditions
retenues qualifiées de «ressources humaines». Il nous semble important de présenter
dans cette première phase des variables explicatives de nature à mettre en évidence les
activités de GRH qui sont porteuses et qui pourraient expliquer pourquoi une entreprise
pourrait réussir sa restructuration en appliquant ces conditions. Le tableau 57 permet de
visualiser la table de vérité avec les variables de gestion des ressources humaines.
TABLEAU 57 TABLE DE VÉRITÉ AVEC LES VARIABLES DE TYPE RH Cas leg surv resp pgrh succes appex 0 0 0 0 0
Star 1 1 0 1 1
asterix 0 0 0 0 0
jolie 0 0 0 1 1
sinesco 1 1 1 0 1
sisigras 1 1 0 0 1
megere 1 1 1 1 1
novello 1 1 1 0 1
hautain 0 0 0 0 1
italien 1 1 1 1 1
angelile 0 0 0 0 0
matec 1 0 0 0 0
maskinonge 1 1 0 1 1
Ici 0 0 0 0 0
Mia 1 1 0 0 1
concept 1 0 0 1 0
illinois 1 1 0 0 1
288
ouvrier 1 1 0 1 1
agassi 1 1 0 1 1
delabrise 0 0 1 1 1
louiselle 1 1 0 1 1
codex 1 1 1 1 1
tableau 1 1 0 1 1
beaulit 1 1 1 1 1
Salec 0 0 0 0 0
5.2.1. La phase I - Solution de type complexe
Le tableau 58 met en relief la solution complexe une fois le logiciel QCA exploité. La
première évidence se situe au niveau de la solution dominante mise à l’avant-plan. La
combinaison de la légitimité et des survivants est la plus prépondérante avec une valeur
de 0,666667. Une deuxième solution obtient le même résultat. Il s’agit de la
combinaison ~légitimité * ~survivants * responsabilité sociale de l’entreprise * pratiques
des ressources humaines. Nous retenons la première combinaison comme dominante
dans la mesure où la légitimité et les survivants sont revenus comme conditions
importantes de la part des interviewés. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette
combinaison en voyant les autres possibilités en fonction de la combinaison retenue
ultimement.
1. leg * surv = 0,666667
2. ~leg * ~surv * resp * pgrh = 0,666667
289
Le logiciel QCA retient également deux autres solutions avec une valeur moindre.
L’écart avec les deux premières demeure trop important pour les retenir.
3. leg * ~resp * pgrh = 0,555553
4. surv * ~resp * pgrh = 0,555553
TABLEAU 58 SOLUTIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA SOLUTION COMPLEXE Complex solution
Frequency cutoff
1,000000
Consistency cutoff : 1,000000
Raw coverage Unique coverage Consistency
leg * surv 0,666667 0,200000 1.000000
leg * ~rse * pgrh 0,555553 0,066667 1.000000
surv * ~rse * pgrh 0,555553 0,066667 1.000000
~leg * ~surv * rse * pgrh
0,666667 0,066667 1.000000
Solution coverage :
0,866667
Solution consistency :
1,000000
Nous avons pu constater dans la collecte de données que les entreprises qui favorisent la
communication augmentent le degré d’acceptabilité sociale des travailleurs à l’égard des
décisions à prendre de la part de l’employeur. Nous avons constaté dans plusieurs cas
290
l’importance du partage de l’information de la part des dirigeants. Chez certains, ce
partage se voulait une pratique de gestion ancrée alors que pour d’autres, le contexte de
crise a favorisé l’émergence de nouveaux comportements, notamment ceux de mieux
communiquer, de mieux partager les informations afin que les travailleurs se sentent
impliqués et concernés par la situation. En tant que partie prenante, les travailleurs
peuvent non seulement participer à la quête de solutions, mais également comprendre et
entériner les décisions de l’employeur qui sont souvent, dans de telles circonstances,
déroutantes pour les travailleurs.
À l’intérieur de ces cas, nous avons retrouvé une combinaison du critère de légitimité en
mettant de l’emphase sur la communication et l’acceptabilité sociale ainsi que celui de la
gestion des survivants où nous avons retracé plusieurs pratiques visant à consolider les
liens avec les employés, diminuer les impacts du changement ou encore simplement
réconforter les employés qui sont soumis à un niveau d’insécurité élevé. Le cas
maskinongé a notamment démontré une forte empathie de l’employeur et de nombreuses
réunions afin d’expliquer la situation actuelle de même que les évènements et
changements à venir dans la mesure qu’ils soient prévisibles. Le cas de Meubles Codex
s’avère un autre exemple révélateur. Alors que la crise s’est intensifiée, ils ont augmenté
la fréquence de leurs rencontres avec les employés afin d’expliquer la situation et ce qui
allait survenir dans les prochaines semaines et mois. Bien qu’ils ne fussent pas reconnus
pour leur propension à communiquer, ils se sont ajustés au contexte environnement.
Les explications quant aux critères de sélection des salariés licenciés ont également une
forte influence sur la réceptivité et l’acceptabilité des salariés. Nous avons vu que
plusieurs entreprises ont pris soin de construire une grille ou un outil afin de permettre
une meilleure évaluation des employés. Cette grille a permis de réduire la subjectivité
dans le processus en s’attaquant au niveau d’incompréhension et de frustration chez les
salariés victimes de la restructuration. Non seulement les outils permettant de réduire
291
l’arbitraire et la subjectivité de l’employeur s’avèrent pertinents, mais le partage de ces
outils augmente leur efficacité. Meubles Louiselle et Beaulit sont des exemples
représentatifs de l’utilisation d’une grille de sélection des salariés afin de réduire
l’arbitraire et augmenter la justice procédurale.
Cette variable, couplée à la préoccupation de la part de l’employeur de la gestion des
survivants permet à l’employeur d’augmenter sa capacité à affronter une restructuration.
La sensibilité de l’employeur envers les employés restants permet à ces derniers de
demeurer positifs, motivés et productifs. Dans la majorité des cas qui ont réussi à passer
à travers une restructuration, nous avons constaté que la volonté des employeurs,
dirigeants et superviseurs à considérer les employés survivants et à mettre en place des
mesures d’écoute, de partage, d’encadrement et de soutien a favorisé la réussite.
C’est la combinaison des deux conditions qui lui donne force et vigueur afin d’affronter
les restructurations selon les résultats obtenus dans les résultats de la méthode QCA.
Individuellement, la condition de la légitimité a été rencontrée à 13 occasions dans les
cas étudiés comparativement à 11 reprises pour la condition de la gestion des survivants.
L’application de la méthode QCA permet de mettre en exergue l’association des deux
conditions qui, ensemble, permettent de renforcir la capacité de sortir gagnant d’une
épreuve de restructuration et de permettre une reprise de la croissance. Il semble qu’à la
lecture des résultats obtenus, il s’agit de l’association la plus forte permettant de franchir
avec succès la restructuration.
La deuxième solution démontre que l’analyse des entreprises fait ressortir un ensemble
de combinaisons expliquant le succès d’une restructuration. La combinaison ~légitimité
* ~survivants * responsabilité sociale * pratiques des ressources humaines obtient le
même résultat. On doit comprendre qu’un certain nombre de cas avait les mêmes
292
caractéristiques par la négative pour les deux premières et par la positive pour les deux
dernières. On doit toutefois se poser la question de la valeur de ce résultat. Permet-il
d’expliquer les restructurations ? On peut affirmer que dans la première solution, nous
retenons deux conditions alors que la deuxième solution identifie positivement les deux
autres variables tout en intégrant l’application négative des deux autres.
La phase I - Solutions de type parcimonieuses
La méthode QCA offre au chercher différents types de solutions afin d’expliquer le
phénomène étudié. Après avoir regardé la solution complexe, nous allons traiter de la
solution parcimonieuse.
Le traitement du logiciel QCA permet également de faire ressortir une solution dite
parcimonieuse. Plus simpliste, elle permet de faire ressortir des conditions gagnantes qui
dans ce cas sont individuelles. Deux conditions sont à favoriser selon les résultats
obtenus comme le démontre le tableau 59. Il y a la gestion des survivants et le maintien
des pratiques de gestion des ressources humaines.
1. surv = 0,733333
2. pgrh = 0,733333
La condition de la gestion des survivants ressort comme une condition forte avec une
valeur de 0,733333. Cela s’explique par le besoin des employés d’être considéré comme
un élément important de l’entreprise. Les cas ont démontré que la qualité des
interactions suite à une restructuration s’avère une condition gagnante afin que les
employés restants demeurent impliqués et motivés par les projets de l’entreprise. Alors
293
qu’une restructuration s’accompagne fréquemment d’une réorganisation, les employés
doivent avoir la conviction que l’entreprise croit encore non seulement dans le projet
d’affaires, mais également dans chacun des employés restants. Dans la mesure où ceux-
ci sentent un désengagement, une distance face aux défis à affronter, les employés
peuvent avoir comme réflexe de se distancer, de se désengager, d’abandonner à une
étape où la collaboration devrait être à l’avant-plan. Les cas où l’employeur et ses
représentants ont mis des efforts afin de reconnaître les difficultés et que l’employeur
s’est montré intéressé et sensibles à la réalité et aux défis des employés survivants ont vu
augmenter leurs chances de succès dans le projet de restructuration.
Une restructuration évoque de grands changements organisationnels et les entreprises
qui investissent temps et efforts dans l’explication de ces changements en ressortent
gagnantes. Nous avons vu dans les cas que Maskinongé et Concept ont mis des efforts
considérables afin que les employés maintiennent l’énergie dans le projet. L’implication
des propriétaires dans ces deux cas a d’ailleurs été notable.
294
TABLEAU 59 SOLUTIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA SOLUTION PARCIMONIEUSE Parcimonious solution
Frequency cutoff
1,000000
Consistency cutoff : 1,000000
Raw coverage Unique coverage Consistency
Surv 0,733333 0,133333 1.000000
Prh 0,733333 0,133333 1.000000
Solution coverage :
0,866667
Solution consistency :
1,000000
La condition de la gestion des survivants a été retenue à 15 occasions dans la cueillette
de données. Les cas où cette condition a été observée sont :
- Star
- Astérix
- Sisigras
- Mégère
- Novello
- Italien
- Maskinongé
- Mia
- Illinois
- Ouvrier
295
- Agassi
- Meubles Louiselle
- Meubles Codex
- Meubles Tableau
- Beaulit
La deuxième condition à considérer selon la solution parcimonieuse du traitement de la
QCA est le maintien des pratiques de gestion des ressources humaines. Pour cette
condition, nous avons déterminé, en accord avec la table de vérité, que l’entreprise
devait avoir maintenu ou augmenter deux des trois pratiques suivantes : le
développement des compétences des employés, la prévention des lésions
professionnelles ainsi que la rémunération des employés. Les résultats du traitement
booléen sont les mêmes pour cette condition que pour la première mentionnée, la gestion
des survivants grâce à un résultat de 0,733333.
Le maintien du développement des compétences envoie un message clair et fort à
l’ensemble de l’organisation. Celui-ci fait référence en la confiance dans l’avenir. Si
l’entreprise croit véritable en son projet d’affaires, elle a tout avantage à continuer
d’investir dans son entreprise pour ne pas affaiblir son capital humain. La valeur des
compétences d’une entreprise est importante dans la mesure où ces compétences sont
efficaces et à jour. Dans la mesure où l’on constate un déclin des investissements dans
les compétences, et ce spécialement dans une situation de décroissance, de
restructuration ou de difficultés financières conjoncturelles ou structurelles, il y a lieu
pour les employés de se poser des questions. Ce questionnement peut amener les
employés à se désengager, à être démotivé ou à tout simplement quitter l’entreprise. Le
message des entreprises qui ont réussi à passer à travers une période de restructuration,
comme nous l’avons vu dans plusieurs cas, est que la valeur la plus importante d’une
organisation se trouve dans ses employés.
296
Nous avons retrouvé la condition du maintien des pratiques de gestion des ressources
humaines dans les cas suivants :
- Star
- Astérix
- Novello
- Italien
- Maskinongé
- Mia
- Concept
- Illinois
- Ouvrier
- Agassi
- De la brise
- Meubles Louiselle
- Meubles Codex
- Beaulit
Cette variable permet de démontrer l’importance du projet d’affaires des dirigeants et
propriétaire. Dans la mesure où il y a un abandon de l’investissement fait dans les
pratiques de gestion des ressources humaines, les employés peuvent conclure à deux
scénarios. Le premier démontre que les dirigeants ont abandonné et qu’ils ne croient
plus dans l’entreprise, ce qui signifie une fermeture ou une vente de l’entreprise alors
que le deuxième signifie que l’entreprise n’a plus les liquidités pour entretenir et faire
croître son entreprise. Comme dans le premier scénario, cela envoie des signes de
fermeture ou de vente d’entreprise.
