Le tourisme polaire en vitesse de croisière

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Passer ses vacances aux Pôles… un rêve tout aussi irréalisable pour le commun des mortels que gravir l’Himalaya ou aller sur la Lune ? Plus vraiment. Si le tourisme polaire est une pratique assez ancienne puisque le premier voyageur embarqué pour le Spitsberg (sans autre motivation que la curiosité de contempler les paysages englacés) le fut dans les premières années du XIXe siècle, la relative démocratisation des espaces polaires ne s’est opérée que depuis une vingtaine d’années, par le truchement d’une double conjoncture favorable : le renouveau du tourisme de croisière et le démantèlement de l’empire soviétique. En une génération, le tourisme polaire sera ainsi passé du stade de l’aventure périlleuse à celui de nouvelle niche de l’industrie du tourisme. Les touristes polaires représentent aujourd’hui la principale présence humaine dans les régions froides des hautes latitudes, souvent même plus importante que les éventuelles populations autochtones.

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ASSER SES VACANCES AUX PÔLES… UN RÊVE TOUT AUSSI IRRÉALISABLE

pour le commun des mortels que gravir l’Himalaya ou aller sur la

Lune ? Plus vraiment. Si le tourisme polaire est une pratique assez

ancienne puisque le premier voyageur embarqué pour le Spitsberg

(sans autre motivation que la curiosité de contempler les paysages

englacés) le fut dans les premières années du XIXe siècle, la relative

démocratisation des espaces polaires ne s’est opérée que depuis

une vingtaine d’années, par le truchement d’une double conjoncture

favorable : le renouveau du tourisme de croisière et le démantèle-

ment de l’empire soviétique. En une génération, le tourisme polaire

sera ainsi passé du stade de l’aventure périlleuse à celui de nouvelle

niche de l’industrie du tourisme. Les touristes polaires représentent

aujourd’hui la principale présence humaine dans les régions froides

des hautes latitudes, souvent même plus importante que les éven-

tuelles populations autochtones. Face aux bouleversements envi-

ronnementaux attendus, quel avenir pour ce nouvel or blanc ?

[ Et vogue la luxueuse galère… ]

La particularité première du tourisme polaire, qu’il soit boréal ou

austral, est d’être une pratique touristique itinérante dont les routes

sont essentiellement maritimes : l’Arctique est un espace majoritai-

rement océanique centré sur le pôle Nord et l’on s’y déplace d’île en

île à bord de navires de croisière. L’Antarctique est, à l’inverse, un

continent englacé mais l’on y accède presque exclusivement (90%

à 95 % du trafic passagers) par voies de mer à partir des terres habi-

tées les moins éloignées : Ushuaia à la pointe sud du continent amé-

ricain, Le Cap (Afrique du Sud), Hobart (Tasmanie), Christchurch

(Nouvelle-Zélande). Ushuaia reste la porte d’entrée la plus proche,

à 610 milles marins (Nq) de la péninsule, Le Cap la plus éloignée

(2 060 Nq de Kronprincesse Märtha Kyst où est implantée la station

scientifique sud-africaine Sanae). Hobart qui assure la liaison avec

la terre Adélie se situe à 1 400 Nq de la station Dumont d’Urville.

Le secteur du tourisme de croisière connaît un regain de popularité

depuis les années quatre-vingt et constitue une industrie florissante

(10,5 millions de passagers en 2004, pour un chiffre d’affaires

de 23 milliards de dollars américains (US$) dans plusieurs zones

géographiques du globe (Caraïbes, Méditerranée, Alaska, Europe du

Nord et, à un degré moindre, l’aire Asie-Pacifique). Cette dynamique

de renouvellement de la flotte de croisière, avec la mise en circula-

tion de gigantesques navires de grand luxe, comme le Queen Mary 2

(148 500 tonneaux) ou le Freedom of the Seas (158 000 tonneaux), a per-

mis de redorer l’image de cette forme de voyages auprès des tou-

ristes. En 1980, l’ensemble de la flotte naviguante proposait 45 000

couchettes aux touristes ; l’offre atteignait 212 000 places en 2002 et,

en 2006, les quatre premières compagnies de croisières maritimes

disposaient déjà de 225 000 couchettes. En 2010, ce sont près de 17

millions de croisiéristes qui vogueront sur les océans de la planète.

