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COLLEGE DES SCIENCES ORIENTALES L’interdépendance L’interdépendance L’interdépendance L’interdépendance Le sens de Xin Li Le sens de Xin Li Le sens de Xin Li Le sens de Xin Li Mémoire de 4è année Jocelyne Lemarchand 29/06/2010 Ce mémoire est un travail d’approfondissement et de recherche, à partir et autour de l’Interdépendance, à l’aide des concepts de la psychologie Chinoise Xin Li. Il est effectué au terme des deux cycles d’études.

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COLLEGE DES SCIENCES ORIENTALES

L’interdépendanceL’interdépendanceL’interdépendanceL’interdépendance Le sens de Xin LiLe sens de Xin LiLe sens de Xin LiLe sens de Xin Li

Mémoire de 4è année Jocelyne Lemarchand

29/06/2010

Ce mémoire est un travail d’approfondissement et de recherche, à partir et autour de l’Interdépendance, à l’aide des concepts de la psychologie Chinoise Xin Li. Il est effectué au terme des deux cycles d’études.

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SOMMAIRESOMMAIRESOMMAIRESOMMAIRE 1. Introduction ............................................................................................................................................. 3

2. Mes rencontres avec le sujet .......................................................................................................... 4

a) La vue Bouddhiste .......................................................................................................................... 4

b) La question scientifique ...............................................................................................................11

3. Rencontre avec Xin Li .......................................................................................................................14

4. L’Interdépendance levier d’équilibre du Tao ..........................................................................15

5. Le soi : qui suis-je ? ..............................................................................................................................18

6. les chevaux du Tao .............................................................................................................................26

7. Interdépendance et fluidité .............................................................................................................30

8. L’accompagnement .............................................................................................................................38

9. Quelques exemples vécus ................................................................................................................40

10. Conclusion ........................................................................................................................................43

11. Remerciements .................................................................................................................................43

12. Bibliographie (principale) ............................................................................................................44

13. Annexes .............................................................................................................................................45

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1.1.1.1. IIIINTRODUCTIONNTRODUCTIONNTRODUCTIONNTRODUCTION

Le mot « Interdépendance » est arrivé tardivement dans ma vie. Mon origine occidentale, mes études scientifiques ne m’ont pas amené à rencontrer ce mot avant une conférence du Dalaï Lama à Grenoble en 1992, après mon retour d’une année sabbatique dont les 3 derniers mois étaient un périple sportif et culturel dans le Si Chuan (sur des territoires ayant appartenu au Grand Tibet), puis au Zanskar (Inde) où vit une population Tibétaine sur un plateau entre 3500 et 4000m, dont les cols sont à 5000m, et les sommets à 7000m. Malgré ces journées de marche, d’alpinisme, et de rencontres avec les Tibétains, ces soirées autour du feu, au son des moulins à prière et mantras, ou dans le silence et les craquements glacières, ces nuits sur le toit du monde, « Interdépendance » n’a pas eu de résonnance. Jeune adulte, je m’étais fixé l’objectif de l’Indépendance, et probablement n’était pas prête pour l’étape suivante ! J’avais alors 40 ans, et le concept d’interdépendance est une des bases de la formation de coach que je suivais, et des accompagnements, le stade visé de l’autonomie sans lequel tout travail collectif est inaccessible ! Posé comme cela, il devenait motivant de s’y atteler, je n’ai pas cessé depuis… J’assiste à un enseignement du Dalaï Lama en 2008, et ce concept prend alors une nouvelle dimension. Choisir comme sujet l’Interdépendance s’est en quelque sorte imposé lors de la préparation à une présentation sur l’accompagnement à travers la relation avec les chevaux que je pratique, lors du congrès Xin Li de l’été 2009. M’est alors apparu la puissance d’un travail de rencontre avec le cheval, espèce présentant une réalité du Tao, dans le travail avec soi même pour accéder à la connexion avec l’autre, avec le Tao. Le lien entre, mon intention, mon expression, et le miroir du cheval. Il m’a semblé intéressant de rapprocher ce concept d’Interdépendance avec l’enseignement et la pratique Xin Li. Je m’attacherai dans ce mémoire à la lisibilité pour des personnes n’ayant pas une culture Xin Li, de façon à pouvoir partager cette approche avec d’autres professionnels de l’accompagnement, et aussi « tout un chacun » (expression étonnante dans notre vocabulaire Français). Le choix d’écriture est volontairement simple, spontané, personnel, comme se veut notre enseignement et notre pratique. Qui ne connait pas « Le Petit Prince »? … Avez-vous lu la préface ? Ce livre est dédié à Léon Werth, quand il était enfant … Xin li est le développement harmonieux de l’être, en accord avec ce qu’il est des le premier instant, lui, à la fois individu et part de l’Univers.

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2.2.2.2. MES RMES RMES RMES RENCONTRES AVEC ENCONTRES AVEC ENCONTRES AVEC ENCONTRES AVEC LE LE LE LE SUJETSUJETSUJETSUJET

a)a)a)a) La vue Bouddhiste (sa sainteté leLa vue Bouddhiste (sa sainteté leLa vue Bouddhiste (sa sainteté leLa vue Bouddhiste (sa sainteté le Dalaï Lama)Dalaï Lama)Dalaï Lama)Dalaï Lama)

En 2008, j’assiste aux enseignements de SS le Dalaï Lama à Nantes, au sein d’une foule de ce qu’il appelle « les bouddhistes laïcs ». N’ayant pas le texte disponible, (mais l’intégralité de l’enseignement est en ligne), je cite un extrait de « un voyage vers le bonheur »

Le contenu essentiel du bouddhisme peut être résumé en deux pointsLe contenu essentiel du bouddhisme peut être résumé en deux pointsLe contenu essentiel du bouddhisme peut être résumé en deux pointsLe contenu essentiel du bouddhisme peut être résumé en deux points : du point de vue de la conduite, c’est la nonla nonla nonla non----violenceviolenceviolenceviolence et du point de vue de la philosophie, c’est la vue de la vue de la vue de la vue de l’interdépendancel’interdépendancel’interdépendancel’interdépendance. Ici la non-violence a deux niveaux : si nous pouvons aider d’autres êtres, faisons le, servons les autres ; si nous ne le pouvons pas, au moins ne leur faisons pas de mal. Ce sont les deux niveaux de la non-violence ou de l’ahimsa.

La philosophie de l’interdépendance peut avoir diverses interprétations selon les différents systèmes. Dans l’un d’eux, la signification de l’interdépendance correspond au fait que tous les phénomènes conditionnés surgissent en dépendance de causestous les phénomènes conditionnés surgissent en dépendance de causestous les phénomènes conditionnés surgissent en dépendance de causestous les phénomènes conditionnés surgissent en dépendance de causes et de et de et de et de conditionsconditionsconditionsconditions. Ce qui implique qu’il n’y a pas de créateur, les choses dépendent simplement de leur propres causes qui elles-mêmes dépendent de leurs propres causes : il n’y a pas de commencement. Dû aux causes et conditions, tout change constamment. De nouvelles circonstances produisent des faits nouveaux qui agiront à leur tour comme cause et produiront quelque chose de différent, de nouveau. Tel est le processus de la production en dépendance … Ce concept de l’interdépendance est accepté par toutes les différentes écoles bouddhistes.

Lorsque nous arrivons à la théorie de l’interdépendance exposée par la philosophie Madhyamika, nous touchons alors un niveau supérieur dans lequel la signification d’interdépendance ou de corrélation est expliquée par le fait que toute chose dépend de toute chose dépend de toute chose dépend de toute chose dépend de ses partiesses partiesses partiesses parties. Par exemple, s’il s’agit d’un objet physique, il peut se diviser en différentes parties, c’est-à-dire en plusieurs directions. S’il s’agit d’un phénomène sans forme comme la conscience, "avoir différentes parties" peut être compris en termes de différents moments de continuité. De la même façon, des choses sans forme comme l’espace peuvent être expliquées par la nature de l’origine interdépendante : nous pouvons dire que l’espace est constitué de parties puisqu’il est possible de penser à un espace particulier en se référant à certains objets et à certaines directions.

Ainsi nous pouvons comprendre clairement que l’origine interdépendante est expliquée non seulement en termes de dépendance de causes et de conditions mais aussi en termes de dépendance de parties et de directions. Même des phénomènes non physiques, tel

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que l’espace, peuvent également être expliqués comme ayant la nature de l’origine interdépendante.

Un niveau plus subtil de l’interdépendance est expliqué par le terme "apparition de apparition de apparition de apparition de choses par la désignation ou l’imputationchoses par la désignation ou l’imputationchoses par la désignation ou l’imputationchoses par la désignation ou l’imputation". Lorsque, par exemple, nous analysons ce qu’est une fleur et que nous approfondissons en examinant ses particules, son niveau subatomique, nous ne pouvons pas alors trouver la fleur en tant que telle. Des investigations plus poussées sur les plus petites particules nous permettent de comprendre ceci : lorsque nous apposons une étiquette, donnons un nom ou désignons quelque chose, cette désignation est donnée à l’assemblage de certaines substances ou particules et c’est quand cet assemblage devient une entité fonctionnelle que nous le désignons par un certain nom.

Par exemple si nous nous demandons " qui suis-je ? ", nous ne pouvons trouver un je séparé de notre corps, de notre cerveau, de notre expérience. Si nous approfondissons nos recherches concernant notre nature ultime, nous ne trouvons pas d’identité indépendante, ultime. Sans faire une telle analyse, nous apposons conventionnellement une étiquette ou un nom à la combinaison du corps et de l’esprit. Nous disons : "ceci est un être humain" et nous appelons cette chair tibétaine d’Amdo et cet esprit : "Dalaï Lama, Tenzin Gyatso", n’est-ce-pas ? Nous voyons ensuite qu’en analysant, si nous voulons vraiment trouver le Dalaï Lama, savoir où est ce Tibétain, nous n’y arrivons pas.

De la même manière nous parlons toujours de "passé", de "présent" et de "futur". D’une certaine façon, le passé n’est qu’un souvenir, le futur n’est que notre pensée, qu’un projet, qu’une idée. Le présent est quelque chose de réel. S’il y a réellement un présent, si nous pensons à l’éon actuel, au siècle dans lequel nous sommes, au XXème siècle, à l’an mille neuf-cent quatre-vingt-douze, puis au mois de février, à aujourd’hui le quinze, la troisième semaine de février ; si nous pensons ensuite au jour, à l’heure, à la minute, à la seconde, à une partie de cette seconde... alors il n’y a pas de présent. Le passé est passé. Après ce moment vient le futur. Il n’y a pas de présent, n’est-ce pas ? Le temps passe sans s’arrêter, il ne fait que passer. C’est pourquoi il n’y a pas de présent. Sans présent nous ne pouvons parler ni de passé ni de futur. Il y a donc confusion ! (Ceci se rapporte au temps vu de l’extérieur.)

