Les cahiers de - Prospective Jeunesse

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PROSPECTIVE JeunessE Bureau de dépôt - 1050 BRUXELLES 5 Cahiers - Volume 8 - n° 1 - 1er trimestre 03 Cahier numéro 26 Dossier : ”Monde du travail et psychotropes” Entre tabous et paradoxes Au travail... quand on reprend (volontiers ?) une petite pression ! Drogues et entreprises... des questions qui travaillent... Monde du travail : entre chantier et santé Alcoolique ou “workoholic”: mais (le)quel est le problème ? Le travail c’est la santé ? Les cahiers de

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PROSPECTIVE

JeunessEBureau de dépôt - 1050 BRUXELLES 5

Cahiers - Volume 8 - n° 1 - 1er trimestre 03

Cahier numéro 26

Dossier :”Monde du travail et

psychotropes”

Entre tabous et paradoxes

Au travail... quand on reprend(volontiers ?) une petite pression !

Drogues et entreprises... des questionsqui travaillent...

Monde du travail : entre chantier etsanté

Alcoolique ou “workoholic”: mais(le)quel est le problème ?

Le travail c’est la santé ?

Les cahiers de

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Rédacteur en Chef

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Relecture et corrections

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Editeur Responsable

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Henri Patrick CEUSTERS

Claire HAESAERTS

Danielle DOMBRET

Henri Patrick CEUSTERSClaire HAESAERTSMartine DALEmmanuelle CASPERSBernard DE VOSAlain MICHELET

Philippe BASTIN, Directeur d'InforDrogues, Bruxelles.

Line BEAUCHESNE, Professeureagrégée, Département deCriminologie, Universitéd’Ottawa, Canada.

Jean-Marc BOUTTEFEUX,Médecin généraliste, médecinscolaire et membre du R.A.T.

Alain CHERBONNIER,Philologue, Licencié enEducation pour la Santé,Question Santé asbl.

Manu GON ALVES, Assistantsocial, Coordinateur du Centrede Guidance d’Ixelles.

Vincent GU RIN, Responsable dela collection Education pour laSanté de la Médiathèque de laCommunauté Française deBelgique.

Pascale JAMOULLE, Chargée deRecherche de la CelluleToxicomanies du CPAS deCharleroi.

Roger LONFILS, DirecteurPromotion Santé, Ministère dela Communauté Française.

Renaud QUOIDBACH,Responsable de Projets, ModusVivendi.

Micheline ROELANDT, Psychiatre,Bruxelles.

Gustave STOOP, AdministrateurSOS Jeunes - ProspectiveJeunesse.

Jacques VAN RUSSELT,Coordinateur Alfa, Liège,Président de la Feditowallonne.

Etienne SCHREDER

Jacques VAN RUSSELT

Henri Patrick CEUSTERS etClaire HAESAERTS

Nuance 4, Naninne

Raymond VERITER

Ç

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N° ISSN : 1370-6306

Les articles publiés reflètent les opinions de leur(s) auteur(s) mais pasnécessairement celles des responsables des "Cahiers de ProspectiveJeunesse".Ces articles peuvent être reproduits moyennant la citation des sources etl'envoi d'un exemplaire à la rédaction.Ni Prospective Jeunesse asbl, ni aucune personne agissant au nom de celle-cin'est responsable de l'usage qui pourrait être fait des informations reprisesdans cette publication.

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Avec le soutien de la Communauté française de Belgique et de laCommission communautaire française de la région de Bruxelles-Capitale.

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epuis maintenant 25 ans, Prospective Jeunesse aborde la consommation des

psychotropes avec les adultes (éducateurs, parents, enseignants, chefsd'établissement,…) qui ont des responsabilités auprès des jeunes. L'école, la maison dequartier, les diverses institutions et organismes des secteurs de l'Education et de laJeunesse constituent par conséquent les "lieux de vie" prioritaires des jeunes encadréspar les relais auxquels nous proposons sensibilisation, formation et accompagnement. Sinous envisageons ces différents contextes institutionnels comme des "lieux de vie" desjeunes, il va de soi qu'ils constituent également des "lieux de travail" dans lesquelsévoluent les relais professionnels que nous rencontrons. D'autre part, dernièrement,nous avons répondu à plusieurs demandes de sensibilisation et de formation émanant dessyndicats et du secteur de l'insertion professionnelle. Le "monde du travail" comme on lenomme est donc également un espace dans lequel il nous semble cohérent de porter uneréflexion sur les consommations (au sens large), mais aussi d'envisager des démarchesde prévention en phase avec le discours et les méthodes de la promotion de la santé.

n réalisant le dossier précisément intitulé "Psychotropes et monde du travail", une

série de constats nous sont apparus qui rejoignent ceux qui émaillent nos interventionsauprès des professionnels travaillant avec les jeunes, nous pouvons en pointer deuxparticulièrement marquants :

1. La consommation de psychotropes constitue encore bien souvent une, à quelques nuances près, relatives entre autres au caractère "illicite" ou pas des

produits consommés. D'une manière générale cette consommation va entraîner desréactions très différentes dans le chef de l'institution, allant de l'évitement("conspiration du silence") à l'exclusion ("tolérance zéro").

2. A l'instar des démarches menées dans les secteurs de l'Education et de laJeunesse, la prévention opérée sur le lieu de travail est porteuse de

. On peut y lire en toile de fond des conceptions différentes du conceptde santé (absence de maladie ou bien-être global, état ou processus en constanteévolution,…) et, en conséquence, des approches différentes (parfois complémentaires)de la prévention (visant à "préserver" ou à "promouvoir" la santé, ou les deux…), qui sous-entendent également des regards antagonistes sur le consommateur (de "malade" à"personne responsable", en passant par "victime").

Autre transversale à toute réflexion sur les consommations (et la santé), où qu'elle sedéveloppe, la se pose dans le monde du travaild'autant plus intensément que s'y exercent la pression économique et les impératifs derendement et de production. A ce sujet, l'article de Thomas Périlleux développe demanière tout à fait éclairante les tenants et les aboutissants d'une véritable "idéologiegestionnaire" portant aux nues la réalisation de soi, la responsabilisation, la prise de

question

taboue

paradoxes et de

contradictions

question de l'idéologie et des valeurs

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risques (mesurés), le travail en équipe (et les compétences relationnelles etcommunicationnelles que cela sous-entend),… Avec la démultiplication des"sollicitations subjectives" que cela entraîne et leurs conséquences sur la santéphysique, mentale, sociale, … de plus en plus récurrentes ("burn out", harcèlements,dépression,…).

n tant qu'acteurs de prévention et de promotion de la santé, de telles réflexions ne

peuvent manquer de nous interpeller et appellent sans conteste d'autres interrogationstelles que :

- Dans le partenariat qui s'établit avec une Institution (Ecole, Mouvement dejeunesse, Entreprise, Minsitère…), comment gérons-nous - en tenant compte d'uncertain pragmatisme et des objectifs propres de l'institution - la question des valeurs ?Existe-t-il une sorte de base éthique "minimum" sur laquelle nous refusons de transigeret sans laquelle nous estimons la démarche de prévention irréalisable, voire contre-productive ?

- Pour qui et "pour quoi" travaillons-nous ? Pour le bien-être du travailleur (desjeunes) essentiellement ou pour garantir son efficacité (leur insertion) au sein del'Institution (la Société), ou pour les deux (parce que les deux se nourrissent l'unel'autre) ?

- Dans quelle mesure quand - conformes aux fondements de la promotion de lasanté - nous mettons l'accent sur l'estime de soi, les compétences sociales, le travail enéquipe et la méthodologie du projet, la réduction des risques… ne cédons-nous pas àcette "idéologie gestionnaire" dominante qui instrumentalise l'individu ? Quelles balisesposons-nous pour garantir la liberté et le choix individuels tout en leur dessinant un"cadre" acceptable ?

es questions de cette ampleur méritent certainement que l'on s'y attarde, en faisant

tomber les frontières des secteurs et des disciplines. En attendant, il est quelquesrepères présents dans la plupart des interventions composant le dossier "Psychotropeset monde du travail" que l'on peut pointer comme autant de "garanties" pour uneprévention sinon de qualité, à tout le moins non aggravante. Ces repères renvoient tant àla base conceptuelle qu'aux stratégies de l'intervention et sont, entre autres :

- La nécessité de mettre en œuvre une démarche de prévention et de promotion dela santé en plusieurs étapes dont l'une primordiale et véritablement préalable

: quelles sont les attentes de l'institution ?Quel est le "problème" et pour qui est-ce un problème ? Quelle est l'histoire de

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est

l'analyse de la demande et de la situation

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l'institution dans le domaine de la prévention et de la prévention des assuétudes enparticulier ? Qu'entend-on par santé, drogues, prévention ?

- L'importance de comprendre intervenant dans laconsommation, l'adoption des comportements (à risques ou non) et de tenir compte decette complexité dans l'intervention (facteurs liés à la personne, aux contextesinstitutionnel/professionnel/social, aux produits)

- La nécessité de développer destels que : la sensibilisation (des instances décisionnelles par exemple),

la formation, l'accompagnement (collectif ou individuel). De même, la nécessité d'agir àplusieurs niveaux :- L'intérêt de faire appel aux compétences pluridisciplinaires (médecin,psychologue, assistant social, logisticien,…) et de mettre en place des espaces deconcertation (groupe de travail, groupe de pilotage)

- L'obligation de (co-)construire un éthique, conceptuel et méthodologiqueclair, entendu et accepté par tous les partenaires et les acteurs (code, charte)

n conclusion et avant de vous souhaiter une bonne lecture, rappelons une fois encore,

notre volonté, à travers les Cahiers, de proposer un espace de rencontre entrechercheurs et acteurs de prévention. Et, de même, notre souci de contribuer àdécloisonner secteurs et disciplines pour coïncider au mieux à la complexité en œuvredans la problématique des consommations et, plus largement encore, dans le concept desanté. Enfin, un dossier sur le monde du travail ébauche des réflexions fondamentalesqui, nous l'espérons, résonneront en vous, pour sans doute en appeler d'autres que nousne manquerons pas de relayer…

Emmanuelle CASPERS

l'ensemble des facteurs

processus d'intervention multiples et

complémentaires

en amont des consommations et en aval de celles-ci

cadre

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DOSSIER : MONDE DU TRAVAIL ET PSYCHOTROPES

Il est difficile de dresser un tableaud'ensemble, cohérent et synthétique,des transformations qui touchent lesorganisations du travail, tant lessituations concrètes de travail sonthétérogènes et fragmentées selon lessecteurs et les niveaux hiérarchiques.On pourrait dire à bon droit que la seuletendance d'ensemble est celle del'hétérogénéité. Le taylorismes'intensifie dans certains secteurs,comme le textile ou le bâtiment, et ils'implante dans d'autres, comme lesecteur bancaire, alors que la flexibilitése met en place dans les industries de

(cimenterie, pétrochimie,sidérurgie…). Le capitalisme seredéploie autour d'une économietertiarisée et flexible, mais l'ancienm o n d e i n d u s t r i e l , f o r t e m e n thiérarchisé, coexiste avec lesentreprises Pour bon nombrede salariés, la fragmentation desstatuts rend difficiles les affiliationscollectives, au-delà du constat deconditions dissemblables, voireincomparables.

Sans minimiser une telle hétérogénéité,il est tout de même possible de dégagerdeux traits transversaux : l'émergence

process

high tech.

de "nouvelles pénibilités" du travail ; lasollicitation croissante des dispositionssubjectives des salariés au cœur mêmede leur activité professionnelle. Jepense que ces deux traits, articulés l'unà l ' au t re , ne sont pas sanscorrespondance avec la consommationde drogues et psychotropes sur les lieuxde travail.

Les "nouvelles pénibilités" du travail -s t ress , burn -out , épu i sementémotionnel, harcèlement, etc.- sont àrapporter aux changements dansl'organisation et la nature même destâches : alourdissement de ce que lesergonomes appellent la "chargementale" à de nombreux postes detravail; importance croissante desdimensions relationnel les dansl'activité professionnelle, même pourles salariés qui ne sont pas engagés dansla production de services

Les nouvelles pénibilités doivent aussiêtre rapportées à une sensibilité accrueaux thématiques subjectives sur le lieumême du travail. Ce qui m'amène au traitprincipal que je vais développer dans cetexte : la transformation de lasubjectivité de chaque salarié en objet

stricto sensu.

SOLLICITATIONS SUBJECTIVES ETSOUFFRANCE AU TRAVAIL

Thomas PÉRILLEUX 1

1. Sociologue, professeur àl'Université catholique deLouvain. Auteur de “Lestensions de la flexibilité.L ' é p r e u v e d u t r a v a i lcontemporain”, Paris, Descléede Brouwer, 2001.

2. Ce texte est une versionremaniée et condensée d'unarticle à paraître dans larevue “Déviance et société”.

Dans ce texte, je propose une interprétation de quelques changements à l'oeuvredans le monde du travail et des organisations. C'est sur l'accroissement dessollicitations subjectives adressées aux salariés que j'insiste en décrivant leursjustifications du point de vue gestionnaire et leurs effets dans l'activité concrètede travail.En conclusion, je soulève quelques questions prospectives sur les liens de cesnouvelles contraintes de travail à la consommation de drogues et psychotropes.2

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de préoccupation et d'exploitation auxfins de la rentabilité de l'entreprise.Cette tendance est sans doute typiquedes entreprises capitalistes ; maisl'idéologie qui la justifie se diffuse danstous les secteurs d'activité, marchandscomme non-marchands, et ses effets sepropagent dans un nombre croissant desecteurs de l'existence.

