Leitmotiv

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Societe Belge de Musicologie is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap. http://www.jstor.org Societe Belge de Musicologie La problématique des leitmotive dans "Tristan und Isolde" de Richard Wagner Author(s): Marie Goffette Source: Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap, Vol. 61 (2007), pp. 127-150 Published by: Societe Belge de Musicologie Stable URL: http://www.jstor.org/stable/25486017 Accessed: 01-06-2015 23:43 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/ info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. This content downloaded from 200.145.114.22 on Mon, 01 Jun 2015 23:43:28 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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    La problmatique des leitmotive dans "Tristan und Isolde" de Richard Wagner Author(s): Marie Goffette Source: Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap, Vol. 61 (2007),

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  • La problematique des leitmotive dans Tristan und Isolde de Richard Wagner

    Marie Goffette

    (Universite de Montreal / Universite catholique de Louvain)

    Une problematique toujours actuelle

    La

    question des leitmotive chez Wagner a deja retenu 1'attention de nombreux auteurs. Beaucoup ont cherche a definir et a donner une nouvelle interpretation

    de ce procede particulier. Une etude comparative de douze auteurs ayant propose une analyse des leitmotive de Tristan und Isolde permet de mettre en evidence des

    problemes de recensement, de denomination et souleve egalement une question essentielle : les leitmotive relevent-t-ils seulement d'une categorisation semantique univoque ? Mais en fait, qu'est-ce qu'un leitmotiv ? Le New Grove propose cette definition : ? In its primary sense, a theme, or another coherent musical idea, clearly defined so as to retain its identity if modified on subsequent appearances, whose

    purpose is to represent or symbolize a person, object, place, idea, state of mind

    supernatural force or any other ingredient in a dramatic work. ?l Dans cette definition, Arnold Whitall precise qu'un leitmotiv peut reapparaitre sous une forme musicale

    inchangee ou presenter une modification de rythme, de la structure intervallique, de

    l'harmonie, de 1'orchestration ou de 1'accompagnement, et qu'il peut etre combine avec d'autres leitmotive, afin de suggerer une nouvelle situation dramatique.

    II est communement admis que Hans von Wolzogen, ami et collaborates de

    Wagner, editeur des Bayreuther Blatter et auteur des premiers catalogues de

    leitmotive, a invente et utilise pour la premiere fois le mot leitmotiv. Cette affirmation est toutefois a nuancer, comme le suggere Thomas Grey en 1996, dans sa pertinente etude historique sur 1'apparition du terme2. Avec lui, nous pouvons faire remonter la

    premiere utilisation du terme en 1860, par August Wilhelm Ambros :

    Im Grunde sind aber Wagners Opern und Liszt's symphonische Dichtungen [...] "zweierlei

    Hosen, einerlei Tuch's". Beide amalgamieren die Musik mit einem bestimmt gefafiten poetischen Inhalt, dem sie sich fugen und anpassen mufi, Beide verschmahen die herkommliche Gliederung (Andante, Scherzo u.s.w. in der Symphonie, Arie, Duett u.s.w. in der Oper) oder bringen sie nur

    1 A. Whitall, ? Leitmotiv ?, New Grove 2, vol. 14, p. 527-530. 2 T. S. Grey, ? ...wie ein rother Faden: on the Origins of "leitmotif" as Critical Construct and Musical Prac

    tice ?, in I. Bent (ed.), Music Theory in the Age of Romanticism (Cambridge, 1996), p. 187-210.

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  • 128 Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap

    in kaum noch kennbahren Andeutungen. Beide suchen die hohere Einheit des Ganzen mittelst

    durchgehender Leitmotive zu wahren, Beide treiben der poetischen Intention zu Liebe den

    musikalischen Ausdruck auf die Spitze und opfern jener Intention alles Andere, wenn es sein muB

    auch Schonheit und Wohlklang.3

    Wagner n'a jamais utilise le terme ; cependant, il y fait reference en 1879 dans De I 'application de la musique au drame, en disant: ? et il me suffit de me souvenir

    qu'un de mes jeunes amis a pris la caracteristique des Leitmotive ? ainsi nommes par

    lui ? en serieuse consideration ?4. Cette utilisation du terme par Wagner lui-meme constitue souvent une justification a l'elaboration de tentatives d'hermeneutique des leitmotive. Thomas Grey, lui, y voit une preuve de la prise de conscience du

    compositeur de la mauvaise perception 'populaire' du leitmotiv. Selon Grey, Wagner conflrmerait ? the lack of a 'theory' of leitmotivic composition, or even provisional attempts to interpret the role of leitmotifs in articulating some kind of musical

    form ?5. Dans ce meme texte de 1879, Wagner eclaircit la fonction unificatrice de ces motifs particuliers, car, tout en etablissant un lien entre les leitmotive et Faction du drame, il accorde une importance particuliere a leur aspect morphologique.

    Cette unite se manifeste alors dans un tissu de themes fondamentaux [Grundthemen], parcourant tout l'ouvrage, et qui s'opposent, se completent, se transforment, se separent et se reunissent

    comme dans le mouvement de la symphonie ; seulement ici, c'est Taction dramatique, executee et

    representee, qui regie les modalites des separations et des reunions, lesquelles [dans la symphonie] furent empruntees de tout temps aux mouvements de la danse.6

    Pour comprendre comment Wagner 'pensait en musique', il est utile de preciser

    qu'un leitmotiv est un motif court, facilement reconnaissable, memorisable et qu'il a une relation directe avec le poeme et Faction de l'oeuvre. Le leitmotiv evolue par

    repetition et se developpe en fonction du drame. Son role est double. Sa premiere fonction est de donner des points de repere a l'auditeur en rappelant des personnages, des sentiments, des idees, etc. Sa seconde fonction est de renforcer la cohesion et la structure de l'oeuvre en dessinant un lien entre les evenements musicaux, qui ne sont

    plus regis par des formes traditionnelles de l'opera. Deux fonctions elementaires caracterisent done les leitmotive : la fonction dra

    matique et la fonction structurelle. En ce qui concerne la premiere, Ernest Newman

    reconnait que le leitmotiv est le seul moyen qui ait permis de rendre le passe, le

    present et le futur intelligible dans le drame7. En effet, la fonction du leitmotiv est

    entre autres de pre voir ce qui va se passer dans Faction en avertissant l'auditeur

    d'une chose qui n'est indiquee ni dans les mots du livret, ni sur scene, au moyen

    3 A. W. Ambros, ? Der Streit um der sogenannte Zukunftsmusik ?, in Culturhistorische Bilder aus dem Mu

    sikleben der Gegenwart (Leipzig, 1860), 142-143. 4 R. Wagner, ? De l'application de la musique au drame ?, in CEuvres en prose, traduction de J. G. Prod'homme,

    12 vol. (Paris, 1907-24), XII, p. 285. 5 Grey, ?... wie ein rother Faden ?, p. 189. 6 Wagner, ? De l'application ?, p. 284. 7 E. Newman, A Study of Wagner (New York, 1899/1974), p. 243.

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  • La problematique des leitmotive dans Tristan und Isolde de Richard Wagner 129

    d'un motif orchestral faisant reference a un personnage, un objet ou un evenement

    precis.

    II est utile de definir quatre conceptions possibles du leitmotiv : ? comme motif musical qui se repete, y compris sous la forme de variations et de

    transformations ; ? comme element structurant dans le nouveau type de drame musical propose par

    Wagner, a partir de la Tetralogie ; ? comme procede qui invite l'auditeur a etablir des liens entre ce qu'il a deja

    entendu et ce qui va venir ; ? comme forme a fonction semantique, jouant un role (a determiner) par rapport

    a Faction, au drame et a 1'intrigue.

