Les Batailles des Djinns dans les...
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19.5 498030
----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique
[Roman (134x204)] NB Pages : 250 pages
- Tranche : 2 mm + nb pages x 0,07 mm) = 19.5 ----------------------------------------------------------------------------
Les Batailles des Djinns dans les Bermudes
Ali Muslimani Samir
Ali M
uslim
ani S
amir
2 2
2 3
Chapitre Premier
L’Emigration vers la Floride
Je passais ma sieste, étendu sur une dune de sable
mélangé à de la misère, représentée par les décombres
et les taudis vidés des traces de la vie et des vivants.
Je pensais à ce qui était hier des ruines et qui était
devenu un mirage et des destructions totales. En
dessous de ces monticules à la merci des vents,
artificiellement créées par l’homme, reposent les
cadavres de ma mère et de ma sœur qui se sont
élevées vers le Miséricordieux comme des martyrs et
qui résident involontairement sous les décombres de
notre pauvre quartier, au cours de l’une de ces
campagnes de génocide que le régime cancéreux qui
s’accroche à l’Iraq a lancée contre les Musulmans qui
se sont révoltés contre son injustice et sa tyrannie, au
Sud, en particulier et ce, sous les yeux indifférents de
la communauté internationale, et une tolérance de la
part des Etats-Unis d’Amérique, le sponsor des
méfaits et des intrigues sur terre1.
1 Chaque fois que Saddam a commis une injustice, l’Amérique y
avait sa part et son butin, et aucun d’eux n’a jamais porté du tort à
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Quant à mon père, il a précédé les martyrs de la
famille auprès du Compagnon Supérieur lorsqu’il a
refusé de tendre la main à l’injustice, de baisser sa
tête et d’abaisser son honneur et sa dignité. Il a choisi
le martyr au cours d’une escarmouche courageuse
avec une poignée d’agent de l’escadron de la mort
lorsqu’ils l’ont surpris dans son Mihrab, en train de
prier, qui se sont ensuite retirés avec trois de leurs
collègues tués et qui sont repartis avec les
conséquences de sa mort et du crime perpétré contre
lui, l’Imam sage2.
l’Iraq sans que son frère diabolique ou son partenaire cancéreux
ne soient de connivence. L’Amérique a fermé les yeux sur les
méfaits et les crimes de Saddam pour trouver un prétexte pour
envahir l’Iraq, comme elle l’a fait lors de sa campagne agressive
contre le Koweit au début des années quatre vingt dix, cette
campagne qui a porté les Etats-Unis aux sources de l’énergie et
des artères de la vie arabe. L’Amérique a même fait montre de
renardise en laissant faire les événements du 11 septembre,
lorsqu’elle s’est abstenue de prendre les mesures nécessaires pour
empêcher la série des préparatifs du coup de la Qaïda afin de
trouver un prétexte qui justifie ses intentions d’attaquer le monde
islamique, de mettre la main sur les sources de l’énergie et de
protéger Israël, le fruit des relations adultères de l’Occident
sionisé avec le judaïsme despote. L’Amérique avait auparavant,
vers la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, fermé les yeux de
manière délibérée sur les préparatifs de l’attaque aérienne
japonaise contre la flotte américaine à Pearl Harbour afin de
trouver un prétexte qui lui permette de lancer les deux bombes de
Hiroshima et Nagazaki. Il a été, en effet, révélé que le
commandement américain était au courant de l’attaque japonaise
qui, de décision était devenue de véritables préparatifs, et ce,
quelques jours avant l’attaque. L’Amérique nous a habitués à
révéler beaucoup de documents importants après les catastrophes. 2 Mon père, Dieu ait son âme, était l’Imam du quartier et son
prédicateur. Il était connu pour son courage, sa générosité, sa
science et sa piété.