A l'arrière-plan de ces changements, setrouve toute une idéologie gestionnaireque l'on trouve cristallisée dans lesmanuels de management. Elle invite sesdestinataires, cadres et employés, à se

en participant à l'entreprisecapitaliste.

Comme l'indiquent L. Boltanski etE. Chiapello dans leur analyse du Nouvelesprit du capitalisme , l'idéologiegestionnaire justifie l'entreprisecapitaliste, contre les critiques qu'ellene cesse également d'inspirer, enfournissant aux salariés des promessesde différents types : des promesses delibération dans une activité excitante,enthousiasmante; des promesses desécurité, pour soi et ses enfants; despromesses de justice, même pour ceuxqui ne seront pas les premiersbénéficiaires des profits.

Or les termes de ces promesses ontprofondément changé depuis unetrentaine d'années, comme le montrentclairement L. Boltanski et E. Chiapello.Là où le discours de management desannées 60 mettait l'accent sur laplanification et la méritocratie, celuides années 90 met en avant lesi m p é r a t i f s d e f l e x i b i l i t é e td'autonomie. Dans les années 60, ladimension excitante, surtout pour lesjeunes cadres, résidait dans lesopportunités d'accès à la consommationet aux positions de pouvoir dans lesgrandes entreprises; la dimension

L'arrière-plan idéologique

mobiliser

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sécuritaire était assurée par laplanification des carrières et la mise enplace de dispositifs de justice sociale.Trente ans plus tard, ce sont de toutautres mobiles d'actions qui sontfournis par la nouvelle idéologie dumanagement.

Au cœur de ces nouveaux motifsd ' e n g a g e m e n t s e t r o u v el'extraordinaire promesse d'dans une activité "créatrice" quis'organise désormais "par projets". Ilfaut bien voir que la promessed'autonomie ne signifie pas seulement lerecul de l'ancien carcan bureaucratiqueet hiérarchique : elle signifie aussi unechance, ouverte à chacun, des'accomplir personnellement, unechance de réaliser au sein même de sonactivité les potentialités créatrices quel'on recèle sans même toujours lessoupçonner.

L'entreprise doit "compter sur lacapacité d'initiative de chacun dessalariés qu'elle emploie", écritH. Landier, un des porte-parole de lanouvelle idéologie gestionnaire. Et "enappeler à l'initiative, c'est en appeler àl'autonomie et à la liberté". Ce qui estdénoncé le plus fortement, c'est laplanification bureaucratique, et lesauteurs en management n'ont pas demots trop durs pour condamner leslourdeurs, les rigidités, le formalismeparalysant de ces grandes organisationsde l'après-guerre peu "réactives" auxfluctuations du marché. Or compter surla "capacité d'initiative" des salariés,c'est en même temps solliciter leurssavoir-faire pratiques, l'intelligence deleur expér ience , leur facu ltéd'apprentissage, leur désir de dépasserles consignes prescrites pour fairepreuve de créativité, tout cela dans untravail en équipe où les interactionsdevra i en t deven i r denses etfonctionnelles.

De nombreux auteurs ont souligné le

autonomie

3. Paris, Gallimard, NRF essais,1999.

DOSSIER : MONDE DU TRAVAIL ET PSYCHOTROPES

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poids que ces sollicitations risquent defaire peser sur les épaules de chaquesalarié, non seulement en ce quiconcerne la charge de travail maiségalement en termes de

Le sociologue anglais N. Rose en a donnéune interprétation très forte. PourRose, la manière dont nous nousrapportons à nous-mêmes, dont nousagissons sur nous-mêmes et les autres,n'est pas une affaire privée. Elle doitêtre mise en perspective avec lespratiques (politiques) de gouvernementdes conduites, dans le cadre de ce qu'ilappelle nos sociétés libérales avancées.Selon lui, c'est la figure d'un "sujetentrepreneur" qui se profile à l'horizonnéolibéral, un sujet à la fois

Et, insiste Rose, l'autonomiede ce sujet entrepreneur n'est pasl'antithèse du pouvoir politique, c'est aucontraire "sa cible et son instrument".Trop souvent, nous pensons que lepouvoir domine et réprime lasubjectivité; il faut voir au contraireque la subjectivité est devenue la ciblede certaines stratégies et procéduresde régulation : elle est "intensivementgouvernée".

Le "sujet entrepreneur" aspire àl'autonomie et à la réalisationpersonnelle. Il interprète sa réalité etsa destinée comme relevant de saresponsabilité propre. Il est capable deprendre des risques pour mener à bienson "projet d'identité", mais ce sont desrisques calculés, qui ne pèseront pas surdes mécanismes de solidarité sociale.Actif et individualiste plutôt que passifet dépendant, il se prend lui-mêmecomme l'objet d'une entreprise àdévelopper, faire croître et fructifier -en d'autres termes, il devient unentrepreneur de lui-même. Il vit, écritRose, comme s'il se constituait lui-même en , et cela non en dutravail salarié mais à lui. Sonénergie psychique et ses dispositions

charges de

réalisation de soi.

responsable

et prudent.

projet dépit

grâce

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subjectives représentent du même coupdes ressources précieuses pour la bonnemarche de l'entreprise.

Avec l'émergence de cette figure desujet entrepreneur et autonome, onconstate un étonnant renversement desens, ce que ne soul igne passuffisamment Rose. Alors quel'autonomie avait représenté un pointd'appui essentiel pour la mise en caused'organisations du travail, comme letaylorisme et la bureaucratie, quiportaient atteinte à la créativité destravailleurs, elle devient un impératifparadoxal et une base doctrinale dumanagement. C'est désormais au cœurmême de l'entreprise capitaliste, quemiroite une offre de développementpersonnel, et cela non plus seulementpour les hauts cadres et dirigeants,mais pour toutes les catégories depersonnels. Un tel renversementidéologique laisse provisoirement sansvoix la critique sociale.

Je voudrais ajouter un dernier élémentà ce tableau. Dans le monde du travailcomme dans d'autres sphères del'existence, le thème de l'autonomie estsans doute lui-même subordonné à cequ'on pourrait appeler l'intensificationde l'expérience. Ce qui sollicitel ' e n g a g e m e n t s u b j e c t i f d e stravailleurs, c'est la perspective d'uneactivité de travail excitante, qui seprésente comme une succession deprojets à développer, de défis à relever,d'opportunités à saisir. C'est un modèlede management "incitatif" où les mots-clés sont ceux d'initiative, deresponsabilité et de mobilisationpermanente de soi.

Le vocabulaire de "l'enrichissement destâches", qui avait servi à critiquer letaylorisme, est largement passé demode, mais le principe s'est approfondi :l 'act iv ité do it être r iche ensollicitations et produire une mise soustension permanente, la tension étant

4. N. Rose situe ses travauxdans la lignée de ceux deM. Foucault. Voir e. a. N. Rose,“Governing the soul. Theshaping of the private self”,London, Routledge, 1990;“Governing the enterprisingself” in P. Heelas, P. Morris(eds.), “The values of theenterprise culture. The moraldebate”, London, Routledge,1992; “Authority and theGenealogue of Subjectivity” inP. Heelas, S. Lasch, P. Morris(eds.), “Detraditionalization”,Cambridge, Blackwell, 1996.

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entendue comme synonyme d'intensitéet de plaisir. La stabilité n'est plusidéologiquement valorisée, mais bienl'expérience du dépaysement et de lamobilité. Les ancrages existentielsdurables, comme les statuts, sont mis encause notamment parce qu'ils nepermettent pas de s'exposer à denouveaux défis. Et la vie tout entièreest conçue comme une alternance deprojets d'autant plus attractifs qu'ilssont l'occasion de s'éprouver dans desexpériences nouvelles, intenses,intensifiées.

On le voit bien, l'idéologie gestionnairea partie liée avec la sollicitation de lasubject i v i té des trava i l l eurs .L'idéologie est un support de lasubjectivation : elle fournit depuissants motifs pour s'impliquer dansl'entreprise et, pour s'y donner sanscompter, corps et âme, dans laperspective d'une activité riche enopportunités. Dans sa dimensionprescriptive, l'idéologie indique aussiles nouvelles dispositions subjectives àmobiliser dans le travail : l'initiativeface à l'imprévu, l'intégration dans deséquipes flexibles, le souci du bonfonctionnement de la production,l'aptitude à une communicationfonctionnelle, la capacité de prendredes risques de façon prudente, etc.

Disons immédiatement que les valeurset les affects des sujets sontde quelque façon sollicités pour laréalisation de la production : être autravail, c'est éprouver affectivementles situations où on se trouve engagé, etc'est s'éprouver soi-même face auxcontraintes du métier . Par contre, cequi est nouveau dans le travail flexible,c'est l'intensité de cette sollicitation,et c'est la mise à contribution dequalités personnelles qui trouvaient leur

La subjectivité sollicitée dans

l'activité

toujours

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centre de gravité en-dehors de lasphère de la production. Des qualités decommunication ou de présencepsychologique, par exemple, deviennentd e s i n s t r u m e n t s d e t r a v a i lindispensables à la bonne exécution destâches, a lors qu'el les étaientp é r i p h é r i q u e s a u x y e u x d e sgestionnaires dans le système taylorien.

Comment cette sollicitation se traduit-elle dans les faits ? La valorisation d'unmodèle de sujet entrepreneur, mobileet dynamique, ne suffit pas. Pour quel ' i déo l og i e a i t pr i se sur l escomportements et pour qu'elle susciteune réelle mobilisation, il faut qu'elles'incarne dans les dispositifs concretsde contrôle et d'évaluation du travail.

Ce que montrent certaines enquêtes deterrain, de ce point de vue, c'est que lescritères d'évaluation sont devenus plusflous, alors que se répandait un exerciceimplicite et diffus du contrôle. Enconséquence, on peut constater unemontée en force de la "prescriptionsubjective".

D'une part, les critères de jugementdes performances se sont déplacés. Làoù l'évaluation concernait des objectifsuniformes et standardisés (un nombrede pièces à produire, un nombre dedossiers à traiter, un volume de ventesà atteindre, etc.), elle engage de plus enp l u s s o u v e n t d e s c r i t è r e smultidimensionnels, comme la qualité etl e c o û t , q u i s o n t p a r f o i scontradictoires, ce qui oblige chaquetravailleur à des arbitrages délicats.L'évaluation porte moins sur desstandards formels de production etdavantage sur des qualités morales oudes attitudes d'engagement. Lescr itères antér ieurs donna ientcontenance à l'activité : "faire sajournée”, c'était atteindre les quotasprescrits. Les nouvelles normes neprésentent plus ce tranchant et avec lecumul de contraintes industrielles et

5. Cf. à ce propos C. Dejours,“Souffrance en France. Labanalisation de l'injusticesociale”, Paris, Seuil, 1998, p.30; Y. Clot, “Le travail sansl'homme ? Pour une psychologiedes milieux de travail et devie”, Paris, La découverte,1998, p. 8. Il serait doncréducteur de penser que dessystèmes de travail comme letaylorisme n'auraient produitleurs atteintes que sur lescorps, sans requérir destrava i l leurs la mo indreimplication subjective.

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marchandes, elles peuvent susciterchez les travailleurs l'inquiétude den'en avoir "jamais fait assez".

D'autre part, les modes de contrôlediffus et implicites se répandent.Apparemment, le contrôle direct serenforce dans de nombreusesentreprises, en s'appuyant sur lesmoyens informatiques de suivi de laproduction. Le codage informatiquestandardise de plus en plus lesprocédures de travail et donne lesentiment d'une visibilité parfaite surl'ensemble du processus de production.Mais en fait, les moyens techniques decontrôle ne relèvent pas de la seulesurveillance verticale et explicite :c'est surtout de manière horizontale etindirecte que le contrôle s'exerce àtravers les canaux des nouvellestechnologies de l'information. Uneforte incertitude est maintenue quantaux moments effectifs de contrôle etquant à la nature des sanctionséventuelles. Le contrôle ne nécessiteplus la présence physique d'unresponsable dans l'atelier ou lesbureaux, il s'applique à distance sansque les travailleurs sachent aveccertitude quand ils sont effectivementplacés "sous contrôle". Ce qui estrecherché par l'encadrement n'étantpas la visibilité en soi mais la possibilitéde visibilité, avec ses effets réels demenace et de dissuasion.

En conséquence de ces différentsdéplacements, la "prescriptionsubjective" s'intensifie.

"La contrainte qui s'étend, c'est celled'avoir à faire ses preuves enpermanence", écrivait un collectif dechercheurs à l'occasion d'une très bellerecherche menée dans une entreprised e c o n s t r u c t i o n a u t o m o b i l e ."L'indétermination opératoire, le floudans les attributions, l'opacitérenvoient le sujet à lui-même pouratteindre des résultats qui, non

seulement, demeurent prescrits maisde plus s'élargissent au système toutentier. Or se fixer des objectifs, fairedes choix, anticiper et réagir oppose lesujet à lui-même; et ce, bien davantageque d'exécuter ou de remplir une tâchevisible et prescrite" .

Les gestionnaires de ce typed'entreprise partagent le "soucilancinant d'intensifier le rapportsubjectif au travail", ce qui "tend àsacraliser l'activité professionnelle".Ils visent une responsabilisationindividuelle qui est un processus illimité.Car la responsabilisation correspond àune manière d'être dont les contourssont flous : le processus n'est jamaisachevé, ce qui risque d'accentuerl' inquiétude de ne s'être pass u f f i s a m m e n t c o m p o r t é e nresponsable .