    L'evolution du statut du leitmotiv chez Wagner

    II

    est interessant de retracer revolution du procede du leitmotiv pour comprendre comment ce dernier a gagne une importance manifeste dans l'oeuvre du com

    positeur. II faut insister sur le fait que Wagner n'a evidemment pas utilise la tech

    nique du leitmotiv des ses premieres compositions : 1'apparition du systeme des leitmotive est le fruit de reflexions et de maturation. Des son premier opera Die

    Feen, Wagner prepare sa conception du drame musical et evolue dans sa maniere d'utiliser les motifs musicaux. Les musicologues s'accordent en general a conside rer que c'est seulement a partir du Ring des Nibelungen et done des annees 1850, que les leitmotive acquierent une importance semantique et structurelle systemati que. Wagner developpe alors les leitmotive tout au long de l'oeuvre ?tel un reseau

    dense, en sorte qu'ils soient presque omnipresents ?8. Ce n'est done qu'a partir de la Tetralogie que Ton peut veritablement parler de leitmotive car, comme l'affirme

    Dahlhaus :

    Depuis VOr du Rhin, la forme musicale chez Wagner est moins fondee sur la syntaxe que sur les motifs : l'ensemble des relations entre les motifs s'etend, tel un reseau, sur toute la Tetralogie et

    doit, en donnant forme a 1'ceuvre, suppleer a la syntaxe reguliere, a la division en periodes, dont la differenciation fonctionnelle garantissait leur integration formelle. En d'autres termes, ce reseau

    de motifs doit remplacer la syntaxe reguliere, ou compenser sa destruction et la justifier.9

    Nous ne parlerons pas du traitement des motifs dans les oeuvres de jeunesse de

    Wagner ? Die Feen (1833-34), Das Liebesverbot (1835) et Rienzi (1838-40)

    ? dans

    lesquelles le compositeur s'impregne de son epoque et en reproduit pleinement l'es

    thetique musicale. Dans Une communication a mes amis (1851), Wagner dit ? dans ma Defense d'aimer, j'avais pense ingenument a 1'imitation de la moderne cantilene italienne ? ou encore ? dans Rienzi, partout ou le sujet [considere au point de vue

    musical] ne me determinait pas deja a decouvrir [du nouveau], ce fut le melisme

    8 C. Dahlhaus, Les Drames musicaux de Richard Wagner (Liege, 1994), p. 112. 9 Ibid.

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  • 130 Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap

    franco-italien des operas de Spontini qui me determina ?10. Lorsque Lavignac aborde la question des leitmotive, il souligne que Wagner ne semblait pas leur accorder une grande attention dans ses oeuvres de jeunesse et que ce n'est qu'a partir de Der

    fliegende Hollander qu'on peut en entrevoir une premiere modeste application11. Dans Der fliegende Hollander, la technique des motifs est en effet assez limitee

    par rapport aux oeuvres de maturite, c'est-a-dire a partir de la Tetralogie. Wagner propose deja un ensemble de motifs fondamentaux qui parcourent l'opera, mais qui ne sont pas encore essentiels a la technique de composition, meme s'il est possible de les percevoir assez facilement12. En effet, les motifs musicaux ne determinent pas encore la forme de l'oeuvre, ils jouent davantage le role des motifs de reminiscence, se limitant a evoquer Faction dramatique, a proposer des rappels. Les motifs de reminiscence sont a distinguer des leitmotive, car ils tendent davantage a ponctuer le dessin musical qu'a procurer un lien conducteur entre les motifs thematiques13. Le pouvoir dramatique de ces motifs est done deja manifeste, mais le role structurel n'existe pas encore.

    En ce qui concerne Tannhduser, Dahlhaus precise qu'il s'agit d'un opera et non d'un drame musical. Dans cette oeuvre, le langage musical de Wagner n'a pas encore un niveau suffisant pour permettre un emploi systematique du leitmotiv, car il n'est pas encore possible de distinguer clairement une analogie musicale

    ? par

    consequent une intention allegorique ? d'une similarite melodique fortuite14.

    Neanmoins, Lavignac releve deja cinq leitmotive dans Tannhduser, qu'il nomme ? motifs typiques nettement caracterises ?15. II reconnait cependant que, comme dans

    Lohengrin, oeuvre dans laquelle il en releve neuf, leur application est occasionnelle, et meme reservee aux scenes les plus importantes. Dahlhaus nuance ce point de

    vue en soutenant, par exemple, que les citations de la musique du Venusberg ?

    qui ne sont d'ailleurs pas individualisees

    ? assurent la fonction des leitmotive ? en

    rappelant le passe et en creant des liens psychologiques et allegoriques entre les differentes parties du drame ?, mais ne sont pas encore de reels leitmotive, car elles ? semblent etre inserees de l'exterieur dans le texte musical plutot que d'en former la substance ou le fondement ?16. Ces motifs attirent done l'attention, mais ne font

    pas encore partie de la structure musicale, meme s'ils acquierent de plus en plus

    d'importance dans l'ecriture de Wagner. Les motifs musicaux de Lohengrin evoluent encore vers un autre stade : en plus

    de jouer un role dramatique et allegorique, ils commencent a prendre de 1'importance dans 1'architecture de la partition, mais ? ils apparaissent comme des "eclats" dans la

    structure periodique, ossature de la forme musicale. [...] En consequence, la liaison

    10 R. Wagner, ? Une communication a mes amis ?, in CEuvres en prose, traduction de Prod'homme, VI,

    p. 148. 11 A. Lavignac, Le Voyage artistique a Bayreuth (Paris, 1897), p. 266. 12 Dahlhaus, Les Drames musicaux, p. 24. 13 Whitall, ? Leitmotiv ?, p. 527. 14 Dahlhaus, Les Drames musicaux, p. 37. 15 Lavignac, Le Voyage artistique, p. 266.

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  • La problematique des leitmotive dans Tristan und Isolde de Richard Wagner 131

    des "elements melodiques" semble fondee dans "1' intention poetique" et non dans un principe formel musical abstrait ?17. Cependant, Dahlhaus distingue les motifs de

    Lohengrin des veritables leitmotive de la Tetralogie par la conservation de la carrure

    rythmique du phrase musical qui sera totalement bannie par le compositeur dans ses oeuvres de maturite : ? Les motifs principaux [de Lohengrin] sont tous exposes comme des periodes regulieres et completes en soi, avec leurs deux sous-periodes, les ecarts a cette norme etant insignifiants ?18.

    Cette evolution vers la 'maturite' des leitmotive correspond a la construction de la conception generale des drames musicaux de Wagner. En effet, le principe de base du compositeur etait qu'aucun progres n'etait possible sans renover l'opera tel qu'il existait a son epoque, en Allemagne et ailleurs19. Soulignons qu'une des

    grandes revolutions de l'esthetique wagnerienne consiste a abolir les numeros et les airs de l'opera traditionnel au benefice de scenes, permettant une coherence des elements hybrides d'un point de vue formel, par leurs enchevetrements et leurs

    complementarites, et cela grace a 1'utilisation du procede des leitmotive. Cette idee de reseau de leitmotive s'etendant sur tout le drame et assurant la coherence formelle de l'oeuvre par un jeu d'assimilation, de developpement et de complementarite ne

    fait que souligner une idee maitresse du drame wagnerien : arriver a une interaction et une alliance (et non fusion) de Taction scenique, du poeme et de la musique. Dans De I 'application de la musique au drame, Wagner affirme : ? La science

    esthetique a pose, de tout temps, Vunite comme la condition principale exigee d'une oeuvre d'art. [...] II est incontestable que la meilleure facon d'y arriver est le drame

    represente vivant; aussi n'hesitons-nous pas a le considerer comme l'oeuvre d'art le

    plus achevee. ?20

    Cependant, Wagner se trouve devant un double probleme dans l'etablissement de sa vision du drame musical : ? la limitation et la richesse des leitmotive ?21. La limitation est necessaire pour assurer une certaine ecomprehension, et la

    richesse est essentielle afin de couvrir 1'ensemble du drame. Wagner surmonte ce

    probleme en utilisant ? la technique de la deduction des motifs ? ainsi nommee par Dahlhaus22, c'est-a-dire qu'il part d'un nombre restreint de motifs qu'il developpe ensuite a souhait. Cette technique procure alors un autre element primordial pour la comprehension : ? Ce qui est complexe et ramifie doit etre rendu intelligible au

    sentiment, etant donne qu'il a ete compose a partir de la simplicite ; et par le fait

    qu'un auditeur reconnait l'origine d'un leitmotiv, il en comprend le sens et le contenu

    metaphorique. ?23

    16 Dahlhaus, Les Drames musicaux, p. 39. 17

    Ibid.,p. 113. 18 Ibid., p. 52. 19 H. M. Brown, Leitmotiv and Drama. Wagner, Brecht, and the Limits of Epic Theater (Oxford, 1991), p. 32. 20 Wagner, ? De 1'application ?, p. 283. 2' Dahlhaus, Les Drames musicaux, p. 121. 22 Ibid. 23 Ibid., p. 122.