Les employés, même si les temps sont difficiles, doivent percevoir que les leaders
continuent de croire dans le projet d’affaires et posent des gestes concrets pour assurer la
297
réussite de l’entreprise, notamment le maintien des investissements dans les
compétences, la prévention de la santé-sécurité du travail et la rémunération de la main-
d’œuvre.
La logique est la même pour la pratique de la prévention des lésions professionnelles.
L’entreprise qui prend la décision de diminuer les investissements dans cette pratique
envoie un mauvais message aux employés en leur indiquant que leur sécurité n’a pas une
grande valeur. La réception de ce message peut provoquer de dangereuses conséquences
sur l’implication et la motivation des salariés. Pourquoi ceux-ci travailleraient-ils pour
une entreprise qui n’a pas à cœur leur sécurité? Pourquoi des travailleurs se soucieraient-
ils de la réussite de l’entreprise alors que celle-ci ne se préoccupe que des résultats? Ce
type de message peut s’avérer contagieux dans un contexte de restructuration et diriger
l’entreprise vers une situation déplorable de détérioration de l’engagement des salariés.
5.2.2. Phase I - Solutions de type intermédiaire
Le traitement de la méthode QCA permet une troisième solution afin d’expliquer le
phénomène étudié lors de la première phase. Il s’agit de la solution intermédiaire. Le
tableau 60 met en évidence une solution qui se rapproche de la solution complexe en
développant les solutions suivantes :
1. surv * leg = 0,666667
2. pgrh * resp * ~surv * leg = 0,666667
298
TABLEAU 60 SOLUTIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA SOLUTION INTERMÉDIAIRE Intermediate solution
Frequency cutoff
1,000000
Consistency cutoff : 1,000000
Raw coverage Unique coverage Consistency
surv * leg 0,666667 0,200000 1.000000
pgrh * ~resp * surv 0,533333 0,066667 1.000000
pgrh * ~resp * leg 0,533333 0,066667 1,000000
pgrh * resp * ~surv * ~leg
0,066667 0,066667 1,000000
Solution coverage :
0,866667
0,533333 0,066667 1.000000
Solution consistency :
1,000000
0,666667 0,066667 1.000000
Les deux solutions suivantes, comme dans le cas des solutions complexes, ne seront pas
retenues. Ils sont d’ailleurs les mêmes que dans le cas des solutions complexes.
3. pgrh * ~resp * leg = 0,533333
4. pgrh * ~resp * surv = 0,53333
Les solutions retenues, tant la solution complexe que la solution parcimonieuse et la
solution intermédiaire font ressortir des interrogations quant à la précision des résultats
obtenus. Peut-on conclure que ces résultats viennent expliquer totalement les conditions
299
de succès d’une restructuration? La démarche méthodologique de la QCA invite les
chercheurs à développer le principe de l’aller-retour afin d’augmenter la validité des
résultats et de permettre au chercheur d’évoluer dans sa réflexion en ne demeurant pas
figer sur les premiers résultats obtenus. Cette démarche, hautement flexible, permet de
remettre en cause les résultats en ajoutant certaines variables. Les différentes solutions
retenues dans la phase I permettent déjà de dresser des éléments pertinents dans
l’analyse des conditions de succès des restructurations. Le tableau 61 met en évidence
un résumé de ces solutions de la phase I. En ne retenant dans cette phase que des
variables de gestion de ressources humaines, nous comprenons qu’elles n’expliquent pas
l’ensemble de la situation, mais elles permettent toutefois de jeter les bases sur un
éclairage qui pourrait éclairer les gestionnaires et hauts dirigeants voulant appliquer une
stratégie de restructuration.
TABLEAU 61 RÉSUMÉ DE LA PHASE I Type de solution Solutions Valeur
Complexe 1. leg * surv 0,666667
2. ~leg * ~surv * resp * pgrh
0,666667
Parcimonieuse 3. surv 0,733333
4. pgrh 0,733333
Intermédiaire 5. surv * leg 0,666667
6. pgrh * resp * ~surv * leg 0,666667
En regardant les résultats de la table de vérité, nous avons constaté que l’entreprise Jolie
a réussi sa restructuration malgré la valeur 0 obtenue à trois variables sur quatre. La
300
question s’impose à savoir pourquoi et comment l’entreprise Jolie a-t-elle réussi. En
révisant le cas et les notes qui découlent de l’entretien, nous avons constaté un fait qui
revient constamment : la santé financière de l’entreprise.
5.2.3. L’ajout d’une variable de type business : la santé financière de l’entreprise
Nous avons recontacté la personne interviewée du cas Jolie afin d’obtenir des précisions
sur l’importance de la situation financière de l’entreprise et nous nous sommes rendu
compte que l’aspect financier ne pouvait pas être tenu à l’écart de nos variables. En y
réfléchissant, une entreprise pourrait réussir sa restructuration du seul fait qu’elle est
viable financièrement et qu’elle a la capacité d’accepter un recul et une perte tant et
aussi longtemps que le marché ne revient pas positif. Bien entendu, les entrepreneurs
sont rarement disposés à accumuler les pertes, mais dans la mesure où ils ont un faible
niveau d’endettement, leur niveau de résilience peut augmenter.
Par la suite, afin de confirmer ou d’infirmer la possibilité d’ajouter la variable de la santé
financière de l’entreprise, nous sommes retournés étudier les cas Louiselle et Salec.
Dans le cas de l’entreprise Louiselle, nos rencontres avec le président du conseil
d’administration sous-entendaient à plusieurs reprises la santé financière de l’entreprise
et le fait qu’elle n’avait aucun compte à rendre aux banques ni à aucun autre créancier.
Aucun niveau d’endettement et une prudence marquée lorsqu’elle a traversé des
périodes prospères démontrent que Louiselle a su affronter les défis des restructurations
avec un aplomb supérieur à une entreprise soumis aux aléas de l’économie et aux
diverses parties prenantes gravitant dans le giron de l’entreprise.
C’est le cas notamment de l’entreprise Salec qui suite à une croissance fulgurante, a eu
recours à diverses sources d’aides financières afin d’assurer sa progression. Suite à un
lourd investissement dans les outils informatiques et technologiques, et suite à la
301
construction d’une usine de production, elle a augmenté sa fragilité face aux grandes
institutions financières. Suite à une contraction de l’économie et en conséquence à une
diminution du chiffre d’affaires, Salec a commencé à avoir des difficultés financières ce
qui a augmenté la précarité de l’entreprise. Bien entendu, nous n’avons pas accès aux
données financières des entreprises. Nous pouvons toutefois vérifier si l’entreprise a
contracté un prêt hypothécaire sur des immeubles ou un prêt sur des équipements grâce à
la bonne foi des personnes rencontrées. Pour la codification, nous traiterons cette
condition avec la valeur suivante dans la table de vérité :
Si aucun prêt commercial, 1; si un prêt est en vigueur, 0.
Pour faire suite, nous insérons la variable santé financière de l’entreprise dans la table de
vérité afin de procéder au traitement du logiciel à nouveau. Le tableau 62 présente la
table de vérité avec les résultats de l’ajout de la variable santé financière de l’entreprise.
En revisitant l’ensemble des 25 cas traités et en nous préoccupant de la nouvelle
variable, nous serons d’obtenir de nouveaux résultats.
302
TABLEAU 62 TABLE DE VÉRITÉ AVEC L'AJOUT DE LA VARIABLE SANTÉ FINANCIÈRE DE L'ENTREPRISE
Cas leg surv resp pgrh sfe succes appex 0 0 0 0 0 0
Star 1 1 0 1 0 1
asterix 0 0 0 0 0 0
jolie 0 0 0 1 1 1
sinesco 1 1 1 0 0 1
sisigras 1 1 0 0 0 1
megere 1 1 1 1 1 1
novello 1 1 1 0 1 1
hautain 0 0 0 0 1 1
italien 1 1 1 1 1 1
angelile 0 0 0 0 0 0
matec 1 0 0 0 0 0
maskinonge 1 1 0 1 1 1
Ici 0 0 0 0 0 0
Mia 1 1 0 0 0 1
concept 1 0 0 1 0 0
illinois 1 1 0 0 1 1
ouvrier 1 1 0 1 1 1
agassi 1 1 0 1 1 1
delabrise 0 0 1 1 0 1
louiselle 1 1 0 1 1 1
codex 1 1 1 1 1 1
tableau 1 1 0 1 0 1
beaulit 1 1 1 1 1 1
Salec 0 0 0 0 0 0
303
La santé financière de l’entreprise nous semble indissociable des conditions à analyser
dans le cadre de cette thèse suite aux réflexions issues de la première phase. En scrutant
les premiers résultats, nous nous sommes questionnés sur cette variable. Est-ce qu’une
entreprise pourrait respecter l’ensemble des quatre variables indépendantes et quand
même ne pas réussir le projet de restructuration? Dans la mesure où l’entreprise a subi
des pertes financières importantes ou que celle-ci n’a pas la solidité financière pour
traverser une restructuration, la santé financière des entreprises peut expliquer le succès
ou l’échec ou du moins, être un facteur contributif.
5.3. Phase II - Solutions avec l’ajout de la variable santé financière de l’entreprise
L’application de la deuxième phase nous permettra d’obtenir potentiellement des
variations aux conditions de succès des restructurations. Comme pour la première phase,
nous avons procédé au traitement du logiciel QCA pour cette nouvelle phase. Il sera
pertinent de constater l’impact de l’ajout de la variable santé financière de l’entreprise
aux variables précédemment utilisées.
L’introduction de la variable santé financière de l’entreprise fait suite à une réflexion
compte tenu des résultats obtenus et d’une intuition de la part du chercheur depuis le
début de cette recherche. Le raisonnement est le suivant : une entreprise peut gérer avec
un degré d’excellence et un souci de ses employés hors norme, si elle n’a pas la santé
financière pour appliquer ses bonnes pratiques ou si elle doit réduire ou éliminer ses
bonnes pratiques en raison de la faiblesse de ses liquidités financières, les chances de
survie à une restructuration s’amincissent considérablement. Il était toutefois important
de comprendre dans la première phase les conditions « de type RH » qui avaient la plus
grande valeur lors d’une restructuration. En introduisant la variable santé financière de
l’entreprise, nous pourrons constater l’importance de cette variable, mais également les
configurations avec les autres variables précédemment utilisées.
304
5.3.1. Phase II - Solutions de type complexe
L’introduction de la variable santé financière de l’entreprise permet de modifier la
compréhension de conditions de succès des restructurations. Le traitement du logiciel
QCA a mis en évidence cinq différentes combinaisons dont la valeur relative est pour
certaines significative alors que pour d’autres la valeur demeure peu signifiante. Elles
mettent en relief plusieurs éléments de réponses avec des valeurs variables qui ne sont
pas très significatives. Il est à noter que les valeurs obtenues pour chaque solution tant à
diminuer en raison de l’augmentation du nombre de variables. L’ajout de la cinquième
variable indépendante a eu comme effet de diminuer la valeur la plus élevée de la
solution complexe proposée dans la première phase passant de 0,733333 à 0,400000.
Voici les résultats obtenus :
1. leg * surv * pgrh * sfe = 0,400000
2. leg * ~rse * prh * ~sfe = 0,200000
3. surv * ~rse * prh * ~sfe = 0,200000
4. leg * surv * ~prh * ~sfe =0,133333
5. leg * ~surv * ~rse * ~prh * sfe = 0,133333
Le tableau 63 met en évidence les solutions proposées. Nous retenons la première
solution dont la valeur se chiffre à 0,400000. Les autres solutions ne retiendront pas
notre attention pour les fins de discussions en raison de la faiblesse de leur valeur. Même
si aucune prescription n’est suggérée quant à l’utilisation des valeurs obtenues, la
différence entre la première et les autres est telle que nous devons les éliminer.
305
TABLEAU 63 SOLUTIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA SOLUTION COMPLEXE Complex solution
Frequency cutoff
1,000000
Consistency cutoff : 1,000000
Raw coverage Unique coverage Consistency
leg * surv * ~pgrh * ~sfe
0,133333 0,133333 1.000000
leg * ~resp * pgrh * ~sfe
0,200000 0,066667 1.000000
surv * ~resp * pgrh * ~sfe
0,200000 0.066667 1.000000
leg * surv * pgrh * sfe
0,400000 0,400000 1,000000
leg * ~surv * ~resp * ~pgrh * sfe
0,133333 0,133333 1,000000
~leg * ~surv * resp * pgrh * sfe
0,066667 0,066667 1,000000
Solution coverage :
1,000000
Solution consistency :
1,000000
Cette solution propose une combinaison de variables en excluant la variable de la
responsabilité sociale qui a souvent été laissée pour compte dans les entretiens. On doit
comprendre que cette solution suggère la combinaison de la légitimité avec la gestion
des survivants, le maintien des pratiques de gestion des ressources humaines et la
variable de la santé financière. Cette combinaison met en évidence la configuration la
plus élevée d’obtenir du succès dans la restructuration.