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J’étais ainsi, en train de me rappeler les malheurs,
et de causer avec les décombres et les ruines, lorsque
mon oncle est venu3 me surprendre avec la nouvelle
de sa décision d’émigrer pour aller travailler dans
l’État de Floride, aux Etats-Unis. J’ai été envahi par
l’idée qu’il allait partir avec toute sa famille et ceux
sous sa garde – comme moi qui n’avait plus de
parents que mon oncle, après que tous les autres
membres de ma famille soient devenus des martyrs,
des exilés ou des détenus – et qu’il quittait la patrie
du cancer – le régime de Saddam incrusté dans la
réalité de l’Iraq – pour aller dans la mâchoire du
démon. J’ai failli étouffer et m’égarer dans le désert
de ma peine et de mon silence, lorsque mon oncle est
venu mettre sa main gentiment, sur mon épaule, et
qu’il a dit : c’est, mon enfant, la décision de celui qui
n’a pas un autre choix. Nous n’avons plus de quoi
subsister et notre situation est telle que tout espoir est
perdu, de même que nos moyens de patienter et de
supporter. Et il n’y a de force qu’en Dieu le Tout
Puissant. Ce qui est pire, c’est que nous serons privés
d’une grande partie de nos pratiques religieuses et de
nos rites, ceci nous donne une excuse infime pour le
séjour et donne à l’émigré la qualité des croyants
moujahidines.
Mon pauvre oncle est parti, abattu et embarrassé,
la fatigue apparaissant sur sa marche titubante, au-
dessus du sable. L’effet de sa décision est resté très
3 L’Amérique est d’après moi, et selon le testament de mon père,
un monstre humain qui agit avec un cerveau infernal, une
conscience juive ; qui voit avec un œil au milieu de son visage et
qui ne voit jamais du bien sur terre. Ce monstre humain est celui
qui a rempli la terre de terreur lors du septième voyage de
Sindbad.
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lourd et il s’est mis à se transformer en moi et à se
développer ; à tel point qu’il est devenu une autre
personne en mon être, augmentant avec mes soucis et
accompagnant l’engagement pris envers mon Dieu,
de me venger des injustes et d’arracher l’œil du
monstre humain américain.
Je me suis mis à passer en revue les images de la
vie en mouvement, habité par la tristesse, fixé par les
épreuves. J’ai souhaité, un moment, être pris par le
sommeil pour m’endormir, ou que me revienne en
mémoire, un fait quelconque qui dissipe tout le reste.
La peur était devenue une partie inhérente de nous ;
les soucis étaient devenus si grands qu’ils nous ont
poussés à rechercher le refuge du diable, qui les a
appelés et qui leur a intimé l’ordre de nous maltraiter
et qu’ils ont fait4.
J’ai pensé que si l’injustice de Saddam était une
calamité, l’injustice de l’Amérique était pire, que son
agression était plus méchante et plus générale ; et que
si par hasard j’avais en main les rênes du pouvoir, et
si ma volonté devait prendre une décision, je serais
resté sur le sol iraquien que j’aurai irrigué de mon
sang. Je lui aurai fait respirer la brise de la révolution
comme un feu qui consume le visage des saddamistes
iniques, de leurs alliés américains et de leurs autres
alliés.
4 Le refuge du diable : c’est-à-dire l’Amérique. C’est elle, en
effet, qui a invité le régime de Saddam, à pratiquer l’injustice.
Elle l’a utilisé pour fabriquer ses prétextes et ses justifications
pour les invasions. C’est elle qui lui a ordonné de nous disperser
puis elle a ouvert ses portes devant nous pour laisser le champ
arabe libre devant le flux sioniste.
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J’ai caché ce désir comme détermination et volonté
ferme et j’ai sollicité l’aide de Dieu afin qu’il me
donne la force de la victoire grâce à sa bonté.
Une Soucoupe d’Argile
À quelques cinq kilomètres de notre quartier, il y
avait une étendue nue, faite de sable rouge, sur
certaines parties de laquelle s’élevaient des figuiers
de Barbarie avec leurs feuilles très épaisses et leurs
fruits délicieux. En dépit de l’envie des gens de les
voir mûrir, et l’extrême besoin qu’ils ont de les
vendre, ceux-ci s’abstiennent de le faire, par peur. En
effet, les enfants de Najaf se sont interdits de s’en
mêler ou de s’en approcher en raison des rumeurs
ayant circulé, voire des preuves que de nombreux
habitants ont eues selon lesquelles ces arbres étaient
habités par des Djinns. En dépit de la véracité de ce
que les habitants de Najaf ont déclaré, les racontars
des gens ont encore donné à ces arbres une dimension
fabuleuse qui a ajouté à leur réalité une faiblesse
gratuite.