Cette dynamique de croissance a donc tout naturellement profité

aux espaces polaires que l’on visite avant tout par la mer.

Toutefois, le développement vertigineux du tourisme polaire depuis

20 ans apparaît aussi comme l’une des conséquences indirectes du

démantèlement de l’Union soviétique au début des années quatre-

vingt-dix, l’un de ses dommages collatéraux : confrontée à une dimi-

nution drastique de ses budgets, la Russie n’était plus en mesure

d’entretenir sa flotte océanographique et, afin de sauver emplois et

bateaux, une reconversion des navires a été ordonnée. Depuis lors,

ceux-ci sont dévolus au transport de passagers plutôt qu’à la recher-

che scientifique : c’est ainsi que le brise-glace à propulsion nucléaire

Le tourismepolaire en vitessede croisière

P

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Monsieur Samuel ÉtienneMaître de conférencesen géographie environnementaleUniversité de Polynésie française, Tahiti.

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Yamal achemine chaque année son lot de

touristes jusqu’au pôle Nord géogra-

phique, certains pouvant, s’ils le désirent,

se baigner brièvement dans un océan gelé.

Cet événement historique est un facteur

capital du développement récent du tou-

risme polaire.

Parallèlement, le gabarit des navires

impliqués a évolué : jusqu’en 1991, seuls,

de petits bateaux, pouvant embarquer

jusqu’à 400 voyageurs, fréquentaient les

eaux antarctiques, la très grande majorité

ne dépassant pas les 120 personnes trans-

portées. Depuis 1991, le gigantisme gagne

progressivement le marché austral : 50 %

des passagers embarquent désormais sur

des navires d’une capacité supérieure

à 250 (Ocean Explorer 1 : 850, Aegean : 630),

alors qu’ils n’étaient que 22 % il y a dix ans.

En 2000, le MV Rotterdam avait croisé avec

1 200 passagers à bord.

[ Une niche touristique élitistemais florissante. ]

En Arctique, le nombre de touristes est

passé d’un million il y a 20 ans à plus

d’un million et demi aujourd’hui. Près

de 900 000 passagers visitaient les côtes

de l’Alaska en 2004. Plus de 30 000 croisié-

ristes admirent les côtes de l’archipel du

Svalbard durant le court été boréal (deux

mois). Une fréquentation qui a progressé

de 12 % par an au cours des années quatre-

vingt-dix. Ils sont désormais 150 000 à lon-

ger, chaque année, les côtes du Groenland,

le trafic étant assuré par 70 navires.

L’une des particularités du tourisme

antarctique est l’existence d’un tourisme

aérien qui complète le tourisme de croi-

sière et reste beaucoup plus abordable

financièrement. Bien que marginale (5 %

à 10 % des flux touristiques), la fréquenta-

tion aérienne a crû de 430 % entre 1993

et 2007 mais, dans le même temps, le tou-

risme de croisière amenait à terre neuf fois

plus de passagers : 38 000 touristes en

2008-2009 après un pic exceptionnel à

46 000 durant l’été austral 2007-2008. Ils

n’étaient que 5 000 en 1990 et seulement

855 en 1980. De tels chiffres, s’ils sont évi-

demment mineurs face à la globalité du

marché du tourisme, traduisent néan-

moins un réel engouement de la part d’un

certain public. Croiser dans les latitudes

polaires isolées et désolées serait une des

dernières possibilités de revivre l’esprit

du “Grand Tour” qui animait les aristocrates

du XIXe siècle – du moins c’est ainsi que la

mercatique présente les produits polaires.

Ainsi, le tourisme est aujourd’hui la pre-

mière source d’activités en Antarctique,

enrichissant aussi bien les voyagistes que

les ports d’embarquement des touristes.

La recherche scientifique, longtemps prin-

cipale occupation de l’homme sur le conti-

nent blanc, est reléguée au second plan.

Le tourisme polaire joue volontiers la

carte de l’élitisme. Un élitisme pécuniaire

souvent doublé d’un élitisme hédoniste.