306
Des cas remplissant les conditions de la légitimité, de la gestion des survivants, du
maintien des pratiques de gestion des ressources humaines et de la santé financière, nous
avons répertorié huit cas :
- Mégère
- Italien
- Maskinongé
- Ouvrier
- Agassi
- Louiselle
- Codex
- Beaulit
Le cas de l’entreprise Agassi est particulièrement intéressant compte tenu de la réalité
familiale de l’entreprise. Les propriétaires ont mis des efforts considérables afin de
rassurer et d’informer les employés. Puisque ceux-ci sont des employés de longue date,
le respect qui s’est installé favorise la franchise et la transparence. Dans la mesure où
l’entreprise se situe dans une position financière avantageuse, les propriétaires ont
maintenu les pratiques de gestion des ressources humaines dans le but avoué de
maintenir la motivation et d’assurer la viabilité de l’entreprise à court, moyen et long
terme. La santé financière se veut une condition favorisant l’application d’autres
conditions comme le maintien et le développement des pratiques de gestion des
ressources humaines et la responsabilité sociale de l’entreprise.
Le cas Italien se veut représentatif également en raison de la combinaison des valeurs de
gestion des ressources humaines à la santé financière de l’entreprise. La prudence
démontrée de même que la détermination à refuser de s’emballer dans les différents
cycles de croissance leur ont permis de pouvoir appliquer avec succès les autres
variables.
307
Phase II - Solutions de type parcimonieuses
La deuxième phase, tout comme la première permet au chercheur d’étudier le
phénomène des conditions de succès des restructurations avec d’autres solutions, en
l’occurrence la parcimonieuse et l’intermédiaire. Le tableau 64 permet de souligner les
solutions suivantes avec une valeur de 0,733333. Elle permet également d’introduire la
solution de la santé financière avec une valeur moindre, mais toutefois significative avec
une valeur de 0,600000. Ce résultat est intéressant, car il démontre qu’il est possible
qu’une entreprise réussisse avec succès sa restructuration en n’ayant comme seule
variable la santé financière. Autrement dit, il est possible qu’une entreprise ne considère
aucunement la façon de communiquer avec ses employés, qu’elle ne s’occupe pas du
tout de l’état d’esprit et de la motivation des employés restants, qu’elle diminue ses
engagements dans les pratiques de gestion des ressources humaines et qu’elle ne
s’occupe pas de son rôle de responsabilité sociale, mais que malgré tout, le fait d’avoir la
santé financière lui permettra de passer au travers de la restructuration. L’entreprise
Louiselle, par l’entreprise de son dirigeant rencontré, expliquait que le temps fait son
œuvre, dans la mesure où l’entreprise a la capacité d’avoir cette période de récupération.
La pression financière imposée par les différents prêts contractés par une entreprise peut
s’avérer un étau puissant en période de restructuration.
1. surv = 0,733333
2. pgrh = 0,733333
3. sfe = 0,600000
308
Dans les résultats obtenus, nous retenons que l’introduction de la variable santé
financière de l’entreprise a assurément un impact en se positionnant avec une valeur de
0,600000. Il faut toutefois noter que les variables de gestion des survivants et de
maintien des pratiques de ressources humaines ont obtenu une valeur supérieure à
0,733333.
TABLEAU 64 SOLUTIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA SOLUTION PARCIMONIEUSE Parcimonious solution
Frequency cutoff
1,000000
Consistency cutoff : 1,000000
Raw coverage Unique coverage Consistency
Surv 0,733333 0,133333 1.000000
Pgrh 0,733333 0,133333 1.000000
Sfe 0,600000 0,133333 1.000000
Solution coverage :
1,000000
Solution consistency :
1,000000
Dans les cas étudiés, notre attention s’est portée sur les cas Jolie et Hautain. Malgré une
seule condition retenue, ils ont néanmoins réussi leur restructuration. La solidité
financière affichée est certes une condition de succès des restructurations que l’on ne
peut ignorer. Les cas affichés démontrent que les conditions appliquées dans une
entreprise ne sont pas nécessairement une garantie de succès dans la mesure où la santé
financière de l’entreprise n’est pas favorable. Une entreprise peut être exemplaire dans
309
sa gestion et échouer sa restructuration. A contrario, elle peut être exécrable dans sa
gestion, mais être solide financièrement et réussir sa restructuration.
5.3.2. Phase II - Solutions de type intermédiaire
Pour la lecture des solutions intermédiaires, le tableau 65 indique les solutions retenues.
Il fait ressortir des résultats similaires à la solution complexe en privilégiant le résultat
suivant à une valeur de 0,400000 :
1. sfe * prh * surv * leg = 0,400000
2. ~sfe * prh * ~rse * surv = 0,200000
3. ~sfe * prh * ~rse * leg = 0,200000
4. ~sfe * ~prh * surv * leg = 0,133333
5. sfe * ~prh * ~surv * leg = 0,133333
6. sfe * prh * rse * ~ surv * ~leg = 0,666667
On constate l’absence de la responsabilité sociale dans la solution et la combinaison de
ces variables permettant d’expliquer le phénomène. Comme pour la solution complexe,
l’écart entre la première solution et les autres est telle que nous conserverons que la
première pour les fins de la discussion des résultats.
310
TABLEAU 65 SOLUTIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA SOLUTION INTERMÉDIAIRE Intermediate solution
Frequency cutoff
1,000000
Consistency cutoff : 1,000000
Raw coverage Unique coverage Consistency
~sfe * pgrh * ~resp * surv
0,200000 0,066667 1.000000
~sfe * pgrh * ~resp * leg
0,200000 0,066667 1.000000
~sfe * ~pgrh * surv * leg
0.133333 0,133333 1,000000
sfe * pgrh * surv * leg
0,400000 0,400000 1,000000
sfe * ~pgrh * ~surv * leg
0,133333 0,133333 1,000000
sfe * pgrh * resp * ~ surv * ~leg
0,066667 0,00067 1,000000
Solution coverage :
1,000000
Solution consistency :
1,000000
Les résultats de la deuxième phase ont permis de rehausser le caractère explicatif des
conditions de succès des restructurations en démontrant l’importance de considérer la
santé financière de l’entreprise dans les variables déterminantes. Les résultats
démontrent la place de choix que doit occuper la santé financière de l’entreprise dans le
succès des restructurations. Le tableau 66 met en évidence le résumé de la phase II qui
nous a permis d’introduire la santé financière de l’entreprise dans nos variables.
311
TABLEAU 66 RÉSUMÉ DES SOLUTIONS DE LA PHASE II Type de solution Solutions Valeur
Complexe 1. leg * surv * pgrh * sfe 0,40000
Parcimonieuse 2. surv 0,733333
3. pgrh 0,733333
4. sfe 0,600000
Intermédiaire 5. sfe * prh * surv * leg 0,400000
5.3.3. L’ajout d’une seconde variable de type business
Suite aux résultats obtenus, nous avons dans le souci de respecter l’esprit de la QCA,
pris soin de nous questionner à savoir si d’autres variables peuvent expliquer le succès
d’une restructuration. En ce sens, une question demeurait en suspens. La niche de
produits de l’entreprise peut-elle avoir une influence dans le succès de la restructuration?
Une entreprise ayant opté pour des produits haut de gamme a-t-elle plus de chance
qu’une entreprise qui a opté pour des produits d’entrée de gamme? Autrement dit, les
entreprises du secteur du meuble ont-elles tous les mêmes concurrents? Une entreprise
offrant des produits d’entrée de gamme est confrontée à une concurrence féroce de la
part des marchés asiatiques qui offrent des produits peu dispendieux. Une entreprise se
spécialisant dans une niche de produits plus élevés sera-t-elle favorisée dans une
restructuration? Dans ce secteur d’activité, certaines entreprises, dont Louiselle, ont pris
la décision de personnaliser leurs produits haut de gamme. Ils offrent plus de cent
couleurs possibles et des milliers de configurations possibles rendant difficiles pour les
entreprises asiatiques de rivaliser. Nous avons introduit dans la troisième phase la
312
variable «Niche de produits» afin de comprendre si elle permet d’expliquer le succès de
la restructuration d’une entreprise.
5.4. Phase III - Solutions avec l’ajout de la variable niche de produits
La détermination des conditions de succès d’une restructuration s’avère un phénomène
complexe multidimensionnel qui implique un questionnement constant du chercheur.
Celui-ci doit veiller à développer des hypothèses de conditions qui permettraient
d’expliquer les conditions de succès d’une restructuration. L’ajout de la variable santé
financière a permis de repousser les limites de la connaissance grâce à des résultats
significatifs. Maintenant, nous allons introduire la variable niche de produits afin de voir
son effet sur les autres variables. Le tableau 67 met en évidence la table de vérité
modifiée avec l’ajout de la variable «Niche de produits».
Le questionnement autour de cette variable s’est produit lors des discussions avec les
premiers cas. L’industrie du meuble a subi un choc au début des années 2000 suite à
l’arrivée de la concurrence asiatique. Celle-ci offrait alors des produits à des prix
nettement inférieurs aux fabricants nord-américains. Certaines entreprises ont choisi de
modifier leurs façons de faire, leurs processus de production ainsi que leur niche de
produits. Plusieurs ont développé des techniques de personnalisation des produits.
Certains ont choisi d’offrir une gamme de produits spécifiques pour limiter la
concurrence. On observe des différences quant à la stratégie face aux produits.
313
TABLEAU 67 TABLE DE VÉRITÉ AVEC L'AJOUT DE LA VARIABLE NICHE DE PRODUITS Cas Leg Surv Resp pgrh sfe niche succes
Appex 0 0 0 0 0 0 0
Star 1 1 0 1 0 0 1
Asterix 0 0 0 0 0 0 0
jolie 0 0 0 1 1 0 1
Sinesco 1 1 1 0 0 0 1
Sisigras 1 1 0 0 0 1 1
Mégère 1 1 1 1 1 1 1
Novello 1 1 1 0 1 1 1
Hautain 0 0 0 0 1 0 1
Italien 1 1 1 1 1 1 1
Angelile 0 0 0 0 0 0 0
Matec 1 0 0 0 0 1 0
Maskinongé 1 1 0 1 1 0 1
Ici 0 0 0 0 0 0 0
Mia 1 1 0 0 0 1 1
Concept 1 0 0 1 0 1 0
Illinois 1 1 0 0 1 1 1
Ouvrier 1 1 0 1 1 1 1
Agassi 1 1 0 1 1 0 1
Delabrise 0 0 1 1 0 1 1
Louiselle 1 1 0 1 1 1 1
Codex 1 1 1 1 1 1 1
Tableau 1 1 0 1 0 1 1
Beaulit 1 1 1 1 1 1 1
Salec 0 0 0 0 0 1 0
314
5.4.1. Phase III - Solutions de type complexe
La troisième phase, comme les phases précédentes, permet de faire ressortir trois types
de solutions afin de valider la valeur de la variable niche de produits et ses effets sur les
conditions ou combinaisons de succès des restructurations.
Le premier type de solution est la solution complexe. Le tableau 68 permet de mettre en
évidence les solutions suivantes avec des valeurs de 0, 285714. Il faut noter qu’il s’agit
de la plus faible valeur obtenue lors des trois phases dans les solutions complexes.
1. leg * surv * ~resp * pgrh * sfe
2. leg * surv * pgrh * sfe * niche
3. leg * surv * ~resp * ~sfe * niche
4. surv * ~resp * pgrh * sfe * niche
On retrouve la combinaison classique de la légitimité avec la gestion des survivants, le
maintien des pratiques de gestion des ressources humaines et la santé financière. Il est à
noter que la niche de produits ne fait pas partie des variables de la combinaison ayant la
plus grande valeur. Les entreprises ayant affiché une valeur de 1 aux conditions retenues
dans cette solution sont :
- Maskinongé
- Ouvrier
- Agassi
315
- Louiselle
- Beaulit
TABLEAU 68 SOLUTIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA SOLUTION COMPLEXE Complex solution
Frequency cutoff
1,000000
Consistency cutoff : 1,000000
Raw coverage Unique coverage Consistency
leg * ~surv * ~resp * ~pgrh * sfe
0,142857 0,142857 1.000000
leg * surv * ~resp * ~sfe * niche
0,214286 0,071429 1.000000
surv * ~resp * pgrh * sfe * niche
0.214286 0,071429 1,000000
leg * surv * ~resp * pgrh * sfe
0,285714 0,071429 1,000000
leg * surv * pgrh * sfe * niche
0,285714 0,071429 1,000000
leg * surv * resp * ~ pgrh * ~niche
0,071429 0,071429 1,000000
~leg * surv * resp * ~ pgrh * ~sfe * ~niche
0,071429 0,071429 1,000000
Solution coverage :
1,000000
Solution consistency :
1,000000
316
La solution complexe fait ressortir encore une fois encore l’absence de la responsabilité
sociale dans les solutions proposées. Les deux solutions mettent en évidence un
ensemble de variables permettant aux entreprises de réussir leur restructuration.
Toutefois, les résultats obtenus sont peu significatifs.