Dans l’expérience intérieure, je pense également qu’il n’y a pas de passé ni de futur, seulement l’expérience présente. Et s’il n’y a pas de passé, le présent ne peut survenir, comme le présent dépend entièrement du passé, le futur dépend entièrement du présent. C’est une loi naturelle. Cependant si nous analysons, il n’y a ni passé ni présent ni futur. Il n’y a pas de temps. Lorsque nous parlons de temps, bien sûr, sans aucun doute, le temps

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existe. Il existe mais pas sans la coopération d’une base d’imputation ou de référence sur laquelle nous pouvons étiqueter le mot "temps" ; nous ne pouvons pas simplement avoir un sens abstrait du temps. Lorsque nous faisons de telles investigations nous n’arrivons pas à trouver quelque chose. En fin de compte nous trouvons quelque chose qui n’est rien : le "vide".

Ce vide n’est pas juste le néant. Non ce n’est pas le néant. Voyez-vous les choses sont interdépendantes. Puisque les choses dépendent les unes des autres, il n’existe pas d’entités indépendantes. Voilà pourquoi lorsque nous examinons la nature ultime de toutes choses, puisque leur nature est de dépendre d’autres facteurs, leur nature est une absence d’existence indépendante. Lorsque nous analysons la nature ultime, elle n’est qu’une simple absence d’existence indépendante. C’est pourquoi nous trouvons quelque chose de vide. Ainsi "vide" signifie "vacuité" ou "absence d’existence indépendante". Et l’absence d’existence indépendante elle-même dépend d’autres facteurs ; c’est pourquoi les choses sont interdépendantes.

Pour conclure, les phénomènes existent. Je suis là, ce n’est pas un rêve, ce n’est pas une illusion. C’est quelque chose de réel. Si je me pince, je ressens de la douleur parce qu’il y a un corps, il y a des doigts et un pouce. Cela fonctionne, c’est une réalité, un fait. Quelque chose existe, cependant nous ne pouvons pas le trouver dans le cadre d’une analyse ultime. C’est pourquoi, ici, vacuité et nature interdépendante sont les deux côtés vacuité et nature interdépendante sont les deux côtés vacuité et nature interdépendante sont les deux côtés vacuité et nature interdépendante sont les deux côtés d’une même pièced’une même pièced’une même pièced’une même pièce.{…]

Il est important, tout d’abord, de savoir ce qu’est l’espritsavoir ce qu’est l’espritsavoir ce qu’est l’espritsavoir ce qu’est l’esprit. Lorsque nous parlons de l’esprit, certains ont parfois l’impression qu’il existe une entité indépendante, quelque chose de séparé du corps. Un tel esprit n’existe pas. Nous ne pouvons pas trouver un "je" indépendant en dehors du corps, c’est pourquoi les bouddhistes n’acceptent pas un "je" indépendant ou une âme ou un soi permanent. Il y a cependant une autre raison : comme l’esprit, en général, dépend de ce corps, c’est bien grâce à ce corps humain que nous pouvons facilement ou correctement parler de l’esprit humain. S’il existait un esprit indépendant, n’ayant rien à voir avec ce corps, alors comment pourrait-on faire la distinction entre l’esprit d’un animal et l’esprit d’un humain ?

Parce que l’esprit dépend de ce corps et de ce cerveau humain, nous pouvons distinguer l’esprit humain de l’esprit d’un animal tel que celui d’un cheval ou d’un chien etc. Aussi longtemps que le cerveau humain fonctionne correctement, l’esprit humain fonctionne convenablement. Dès que le cerveau humain cesse de fonctionner, il n’y a plus d’esprit humain. {…]

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Chaque esprit se développe sur la base de causes et de conditions. Ces causes et ces conditions ont elles-mêmes des causes et des conditions immédiates et lointaines. En d’autres mots des causes et conditions directes et indirectes.

Par exemple, l’esprit qui perçoit une fleur dépend de nombreuses conditions parmi lesquelles intervient l’organe de l’œil. Sans celui-ci, même s’il y a une conscience, même si la fleur est là, la perception n’est pas possible. De même, si l’œil est endommagé, la conscience visuelle ne pourra pas se développer correctement. S’il y a l’esprit ainsi que l’organe de l’œil mais pas la fleur, la conscience visuelle de la fleur ne peut pas se développer. Dans un autre cas, s’il y a une fleur, un œil en parfait état mais pas de cerveau, cette conscience ne peut pas non plus se développer, ce n’est pas possible sans un esprit humain fondamental.

C’est pourquoi il y a de nombreuses causes et conditions aussi bien externes, qu’internes. La conscience ou l’esprit n’a pas de forme physique, ni d’odeur et l’on ne peut pas la toucher. Ce n’est qu’une sorte d’énergie très subtile dans laquelle tout peut se refléter, dont la nature propre est quelque chose de purement lumineux. Cette conscience possède le potentiel de connaître les choses. Le terme tibétain chépa signifie "être conscient de quelque chose". Donc en plus du cerveau humain, il y a des conditions, des causes subtiles plus profondes à cette conscience humaine sans lesquelles l’esprit humain ne peut pas se développer. Nous appelons cela la claire lumière, l’esprit subtil essentiel.

J’en veux pour preuve que lorsque nous utilisons pleinement les organes des sens, leur niveau est très grossier. Mais lorsque nous rêvons, certaines fonctions des organes ne sont pas actives ou sont réduites tandis que le mental fonctionne à un niveau plus profond. Puis dans l’état de sommeil profond sans rêves, l’esprit atteint son niveau le plus profond. {…]

En définitive, la nature fondamentale de l’esprit est neutrela nature fondamentale de l’esprit est neutrela nature fondamentale de l’esprit est neutrela nature fondamentale de l’esprit est neutre. Elle peut être influencée par des émotions négatives ou positives. Prenons le cas de personnes qui sont "soupe au lait". Lorsque j’étais jeune, par exemple, je m’emportais assez facilement, cependant cette humeur ne persistait jamais vingt-quatre heures. Si l’émotion négative était de la nature de notre esprit, alors aussi longtemps que l’esprit fonctionne, la colère devrait demeurer. Or, ce n’est pas le cas. De la même façon les émotions positives ne sont pas non plus de la nature de l’esprit. L’esprit est quelque chose de neutre, reflétant toutes sortes d’expériences ou de choses différentes. En outre, quelle est la démarcation entre les émotions négatives et positives ?

Il n’existe pas de démarcation absolue, cependant il y a une démarcation relative. Les émotions qui produisent du bonheur, un bonheur plus subtil, plus permanent, un bonheur

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satisfaisant qui dure, sont positives. Il en est ainsi parce que nous considérons le bonheur comme quelque chose de bien, comme notre but, comme ce que nous devons atteindre. Nous tenons pour positif, tout ce qui nous permet d’aller dans cette direction ou qui peut produire le bonheur. Certaines émotions qui en fin de compte nous apportent le bonheur, celles que nous appelons émotions positives, telles que la compassion, l’amour, la sagesse, en définitive, nous transforment en une personne plus heureuse, plus sérieuse, plus digne de confiance. Il en est ainsi, parce qu’elles sont bénéfiques à cela. Même si du point de vue de l’absolu, nous ne pouvons pas les identifier comme telles, au niveau conventionnel tout le monde les apprécie, les aime et c’est pourquoi elles sont appelées positives.

Bien que les émotions positives et négatives soient de puissance égale, les émotions négatives apparaissent habituellement sans raison, elles ne sont rien d’autre que de l’émotion. Si nous examinons de façon impartiale ou réfléchissons profondément à la valeur de la colère, de la haine, de la jalousie, du doute, de la méfiance, de la peur, nous voyons qu’il n’existe pas de fondement profond à ces émotions. A l’inverse, l’amour, la compassion, le pardon ont des raisons d’être plus profondes. Du point de vue bouddhiste, notamment de la philosophie Madhyamika, ces émotions négatives sont en définitive établies sur l’ignorance.

L’ignorance ici se réfère à un esprit qui perçoit la nature des objets comme ayant une existence indépendante. Lorsque certaines émotions négatives se développent, il est bien évident qu’à ce moment là, ce envers quoi nous nous sentons négatifs apparaît comme absolu, comme vraiment cent pour cent négatif. Aussi longtemps que cette émotion négative persiste, l’objet en cause apparaît comme quelque chose de cent pour cent négatif. Dès que cette émotion diminue, l’impression que l’on a de cet objet devient également plus positive. Ceci démontre comment l’émotion négative ne peut pas fonctionner sans le soutien de l’ignorance. Voilà pourquoi toutes les émotions négatives sont établies sur la base d’une telle ignorance.

L’ignorance ou la conception erronée, quelle que soit sa puissance, peut être affaiblie puis éliminée par le développement d’une compréhension plus profonde établie grâce à l’analyse et à la méditation. C’est la nature de l’esprit.

Fondamentalement, nous avons un désir inné pour le bonheur. Cependant, dans un deuxième temps, le bonheur et la tristesse dépendent des émotions positives et négatives. Par ailleurs, la nature ultime de l’esprit est quelque chose de pur ; il y a donc une possibilité de réduire ces émotions négatives et d’accroître les émotions positives. Voilà pourquoi il il il il existe un moexiste un moexiste un moexiste un moyen de surmonter la souffranceyen de surmonter la souffranceyen de surmonter la souffranceyen de surmonter la souffrance. Ce point est important. {…]

CCCComment pouvonsomment pouvonsomment pouvonsomment pouvons----nous éliminer les émotions négativesnous éliminer les émotions négativesnous éliminer les émotions négativesnous éliminer les émotions négatives ?

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Cela est possible par la pratique, par l’entraînement de l’esprit. Pour développer un effort authentique, un effort inlassable, il nous faut une certaine détermination. Pour cela, il est extrêmement important de connaître la signification de la souffrance. S’il n’existe pas d’alternative, si penser à la souffrance est quelque chose d’inutile, alors il vaut mieux l’oublier. Par contre, s’il existe une possibilité de surmonter la souffrance, alors cela vaut la peine d’y réfléchir et de la comprendre. {…]

Nous avons ce corps, ce cerveau et cette sagesse ; si avec la méditation et l’altruisme nous essayons, si nous faisons un effort, nous avons toujours la possibilité de développer notre esprit. Avec le temps et l’effort il peut changer. Grâce à notre propre expérience, même à travers ma petite expérience personnelle, je peux dire que par des efforts constants, en me rappelant sans cesse le positif et le négatif, les choses changent. C’est pourquoi la confiance en soi est un élément capital, que ce soit dans les pratiques religieuses, spirituelles ou dans la vie quotidienne.