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  • 132 Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap

    Comme Hilda Brown24 le mentionne, Wagner trouve egalement l'inspiration de sa technique des leitmotive aupres des auteurs dramatiques comme Lessing (1729 1781) et Schiller (1759-1805), pour concevoir la relation entre musique et drame.

    Lessing aurait inspire la vision de Gesamtkunstwerk a Wagner, seulement d'un point de vue theorique, alors que Schiller serait passe de la theorie a la pratique. Tout comme Wagner, Lessing pensait que seul l'opera pouvait permettre a la poesie et a la

    musique d'acquerir une unite totale. II considerait que l'orchestre pouvait endosser le role de commentateur comme dans les choeurs grecs des tragedies antiques et defendait egalement le role de la repetition de materiels thematiques avec des associations dramatiques ayant pour effet de devoiler ? hinter das Geheimnis des Ausdrucks ?25. Wagner retient deux grandes legons des experimentations de ces

    deux partisans allemands de la forme du drame :

    First, this botched attempt [...] to bring musical-choric elements together with drama made a

    successful attempt at further amalgamation with the drama as starting-point look increasingly unviable. Secondly, problems were bound to arise if a composer was called in to compose music

    for a drama that was already complete.26

    Wagner n'a evidemment pas applique a la lettre les reflexions de Lessing et Schiller ? il ne s'inspirera par exemple pas de Lessing pour sa conception du role de la musique dans le drame (Wagner recherche une communion de la musique et du drame, grace a la voie ouverte par Beethoven et ses symphonies27)

    ? mais il s'est fortement inspire du Zeitgeist. En fait, selon Brown, le developpement de la technique des leitmotive derive principalement ? from a largely subconsciously determined method of presenting perspectival commentary which has been a notable,

    though scarcely noted, feature ofthe literary form since Shakespeare ?28.

    Bryan Magee insiste sur le changement d'attitude de Wagner, apres qu'il a

    compose la Tetralogie. Selon lui, le compositeur etait devenu une personne differente dans sa maniere d'envisager la musique, la composition et son approche musico

    dramatique. C'est a partir de cette periode que Wagner songea a une theorie de

    l'opera comme un tout et a des perspectives philosophiques essentielles29. Les leitmotive de la Tetralogie30 ne sont cependant pas les leitmotive de Tristan,

    des Meistersinger ou de Parsifal. Les deux fonctions essentielles ?

    dramatique et

    structurelle ? sont maintenues, mais alors que les leitmotive de la Tetralogie sont

    comparables aux elements structured d'une architecture, ceux de Tristan und Isolde

    sont davantage comparables ? aux fils d'un tissu, apparaissant, disparaissant et

    s'effilochant ?31. Ces relations d'enchevetrements, de developpements, d'oppositions et de transformations sont a mettre en perspective avec la conception esthetique de la

    forme musicale chez Wagner. En effet, le style leitmotiv/transition est specifique a la

    24 Brown, Leitmotiv and Drama, p. 38. 25

    Ibid.,p. 35. 26 Ibid., p. 39. 27 Ibid., p. 36. 28 Ibid., p. 60. 29 B. Magee, 77ie TWstaM CAoraf. tffrg?er a?

  • La problematique des leitmotive dans Tristan und Isolde de Richard Wagner 133

    partition de Tristan. Nous avons deja enonce le pouvoir structurel des leitmotive, et

    dans Tristan, nous avons le meilleur exemple du principe de l'? art de la transition ?.

    Wagner en parle clairement dans une lettre ecrite a Paris le 29 octobre 1859, a

    Mathilde Wesendonck :

    Je reconnais maintenant que la particuliere texture de ma musique (toujours, cela va sans dire,

    dans son etroite liaison avec le dessin poetique), ce que mes amis considerent comme si nouveau

    et si important, doit son enchainement a la sensibilite extremement fine qui me dispose a concilier, a relier intimement toutes les phases de transition entre les etats d'ame extremes. Mon art le

    plus subtil et le plus profond, je voudrais pouvoir l'appeler l'art de la transition, car tout mon

    oeuvre artistique est compose de telles transitions : la brusquerie, les heurts me sont devenus

    antipathiques ; souvent ils sont inevitables et necessaires, mais alors meme on ne doit les employer

    que si l'etat d'ame est assez formellement prepare a cette brusque transition pour la reclamer de

    lui-meme. Mon chef-d'oeuvre dans l'art subtil de la gradation est sans doute la grande scene

    du 2e acte de Tristan et Isolde. Le debut de la scene exprime la vie debordante en ses passions les plus vehementes ; la fin, le desir le plus solennel, le plus profond, de la mort. Ce sont la les

    piliers : voyez un peu maintenant, mon enfant, comment je les ai relies, comment l'on passe de

    l'un a l'autre ! La git le mystere de ma forme musicale, et, je l'affirme hardiment, jamais pareil

    accord, pareille ordonna[n]ce ou se disposent clairement tous les details, n'avait jusqu'a ce jour ete seulement pressentie. Si vous saviez combien ce sentiment directeur m'a inspire d'inventions

    musicales, ?

    pour le rythme, le developpement harmonique et melodique, ?

    qui m'etaient

    impossibles auparavant, vous comprendriez mieux que jamais comment, meme dans les branches

    les plus speciales de l'art, rien de vrai ne s'invente qui ne soit issu de telles grandes causes...

    Voila l'art!32

    Les leitmotive de la Tetralogie et de Tristan sont concis et expressifs, alors que dans les Meistersinger, oeuvre dans laquelle Wagner porte a la scene une lutte entre

    l'art nouveau et l'art traditionnel, ils suivent 1'esthetique generate de cette oeuvre

    particuliere. En effet, Wagner montre un desir de reintroduire le passe dans sa

    musique. II illustre cette volonte d'un certain archai'sme en renongant au chromatisme

    qui lui etait si cher (sauf dans les voix secondaires), et du point de vue formel, chose nouvelle, il reprend les canevas de l'opera 'traditionnel' qu'il avait bannis de ses compositions anterieures. Par exemple, chaque acte se termine par un finale en

    masse, ce qui n'est pas sans rappeler la particularite du grand opera. Dahlhaus nuance ce retour a l'opera 'classique' en insistant sur le fait que cela ne veut pas dire que

    Wagner ait renonce a sa conception du drame musical, mais plutot qu'il maitrisait assez le caractere dramatique de sa musique et sa capacite a en livrer le contenu

    dramatique que pour l'inserer dans une autre forme que le drame musical33. L archai'sme musical introduit par Wagner dans les Meistersinger se retrouve

    done dans le traitement des leitmotive :

    30 Notons qu'une evolution de la technique des leitmotive est egalement perceptible dans la Tetralogie. Ce che minement est evident, puisque Wagner composa le Ring tout au long de sa vie, et qu'il interrompit Siegfried apres le deuxieme acte, pour composer Tristan et les Meistersinger.

    3' Dahlhaus, Les Drames musicaux, p. 69. 32 R. Wagner, Richard Wagner a Mathilde Wesendonk : Journal et Lettres 1853-1871, traduction originale de

    G. Khnopff, completee par S. Mazur, edition revue et augmentee par Ch. Rault (Paris, 1986), p. 193. 33 Dahlhaus, Les Drames musicaux, p. 81.