Phase III - Solutions de type parcimonieuses
Pour les solutions parcimonieuses, on constate des résultats obtenus qu’il devient plus
complexe de faire ressortir un ensemble de combinaisons afin d’expliquer le succès
d’une restructuration. Nous avons obtenu davantage de succès grâce à une variable
unique dans l’analyse de la solution parcimonieuse démontrée au tableau 69. Cette
solution met en évidence deux solutions avec une valeur de 0,714286 et 0,571429.
1. surv = 0,714286
2. sfe = 0,571429
La première solution place la gestion des survivants comme solution dominante avec
une valeur de 0,714286. À l’instar des différentes phases traitées précédemment,
l’importance de la gestion des survivants revient constamment dans les résultats obtenus.
Il est important de souligner les habitudes dans cette industrie de procéder à des
mouvements de main d’œuvre. La gestion des employés restants semble tributaire de
succès dans une restructuration. On constate l’absence de la variable niche de produits
dans les solutions proposées alors que la variable santé financière de l’entreprise
demeure une solution de premier plan grâce à sa valeur de 0,571429.
317
TABLEAU 69 SOLUTIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA SOLUTION PARCIMONIEUSE Parmonicious solution
Frequency cutoff
1,000000
Consistency cutoff : 1,000000
Raw coverage Unique coverage Consistency
Surv 0,714286 0,357143 1.000000
Sfe 0,571429 0,214286 1.000000
Solution coverage :
1,000000
Solution consistency :
1,000000
5.4.2. Phase III - Solutions de type intermédiaire
La dernière solution proposée dans la phase III est la solution intermédiaire qui, à
l’instar de la solution complexe, fait ressortir un ensemble de combinaisons de variables.
Les deux principales combinaisons de variables obtiennent une valeur de 0,285714. Le
tableau 70 met en évidence les solutions proposées.
1. sfe * pgrh * ~resp * surv * leg = 0,285714
2. niche * sfe * pgrh * surv * leg = 0,285714
318
TABLEAU 70 SOLUTION PRIVILÉGIÉES AVEC LA SOLUTION INTERMÉDIAIRE Intermediate solution
Frequency cutoff
1,000000
Consistency cutoff : 1,000000
Raw coverage Unique coverage Consistency
sfe * ~pgrh * ~resp * surv * leg
0,142857 0,142857 1.000000
niche * ~sfe * pgrh * ~resp * surv
0,214286 0,071429 1.000000
niche * ~sfe * resp * surv * leg
0.214286 0,071429 1,000000
sfe * pgrh * ~resp * surv * leg
0,285714 0,071429 1,000000
niche * sfe * pgrh * surv * leg
0,285714 0,071429 1,000000
~niche * sfe * pgrh * resp * ~surv * leg
0,071429 0,071429 1,000000
~niche * ~sfe *~pgrh * resp * surv * leg
0,071429 0,071429 1,000000
Solution coverage :
1,000000
Solution consistency :
1,000000
Le tableau 71 permet de faire un résumé des différents types de solutions obtenues lors
de la phase III grâce à ces solutions complexes, parcimonieuses et intermédiaires. Cette
319
phase s’avère déterminante, car elle signifie la fin des résultats afin de conduire le
lecteur vers la discussion des résultats.
TABLEAU 71 RÉSUMÉ DES SOLUTIONS DE LA PHASE III Type de solution Solutions Valeur
Complexe 1. leg * surv * ~resp * pgrh * sfe
0,285714
2. leg * surv * pgrh * sfe * niche
0,285714
3. leg * surv * ~resp * ~sfe * niche
0,214286
4. surv * ~resp * pgrh * sfe * niche
0,214286
Parcimonieuse 5. surv 0,714286
6. sfe 0,571429
Intermédiaire 7. sfe * pgrh * ~resp * surv * leg
0,285714
8. niche * sfe * pgrh * surv * leg
0,285714
9. niche * ~sfe * pgrh * ~resp * surv
0,214286
10. niche * ~sfe * resp * surv * leg
0,214286
5.5. Synthèse des trois phases
L’analyse des vingt-cinq cas avec le traitement du logiciel QCA nous a amené plusieurs
résultats qui peuvent sembler déroutants, même parfois contradictoires. Il importe de
prendre un recul afin de traiter ces informations et de réfléchir si une solution s’impose
320
afin de permettre de faire avancer les connaissances sur la question des conditions
permettant d’expliquer le succès d’une restructuration.
Dans la première phase, nous avons mis en évidence la solution complexe avec la
variable de la légitimité combinée à la gestion des survivants. Avec une valeur obtenue
de 0,666667, nous avons un résultat qui souligne que cette combinaison peut permettre à
une entreprise d’obtenir du succès avec sa restructuration. Nous retenons également la
solution parcimonieuse qui met en évidence la variable de la légitimité à 0,733333 et le
maintien des pratiques de ressources humaines avec une valeur également à 0,733333.
Dans la deuxième phase, nous retenons comme solution parcimonieuse que la variable
gestion des survivants et la variable maintien des pratiques de ressources humaines
obtiennent une valeur de 0,733333 alors que la variable ajoutée de la santé financière de
l’entreprise obtient une valeur de 0,600000.
Dans la troisième phase, nous retenons la solution parcimonieuse qui met en évidence la
variable gestion des survivants avec une valeur de 0,714286 et la variable de la
légitimité avec une valeur de 0,571429.
Le tableau 72 fait ressortir l’ensemble des résultats que nous avons obtenus en
identifiant la phase, les variables retenues, leur valeur et le type de solution à l’intérieur
du logiciel QCA. Il est à noter que nous avons délibérément éliminé les solutions qui
n’étaient pas significatives en termes de valeur.
321
TABLEAU 72 RÉSUMÉ DES PRINCIPAUX RÉSULTATS OBTENUS Phase Variables retenues Valeur Type de solution
1 leg * surv 0,666667 Complexe
1 ~leg * ~surv * resp * pgrh 0,666667 Complexe
1 Leg 0,733333 Parcimonieuse
1 Pgrh 0,733333 Parcimonieuse
1 surv * leg 0,666667 Intermédiaire
1 pgrh * resp * ~surv * ~leg 0,666667 Intermédiaire
2 leg * surv * pgrh * sfe 0,400000 Complexe
2 Surv 0,733333 Parcimonieuse
2 Pgrh 0,733333 Parcimonieuse
2 Sfe 0,600000 Parcimonieuse
2 sfe * pgrh * surv * leg 0,400000 Intermédiaire
3 leg * surv * ~resp * pgrh * sfe
0,285714 Complexe
3 niche * sfe * pgrh * surv * leg
0,285714 Complexe
3 leg * surv * ~resp * ~sfe * niche
0,214286 Complexe
3 surv * ~resp * pgrh * sfe * niche
0,214286 Complexe
3 Surv 0,714286 Parcimonieuse
3 Sfe 0,571429 Parcimonieuse
3 sfe * pgrh * ~resp * surv * leg
0,285714 Intermédiaire
3 niche * sfe * pgrh * surv * leg
0,285714 Intermédiaire
3 niche * ~sfe * pgrh * ~resp * surv
0,214286 Intermédiaire
322
5.6. Discussion
Les résultats présentés lors des trois phases de l’application du traitement du logiciel
QCA nous permettent de nous diriger dans plusieurs directions. Il est indéniable qu’il
semble complexe de tenter d’identifier des conditions de succès lorsqu’une entreprise
exécute une restructuration. Les trois différentes phases de traitement des variables nous
ont permis de mettre en perspective les variables utilisées qui déterminent le succès des
restructurations. Ces trois différentes phases ont toutefois compliqué l’interprétation qui
peut se dégager de l’analyse des résultats. L’application d’une seule phase aurait pu être
plus simple d’interprétation en raison de la diminution du nombre de résultats.
Toutefois, l’utilisation d’une seule phase aurait diminué la portée des résultats. La
segmentation des variables de type business dans les phases II et III a permis
d’augmenter la compréhension du phénomène des restructurations en apportant un angle
différent, mais représentatif.
En étant fortement influencés par Cameron, nous nous sommes inspirés de ses travaux
afin de comprendre les conditions de succès des restructurations. En déterminant les
dirty dozen, elle a mis l’accent sur des pratiques à éviter. Cameron a également mis en
valeur des conditions de succès des restructurations. Elle en a avancé une trentaine.
Cependant, ces travaux ont d’une part été concentrés dans un secteur d’activité précis et
d’autre part les recommandations formulées sont particulièrement déroutantes pour les
gestionnaires tentant de s’en inspirer pour appliquer avec succès une restructuration. Il
est utopique de considérer 30 paramètres lourds de sens et d’application dans le cadre
d’un projet de restructuration. En conséquence, on peut affirmer que Cameron est
explicite sur le succès des restructurations, mais que des limites s’imposent et ouvre la
porte à d’autres recherches. Ses travaux n’ont guère de valeurs prescriptives pour les
gestionnaires et hauts dirigeants. Ils sont toutefois pertinents dans le but d’avancer des
pistes d’études supplémentaires. De plus, ses résultats font référence à un territoire
donné dans un secteur d’activité précis.
323
Notre thèse s’articule dans les conditions de succès des restructurations, mais dans un
secteur d’activité distinct, dans un pays différent et avec des variables élargies
composées de variables de type ressources humaines et de type business.
Les trois phases ont permis de comprendre dans un premier temps l’importance relative
de quatre variables de type gestion des ressources humaines. Ces variables, inspirées par
les travaux de Cameron nous permis de mieux comprendre l’importance des pratiques et
du comportement des entreprises en regard aux employés. D’isoler ces variables nous a
amenés à recueillir des informations sur la façon dont les dirigeants se sont conduits, et
l’importance relative de certaines actions et des valeurs organisationnelles.
Les phases II et III se sont éloignées de la dimension de la gestion des ressources
humaines afin d’élargir le champ de pensée pour analyser une restructuration. Bien que
la dimension ressources humaines soit prépondérante dans une entreprise, cette dernière
ne se résume pas qu’à cela. Ainsi, les dimensions de type business ont permis de jeter un
éclairage nouveau sur les restructurations en s’éloignant du discours classique des
variables traitées dans la première phase. Les variables de la santé financière de
l’entreprise et la niche de produits ont permis d’en apprendre davantage sur le
fonctionnement d’une entreprise et les conditions de réussites.
On doit rappeler la méthode utilisée puisqu’elle constitue un choix audacieux. Le choix
d’une méthode qualitative ou quantitative représentait un choix incomplet, car elles
limitaient le cadre explicatif de cette thèse. Le quantitatif permet d’approfondir un ou
quelques cas, mais pose des problèmes de généralisation. Le quantitatif possède ses
avantages dans la mesure où l’échantillon est assez grand. Dans notre cas, notre
échantillonnage limité rendait impossible l’utilisation du quantitatif.
324
L’utilisation de la méthode de l’analyse comparative a permis d’utiliser les études de cas
pour approfondir la compréhension du sujet et le traitement booléen a permis d’utiliser
un nombre de cas qui aurait été insuffisant traditionnellement. Nous allons soulever
maintenant quelques constats sur les variables prises individuellement.
5.6.1. Les constats des résultats du traitement booléen des variables
Dans la présente section, nous allons présenter une série de constats et d’observations
individuelles sur les variables utilisées dans le traitement de l’analyse booléenne. Ces
constats amorceront la discussion des conditions et combinaisons de conditions
expliquant le succès d’une restructuration. Dans la prochaine section, nous allons traiter
des variables individuellement afin de justifier leur portée dans l’explication du succès
des restructurations pour terminer par les configurations de variables retenues.
5.6.1.1. La variable de la responsabilité sociale
Premier constat effectué, dans le contexte manufacturier québécois, la responsabilité
sociale de l’entreprise n’est que faiblement prise en considération. Cette variable permet
faiblement d’expliquer le succès d’une restructuration dans la culture d’affaires du
Québec. Lors du traitement des cas, nous avons recueilli des informations similaires à
savoir que l’entreprise respecte les lois sans toutefois avoir le désir de mieux encadrer ou
appuyer les victimes des restructurations. Les dirigeants ont justifié leurs actions par les
contraintes légales déjà imposantes et la prise en charge par l’état des victimes des
restructurations. Dans les informations recueillies, il se dégage un alourdissement des
processus ainsi qu’une contrainte de temps explique le manque de volonté des
dirigeants.
325
Nous avons également été étonnés du détachement de plusieurs entreprises à l’égard de
leurs responsabilités. Malgré tout, il serait intéressant de valider dans d’autres milieux si
les résultats étaient les mêmes. Nous pensons notamment à la France qui, possiblement,
obtiendrait des résultats différents et davantage inclusifs de cette variable.