La subjectivité devient une ressourcedes plus précieuses dans les nouvellesorganisations du travail. Toute une sériede qualités personnelles, qui nerentraient pas dans le processus detravail, sont désormais requises pour labonne exécution des tâches, tout celas o u s l e m o d è l e d ' u n " s u j e te n t r e p r e n e u r " a u t o n o m e e tresponsable. Bien sûr, la prescriptionsubjective ne s'applique pas avec lamême force dans toutes les situationsprofessionnelles, mais elle acquiert uneimportance stratégique dans lesentreprises flexibles et en réseau, enraison des changements dans la naturedu travail et de ses principesd'évaluation.

Quel est le lien entre cet univers detravail typique, et les usages de drogueset psychotropes ? Il faut éviter les

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En guise de conclusion:

subjectivation du travail et

consommation de psychotropes

6. Y. Clot, J.Y. Rochex,Y. Schwartz, “Les caprices duf l u x . L e s m u t a t i o n stechnologiques du point de vuede ceux qui les vivent”, Paris,Matrice, 1990 : 124, 145.

7. F. Digneffe, M. Nachi,T. Perilleux, “En guise deconclusion. Des contrôles sansfin(s), ou le passage de lavérification à l'autocontrôlepermanent”, in Recherchessociologiques, 2002, vol. 33,n°1, pp. 109-126.

DOSSIER : MONDE DU TRAVAIL ET PSYCHOTROPES

Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 26 - Mars 20038

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relations de causalité mécaniques etdifférencier les usages en fonction destypes d'organisation, des catégoriesd'usagers, et des mécanismes derégulation de la consommationsocialement mis en place. Je voudraiscependant proposer deux hypothèsesprospectives en guise de conclusion.

Il est probable que les substancespsychotropes qu'A. Ehrenberg aqualifiées de drogues d'intégration oud'insertion puissent devenir un supportà la subjectivation du travail, commesubstances "dopantes" permettantd'aller jusqu'au bout de soi-même, dansla compétition, tout en maintenant sonintégration sociale et relationnelle.Elles seraient particulièrementajustées aux cycles d'implication et deretrait caractéristiques des carrièresorganisées par projets, ainsi qu'à larecherche d'une intensification del'expérience qui est idéologiquementvalorisée dans les nouveaux systèmesproductifs.

Sur l'autre versant, celui des échecs et

des disqualifications dans le travail, cessubstances tendraient à devenir desinstruments de gestion de souffrancesindividuelles. Ce serait surtout le caslorsque celles-ci n'ont pas pu êtremanifestées dans un espace public nidevenir l'objet de critiques sociales, setrouvant confinées à des espacesréservés, comme les services sociaux del'entreprise ou les services deconsultation médico-sociale, sans quesoient collectivement mises en cause lesconditions d'organisation de laproduction.

L'existence de entreles nouvelles conditions de travail et laconsommation de psychotropes oustupéfiants, est donc probable en raisondes impératifs d'engagement de soidans une activité, segmentée etmodulaire, qui exige de plus en plusd'énergie et de sacrifices, jusqu'à fairevaciller les conditions d'une sécuritéexistentielle de base, laissant l'individudémuni en cas de défaillance ou d'échec.

correspondances

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DOSSIER : MONDE DU TRAVAIL ET PSYCHOTROPES

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La Fondation Travail et Santé n'est passpécialisée dans les problèmes detoxicomanie au travail.Créée en 1979, son objet social est laréadaptation professionnelle detravailleurs souffrant de problèmes desanté au sens large, physique oumentale, victimes d'accident de travailou d'accidents privés, ou enfin d'unhandicap, acquis ou congénital.Elle propose aux travailleurs uneguidance, une orientation thérapeutiqueet une intervention sur le lieu de travailen collaboration avec les intervenants :le médecin du travail, le service dupersonnel, la délégation syndicale.

Cette approche généraliste peut êtreintéressante : nous pouvons donner uneidée de l'importance des demandesd'aide ou d'intervention en entrepriseliées aux problèmes de toxicomanie parr a p p o r t à l ' e n s e m b l e d e sproblématiques que la Fondation Travailet Santé rencontre. Nous pouvons lacommenter, sans nous prévaloir pourautant d'une quelconque parolestatistique.

D'emblée, nous pouvons dire que ce typede demande a toujours été faible à laFondation Travail et Santé, alors que lesconsultants, travailleurs avec ou sansemploi, présentant des problèmesd'alcool, ont toujours été nombreux.

A l'époque, nous avions quelquesexplications : la personne avec unproblème de toxicomanie, présent ourécent, était Pressée detrouver un emploi, emploi qui aurait uneffet thérapeutique et payeur dedettes et/ou de réparations auxv i c t i m e s , e m p l o i a u x e f f e t sémancipateurs vis-vis de la famille et du"milieu". Le "tout, tout de suite" n'allaitpas bien avec le travail de guidance, deréadaptation proposé par la FondationTravail et Santé. Nous étions trop lents.Nous soutenions que travailler tout encontinuant à consommer n'était pasindiqué et que, comme pour l'alcool, letraitement thérapeutique et laréadaptation devaient précéder toutereprise de travail.

Nous considérions également que la

pressée.

PAS DE ÇA CHEZ NOUS !

Véronique GHESQUIÈRE 1

Mots-clés

- drogues- entreprise- travail- médecin du travail- syndicat- alcool- réadaptation

1. Directrice de la FondationTravail et Santé.

La Belgique n'est sans doute pas à l'avant-garde dans la prise en compte desproblèmes de toxicomanie dans le monde du travail. A entendre les entreprises, iln'y a ni drogue ni travailleurs toxicomanes et ceux que l'on repère sont licenciés,sans autre forme de procès.Même si la gestion des problèmes d'alcool est plus fréquente, peu de programmesde prévention et de traitement sont proposés en entreprise. Certaines conditionsde travail peuvent faciliter ou amener à une consommation d'alcool, de droguesillicites ou de psychotropes.La réadaptation sociale et professionnelle des personnes, usagers de drogues, estgénéralement insuffisante, peu organisée, peu ou pas relayée lors de l'insertion enentreprise.

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méthadone était une consommation dedrogue, même si elle était substitutive.Bien que moins convaincus du bien-fondéde la position sur la méthadone, nousrestons persuadés de la nécessitéd'une réadaptation suffisammentlongue avant l'insertion.

Le toxicomane est toujours pressé maisil semble avoir appris une certainep a t i e n c e d a n s s e s r é s e a u xthérapeutiques... D'autant plus que si lajustice s'en mêle, le temps sembles'étirer à l'infini. Quelquefois, d'unefaçon absurde et enrageante, lapunition, le retour en prison, survient...en plein processus de réadaptation,enfin accepté et mené (presque) à bonport.Celui-ci a aussi appris, parfoismaladroitement, à s'inscrire dans desdémarches de réinsertion, deformation, donc de réhabilitation, pourse mettre en ordre. Mais la plupart dutemps, cela ne tient pas le coup : uneoccupation ne suffit pas à laréadaptation.

Ceci n'explique pas tout, à savoir :pourquoi la toxicomanie n'est-elle pasarrivée de manière plus envahissante àla Fondation, comme par exemple lesproblèmes de harcèlement moral autravail depuis deux ou trois ans, lesproblèmes d'alcool depuis toujours, lesproblèmes de dos, des décompensationsdépressives ou paranoïaques sur le lieude travail, etc.

Si l'on demande aux entreprises si ellesrencontrent ou ont rencontré desproblèmes de harcèlement, la réponsesera presque toujours positive. Si vousles interrogez sur la présence deproblèmes de toxicomanie, elle seramajoritairement négative, tout de suitesuivie par "mais nous avons desproblèmes avec l'alcool".

C'est donc bien le discours tenu. Lespersonnes avec qui nous avons des

contacts réguliers et habituels enentreprises sont les déléguéssyndicaux, les médecins du travail et,dans une moindre mesure, les servicessociaux des entreprises et lahiérarchie.

La plupart des médecins du travail quenous avons rencontrés disent ne pasrencontrer de problèmes de droguedans leur entreprise. Le médecin dutravail en Belgique voit le travailleur envisite d'embauche ou en visitepériodique de surveillance seloncertains secteurs (alimentation parexemple), certains postes de travail(postes de sécurité comme touteconduite de véhicule), selon les tâchesde travail (travail sur écran, port decharges) ou le profil du travailleur(travailleur handicapé, étudiant). Ilsévaluent également l'aptitude au travaildes employés et des ouvriers, parexemple pour une reprise de travailaprès une maladie de longue durée.

Un médecin du travail nous disait que lestoxicomanes sont plus souvent

Des études récentes(Observatoire européen des drogues etdes toxicomanies) tendent à montrerque 60% des personnes qui consommentde la drogue travaillent. C'est déjà pasmal.La consommation d'héroïne désinsèredavantage, selon plusieurs étudesfrançaises. Les usagers de cocaïne sontplutôt bien insérés, ont suivi des étudeset les consommateurs d'ecstasy ontsouvent un emploi stable.

En France, dans les années 90-92, letravail intérimaire était en plein essor,

Y

O

-a-t-il des usagers de

drogues dans les entreprises ?

ù sont-ils?

désinsérés.

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l'offre d'emploi dépassait la demande,ainsi les agences ont recruté toutepersonne qui se présentait. Desmédecins du travail rapportent qu'ilsont vu réapparaître des pathologiesqu'on ne voyait plus en médecine dutravail : gale, impétigo, hernies nonopérées et... dépendances aux drogues.Moyennant un soutien improvisé par cesmédecins, ces personnes, parmi ellesdes usagers de drogues, ont pureprendre une activité professionnelle.En 1998, elles avaient disparu de cesemplois intérimaires où la sélectionétait devenue plus stricte. On les aretrouvées dans les missions locales,dans des entreprises d'insertion oubénéficiaires du RMI. Elles ne sepréoccupaient plus de leur santé. Lacarte santé qui leur donnait droit à dessoins gratuits n'était plus utilisée.

Il y a quelques années, les déléguéssyndicaux du secteur de la grandedistribution nous avaient demandé uneséance d'information sur la toxicomaniepour des problèmes que rencontraientleurs affiliés ... avec leurs enfants,adolescents et jeunes adultes, quiconsommaient des drogues douces oudures.Très rarement ils font appel à nous pourun travailleur toxicomane. Quand celaarrive, nous constatons souvent unesévérité et une intransigeanceétonnante de la part de la direction encomparaison de la grande mansuétudequi règne dans les entreprises pour lesproblèmes d'alcool.

De nombreux travailleurs alcooliquessont orientés à la Fondation Travail etSanté, généralement par le déléguésyndical. Quand ils arrivent, leur santé,leur situation professionnelle, sociale,familiale se sont déjà dégradées d'unefaçon impressionnante. Plusieursdémarches ont été tentées pour yremédier. Le problème a longtemps ététoléré, minimisé, couvert, caché. C'estce qui a été décrit depuis bien

longtemps comme le co-alcoolisme.Dans certains cas, la hiérarchie a aussiune consommation abusive, ce qui nepermet pas d'adopter facilement lesmesures nécessaires.Et puis, faut-il le rappeler, l'alcool estlégalisé, socialisé dans tous les milieuxet donc mieux toléré. Dans certainesentreprises, le refus de consommer del'alcool est mal vu. Celui qui refuse de serendre au bar "clandestin" del'entreprise est exclu.

Les programmes de lutte et deréadaptation en entreprise contrel'abus d'alcool ou de drogue sontefficaces. Ils réduisent l'absentéisme,les erreurs dans le travail, les accidentsde travail, ils proposent une aideindividuelle aux travailleurs qui ainsiaméliorent la gestion de leur santé etmaintiennent leur emploi.L'entreprise ne doit pas être un lieu desoins mais encore moins une place fortefermée à tout travailleur fragilisé.Encore faut-il que l'entreprise puisseremettre en question certainesorganisations de travail, certainesconditions de travail plus respectueusesde la santé physique et mentale de cestravailleurs.

Ici, il faut rester prudent. Certainessituations de travail favorisentassurément une prise de remèdes oupermettent la consommation plusfacilement que d'autres.Si les dix employés d'un même serviceprennent tous des antidépresseurs, il ya de grandes chances que cetteconsommation soient liée aux conditionsde travail dans ce service.Si le travail est organisé selon leprincipe du "fini-parti" (si le travailleur

E s t - c e q u e c e r t a i n e s

organisations de travail,

certaines conditions de travail

font consommer ?

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Bibliographie

A s s o c i a t i o n s S a n t é e tMédecine du Travail (1998),“Les médecins du travailprennent la parole : un métieren débat”. Edition Syros, Paris.Ouvrage collectif.

Alyanak Leyla (1999), “Abus desubstances toxiques autravail”, in “Le magazine del'OIT : Travail”, n° 30, juillet1999.

Centre canadien d'hygiène etde sécurité au travail (CCHST),“Abus de substances en milieude travail”,

“Drogue et travail : uneentreprise de sensibilisation”in “Questions de justice”

anvier 2000.

F e r r e i r a M . ( 2 0 0 1 ) ,“Alcoolémie et toxicomanie :dépistage sur le lieu de travail”,extra i t de “Trava i l etSécurité”, mars 2001, pp. 14-15.

Landry M. (1988), “Lestoxicomanies autres quel'alcoolisme en milieu detravail. L'usage des drogues etla toxicomanie”, sous ladirection de P. Brisson,G. Novin éditeur.

Maxence J.-L., Dr.Trarieux R.,“Toxicomanies et milieu dutravail : la prévention desdrogues en entreprise”,

www.cchst.ca/reponsessst/psychosocial/S u b s t a n c e . h t m l

www.sandrocalvani.com/interview/drogue.pdf

www.drogues gouv.fr/fr/pdf/professionnels/ressources/d o s s i e r _ t r a v a i l . p d f

, j

.