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  • 134 Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap

    Les leitmotive [...] se rassemblent en themes dans Les Maitres chanteurs, ou s'etendent en

    melodies, sans que l'on puisse pertinemment decider si le motif est un fragment de la melodie

    ou, au contraire, si la melodie est une extension du motif. [...] Les motifs n'etant pas des

    formules figees, mais plutot mouvantes, des parties interchangeables de themes et de melodies, ils permettent qu'a l'interieur de chaque scene, un reseau dense de relations entre les motifs relie

    les themes l'un a l'autre.34

    Dans Parsifal, le traitement des leitmotive est a rapprocher de la volonte du com

    positeur de proposer une synthese de ses drames anterieurs. II n'est en effet pas ano din de retrouver une part de Venus en Kundry, un air de Siegfried en Parsifal, etc. Nous ne pouvons ici relever les nombreux paralleles existants, mais il est en tout cas evident que Parsifal a un lien direct avec Tristan und Isolde. N'oublions pas que

    Wagner avait eu l'idee de provoquer la rencontre de Parsifal a la quete du Graal, et de Tristan mourant35. Ces quelques comparaisons entre les drames anterieurs et

    Parsifal montrent que Wagner souhaite plus que jamais faire preuve de clarte vis-a vis des auditeurs dans le souci d'une comprehension la plus entiere possible. Ainsi, les leitmotive de Parsifal sont souvent presentes de fagon precise et facile a memo riser. Selon Dahlhaus, Wagner ne se contente habituellement pas de ? commenter

    uniquement par le poeme, par un bout de narration, les motifs musicaux lors de leur

    exposition. II cherchait, si possible, une representation scenique du sens musical. Et la representation visible ne doit pas necessairement etre une action, mais peut etre un tableau ?36. En d'autres termes, lorsqu'un leitmotiv se fait entendre, il ne s'agit pas necessairement de sa reelle exposition, puisqu'il prend pleinement son sens lorsqu'il est combine avec un element scenique. Magee remarque que dans cette oeuvre, ? mu

    sic-drama is now beginning to approach the condition of orchestra-drama ?37. Nous avons tente d'ebaucher les grandes caracteristiques des leitmotive dans

    les oeuvres de Wagner, tout en etant conscient que ces quelques lignes meriteraient d'etre considerablement nuancees et developpees. Les leitmotive de chaque oeuvre ont des fonctions complexes et ne repondent pas a des categorisations univoques.

    Une etude preliminaire

    Apres

    avoir examine revolution du statut du leitmotiv chez Wagner, nous allons nous interesser au probleme du recensement et des divergences de denominations

    des leitmotive dans Tristan und Isolde, en abordant plusieurs auteurs. Les douze auteurs sur lesquels cette etude est fondee ont propose une analyse

    complete des leitmotive de Tristan, illustree de commentaires et d'extraits musicaux. Hans von Wolzogen propose une premiere analyse en 1880 et recense trente-cinq leitmotive38. Son but etait de realiser un guide thematique a l'usage des auditeurs.

    34 Ibid, p. 83-84. 35 Wagner, Richard Wagner a Mathilde, p. 162. 36 Dahlhaus, Les Drames musicaux, p. 156. 37 Magee, The Tristan Chord, p. 275. 38 H. von Wolzogen, Fuhrer durch Richard Wagners Tristan und Isolde. Ein thematischer Leitfaden durch

    Dichtung und Music (Leipzig, [1880]).

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  • La problematique des leitmotive dans Tristan und Isolde de Richard Wagner 135

    L'analyse de Maurice Kufferath, futur directeur du Theatre Royal de la Monnaie a

    Bruxelles, date de 1894 ? annee de la creation beige de Tristan

    ? et en denombre

    trente-quatre39. Charles Cotard recense 223 leitmotive en 189540. Cette analyse est tres riche pour etudier les transformations, les enchainements, ainsi que les relations

    particulieres des motifs avec le poeme du drame. L'etude incontournable de Lavignac en 1897 etablit une liste de vingt-neuf leitmotive, suivie de sept autres secondares41. En 1915, Gustave Kobbe en etablit vingt-six42. Andre Georges fonde une etude

    historique, critique et musicale de la partition et denombre quatre-vingt-deux leitmotive, traits et motifs particuliers en 192243. L'analyse de Donald Francis Tovey figure dans un recueil de ses notes de programmes ecrites entre 1935 et 193944. Elle est tres courte, mais aborde tout de meme les grandes caracteristiques de Tristan. L'auteur releve huit motifs dont il ne donne pas de denomination. Jacques Bourgeois propose une liste de douze leitmotive en 1959, nombre qui peut etre eleve a vingt six, lorsque l'on comptabilise les differents motifs qu'il mentionne dans son texte45. Les leitmotive sont au nombre de soixante dans l'etude de Jacques Chailley en

    1962-6346. Edouard Lindenberg presente une classification particulierement interes sante en 197447. II propose un repertoire de huit veritables leitmotive fondamentaux, quatre motifs resultant de la transformation des leitmotive fondamentaux, dix grands motifs et deux airs. En 1981, Dominique Jameux livre un ? Commentaire musical ? dans LAvant Scene Opera consacre a Tristan et recense quarante leitmotive48. Et

    finalement, Frangois Grandsir en releve trente-trois en 198849.

    Etude comparative des analyses motiviques de Tristan und Isolde

    Un premier probleme surgit de cette etude comparative : la divergence de

    recensement des leitmotive. En effet, leur nombre varie considerablement d'un auteur a l'autre. Ces variations dependent bien evidemment de la definition que chaque auteur attribue au leitmotiv. En parcourant les differentes analyses, on se rend

    39 M. Kufferath, Guide thematique et Analyse de Tristan et Iseult (Paris, 1894). 40 C. Cotard, Tristan et Iseult. Essai d 'analyse du drame et des leitmotifs (Paris, 1895). 41 Lavignac, Le Voyage artistique. 42 G. Kobbe, Wagner's Music-Dramas Analysed with the Leading Motives (New York, 1915). 43 A. Georges, Tristan et Isolde de Richard Wagner: etude historique et critique. Analyse musicale (Paris,

    1922). 44 D. F. Tovey, Essays in Musical Analysis (London

    - New York - Toronto, 1956), (7e ed.), vol. IV, p. 124-126. 45 J. Bourgeois, Richard Wagner (Paris, 1959 ; reed. 1976). 46 J. Chailley, Tristan et Isolde de Richard Wagner (Paris, 1962-63). 47 E. Lindenberg, Analyse thematique de Tristan et Iseult de Richard Wagner. Livret accompagnant l'enregis

    trement ? La Voix de son maitre ? dirige par Wilhelm Furtwangler, EMI, 1974. 48 D. Jameux, ? Commentaire musical ? in C Merlin (ed.), Tristan et Isolde. Wagner (Paris, 1981 ; ? L'Avant

    Scene Opera ? 34-35), p. 12-111. 49 F. Grandsir, ? Commentaire ?, in M. Pazdro (ed.), Guide des operas de Wagner. Livrets, analyses, discogra

    phies (Paris, 1988).

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  • 136 Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap

    compte qu'il faudrait distinguer les leitmotive reels de certains themes ou phrases particulieres. La difference entre un leitmotiv et un motif ou theme musical peut se

    marquer en tenant compte de certains criteres, dont la repetition qui est necessaire

    pour identifier un leitmotiv ; l'individualite, car un leitmotiv se distingue d'un groupe de motifs dans lequel tous les themes peuvent faire reference a quelque chose de

    particulier50 ; la presence de developpement: par developpement nous entendons modifications de plusieurs parametres comme la melodie, le rythme, l'harmonie, l'intensite, le timbre, la melodie, la longueur, la carrure rythmique soulignee par

    Dahlhaus51. Ce critere de developpement est fondamental. Afin d'etablir une base de comparaison raisonnable des leitmotive recenses par

    les auteurs et en se fondant sur le critere de la recurrence des motifs d'une analyse a une autre, il est possible d'etablir une grille commune qui comprend trente-deux leitmotive. Nous n'excluons cependant pas la pertinence de certains leitmotive non

    partages par la majorite des auteurs. Cet aspect de la problematique des leitmotive sera approfondi dans une etude ulterieure. Ce nouveau recensement nous mene a un second probleme, celui de la denomination de ces motifs particuliers, que nous aborderons a la fin de la presente contribution.