Bien que notre cueillette de données n’ait pas fait ressortir cette variable, nous croyons
que le concept de la responsabilité sociale de l’entreprise s’avère un sujet qui devrait être
repris afin d’augmenter le niveau de connaissance et de jeter un éclairage différent. Ce
thème comporte des spécificités culturelles ce qui signifie qu’il n’est pas perçu de la
même façon en Europe qu’au Canada. Par exemple, est-il possible que le secteur
d’activité puisse amener des résultats différents et que la responsabilité sociale prenne
une place plus significative? Existe-t-il des différences entre l’application de la
responsabilité sociale et le pays? Est-ce une explication culturelle? Il appartiendra à
d’autres chercheurs de tester cette hypothèse. Dans le cadre de nos résultats, elle ne s’est
pas avérée déterminante dans le succès d’une restructuration. Il s’agit d’une condition
nécessaire, mais pas suffisante.
Dans le cadre de la sélection des variables à sélectionner pour cette thèse, nous avions
estimé qu’elle aurait un impact supérieur. Dans les explications possibles, nous croyons
que le secteur d’activité a particulièrement influencé les résultats puisque celui-ci est
traditionnellement non syndiqué et habitué à des cycles de croissance et de décroissance.
Finalement, il semble que cette industrie se positionne encore avec un mode de gestion
des ressources humaines traditionnelle pouvant influence les comportements reliés à
cette variable.
326
5.6.1.2. La variable de la niche de produits
Le deuxième constat vise également à mettre en lumière la faiblesse des résultats de la
variable niche de produits. Le traitement de l’analyse booléenne a démontré que la
variable niche de produits n’obtient que de faibles résultats. Dans la mesure où la niche
de produits constitue une réponse aux pressions de l’environnement externe, nous
aurions pu nous attendre à des résultats supérieurs ou à une plus grande présence dans
les configurations de variables. Les entreprises manufacturières québécoises dans
l’industrie du meuble ont traversé des crises importantes depuis 15 ans et cette variable
aurait pu expliquer pourquoi certaines entreprises ont réussi leur restructuration alors
que d’autres ont échoué. Il faut toutefois constater les faibles résultats obtenus dans
l’analyse à l’instar de la variable de la responsabilité sociale des entreprises. Le critère
de la niche de produits pourrait-il obtenir des résultats différents dans d’autres secteurs
d’activité?
Dans les cas étudiés provenant du secteur manufacturier des fabricants de meubles
québécois, plusieurs entreprises ont adopté au tournant des années 2000 des stratégies de
différenciation afin de repousser la compétition. Il était capital de valider l’importance
de cette variable dans le succès des restructurations. Un des intérêts de cette variable est
la proximité avec les stratégies de business plutôt que les stratégies de gestion de
ressources humaines.
Puisque notre thèse se concentre dans un territoire donné avec un secteur d’activité
précis, est-il possible que la variable niche de produits puisse avoir davantage de valeur
dans un autre secteur d’activité? Par exemple, les entreprises de services ou de
fabrication d’un autre secteur d’activité auraient-elles obtenu des résultats différents?
Puisqu’étudié dans un territoire précis à majorité francophone, aurait-on les mêmes
résultats au Canada anglais? Qu’en est-il de son utilisation en Europe ou en Afrique? La
327
variable niche de produits a obtenu de faibles résultats. Cependant, son intégration était
naturelle dans cette thèse compte tenu de nos questionnements.
5.6.1.3. La variable du maintien des pratiques de GRH
Le troisième constat fait suite aux résultats obtenus. Dans les différentes solutions
retenues, il ressort donc quatre variables qui reviennent dans les différentes solutions
proposées. Il y a la variable de la légitimité, la variable de la gestion des survivants, la
variable du maintien des pratiques de ressources humaines ainsi que la variable de la
santé financière de l’entreprise.
La variable du maintien des pratiques de gestion des ressources humaines est revenue
dans les deux premières phases en obtenant la valeur à chaque reprise de 0,733333. Il
semble que cette variable permette d’expliquer, du moins partiellement, le succès des
restructurations d’une entreprise québécoise dans le secteur du meuble. Nous avons
constaté tout au long de nos rencontres que cette condition favorise l’engagement des
salariés dans le projet collectif et dynamise l’organisation dans la mesure où l’entreprise
maintient ses engagements et ses investissements dans l’entreprise. A contrario, de
diminuer ou d’arrêter les pratiques de gestion des ressources humaines a été observé
comme un message négatif à envoyer aux salariés. Dans bien des cas, l’entreprise a dû
traverser des zones de turbulences, mais le maintien des pratiques fait ressortir deux
constats suite à l’analyse des cas : le premier est un indicateur du niveau de confiance
que les actionnaires et les gestionnaires ont envers le projet d’entreprise et le second
démontre que l’entreprise continue à se développer, à préparer le futur afin d’être prêt
lorsque la conjoncture sera davantage favorable.
Les résultats obtenus démontrent que ce n’est pas toutes les entreprises qui ont réussi
leur restructuration en mettant de l’avant cette variable, mais toutes celles qui ont échoué
328
leur restructuration ont obtenu la valeur «0». On doit, en conséquence, considérer cette
variable comme une variable explicative du succès des restructurations. Il faut rappeler
que pour obtenir la valeur 1, l’entreprise devait avoir minimalement maintenu ses
investissements dans deux des trois pratiques de gestion des ressources humaines
suivantes : le développement des compétences et la formation de ses employés, la santé
et la sécurité du travail de même que la rémunération. Bien que dans quelques cas, nous
avons observé un arrêt des augmentations de salaire pour quelque temps, bien des
explications peuvent venir le justifier. Une entreprise pourrait même venir à le justifier
positivement en évoquant qu’elle fait certains sacrifices pour le bien-être et la pérennité
de l’entreprise. Toutefois, aucune justification n’est possible pour le développement des
compétences et la formation de sa main-d’œuvre. Les cas répertoriés ayant diminué leurs
investissements à ce niveau pour la grande majorité ont échoué dans leur restructuration.
Pour ce qui est de la santé-sécurité du travail, le message envoyé aux employés dans le
cas où les investissements sont diminués alimente le cynisme et les comportements
dysfonctionnels. Il était tout à fait pertinent d’assurer une codification à la hauteur de 1
si deux des trois pratiques de gestion des ressources humaines étaient maintenues.
Par ailleurs, il est intéressant de se questionner à savoir si cette variable obtiendrait des
résultats similaires dans d’autres secteurs d’activités au Québec, aux États-Unis ou en
Europe, notamment. Au Québec comme en France, il existe une législation qui oblige
les entreprises à investir un pourcentage de leur masse salariale dans le développement
de la main-d’œuvre. On peut en conclure que certaines habitudes d’activités de
développement des compétences sont acquises. Toutefois, au Québec, des modalités
permettent aux entreprises de prendre soit une pause des activités de formation ou soit
de compenser en allant chercher dans les surplus accumulés dans les années passées en
formation.
329
La législation est également très présente au niveau de la santé-sécurité du travail au
Québec, comme au Canada et en France. Parfois, certaines obligations sont tellement
contraignantes que les entreprises ne peuvent se permettre de diminuer leurs activités en
gestion de la santé-sécurité du travail. Dans le secteur d’activité des fabricants de
meubles québécois, l’agent étatique régulateur, la Commission des normes du travail et
de la santé sécurité du travail intervient faiblement ce qui ouvre la porte aux entreprises
de maintenir ou diminuer leurs activités.
Au niveau de la rémunération, la législation oblige l’application de la Loi sur l’équité
salariale. Toutefois, pour les entreprises du secteur du meuble, cela ne change en rien la
possibilité de diminuer ou d’annuler les augmentations de salaire dans la mesure où elle
respecte l’équité salariale. À ce sujet, la majorité des employés de cette industrie est
masculine, ce qui diminue la portée de la Loi sur l’équité salariale.
La variable du maintien des pratiques de gestion des ressources humaines constitue une
piste sérieuse à explorer. Elle est porteuse d’espoir dans la mesure où les effets de la
mondialisation uniformisent les pratiques de gestion. La concurrence vient désormais de
tous les recoins de la planète et une entreprise ne peut se permettre de laxisme dans la
gestion de son organisation. Les messages perçus par les employés peuvent être
extrêmement préjudiciables pour les entreprises qui négligeraient cette condition. En
fait, c’est la carence dans la justice procédurale qui est en cause. Les employés analysent
les actions et les pratiques de l’employeur dans les périodes de croissance comme de
décroissance et adopteront les comportements qui leur semblent appropriés.
L’employeur peut obtenir divers comportements qui influenceront les résultats de
l’entreprise.
330
De ces comportements, on observe notamment une diminution de la motivation, un
désengagement envers les résultats de l’entreprise quant à la qualité, la productivité ou
les indicateurs de performance, une démobilisation, un accroissement du taux de
roulement des meilleurs effectifs, notamment.
Ainsi, nous croyons que d’autres chercheurs auraient avantage à valider ce point sous de
multiples angles en termes de secteurs d’activités et de territoires ou pays. Il s’agit d’une
piste significative permettant d’approfondir et d’expliquer le succès des entreprises dans
leur restructuration.
5.6.1.4. La variable de la légitimité
La variable de la légitimité constitue une condition forte que l’on retrouve aussi bien
dans le traitement des cinq premiers cas que dans le traitement de la méthode QCA.
L’adhésion des employés, le sentiment d’engagement et la façon dont l’employeur
communique les informations en période de crise deviennent des vecteurs puissants de
réussites.
À l’intérieur de l’analyse de cette variable, nous avons constaté que les entreprises qui
portent une attention à ces points s’en sortent mieux. Dans la première phase analysée,
nous avons observé que la variable de la légitimité s’est positionnée de deux façons. La
première, en obtenant une valeur de 0,677777 en étant combiné avec la variable de la
gestion des survivants et la seconde avec une valeur de 0,733333 en étant seule. Ainsi,
dans les quatre variables explicatives de départ, il s’agit de la variable qui est ressortie le
plus significative. Le cas de l’entreprise Louiselle a notamment éveillé notre
compréhension du phénomène puisque le dirigeant nous a révélé, sans connaître nos
variables, qu’il s’agissait du point majeur de succès d’une restructuration selon lui. Dans
le cadre de l’analyse de la troisième phase, la variable de la légitimité s’est caractérisée
331
comme la deuxième la plus significative avec une valeur de 0,571429. Loin d’expliquer
l’ensemble des succès des entreprises ayant réussi leur restructuration, on constate
toutefois qu’il s’agit d’une condition forte et significative que l’on ne peut ignorer.
Dans plusieurs cas, nous avons constaté que la variable de la légitimité avait été prise au
sérieux par les gestionnaires. À titre d’exemple, la sélection des employés à être
licenciée est souvent vécue comme problématique. Pourquoi est-ce moi ? Pourquoi pas
lui ? Voilà le type de questions qui ressort fréquemment. Les entreprises qui réussissent
leur restructuration ont réussi à non seulement donner des informations sur la situation
vécue, mais également sur les critères d’évaluation des salariés à être licenciés. Plusieurs
ont développé une grille d’évaluation qui leur permet de réduire l’arbitraire et la
subjectivité afin de mettre en avant-plan la perception de l’objectivité, ce qui favorise
une meilleure acceptabilité sociale de la part des employés. Dans la mesure où les
employés comprennent les raisons de la restructuration, adhèrent à la façon de faire et
aux procédures organisationnelles, l’entreprise est en mesure d’affronter les zones de
turbulence avec un plus grand aplomb, ce qui n’est pas le cas pour toutes les entreprises
étudiées dans nos cas.
5.6.1.5. La variable de la santé financière
La variable de la santé financière de l’entreprise est une variable ajoutée lors de la
deuxième phase du traitement de la méthode QCA. Intuitivement et en accord avec les
données recueillies non seulement dans l’analyse des cinq premiers cas ainsi que dans
les 20 autres, nous avons constaté que cette variable avait un poids certain. Nous avons
constaté que des entreprises ont réussi leur restructuration sans se soucier des conditions
que nous avons mises en exergue. Ainsi, en prenant du recul, il a semblé évident qu’il
était possible qu’une entreprise étant en santé financière ait davantage la capacité
d’affronter l’adversité. Après tout, une entreprise peut survivre aussi longtemps que ses
finances le lui permettent. Dans l’éventualité où celles-ci s’amenuisent, les chances
332
d’assurer une pérennité deviennent plutôt minces. Cela ne fait pas de cette condition un
critère absolu, mais plutôt la démonstration que la dimension financière demeure un
critère dominant. Dans l’univers de la gestion des ressources humaines, plusieurs
gestionnaires et mêmes chercheurs se consacrent à des facteurs humains, ce qui peut
induire en erreur lorsque l’on cherche à expliquer un phénomène complexe. La prise en
compte d’un tel critère permet d’objectivement comprendre que l’étude des
restructurations, dans toute sa complexité, met en évidence des critères associés à la fois
aux bonnes pratiques de gestion des ressources humaines, mais également à la saine
gestion des finances de l’organisation.