En effet, le ticket d’entrée dans le monde

polaire est relativement élevé : en Arc-

tique, les croisières découverte du Spits-

berg (huit jours) démarrent à 2 900 US$

hors acheminement aérien jusqu’à Lon-

gyearbyen ; en Antarctique, il faudra comp-

ter au minimum 3 900 US$ (plus 200 US$

par nuit de “camping” à terre) auxquels

s’ajoute le vol jusqu’à Ushuaia. Mais le

monde polaire est aussi celui de l’extrava-

gance et de l’opportunisme : extravagance

quand on remarque que la circumnaviga-

tion arctique proposée pendant l’été 2010

(66 jours) par Quark Expeditions coûte

entre 66 000 et 114 000 US$ ; opportunisme

si l’on souligne l’adaptation des produits

polaires à l’histoire de l’exploration des

pôles : un siècle après la course aux pôles

lancée par la Royal Geographical Society

de Londres, il est très judicieux de propo-

ser des tours “Sur les traces de…”. Ainsi,

cette année le tour “Antarctica's Far East”

salue le centième anniversaire de l’expédi-

tion australienne menée par Douglas

Mawson, le premier homme à atteindre

le pôle Sud magnétique (31 jours, 50 000

à 63 000 US$).

L’homme moderne en recherche de sensa-

tions fortes et inédites trouvera aisément

matière à satisfaction en Antarctique où

les produits touristiques d’aventure

extrême se multiplient : le marathon du

pôle (42 kilomètres par - 40°C à 4 000

mètres d’altitude), la randonnée à ski en

autonomie totale de dix jours (“Les survi-

vants de l’Antarctique”), la plongée sous-

marine au pied des plates-formes de glace

flottante ou le cabotage en kayak de mer

sont au programme des catalogues des

voyagistes polaires.

[ Quelles motivationspour le touriste polaire ? ]

Le succès actuel des destinations polaires

est à mettre en relation avec un marché

très ciblé, mais également très diversifié, à

l’opposé de l’image monolithique souvent

véhiculée où n’existerait que glaciers, ice-

bergs, banquise et ours polaires. On peut

classer grossièrement les touristes en cinq

catégories selon leurs motivations princi-

pales.

• Le touriste de croisière, le plus largement

représenté, est celui qui a choisi avant

tout un moyen de locomotion luxueux et

Le zodiac constitue le moyen de transport privilégiéen milieu polaire pour les débarquementsou les ballades dans les fjords parsemés d’icebergs.

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offrant un maximum de services et de

confort, optant secondairement pour la

destination polaire ;

• Le touriste chasseur/pécheur abonde en Arc-

tique, notamment en Alaska où, en 2001,

on a comptabilisé 239 000 pêcheurs à la

ligne non résidents et près de 21 000 chas-

seurs. Au total, ce sont près de 800 mil-

lions d’US$ qui ont été injectés dans l’éco-

nomie de l’État américain, par cette

deuxième catégorie de touristes polaires.

Au Kamchatka, la chasse à l’ours brun rap-

porte officiellement cinq millions de dol-

lars chaque année (quota de 500 têtes),

mais on estime au double la réalité des

prises, le braconnage équivalant le secteur

réglementé.

• Les touristes naturalistes (photographes,

bird-watchers, etc.) constituent une troi-

sième catégorie importante en nombre de

visiteurs, mais moins lucrative que la pré-

cédente : toujours en Alaska, il y eu deux

fois plus de touristes naturalistes en 2001

que de pêcheurs/chasseurs, mais la manne

financière ne fut que de 500 millions

d’US$.

• Le touriste d’aventure trouve un espace

d’expression idéal dans le monde polaire :

si l’isolement a longtemps été l’argument

repoussoir de la destination polaire, c’est

aujourd’hui l’un de ses principaux attraits,

la dernière frontière, là où les routes ne

s’inscrivent plus dans les paysages. Ce

tourisme draine un grand nombre de

cadres des sociétés industrielles qui cher-

chent à s’échapper aux facteurs de stress

inhérents au monde moderne.

• Le touriste culturel et historique se propose

de découvrir les peuples autochtones de

l’Arctique et de marcher sur les traces des

premiers explorateurs polaires : en Antarc-

tique, la visite du refuge de l’expédition

d’Amundssen, victorieuse du pôle géogra-

phique, est un must.