    Chaque auteur, a 1'exception de Tovey52, a donne sa propre denomination aux differents motifs releves, en fonction du poeme du drame. Les auteurs ont done

    pris pour acquis que chaque leitmotiv vehicule une idee specifique, generalement univoque. La dimension semantique53 est dominante dans leurs differentes

    interpretations. Dahlhaus souligne :

    La methode qui consiste a attribuer aux leitmotive wagneriens des noms les identifiant de fagon rigide est aussi discutable qu'inevitable : discutable parce que la traduction d'une expression musicale a

    l'aide de termes n'est jamais adequate ? et si elie l'etait, la musique serait condamnee ?; et

    inevitable, car l'idee d'une comprehension instinctive d'un motif musical, sans recourir au langage, est illusoire. Si le nom donne a la chose n'est qu'a moitie satisfaisant, il est cependant le seul

    moyen d'y acceder. Mais la signification d'un motif se ramifie, et si Ton veut comprendre ces

    ramifications, on doit partir d'une representation de base et puis la differencier petit a petit. La

    richesse infinie de la comprehension instinctive, vers laquelle tendait Wagner, ne se revele pas de

    prime abord mais, au mieux, a un second degre, lorsqu'elle se combine a la reflexion.54

    Avant de proceder au recensement des diverses denominations attributes aux

    trente-deux leitmotive selectionnes, il est utile d'expliciter notre demarche. Les

    leitmotive sont presentes en suivant la chronologie de Tristan und Isolde. Le

    probleme de la divergence des denominations des leitmotive faisant l'objet de cette

    section, les motifs ne comportent pas de designations particulieres, a moins que tous les auteurs aient propose une meme 'etiquette'. Dans ce cas, la designation commune est indiquee. Une parenthese accompagne chaque leitmotiv et permet de

    50 Dahlhaus, Les Drames musicaux, p. 38. 51 Ibid., p. 52 52

    Ci-apres note s[ans] n[om]. 53 Nous entendons par semantique les ? associations verbales et conceptualises avec la musique ?, in

    J.-J. Nattiez, La Musique, la recherche et la vie : un dialogue et quelques derives (Montreal, 1999), p. 53. 54 Dahlhaus, Les Drames musicaux, p. 67.

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  • La problematique des leitmotive dans Tristan und Isolde de Richard Wagner 137

    voir combien d'auteurs, sur les douze etudes comparees, ont recense le motif etudie. Le nom des auteurs est fourni sous 1'extrait musical, a moins que le motif ait ete recense par tous. Lorsqu'il y a une divergence de denominations, les designations sont presentees dans une liste aussi explicite que possible.

    Motif 1 (12/12), Prelude de l'Acte I

    1 motif: ? Desir : Chailley, Grandsir ? Amour : Georges ? s. n. : Tovey 2 motifs :

    ? Aveu + Desir : Lavignac, Bourgeois, Jameux ? Aveu + Philtre : Cotard ? Douleur + Desir : Wolzogen

    1 motif divise : ? Desir ou Philtre (Souffrance de Tristan + Desir de Tristan ou Iseult) : Kufferath ? Philtre (Motif de Tristan + Motif d'Isolde): Kobbe ? Malheur de Tristan ( ? est noye dans le Desir ?) : Lindenberg Nous pouvons alors etablir trois 'families': ? Desir : Chailley, Grandsir, Georges (si Amour

    = Desir)

    ? Aveu + Desir : Lavignac, Bourgeois, Jameux, Cotard (si Philtre =

    Desir) ? Douleur + Desir : Wolzogen, Kufferath, Lindenberg (si Douleur

    = Malheur =

    Souffrance) et Kobbe (si Tristan =

    Souffrance, et Isolde =

    Desir)

    Motif 2 (8/12), Prelude de l'Acte I

    * sf Piuf ff>P

    ? Motif de Tristan : Wolzogen, Lindenberg ?

    Rapport au Desir : ? Forme expressive du Motif du Desir ? : Kufferath ? Elan du Desir vers l'lnfini ? : Georges ? [Variations du] Desir ? : Grandsir

    ? ? Variation sur le Motif d'Isolde ? : Kobbe ? Passion revelee : Cotard ?

    Appel irresistible : Chailley

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  • 138 Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap

    Motif 3 (12/12), Prelude de FActe I: Le Regard

    P -JlLsas._. -. ~

    / fc/w?. > p

    Motif 4 (8/12), Prelude de FActe I

    f dim..- p -

  • La problematique des leitmotive dans Tristan und Isolde de Richard Wagner 139

    Motif 7 (11/12), Acte I, scene 1

    S

    ? Mer : Wolzogen, Cotard, Lavignac, Georges, Bourgeois, Lindenberg, Jameux, Grandsir. Kobbe parle de ? Motif de l'Ocean ?.

    ? Lied a la bien-aimee absente : Kufferath ? Chanson du Matelot (injure a Isolde): Chailley

    Motif 8 (9/12), Acte I, scene 1 : La Colere

    f dim.-. p

    Recense par Wolzogen, Kufferath, Cotard, Lavignac, Georges, Chailley, Lindenberg, Jameux et Grandsir. Kufferath et Jameux precisent qu'il s'agit de la ? Colere d'Isolde ?.

    Motif 9 (10/12): Acte I, Scene 1 : Motif de la Mort

    Recense par Wolzogen, Kufferath, Cotard, Lavignac, Kobbe, Georges, Chailley, Lindenberg, Jameux et Grandsir. Cotard et Jameux divisent le motif en deux : ? Mort de Tristan et Mort [? Douleur ? pour Jameux] d'Isolde ?. Chailley precise qu'il s'agit de l'? Appel a la Mort? et Kufferath parle de ? Theme de la Mort ?.

    Motif 10 (10/12), Acte I, Scene 2 : la Gloire a Tristan

    ?^f cff|t r r |f r f|r=

    Recense par Wolzogen, Kufferath, Cotard, Lavignac, Kobbe, Georges, Bourgeois, Chailley, Lindenberg et Grandsir. Kufferath nomme le motif ? Heroi'sme de Tristan ? et Grandsir l'appelle ? Salut a Tristan-Heros ?.

    Motif 11 (10/12), Acte I, Scene 3

    __^ y 3 dim

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  • 140 Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap

    ? Tristan blesse : Wolzogen, Cotard, Lavignac, Georges, Bourgeois, Lindenberg, Grandsir

    ? Detresse de Tristan : Kufferath ? Tristan gueri par Isolde : Chailley, Jameux

    Motif 12 (11/12), Acte I, Scene 5

    ? Heros : Wolzogen, Cotard. Lavignac et Lindenberg precisent ? Tristan heroi'que ?

    et Bourgeois parle de ? lugubre heroi'sme ?. ? Theme du Destin : Kufferath ? Phrase de 1'Entree du Chevalier : Georges ? Tristan insoumis : Chailley ? Jameux recense deux motifs : ? Commandement d'Isolde et Insoumission de

    Tristan ? ? Desir de Mort: Grandsir ? s. n. : Kobbe

    Motif 13 (11/12), Prelude de l'Acte II: Motif du Jour

    Recense par Wolzogen, Kufferath, Cotard, Lavignac, Kobbe, Georges, Bourgeois, Chailley, Lindenberg, Jameux et Grandsir. Kufferath precise ?Theme du Jour ennemi ?.

    Motif 14 (11/12), Prelude de l'Acte II

    p

    ? Impatience: Wolzogen, Kufferath, Cotard, Lavignac, Kobbe, Lindenberg. Bourgeois precise : ? Passage d'lmpatience et d'Emotion grandissante ?.

    ? Attente : Jameux, Grandsir. Chailley parle d'? Attente impatiente ? et Georges recense ? Attente, Ardeur ?.

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  • La problematique des leitmotive dans Tristan und Isolde de Richard Wagner 141

    Motif 15 (11/12), Prelude de l'Acte II

    ? Appel d'Amour : Wolzogen, Lindenberg

    ? Attente : Cotard. Chailley precise ? Attente amoureuse et Appel d'Amour ?. ? Ardeur: Lavignac, Kobbe, Bourgeois, Jameux, Grandsir. Kufferath precise

    ? Ardeur amoureuse d'lseult ?. Georges parle de ? Desir ardent d'Amour ?.

    Motif 16 (9/12), Prelude de l'Acte II

    * ff ^ ? Elan passionne : Lavignac, Kobbe ? Felicite : Wolzogen. Chailley et Georges precisent ?Felicite passionnee?.

    Grandsir parle de ? Felicite passionnee ou Mort d'Amour ?. ? Extase : Lindenberg ?

    Accomplissement d'Amour : Jameux ? s. n. : Tovey

    Motif 17 (10/12), Acte II, Scene 2

    ? Chant d'Amour : Wolzogen, Cotard, Lavignac, Georges, Bourgeois ? Amour : Kobbe ? Passion fatale : Kufferath ? Felicite amoureuse : Jameux ?