Dans les résultats obtenus, on peut apprécier dans la deuxième phase qu’une solution
propose avec une valeur de 0,60000 la variable de la santé financière comme conditions
de succès d’une restructuration. Il est à noter que cette variable est ressortie comme
significative lors de la troisième phase du traitement de la méthode QCA. Il n’en
demeure pas moins que la santé financière de l’entreprise doit être, comme le démontre
le résultat des trois phases, une variable secondaire en se dégageant des variables de type
RH afin de se centrer sur une dimension économique. Bien que qualifiée de secondaire,
cette variable est au cœur des décisions des entreprises et a un caractère indissociable
des restructurations.
5.6.1.6. La variable gestion des survivants
La variable de la gestion des survivants retient sans conteste notre attention dans les
résultats obtenus. Non seulement cette variable revient-elle fréquemment dans les cas où
la restructuration s’avère un succès, mais dans le cas où il y a un échec, la gestion des
survivants était mise à l’écart. A priori, nous aurions pu avoir certains doutes quant à sa
présence dans les conditions gagnantes en raison de sa popularité dans la littérature
scientifique, mais également dans l’intérêt de la communauté des affaires puisque celle-
ci est en quête de réponse afin de pouvoir identifier les meilleures pratiques. Nous avons
333
obtenu des résultats significatifs avec cette variable. La phase I révèle que la gestion des
survivants combinée à la légitimité permet d’obtenir une valeur de 0,677777. La phase II
met en évidence la gestion des survivants grâce à une valeur obtenue de 0,733333, la
plus haute valeur obtenue. Enfin, dans la phase III, la gestion des survivants obtient une
valeur de 0,714286, la plus haute de cette phase.
Il est manifeste de comprendre que l’attention, l’intérêt et l’encadrement que l’on portera
aux employés survivants aide considérablement les chances de réussir à passer au travers
une restructuration. Les cas démontrent cette préoccupation des gestionnaires face au
sort de leurs employés restants. Il est intéressant de constater dans les pratiques de
gestion des dirigeants québécois que l’accent soit mis face aux salariés restants tout en
laissant pour compte les employés quittant. Non pas que ce soit surprenant, mais il était
plausible au début de la thèse de concevoir que l’un ne va pas sans l’autre. Après tout,
un gestionnaire ayant une sensibilité pourrait, hypothétiquement l’avoir sur 360 degrés.
Or, nous constatons qu’à un bout du spectre le focus est mis sur l’employé alors qu’à
l’opposé, on néglige ceux qui quittent. Les gestionnaires nous ont révélé une multitude
de petits détails permettant de sécuriser les employés restants. Nous pensons notamment
aux rencontres individuelles et collectives, au coaching, aux ajustements dans
l’organisation du travail en intégrant des projets d’ajustements départementaux afin de
s’ajuster aux nouvelles réalités de la gestion de la production. Somme toute, nous
retenons cette variable comme hautement significative, celle à privilégier afin de passer
à travers une crise de restructuration.
Après avoir analysé les résultats et discuté de ceux-ci, que restent-ils? Nous tentions de
déterminer quelles sont les conditions de succès d’une restructuration. Notre terrain, soit
le secteur manufacturier du meuble nous a permis de faire ressortir des conditions ou un
ensemble de conditions favorable pour traverser avec succès une période de
restructuration.
334
Nous retenons comme résultat principal que deux des six variables étudiées ne peuvent
être considérées comme contributives au succès d’une restructuration. Nous avons, en
définitive, éliminé la responsabilité sociale et la niche de produits comme variable
explicative. Nous conservons comme conditions gagnantes des restructurations le
maintien des pratiques de ressources humaines, la légitimité et la gestion des survivants.
Bien entendu, il semble important de traiter de la variable santé financière de
l’entreprise. Il semble périlleux de la classer dans le même ordre d’idée que les
précédentes puisque les gestionnaires n’ont aucun contrôle sur cette condition. Il
appartient aux actionnaires de déterminer leur niveau d’endettement et ce n’est pas parce
qu’une entreprise a contracté des dettes qu’elle aura moins de succès en affaires.
Toutefois, nous comprenons suite à l’introduction de cette variable, une entreprise qui
est endettée aura davantage de difficultés à passer au travers une restructuration.
L’exercice effectué dans le cadre de cette thèse permet d’apporter une valeur
prescriptive afin de réussir une restructuration. Elle met en valeur certaines conditions
qui augmentent les chances de réussir sa restructuration. Ainsi, nous pourrions fortement
déconseiller à un gestionnaire d’ignorer les survivants lors d’une restructuration. Nous
avons vu que combiné à une légitimité élevée, qu’une entreprise peut rencontrer ses
objectifs organisationnels. Bien entendu, il est bon de rappeler que la meilleure
restructuration est peut-être celle que l’on ne fait pas puisque celle-ci conduit souvent à
un échec. Mais dans l’inévitable perspective d’une restructuration, nous avons démontré
les éléments à éviter et d’autres à mettre en valeur.
Afin de bénéficier pleinement de la méthode de l’analyse comparative, les résultats
obtenus mettent l’emphase sur les combinaisons de conditions permettant d’expliquer
335
les succès d’une entreprise dans la gestion de sa restructuration. La prochaine section
permettra de mettre à l’avant-plan ces combinaisons de conditions.
5.6.2. Les conditions et combinaisons de conditions de succès
Dans les avantages spécifiques à la QCA, la possibilité de faire ressortir des
combinaisons de conditions la rend particulièrement attrayante. Il ne s’agit pas
seulement de démontrer quelles conditions permettent un phénomène précis, mais
quelles configurations de conditions est la plus significative pour expliquer un
phénomène. Dans le contexte de notre thèse, de comprendre quelles combinaisons de
conditions permettent d’expliquer le succès d’une restructuration est un avantage
significatif en raison de la complexité du sujet étudié. Il serait quelque peu simpliste de
réduire la compréhension d’un tel phénomène à une seule condition. Quoique pas
impossible, il nous semble plus réaliste d’anticiper une combinaison de conditions. Nous
allons développer dans la prochaine partie sur les combinaisons de conditions retenues
suite au traitement booléen.
La phase I a fait ressortir deux configurations de conditions de succès des
restructurations. Ces conditions sont issues de la phase ne traitant que des variables de
type gestion des ressources humaines.
5.6.2.1. Configuration I (leg * surv)
La légitimité combinée à la gestion des survivants permet d’obtenir une valeur
significative de 0,666667. Elle permet de mettre en exergue la variable de la légitimité
avec celle de la gestion des survivants. Cette combinaison est fidèle au propos retenu
dans la majorité des cas étudiés qui ont réussi leur restructuration.
336
Il ressort de l’analyse que la qualité des explications fournies et des communications de
même que les outils de sélection des grilles de sélection des employés à être licenciés
permettent aux employés d’avoir une compréhension plus éclairée de la situation. Ainsi,
le niveau d’acceptabilité sociale facilite l’application de la restructuration. Les employés
étant sensibles à la justice procédurale, ils doivent avoir la perception que la
restructuration est non seulement juste, mais également nécessaire.
La condition de la légitimité va renforcir celle de la gestion des survivants. Celle-ci
s’explique par la qualité des informations données suite à la restructuration sur les
implications du travail des employés restants, sur l’organisation du travail, sur le type de
supervision offert. Dans la mesure où les employés ont été informés et dirigés avant la
restructuration, la période post-restructuration sera facilitée et renforcie puisque les
employés auront compris et respecté la démarche. Cela permettra possiblement non pas
seulement de passer au travers de la restructuration, mais d’afficher une plus grande
solidité dans la relation patronale-employés. Ultimement, l’entreprise peut grandir de sa
restructuration en solidifiant les liens les unissant. Les retombées d’une telle
combinaison peuvent être au niveau de la productivité, de la qualité, de l’implication des
employés dans l’atteinte des objectifs organisationnels, de l’amélioration du taux de
roulement, du sentiment d’engagement plus grand face à l’employeur, d’une
amélioration du sens et de la valeur du travail, etc.
Ces résultats, nous les avons constatés dans des entreprises comme Meubles Louiselle,
Meubles Codex, Beaulit, notamment. Ces entreprises ont toutes obtenu une valeur
positive aux conditions de la légitimité et de la gestion des survivants. Les explications
fournies par les dirigeants nous amènent à conclure que cette combinaison de conditions
est définitivement gagnante.
337
5.6.2.2. Configuration II (~ leg * ~surv * resp * pgrh)
La deuxième combinaison fait référence à un regroupement des quatre variables. Cela
signifie que dans les entreprises qui ont réussi leur restructuration, nous avons observé à
plusieurs reprises la combinaison de la légitimité à la négative, de la gestion des
survivants à la négative, de la responsabilité sociale et le maintien des pratiques de
gestion des ressources humaines à la positive. Elle obtient une valeur de 0,666667.
L’application d’une condition de la responsabilité sociale permet à l’entreprise de
prendre soin des employés victimes de la restructuration et de lancer un message clair et
fort aux employés restant sur les valeurs de l’entreprise. Dans la combinaison
précédente, nous avons expliqué l’effet de renforcement d’une condition par rapport à
une autre. Dans cette combinaison, nous retrouvons le même effet. Après avoir pris soin
de ceux qui quittent, l’entreprise envoie un autre message cohérent à ces employés que
l’entreprise va continuer à se développer et survivre. C’est par l’application et le
maintien des pratiques de gestion des ressources humaines que l’entreprise va maintenir
l’engagement de ses employés restants. Il s’agit ici de continuer à développer les
compétences de la main-d’œuvre, de continuer à en assurer la santé et la sécurité du
travail et à maintenir les pratiques relatives à la rémunération des salariés.
On retient cette combinaison dans le cas De la brise où malgré une faiblesse marquée
pour la variable de la légitimité ainsi que pour la gestion des survivants, ils ont affiché
une valeur positive à la responsabilité sociale de l’entreprise et au maintien des pratiques
de gestion des ressources humaines. Toutefois, il faut appliquer une certaine réserve
puisque cette entreprise est syndiquée et que l’application de ces variables fait suite aux
clauses de la convention collective qui oblige l’employeur à un mode de rémunération, à
investir un pourcentage de sa masse salariale dans la formation et à former un comité de
santé-sécurité du travail qui possède un budget annuel afin d’améliorer la situation et de
régler les problèmes ponctuels.
338
Cette première phase, grâce à ces deux solutions issues de combinaisons de conditions a
permis d’apporter des réponses significatives de succès d’une restructuration. En raison
de ces variables purement de type gestion des ressources humaines, ces solutions ne
permettent pas de comprendre la complexité des phénomènes de restructuration, mais ils
sont un pas dans la bonne direction. Les deux phases suivantes vont jeter un éclairage
plus complet sur les combinaisons de succès des restructurations grâce à l’ajout des
variables de la santé financière de l’entreprise et de la variable niche de produits.
La deuxième phase a permis de mettre en évidence trois ensembles de combinaisons de
conditions. Avec l’ajout de la variable santé financière de l’entreprise, la valeur de
chaque combinaison a diminué par rapport aux solutions uniquement de type gestion des
ressources humaines.
5.6.2.3. Configuration III (leg * surv * pgrh * sfe)
La configuration III met en évidence la variable de la santé financière de l’entreprise.
Alors que les variables de la légitimité, de la gestion des survivants et du maintien des
pratiques de gestion des ressources humaines se sont avérées significatives
individuellement, elles se greffent à la santé financière de l’entreprise, une variable de
type business pour obtenir une valeur de 0,400000. Cette variable vient confirmer notre
intuition à l’effet qu’elle peut contribuer significativement au succès d’une
restructuration. L’effet de combinaison veut qu’une entreprise augmente ses probabilités
de réussir en ayant non pas seulement une saine santé financière en limitant son niveau
d’endettement, mais également en utilisant de saines pratiques de gestion. Une entreprise
peut réussir en n’ayant comme variable que la santé financière. Il faut toutefois
comprendre l’effet de bonification grâce aux variables de type gestion des ressources
humaines. Grâce aux variables de la légitimité, de la gestion des survivants et du
339
maintien des pratiques de gestion des ressources humaines, on obtient un amalgame de
variables qui conduise au succès d’une restructuration. Des cas qui ont obtenu une
valeur positive à l’équation, on retient les entreprises Mégère, Italien, Maskinongé,
Ouvrier, Agassi, Meubles Louiselle, Meubles Codex, Meubles Tableau et Beaulit.
5.6.2.4. Configuration IV (leg * surv * ~resp * pgrh * sfe)
La configuration IV met en évidence les combinaisons de la légitimité avec la gestion
des survivants et le maintien des pratiques de gestion des ressources humaines et la santé
financière en ajoutant la variable à la négative de la responsabilité sociale des
entreprises. Cette solution a toutefois une valeur moindre puisqu’elle obtient une valeur
inférieure à 0,300000. On peut qualifier la solution de similaire puisqu’on fait référence
aux mêmes variables que la première solution proposée en ajoutant une variable
négative qu’est la responsabilité sociale des entreprises.