Ici aussi la compassion est un facteur d’une importance capitale. Si l’esprit est plus compatissant, automatiquement une sorte de porte intérieure s’ouvre et il devient très facile de communiquer avec les autres y compris avec les animaux, même les insectes. Parfois j’ai des difficultés avec les moustiques et les punaises mais c’est exceptionnel ! A part cela, je n’ai aucune difficulté à communiquer. Que je connaisse la personne ou non, je peux communiquer avec elle. Notre propre attitude devient ainsi une sorte d’ouverture et il n’y a rien à cacher. Cela crée immédiatement une certaine base pour l’amitié.

L’émotion négative de la peur ferme cette porte. Avec la méfiance et le doute, à moins que nous ne fassions nous-mêmes un certain travail préparatoire, il est très difficile de se faire des amis authentiques. Si nous ne sourions pas, l’autre ne sourira pas. Que les autres répondent ou non, il y a plus de chance d’obtenir un sourire si nous sourions les premiers, n’est-ce-pas ? Faisons donc d’abord nous-mêmes ce travail de préparation, puis même s’il n’y a pas de réponse satisfaisante, cela n’a pas d’importance ; laissons simplement.

Les émotions négatives ferment cette possibilité. Il semble alors que nous sommes délibérément isolés du reste de l’humanité et le ressentiment, la solitude, la peur, le doute puis le désespoir ou la dépression surviennent. Alors que la compassion nous donne une force intérieure, ouvre notre porte intérieure, et nous apporte ainsi de meilleures expériences.

Les concepts sur {…] la valeur de cette vie humaine et de ce corps sont très importants pour développer la confiance en soi. Puis vient l’enseignement, également très important, sur l’impermanence qui comprend deux niveaux.

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A ce propos, j’aimerais également signaler que très souvent les gens ont l’impression erronée que le sentiment "égoïste" est négatif, qu’il ne devrait pas y avoir d’ego, pas d’ego fort. A mon avis, il y a deux types d’egos tout comme il y a deux types de désirs. Il y a donc deux sentiments de je :

un sentiment de je fort qui en oublie le droit des autres et se considère lui-même plus important que les autres. Ce type d’égoïsme est mauvais.

mais en même temps il y a un autre type d’égoïsme qui dit je peux faire ceci, je peux aider, je peux servir . Cette sorte d’égoïsme est positif.

Je pense que les bodhisattvas ont un ego extraordinairement fort. Ils ont un ego énorme. Cet ego développe une incroyable détermination. Pour eux les jours, les mois, les années ne sont rien. Ils comptent par éons, pas un éon, ni deux mais des millions d’innombrables éons. Une telle durée de temps impensable ne les décourage jamais. L’infinité des êtres dont le nombre est illimité ne les décourage pas non plus. Leur détermination de faire quelque chose pour un nombre infini d’êtres et pour une période illimitée est inaltérable. A moins d’un ego solide et fort, une telle détermination est impossible à développer. Ceci est un ego positif, nécessaire, utile, constructif que nous devons développer.

L’autre forme, c’est l’égoïsme stupide qui ne tient pas compte des droits des autres, simplement les oublie et pire encore, cherche à obtenir sa propre satisfaction et exploite les droits des autres. En fin de compte avec ce type d’égoïsme, nous perdrons, nous souffrirons ; c’est pourquoi cet égoïsme est idiot. Il est négatif.

En ce qui concerne le désir aussi, nous trouvons deux sortes de désir :

le désir dirigé vers quelque chose de raisonnable, fondé sur la raison. C’est un bon désir. Avec ce désir la détermination se développe et du point de vue bouddhiste, grâce à ce désir, nous pouvons finalement atteindre la bouddhéité.

puis un autre désir sans raison valable, simplement "je veux ceci, je veux cela", ce genre de désir sans fondement correct, mène très souvent au désastre.

Lorsque les enseignements insistent sur le fait que le désir est la source de la souffrance, certaines personnes ont l’impression que tout désir est mauvais. C’est une idée fausse. A propos de l’ego nous devons aussi faire la même distinction claire et nette.

La pratique suivante a pour objet l’impermanencel’impermanencel’impermanencel’impermanence. Nous y trouvons à nouveau deux niveaux :

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le niveau le plus grossier comme par exemple la mort, la malchance, lorsque certaines expériences changent ou prennent fin ;

et celui plus subtil du changement d’un moment à l’autre. La physique moderne a également découvert ce niveau d’impermanence.

Par exemple, à un niveau très subtil, cette fleur (en face de moi) change d’un moment à l’autre, elle change tout le temps comme une vague, comme l’énergie. C’est cela l’impermanence subtile.

La réalisation de l’impermanence est très utile, très importante parce qu’alors nous prenons conscience que l’impermanence ou le changement est produit uniquement par ses propres causes ; il n’y a pas de troisième élément qui entre en ligne de compte. C’est pourquoi la désintégration ou la nature impermanente des phénomènes ne dépend pas de la nécessité de rencontrer d’autres causes et conditions. De par leur nature même et du fait qu’ils sont produits par leurs causes et leurs conditions, les phénomènes sont sujet à la désintégration et au changement.

b)b)b)b) La questiLa questiLa questiLa question scientifique on scientifique on scientifique on scientifique (Trinh Xuan Thuan(Trinh Xuan Thuan(Trinh Xuan Thuan(Trinh Xuan Thuan, astrophysicien, astrophysicien, astrophysicien, astrophysicien))))

De formation scientifique, je me tourne maintenant vers un scientifique, co-auteur avec Matthieu Ricard de l’Infini dans la paume de la main, qui nous interpelle avec deux expériences scientifiques, qu’il rapproche de la notion d’Interdépendance Bouddhiste :

«««« L’interdépendance des phénomènes dans le bouddhismeL’interdépendance des phénomènes dans le bouddhismeL’interdépendance des phénomènes dans le bouddhismeL’interdépendance des phénomènes dans le bouddhisme

L’interdépendance des phénomènes constitue un des principes fondamentaux du bouddhisme. Rien ne peut exister de façon autonome, et être sa propre cause. Un objet ne peut être défini qu’en termes d’autres objets et n’exister qu’en relation avec d’autres entités. Autrement dit, ceci surgit parce que cela est. L’interdépendance est essentiel à la manifestation des phénomènes. Selon le bouddhisme, la perception que nous avons du monde comme étant composé de phénomènes distincts issus de causes et de conditions isolées est appelée « vérité relative » ou « vérité trompeuse ». L ’expérience du quotidien nous induit à croire que les choses ont une réalité objective indépendante, comme si elles existaient de leur propre chef et possédaient une identité intrinsèque. Mais le bouddhisme maintient que ce mode d’appréhension des phénomènes n’est juste qu’une construction de notre esprit qui ne résiste pas à l’analyse. Il soutient que c’est uniquement en relation et en dépendance avec d’autres facteurs qu’un événement peut survenir. Une chose ne peut surgir que si elle est reliée, conditionnée et conditionnante. Une entité qui existerait indépendamment

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de toutes les autres devrait soit exister depuis toujours, soit ne pas exister du tout. Elle ne pourrait agir sur rien et rien ne pourrait agir sur elle.

Le bouddhisme envisage donc le monde comme un vaste flux d’événements reliés les uns aux autres et participant tous les uns des autres. La façon dont nous percevons ce flux cristallise certains aspects de cette globalité de manière purement illusoire et nous fait croire qu’il s’agit d’entités autonomes dont nous sommes entièrement séparés. Le bouddhisme ne nie pas la vérité conventionnelle, celle que l’homme ordinaire voit ou que le savant détecte, ni ne conteste les lois de cause à effet, ou les lois physiques ou mathématiques. Il affirme simplement que, si on va au fond des choses, il y a une différence entre la façon dont le monde nous apparaît et sa nature ultime.

L’aspect le plus subtil de l’interdépendance concerne la relation entre la « base de désignation » et la « désignation » d’un phénomène. La localisation, la forme, la dimension, la couleur ou toute autre caractéristique apparente d’un phénomène sont des bases de désignation. Leur ensemble constitue la désignation de l’objet, une construction mentale qui attribue une existence autonome illusoire à cet objet. Dans notre expérience de tous les jours, ce n’est guère l’existence nominale d’un objet qui nous apparaît, mais sa désignation. Le bouddhisme ne dit pas que l’objet n’existe pas puisque nous en faisons l’expérience, évitant ainsi la position nihiliste qui lui est souvent attribuée à tort. Mais il affirme aussi que cette existence n’est pas autonome et est purement interdépendante, évitant ainsi la position réaliste matérialiste. Il adopte la Voie médiane selon laquelle un phénomène ne possède pas d’existence autonome, mais n’est pas néanmoins inexistant, et peut interagir et fonctionner selon les lois de la causalité.

La nonLa nonLa nonLa non----séparabilité en mécanique quantiqueséparabilité en mécanique quantiqueséparabilité en mécanique quantiqueséparabilité en mécanique quantique

Un concept scientifique qui est étonnement proche du concept bouddhique d’interdépendance est celui de non-séparabilité en mécanique quantique, basé sur la célèbre expérience de pensée proposée par Einstein, Podolsky et Rosen (EPR) en 1935. En termes simplifiés, l’expérience est la suivante. Imaginons une particule qui se désintègre spontanément en deux photons A et B. Pour des raisons de symétrie, les deux photons partent dans des directions opposées. Si A part vers le nord, nous détectons B au sud. Jusque-là, apparemment, rien d’extraordinaire. Mais c’est oublier les bizarreries de la mécanique quantique : avant d’être capturé par le détecteur, A ne présentait pas un aspect de particule, mais celui d’une onde. Cette onde n’étant pas localisée, il existe une certaine probabilité pour que A se trouve dans n’importe quelle direction. C’est seulement quand il est capté que A se métamorphose en particule et « apprend » qu’il se dirige vers le nord. Mais si, avant d’être capturé, A ne « savait » pas à l’avance quelle direction il allait prendre, comment B aurait-il pu « deviner » à l’avance le comportement de A et régler le sien de façon à être capté au même instant dans la direction opposée ? Cela n’avait aucun sens, à moins d’admettre que A pouvait informer instantanément B de la direction qu’il avait prise. Mais aucun signal ne peut voyager plus vite que la lumière. « Dieu n’envoie pas de signaux télépathiques »

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disait Einstein. Celui-ci conclut donc que la mécanique quantique ne donnait pas une description complète de la réalité. Selon lui, il devait exister des « variables cachées » qui décrivaient les deux photons : A « savait » quelle direction il allait prendre et l’a « communiqué » à B avant de se séparer de ce dernier.