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a fini son travail, il peut taper les cartesou partir), on trouvera plus facilementun espace-temps pour consommerdrogues et/ou alcool. En général, lestemps-morts sont prop ices àla consommation.

D'autres éléments sont généralementaccusés, comme le stress, la fatigue, lamonotonie du travail, la précarité dutravail, les longues journées, l'isolementet l'offre de produits (les petites fêtesalcoolisées...).

Même si la loi en Belgique oblige lesemployeurs, via leur service deprévention et de protection, à évaluerles risques professionnels existant dansleur entreprise, 60% des entreprisesbelges n'auraient rien prévu concernantla consommation de drogues ou d'alcool.Les problèmes de drogue nousapparaissent donc souvent niés dans lesentreprises. Pour une question d'imagede marque, par méconnaissance ou, leplus souvent, parce que ces entreprisesconsidèrent qu'ils relèvent de la

des travailleurs.

Nous constatons que ce sont lesentrepr ises qu i reconna issentl'existence d'usagers de drogues parmileurs travailleurs et l'existence d'uneconsommation sur le lieu de travail, quigèrent le mieux cette situation.

Quelquefois, mais rarement, laconsommation de drogues douces sur lelieu de travail est tolérée : les limitessont celles de la productivité, de lasécurité et de l'ordre public.

On nous rapporte qu'on laisse certainstravailleurs fumer (herbe ou H)," c o m m e ç a , i l s t r a v a i l l e n ttranquillement". Mais s'il apparaît del'agressivité, de l'impertinence ou unrefus du travail, on réagit. La délégationsyndicale négocie en collaboration avecle médecin du travail pour uneorientation thérapeutique. Dans laplupart des entreprises interrogées,quand le problème est reconnu, il est

vie

privée

traité comme l'alcoolisme, c'est-à-direcomme une maladie.

D'autres entreprises réagissent toutautrement sur le mode de la "tolérancezéro”. Des jeunes travailleurs, pris àfumer dans leur voiture sur le parkingde l'entreprise, ont été licenciés sur lechamp, pour faute grave.

D 'a vo i r rencont ré , i n te r rogérécemment plusieurs intervenants enentreprises sur ces problèmes,l'étonnement persiste du silence-radioconcernant la drogue dans le monde dutravail.Serions-nous "clean" à ce point? Il estdifficile de le croire, surtout quandcertaines entreprises ont le bon sensd'affronter la consommation de drogueau travail comme une situation où lasanté et la sécurité des travailleurspourraient être menacées, et par là-même permettent que les problèmes dela société civile entrent et soienttraités dans l'entreprise.

Tout cela semble participer d'un mondedu travail qui, sous la pression duchômage et de la sélection féroce qui enrésulte, exclut les travailleurs plusfragiles. Faute d'être à 120% derendement pour nos entreprisescompétitives, ils n'ont plus qu'àattendre l'allocation universelle...

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Quelques chiffres… pour sefaire une idée

Alcool au travail : une réalité tropfréquente

L'alcoolisme ne connaît pas defrontières sociales ou économiques.En moyenne, on estime à près de 10% letaux de personnes ayant des problèmesd'alcool parmi le personnel desentreprises belges, et ceci quel que soitle secteur d'activité, la catégoriep r o f e s s i o n n e l l e o u l e n i v e a uhiérarchique.A en croire les estimations de l'OMS,sur 10 consommateurs abusifs, 7 fontpartie de la population active.En 1998, un communiqué de presse del'OIT sur le thème : "Alcoolisme ettoxicomanie sur le lieu de travail"signale que dans toutes les professions,

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ce sont les jeunes et les hommes quiconsomment le plus d'alcool et dedrogues et qui en abusent.Un fait nouveau nous semble pourtant àsignaler : à cause de l'augmentation dunombre de femmes au travail, on aconstaté, d'abord aux USA, puis enAngleterre, puis partout, quel'alcoolisme féminin tend à égalerl'alcoolisme masculin là où les conditionsde travail deviennent similaires. Quandelle remplace l'homme dans le monde dutravail, la femme acquiert rapidement,si elle n'y prend garde, des habitudesanalogues. Dans certains métiers,cuisinières, serveuses, journalistes,télévision, milieux artistiques, on voitde plus en plus se développer unalcoolisme professionnel féminin.

Les données épidémiologiques en

Et les autres drogues ?

ALCOOL, DROGUES ET BIEN-ÊTRE AUTRAVAIL: POUR UNE POLITIQUE

D'ENTREPRISE !

Michèle BAUWENS 1

Mots-clés

- alcool- drogues- milieu de travail- prévention- méthodologie d'intervention- enquêtes- réglementation- politique d'entreprise

1. Psychologue, thérapeutefamiliale, directrice de l'asbl"Santé et Entreprise”.

2. Quand on parle de buveurs àproblèmes, il ne s'agit pasuniquement de personnesalcooliques, mais également debuveurs excessifs, pas encoredépendants, mais dont laconsommation entraîne our i sque d'entra îner desrépercussions négatives,notamment sur le p lanprofessionnel.

Le milieu de travail n'est pas épargné par la consommation de drogues illicites, etencore moins par celle de l'alcool et des médicaments psychotropes. Si lesconditions de travail peuvent favoriser les abus , l'attitude de l'entreprise joue unrôle déterminant dans l'évolution des situations : le camouflage et le laxismehabituellement pratiqués favorisent le développement de l'alcoolisme ou d'autrestoxicomanies. Au contraire, une gestion précoce des problèmes par lesintervenants du milieu de travail peut contribuer amplement à la résolution de cesproblèmes, pour peu qu'elle se fasse dans le cadre d'une politique concertée et queles différents acteurs soient adéquatement formés. Considérant que la préventionest l'affaire de tous, l'asbl "Santé et Entreprise” approche cette problématiquede façon systémique et propose de l'aborder dans une perspective globale depromotion de la santé et du bien-être au travail.

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matière d'usage de drogues en général,et dans la population active enparticulier, sont très lacunaires enBelgique .De plus, l'abus de substancespsychotropes illicites dans le milieu detravail reste un sujet tabou, bien quel'ampleur et l'impact des problèmes dec o n s o m m a t i o n s e m b l e n t n o nnégligeables. De même, il n'existe pas, ànotre connaissance, de donnéesspécifiques sur l'abus de médicamentspsychotropes en milieu de travail, alorsque nos contacts avec les entreprisesrévèlent clairement l'existence de cetype de problème.Une étude française menée en 1997 parl'IREP auprès de 1.087 consommateursde cannabis confirme leur bonneintégration socioprofessionnelle etrévèle que 30 % des personnesinterrogées disent fumer au travail(17 % de femmes contre 36 %d'hommes). Toujours selon l'IREP, 66%des usagers de cannabis et 25 % desusagers de drogues injectables fontpartie de la population active.En Belgique, selon le rapportépidémiologique de la ConcertationToxicomanies de Bruxelles recueillantles données fournies en 1999 par lescentres spécialisés bruxellois, 13,7 %d e s c o n s u l t a n t s ( p r é s e n t a n tmajoritairement une dépendance auxopiacés) avaient le travail comme sourcede revenus .D'une façon plus générale, l'OEDT(Observatoire Européen des Drogues etdes Toxicomanies) signale que 70% despersonnes qui ont des problèmesd'alcool et 60% de celles quiconsomment de la drogue travaillent.

En Belgique, un certain nombre ded i s p o s i t i o n s s t a t u t a i r e s e t

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Une réglementation lacunaire

Les dispositions légales envigueur 4

réglementaires, notamment inscritesdans le code pénal, le code de la route etles règles de responsabilité civile etd'assurance sont applicables à l'ivresse.U n e d i s p o s i t i o n v i s e t o u tparticulièrement le lieu de travail :l'article 99 du RGPT stipule qu'il estinterdit d'introduire dans les usines,ateliers, bureaux ou lieux de travail etleurs zones contiguës toute boissondont le degré d'alcool est supérieur à6°. Notons que cette disposition neconcerne pas la bière ordinaire et neporte que sur l'introduction desboissons, pas sur leur consommation.Afin de pouvoir appliquer cettedisposition, la fouille des objetspersonnels (sacs, boîtes, etc.) destravailleurs est autorisée en vertu de lajurisprudence, si elle est effectuée demanière non discriminatoire et nonhumiliante, mais la fouille corporelle estinterdite. En cas de non-respect decette interdiction, des sanctionsparticulières sont prévues pour lesemployeurs et leurs agents, mais paspour les travailleurs. Dans la pratique,cette disposition est régulièrementenfreinte et rarement appliquée.

Il n'existe pas de dispositionsspécifiques concernant la consommationde drogues sur le lieu de travail. Lesdispositions générales réglementant lafabrication, la possession, la vente etl'offre de stupéfiants peuventtoutefois s'y appliquer.

Les procédures de sélection visant àexclure les personnes alcooliques outoxicomanes sont en principe interditespar le code pénal qui exclut les prises desang imposées. Mais dans le cas oùl'activité professionnelle impliquecertains risques particuliers (liésnotamment à la sécurité), une visitemédicale comportant les examensautorisés par la loi ou toute analyse

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Dépistage en entreprise : une pratiquedangereuse

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3. Institut de Recherche enE p i d é m i o l o g i e d e l aPharmacodépendance.

4. Références : B.Smeesters etA.Nayer dans "L'alcool et ladrogue sur le lieu de travail. Unexamen des lois et dispositionsen vigueur dans les Etatsmembres des la CommunautéEuropéenne", octobre 1993.

5. Règlement Général deProtection du Travail.

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jugée nécessaire par le médecin dutravail peut être imposée au candidat.La mise en œuvre de ce dépistage doittoutefois s'effectuer dans le respectde questions d'ordre éthique et dans lesouci d'une transparence vis-à-vis dessalariés qui doivent donner leur accordpréalable pour qu'il s'effectue.Les médecins du travail doiventinformer l'intéressé de la nature destests et examens qu'ils ont l'intentiond'effectuer. Ils ne peuvent pastransmettre les résultats de l'examenmédical à l'employeur, mais doivent seprononcer sur l'aptitude ou l'inaptitudedu candidat pour le travail en question.

Il existe un véritable danger que segénéralise peu à peu dans lesentreprises belges la pratiqueaméricaine du dépistage de drogues, nonseulement à l'embauche mais égalementl o r s d e s e x a m e n s m é d i c a u xsystématiques.

Cette pratique peut entraîner desconséquences déplorables et mener à lastigmatisation et à l'exclusion desusagers. Par ailleurs, la détection dedrogue dans les urines n'indique pasnécessairement un abus du produit, ellene permet pas de distinguer lespersonnes pharmacodépendantes desusagers occasionnels, ni d'évaluer demanière fiable l'incidence de laconsommation sur les capacités despersonnes. De même, un test positifpeut détecter l'usage de droguesprescrites pour des raisons médicaleset conduire ainsi à une discriminationcontre les travailleurs souffrant deproblèmes médicaux.Dans la pratique, de nombreuxcandidats ont été soumis à des tests endehors de tout cadre légal. Pourd'autres, le refus de s'y soumettre aété sanct ionné par leur non-recrutement.

Il est donc de première importance deproposer aux entreprises des solutions

alternatives en matière de gestion desproblèmes d'alcool et d'autres drogues,de revaloriser le rôle social des"Ressources humaines" et de contribuerà la mise en place de véritablesprogrammes de prévention favorisantl'offre d'accompagnement et de soinsaux usagers de drogues et visant aum a i n t i e n d e l e u r i n s e r t i o nprofessionnelle et sociale.

La consommation abusive d'alcool oud'autres drogues entraîne tôt ou tardde graves conséquences, non seulementp o u r l ' i n d i v i d u ( d é p e n d a n c e ,dégradation de sa santé physique etmentale, de sa vie familiale etrelationnelle,...), pour sa famille(violences, surendettement,...) maisaussi pour l'entreprise qui l'emploie(augmentation de l'absentéisme,accidents de travail, diminution durendement, détérioration de l'ambiancede travail, de l'image de marque del'entreprise...).Les rapports récents de l'OEDTconfirment l'augmentation de lac o n s o m m a t i o n d e s u b s t a n c e spsychotropes sur le lieu de travail et enprécisent les conséquences : le tauxd'absentéisme est deux à trois foisplus important parmi les travailleurs quiconsomment des drogues ou de l'alcoolque chez les autres collègues; dans 20 à25% des accidents de travail sontimpliquées des personnes intoxiquéesqui causent des dommages physiques àelles-mêmes et à autrui; 15 à 30 % desaccidents de travail mortels sont aussiprovoqués par l'usage de drogues.Le danger ne vient pas nécessairementdes alcooliques ou toxicomanes avérés.Pour preuve, ce communiqué de pressede l'OIT, en 1998, sur le thème :"Alcoolisme et toxicomanie sur le lieu det r a v a i l " q u i s i g n a l e q u e l e sc o n s o m m a t e u r s m o d é r é s e toccasionnels sont responsables de 70 à

Des abus qui coûtent cher

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80% des i nc idents dus à l aconsommation d'alcool (accidents,querelles, absentéisme, délits). Cecipeut s'expliquer par le fait qu'ils sontbeaucoup plus nombreux que les grosbuveurs et que ces derniers ontdéveloppé une tolérance physique et desmécanismes sociaux qui masquent leseffets de l'absorption de l'alcool.