5.6.2.5. Configuration V (niche * sfe * pgrh * surv * leg)
La troisième solution retenue est celle des variables niche de produits avec la santé
financière de l’entreprise avec le maintien des pratiques de gestion des ressources
humaines avec la gestion des survivants et finalement la variable de légitimité. On doit
noter qu’avec une valeur inférieure à 0,300000, cette combinaison demeure peu
significative. Elle met toutefois en perspective la variable niche de produits.
Nous retenons de ces combinaisons que certaines ont obtenu une valeur intéressante
malgré la combinaison. Trois conditions sur quatre au niveau des variables de type
gestion des ressources humaines ont pris une place prépondérante tout au long des
résultats. Il s’agit de la légitimité, de la gestion des survivants et du maintien des
pratiques de gestion des ressources humaines. Dans les variables de type business, on
retient la santé financière de l’entreprise qui s’est positionnée comme une variable
340
majeure alors que celle de niche de produits n’a pu se positionner comme une variable
significative ni individuellement ni en combinaison.
La prochaine section tentera d’offrir une valeur prescriptive aux résultats obtenus. Nous
allons aiguiller les gestionnaires et hauts dirigeants sur ce qu’il faut retenir par rapport
aux conditions de succès afin de réussir sa restructuration. Cet apport semble
indissociable de la finalité de cette thèse et pourrait servir de point d’ancrage dans le
futur.
5.6.3. Une valeur prescriptive pour les gestionnaires et hauts dirigeants
La valeur d’une thèse se veut une avancée des connaissances sur un sujet spécifique doté
d’un angle précis. Dans notre cas, nous désirions en connaître davantage sur les
conditions de succès des restructurations. Les retombées d’un tel projet se veulent
bénéfiques pour la communauté scientifique puisqu’il permet de repousser les
connaissances sur un sujet prisé à la fois par les chercheurs, mais également par les
gestionnaires et les hauts dirigeants. Une question se profile à savoir que vont en retenir
ces dirigeants d’entreprises. En quoi à la lecture de cette thèse aideront les gestionnaires
dans leur compréhension de ce phénomène complexe. Puisque les gestionnaires sont
souvent au cœur des stratégies des organisations, cette thèse apportera une valeur
prescriptive pour l’application d’une restructuration, spécifiquement basée sur les
suppressions d’emplois. En résumé, que doit retenir le gestionnaire diligent qui veut
réussir sa restructuration? Afin de bien comprendre la valeur prescriptive de notre thèse,
nous l’avons résumé en six règles simples, mais efficaces en fonction de nos résultats
obtenus et des observations effectuées.
Premièrement, le gestionnaire averti doit comprendre que la simplicité de l’application
des restructurations se veut souvent une erreur majeure que l’on doit éviter. Il ne s’agit
341
pas de savoir additionner la masse salariale économisée pour voir la productivité et la
profitabilité augmenter. Bien que la diminution de la masse salariale puisse avoir un
impact à court terme sur la performance, les effets indirects peuvent être préjudiciables à
court, moyen et long terme sur la pérennité de l’organisation. La prudence est de mise et
le mimétisme est à proscrire étant donné que chaque organisation a son propre contexte
qui est unique. De reproduire des pratiques jugées performantes peut induire l’entreprise
dans une mauvaise direction. Il faut se rappeler que les organisations sont friandes des
restructurations dites «magiques» mises en exergue par les écoles de gestion. La
première règle à observer pour conduire une restructuration avec succès est la suivante :
1. Ne jamais penser qu’une restructuration est simple. Elle implique davantage
les humains que les chiffres.
Le gestionnaire averti a compris qu’il n’y a pas de solutions magiques et que la
préparation est un élément bénéfique de la restructuration. Mais que faut-il préparer?
L’acceptabilité sociale s’avère essentielle dans la conduite d’une restructuration. Si les
employés n’entérinent pas les actions de l’employeur, il s’en suivra des comportements
contre-productifs. La légitimité s’inscrit comme une condition déterminante dans la
réussite d’une restructuration. La préparation en termes de communication et
d’information permettra aux salariés d’être une partie prenante de la solution, même si
celle-ci nécessite des sacrifices. Dans la mesure où les employés comprennent que des
moyens draconiens sont nécessaires pour la survie de l’entreprise, le degré
d’acceptabilité sociale va augmenter et favoriser le succès de la restructuration. Nous
avons vu dans plusieurs cas que la perception de justice est un élément puissant pour
favoriser la restructuration. Bien des entreprises tentent de garder secrète la
restructuration jusqu’au bon moment pour eux. Malheureusement, les effets directs et
indirects seront décuplés et la restructuration n’atteindra pas les objectifs fixés. La
deuxième règle s’inscrit comme suit :
342
2. Ne pas imposer les actions. Il faut que les employés comprennent
l’impérativité de la stratégie à adopter afin d’obtenir un fort taux
d’acceptabilité sociale.
Nous avons vu dans le cadre de plusieurs cas que les outils de sélection constituent un
facteur d’insatisfaction important chez les salariés. Dans la condition où une
restructuration s’avère nécessaire et qu’une réduction des effectifs s’impose, comment
procéder et sous quels critères? Dans le cas d’une entreprise syndiquée, il devient plus
simple de procéder en raison de la détermination des critères à l’intérieur du contrat
collectif, la convention collective. Mais dans le cas d’entreprises non syndiquées, ceux-
ci peuvent retenir les critères qu’elles désirent en autant qu’elles respectent la loi, c’est-
à-dire de ne pas utiliser d’éléments discriminatoires et d’appliquer les mêmes critères à
l’ensemble des employés. Nous avons vu à l’intérieur de certains cas que des entreprises
ont eu à s’ajuster et à réduire l’arbitraire en concevant une grille de sélection des
employés à être licenciés. Cette grille devra être expliquée afin d’augmenter la
compréhension des employés et réduire les comportements réactifs perturbateurs et
dysfonctionnels. La troisième règle s’inscrit comme suit :
3. Les critères de sélection doivent être connus et expliqués afin d’atténuer les
réactions de frustration et faciliter la continuité de la poursuite des objectifs
organisationnels.
L’obtention de l’acceptabilité sociale est une étape significative dans la réussite d’une
restructuration. Nous avons vu que la combinaison avec la gestion des survivants peut
favoriser la réussite de la restructuration. Il est plus simple de travailler avec des
employés ayant donnés leur consentement à l’employeur pour procéder à une
restructuration. Le terreau est donc propice pour maintenir les niveaux de
343
communication et d’information tout en s’assurant de prendre grand soin des employés
survivants. Les mesures prises en place concernant l’organisation du travail, l’avenir de
l’organisation ou les diverses inquiétudes permettront aux employés de mieux accepter
le changement et de maintenir leur niveau d’engagement. Certains employeurs adoptent
la stratégie à cet effet de faire comme si rien ne s’était passé et que la vie continue. Il
n’est guère intéressant d’ignorer volontairement les actions commises par l’entreprise,
spécifiquement si elles ont un sens comme d’augmenter le positionnement de
l’entreprise dans une niche de produits ou d’assurer la pérennité de l’entreprise. La
quatrième règle s’inscrit comme suit :
4. Ne jamais faire comme si rien ne s’était passé. Un traumatisme a été subi et
les employés doivent guérir leurs plaies. Le degré d’ouverture des
gestionnaires est vital pour assurer la transition et maintenir l’engagement.
Une restructuration constitue un point de rupture avec le passé. Les employés qui
évoluaient dans une certaine zone de confort voient leurs habitudes être modifiées. Ces
changements organisationnels sont insécurisants voir déstabilisant pour les employés.
Ces derniers doivent continuer de croire au projet organisationnel. Bien souvent, une
restructuration signifie de multiples pertes d’emplois et une entreprise qui réagit en
fonction de la diminution de leur chiffre d’affaires. Les employés doivent avoir espoir
que l’entreprise est en mesure d’affronter ces défis et de traverser la crise avec succès.
Certaines entreprises ont choisi de diminuer les investissements faits dans les pratiques
de gestion des ressources humaines. En conséquence, il envoie des messages qui
peuvent être mal interprétés par les employés. Des coupures dans des budgets clés
comme le développement des compétences et la prévention des accidents et des
maladies professionnelles peuvent diminuer l’engagement des employés et augmenter le
taux de roulement d’employés que l’entreprise n’a pas les moyens de perdre.
344
L’entreprise doit comprendre que chaque action est un message envoyé et interprété de
la part des employés. La cinquième règle s’inscrit comme suit :
5. Choisissez bien les messages envoyés à vos employés. Certaines pratiques de
GRH sont attribuables à l’ADN d’un salarié. Diminué leurs importances
envoie un message péjoratif, un message d’abandon de la haute direction.
Il serait présomptueux d’émettre des recommandations sur la dimension financière des
entreprises. Toutefois, nous devons faire le constat suivant : plusieurs cas ayant échoué
dans leur restructuration le doivent à la précarité de leur situation financière. Nous avons
constaté que les entreprises qui ont affiché un certain conservatisme ont eu davantage de
succès dans une période trouble de restructuration. Ils ont su résister à cette période plus
efficacement en raison de leur faible niveau d’endettement. L’absence de pression de
divers créanciers réduit la vulnérabilité à commettre des suppressions d’emplois
préjudiciables. Le sixième conseil s’inscrit comme suit :
6. Quoiqu’il ne soit pas toujours évident de la maintenir, comprenez que la
santé financière de l’entreprise favorisera votre entreprise en période de
croissance, mais encore davantage en période d’instabilité ou de
décroissance.
Plus spécifiquement, l’application de conditions individuellement fait prendre
conscience de leurs importances pour obtenir du succès dans une restructuration.
Toutefois la combinaison de conditions permet de renforcir le lien explicatif du succès
d’une restructuration. Les observations effectuées de même que les résultats obtenus
dans l’application du traitement booléen nous permettent de tirer les conclusions
suivantes en termes de valeur prescriptive pour un gestionnaire ou un haut dirigeant
345
désirant réaliser avec succès une restructuration. Ces combinaisons permettront
d’augmenter le degré de cohérence organisationnel et ainsi maintenir des employés
motivés, engagés et se soucient de l’atteinte des objectifs organisationnels. Le tableau 73
résume les six règles de succès d’une restructuration. Au-delà de ces règles, il devient
essentiel de présenter aux gestionnaires et hauts dirigeants des exemples probants de
combinaisons de succès des restructurations. Nous allons émettre trois combinaisons qui
favorisent le succès d’une restructuration.
TABLEAU 73 RÉSUMÉ DES 6 RÈGLES POUR RÉUSSIR SA RESTRUCTURATION 1. L’être humain doit passer avant les chiffres.
2. L’acceptabilité sociale implique une volonté d’être transparent.
3. Les outils de sélection des salariés licenciés doivent être justes et expliqués.
4. Une restructuration est un traumatisme qui nécessite compréhension et ajustement.
5. Les messages perçus sont vitaux. Les pratiques de GRH démontrent l’engagement dans l’avenir de l’entreprise.
6. La santé financière permet de réduire la pression occasionnée par les créanciers.
5.6.4. Recommandations aux gestionnaires et hauts dirigeants
Suite aux résultats obtenus, nous retenons prioritairement trois ensembles de conditions
pour assurer le succès d’une restructuration. Ces conditions ne sont pas une garantie
absolue pour une entreprise de réussir, mais elles augmentent significativement les
chances de réussite. Puisque la grande majorité des entreprises vont minimalement
réfléchir à procéder à une restructuration à un moment de leur existence, les
gestionnaires et hauts dirigeants doivent avoir un éclairage nouveau et prescriptif de ce
qui fera leur succès.
346
La légitimité combinée à la gestion des survivants = Succès de la restructuration
La combinaison de la légitimité et de la gestion des survivants constituent une
combinaison naturelle en vertu de sa capacité à traiter la période avant la restructuration
et la période de post-restructuration. Pour le gestionnaire, la légitimité lui permet de
placer les balises du projet en planifiant et en informant les employés des projets de
l’organisation. Cette transparence affichée sur la situation en plus de communiquer les
critères de sélection visant les employés licenciés permet d’augmenter le degré
d’acceptabilité sociale qui favorisera la réussite. Cette étape de préparation permettra
d’obtenir davantage de respect de la part des employés. Certains gestionnaires craignent
d’informer à l’avance leurs employés en raison de la crainte de comportements négatifs.
Toutefois, ils devraient plutôt se méfier des comportements négatifs et préjudiciables
associés à la non-acceptabilité sociale de la restructuration. Dans cette optique, les effets
ont le potentiel d’être plus longs et complexes sur les résultats de l’entreprise. La
légitimité, pour bénéficier de toute sa valeur, doit être combinée à la gestion des
survivants.