Et pourtant Einstein se trompait. En 1964, le physicien John Bell conçut un théorème mathématique connu sous le nom d’« inégalité de Bell » qui devait être vérifié expérimentalement s’il y avait des variables cachées. En 1982, le physicien Alain Aspect et son équipe à Orsay ont réalisé une série d’expériences sur des paires de photons, avec le résultat que l’inégalité de Bell était systématiquement violée. La mécanique quantique avait raison et Einstein avait tort. Dans l’expérience d’Aspect, les photons A et B étaient séparés de 12 mètres, et B « savait » instantanément ce que A faisait. Dans l’expérience la plus récente de Nicolas Gisin et de son équipe à Genève, les photons sont séparés de 10 kilomètres et les comportements de A et B sont toujours parfaitement corrélés. Cela est étrange seulement si nous supposons, comme Einstein, que la réalité est morcelée et localisée sur chacun des photons. Le paradoxe n’est plus si nous admettons que A et B font partie d’une réalité globale quelle que soit la distance qui les sépare, même s’ils se trouvaient à deux bouts de l’univers. A n’a pas besoin d’envoyer un signal à B car tous les deux font partie d’une même réalité. La mécanique élimine ainsi toute idée de localisation. Elle confère un caractère holistique à l’espace. Les notions d’ « ici » et de « là » n’ont plus de sens, car « ici » est identique à « là ». Les physiciens appellent cela la « non-séparabilité ».

Le pendule de Foucault et l’intLe pendule de Foucault et l’intLe pendule de Foucault et l’intLe pendule de Foucault et l’interdépendance du macrocosmeerdépendance du macrocosmeerdépendance du macrocosmeerdépendance du macrocosme

L’interdépendance des phénomènes ne se limite pas au monde atomique, mais caractérise l’univers tout entier. Une expérience de physique célèbre et fascinante, celle du pendule de Foucault, révèle cette interdépendance du macrocosme. Le physicien Léon Foucault s’est servi de son pendule pour démontrer la rotation de la Terre en 1851. Nous sommes tous familiers avec le comportement du pendule : son plan d’oscillation pivote au fil des heures. Si le pendule était aux pôles Nord ou Sud, le plan ferait un tour complet en exactement vingt-quatre heures. Foucault réalisa correctement que, en fait, c’était la Terre qui tournait alors que le plan d’oscillation du pendule restait fixe.

Mais une question reste : le plan du pendule reste fixe par rapport à quel repère ? Le pendule est attaché au plafond d’un bâtiment sur Terre. La Terre nous transporte à quelque 30 km/s autour du Soleil, qui lui-même tourne autour du centre de la Voie lactée à 230 km/s. Notre galaxie tombe à son tour vers la galaxie Andromède à 90 km/s. Le Groupe Local de galaxies, dont la Voie lactée et Andromède constituent les membres les plus massifs, tombe à 600 km/s vers l’amas de la Vierge et vers le superamas du Centaure, attiré par leur gravité. L’ensemble tombe à son tour vers le Grand Attracteur, un ensemble de quelques dizaines de milliers de galaxies. Tous ces groupements de galaxies sont relativement proches. Et pourtant le pendule de Foucault n’ajuste

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pas son comportement en fonction de cet environnement proche, mais en fonction des amas de galaxies les plus éloignés, c’est à dire de l’univers tout entier. Comment expliquer ce comportement ? La réponse n’est pas connue. Le physicien Ernst Mach y voyait une sorte d’omniprésence de la matière et de son influence. Selon lui, la masse d’un objet — ici le pendule de Foucault — qui détermine son mouvement, est le résultat de l’univers tout entier sur cet objet à travers une influence mystérieuse distincte de la gravité. De nouveau, nous retrouvons le concept bouddhiste de l’interdépendance. Chaque partie porte en elle la totalité, et de chaque partie dépend tout le reste ».

3.3.3.3. RENCONTRE AVEC XIN LRENCONTRE AVEC XIN LRENCONTRE AVEC XIN LRENCONTRE AVEC XIN LIIII

Souhaitant retrouver certains concepts partagés avec mes amis Chinois lorsque j’étudiais à Taïwan en 1991, j’ai cherché intuitivement « Psychologie Chinoise » sur internet, jusqu’à une réponse : c’était Xin Li. Aucune discipline ne m’avait semblé répondre aussi justement à ce que je vivais, intuitais, ou à mes besoins. Interdépendance prend alors un sens incarné puisque Xin Li est une pratique intégrant (et intégrative) corps, esprit, conscience, et environnement, ou Tao (l’environnement dans son infini). L’interdépendance n’est plus un objectif, ou une étape, où l’on peut ou non être en interdépendance, mais un fait. Un Ici et Maintenant qui nous laisse à une responsabilité de nous même, de notre place dans le vaste Tao, dans les choix de notre environnement, mode de vie, relations, échanges, pensées, lâcher-prise, bonheur, sagesse, fluidité, harmonisation, croissance, … Ma respiration même est un événement rythmant de mon interdépendance. A chaque respiration, je prends et donne à moi-même, et de moi même. Occidentaux, nous pouvons vivre la respiration comme une mécanique, des échanges gazeux, une capacité volumétrique, en lien avec le système cardio-vasculaire, un peu de Xin Li ouvre à une conscience différente, avec des « fonctionnalités » physiologique, psychologique et de conscience. Je nourris physiologiquement mon corps, apportant le Fei Qi, énergie de l’air absorbé, qui combinée à celle des aliments Gu Qi, va donner le Xiong Qi, qui elle-même va nourrir le Qi, énergie vitale, desservant l’ensemble de notre corps, mental et conscience. La vie est Qi, l’absence de Qi est l’absence de vie. Qu’est ce que la vie ? Nous n’avons pas aujourd’hui de définition universelle et partagée de la vie. Vie sous-tend homéostasie, échange, équilibre, régulation, développement, reproduction, … Vie rime avec évolution, cycle. Pourrait-il y avoir vie sans interdépendance ? Une forme de vie totalement isolée ? Quelle serait alors l’origine de cette vie ? Nous rejoignons la démonstration philosophique, et les principes de l’interdépendance des phénomènes Bouddhistes.

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Xin Li nous amène à explorer cette interdépendance, dans les niveaux les plus simples, jusqu’aux niveaux d’une conscience plus large, s’appuyant sur notre humilité face l’infini du Tao. Un article en annexe est proposé : il s’agit du principe anthropique et des réflexions des scientifiques sur les possibilités d’autres univers. En rapprochant ces options du discours sur la nature ultime des phénomènes, il est étonnant de constater que notre esprit tend à réduire la réalité à ce qu’il peut en saisir, se fabriquant des croyances.

4.4.4.4. LLLL’I’I’I’INTERDEPENDANCENTERDEPENDANCENTERDEPENDANCENTERDEPENDANCE levier d’levier d’levier d’levier d’équilibreéquilibreéquilibreéquilibre DU TAODU TAODU TAODU TAO

道道道道 Le Tao que l’on peut nommer (dans sa globalité) n’est pas le Tao. 可可可可 Tao Te King Chapitre 1 道道道道

非非非非

常常常常

道道道道 Les éléments de ce tout le contiennent et le composent. Ils sont donc en interdépendance. Concrètement, comment est vécue cette interdépendance ? Le Nei Tching Su Wen, livre de référence ancien de la MTC (Médecine Traditionnelle Chinoise) fait dans ses premiers chapitres référence aux saisons, chacune engendrant l’autre dans un cycle répété. Chacune étant un support aux formes de vie, et à leur cycle naturel. L’hiver contient le printemps. Vous êtes vous promenés au premiers rayons de soleil ? Avez-vous écouté le chant des oiseaux, annonçant, fêtant la saison prochaine ? Avez-vous assisté aux migrations d’animaux avant les grands froids d’hiver, aux réserves faites par les hivernants pour traverser cet hiver ? Ainsi chaque instant nourrit le suivant. De même, alors que l’eau s’évapore dans une région du globe, il pleut sur une autre. Notre planète, l’Univers entier est régi par un ordre suprême et cyclique. De même, la moindre particule est incluse dans un système plus grand, lui-même dans un système d’ordre supérieur, etc … Notre recherche sans limites explore toujours plus loin dans le plus petit, comme dans le plus grand, ou le plus loin dans l’espace et le temps. Si nous rencontrons

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certaines limites, aucune ne nous assure aujourd’hui d’un début ou d’une fin. Comme la poussière d’étoiles, nous appartenons au même monde, interdépendants. Le cheminement intellectuel est simple, l’intégration de notre place dans le vaste monde du Tao est une recherche à traverser, individuelle et collective. J’ai toujours été interpellée par les mathématiques, et cette notion de zéro et d’infini. Zéro est le vide, le rien. Il est aussi le résultat de la division par l’infini, le tout. Si maintenant je divise un nombre par zéro, soit rien, j’obtiens l’infini (je n’ai d’ailleurs jamais entendu de précision quant au signe de cet infini : - ou +, ce qui m’amène à m’interroger sur le sens du signe, et l’unicité de l’infini, identique en négatif comme en positif). Si je n’avais pas eu l’intention de diviser ce nombre par zéro, il est à noter que la question ne se posait pas. Zéro pourrait alors traduire, dans l’Ici et Maintenant, la non manifestation ou la non perception. De même l’infini traduirait le tout, l’insaisissable. De même, on peut s’interroger sur la continuité de l’espace temps. (C’est en renonçant à cette continuité, que Leibnitz publie en 1666 le système binaire (dont une des dérivées est tout simplement l’informatique, sans parler de la logique Booléenne), il est à noter que Leibnitz intéressé par la Chine découvre dans la même époque et est fasciné par le Yi Jing). S’interroger sur les frontières physiques est du même registre. Je me souviens d’une étudiante qui était interpellé par le vide inter-élément, à l’idée des atomes essentiellement constitués de vide entre les particules, ou leur probabilité … Notre ami astrophysicien Trinh Xuan Thuan nous apporte quelques éléments de réponse, ou de question :

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La vacuitéLa vacuitéLa vacuitéLa vacuité : l’absence d’une réalité intrinsèque: l’absence d’une réalité intrinsèque: l’absence d’une réalité intrinsèque: l’absence d’une réalité intrinsèque