Quant à moi, je visais une chose importante et
grave devant laquelle toutes les autres choses,
fussent-elles si importantes, était moindres ; et très
souvent, chaque fois que j’hésitais, mon esprit me
poussais à y aller, et à me promener entre ces arbres,
à tel point que c’était devenu une habitude chez moi.
C’est ainsi que je m’y rendais chaque fois que je
voulais me sentir seul et m’éloigner des enfants du
quartier, dont les parents ont été tellement écrasés par
la situation qu’ils sont devenus comme des quantités
dispersées dans les ruelles, rodant autour des tas
d’ordures étalés devant les maisons, dans les coins
des places publiques, et autres.
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J’ai caché mon intention autant que possible et je
me suis soustrait aux regards afin que nul ne vienne
faire obstacle à mon objectif, ou que je sois accusé de
perdre l’esprit. Sinon, je n’aurai trouvé aucune crainte
ni aucune difficulté.
Une de ces fois, pendant que je réfléchissais
profondément, et que j’explorais les horizons de
l’avenir lointain, j’ai vu, soudain, un corps étrange,
arrondi, entouré de halos lumineux, précédé de strates
de lumière très puissantes, montrant son intention. Il
est resté ainsi suspendu en l’air, entre ciel et terre,
lisant les recoins de l’endroit et observant les
étendues et les dunes. Une fois tranquillisé, il est
descendu pour s’installer sur un tapis de sable chaud.
Il n’avait ni voix ni bruit, rien qu’une voix éteinte que
les oreilles avaient de la peine à entendre.
J’ai compris, lorsque l’étrange voyageur ne s’est
pas aperçu de ma présence, que le décret de Dieu m’a
dissimulé et que ses soins et sa bonté m’ont caché.
C’est là, une grâce du miséricordieux à laquelle je
suis accoutumé et un secours auquel je suis habitué.
Pendant que le vaisseau était installé sur l’étendue
du sable, le voilà qui s’élevait jusqu’à coller contre
l’horizon lointain pour revenir immédiatement après à
sa place, comme un éclair et comme un astre dansant,
sans s’écarter nullement de sa place d’atterrissage. Je
n’ai plus trouvé, alors, une place où me réfugier.
J’étais, tout simplement, en entier, devant un Djinn,
sans gardien pour me protéger ou me défendre, sauf
Dieu. J’ai failli fléchir n’était l’intervention de Dieu
qui a donné le courage à mon cœur. Je me suis
adressé à Dieu en l’implorant, et en récitant les
sourates des Hommes et de l’Aurore. Soudain, une
porte s’est ouverte sur le mur du vaisseau, par
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laquelle est descendue une échelle de cuivre, sur
laquelle est descendue une jeune fille belle comme
une nymphe, resplendissante en dépit de la peur qui
l’habitait et des signes d’hésitation dans sa démarche.
Je n’avais pas encore fini de l’observer que j’ai vu,
à la porte du vaisseau, une créature laide et un être
horrible, petit de taille, la tête pleine de
protubérances, les membres lourds, aux traits
sauvages, un bandeau sur la tête, d’humeur maussade.
Dès que la jeune femme fut à quelques mètres de
l’escalier, il a sauté et il s’est retrouvé en face d’elle.
Il s’est mis à la pousser, à crier et à la forcer, alors
qu’elle appelait au secours, tournant sur place, et
pleurant. J’ai eu le sentiment qu’il s’agissait d’un
Djinn géant, qui l’a enlevée après qu’elle ait refusé de
satisfaire ses désirs, et qui était venu ici, sur cette
terre déserte de Najaf, pour la violer.
Le Meurtre du Malfaiteur
La scène était non seulement tragique, mais aussi
extravagante. Ce vilain personnage est allé si loin
dans sa conduite qu’il a poussé la jeune fille et après
l’avoir jetée par terre, s’est placé sur elle dans la
position du violeur. Les yeux de la jeune fille
cherchaient un secours et elle lança un cri en pur
arabe : ô mon Dieu, par votre honneur, ô Musulmans.
J’ai senti, en l’entendant, toute la force de la terre
se réunir en moi. J’ai alors pris mon lance-pierres
dont je ne me sépare jamais, et je lui ai lancé un
caillou accompagné d’un cri strident « Allah Akbar ».