Le milieu professionnel n'est passeulement un des lieux où vont semanifester les conséquences d'uneconsommation abusive. Il est évidentqu'il peut lui-même favoriser etcontribuer au développement del'alcoolisme ou d'une autre toxicomanie.

Selon l'OIT, les secteurs dans lesquelsles risques sont les plus élevés sont ceuxde la restauration, des transports et dutravail en mer. Une grande accessibilitéde l'alcool sur le lieu de travail, unmanque de contrôle, un travaildangereux, ou trop stressant, ou tropmonotone, des horaires irréguliers, lem a n q u e d e s a t i s f a c t i o nprofessionnelle,… sont autant defacteurs qui peuvent favoriser lesabus.Walter Weiss a mis en évidence que lerisque d'alcoolisation en entrepriseprovient plus fréquemment desconditions de travail et des tâches quede la simple accessibilité de l'alcool oude la possibilité d'une consommationpeu contrôlée.C'est ainsi que l'on constate que si oncherche uniquement à limiter l'accès àl'alcool par une réglementation et uncontrôle très stricts sans chercher àaméliorer les conditions de travailquand celles-ci sont très mauvaises, soitles travailleurs prennent le risque debraver les interdictions et consomment

L’ entreprise : un milieu àrisque ?

Quand le travail incite à la boisson

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quand même exagérément, soit onconstate l'apparit ion d'autressymptômes comme la consommation demédicaments psychotropes , lapsychosomatisation, l'augmentation del'absentéisme, etc.

Enfin, un important facteur favorisantle développement de l'alcoolisme dans lemilieu professionnel, est, selon lestermes du Dr Derely , le co-alcoolisme,c'est-à-dire l'attitude de protectionmanifestée à l'égard du buveur àproblème, attitude qui lui permet decontinuer à boire de plus en plus sansj a m a i s ê t r e c o n f r o n t é a u xinconvénients de ses actes.Même dans les entreprises oùl'ambiance n'est pas ouvertementorientée vers la consommation d'alcool,on trouve généralement des attitudesde renforcement vis-à-vis d'un collègueayant un problème de boisson : on fermeles yeux, on accepte ses écarts, oncamoufle ses retards et ses absences,on pallie ses insuffisances. Bref, on ledéresponsabilise.Or c'est la confrontation à la réalité quipermet au consommateur abusif deprendre conscience de son problème etd'envisager un changement.

Le milieu de travail peut égalementfavoriser l'usage de drogues illicites.On sait que certains opérateursfinanciers, aux Etats-Unis notamment,consomment de l'héroïne poursupporter les effets du stress ; dansd'autres milieux, (avocats, musiciens,artistes, publicité) on va recourir à lacocaïne pour pouvoir, pense-t-on, mieuxexprimer sa créativité ou pour lastimuler. Pour "tenir le coup", laconsommation d'amphétamines sur lelieu de travail est désormais chosecourante; nos contacts dans diversesentreprises ont révélé l'usaged'ecstasy parmi les travailleurs de nuit

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De l'usage "utile" des drogues autravail

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6. Sociologue à l'InstitutSuisse de Prophylaxie del'Alcoolisme.

7. Psychiatre aux Cliniquesuniversitaires Saint - Luc

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sur diverses chaînes de montage et nousavons pu constater la grandeambivalence des employeurs parrapport aux drogues qui augmententmomentanément la performance.

En 1999, nous avons réalisé unesynthèse des résultats des enquêtesmenées par notre asbl dans le cadre deprogrammes de prévention mis en placeau sein d'entreprises appartenant àdes secteurs d'activités très divers etoccupant toutes plus de 200 personnes.Au total, près de 3.000 personnessalariées dans 7 entreprises privées etpubliques ont répondu à cette enquêteanonyme.

Voici quelques-uns des résultats quisemblent les plus parlants :

6 personnes interrogées sur 10estiment qu'au cours du mois qui aprécédé l'enquête, des travailleurs ontabusé de la boisson dans l'entreprise etprès de la moitié d'entre elles disentavoir rencontré une personne ivre autravail.

Face à quelqu'un qui se présente autravail en état d'ivresse manifeste (cequi pose de sérieux problèmesd'efficacité et surtout de sécurité),l'attitude la plus courante est uneattitude passive mais non indifférente :près de la moitié des personnesdéclarent subir la situation plutôtpéniblement; une même proportionestiment que ce n'est pas leur rôled'intervenir et 35% d'entre elles, qui sesentent peut-être concernées, restent

Des résultats d'enquêteéloquents

L'alcool dans l'entreprise : le point devue des travailleurs

- L'ampleur des problèmes

- Comment gère-t-on les situationsd'ivresse au travail ?

également passives, tout simplementparce qu'elles ignorent quelle attitudeserait la plus adéquate.Dans le désarroi, au mieux, on s'enr é f è r e à q u e l q u ' u n d ' a u t r e ,vraisemblablement dans l'espoir que"quelque chose" sera fait. C'est le casde 4 personnes sur 10 qui répondentqu'elles en parlent à un supérieur en quielles ont confiance.Un tiers des répondants fait le travail àla place de la personne ivre ou le faitfaire par quelqu'un d'autre dans le butd'assurer malgré tout la bonne marchedu service, mais aussi pour éviter lesennuis au travailleur ivre qu'ilscherchent à protéger.Les attitudes plus responsabilisantes(faire raccompagner la personne à lamaison par mesure de sécurité, faireconstater l'inaptitude au travail,rappeler la personne à l'ordre) sontrelativement minoritaires.

De même, il y aurait peu de prise encharge constructive et efficace dessituations d'alcoolisation chronique :seule 1 personne sur 3 déclare que leproblème est effectivement abordédans son service . Moins d'1 personnesur 5 rapporte qu'à cette occasion dessolutions sont proposées et moins d'1personne sur 10 estime que ces mesuressont suffisantes et adéquates.On reproche principalement l'absenced'un véritable suivi permettant uneaction sur les causes profondes, lelaxisme des chefs et le manque deprofessionnalisme des intervenantsmédico-sociaux.

Les facteurs professionnels ressentiscomme favorisant l'alcoolisation sontprincipalement : le laxisme desresponsables, l'accessibilité de l'alcoolet les mauvaises conditions subjectivesde travail (manque de reconnaissance,

- L'attitude à l'égard des alcooliqueset buveurs chroniques

- L'influence du travail sur laconsommation

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DOSSIER : MONDE DU TRAVAIL ET PSYCHOTROPES

Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 26 - Mars 2003

8. Dans ce cas, il semble qu'onen parle très rarement avec lapersonne concernée maissurtout entre collègues, etdavantage pour exprimer lagêne qu'on ressent que dans lesens d'une résolution activede la situation.

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de cons idérat ion , absence deva lor isat ion . . . débouchant surl'insatisfaction professionnelle et ladémotivation).

Santé et Entreprise a également réaliséune étude qualitative de terrain surl'usage de drogues illicites dans lemilieu de travail. Cette enquête arecueilli le point de vue des usagers quiont été recrutés non par le biais desentreprises mais via des associations deterrain, des médecins généralistes etd'anciens usagers insérés dans le milieude travail. L'échantillon ne se prétenddonc pas représentatif de la populationdes consommateurs qui travaillent.L'enquête s'est effectuée en 2 étapes :30 personnes ont été interrogées dansun premier temps en 1995, puis 23autres en 1999 au moyen d'unquestionnaire assez fouillé. 20 ontaccepté de rencontrer l'interviewerpour un entretien, les 33 autres ontrépondu via un questionnaire écrit.

Les produits les plus consommés parmila population interrogée sont le cannabis(81,1%), l'héroïne (79,2%) et la cocaïne(62,3%). 60,4% des répondantsprennent ou ont pris de la méthadone.71,7% disent consommer sur le lieu detravail mais la plupart consommaientdéjà avant d'avoir un emploi. Dans tousles cas, l'origine de la consommationé t a i t p e r s o n n e l l e e t n o nprofessionnelle. 61,5% disent être ouavoir été dépendants d'un ou deplusieurs produits. Seuls 3,8% n'en ontqu'un usage occasionnel.

67,3% estiment que leur consommationa eu des répercussions négatives,essentiellement au niveau de leurcomportement, de leur ponctualité etdes relations avec leurs collègues, mais

Drogue et travail : le point de vue desusagers

-Produits consommés et type d'usage:

- Répercussions sur le travail

c e r t a i n s r e l è v e n t a u s s i d e sr é p e r c u s s i o n s p o s i t i v e s , i c iessentiellement sur les prestationselles-mêmes (qualité et quantité detravail fourni).1/3 de ces usagers pensent qu'on nepeut pas concilier drogue et travail. Lesautres considèrent qu'ils peuvent êtreconciliables, pour peu que le travail nesoit pas trop exigent mais surtout que laconsommation soit limitée, maîtrisée ouqu'elle ne se passe pas sur les lieux dutravail. Cependant, 53,6% estiment quela drogue influencera de toute façon letravail (oublis, négligences,…).

70,7% des usagers interrogésaffirment que, d'une manière générale,le fait d'exercer un emploi peut avoirune influence sur la prise de drogues, etla majorité (60%) pense que cetteinfluence est positive. Les principalesraisons évoquées sont le fait d'êtreinséré et de retrouver une structure(23,8%), le fait de trouver un intérêtpour son travail (19%) et d'avoir sesjournées occupées (14,3%).36,7% estiment au contraire quel ' i n s e r t i o n p r o f e s s i o n n e l l eaugmenterait plutôt la consommation,parce qu'elle augmente les moyensfinanciers de l'usager (14,3%), maisaussi parce qu'elle le confronte à ladifficulté du travail (9,5%) ou desconditions de travail (9,5%).Plus concrètement, 65,4% des usagersinterrogés considèrent qu'il y a dans letravail qu'ils exercent des facteurs quiles poussent personnellement àconsommer davantage : 23,5 % citent ladifficulté du travail, les problèmesrelationnels et 20,6% le stress.Viennent ensuite la routine, l'ennui autravail, (14,7%), la disponibilité duproduit sur le lieu de travail (11,7%), lafatigue (8,8%), la solitude (5,9%) et leshoraires difficiles (2,9%).Par ailleurs, 69,2% des usagersconsidèrent qu'il y a dans leur travail

- Incidence du travail sur laconsommation

DOSSIER : MONDE DU TRAVAIL ET PSYCHOTROPES

Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 26 - Mars 2003 19

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des facteurs qui freinent leur propreusage de drogues : la peur que ça seremarque (21%), suivie par la nécessitéde se concentrer (15,8%) et lamotivation pour leur travail (15%).Viennent ensuite la peur d'être renvoyé(10,5%), les conseils des collègues(7,9%) et les risques en matière desécurité (5,3%).Seuls 7,3 % pensent que la perte de leuremploi aurait une influence positive surleur consommation.

Un peu plus de la moitié des usagersinterrogés affirment que leur milieu detravail est au courant de leurconsommation : dans ce cas, il s'agitsurtout de consommation d'alcool et demédicaments psychotropes. Les 3/4 desautres d isent camouf ler leurconsommation, par crainte du jugementou de la dénonciation des collègues, oud'un renvoi de la part du supérieur.Enfin, 66 % des répondants estimentque la drogue est un sujet tabou dansleur entreprise et que l'attitude decelle-ci par rapport aux problèmesposés est la conspiration du silence.

Le milieu de travail connaît doncl'alcoolisme et n'est pas épargné parl'abus de drogues et de médicamentspsychotropes.Ignorer ces problèmes, fermer lesyeux, laisser la situation se dégrader aufil du temps est pourtant l'attitude laplus courante, attitude qui coûte cher àl'entreprise et, surtout, qui génère unegrande souffrance humaine. Car,“protégé” par la conspiration du silence,après des années de lente dégradation,le consommateur abusif voit le plussouvent sa carrière se briser : tôt ou

- Un sujet encore tabou

La réaction des entreprises :politique de l'autruche,exclusion ou… appel à l'aidetardif

tard, il finit par être rejeté, exclu,licencié. Cette exclusion, qui augmenteencore sa détresse réelle et accentuel'image négative qu'il a de lui-même,compromet gravement ses chances deguérison.

Cependant, se sentant dépourvues deméthodes et d'outils pour prévenirl'émergence de ce type de problèmes,pour le gérer adéquatement et pouraider les travailleurs qui en souffrent,un grand nombre d'entreprises belgesoscillent encore entre la “politique del'autruche” et les mesures purementrépressives. Or, notre expérience deterrain nous confirme que la politiqueprivilégiant uniquement la "répression-d i s s u a s i o n " ( c o n f u s é m e n t e tabusivement qualifiée de prévention)est inefficace et qu'elle est à l'origined'effets pervers, qui résultentnotamment de la transgressiond'interdits estimés abusifs, à tort ou àraison.

La prévention de l'abus de substancespsychotropes illicites dans le milieu detravail reste une démarche encore trèsrare en Belgique, le monde du travail etd e l ' e n t r e p r i s e c o n s i d é r a n tgénéralement que la drogue n'est passon problème mais plutôt celui de l'Etat,du pouvoir judiciaire.

Mais depuis une dizaine d'années,certaines grandes entreprises, privéesou publiques, expriment des demandesd'aide concernant la gestion desprob l èmes d 'a l coo l . Ce l l e s - c isurviennent tardivement, généralementdéclenchées par l'apparition deproblèmes assez graves qu'uneintervention plus précoce aurait puéviter (accidents mortels, décèsconsécutifs à des alcoolopathies,généralisation des excès de boisson,licenciement de travailleurs alcooliquesou toxicomanes ayant “touché lefond”,...).C'est pour répondre à ces demandes

DOSSIER : MONDE DU TRAVAIL ET PSYCHOTROPES

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qu'a été créé le projet de Santé etEntreprise et pour offrir au monde dutravail une alternative constructive à lapratique américaine des tests dedépistage qui débouche sur l'exclusion.