La gestion des survivants permettra à l’entreprise d’assurer un haut niveau de cohérence
en s’assurant de la plus grande compréhension envers ses employés sur des sujets
comme l’organisation du travail, les changements à venir, la situation de l’entreprise, la
crainte d’avoir d’autres suppressions d’emplois, etc. La cohérence vient de la
combinaison entre la légitimité et la gestion des survivants. Le souci accordé aux
salariés dans la période précédant la restructuration et la période suivant la
restructuration permet d’envoyer un message haut et fort du sérieux de l’entreprise et de
l’importance accordée à chaque employé de l’entreprise. Il faut mettre l’emphase sur
cette cohérence tout au long de l’exercice de restructuration pour que chaque salarié
puisse avoir un sentiment de justice procédurale et interactionnelle. Ainsi, l’entreprise
sera en mesure de minimiser les effets dysfonctionnels de ces employés qui pourraient
347
ressentir de la colère, du dégoût, de l’indifférence. Ces effets procurent des résultats
négatifs qui enlisent l’entreprise dans sa performance. Puisque l’entreprise, dans ces cas,
est dans une situation précaire, négliger la combinaison de la légitimité et la gestion des
survivants ne fera qu’accroître les résultats négatifs.
Le maintien des pratiques de gestion des ressources humaines combinée à la
responsabilité sociale = Succès de la restructuration
Cette combinaison semble au premier abord davantage atypique compte tenu des
résultats obtenus dans la collecte de données et dans l’application du traitement booléen.
Toutefois, dans le même esprit que la combinaison retenue précédente, elle peut
maximiser son effet grâce à une cohérence accrue de la combinaison des deux
conditions. La combinaison de la légitimité et de la gestion des survivants nous semblent
plus efficaces, mais une entreprise pourrait se rabattre sur la combinaison du maintien
des pratiques de gestion des ressources humaines et de la responsabilité sociale avec
succès.
Premièrement, la condition du maintien des pratiques de gestion des ressources
humaines favorise un message résolument tourné vers l’avenir. Il permet à tous les
employés de comprendre que l’entreprise a continué d’investir dans ses employés, car
elle croit au projet d’affaires et ses perspectives d’avenir. Dans un contexte où
l’insécurité augmente, il est rassurant de constater les actions de l’entreprise. À titre
d’exemple, une entreprise désirant vendre ses actifs ou fermer n’investira pas dans le
développement des compétences de ses employés. Une telle action serait une perte nette.
Toutefois, si l’on croit dans l’avenir de l’entreprise, les dirigeants vont maintenir ou
augmenter les investissements dans les pratiques de gestion des ressources humaines.
348
Cette condition s’applique dans la période précédant la restructuration, pendant et après
la restructuration.
Deuxièmement, la combinaison avec la responsabilité sociale de l’entreprise prend son
sens et sa cohérence dans l’application et le souci que l’entreprise prendra des employés
qu’elle a sacrifiés. Elle peut démontrer par ses actions tout le respect qu’elle porte à ses
employés et que s’il avait été possible de faire autrement, elle l’aurait fait. Encore une
fois, le souci de la préparation, du présent et de l’après-restructuration permet de
minimiser les effets de la restructuration et de garder des employés engagés et motivés.
La légitimité combinée à la gestion des survivants, du maintien des pratiques de
gestion des ressources humaines et de la santé financière de l’entreprise = Succès de
la restructuration
Il s’agit de la combinaison de conditions la plus complexe. Elle renferme les conditions
de type gestion des ressources humaines les plus prisées en ajoutant la santé financière
de l’entreprise. Les trois premières conditions ont été développées déjà. La condition de
la santé financière permet de sécuriser davantage l’entreprise grâce à la solidité
financière de sa situation. Une entreprise rencontrerait les trois premières conditions
avec succès, il resterait quand même des possibilités d’échouer sa restructuration en
raison de sa précarité financière. Nous avons vu également le cas de l’entreprise Jolie
qui a réussi sa restructuration en ne respectant que la condition de la santé financière.
Nous voyons donc cette dernière comme une police d’assurance aux trois premières
conditions de succès. Cela demande un investissement en temps, énergie et argent
supplémentaire qui peuvent freiner certaines entreprises, mais il s’agit définitivement du
scénario idéal compte tenu de nos observations faites sur le terrain. Cependant, tous
n’ont pas la même situation financière ce qui implique de privilégier un des deux
349
premiers scénarios. Les combinaisons de conditions favorisent le succès des
restructurations. Toutefois, nous nous sommes posé la question : si nous devions choisir
une seule condition de succès, quelle serait-elle ?
5.6.5. Une condition... la gestion des survivants
Nous croyons que si une entreprise était contrainte à n’appliquer qu’une seule condition
pour maximiser ses chances de réussir sa restructuration, ce serait la condition de la
gestion des survivants. Bien que ce ne soit pas l’idéal puisque l’application de
combinaisons de conditions permet de bonifier la gestion de la restructuration, la gestion
des survivants permet de minimiser les dommages. La littérature sur le sujet est
abondante en raison des modifications de comportements et d’attitudes des employés
restants. Ces modifications entraînent des effets qui nuiront à l’entreprise dans le présent
et le futur et sont potentiellement irréversibles.
Bien que les autres conditions aient une importance relative, les observations faites sur
le terrain, les discussions lors de la collecte de données et l’analyse booléenne nous
conduise à privilégier cette condition aux autres. Il faut toutefois comprendre que
l’entreprise ne bénéficie pas de la cohérence des combinaisons de conditions. Il s’agit
d’une solution minimaliste qui permet potentiellement «de sauver les meubles», comme
le veut l’expression québécoise.
350
5.7. Conclusion du chapitre V
L’analyse booléenne et la discussion des résultats ont permis de mettre en évidence des
conditions ainsi que des configurations de combinaison pour expliquer le succès des
restructurations. Divers scénarios ont été soulevés sous différentes phases nous
permettant de mieux nous saisir non seulement de la problématique, mais également des
résultats. Dans une volonté de répondre à un besoin managérial, nous avons défini six
règles à l’attention des dirigeants d’entreprise à prendre en considération de même que
des mises en garde afin d’éviter de tomber dans les pièges que renferment les
restructurations.
351
5.8. Résumé du chapitre V
Le chapitre V a permis de procéder à l’analyse des résultats et à la discussion de ceux-ci.
Nous avons vu grâce à l’analyse booléenne différents scénarios de solutions permettant
d’expliquer les conditions de succès d’une restructuration. Nous avons approché le
traitement booléen en trois phases distinctes. La première phase a permis de traiter les
variables uniquement de type ressources humaines. La deuxième et troisième phase a
fait ressortir des variables de type business. Ainsi, nous avons ajouté la variable santé
financière des entreprises et par la suite la variable niche de produits pour obtenir divers
scénarios de conditions de succès des restructurations. De multiples tableaux ont permis
de mettre en évidence la valeur des différentes solutions. Nous avons obtenu des
solutions avec une variable unique et des solutions avec une combinaison de conditions
de succès des restructurations.
Après avoir analysé les résultats, nous avons procédé à la discussion de ces derniers.
Nous avons repris les variables individuellement et en combinaisons de façon à en
extraire toutes les possibilités et les effets sur les parties prenantes. Nous avons ensuite
spécifié pour obtenir une valeur prescriptive pour les managers vues différentes règles à
suivre pour favoriser le succès d’une restructuration. Nous avons conclu en expliquant
les combinaisons de conditions de succès les plus affinées pour obtenir du succès. Les
restructurations sont un phénomène complexe et les conditions retenues permettront de
faire réfléchir les managers sur le comment avant de s’engager dans une restructuration.
352
Conclusion de la thèse
Cette thèse s’est articulée autour de la question des conditions de succès des
restructurations. Une littérature s’est campée autour de plusieurs aspects tels que les
employés survivants ou la dimension financière associée aux restructurations.
Curieusement, peu de recherches se sont intéressées aux conditions de succès. On retient
toutefois celle de Cameron et d’Applebaum qui se sont démarquées. Toutefois, leurs
résultats, bien que fort pertinents, ne disent pas tout. Nous nous sommes intéressés à ce
phénomène dans la mesure où il s’agit d’un sujet d’actualité qui intéresse à la fois la
communauté scientifique que le monde des affaires. Dans tout le détail des informations
concernant le succès des restructurations, nous avons tenté de jeter un éclairage sur
certaines conditions pouvant, potentiellement, avoir une valeur prescriptive plus élevée.
En sélectionnant un secteur d’activité qui a subi de nombreux contrecoups depuis une
quinzaine d’années, nous en avons été en mesure de recueillir des données significatives.
En privilégiant l’analyse comparative, nous nous sommes permis d’explorer le
phénomène à l’étude en combinant les dimensions qualitatives et quantitatives. La
première dimension s’est matérialisée grâce à cinq études de cas qui ont fait émerger les
variables explicatives du succès d’une restructuration. Les entrevues effectuées avec de
hauts dirigeants de ces entreprises ont contribué à mieux comprendre le contexte du
phénomène et ont mis en évidence les variables de la légitimité, de la responsabilité
sociale, la gestion des survivants et le maintien des pratiques de gestion des ressources
humaines. En plus de ces variables de type gestion des ressources humaines, nous avons
ajouté deux variables de type business, soit la santé financière de l’entreprise et la
variable niche de produits.
353
La deuxième partie du traitement méthodologique a visé la partie quantitative. Grâce aux
informations recueillies des 25 cas, nous avons été en mesure de faire fonctionner le
logiciel afin de faire émerger diverses solutions individuelles ou en combinaison qui
expliquent le succès des restructurations. Nous avons procédé au traitement du logiciel
en trois phases en prenant soin d’insérer une nouvelle variable dans la deuxième et la
troisième phase. Nous avons ainsi ajouté la variable de la santé financière des entreprises
de même que la variable niche de produits.
Les résultats obtenus nous ont permis de comprendre que certaines variables sont à
privilégier tels que la gestion des survivants, la légitimité et le maintien des pratiques de
gestion des ressources humaines. Il s’agit assurément de conditions significatives qui
augmentent considérablement les chances de succès d’une restructuration.
Nous avons identifié deux variables qui n’ont pas de véritable influence sur le succès
d’une restructuration. Les variables de la responsabilité sociale et de la niche de produits
n’ont pas engendré de résultats intéressants. Il est toutefois intéressant de s’intéresser à
la responsabilité sociale, car possiblement que dans d’autres secteurs d’activités ou
d’autres pays, les résultats pourraient varier. Nous pensons notamment qu’en France, les
résultats seraient différents en fonction des traits culturels et légaux.
Une variable est ressortie d’une manière significative. Il s’agit de la santé financière des
entreprises qui a définitivement une influence positive dans le succès d’une
restructuration. Toutefois, dans la mesure où les gestionnaires subissent cette pratique,
nous ne la retenons pas aussi significativement. Au plus, nous pouvons souligner que les
entreprises en santé financière ont davantage de chance de réussir leur restructuration.
Bien entendu, cet énoncé n’a aucune valeur prescriptive puisque les gestionnaires n’ont
souvent aucun contrôle sur le niveau d’endettement de l’entreprise.
354
Au-delà des résultats de combinaisons individuelles, nous avons mis en évidence
plusieurs combinaisons de conditions permettant d’expliquer le succès d’une
restructuration. La combinaison de la légitimité et de la gestion des survivants est celle
que nous avons recommandée aux gestionnaires et hauts dirigeants en raison de sa
pertinence, de sa faisabilité et de sa cohérence.
Cette thèse a permis d’augmenter la compréhension d’un phénomène qui est à la fois
contemporain aux problèmes de gestion des entreprises et un sujet recherché pour les
chercheurs universitaires. En développant sur les conditions de succès des
restructurations dans le milieu des fabricants de meubles dans un territoire spécifique
qu’est le Québec, cela nous permet d’affiner la recherche et ouvre la porte à d’autres
études complémentaires. Puisque le champ d’intervention est très spécifique, empreint
d’une certaine subjectivité, il serait intéressant de voir d’autres recherches similaires
dans d’autres secteurs d’activité qui sont, pour de multiples raisons, ignorées.
Spécifiquement, il serait pertinent de voir une étude comparative entre les conditions de
succès d’une restructuration entre un pays comme la France et le Canada. La dimension
culturelle et légale pourrait apporter des variations appréciables qui permettraient de
préciser les conditions prescriptives d’une restructuration. En conclusion, compte tenu
de la complexification due au phénomène de mondialisation, les conditions de succès
d’une restructuration sont appelées à se modifier. La dimension culturelle et légale
devrait-elle être incluse dans les conditions de succès? De plus, il serait intéressant de
comparer un échantillon d’entreprises syndiquées versus non-syndiquées afin d’évaluer
si les résultats diffèrent. Il appartiendra à d’autres chercheurs de s’intéresser à ces
questions et d’obtenir un éclairage nouveau, comme nous l’avons fait dans cette thèse,
afin de repousser constamment les limites de la connaissance.
À la lecture de cette thèse, une question s’adresse à tous les hauts dirigeants désirant
procéder à une restructuration. Cette question, quelle est la valeur d’un salarié? Nous
355
laissons libre cours au lecteur d’y répondre en comprenant toutefois que la réponse
constitue une sérieuse mise en garde sur les effets d’une restructuration.
356
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