Dieu est le plus grand. Le vilain perdit connaissance ;
il tituba, puis il se tourna vers moi. Je lui ai lancé un
second caillou qui le fit tomber par terre. Je me suis
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approché de lui alors qu’il continuait à respirer, et j’ai
pris une grosse pierre lisse que j’ai jetée sur son
crâne, ce qui fit sortir encore plus les yeux de sa tête,
comme s’ils me menaçaient, puis il ne tarda pas à
rendre l’âme.
J’ai eu, en le voyant étendu mort, un fort sentiment
de fierté et d’exaltation, mélangé à un sentiment de
joie que je n’ai connu qu’une fois auparavant lorsque
j’ai porté secours à une veuve yéménite qui avec ses
orphelins, partageait avec nous les ruines de notre
quartier. J’avais, ce jour-là, tué un soldat saddamiste
qui lui voulait du mal et, une autre fois, lorsque j’ai
rendu deux éléments des tortionnaires des agents du
cancer saddamiste au Sud qui semaient la terreur et
les malheurs. D’après mon éducation et ma culture, et
d’après le Livre de mon Dieu, et les recommandations
de mon père, les soldats du mal sont les pires soldats,
la police des pharaons est la pire des polices. Dieu
m’avait doté d’intelligence, d’ardeur et de force qui
ont rendu célèbre notre clan.
La jeune fille s’est rapprochée de moi pendant que
je me tenais debout au-dessus de la tête du démon, et
elle s’est mise à me regarder avec des yeux plus purs
que les perles et plus profonds que l’océan. J’y ai lu
un plaisir et une reconnaissance. J’ai alors senti
comme une crainte et j’ai fait, sans le vouloir, un pas
en arrière. Et, comme si elle avait deviné ma pensée,
elle m’a dit : « Arkâne, mon frère, n’ait pas peur.
Laisses-moi jouir de ta présence quelques instants
avant que l’espace ne m’enlève. J’ai répondu :
« Ce n’est pas de la peur, mais… »
Ma langue s’est arrêtée. Elle reprit avec beaucoup
de gentillesse : « Je suis une de tes sœurs parmi les
filles Djinns musulmanes. Ma connaissance de votre
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langue m’est arrivée grâce à un héritage que les
siècles n’ont pas entamé, depuis que nos ancêtres sont
allés au pays de Cham où ils ont été guidés vers la
lumière de Dieu et de l’Islam.
Je l’ai regardée sidéré ; j’ai regardé le vaisseau,
puis je l’ai regardée de nouveau. Elle a compris que je
voulais connaître l’origine de cette histoire, et elle a
dit : « Nous occupons dans cet univers une place dont
tu auras, grâce à Dieu, des nouvelles, et qu’il n’est
pas opportun de citer en ce moment. Pas loin de chez
nous, d’autres Djinns descendent qui sont des Juifs, et
ce diable est l’un d’eux. Il me poursuivait dès la
minute où il m’a vue, et il m’a enlevée pour
m’amener à cet endroit.
Son histoire m’a un peu perdu et je me suis dit :
« Même dans le monde des Djinns, ces gens-là ne
nous laissent pas tranquilles… » Je me suis vu attiré
par ce que j’avais emmagasiné en moi envers les Juifs
et cela a failli me pousse à donner un coup de pied à
la tête de ce vilain personnage ; mais je me suis
retenu de le faire en me rappelant la Sunna du
Prophète qui recommande de ne pas défigurer un
mort, même s’il s’agit d’un chien.
Je me suis rappelé que la jeune fille avait répété
mon nom, et je lui ai demandé comment elle l’avait
connu. Elle répondit : « Ce n’est pas la première fois
que je viens ici. Nous y venons souvent après avoir
visité le mausolée de l’Imam Ali, à moins que nous
n’en soyons empêchés par d’autres Djinns. J’ai
entendu, au cours de l’une de mes visites, la voix d’un
jeune garçon qui te disait de ne pas t’en approcher de
peur que tu ne tombes sur un malheur ou un méchant
Djinn. Je t’ai vu, souvent, errant et réfléchissant, ta
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langue ne cessant de citer le nom de Dieu, le Tout
Puissant. J’ai été alors ravie par ton fait et ta vue.