Désireuse de promouvoir des attitudesplus humaines et socialement positives àl 'égard des consommateurs àproblèmes, l'asbl "Santé et Entreprise"propose la mise en place de véritablesprogrammes de prévention et de gestiondes problèmes d'alcool/droguesfavorisant non seulement l'offred'accompagnement et de soins auxusagers de drogues, le maintien de leurinsertion professionnelle, maiségalement une intervention en amontdes problèmes par des mesurescollectives de promotion de la santé etdu bien-être des travailleurs. Carderrière l'alcoolisme et la toxicomaniese profile aussi le mal-être destravailleurs qui, au nom de la sacro-sainte productivité, sont soumis à descadences de plus en plus dures.Nous considérons que les entreprises sedoivent d'être plus responsables, c'est-à-dire de ne pas uniquement se soucierd'engranger des bénéfices mais ausside participer à la construction d'unesociété meilleure, solidaire.

Nous nous proposons d'affronter leproblème de la toxicomanie sur les lieuxde travail non pas comme un problèmeurgent à éliminer de façon plus ou moinsdouce mais comme un symptôme dont ilfaut rechercher le sens, un problèmeavec lequel il faut vivre, considérantl'entreprise comme une partie de lasociété et non comme un universétranger.Même si la demande de l'entreprise neconcerne que l'alcool, nous abordons la

U n e a u t r e a p p r o c h e :responsabiliser et promouvoiru n e v r a i e s o l i d a r i t é

problématique des drogues dans sonensemble.Notre approche est essentiellementsystémique.Parler d'alcool ou de drogue au travail,c'est toucher aux questions du permis,du défendu, de la liberté, desresponsabilités individuelles etcollectives, du pouvoir au sein del'entreprise, de la communication, etc.De même que le toxicomane est souventcelui qui porte les symptômes dans unsystème familial perturbé, quand lesproblèmes de consommation sontimportants dans une entreprise, ilsp e u v e n t ê t r e l e s i g n e d e sdysfonctionnements du "système-entreprise". Nous pensons que l'alcoolet la drogue peuvent avoir une fonctiondans l'entreprise et maintenirl'équilibre du système.Nombreuses sont les entreprises quid'une part, se plaignent d'avoir desproblèmes en relation avec l'abusd'alcool et d'autre part jouent un rôleimportant dans le maintien de cesdysfonctionnements.Une attitude laxiste et protectrice àl'égard des usagers à problèmes peutêtre motivée par bien des raisons : ledésir d'aider la personne en nel'accablant pas, le désir de lui éviter desennuis, le souci de préserver l'image demarque de l'entreprise ou du service, lemanque d'information sur l'attitude laplus constructive à adopter, ou encorede façon plus inconsciente, lesavantages secondaires apportés par unalcoolique dans un système humain.Pensons, par exemple, au pouvoir quel'on peut acquérir en se rendantindispensable face à l'incapacitécroissante d'un collègue, à l'utilitéd'avoir sous la main une personne sur quion peut se décharger de toutes lestâches moins intéressantes, à l'utilitéde disposer d'un bouc émissaire le jouroù tout va mal, à la liberté qu'on peutacquérir si on travaille avec un chef quiboit,...C'est pourquoi, tout comme on cherche

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à soigner toute la famille de l'alcoolique,si on veut résoudre efficacement le"problème-alcool" dans une entreprise,on ne pourra pas se limiter àfaire soigner les alcooliques qui ne sontque les "patients désignés". Il faudraaussi introduire des changements dansle système tout entier.Il ne faut plus désigner des "coupables"m a i s p l u t ô t e n v i s a g e r l e sresponsabilités de chacun, s'interrogersur le fonctionnement du système toutentier.C'est dans cette perspective que Santéet Entreprise propose de mettre enplace des "programmes de prévention etde gestion des problèmes d'alcool etautres drogues", programmes d'actionsbasés sur 3 grands principes :

- une vision positive et globale de lasanté- une approche participative qui se basesur la coopération et le dialogue entreles partenaires sociaux- le souci de gérer les problèmesexistants en évitant la stigmatisation eten renforçant la solidarité, mais

, en développant uneaction dans la durée et sur le long terme

Deux préalables nous semblentindispensables pour pouvoir développerune action vraiment adaptée auxbesoins et à la réalité propre de chaqueentreprise : une analyse approfondie dela demande, car celle-ci n'est pastoujours en adéquation avec les besoinsréels qui la sous-tendent, et une analysedu mode de fonctionnement et de lastructure organisationnel le del'entreprise. Le lancement d'une actionde changement est une tâche qui seheurte aux résistances et aux routines

ausside faire de la prévention primaire deces problèmes

T r a v a i l l e r d a n s l aconcertation… avec uneméthodologie rigoureuse

des personnes et des structures. Ellerenvoie à des problèmes de pouvoir,d'enjeux, de communication, de cultured'entreprise... C'est l'ensemble du"système entreprise" qui va êtreconcerné par notre intervention, saculture et ses valeurs, ses règlements,ses relations inter-personnelles... etc'est donc tout ce contexte dans lequell'action vient prendre place que nousdevons saisir.

Nous sommes alors en mesured'aborder les différentes étapes del'implantation d'une politique deprévention.

Pour mener à bien une action dans uneorganisation, Santé et Entreprises'appuie sur un “groupe de pilotage” quiest composé des différents partenairesde l'entreprise impliqués dans ledéveloppement du projet. Y sontgénéralement représentés la directiongénérale, le service du personnel, lesservices médicaux et sociaux, leService interne de Prévention etProtection du Travail (ex S.H.E.) maisaussi les travailleurs en la personne dedélégués ou permanents syndicaux.Ce groupe a pour mission de définir lapolitique générale de l'entreprise enmat ière d 'a l coo l /drogues , decoordonner les différentes actions pourla mise en œuvre de cette politique, dechoisir et analyser les paramètresd'évaluation et d'ajuster les stratégiessur base des feed-back.Après une journée de formation, legroupe s'attèle à la rédaction d'unecharte qui précise de manière formelleses objectifs ainsi que les principes qu'ils'engage à respecter. Cette chartegarantit l'éthique du projet et évitequ'il soit détourné de sa propre finalité.Sa publication permet de travailler dansla transparence, ce qui nous sembleessentiel pour rassurer le personnel qui

1- La constitution d'un groupe depilotage

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redoute généralement une chasse auxsorcières...

La deuxième étape consiste à dresserun état des lieux au moyen d'uneenquête anonyme qui permet une miseen visibilité des problématiques et uneanalyse de la demande du personnel enplus de celle de l'entreprise. Cetteenquête, dont les résultats viendrontnourr ir la réf lex ion engagée ,représente déjà une première action deconscientisation du personnel, et faitdes travailleurs des partenaires actifsd u p r o j e t . C o m m e s o u l i g n éprécédemment, elle met en évidence unlaxisme de la hiérarchie alimenté par unmanque de balises réglementaires.

Afin que l'entreprise évolue d'unegestion individuelle des problèmes à desstratégies d' intervention pluscohérentes et efficaces, il fautélaborer une politique globale enmatière d'alcool/drogues au travail,politique qui repose nécessairement surquatre grands piliers :

Si les droguesillicites sont clairement interdites, ilimporte d'élaborer une réglementationinterne claire et réaliste concernantl'accessibilité de l'alcool à la cantine, aumess, lors des fêtes de services oud'entreprise, dans les distributeursautomatiques de boisson,… Mais il s'agitde trouver un juste équilibre entre lesexigences de la sécurité et de la qualitédu travail et celles de la convivialité.M e t t r e e n p l a c e d e s r è g l e sexcessivement rigides est contre-productif car leur non-respect estvalorisé et fait l'objet d'un camouflagequi ne résout rien.

2- L'analyse de la situation

3- L'élaboration et la mise en placed'une politique en matière d'alcool etde drogues au travail

A. Une réglementation :

B. Des procédures d'interventionglobales et concertées, qui indiquerontprécisément la conduite à suivrelorsqu'on est confronté à des situationsd'intoxication aiguë, d'abus chroniqueet de réintégration d'un travailleuraprès une absence liée à une démarchecurative. Le groupe de pilotage nepourra les élaborer qu'après s'êtreinterrogé sur le rôle spécifique quepeuvent jouer les pr inc ipauxintervenants (la hiérarchie, la médecinedu travail, les membres du servicesocial, les délégués syndicaux,…) et surles critères d'intervention de chacun. Ilfaut clarifier tout cela pour éviter lesconfusions de rôle et faire en sorte quechacun reste dans les limites de sesfonctions et de ses compétences. Legroupe définira également le rôle quechaque travailleur peut jouer en tantque collègue car “la prévention estl'affaire de tous”.

Les règles et les procédures clairementdéfinies construites en conformité avecles lois et la jurisprudence, constituentle cadre de référence qui fournira desrepères objectifs pour la gestion desproblèmes. Elles font l'objet d'undocument qui doit obtenir l'approbationde la direction et des syndicats. Le

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groupe de pilotage peut également yproposer des mesures de préventionprimaire propres à réduire les facteursde risque mis en évidence par l'enquête(stress, problèmes de communication,…)

vers laquelle lahiérarchie pourra orienter lesconsommateurs à problèmes. Le rôle decette structure d'aide est de fournir unaccompagnement pour faciliter l'accèsau réseau de soins externe maissurtout, de conscientiser, de motiver etde soutenir le travailleur en difficultépour qu'il puisse entamer une démarchethérapeutique qui ait des chancesd'aboutir, ceci tout en préservant biensûr la discrétion et la liberté de chacunet en refusant par là même de participerà l'injonction de soin. Ce rôle est confiéaux travailleurs médico-sociaux del'entreprise.

Des modules sont conçus spécialementpour permettre à la ligne hiérarchiquede s'acquitter efficacement de son rôlespécifique : ils lui fournissent nonseulement une information sur les

C. La mise en place d'une structured'aide interne

D. Des actions concrètes de formationd e s p e r s o n n e s- c l é s e t d esensibilisation générale du personnel :

règles et procédures propres àl'entreprise, mais aussi des outils decommunication, des techniquesd'entretien et d'intervention.Nous proposons également à l' intentiondes membres des services médical etsocial des modules de formationspécifiques. Centrés sur la relationd'aide à l'alcoolique et au toxicomane,ils proposent également des techniquesde motivation, et présentent lesdifférents dispositifs d'aide externe .

Enfin, nous proposons des séances desensibilisation pour l'ensemble dupersonnel afin de faire connaître àchacun la politique mise en place et deleur donner quelques informations pourqu'ils puissent gérer leur consommationen connaissance de cause. Mais il s'agitsurtout de définir l'attitude la plusconstructive qu'ils peuvent adopter entant que collègue vis-à-vis d'un usager àproblèmes : la solidarité bien comprise,la solidarité constructive, ce n'est pasla complaisance, le camouflage ou lesilence, mais responsabiliser l'autre defaçon bienveillante pour l'aider àchanger .

Enfin, pour que la politique soitefficace, il nous faut encore apporter àl'entreprise le soutien nécessaire pourassurer la continuité du projet : ceciimplique des interventions plusponctuelles telles que des séances desupervision pour les chefs directs et lestravailleurs médico-sociaux, desmodu les de format ion ou desensibilisation pour le personnelnouvellement engagé,...Le groupe de pilotage devra égalementse doter d'outils d'évaluation afin depermettre une analyse régulière del'impact des actions, le réajustementdes stratégies adoptées mais aussi uneévaluation de l'efficacité de l'ensembledu programme à long terme.

4- Le suivi et l'évaluation

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Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 26 - Mars 2003

Le Ministère de la Région de Bruxelles-C a p i t a l e r e g r o u p e p l u s i e u r sadministrations en charge de matièresnombreuses et variées telles que latutelle sur les communes, la gestion desfinances bruxelloises, l'emploi, l'aideaux entreprises, l'aménagement duterritoire, la mobilité,… Environ 1.500personnes y travaillent.

Depuis plusieurs années, des effortsconsidérables ont été entrepris afin demoderniser le fonctionnement del'organisation, d'amél iorer lesconditions de travail du personnel et dedéceler les situations difficiles, surbase entre autres de la législationrelative au bien-être au travail. Cettelégislation impose à l'employeur deprendre des mesures en matière deprotection de la santé des travailleursainsi que de prévention des risques vial'élaboration d'un plan global d'actionsnotamment.

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Sous le concept de "bien-être autravail", on retrouve non seulement lasécurité du travail, l'ergonomie,… maiségalement la protection de la santé dutravailleur sur son lieu de travail et lagestion de la charge psychosociale(stress, harcèlements sexuel/moral etviolence au travail, assuétudes,…).Pratiquement, pour le stress parexemple, les employeurs doiventélaborer une analyse des risques liés àl'organisation du travail, aux méthodes,au rythme de travail (cadence,monotonie,…).

Une personne qui évolue dans unenvironnement de travail favorable peuttrouver un épanouissement personnel etse réaliser dans son travail. Par contre,des conditions de travail difficilespeuvent avoir un impact catastrophique.Une personne fragilisée peut alors avoirrecours à certains expédients, telsl'alcool, les drogues, les médicaments lui

ASSUETUDES SUR LE LIEU DE TRAVAIL :

GESTION DE LA PROBLEMATIQUE DE

LA DEPENDANCE DANS UNEADMINISTRATION BRUXELLOISE

Marina BOREANAZ 1

1. Assistante à la cellulecoordination du Bien-être autravail de la Région deBruxelles-Capitale.

2. Loi du 4 août 1996 relativeau bien-être des travailleurslors de l'exécution de leurtrava i l et ses arrêtésd'exécution.