La notion d’interdépendance nous amène directement à l’idée bouddhique de la « vacuité », qui ne signifie pas « néant » (le bouddhisme a été souvent accusé à tort de nihilisme), mais « absence d’existence propre ». Parce que tout est interdépendant, rien n’existe en soi ni n’est sa propre cause. L’idée d’une réalité solide et autonome n’est pas valide. De nouveau, la mécanique quantique tient des propos étonnement similaires. Selon Bohr et Heisenberg, nous ne pouvons plus parler d’atomes ou d’électrons en termes d’entités réelles possédant des propriétés bien définies, telles la vitesse ou la position. Nous devons les considérer comme formant un monde non plus de choses et de faits, mais de potentialités. La nature même de la matière et de la lumière devient un jeu de relations interdépendantes. Elle n’est plus intrinsèque, mais peut changer par l’interaction entre l’observateur et l’objet observé. Cette nature n’est plus unique, mais duelle. La lumière et la matière n’ont pas une existence intrinsèque parce qu’ils peuvent apparaître soit comme onde soit comme particule dépendant de l’appareil de mesure. Ces deux aspects sont complémentaires et indissociables l’un de l’autre. C’est ce que Bohr appelait le « principe de complémentarité ». Le phénomène que nous appelons « particule » prend la forme d’ondes quand on ne l’observe pas. Dès qu’il y a mesure ou observation, il reprend son aspect de particule. Parler d’une réalité intrinsèque pour une particule, d’une réalité existant sans qu’on l’observe, n’a pas de sens car on ne peut jamais l’appréhender. Le concept d’ « atome » n’est qu’un moyen commode pour relier en un schéma logique et cohérent diverses observations du monde des particules. Bohr parlait de l’impossibilité d’aller au-delà des faits et résultats des expériences et mesures : « Notre description de la nature n’a pas pour but de révéler l’essence réelle des phénomènes, mais simplement de découvrir autant que possible les relations entre les nombreux aspects de notre existence. » La mécanique quantique relativise radicalement la notion d’objet en la subordonnant à celle de mesure, c’est-à-dire à celle d’un événement. De plus, le flou quantique impose une limite fondamentale à la précision des mesures. Il existera toujours une incertitude soit dans la position, soit dans la vitesse d’une particule. La matière a perdu sa substance.

Un praticien Xin Li relie ici un concept similaire : celui du Yin-Yang, lié à l’origine de la vie, et qui traduit l’interdépendance des phénomènes de la vie. Chaque élément, ou énergie est régit par une dynamique Yin-Yang. Apparaissant simultanément, ils contiennent chacun l’autre, opposé et complémentaire. La particule est Yin, l’onde est Yang. Le regard ordinaire révèle l’un ou l’autre. Un regard plus éveillé est nécessaire pour saisir la double expression des phénomènes, et leur nature ultime.

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« Yin et Yang sont la loi de l’univers, le principe basal de toute création, la mère et le père de toute transformation, la raison de la vie et de la mort, le palais de l’intelligence. Pour guérir les maladies, il faut en étudier le principe. Le Yang concentré est le ciel, le Yin concentré est le sol, Le Yin est calme, le Yang est impétueux, Le Yang fait naître, le Yin fait croître. Le Yang tue, le Yin conserve. Le Yang transforme l’énergie, LeYin crée la forme. » Nei Tching Su Wen 天天天天 Le beau apparaît, émerge le laid (Chapitre 2) – Tao Te King 下下下下

皆皆皆皆

知知知知

美美美美

之之之之

為為為為

美美美美

斯斯斯斯

惡惡惡惡

已已已已

Maintenant regardons ce cheminement infini dans plusieurs directions. Il existe dans le temps (infini du temps dans sa globalité, infiniment petit de l’instant), dans l’espace (infiniment grand de l’Univers, des Univers ?, infiniment petit de ce qui le constitue, nous constitue). Il nous amène à la question du Qui sommes nous ?

5.5.5.5. LE SOILE SOILE SOILE SOI : QUI SUIS: QUI SUIS: QUI SUIS: QUI SUIS----JEJEJEJE ????

Xin Li apporte une réponse concrète, nous reliant à notre espèce, lignée, une partie de nous en comprend les éléments énergétiques (et génétiques). L’interdépendance commence … au commencement : à la première cellule. Nous sommes liés, une part de notre lignée, englobés dans un tout, en interdépendance intergénérationnelle, inter-temporelle. Vivant à Taïwan, j’avais été étonnée du fait que les Chinois n’ont pas en priorité une notion d’identité propre, mais d’appartenance, de place dans une famille, une lignée. Le nom de famille est toujours prononcé en premier, vient ensuite le prénom.

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Il est intéressant de se pencher sur cette notion de Soi. Dans le texte du chapitre 2, extrait d’une publication de sa SS le Dalaï Lama, nous comprenons que le Soi, comme tout élément, peut s’exprimer de façon positive, comme de façon négative. De même Xin Li est un ensemble de pratiques visant l’approche, l’expression de sa personnalité vraie. Il existe en chaque personnalité ou Soi un noyau entouré d’une personnalité apparente, adaptée dans une interdépendance non choisie. La pratique Xin Li vise à permettre à la personne de saisir sa « liberté, là où elle est » (expression de Thich Nhat Hanh), dans une interdépendance choisie. Je suis à la fois un corps vivant, un esprit vivant et une conscience dans un environnement ou Tao, en interdépendance. Je suis donc à chaque instant issu(e) de mon histoire, orienté(e) par ma conscience, ou non conscience dans une direction, dans une responsabilité, un choix qui m’appartient. En occident, nous ne sommes généralement pas éduqués quant aux différents états de conscience. Nous pensons à l’éveil (dans le sens réveillé) et au sommeil. Lors de la première matinée de son enseignement à Nantes, le Dalaï Lama a évoqué très rapidement les différents états de conscience (il médite lui-même au minimum 4 heures par jour, et en moyenne 6 heures). Nous saisissons l’importance de ces états de conscience, permettant d’alléger, de libérer l’esprit de ses processus habituels de pensée passive, voire active. Le Lama Denys (Institut Karma Ling situé en Savoie) exprime les limites de l’utilisation de la pensée passive, et la nécessité de la pensée méditative :

Interdépendance et pensée conceptuelleInterdépendance et pensée conceptuelleInterdépendance et pensée conceptuelleInterdépendance et pensée conceptuelle

L’interdépendance de notre mentalité, de l’expérience que nous vivons et de notre langue, est au cœur de la compréhension de tous les enseignements du Bouddha. Notre expérience est composée du sentiment de “ moi ” et de “ mon monde ”, c’est-à-dire de représentations, de noms et de formes émergeant de l’ “ environnement ” et le constituant. L’expérience, dans ce qu’elle a de duel, est sous-tendue par la conception. C’est la conception qui conçoit l’expérience duelle, celle d’un observateur dans sa relation à l’observé.

La première conception est l’observation dans laquelle naît l’expérience de sujet et d’objet. Dans cette expérience, d’autres conceptions conçoivent ensuite de bons objets, des mauvais et des neutres. Naissent alors les relations d’attraction, de répulsion et d’indifférence, puis tout ce que l’esprit expérimente dans les six mondes de la conscience. La texture de notre vie est complètement dépendante de nos conceptions. Notre expérience, notre mentalité et notre comportement se développent dans nos conceptions. C’est pourquoi changer de conception est changer de vie, et pour changer de vie il est nécessaire de changer de conception, et finalement de s’en libérer.

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Interdépendance et langageInterdépendance et langageInterdépendance et langageInterdépendance et langage

Nos conceptions dépendent de notre langue ; la pensée conceptuelle s’articule dans les concepts langagiers. La raison se structure dans une logique langagière, avec ses symboles et sa syntaxe. Cette structure conceptuelle, qui est la matrice de notre mentalité, est aussi celle de notre vie habituelle, d’où l’importance d’une langue et de concepts sains.

La méditationLa méditationLa méditationLa méditation : Une approche existentielle et expérimentaleUne approche existentielle et expérimentaleUne approche existentielle et expérimentaleUne approche existentielle et expérimentale

Les limites de la connaissance relative conceptuelle sont incontournables par la pensée. Il faut changer de méthode : c’est l’approche non conceptuelle de la méditation qui le permet. La méditation est un outil qui réalise une expérience immédiate en laquelle toutes les fabrications illusoires de l’esprit n’ont plus cours.

Concrètement, la méditation est une méthode expérimentale pour travailler avec notre situation existentielle et, petit à petit, déconditionner notre esprit de l’illusion dans laquelle se crée l’impression d’exister de façon autonome en relation avec un monde ayant une réalité indépendante. Son enseignement est un ensemble d’indications qui suggèrent une démarche pratique. La confiance dans cette démarche permet de l’entreprendre et d’accéder à la connaissance par l’expérience.

La confiance qu’elle demande pourrait être comparée à celle dont on a besoin lorsque l’on effectue une recherche scientifique expérimentale. Le scientifique qui se propose de tester une hypothèse doit avoir en celle-ci une confiance suffisante pour la soumettre à l’épreuve de l’expérience, qui la confirmera ou l’infirmera. Similairement, l’enseignement nous demande la confiance en la possibilité de se transformer, de modifier sa façon de penser et d’être, de changer sa relation aux autres et sa conscience. Les découvertes progressives issues de la pratique confirment le pratiquant dans cette possibilité et l’encouragent à poursuivre sa démarche, étape par étape, dans le sens d’un déconditionnement et d’une désaliénation qui le rapprochent de plus en plus de sa santé fondamentale...

Le non-appui conceptuel, la non-fixation que développe pratiquement la méditation, conduit le méditant à la paix au-delà des pensées et émotions conflictuelles et, celles-ci dissoutes, à la découverte libératrice qu’il est lui-même le produit de sa pensée.