J’ai souri et j’ai pensé m’approcher d’elle et lui
rendre sa gentillesse. J’ai tapé gentiment sur son
épaule. Elle a fermé les yeux de crainte pour mes
yeux face à la forte luminosité des siens. J’ai pris
alors le bout du châle qui couvrait sa tête comme un
foulard pur, et je l’ai embrassé, une fois, puis deux,
puis je l’ai passé sur mon visage.
Elle a, probablement, senti le sens de mes actes
comme quelqu’un qui a tout vu et à qui rien
n’échappe. Elle a alors embrassé mon épaule, puis
elle a pris le bout de ma koufia arabe qui entourait
mon cou et elle s’est mise à la passer sur son visage.
Je l’ai alors dénouée et je le lui ai offerte en souvenir.
Le cadeau lui a fait plaisir. Elle a alors détaché une
chaîne en cuivre de son cou et elle m’a demandé de
lire ce qu’il y avait dessus. J’ai vu, gravé « Au nom
de Dieu, il n’y a de force qu’en Dieu ». Elle me l’a
offerte et j’étais tout heureux. Je l’ai mise tout de
suite autour de mon cou.
Je venais juste de le faire lorsqu’un vaisseau plus
beau et mieux fait a atterri devant le premier. Mon
entretien avec la jeune fille m’a empêché d’entendre
le vaisseau atterrir. Soudain, deux hommes petits de
taille en sortirent, le visage étrange mais d’un aspect
moins laid. J’ai été surpris et refrogné et j’ai mis la
main à mon sac de cailloux et à mon lance-pierres,
pour le cas où. J’ai alors entendu la jeune fille crier de
joie, « mon Dieu, ce sont mes frères ». J’ai été
tranquillisé et j’ai vu les deux frères et la sœur se
donner une accolade chaleureuse. Ils se sont ensuite
approchés de moi et la jeune fille m’a présenté à ses
frères : « Notre frère humain arabe, Arkâne Eddine ».
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Elle a ensuite indiqué du doigt le cadavre du vilain
étendu sur le sable, et elle a ajouté : « Dieu, le Très
Haut, m’a sauvée de celui-là par l’intermédiaire de
notre frère, avant que le mal n’arrive, grâce à Dieu ».
Puis elle s’est tournée vers moi, me présentant ses
frères : « Voici mon frère Kachine Dom, ce qui veut
dire en arabe, Mujahid. Et voici mon frère Sourash
Rassoul, qui signifie, le serviteur du Prophète. Moi, je
m’appelle, Ronca Cham, c’est-à-dire, jeune fille
tendre de Cham. J’ai compris, d’après ce qu’elle m’a
expliqué, avant notre séparation, que ses frères
avaient parcouru l’espace à sa recherche pour arriver
à ce coin habité de Najaf.
L’Enfer de l’Adieu
Une heure avait juste passé depuis leur arrivée à
cet endroit lorsque Kachine Dom et son frère firent
signe à leur sœur de se préparer au départ. J’ai alors
senti une tristesse profonde s’emparer de mon cœur.
J’ai vu les larmes couler abondamment de mes yeux.
J’ai voulu cacher mon visage mais mes mains
tremblaient. Ils se mirent à me regarder. Ronca Cham
n’a pas voulu partir sans me consoler. Elle s’est
approchée de moi et elle s’est mise à embrasser mon
épaule, alors que j’étais absent.
Le signal du départ m’a rappelé les scènes de
calamités illimitées de ma vie. Je me suis alors mis à
me demander comme je l’ai toujours fait lors de mes
moments de solitude : « Si ces gens-là retournent
chez leurs parents, chez qui j’irais, moi ». Et si ces
gens-là ont la nostalgie de leur patrie, alors que moi je
cherche à me sauver de ce qui règne dans ma patrie. Il
y a même des gens qui veulent la quitter, et qui
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déploient des efforts pour partir après qu’elle soit
devenue un camp de concentration pour ses fils et un
cimetière pour les hommes libres, après que les gens
furent obligés, comme moi, à émigrer et à préférer le
pays du démon.5
J’ai réussi, après des efforts, à retenir mes larmes
et à arrêter mon chagrin et je me suis mis à arranger
mon aspect pour l’adieu en répétant : « Il n’y de
volonté ni de force qu’en Dieu, le Tout Puissant ».