[ Changement climatique globalet tourisme polaire. ]

Le réchauffement climatique global

contemporain a déjà commencé à modi-

fier les paysages polaires : la banquise arc-

tique diminue telle une peau de chagrin,

des étendues considérables de permafrost

dégèlent en surface chaque été, les gla-

ciers terrestres fondent sur place et lais-

sent le champ libre à la reconquête végé-

tale. Les paysages polaires sont en pleine

mutation et celle-ci devrait s’accélérer au

cours des décennies à venir. Paradoxale-

ment, le tourisme polaire pourrait être le

premier bénéficiaire de ces changements

radicaux : avec la contraction de la ban-

quise, de nouveaux espaces s’ouvrent aux

navires de croisière, l’ouverture du pas-

sage du Nord-Ouest autorise déjà de nou-

velles voies de communication. Dégel plus

précoce, engel plus tardif, la durée de la

saison touristique s’allonge automatique-

ment. Ainsi, espace accessible en expan-

sion et période de visite plus large ne peu-

vent que favoriser l’augmentation future

du nombre de visiteurs. De plus, cet

“adoucissement” relatif des climats polai-

res, véhiculé par les médias, transforme

les représentations de l’espace polaire :

ce dernier apparaît de moins en moins

hostile et les vocations d’“explorateurs

modernes” des pôles se multiplient.

Cependant, les modifications du milieu

physique liées au réchauffement des

basses couches de l’atmosphère, se tradui-

sent par une migration des frontières éco-

logiques (par exemple : la zone de contact

entre la forêt boréale et la toundra), une

modification des routes migratoires de la

faune, et une altération des relations pré-

dateurs/proies (modifications qui ne sont

pas sans conséquences sur le tourisme

polaire animalier.

L’augmentation future de la fréquentation

touristique ne sera pas sans conséquences

pour l’environnement qui, au final, a certai-

nement plus à craindre d’une massification

Le débarquement des passagers des grands navires de croisière provoque une saturation temporaire de l’espace terrestre. Alors qu’en Antarctique, il est conseilléde limiter les débarquements à 100 passagers simultanément, de telles recommandations sont rares en Arctique. Ici, les 900 passagers

du Braemar débarquant dans la station scientifique de Ny-Alesund, Spitsberg, le 6 juillet 2004.

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mal contrôlée du tourisme polaire que des

bouleversements climatiques à venir.

Les mêmes craintes peuvent être formu-

lées sur le plan culturel : les sociétés tradi-

tionnelles des hautes latitudes boréales,

les “petits peuples du nord”, ont certainement

plus à craindre de la déculturation accom-

pagnant le tourisme de masse que des

nécessaires adaptations de leur mode de

vie aux modifications environnementales.

[ Quelles régulationspour le tourisme polaire ? ]

Si la question semble pertinente du point

de vue environnemental, les réponses ne

peuvent être généralisées : l’Arctique est

un espace multinational, l’Antarctique est

un espace international voire “anational”.

La régulation du tourisme polaire boréal

relève, au premier chef, des huit nations

arctiques (Canada, Russie, États-Unis,

Islande, Norvège, Suède, Finlande, Dane-

mark) souveraines sur leurs territoires ter-

restres et maritimes respectifs. D’où des

divergences stratégiques : certaines ten-

tent de restreindre la fréquentation – par

exemple : la Norvège veut faire du Spits-

berg l’un des parcs naturels les mieux

gérés de la planète et toute activité ayant

un impact environnemental est soumise à

l’approbation préalable du gouverneur –,

tandis que d’autres (comme le Groenland)

en retard en terme de développement tou-

ristique, l’encouragent vivement. En

Antarctique, la situation est différente

puisque le territoire est géré selon les

règles fixées par le traité de Paris (1961),

amendé du protocole de Madrid (1991). En

1991, sept voyagistes se sont regroupés et

ont créé l’International Association of Antarctica

Tour Operators (IAATO) afin d’édicter des

règles de bonne conduite et d’essayer de

contrôler les flux touristiques en Antarc-

tique, elle compte 108 membres en 2009.