    Chailley parle de ? meme sens que la Felicite passionnee ? ? Soumission a 1'Amour : Grandsir

    Motif 18 (8/12), Acte II, Scene 2

    8 ? Interlude instrumental: Kufferath ? Invocation a la Nuit: Cotard, Lavignac, Bourgeois, Lindenberg ?

    Hymne a la Nuit: Georges, Chailley, Grandsir

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  • 142 Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap

    Motif 19 (10/12), Acte II, Scene 2

    pp

    ? Assoupissement: Wolzogen

    ? Felicite : Kufferath, Cotard, Lavignac, Kobbe, Lindenberg ?

    Repos dans la Nuit: Chailley, Jameux, Grandsir ?

    Repos dans 1'Amour : Georges

    Motif 20 (11/12), Acte II, Scene 2 : Motif du Chant de Mort

    fyn jij.JlaiJjJy i 8 Recense par Wolzogen, Kufferath, Cotard, Lavignac, Kobbe, Georges, Bourgeois, Chailley, Lindenberg, Jameux et Grandsir. Jameux precise qu'il s'agit de ? La Mort d'Amour ?.

    Motif 21 (9/12), Acte II, Scene 2

    ? Extase : Wolzogen, Cotard, Kobbe. Bourgeois parle de ? Melodie de Bonheur et d' Extase ?.

    ? Grupetto expressif: Kufferath

    ? Transfiguration par 1'Amour : Georges, Jameux

    ? Apotheose : Grandsir

    ? Appel a la Nuit: Chailley

    Motif 22 (10/12), Acte II, Scene III

    P ~^ZYZ f Zl=^=~- dim p P-.-.-f~_* ?-P

    ? Chagrin : Wolzogen ; Cotard, Kobbe, Lavignac precisent: ? Chagrin de Marke ?

    ? Plainte : Georges ; Kufferath precise : ? Plainte du vieux Roi Marke ? ? Douleur du Roi Marke : Bourgeois ?

    Interrogation de Marke : Chailley, Jameux ? Deuil de Marke : Lindenberg

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  • La problematique des leitmotive dans Tristan und Isolde de Richard Wagner 143

    Motif 23 (10/12), Acte II, Scene 3

    ? Motif de Marke : Wolzogen, Cotard, Kobbe, Georges, Lindenberg ? Theme douloureux derive de la ? Plainte du vieux Roi Marke ? : Kufferath ? Consternation : Lavignac. Jameux precise ? Consternation de Marke ?. ? Plainte de Marke : Chailley ?

    Nostalgie de Tendresse : Grandsir

    Motif 24 (9/12), Prelude de l'Acte III

    1 motif: ? Detresse d'Amour : Kufferath ? Solitude : Lavignac, Chailley, Lindenberg, Jameux ? s.n. : Kobbe

    2 motifs ? Fatal ite + Impression d'Abandon : Cotard ? Perte + Abandon : Grandsir ? Gemissement du Quatuor + Regard melancolique qui se perd a 1'Horizon : Georges

    Motif 25 (9/12), Prelude de l'Acte III

    p sehrweich ?==-Z pococresc. ^=-=rrr fdimp

    ? Privation d'Amour : Wolzogen, Cotard ? Detresse de Tristan : Lavignac, Kobbe, Georges, Chailley, Jameux, Grandsir.

    Kufferath precise ? Desesperance de Tristan ou Desir de Mort ?.

    Motif 26 (9/12), Prelude de l'Acte III

    p-*=^Zf ~_? " -P crest-'--jP^'etc.

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  • 144 Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap

    ? Chanson (ou Melopee) plaintive du Patre : Wolzogen, Kufferath, Georges, Chailley. Cotard parle de ? Longue et Plaintive Melodie ? et Kobbe de ? Chant du Chagrin du Berger ?.

    ? Tristesse : Lavignac. Bourgeois precise ? Melodie d'une Tristesse infinie ?. ?

    Melopee du Cor anglais : Grandsir

    Motif 27 (7/12), Acte III, Scene 1

    ^ p cresc

    ? Joie de Kurwenal : Kufferath, Georges ?

    Allegresse de Kurwenal : Lavignac ? Exaltation de Kurwenal : Chailley, Grandsir ? Theme lie au Personnage de Kurwenal : Bourgeois ? Motif plein d'Animation : Cotard

    Motif 28 (9/12), Acte III, Scene 1 : Motif de Kareol

    Wolzogen, Kufferath, Cotard, Lavignac, Kobbe, Georges, Bourgeois, Chailley et Grandsir. Kobbe parle de ? Fidelite de Kurwenal ?.

    Motif 29 (9/12), Acte III, Scene 1

    ? Jubilation ou Joie : Wolzogen, Cotard, Lavignac, Kobbe, Bourgeois. Grandsir

    parle de ? Joie desesperee ? et Jameux de ? Joie de Tristan ?. ? Gratitude : Kufferath ? Exaltation : Georges

    Motif 30 (8/12), Acte III, Scene 1

    ? Malediction d'Amour : Wolzogen, Cotard, Bourgeois ? Malediction du Philtre d'Amour: Lavignac ? Malediction du Philtre : Chailley, Grandsir. Georges precise ? Phrase ou Tristan

    maudit le Philtre ?. ? Malediction : Kufferath

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  • La problematique des leitmotive dans Tristan und Isolde de Richard Wagner 145

    Motif 31 (6/12), Acte III, Scene 1 : Air (Melodie, Theme ou Chanson) Joyeux (ou gaie) du Patre (Berger)

    Recense par Wolzogen, Kufferath, Cotard, Kobbe, Georges et Chailley.

    Motif 32 (8/12), Acte III, Scene 2

    ? Interrogation a la Mort: Wolzogen, Georges ? Lamentation d'Iseult: Kufferath

    ? Mort partagee : Cotard, Lavignac ?

    Hymne final de la Mort de l'Amour : Bourgeois ? Deploration d'Isolde : Jameux. Grandsir parle de ? Plainte d'Isolde ?.

    Quel est l'interet d'une etude des denominations des leitmotive ?

    Cette

    etude montre que huit leitmotive sur trente-deux ont regu la meme denomination de la part de tous les auteurs (a 1'exception de Tovey qui ne

    nomme jamais ses motifs). II n'y a done aucune ambigui'te pour les motifs du Regard (Motif 3), de la Colere (Motif 8), de la Mort (Motif 9), de la Gloire a Tristan (Motif 10), du Jour (Motif 13), du Chant de Mort (Motif 20), de Kareol (Motif 28) et de la

    Melodie Joyeuse du Patre (Motif 31). Remarquons cependant le statut particulier du Motif 31. Les auteurs sont d'avis

    de le designer comme ? Air (Melodie, Theme ou Chanson) Joyeux (ou gaie) du Patre

    (Berger) ?, mais aucun ne le nomme ? Motif joyeux du Patre ?. Est-ce reellement un leitmotiv ? Ne peut-on pas parler de melodie particuliere ? II en est de meme pour le

    Motif 26. Ces deux 'melodies' ont une importance manifeste dans la partition, mais nous sommes confrontes a un probleme capital, qui renvoie a la definition meme du leitmotiv. Selon notre definition initiate, nous insistions sur le fait qu'un leitmotiv est un motif court, facilement reconnaissable, memorisable... Les Motifs 26 et 31 echappent au critere de longueur, mais remplissent clairement les deux autres.