J’ai avancé ensuite vers Sourash Rassoul et je lui ai
donné l’accolade. J’ai fait de même avec Kachine
Dom, pour me trouver, enfin, face à Ronca Cham, qui
pleurait. Elle séchait ses larmes avec ma koufia
qu’elle sentait et avec laquelle elle rafraîchissait son
visage. Une fois calmée, elle fit quelques pas en
arrière vers le vaisseau. Elle continua son recul avant
de se retourner vers l’escalier. Elle fit un signe de ses
mains et elle cria : « Je reviendrais dans deux mois et
je n’ai d’autre dessein à cet endroit que toi.
À bientôt ».
Quelques secondes après, l’espace d’où elle est
venue la cachait et les deux vaisseaux disparurent en
même temps. En effet, l’un des frères a pris le
premier vaisseau alors que j’avais espéré qu’il restât
sur place comme témoin de mon histoire. Quelle ne
fut pas ma surprise, en recherchant les traces de cet
incident profondément ancré dans mon âme et dans
mon cœur, d’être incapable de trouver autre chose qu
5 La préférence des États-Unis en dépit du fait qu’ils aident
Saddam et qu’ils inspirent sa tyrannie. Il est regrettable de voir
l’opposition arabe trouver refuge auprès de ses ennemis alors
qu’elle n’en trouve pas dans les pays arabes et islamiques. Car le
démon agent est pire que le démon original, plus inique et plus
oppresseur.
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les empreintes de mes pas. Même ceux produits lors
de l’atterrissage des engins s’étaient nivelés et leurs
traces effacées. Quel ne fut pas mon étonnement
lorsque, revenu sur le lieu où je pensais trouver le
cadavre du vilain, il n’y avait plus que des restes de
cendre noire que le vent se chargeait de disperser.
J’étais perplexe et si désorienté qu j’ai fini par me
résigner et que j’ai faillit perdre la raison.
J’ai quitté cet endroit enchanté, l’esprit emporté
par cet incident, cherchant à l’analyser et à en
connaître le secret.
Nonobstant l’étrangeté de ce qui me troublait et
l’amertume et la tristesse que je ressentais, j’écartais
de ma pensée tout ce qui pouvait mettre en doute la
véracité de ce qui s’est produit, et je rejetais toute
idée selon laquelle il ne s’agissait en fait que de
chimères, ou de simples illusions qui ont fini par
prendre corps et qui sont apparues sous l’effet de la
tragédie et des soucis permanents.
Les Objectifs Déçus
Ce qui m’a le plus surpris après ce que j’ai
rencontré, c’était mon impuissance à l’expliquer et
mon incapacité à repousser les accusations et la
mauvaise foi des gens si jamais je venais à en parler.
Toutefois – et Dieu merci – j’étais en harmonie
avec moi-même, allié à mon esprit et à ma conviction,
et ceci a renforcé ma conviction qui Ronca Cham
allait tenir sa promesse et que cela ne laissait pas
l’ombre d’un doute.
Les jours et les heures se sont écoulés calmement
et paresseusement à la façon des menteurs qui se
dirigent vers la prière aussitôt que la voix du muezzin
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retentit. J’ai fini par prendre l’habitude de toujours
demander l’heure et le mois.
À l’aube d’un jour sombre, j’ai reçu à l’endroit de
ma retraite habituelle, derrière les taudis et les ruines,
la visite de mon oncle qui violait ma solitude et mes
réflexions. Je l’ai regardé comme si je revenais de
loin, et je l’ai trouvé le visage souriant, tenant à la
main une lettre qu’il m’a donnée en criant : « Loué
soit Dieu, enfin, une chose qui va te faire plaisir,
Arkâne. Il ne m’a même pas laissé le temps de la lire,
car il avait tout dit en toute vitesse. J’ai gardé le
silence et j’ai fait semblant de la lire. Et lorsque sa
voix eut cessé de se faire entendre, j’ai compris qu’il
s’agissait de l’accord de son ami en Floride, aux
Etats-Unis d’Amérique.
Mon oncle a toussoté de fierté et il m’a demandé :
« Que penses-tu de cette faveur que Dieu nous a
accordée en ce jour béni, ô Daoud6 du Najaf ?
Je l’ai regardé en essayant de sourire, mais en vain.