De quelle manière aborder la problématique des assuétudes sur le lieu de travail ?Comment assurer une prévention adéquate ? Et quelle attitude adopter face auxcas de personnes victimes d'une assuétude, tout en organisant un accompagnementà la fois discret et efficace ? De quels moyens dispose-t-on pour détecter lessituations difficiles ?Le présent article a pour objet d'exposer la tentative de réponse que le Ministèrede la Région de Bruxelles-Capitale a voulu apporter à ces questions. Les actionsmenées dans cette institution et visant l'amélioration des conditions de travail engénéral et la gestion des assuétudes en particulier vous seront donc présentées.

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permettant, un temps en tout cas,d'évacuer les problèmes rencontrés…qui reviennent au galop une fois lephénomène d'assuétude bien installé. Laspirale infernale commence alors. Eneffet, la qualité du travail et lesrelations avec les collègues sedétériorent rapidement, laissant laplace à un mal-être plus profondqu'initialement. Ils dépassent le mal-être des individus et génèrent desdysfonctionnements dans les relationsinterpersonnelles et dans le travail deséquipes ou des services.

Pour éviter que d'aucuns en arrivent àcette extrémité, la "Cellule decoordination bien-être au travail",dirigée par Madame Denise GERE , a étécréée. Cette cellule est composée decinq personnes et est chargée, entreautres, comme son nom l'indique, decoordonner les actions en matière debien-être ainsi que les structuresd'aides et d'interventions en placedétaillées ci-après.

Détecter les phénomènes de stress oude mal-être au travail n'est pas aisé. Eneffet, prendre des mesures deprévention sur le lieu de travail impliqued'isoler les facteurs propres àl'entreprise, à la nature et àl ' o r g a n i s a t i o n d u t r a v a i li n d é p e n d a m m e n t d e s c a u s e sindividuelles (problèmes familiaux parexemple). En outre, la crainte deconséquences peut décourager lestravailleurs à faire part des problèmesqu'ils rencontrent, que ce soit avec leurhiérarchie ou avec leurs collègues.

Afin d'objectiver le diagnostic quantaux situations potentielles de mal-êtreau travail, le Ministère dispose des

permettant, via un inventaire des

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1. Le diagnosticDe quels outils dispose-t-on ?

analyses de risque de fonction

risques encourus dans le cadre dechaque fonction, de repérer lessituations difficiles ainsi que de mettreen place des solutions.

En complément à ces analyses, unea

éga l ement été organ i sée , encollaboration avec l'INRCT et l'asblQuest. Cette enquête s'est dérouléeen deux temps : d'une part via ladiffusion d'un questionnaire anonyme àl'ensemble du personnel et, d'autrepart, via l'organisation de groupesd'analyse participative.

Les résultats de cette enquêtepermettront de mettre en évidence leslacunes et de remédier à ces dernières.

Sans attendre les résultats del'enquête, différentes actions ont déjàété menées, notamment en matièred'alcoolisme, de tabagisme et degest ion des cas de vio lence/harcèlements sexuel et moral au travail.

Le Ministère a abordé la problématiquede l'alcoolisme sur deux plans : laprévention et l'accompagnement.

En effet, en matière de prévention,différentes séances de sensibilisationet d'information ont été organisées àl'égard des responsables hiérarchiqueset des membres du personnel. Il a parailleurs été décidé d'interdire laconsommation d'alcool sauf en casd'autorisation expresse à l'occasiond'événements particuliers.

enquête sur le Vécu au Travail

A. La gestion de l'alcoolisme au

Ministère

Une équipe pluridisciplinaire pour

prévenir et accompagner

4

5

2. La gestion des situationsdifficilesQuelles actions mener ?

DOSSIER : MONDE DU TRAVAIL ET PSYCHOTROPES

Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 26 - Mars 2003

3. Ministère de la Région deBruxelles-Capitale, Directionde la Chancellerie, MadameDenise GERE, Directrice,b o u l e v a r d d u J a r d i nBotanique 20, 1035 Bruxelles,téléphone : 02/800.35.73, e-mail:

4. Institut National deRecherche sur les Conditionsde Travail.

5. Asbl Quest, MonsieurA. DUBUS, Directeur, rue dela Concorde 60, 1050Bruxel les , té léphone :02/511 .81 .55 , e-ma i l :

[email protected]

[email protected]

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Page 29: Les cahiers de - Prospective Jeunesse

Une structure d'accueil a été mise enplace afin d'aider les personnesprésentant un problème d'alcool. Elleest composée du Médecin du Travail,des assistants sociaux et desinfirmières sociales et peut êtreconsultée à tout moment par lespersonnes en difficulté. De même, lecollègue ou le supérieur hiérarchiqued'une personne concernée peutégalement s'adresser à cette celluleafin d'obtenir des conseils, del'information ou de l'aide.

La structure d'accueil remplit nonseulement un rôle préventif, maiségalement un rôle d'accompagnement etde soutien. L'action préventive se faitvia la pose d'affiches, la publicationd'articles, la sensibilisation dupersonnel (notamment sur lesincidences du co-alcoolisme) et de lal i g n e h i é r a r c h i q u e . Q u a n t àl'accompagnement, il s'effectue avecl'agent concerné en collaboration avecsa famille, ses collègues, mais aussi laligne hiérarchique. Il consiste en unaccompagnement psycho-médico-socialde l'agent sur le lieu de travail ets'effectue, entre autres, au moyend'une convention pour la prévention del'alcoolisme sur les lieux de travail.

Ainsi, la problématique de l'alcoolismeest abordée sous ses différentsaspects : il ne s'agit pas uniquement deprendre en compte l'aspect médical dela maladie, mais de considérer sonimpact sur les relations sociales dans letravail et sur la qualité d'exécution destâches. Toute l'équipe a reçu uneformation complémentaire en alcoologieafin de répondre aux problèmesspécifiques que rencontrent lespersonnes malades, mais aussi leurentourage (famille, collègues…).

La convention

Elle est conclue entre quatre parties, à

6

Les outils de la structure d'accueil

l'initiative soit de l'agent malade, soitd'un responsable hiérarchique.

L'objectif premier est de soutenir etd'encadrer l'agent qui n'est pas prêt àsuivre une cure de désintoxication defaçon à rendre le problème causé par sadépendance vivable par tous (lui-même,ses collègues, ses chefs et les "clients"du service) et gérable sur le lieu detravail.

Les quatre parties signataires sont lessuivantes : l'agent, son responsabledirect, un supérieur hiérarchique dehaut niveau et un membre de lastructure d'accueil. Au cas par cas,chacune des parties prend desengagements pour ce qui la concerne.Par exemple :

- l'agent s'engage à ne pas consommerd'alcool sur les lieux de travail, àpointer correctement, à résorber sonretard…

- les responsables s'engagent àencadrer et suivre de près l'agent auquot id ien , à l u i commun iquersystématiquement leurs constatationspositives et négatives, à rechercheravec lui des solutions

- les assistants sociaux s'engagent àaider l'agent dans ses démarchesadministratives, dans la gestion de sesdettes, dans ses problèmes familiaux…

Les signataires se réunissentrégulièrement, évaluent l'évolution, lerespect par chacun de ses engagements,définissent le cas échéant de nouveauxobjectifs et réorientent si nécessaireles engagements afin de les rendre plusréalistes ou plus adaptés à la situation.

Lorsqu'on a réussi à convaincre l'agentde se désintoxiquer, l'objectifsecondaire de la convention est demettre en œuvre le dispositifindispensable, en étroite collaboration

DOSSIER : MONDE DU TRAVAIL ET PSYCHOTROPES

Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 26 - Mars 2003

6. Voir ci-après.

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Page 30: Les cahiers de - Prospective Jeunesse

avec le médecin traitant de l'agent. Cen'est que dans cette hypothèse etseulement lorsque l'agent est tombé endisponibilité ou sous le régime"mutuelle" que l'employeur intervientfinancièrement.

Un encouragement concret : les aidesfinancières

Suivre une cure de désintoxicationentraîne des frais qui pourraientdécourager certaines personnes às'engager dans un tel processus. Uneconcertation avec les organisationssyndicales a permis d'aboutir à laproposition de deux aides financièrespermettant de pallier ce problème :

- l ' a s s u r a n c e h o s p i t a l i s a t i o nn'intervenant généralement pas, lapersonne malade peut bénéficier d'uneintervention octroyée sur base d'undossier établi par l'assistant social dansle cadre de la convention précitée

- en tant que compensation de la pertefinancière consécutive à la mise endisponibilité pour les statutaires et à lamise à disposition de la mutuelle pour lescontractuels, l'employeur prend encharge la compensation salariale (soit40 %) sur demande de l'assistant socialen charge du dossier.

La structure d'accueil est à ladisposition de tout agent du Ministère,pour lui-même ou pour venir en aide à unmembre de sa famille concerné par leproblème. Elle reçoit aussi les chefs deservice ou les agents désireux d'aiderdes collègues dans cette situation.

Témoignages

“Il n'est pas facile pour une personnemalade de reconnaître sa dépendance”,dit une des assistantes sociales,Madame Rose-May Liebaert. “Pourtant,cette prise de conscience estindispensable pour entamer un

traitement. Le rôle de la structured'accueil est notamment d'aider à fairele chemin vers cette reconnaissance,d'entretenir la motivation de lapersonne une fois sa décision prise et desensibiliser son entourage afin d'éviterles tentations. Ainsi, un climat deconfiance propice à une amélioration deson état pourra s'installer. Il ne s'agitpas d'un travail de tout repos, mais il esttrès enrichissant. On aide réellementune personne à se reconstruire. Celadonne un véritable sens à la vie dansnotre société trop souvent triste etdestructrice”.

Maud Zbona, infirmière sociale ajoute :“Notre structure doit parfoisintervenir à la demande de chefs deservice alors que l'agent concerné nedésire pas toujours être soutenu. Ils'agit alors d'assurer un travail délicatde dialogue avec les différentes partieset de convaincre que cette structured'accueil n'est pas l'émissaire d'unehiérarchie répressive, mais bien d'unestructure de soutien et d'encadrementde toutes les parties concernées”.

Le tabagisme est une des causes les plusimportantes de mortalité dans notresociété, occasionnant même davantagede décès que les accidents de la route.Les méfaits du tabac provoquent chaquedemi-heure un décès en Belgique tandisque, paradoxalement, sa consommationne cesse de croître.

La politique du Ministère en matière detabagisme vise à privilégier la courtoisieentre collègues, et non l'interdictionpure et simple du tabac. En effet,

dans les bureauxpeut avoir des conséquences négativessur la qualité et le fonctionnement desrelations de travail car c'est tout uncomportement qui est remis en cause.Plutôt que la répression, le Ministère adonc opté pour la

B. Le tabagisme

interdire de fumer

conciliation, la

DOSSIER : MONDE DU TRAVAIL ET PSYCHOTROPES

Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 26 - Mars 200328

Page 31: Les cahiers de - Prospective Jeunesse

convivialité et la courtoisie

code de

bonne conduite

C. La gestion des cas de violence, de

harcèlement sexuel et moral au travail

Service

, solutionsqui permettent de répondre auxattentes de chacune des parties(fumeurs - non-fumeurs). Un

entre fumeurs et non-fumeurs a été établi afin d'insister surla tolérance réciproque et le respect dela liberté individuelle. Chacun peutalors, en fonction de sa propresituation, trouver un arrangement avecson ou ses collègues. Dans le cas oùaucun dialogue entre les parties neserait possible, le chef de service doittrancher. Dans ce cas, la priorité estdonnée à l'agent non-fumeur.

Vu l'impact du tabagisme sur la santé dechacun, aussi bien sur les fumeurs queles non-fumeurs, le Ministère a décidéde donner l'opportunité aux agentsfumeurs qui le désirent, de suivre unecampagne d'aide au sevrage tabagique.Il s'agit d'un programme destiné auxpersonnes volontaires motivées et quise déroule au sein du Ministère, doncsur le lieu de travail.

Cette campagne a été organisée encollaboration avec l'Institut Bordet etson centre de désintoxicationtabagique, l'asbl "Les amis de l'InstitutBordet" , spécialisé dans la recherche,la prévention et le traitementconcernant la dépendance nicotinique etle comportement tabagique.

Cette démarche s'inscrit dans lapolitique de bien-être au travail menéeactuellement au Ministère en vue degarantir à ses agents des conditions detravail optimales. Elle anticipe etcomplète les actions futures qui serontenvisagées sur base des conclusions del'enquête sur le Vécu au Travail dontquestion ci-avant.

Le Ministère a récemment conclu uneconvention avec Arista , son

7

8

Externe de Prévention et de

Protection au Travail

cellule de

personnes de confiance

D. Les midis de la santé

E. L'amélioration du bien-être au

travail, un concept transversal

, afin de disposeren permanence d'une équipe depsychologues chargés d'intervenir dansdifférentes situations, notamment encas de plainte pour harcèlement moralet sexuel ou pour violence au travail.Cette convention fait suite à l'entrée envigueur d'une nouvelle législationprévoyant toute une série d'obligationsà remplir par l'employeur en cesdomaines.

En complément de cette équipe de

p s y c h o l o g u e s e x t é r i e u r s à

l'administration, une

, désignées

parmi les agents du Ministère, joue un

rôle d'accueil, de conseil, de première

écoute et de soutien des personnes qui

s'estiment victimes de violence ou de

harcèlement. L'intervention de cette

structure suffit souvent à régler des

problèmes qui résultent, dans de

nombreux cas, d'un manque de

communication entre les parties

concernées.