    Cependant, ne sont-ils pas reconnaissables et memorisables seulement par le fait

    qu'il s'agit de deux solos d'instruments au timbre particulier ? Nous ne trancherons

    pas sur la 'nature' de ces deux motifs dans le cadre de cet article, mais il etait

    important de soulever ce probleme. Une similarity des denominations ne s'observe pas toujours. Ainsi, certains

    motifs presentent une plus grande diversite de designations comme le Motif 12

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  • 146 Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap

    appele Motif du ? Heros ?, du ? Destin ?, de l'? Entree du Chevalier ?, de ? Tristan insoumis ?, du ? Commandement d'lsolde et Insoumission de Tristan ?, du ? Desir de Mort?, ou encore le Motif 25 nomme motif de la ? Privation d'Amour ?, de la ? Detresse de Tristan ? ou de la ? Desesperance de Tristan ou Desir de Mort?. Comment expliquer cette pluralite de signification ? Serait-elle due au fait que ces trois motifs apparaissent d'abord a l'orchestre et que leurs apparitions successives ne sont pas accompagnees d'un texte explicite ? Une etude ulterieure tentera de

    repondre a ces questions en confrontant chacun des motifs aux contextes ? livret et

    action ? qui ont justifie ou provoque leur denomination. II est surprenant de voir que pour les autres motifs, les differentes etiquettes

    attribuees relevent souvent d'une meme idee generale. Comment pouvons-nous expliquer cette convergence vers une meme signification ? Les denominations montrent differentes interpretations d'un meme leitmotiv par rapport au texte de Wagner. Ce dernier a voulu creer une correspondance entre la melodie, le rythme, le timbre... et le texte. Une objectivite semantique existe done, mais l'intervention du contexte du drame permet de produire des interpretations divergentes qui semblent tendre vers une meme signification. Les concepts semiologiques de connotation, de seme et de sememe permettent d'approfondir cette reflexion. Reprenons quelques elements de Greimas et de Courtes qui permettent de comprendre ce rapprochement.

    Un terme est dit connotatif si, lorsqu'on denomme un des attributs du concept considere du point de vue de sa comprehension, il renvoie au concept pris dans sa totalite. Le (ou les) attribut(s) pris en consideration relevant soit d'un choix subjectif, soit d'une convention de type social [...]. Du

    point de vue semantique, la connotation pourrait etre interpretee comme l'etablissement d'une

    relation entre un ou plusieurs semes situes a un niveau de surface et le sememe dont ils font partie et qui est a lire a un niveau plus profond.55

    Le seme designe communement l'? unite minimale ? de la signification [...]. La nature des semes

    est uniquement relationnelle, et non substantielle, et le seme ne peut se definir que comme terme

    aboutissant de la relation qu'on instaure et/ou qu'on saisit avec au moins un autre terme d'un meme

    reseau relationnel. [...] Les semes n'etant que des termes, e'est-a-dire des points d'intersection

    et de rencontre de relations signifiantes, doivent etre denommes, lors de la procedure d'analyse, de maniere arbitraire.56

    Le semantisme, commun a plusieurs sememes [ensemble des semes] recouverts par un meme

    formant [partie de la chaine du plan de 1'expression] [...], constitue le noyau du sememe et assure

    sa specificite semantique. Ce noyau ? ou figure semique

    ? est ce que le sememe possede en

    propre, le reste lui venant du contexte et constituant sa base classematique.57

    Notre sentiment d'une convergence des denominations distinctes vers une

    signification commune se rapproche de ces concepts semiologiques. Le probleme

    depasse la simple paraphrase, pour se confronter au probleme du metalangage. Le role

    du contexte est fondamental. Alors qu'un noyau semantique (du sememe) existe, les variations des termes (semes) designant les leitmotive relevent de la connotation.

    55 A. Greimas et J. Courtes, Semiotique. Dictionnaire raisonne de la theorie du langage (Paris, 1972), p. 62. 56 Ibid., p. 332-333. 57 Ibid., p. 335.

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  • La problematique des leitmotive dans Tristan und Isolde de Richard Wagner 147

    Pour resumer, l'etude comparative des douze analyses permet d'etablir trois

    categories de leitmotive. La premiere categorie inclut les huit leitmotive ayant regu une meme denomination de la part de tous les auteurs. La deuxieme contient les

    leitmotive qui ont recueilli une denomination totalement divergente d'un auteur a l'autre. La derniere categorie comprend les leitmotive possedant une etiquette differente, mais qui relevent d'une meme idee generate.

    En tenant compte des divergences de denominations, il est egalement possible de retracer des liens entre certains auteurs qui semblent s'etre inspires d'analyses anterieures. En effet, certains auteurs ont fort probablement recopie l'un ou l'autre de leurs predecesseurs. Nous trouvons quelques indices dans les textes accompagnant les

    analyses. C'est ainsi que Kufferath parle des ? commentateurs allemands ?58 et que Cotard et Kobbe nomment von Wolzogen dans leurs analyses. Lavignac59 mentionne Cotard et Kufferath, tandis que Georges fait reference a Lavignac, Cotard, Kufferath et von Wolzogen. Nous pouvons egalement emettre des suppositions : il est probable que Tovey a pris connaissance de l'analyse anglaise de Kobbe. Ces differents liens n'excluent cependant pas que les auteurs plus recents ne se soient pas mutuellement influences.

    Pourquoi reduire la problematique des leitmotive a une

    categorisation semantique ?

    II

    est assez surprenant que le terme semantique soit absent des encyclopedies de la musique. Pourtant, toute musique signifie 'une certaine chose' pour chacun,

    meme si elle ne signifie rien en elle-meme. Le concept de semantique musicale est delicat, car il est difficilement maitrisable et ne se limite pas a une simple definition. Michel Imberty affirme que ? les phenomenes semantiques en musique ne sont accessibles comme faits esthetiques que par le langage qui les explicite. Mais cette explication n'est souvent qu'une approximation tres pauvre, voire une trahison d'une realite semantique infiniment plus riche et plus complexe, hors de la linearite syntagmatique du discours. ?60 En effet, la semantique musicale ne se contente pas d'approcher la signification d'une oeuvre en observant sa construction interne. Elle rejoint les etudes psychologiques et sociologiques en prenant compte de la perception et du contexte culturel de la musique.

    Jean-Jacques Nattiez presente plusieurs categories de significations qui permettent de comprendre le semantisme de la musique61. II propose de reflechir sur les significations musicales intrinseques qui ne font reference a ? rien d'autre

    qu'a la musique en elle-meme ?, ainsi qu'aux significations musicales extrinseques

    58 Kufferath, Guide thematique, p. 31.

    59 Lavignac, Le Voyage artistique, p. 651-653. 60 M. Imberty, Entendre la musique. Semantique psychologique de la musique (Paris, 1979), p. XIII. 61 J.-J. Nattiez, ? La Signification comme parametre musical ?, in J.-J. Nattiez (ed.), Musiques : une encyclo

    pedic pour le xxf siecle (Aries - Paris, 2004), vol. II ? Les Savoirs musicaux ?, p. 256-289.

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  • 148 Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap

    qui renvoient a ? un univers semantique complexe, exterieur a la musique elle meme ?. De plus, il ne neglige pas les significations naturelles et conventionnelles, le role du contexte et les facteurs proprement musicaux qui permettent d'expliquer la semantique musicale.

    Nous P avons vu, de nombreux exegetes ont reduit la signification des leitmotive au texte du poeme en attribuant une serie d'etiquettes reductrices. Certains auteurs comme Cotard concevaient alors une fusion de la musique et des paroles, permettant d'arriver a l'essence de l'oeuvre62. Cette pratique a debute avec les Guides

    thematiques de von Wolzogen et se maintient encore aujourd'hui. Francesco Orlando releve : ? Toute mise en rapport immediate entre signifiants musicaux et signifies introduits par le langage verbal ne fait pas seulement tort a la musique, dont elie

    risque de fausser 1'analyse : mais aussi a la signification totale de l'oeuvre, et par la, a celle du texte litteraire lui-meme. ?63

    En ce qui concerne le probleme de denomination des leitmotive, Lavignac mentionne : ? Ce n'est pas un nom qu'il faut leur attacher, c'est une idee, ou

    mieux, un ensemble d'idees, une conception philosophique : le nom n'est qu'une etiquette ?64. Mais les leitmotive ne se limitent pas a evoquer une idee semantique en relation etroite avec Taction du drame. Ils ont une importance dans la construction de 1'architecture sonore de la partition. Jameux avait deja insiste sur le role structurel des leitmotive en disant que ? le motif wagnerien est a la fois discours et organisateur de discours ?65. II reprend la l'idee enoncee par Wagner dans De l'application de la

    musique au drame lorsqu'il parle de von Wolzogen qui a etudie les leitmotive ? plutot au point de vue de leur importance et de leur effet dramatiques, qu'au point de vue de leur utilite pour la structure de la composition musicale ?66. Pour Dahlhaus, si la denomination des leitmotive n'est pas univoque chez les auteurs,

    cela n'est pas une marque de faiblesse a compenser par une exegese plus precise, mais c'est

    plutot 1'expression et la consequence d'une caracteristique de la technique meme du leitmotiv.