Je l’ai fixé essayant de partager sa joie, ne serait-ce
qu’artificiellement, mais en vain. J’avais en effet peur
de rater le rendez-vous de Ronca Cham plus que tout
l’Iraq, et j’avais oublié tout le reste. Mon oncle s’est
aperçu que sa bonne nouvelle n’a pas eu l’effet qu’il
escomptait, et il passa de la joie à la déception. C’était
comme s’il venait de tomber d’un endroit élevé. Il
sentit une grande fatigue et une perplexité mortelle. Il
me regarda et il dit avec tristesse : « Tu as été,
Arkâne, et tu es toujours – depuis que ton père – Dieu
ait son âme – a quitté ce monde, mon principal souci.
A Najaf et dans le Sud, je n’ai peur ni de l’oppression
6 C’était-là le sobriquet par lequel j’étais connu parmi mes
cousins et mes copains.
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ni de l’injustice. C’est là une politique à laquelle nous
ont habitués les gouvernants arabes et les suppôts des
Américains. Ce qui me fait peur, c’est ta
détermination, ta fierté et les risques que tu prends. Je
finis par croire qu’il ne reste plus de ta vie avec nous
que le jour où tu rencontreras les oppresseurs ou
qu’ils te rencontreront. Je me suis mis à lui donner
l’accolade et à le calmer, puis nous nous sommes
assis pour parler de nos rêves. Il planifiait son départ
et je faisais semblant de l’écouter pour ne pas le
déranger. J’ai décidé alors de le traiter par la ruse
dans l’espoir de le tranquilliser, et n’était l’espace
occupé dans mon esprit par le Rappel de Dieu, le
rendez-vous avec Ronca aurait tout dominé. Face à la
misère et aux malheurs, je ne voyais aucune issue, et
mon cœur plein de soucis, refusait l’idée de quitter un
démon agent pour aller chez un démon original. Les
ombres de démons originaux restent, en dépit des
efforts faits par la ruse pour leur donner un aspect
acceptable, des démons aux aspects dérisoires et aux
conséquences périlleuses. Les âmes purifiées par la
guidance de Dieu, remplies de la lumière de son
inspiration, ne voient guère du bien dans l’empire des
désirs et l’ennemi de la terre et du ciel – les Etats-
Unis – d’où le bien peut-il venir, alors que ce pays
instaure la débauche et cherche à semer le mal
partout. C’est une nation qui voit dans l’Islam, le
terrorisme ; dans le Livre un mirage ; dans
l’incrédulité un message ; que lutter contre
l’incrédulité est de l’ignorance ; que le libertinage est
du modernisme ; que l’agression est une politique ;
que l’industrie du mal est du progrès ; que la diffusion
de la corruption est une générosité. Une nation qui
n’appuie jamais le droit et qui ne rejette pas le mal.
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Se préparer à émigrer vers un pays ayant une telle
doctrine est chose exécrable. La mort même n’est pas
aussi exécrable pour mon cœur. Comment mais alors
vais-je accepter une chose devant laquelle la mort est
plus acceptable selon mes convictions. Qu’ai-je à
faire avec les Arabes qui ont préféré l’égarement et la
faiblesse, qui ont délaissé le Coran, qui ont remplacé
la foi par l’impiété.
« Ils ne t’interdisaient pas mutuellement les actions
blâmables qu’ils commettaient. Que leurs actions
étaient donc exécrables. Tu verras un grand nombre
d’entre eux s’allier avec les impies. Le mal qu’ils ont
commis est si pernicieux, que Dieu se courrouce
contre eux ; ils demeureront immortels dans le
châtiment. S’ils avaient cru en Dieu, au Prophète et à
ce qui a été révélé à celui-ci, ils n’auraient pas pris
pour amis les incrédules. Beaucoup d’entre eux sont
pervers » [La Table Servie, 79-81].
Ma haine de l’Amérique et tout ce qui la concerne
était suffisante pour m’interdire d’y aller. Que serait-
ce alors si l’on ajoute à cela mon envie de revoir
Ronca Cham.
Les appels de la haine et de l’amour7 me
tiraillaient et occupaient, chacun à son tour, mes
pensées ainsi que mes moments de sommeil et de
réveil. J’ai continué à repousser les désirs de mon
oncle de rapprocher le jour du départ. Je luttais contre
ses arguments et ses prétextes, en toute gentillesse
jusqu’au moment où je me suis trouvé à deux jours ou
presque du rendez-vous.