Reste que cette association ne possède

aucun pouvoir de répression et nul n’est

obligé d’y adhérer pour organiser des

voyages vers les terres australes. Ainsi, les

statistiques touristiques antarctiques ne

sont-elles que partielles puisque émanant

uniquement des opérateurs affiliés à

l’IAATO. Il est vrai que le tourisme privé,

dans l’aire antarctique, est très marginal

mais c’est celui qui pose pourtant le plus

de problèmes : de nombreuses opérations

de secours ont été lancées par le passé

pour assister des personnes en difficulté

qui avaient très largement sous-estimé les

risques encourus. À chaque fois, il s’agis-

sait de particuliers voyageant hors des

structures spécialisées.

Toutefois, durant l’été austral 2008-2009,

deux incidents quasi identiques ont rap-

pelé que les voyages en milieu polaire ne

sont pas sans dangers, même pour des

opérateurs aguerris ; et que les croisières,

aux marges du continent le plus éloigné

des grands foyers de civilisation, le sont

encore plus. Le 4 décembre, le MV Ushuaia

s’échouait à l’entrée de la baie de Wilhel-

mina, à proximité du cap Anna. Ses 82 pas-

sagers et 40 membres d’équipage furent

très rapidement évacués vers un navire qui

croisait à quelques milles du lieu de l’inci-

dent, avant d’être transférés, par Zodiacs, le

lendemain vers la station polaire Edouard

Frei (île du Roi-George). Le MV Ushuaia a

pu être renfloué et, malgré l’éventration de

deux réservoirs de fuel, la pollution a été

minime et vite dissipée. Un second inci-

dent, du même type mais impliquant le

navire MV Ocean Nova, du voyagiste Polar

Quest, est survenu le 17 février 2009 dans

la baie Marguerite (île de Debenham). Une

centaine de passagers et de membres

d’équipage a été rapidement assistée,

l’incident s’étant également produit à

proximité d’une base polaire.

Ainsi, en mai 2007, les signataires du traité

de l’Antarctique ont-ils adopté une résolu-

tion édictant les toutes premières recom-

mandations visant à encadrer le tourisme

antarctique :

– décourager ou interdire le débarque-

ment des navires d’une capacité supé-

rieure à 500 passagers ;

– encourager ou exiger des voyagistes une

coordination afin d’éviter la présence de

plus d’un navire de croisière par site au

même moment ;

– limiter le débarquement à 100 touristes

maximum en même temps ;

– maintenir un ratio guide/passagers de

un pour 20 lors des débarquements.

[ Quelles recommandationspour le futur ? ]

Le développement massif du tourisme

balnéaire, dans la seconde moitié du XXe

siècle, fut une expérience parfois traumati-

sante pour l’environnement littoral et le

tourisme y a gagné une image d’industrie

dévoreuse d’espace et peu soucieuse de

durabilité. Développer le tourisme dans

des régions auxquelles on associe carica-

turalement les adjectifs “vierges”, “imma-

culées”, “préservées” apparaît ainsi comme

une nouvelle boîte de Pandore que le

développement économique aurait déjà

ouvert. La question est d’autant plus com-

plexe que les deux espaces polaires ne

sont pas comparables du point de vue

géopolitique.

Voyager dans l’espace arctique offre la

possibilité de partager la vie des peuples

du nord, chacun peut donc trouver de vala-

bles arguments éthiques à vouloir s’y ren-

dre (par exemple : contribuer plus ou

moins directement au développement

économique de ces peuples) et le dévelop-

pement du tourisme est du ressort de la

gouvernance locale. Pour la zone antarc-

tique, au contraire, la seule présence

humaine permanente se limite aux bases

scientifiques installées après la seconde

guerre mondiale. Cette population rési-

dente n’a pas de légitimité pour gérer les

flux touristiques (elle n’en a d’ailleurs ni la

volonté, ni les moyens), bien que le travail

des scientifiques soit souvent perturbé par

le débarquement, en grand nombre, des

croisiéristes. Les profits engendrés par les

voyages antarctiques n’ont donc aucune

justification en terme de développement

durable des peuples autochtones.

Face à l’augmentation vertigineuse des

flux touristiques vers cet espace, on

devrait réfléchir davantage à y appliquer

un principe de précaution et réduire dras-

tiquement la circulation des navires tou-

ristiques. Peut-on justifier le tourisme

polaire antarctique simplement parce que

c’est techniquement faisable et économi-

quement rentable ? �

La mouette ivoire (Pagophila Eburnea) symbolisele haut-Arctique autant que l’ours blanc.

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