Xin Li propose à la fois la pratique de la méditation, mais aussi une observation, et une éducation de la pensée active et passive (La pensée passive est la pensée subie, le flot de pensées qui « m’arrivent », la pensée active est une pensée centrée). Je peux par exemple décider de pratiquer Yuan Shen, c'est-à-dire de me réjouir sensoriellement et en conscience, en diffusant cette joie dans l’ensemble de mon corps. Je peux décider de

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mettre fin à des programmes mentaux que je détecte par l’observation, et que je sais négatifs, par une pratique dite de dissociation volontaire, qui peut par exemple dans un premier temps être de changer d’activité, de méditer, …). Peu à peu, j’investis mon mental par le lien avec le corps et la conscience. J’explore mes ressources en interdépendance. J’apprends à me dissocier de ce qui est une manifestation négative, pour me concentrer sur l’exploration, et le développement de comportements positifs (associés à une meilleure connexion à mon noyau). Une publication par des psychologues occidentaux Américains et Européens met à la portée des occidentaux ces pratiques orientales, et nous engagent à regarder nos pensées « comme des événements mentaux passagers », parfois clandestins, ndlr … , à « vivre l’instant présent et traiter les pensées et ses émotions comme des messages passagers comparables à de sons ou des images » ce qui « permet de ne plus occulter les signaux que nous délivrent nos sens – signaux qui peuvent nous détourner de la rumination » et à « débrancher le pilote automatique » et à « se défaire de la fixation sur un but » (Méditer pour ne plus déprimer » - Collectif). Des médecins occidentaux s’appuient sur les mêmes techniques que nous retrouvons en orient et dans les pratiques Xin Li, et vont aussi engager leurs patients à utiliser la « pleine conscience », en développant la sensorialité et l’écoute du corps, la diffusion du bien-être. (article de Jon Kabat-Zinn en annexe) Xin Li considère que l’énergie Qi est liée à l’équilibre corps-esprit-conscience. Une non fluidité (une mauvaise interdépendance) se traduit par un déséquilibre énergétique, voire un blocage, qui peut perturber notre santé mentale, et/ou psychologique, et/ou spirituelle. Réciproquement, toute « nourriture » physique, sensorielle, émotionnelle, mentale ou spirituelle participe à la qualité de l’énergie Qi. Il convient cependant de respecter un équilibre dans les apports de carburant corporel, mental, et spirituel … Nous remarquons qu’une grande partie de notre choix se joue dans notre choix d’environnement (d’exposition) et de mode de vie. Si le sage peut résister à un environnement toxique (certains en ont fait l’expérience lors de la révolution culturelle, ce n’est pas à la portée de tous), pouvoir faire le choix du contexte est un élément favorable de développement. Ce concept d’interdépendance m’amène à prendre soin de Moi, dans une hygiène de vie de qualité (Weisheng). Le proverbe Chinois « je suis ce que je mange » en est une traduction. Il peut être compris dans un sens plus large : ce que je retiens de mon environnement (nourritures diverses : aliment, eau, air, relation, images, sons, odeurs, etc …) fait partie de ce qui me construit, participe à Moi. Développer sa personnalité, c’est ne pas « subir » ce que l’on va retenir, mais bien faire

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des choix quant à son mode et à sa qualité de vie … Le Su Wen nous enseigne le lien entre la longévité et cette qualité de vie : « Les anciens vivaient en étroite collaboration avec le cosmos, qui est à l’origine de la vie par la différence qu’il manifeste entre le Yin et le Yang ou Sol et Ciel. » […] La tradition dit Qu’à soixante ans le sage reste robuste Alors que l’ignorant est déjà un vieillard. L’un est conforme au Tao, l’autre ne l’est pas. L’un observe le Tao dans le bon sens, l’autre s’intéresse à des choses toutes différentes. L’ignorant n’a jamais assez, alors que le sage a toujours trop. Nei Tching Su Wen Maintenant, si nous nous tournons à l’intérieur de nous-mêmes, au cœur de chacune de nos cellules, comment est vécue cette interdépendance ? Xin Li est une branche de la médecine Chinoise, où sont clairement explicités les liens entre Qi (énergie vitale) – Psychisme – Conscience – Physiologie (Organes, Liquides Organiques, Sens, …). La pratique Xin Li, est basée sur à la fois l’Observation et le Choix conscients. Observation de soi-même, dans ses ressentis psychologiques, dans le fonctionnement de sa « programmation mentale », et dans l’observation de ses ressentis corporels (sensations). Les exercices de méditation, ainsi que les Duan Shen, pratiques alliant le corps – l’esprit et la conscience permettent de s’ouvrir et de vivre plus profondément l’ensemble de nos ressources et notre Etre. Prenons un exemple illustratif, avec des phrases populaires sur les émotions :

- Avoir le cœur qui bat, avoir le souffle coupé, évoquent une émotion,

- Avoir la chair de poule, avoir froid dans le dos, avoir des sueurs froides, avoir la peur au ventre, la gorge nouée, prendre ses jambes à son cou, évoquent la Peur,

- Avoir la moutarde qui monte au nez, être « sanguin », ne pas pouvoir se contenir, avoir des démangeaisons, hors de ma vue, évoquent la Colère,

- En avoir gros sur le cœur, évoque la tristesse, ou l’affliction,

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- Avoir des ailes, être fébrile, ne pas tenir en place, évoque la joie, ou le désir - Se faire de la bile, avoir la gorge serrée, être dans ses petits souliers évoquent le

souci, la difficulté à prendre sa place - Un haut le cœur exprime le dégoût …

L’expression populaire relie les mondes mental, de la pensée, au monde physique, par l’émotion. L’émotion s’exprime et se lit par les expressions du visage et du corps, qui sont des contractions musculaires pour la plupart des personnes hors de la conscience. Elle est aussi un signal qui déclenche une action du corps et/ou de la pensée. Le corps, l’esprit et la conscience sont les trois couleurs primaires de notre Etre, de notre Soi. L’équilibre de ces couleurs permet la composition du blanc, ou lumière universelle. Xin Li met en évidence un versant émotionnel physiologique, riche et sain, nécessaire à l’équilibre, et un versant pathologique, par excès, distorsion, manque d’une ou plusieurs émotions. Il rejoint l’expression populaire liant les émotions aux organes, ou réactions physiologiques. Il permet aussi à travers la pratique d’exercices d’équilibrer son univers émotionnel, à travers l’auto observation Fangxin, et la pratique d’exercices Duanshen. La MTC s’appuie sur ces relations entre énergie (Qi), organes (Tsang Fou), Médidiens, Emotions, Sensorialité. « Dans le milieu extérieur, on distingue quatre saisons […] L’organisme possède cinqTsang*. *organes (plein)

Qui forment cinq énergies psychiques : Joie, colère, sympathie, chagrin, et peur( 1). (1)Xin Li contemporain identifie 5 émotions : Joie et colère nuisent à l’énergie Joie, colère, souci, tristesse, et peur Comme froide et chaleur nuisent au physique .

Conscience Harmonie Corps Esprit

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Une colère violente nuit au Yin, Une grande joie nuit au Yang. » L’interdépendance de ces énergies psychiques (et liées aux organes) est décrite dans le principe de domination : « Le printemps domine la saison centrale, Qui domine l’hiver, Qui domine l’été, Qui domine l’Automne Qui domine le printemps. Voilà la loi de domination pour les cinq éléments Dans le cadre des saisons, Et il en est exactement de même Pour l’énergie des Tsang*. » *organes (plein) « Les végétaux produisent cinq couleurs Qui peuvent se transformer l’une dans l’autre Mais non se dominer. Des végétaux naissent aussi cinq saveurs, Et l’essence bienfaitrice de ces saveurs fait qu’elles ne peuvent pas beaucoup Se dominer les aunes les autres. Chaque être humain ayant des besoins et des envies Différents. Chacun a des contacts différents avec les cinq saveurs. De même que le Ciel nourrit l’homme par ses cinq influx, Le Sol nourrit par ses cinq saveurs. Les cinq influx célestes pénètrent dans l’organisme Par le nez, Et sont concentrés dans Sin* et Fei.** * cœur ** poumon Au dessus du nez, donc au niveau des yeux, Les cinq couleurs entretiennent La clarté de l’esprit. Quant aux saveurs, elles pénètrent par la bouche, Et sont concentrés dans les organes digestifs. Ainsi concentrées, Elles renforcent les cinq influx célestes, Faisant la vie harmonieuse, Faisant circuler les humeurs. C’est à partir de là qu’existe l’être pensant. »

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Nei Tching Su Wen Dans ce dernier paragraphe est mise en évidence l’interdépendance avec l’environnement à travers la nourriture (image, aliment, air) intégrant l’aspect sensoriel (couleurs, saveurs, odeurs), et le lien avec l’existence de l’être l’existence de l’être l’existence de l’être l’existence de l’être pensantpensantpensantpensant. Le Soi est présenté dans le Nei Tching Su Wen comme une combinaison interdépendante de cet ensemble interne matériel (organes), énergétique (Qi), émotionnel lié à l’externe par la sensorialité. La maladie est un phénomène dépendant, liée à un non respect des règles du Tao. Le Tao peut être considéré comme l’Ordre (ou le désordre) universel. Etre intégré au Tao signifie être à sa juste place. L’interdépendance au sens Xin Li est porteur de cette notion de justesse, d’Harmonie dans l’Environnement, ou Tao. Xin Li éclaire le Tao selon trois éléments, qui en constitue la base trilogique :

HHHHarmonie

∞ (infini) QiQiQiQi (énergie)

L’harmonie est la juste préhension de la place dans l’ici et maintenant, instant dans l’infini du temps et de l’espace, et la juste énergie de l’individu (, structure ou cellule). Lorsque l’équilibre est atteint, il emplit la personne, l’espace et le temps d’Harmonie, d’une énergie la plus pure. « Yen Yuan interrogea un jour Confucius en ces termes : « un jour j’ai traversé le fleuve à Coupe Profonde. Le passeur manœuvrait son bateau avec une divine assurance et je lui ai demandé si l’on pouvait apprendre à naviguer comme lui. Oui, m’a –il dit : un bon nageur y parviendrait tout de suite, un bon plongeur y parviendrait même s’il n’avait vu de bateau de sa vie. Je lui ai demandé de plus amples explications, il n’a rien voulu ajouter. Puis je vous prier de m’expliquer ce qu’il voulait dire ? Confucius répondit : « le bon nageur y parvient tout de suite parce qu’il oublie l’eau » (Tchouang Tseu). Pour qui a nagé, ceci est parlant. Mais avant d’oublier l’eau, il faudra pendant des années ajuster son geste à la résistance de l’eau ! Alors apparaît un moment magique : le geste juste, la main, le bras, l’épaule qui glisse, à moindre résistance. Le souffle est posé, le corps se propulse dans une eau qu’il oublie. L’Harmonie, moment de grâce et d’éternité dans l’instant ! La pensée Occidentale a des difficultés à appréhender cette dualité corps – esprit, et tend culturellement à valoriser la domination du corps par l’esprit, et se tourne vers l’orient pour apporter des réponses à ce qui est engendré par cet à priori. Notre médecine occidentale tend à isoler la partie malade, à éradiquer la maladie par extraction, ou agent

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chimique, alors que la MTC et Xin Li tendent à porter à accompagner l’Etre (corps – esprit – conscience) dans la recherche d’un meilleur équilibre. Lors des enseignements avec le Dalaï Lama, j’ai été étonnée et ravie de ses réponses « Je ne sais pas », s’accordant – et nous accordant - ce droit, cette humilité, cette honnêteté. Savoir que l’on ne sait pas témoigne d’une conscience élevée, et permet l’ouverture aux possibles. Nous sommes en contact avec une apparence, une expression des choses, qui appartiennent à une réalité ultime, non accessible sans éveil. L’interdépendance existe, nous pouvons y prendre la responsabilité de notre vie, et paradoxalement c’est par le lâcher-prise que nous trouverons notre véritable place.