7 La haine du projet de partir en Amérique auquel mon oncle
m’oblige et l’amour de revoir Ronca Cham.
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La Soucoupe Agile
Aux premières heures du jour prévu, je hâtais le
pas vers l’endroit qui était désert de tout sauf de la
peur, plat sauf les figuiers de Barbarie, et qui était
devenu plein d’espoirs et de rêves. Je suis allé sur une
petite dune, attendant l’heure de l’arrivée de Ronca
Cham. Je suis resté ainsi un certain temps qui m’a
paru beaucoup plus long et, lorsque la fatigue était sur
le point de m’acculer au désespoir, j’ai vu une
soucoupe couleur de vin et un disque imposant,
brillant comme les lustres du ciel, qui est venu se
poser à côté de moi. Je me suis dirigé vers lui précédé
par mon envie et ma passion. Mon Dieu comme sa
rencontre était belle et beaux ses yeux. La belle fille
de Cham est apparue à la porte de l’engin, brillante et
superbe. Elle a couru vers moi en criant et en répétant
mon nom ; et j’ai couru vers elles. Nous nous sommes
rencontrés à la frontière que le Très Haut a interdit
aux croyants de dépasser. Chacun de nous a alors
voyagé dans les yeux de l’autre. Elle s’est mise à
genoux entourant mon genou avec une envie sans
borne. J’ai pensé que le royaume de la terre était entre
me mains, car je vivais des moments que toute la vie
ne peut égaliser, et des secondes que je n’échangerais
jamais contre une couronne ou un poste élevé.
Je l’ai prise par les épaules, essayant de la
rapprocher de moi, alors que ma volonté et ma
patience m’ont soudain trahi, et mes larmes ont coulé
après avoir été si longtemps retenues.
Ronca Cham a eu peur en me voyant pleurer. Ma
tristesse lui a fait de la peine. Elle a pris ma tête entre
ses mains vers son épaule, et elle a dit : « Malheur à
ma mère et à mon père, que t’est-il arrivé, mon frère
2 20
Arkâne Eddine ». Je me suis abstenu de répondre.
Elle a insisté, et j’ai dit : « Je n’ai plus de parents sauf
un pauvre oncle que le despotisme pousse à quitter
l’Iraq, et une occasion s’est présentée à lui en Floride,
aux Etats-Unis ». Elle a dit : « Pourquoi, mais alors,
ne va-t-il pas dans un autre pays arabe ou un pays
musulman, alors que ceux-ci sont nombreux et les
gens y sont aisés ». J’ai dit : « L’Iraq avec la tyrannie
de Saddam est mieux que ces pays-là. Ici, nous crions
et nous souffrons, nous nous plaignons et nous nous
affrontons. Les Arabes des autres pays ont perdu
toute sensation. Ils ne crient pas. Leur peau s’est
endurcie, ils ne souffrent plus. Ils se sont habitués aux
défaites ; ils ont choisi la faiblesse. Ils ont remplacé le
Jihad par la soumission qu’ils ont cru être l’Islam.
C’est ainsi que sont les Arabes, et comme eux sont les
Musulmans qui suivent la même voie… Je voulais
aller plus loin, je fus saisi d’un vertige semblable à un
courant auquel j’ai essayé de résister sans succès. Je
suis tombé à terre les yeux fermés. En les ouvrant, j’ai
vu Ronca au-dessus de ma tête. J’ai cru la voir pour la
première fois, et je me suis levé tout droit en lui
demandant où j’étais et quand je suis venu. Elle ne
savait quoi dire. Un profond silence régna un moment
après quoi j’ai compris que j’avais perdu
connaissance. Je l’ai regardée avec chaleur et
tendresse et je lui ai dit : « Excuses-moi, ma sœur
Ronca d’avoir trempé notre rencontre avec des
plaintes ».
Elle a répondu, ses larmes coulant sur son visage :
« Il y a dans ton for intérieur une fierté mohamédane
arabe, et j’ai bien peur qu’elle ne se manifeste avant
son heure, et tant que je suis en vie, tu ne vas pas
traverser les jours et les horreurs tout seul.