En fonction de la nouvelle législation,une restructuration des procédures enplace est également en cours.

Des actions de sensibilisation "midis dela santé" sont également organiséesmensuellement et présentées par leDocteur Nicaise, médecin interne auMinistère. Il s'agit de donner auxagents des informations quant àdifférentes problématiques médicaleset de les inciter à acquérir de meilleurscomportements leur permettant depréserver leur santé. Les thèmesabordés sont par exemple l'utilisationdes médicaments, l'activité physique etla fonction cardiaque, le diabète…

9

DOSSIER : MONDE DU TRAVAIL ET PSYCHOTROPES

Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 26 - Mars 2003

7. Centre de DésintoxicationTabagique des Amis del'Institut Bordet, MonsieurMartial BODO, boulevard deWaterloo 107, 1000 Bruxelles,téléphone : 02/534.54.68, e-mail:

8. Arista, Monsieur Laurent DeCock, avenue H. Jaspar 127,1060 Bruxelles, téléphone :0 2 / 5 3 3 . 7 4 . 6 0 , e - m a i l :

9. Loi du 11 juin 2002 relative àla protection contre la violenceet le harcèlement moral ousexuel au travail et ses arrêtésd'exécution.

cellule.tabac.bordet@ s k y n e t . b e

[email protected]

29

Page 32: Les cahiers de - Prospective Jeunesse

O u t r e l e s p r o j e t s m e n é sspécifiquement sur la base de laréglementation en matière de bien-êtreau travail, toute une série de mesuresprises dans différents domaines ont uneincidence positive sur les conditions detravail.

I l s ' ag i t e s sent i e l l ement del'intensification de la communicationinterne, de l'amélioration de la gestiondes ressources humaines (grâce, entreautres, à l'implantation de nouveauxsystèmes d'évaluation des individus etdes services), de l'intensification desactions de formation, du développementde la mobilité interne et de la mobilitéintrarégionale, ainsi que de l'adoptionde nouvelles méthodes de travail, tellesque le travail par projet.

Même si la route vers la perfection estencore longue, le Ministère a décidé demener toutes ces actions dans un seul etmême but : préserver la santé et le bien-être de ses travailleurs.Si le Ministère n'a pas le pouvoir d'agirsur l'environnement privé de ses agents,il est à tout le moins attentif à créer etentretenir un climat agréable et sereinsur le lieu de travail.Pour les personnes en difficulté, outreles structures détaillées ci-avant, leMinistère dispose également d'unmédecin interne, d'un médecin dutravail, d'un service interne deprévention et de protection au travail,de même que d'un service social…

Autant de possibilités auxquelles untravailleur dans la détresse peut faireappel quand il en ressent le besoin et quilui permettent d'évacuer un stress qui,s'il est contenu, le laissera s'emmurerdans le silence ou pire, trouver refugedans l'alcool ou autres paradisartificiels avec les conséquences quel'on sait.

Un bémol toutefois, seule une personnevolontaire peut être véritablementaidée…

3. Une longue route…

DOSSIER : MONDE DU TRAVAIL ET PSYCHOTROPES

Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 26 - Mars 200330

Page 33: Les cahiers de - Prospective Jeunesse

Livres pouvant être consultés et/ou empruntés

au centre de documentation de Prospective Jeunesse

Psychologue dans un service d'aide aux toxicomanes

La législation des drogues. Pour mieux en prévenir les abus

Ecstasy. Pilules sans ordonnances. Usages et usagers de nouvelles drogues de synthèse

Pascal Hachet, érès, collection Pratiques du champ social, 2002, 149 pages, 17,17 �, réf. PJ : DR 326

Ce livre expose, de manière spécifique et inédite, la pratique d'un psychologue dans le champ du soin auxtoxicomanes.S'appuyant sur sa pratique institutionnelle, l'auteur détaille les multiples facettes des interventions qu'il estamené à engager : les actions thérapeutiques (en centre spécialisé avec des patients sous mesure judiciaire ousous traitement de substitution, à l'hôpital, en prison) , les actions sanitaires (réduction des risques, étudesépidémiologiques) et les actions préventives (notamment en milieu scolaire). Se dégage ainsi une "philosophie" detravail qui sous-tend l'ensemble.Par leurs résistances à accepter le fonctionnement des centres de soins traditionnels de la médecine ou de lapsychiatrie, les toxicomanes ont contraint les soignants à adapter les structures, à inventer de nouvelles formesd'aide, à développer leur capacité à travailler en partenariat, au sein des équipes soignantes mais aussi avec lesautres professionnels de la cité : médecins généralistes, pharmaciens, assistants sociaux, éducateurs,enseignants, animateurs, etc. Les psychologues ont largement participé à ces transformations de l'aide proposéeaux toxicomanes et ont œuvré pour que soient pris en compte les soubassements psychopathologiques del'addiction toxicomaniaque. L'auteur rend compte ici de ce défi social, clinique et théorique.

Line Beauchesne, éditions Le Méridien, 1999, 383 pages, réf. PJ : DR 269

L'auteure, docteur en sciences politiques, professeure agrégée au département de criminologie de l'Universitéd'Ottawa et membre du GREPO (Groupe de recherche sur la production de l'ordre), poursuit dans ce livre saréflexion entamée il y a quatorze ans sur la prévention de l'abus des drogues. En 1986, c'est avec une monographieintitulée "L'abus des drogues, les programmes de prévention chez les jeunes" qu'elle évaluait la situation del'intervention dans ce secteur. Un de ses constats, à l'époque, fut que les lois prohibitives relatives à la possessionet donc à l'usage et à la vente de certaines drogues ne constituaient pas une stratégie efficace de leur abus.Dix ans de recherche ont suivi qui lui ont permis d'approfondir ce premier constat. C'est ainsi qu'elle fut amenée àexplorer les arguments avancés par plusieurs juges, policiers, intervenants sociaux, politiciens, éducateurs,médecins, psychiatres, universitaires et religieux qui considèrent qu'il faut mettre fin à la prohibition actuelle decertaines drogues pour mieux en prévenir les abus.

Gilles Hacourt, Eurotox, 2002, 232 pages, réf. PJ : DH 31

Quelles sont les caractéristiques sociales, économiques et culturelles des consommateurs d'ecstasy et autres"nouvelles drogues de synthèse" ? Pourquoi, où, quand, de quelle manière en font-ils usage ? Contrôlent-ils leurconsommation ? Prennent-ils des risques pour leur santé ?Pour répondre à ces questions et à bien d'autres, l'auteur nous propose un voyage dans le monde peu ou mal connudes usagers de ces produits. Il nous livre les résultats d'une étude scientifique réalisée par des moyens qualitatifset quantitatifs, visant la compréhension et la mesure de ce phénomène. Les données ont été collectées enCommunauté française de Belgique.L'ouvrage s'adresse à tous les acteurs impliqués dans ce sujet. Les instances chargées des politiques et actions deprévention et de réduction des risques liés à la consommation d'ecstasy y trouveront une source d'informations etde réflexion précieuse. L'auteur a voulu aussi interpeller les usagers eux-mêmes, en étant soucieux de leur rendrecompte de ce qu'ils ont dit et donné à voir au long de ses travaux. Enfin, l'entourage des usagers (potentiels) pourradécouvrir une réalité dégagée d'idées reçues et de principes réducteurs.

Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 26 - Mars 2003 31

Page 34: Les cahiers de - Prospective Jeunesse

Revue de presse sur les drogues et les problèmes liés auxtoxicomanies et aux assuétudes

En quelques lignes, un compte rendu succinct des informations parues dans la pressefrancophone ces trois derniers mois

13 février 2003 : la Chambre a adopté, par 75 voix pour,40 contre et 2 abstentions, le projet de loi sur lesdrogues. Le texte doit encore être adopté au Sénat, ilsera ensuite complété par un arrêté royal.

Qu'est-ce que cela veut dire, qu'est-ce qui est permis etqu'est-ce qui ne l'est pas ? Les choses ne sont pas clairespour tout le monde. Faisons donc un rapide retour enarrière afin de comprendre la législation en matière destupéfiants.

Art de guérir, concernant letrafic des substances vénéneuses, soporifiques,stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques :

Art. 1 . Le gouvernement est autorisé à réglementer et àsurveiller, dans l'intérêt de l'hygiène et de la santépublique, l'importation, l'exportation, la fabrication, letransport, la détention, la vente et l'offre en vente, ladélivrance et l'acquisition, à titre onéreux ou à titregratuit, des substances toxiques, soporifiques,stupéfiantes, désinfectantes ou antiseptiques [ainsi quela culture des plantes dont ces substances peuvent êtreextraites.]

[ , art. unique. Le gouvernement a lesmêmes pouvoirs en ce qui concerne les substancespsychotropes, autres que les substances stupéfianteset soporifiques, susceptibles d'engendrer unedépendance.]

concernant letrafic des substances soporifiques et stupéfiantes :

Art. 1 . Tombent sous l'application du présent arrêté,les substances énumérées ci-dessous et lespréparations qui les contiennent :15. Cannabis, Extracta, Resinae, Tincturae.

Depuis 1921 donc il est interdit d'importer, de détenir,de fabriquer, de vendre ou d'acheter du cannabis. Qu'enest-il de nos jours ?

1998 : Stefaan De Clerck, alors ministre de la Justice,envoyait une circulaire à tous les parquets du pays leurrecommandant d'accorder "la plus basse des priorités"au cannabis.

loi du 24 février 1921

L. 1 juillet 1976

Arrêté royal du 31 décembre 1930

er

er

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Janvier 2000 : Magda Aelvoet, ministre de la Santé,annonçait la dépénalisation de fait de la consommationde cannabis pour adultes.

Janvier 2001 : les grands titres explosent dans tous lesmédias belges : "Le cannabis dépénalisé : un tabou à latrappe" (Le Matin, 19.01.2001), "Le pétard est libéré. Onpourra fumer et même cultiver" (La Meuse, 19.01.2001),"Joints : même les mineurs" (La Dernière Heure,20.01.2001).

En fait, contrairement à ce que beaucoup pensent, toutn'est pas permis. La note fédérale stipule que seule ladétention de cannabis pour un usage "personnel" esttolérée, la consommation "problématique" quant àelle sera poursuivie. Cela signifie qu'une petite quantité(combien de grammes ?) peut être détenue pour un usagepersonnel non-problématique ne se faisant pas encompagnie d'un mineur. Qu'est-ce qu'un usage non-problématique et qui en jugera ? Le flou règne en maîtreet laisse les adultes (parents, enseignants, travailleurssociaux, etc.) dans la perplexité.

Deux ans plus tard, et après de nombreuses péripéties, ilne semble pas que les choses aient beaucoup évolué.

, qui distingue les drogues douces(cannabis) des drogues dures (héroïne, cocaïne), "

Il apporte,au mieux, une consommateursde cannabis âgés de En cas de

ou d'" ", unsera toujours dressé." (Le Soir, 14.02.2003).

Le flou est toujours de mise : quelle quantité pourra-t-ondétenir ? Qu'est-ce qu'un usage problématique ? qui endécidera ? Aucune réponse n'est apportée à cesmultiples questions que se posent légitimement toutadulte responsable de jeunes. En tout état de cause, ceprojet de loi devrait être voté avant la fin de la présentelégislature.

Danielle Dombret, Documentaliste.

NB : Si je sujet vous intéresse, n'hésitez pas à nousrendre visite : vous trouverez dans notre centre dedocumentation de nombreux ouvrages et articles depresse sur la question.

Le projet de loine

dépénalise nullement l'usage des drogues."sécurité juridique" aux

plus de 18 ans. "nuisancespubliques" usage problématique procès-verbal

32 Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 26 - Mars 2003

Page 35: Les cahiers de - Prospective Jeunesse

PROSPECTIVE

JeunessErue Mercelis 27 - 1050 Bruxelles

E-mail : [email protected] Internet : http://www.prospective-jeunesse.be

Tél : 02/512.17.66 - Fax : 02/513.24.02

Heures d'ouverture : de 8h30 à 17hCompte bancaire : 210-0509908-31

ProspectiveJeunesse

pour les jeunesavec les adultes

Prévention des assuétudes et des toxicomanies

Etudes des politiques et pratiques sociales

INFORMERun centre de documentation

des conférences-débatsdes outils didactiquesune revue de presse

FORMERdes journées pédagogiquesdes ateliersdes modules approfondisdes journées d'étude

EVALUERvos pratiquesvotre contexteles effets de vos actions

ACCOMPAGNERdes conseils méthodologiques

des aides à la mise en place et suivide structures permanentes de préventiondes guidances, supervisions individuelles

ou collectives

PROSPECTIVE JEUNESSE asbl.

Page 36: Les cahiers de - Prospective Jeunesse

EditorialEmmanuelle CASPERS 1

Thomas PÉRILLEUX 4

Véronique GHESQUIÈRE 10

Michèle BAUWENS 14

Marina BOREANAZ 25

32

DOSSIER : “DROGUES ET MONDE DU TRAVAIL:

ENTRE TABOUS ET PARADOXES”

Sollicitations subjectives et souffrance au travail

A propos de la revue de presse de Prospective Jeunesse

Avec le soutien de la Communauté françaisede Belgique et de la Commission communautaire

Française de la région de Bruxelles-Capitale.

Pas de ça chez nous !

Alcool, drogues et bien-être au travail : pour une politiqued’entreprise

Assuétudes sur le lieu de travail : gestion de la problématiquede la dépendance dans une administration bruxelloise

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