    La critique de Theodor W. Adorno a propos de cette technique est mal venue. Elie part de

    l'idee que cette denomination des motifs porte sur leur essence (et qu'elle ne leur est done pas

    imposee de 1'exterieur.) Adorno reprochait a Wagner qu'un motif pretendant d'une part exprimer

    spontanement et de fa^on unique des etats d'ame, se fige d'autre part en une image allegorique mineure par la denomination qu'il porte.67

    Bourgeois souligne que les leitmotive ont le pouvoir de donner une signification autre que les paroles enoncees par les personnages. Les leitmotive trahissent les

    authentiques sentiments des heros. L'auteur affirme : ? Cette utilisation de la musique

    62 Cotard, Tristan et Iseult, p. 5. 63 F. Orlando, ? Proposition pour une semantique du leitmotiv dans YAnneau des Nibelungen ?, Musique en

    jeu, 17 (Janvier 1975), p. 75. 64 Lavignac, Le Voyage artistique, p. 238. 65 Jameux, ? Commentaire musical ?, p. 13. 66 Wagner, ? De l'application ?, p. 285. 67 Dahlhaus, Les Drames musicaux, p. 67.

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  • La problematique des leitmotive dans Tristan und Isolde de Richard Wagner 149

    pour dementir le texte est bien une des trouvailles les plus geniales de Wagner, qui donne au theatre lyrique une superiorite manifeste sur les possibilites du theatre

    parle ?68. Carolyn Abbate nuance le pouvoir revelateur des leitmotive en soulignant que si l'on considere que la musique est capable de ? devoiler la realite ineffable ?, on risque d'oublier que la musique peut ? parler faussement ?69.

    Wagner's motifs may absorb specific meaning at exceptional and solemn moments, but unless

    they are maintained in this semiotic state, they shed their meaning and become musical thoughts.

    [...] If poetic meaning is far from immanent in the motives, then Mann's vision of narrative music

    can hardly stand unquestioned. Motives can shed their associations ; they also shed their ability to symbolize cardinal moments in the story of Siegfried's life, and the "hero" motif, the "love"

    motif, and the "great fanfare phrase that symbolizes his own essential being" are potentially no

    more than a splendid assemblage of musical ideas.70

    Selon Nattiez, pour affirmer cette denonciation de toute presence de semantique immanente aux leitmotive, Abbate se fonde sur le reproche de Wagner adresse a von Wolzogen au sujet de sa demarche et de son utilisation du terme ?leitmotiv ? en 187971.

    Deryck Cooke a voulu depasser le catalogage semantique des leitmotive72. II fait un proces d'intention aux commentateurs des guides de leitmotive, a l'origine de mauvaises interpretations, lorsque ? the commentators, thinking about his scores, and

    trying to explain the significance of the musical ideas, came up mainly with labels

    relating them in the most factual way to the characters, objects and events of the outward dramatic action ?73. Soulignons cependant que John Deathridge reconnait les non-sens qui ont ete vehicules au sujet des leitmotive depuis von Wolzogen,

    mais il soutient que Wagner a lui-meme attache en de rares occasions (par exemple dans Das Rheingold), des etiquettes a certaines de ses idees musicales, leur donnant ainsi une signification conceptuelle et emotive, contraire aux etiquettes donnees par plusieurs exegetes74.

    Dans son article, Cooke explique comment Wagner arrive a reduire en quelques mesures la plus profonde experience emotive et psychologique. Selon lui, c'est grace a Beethoven dont Wagner a retenu la capacite a concevoir des idees thematiques concises, a la racine de 1'expression musicale, ainsi que son art du developpement. Cooke propose de partir de la musique en elle-meme pour trouver sa signification profonde. II part des traits formels, pour etablir des liens entre les differents motifs,

    68 Bourgeois, Richard Wagner, p. 113.

    69 C. Abbate, Unsung Voices: Opera and Musical Narrative in the Nineteenth Century (Princeton - New Jersey,

    1991), p. 204. 70

    Ibid., p. 104-105. 71 J.-J. Nattiez, Les Esquisses de Richard Wagner pour Siegfried's Tod (1850). Essai depoietique (Paris, 2004),

    p. 20-21. 72 D. Cooke, ? Wagner's Musical Language ?, in P. Burbidge et R. Sutton (ed.), The Wagner Companion (New

    York, 1979), p. 225-268. 73 Ibid., p. 226. 74 J. Deathridge, ? Reviews ?, 19th Century Music, 5 (1981), p. 84.

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  • 150 Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap

    en etudiant egalement leurs aspects harmoniques et dynamiques. Selon lui, ? what matters is the general curve, so long as it is recognizable as a derivation of the

    original idea ?75. Sa demarche est tres interessante et permet de mettre en lumiere les developpements et les relations que les leitmotive entretiennent entre eux. La volonte de Cooke est egalement de retracer l'apparition d'un meme motif dans toutes les ceuvres de Wagner. Apres avoir propose differents exemples, Cooke

    pose enfin la vraie question : Wagner en etait-il conscient ? Pour repondre a cette

    question essentielle, il faudrait se tourner vers les strategies compositionnelles du

    compositeur en cherchant des indices dans ses esquisses, ses correspondances ainsi

    que ses ecrits.

    La problematique des leitmotive souleve une autre question essentielle : est-ce que les intentions poietiques de Wagner sont percues par l'auditeur ? La repetition des

    leitmotive, leur memorisation et leur comprehension ne peuvent pas etre evidentes a 1'audition, meme si Lavignac affirmait en 1897 que ? les leitmotive se presentent

    toujours a l'auditeur sans exiger d'effort d'attention ou de recherche de sa part ?76 et

    que le leitmotiv ? restera toujours reconnaissable et fera naitre chez l'auditeur, meme

    passif, un etat d'ame analogue a celui qui a accompagne sa premiere apparition ?77. Mais est-il reellement possible de detecter tous les motifs ainsi que leurs recurrences a l'audition? Comment l'auditeur peut-il reconnaitre un motif? S'agit-il d'une reconnaissance formelle ? Une reconnaissance due au timbre ? au rythme ? Et si cette reconnaissance a lieu, procure-t-elle une signification evidente pour l'auditeur ? Peut-il exister une signification des leitmotive ? C'est en nous penchant du cote de

    la perception et en tentant de penetrer les processus compositionnels de Richard

    Wagner qu'il nous sera possible de repondre a ces questions.

    75 Cooke, ? Wagner's Musical Language ?, p. 252. 76 Lavignac, Le Voyage artistique, p. 239. 77 Ibid., p. 231.

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    Article Contentsp. [127]p. 128p. 129p. 130p. 131p. 132p. 133p. 134p. 135p. 136p. 137p. 138p. 139p. 140p. 141p. 142p. 143p. 144p. 145p. 146p. 147p. 148p. 149p. 150

    Issue Table of ContentsRevue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap, Vol. 61 (2007) pp. 1-250Front MatterThe Mystic Lamb and the Golden Fleece: Impressions of the Ghent Altarpiece on Burgundian Music and Culture [pp. 5-59]Les "Geroglifici Musicali" du Padre Lodovico Zacconi [pp. 61-87]Charles Gounod in Antwerpen [pp. 89-126]La problmatique des leitmotive dans "Tristan und Isolde" de Richard Wagner [pp. 127-150]Le journal d'un directeur de thtre: Paul Spaak et le poison de la musique [pp. 151-169]Andr Cluytens l'apoge de sa carrire internationale: ses activits en tant que directeur musical de l'Orchestre National de Belgique [pp. 171-224] propos du rpertoire des orchestres symphoniques belges de 1960 2005 [pp. 225-238]Mmoires de licence et thses de doctorat en musicologie prsents dans les universits belges / Licentiaatsverhandelingen en doctorale proefschriften in muziekwetenschap voorgelegd aan de Belgische universiteiten 2005-2006 [pp. 239-240]Revue des livres / Nieuwe boekenReview: untitled [pp. 241-242]Review: untitled [pp. 242-244]Review: untitled [pp. 244-246]Review: untitled [pp. 246-247]Review: untitled [pp. 248-248]

    Correspondance / Briefwisseling [pp. 249-250]Back Matter