6.6.6.6. LES CHEVAUXLES CHEVAUXLES CHEVAUXLES CHEVAUX DU TDU TDU TDU TAOAOAOAO

Puisque l’idée de ce sujet est venue avec les chevaux, évoquons ce contact étonnant. Les animaux sont comme nous habitants de ce Tao, de cette terre, et d’eux-mêmes. Rencontrez les chevaux est une rencontre avec le Tao, pas totalement accessible, et nous renvoyant nos actions. Les chevaux sont de mammifères, comme nous. Ils ont cependant une sensorialité plus développée. Ils voient mieux (vision périphérique), entendent mieux (jusqu’à plusieurs kilomètres), ont une perception de la peau plus fine que la notre. Leur odorat est aussi très développé, probablement leur goût (leur appareil digestif étant délicat, il leur faut soigneusement sélectionner leur nourriture). Dans la nature, ce sont des proies. Ils sont vus par d’autres animaux, et par quelques humains comme de la « viande ». Cette position entraîne un comportement de survie, et une peur très développée. De plus, ils sont perçus par les humains comme un moyen de transport, de loisir, voire de jeu, ou pire de peluche. Voyons dans quelle forme d’interdépendance les hommes sont aujourd’hui avec les chevaux. Les hommes ont domestiqué ces chevaux (il ne reste que quelques rares troupeaux sauvages), limitant de plus en plus leur territoire. Les hommes se sont appropriés les terres, la terre, en en faisant leur « propriété », selon un ou des systèmes juridiques complexes, concept bien entendu en dehors de l’entendement d’un cheval ! Le cheval n’a pas évolué depuis sa domestication (contrairement au chien par exemple), ce qui continue à lui procurer un stress important. Les besoins des chevaux sont la vie en troupeau lié à sa survie et à son hygiène de vie (massages soit en se roulant, soit à deux par des gratouillages, sociabilité, reproduction, éducation, …), l’espace lui permettant le mouvement (de fuite, d’une part, de déplacement –

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environ 20 kilomètres par jour qui lui sont physiologiquement nécessaires), le choix de sa nourriture (il cherche à varier ses menus !), le contact avec l’eau (les chevaux sauvages se baignent, et se roulent dans la boue), … Le dominant, chef d’un troupeau, est un animal exceptionnel, fort et courageux, qui protège ses congénères. Avec le leader, il cherche le meilleur pour la collectivité. Ce cheval est toujours en alerte, et souvent très occupé, et remplit son rôle avec engagement. Sauf quelques rares « éveillés » au monde du cheval, les hommes les enferment souvent dans les boxes, ou des paddocks souvent trop exigus. Ils les imaginent protégés, et ont « bonne conscience ». Certains disent franchement qu’ils veulent un cheval disponible (c’est donc normal d’enfermer un animal dans un placard toilettes, pour le sortir souvent au mieux une heure par jour). Les mêmes attendent un animal aux ordres, une attention et une performance sans faille, et récompensent l’animal par de grandes claques sur l’encolure, sans remarquer leurs oreilles qui plongent en arrière (ce qui veut dire je n’aime pas en langage cheval). Une grande partie de notre relation avec le cheval est basée sur une méconnaissance. D’autant plus que lever ces méconnaissances implique une responsabilité, une prise en charge des besoins réels de l’animal, et non pas de nos fantasmes de confort ! L’interdépendance nous confie une responsabilité vis-à-vis de nous même, mais aussi de l’environnement vivant proche que nous côtoyons. Mon approche des chevaux, et mon accompagnement des personnes dans le développement managérial à travers un travail avec un cheval en liberté m’a permis de m’interroger sur l’interdépendance. Dans un modèle occidental, l’interdépendance est une des étapes du modèle d’Autonomie. Mise en présence d’un cheval, souvent un étalon, la personne (cavalier ou non), perçoit tout d’abord une interrogation, voire une peur, quant au comment poser son autorité sur l’animal, et partager un objectif commun. En liberté, sans contrainte physique, le mode directif ne fonctionnera que si le cheval est en capacité de comprendre la direction indiquée, et se sent en confiance avec un humain dominant (au sens cheval du terme). Très vite, pour progresser dans les niveaux de demande, la personne perçoit le besoin de mieux comprendre le mode de fonctionnement du cheval … et réciproquement. L’homme et le cheval, ou l’équipe entrent dans une phase de découverte, d’apprentissage et d’ajustements réciproques dans leurs modes de fonctionnement, propres et commun. Ils découvrent ce qui dans le modèle d’autonomie est appelé le degré d’interdépendance. Le degré 1ère de ce modèle, tel l’enfant avec ses parents, est celui où le dépendant vit à travers les modes de perception et de fonctionnement de son référent. L’avantage est la

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sécurité, le contrôle ; la limite est la sur-adaptation de la personne adulte et la double dépendance instaurée Le degré suivant est celui de la contre-dépendance, que l’on retrouve chez l’adolescent en quête d’identité, en construction par le rejet d’un modèle dont il dépend, mais aussi chez des collaborateurs dans des formulations telles que « si le management était compétent, si l’environnement le permettait, si le client savait ce qu’il veut … ». Reportant la responsabilité sur autrui, il est dépendant d’une solution qu’il sait ne pouvoir venir de l’autre, ni de lui. (Chez le cavalier, combien de chevaux sont dits rétifs ou autre qualificatif, le cavalier ne se remettant pas en cause, et n’étant pas en capacité de faire progresser le cheval …). Vient ensuite le degré de l’indépendance, dont le gain est la prise de responsabilité. La personne est dans un mode de fonctionnement établi sur des critères qui lui sont propres et non plus adaptatifs ou réactifs. Les risques de ce degré d’autonomie sont les dérives narcissiques (« moi seul pouvait comprendre et réussir … »), le lien n’est possible qu’avec des individus partageant les mêmes modes de compréhension, évaluation, fonctionnement. Le lien est inexistant ou superficiel avec des individus d’une autre culture. (Face à un cheval un individu indépendant aura par exemple de grandes difficultés à lire la peur, voire les besoins physiologiques du cheval). Le stade d’interdépendanceLe stade d’interdépendanceLe stade d’interdépendanceLe stade d’interdépendance est celui de l’ouverture à des mondes différents du sien. Il est celui qui permet d’être en lien avec l’environnement humain, comme équin. Son apprentissage est déroutant, parfois inconfortable. Face au cheval un double challenge nous est proposé : être connecté à soi même, et se connecter à un cheval, dont le monde nous est inconnu. Là, dans le manège, les stagiaires d’abord dans l’incertitude découvrent que la collaboration du cheval est accessible à condition de :

- Accepter la « vraie » rencontre o Celle de soi (dans un cadre inconnu) o Celle du cheval (dans son entièreté)

- D’être à 100 % présent (au sens du cheval, physiquement, psychologiquement, dans l’ici et maintenant)

- De respecter le rythme du cheval et les étapes de prise de confiance et de respect réciproques

Côté monde du cheval, c’est à ces conditions que l’on construit avec un cheval une relation avec l’homme. Nos mondes étant suffisamment éloignés pour rendre tout autre stade d’autonomie (disons le) violent. Ceci nous impose le nécessaire travail sur nous pour entrer dans ce monde d’interdépendance. Un cheval en

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liberté ne travaillera avec une personne qu’à cette condition, sinon la fuite sera son choix. L’interdépendance nécessite d’accepter que le monde de l’autre, où les besoins, les règles, les valeurs sont différents. C’est accepter de dépasser ses peurs d’entrer dans un intervalle entre les deux mondes : celui de l’autre et le sien, de chercher non pas ce qui est différent, mais commun, d’accepter un étirement de ses certitudes, de ses savoir-faire et être. C’est dans le lâcher-prise que la rencontre se fait. Dans l’humilité et le contact avec soi même, que l’on peut contacter l’autre, identique et différent. Je raconte parfois quelques anecdotes que j’ai vécu avec Never notre cheval, alors qu’il était encore jeune et très peureux. En promenade, souvent je descendais et marchais à côté de lui, lorsqu’il avait peur, il me suivait alors rassuré par « l’animal de tête ». Ce jour là, il avait aperçu une belle herbe bien grasse, m’avait entraînée dans un pré, et tournait en rond, m’empêchant de monter sur son dos. Je me remis à marcher lui demandant de me suivre, ce qu’il fit, puis vient une côte importante. Il semble alors prendre conscience que ses jambes lui permettent d’être plus rapide que les miennes. Il me regarde souffler, et se met à mon côté, m’invitant à monter sur son dos, ce qu’il me permet sans bouger ! Une autre fois, lancés dans un galop, deux chemins s’ouvrent à nous. Son temps de galop se suspend légèrement, il me questionne : droite ou gauche. Dans ma tête la réponse se forme, sans que je ne réponde par un mouvement. Il tourne, répondant à mon choix … Combien de fois s’est –il arrêté, les oreilles mobiles, à l’écoute ? J’ai généralement vu arriver quelques minutes plus tard un engin, ou un animal. Devant un objet inconnu perçu, il fuit, jusqu’à ce qu’à mon tour j’identifie l’objet de sa peur. Ma simple pensée, qui lui indique que l’objet est étiqueté favorablement chez moi (il s’agit d’un véhicule, d’une tente dans un coin de pré, …) et est sans danger, ce qui le ramène immédiatement dans le calme. Tous ces bonheurs n’auraient pas été possibles dans une volonté de totale maîtrise (dont je n’étais de plus pas en capacité …). Ma sécurité n’est pas apportée par la soumission totale, mais par une interdépendance, où chacun apporte ses facultés à l’autre, ou au système vivant. Cette interdépendance nécessite d’avoir une confiance en soi, et en l’autre. D’avoir dépassé les peurs face à la méconnaissance, au différent. Elle nécessite une relation au temps adaptée. Tout n’est pas accessible immédiatement, mais peut demander à être apprivoisé. Une présence dans l’instant, sans laquelle le cheval ne se sentira pas « invité » dans la relation. Klaus Ferdinand Hempfling, qui repousse les limites de la guérison des chevaux et des hommes, explique dans son livre « Lorsque les chevaux se révèlent », sa compréhension de la rencontre Homme - Cheval : « Etre avec les chevaux signifie rassembler suffisamment de courage pour affronter le chaos et trouver en soi

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même suffisamment de force et de sagesse pour sans cesse le surmonter ». Il explique ses résultats exceptionnels : « Pour nos ancêtres, la vie était une succession d’événements qui sont tous reliés entre eux, absolument tous, mais de nos jours cette conception très simpliste est presque totalement oubliée. Que les chevaux me suivent, et qu’à cet instant naisse l’harmonie, n’est que la conséquence de tous les événements de ma vie.[…]. J’ai réussis à conserver une grande part de mon âme d’enfant, comme cette conscience que chaque événement de la vie est toujours la conséquence d’un événement précédent. […]. Je mène le cheval et le cheval me mène, et le sol et le temps nous mènent. » La relation au cheval est une forme de contact avec le Tao, où le cheval ne tolère aucun écart à qui l’on est vraiment, toute incohérence étant suspecte, donc un danger potentiel à ses yeux. Elle nécessite aussi une ouverture, un vide, pour qu’il ait l’envie et la possibilité d’entrer dans la relation. Pour terminer sur les chevaux, un hommage aux petits et endurants chevaux Tibétains. Les drapeaux Tibétains flottants au vent, et portants les prières sont appelés « Long Ta », cheval de vent. « L’élément préféré du cheval est le vent, son rapide galop, et crinière et queue flottant librement même par temps calme », font qu’il représente dans la symbolique Tibétaine l’énergie positive qui élimine les obstacles : l’énergie du vent est chevauchée par le cheval. (Les symboles du Bouddhisme Tibétain – R Beer).

7.7.7.7. INTERDÉPENDANCE ET INTERDÉPENDANCE ET INTERDÉPENDANCE ET INTERDÉPENDANCE ET FLUIDITÉFLUIDITÉFLUIDITÉFLUIDITÉ

Il me semble intéressant d’explorer les aspects physiologiques et pathologiques de l’interdépendance : que se passe t-il quand cette interdépendance n’est pas fluide ? Dans une interdépendance fluide, la personne est ouverte à l’espace temps (environnement, Tao), tout en étant en relation avec elle-même, avec son noyau, au sens Xin Li. Le noyau est la partie de soi vraie, l’enfant dans son innée et son acquis. L’adaptation à la société – au sens large – peut aboutir à des adaptations intégrées, parfois automatiques, non conscientes, qui ne sont pas en cohérence avec le noyau, la personne vraie, souvent non choisies, ou si choisies à un moment dans le passé ne sont plus adaptées au présent. Cette adaptation peut construire

Noyau

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une nébuleuse dite d’adaptation privant la personne du contact avec son noyau, avec elle-même. Comment se construit la nébuleuse ? Elle se construit chaque fois que je sors de ma cohérence, que je rencontre une interdépendance que je ne choisis pas vraiment, que j’accepte superficiellement quelque chose qui ne me correspond pas - en langage Xin Li, nous parlons de « justesse » - dont une partie n’est pas juste pour un élément dans le Tao. Si je ne suis pas en conscience, je vais « coller » ceci, non pas dans mon noyau, qui est le juste « Soi », mais dans une zone proche de lui, qui est appelée la « nébuleuse d’adaptation », et que je confonds avec mon noyau, si je ne suis pas en conscience. Si je répète sur le même type d’enchaînement de cette séquence, je crée alors un programme mental, mettant en œuvre une répétition, puis un automatisme. « La clef est alors la conscience, la voie royale le regard nouveau sur tout événement. Il est alors important de développer le positif, le plaisir, la joie saine, de façon à ne plus alimenter ces programmes à effacer » (extrait de mes notes de cours avec Michel Deydier-Bastide »). Et si c’était si simple que cela ? Juste trouver cette clef. La conscience, la pleine conscience. La démarche n’est ni aisée, ni compliquée, c’est comme cela que je la vis. Le plus étonnant jusqu’à ce jour, et probablement compte tenu de ma « personnalité », c'est-à-dire de la combinaison de mon héritage, de mon vécu, et de l’espace temps, là, devant mon PC, (qui va se partager avec celui de vous lecteur, et va rencontrer votre personnalité), est que tout se passe, finalement, mais pas comme on l’imagine … Tout se passe quand on lâche prise. Cela semble la phrase « bateau », je vais essayer d’illustrer. Je souhaitais méditer, j’avais compris que « quelque chose »* différenciait les « méditants », sans trop savoir quoi. J’écrirais aujourd’hui « rapport à soi et au monde », et probablement à la sagesse. Ma compréhension était que la voie « orientale », quelle soit Bouddhiste (sans parler de religion), ou Xin Li était celle de la non illusion. De cette non illusion découle plus de connexion. A Soi, au Tao, concept qui permet d’accéder à la notion de ce qui est plus grand que nous, et nous contient et est contenu par nous, d’infini. En acceptant cette idée, j’accepte en même temps le lâcher prise : je ne peux pas appréhender ce tout, pas dans mon ordinaire.

*Ceci est confirmé par des études sur quelques bandes du spectre : résistance au stress par exemple, ouverture face à l’inconnu, ….

Mon expérience en méditation est au départ simple : • une première journée il y à longtemps à Taïwan, avec un moine zen et son groupe

de pratiquant. Une courte journée (de 7 heures !), face à un mur, avec des pauses de « tourne en rond » (marche méditative lente !), une courte journée coupée par un merveilleux repas, où la consigne était de dépasser, d’oublier le délicieux (difficile

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lorsqu’en pays étranger on rencontre enfin des nuances subtiles non assommées par du trop piquant !), une journée facile, sans enjeu, sans désir, avec une découverte qui me laisse un sentiment de partage, de justesse dans la rencontre, le lieu, les personnes, ma participation Je ressors comme un bébé, et je dors magnifiquement ensuite, malgré le bruit de la ville.

• puis la volonté de l’explorer va un peu compliquer la chose, par son excès. J’ai commencé à sortir de l’état de pensée permanente, à partir du moment où j’ai oublié l’objectif, et la règle. J’ai vécu longtemps dans une logique linéaire « je fais, je réussis ou pas, je corrige, pilote, …Je mets en place les moyens, ça marche ». J’ai ressenti le besoin d’aide dans la méditation, et commence à le dépasser. Une phrase a été clef : elle est prononcée par Christophe André, la voix dans le CD accompagnant le livre « Méditer pour ne plus déprimer ». L’important est simplement la conscience que l’on a, juste cela. Qu’il n’y a rien à chercher, à forcer, juste à vivre … avec soi…

J’ai vécu la même chose avec la respiration. Une pratiquante Xia Tsu me demandant de respirer eût la surprise de me voir respirer en bon élève en 3 temps : le ventre, les côtes, le haut. C’était la première fois qu’elle rencontrait cela et étais très étonnée … J’en ris aujourd’hui !Je ne contrains plus ma respiration aujourd’hui, je l’amplifie, et joue jusque là où elle me guide. Oui, il existe plusieurs niveaux de respiration ; non, gonfler le ventre n’est pas un objectif, mais une conséquence. Prendre conscience de sa « cage » ( !) thoracique, des parois de cette boite. (Ma prise de conscience du diaphragme s’est faite par la prise de conscience que d’un côté, il y a cette boite, de l’autre le ventre, c'est-à-dire par l’autre face, une forme de conscience par « complément »). La conscience amène la fluidité, la conscience est corporelle et mentale, et plus. Prendre conscience, c’est comme apprendre à nager : cela semble impossible, et un jour, c’est là ! Peut être que les personnes empreintes de curiosité ont une facilité pour cela : elles sont poussées par leur instinct, qui leur fournit l’énergie pour passer les premières difficultés. Au mot conscience, j’associe le mot confiance. Pas seulement par leur proche sonorité. Mais de part leur inter-dépendance. Mon travail avec les chevaux m’a amené à décoder les stagnations et blocages énergétiques. La personne doit passer un cap : celui de se faire confiance, confiance en son ressenti, en ses envies, en ses ressources archaïques notamment. Le cheval a besoin que son leader ait un niveau de confiance en lui (self estime), qui lui permette de reconnaître cet humain qu’il suit alors, mettant entre ses mains en partie ou totalement sa survie. Le modèle d’Autonomie est lié à celui des positions de vie (je ne développe pas ici l’intégralité du modèle, ndlr): Au stade de dépendance, la personne a confiance en l’autre, dans son environnement, dans le Tao pour faire face, alors qu’elle-même ne se sent pas en capacité.

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Au stade de contre dépendance, elle est critique vis-à-vis de son entourage, et pas suffisamment sûre d’elle-même. Dans cette période délicate, elle n’est pas en confiance (rester dans cette position peut être le début d’une dépression). Au stade d’indépendance, elle est reliée à elle-même, et éventuellement à ce qui lui ressemble. Le reste est souvent ignoré. Au stade d’interdépendance, elle est confiante à la fois en elle-même, et à la fois dans son environnement. Cette position de vie est la plus favorable, c’est celle d’une interdépendance consciente. L’interdépendance consciente, responsable est liée à la confiance que l’on a en soi et dans son environnement. Nous pouvons énumérer les opposés :

• l’illusion ou la méconnaissance (l’ignorance, l’indifférence en sont d’autres nominations ou facettes)

• non responsabilité (et ses variantes que sont la culpabilité, l’irresponsabilité, …) • la non connexion à son soi véritable (dont la non confiance en soi est une

conséquence, avec des manifestations telles que l’orgueil, mais aussi le retrait de soi)

Lorsque ces opposés se manifestent, la personne entre dans un mal-être, qui peut être ressenti par elle, ou non, peut déclencher des manifestions, par exemple de vent, de froid, sécheresse, humidité, où la personne aura un comportement agité (extraverti, ou non), de retrait, sec, envahissant, … non juste dans la situation. Son énergie est alors perturbée. Le développement par la pratique Xin Li est une voie vers l’interdépendance consciente, responsable, mais aussi et peut être surtout, vers le mieux être, vers le bien être. Un thème que je souhaite aborder, est celui d’un des véhicules qu’ont créés les humains pour « compter », « valoriser » leurs échanges interdépendants : il s’agit de l’argent. S’engager sur la voie de l’Interdépendance choisie et non subie soulève à un moment cette question souvent taboue, restant dans le non dit. L’argent, la fortune, est associée dans la culture Chinoise au la félicitée, à la prospérité, au bonheur, ce qui est très étonnant au premier abord pour les occidentaux. Cette notion d’argent est elle-même liée au temps, par la notion de salaire. L’agent valorise le travail effectué, et achète le temps de hommes, lorsque ceux-ci ne vendent que leur temps … Vous souvenez-vous d’une chanson des Pink Floyd (album The dark side of the moon) ? “Money, get away Get a good job with more pay and you're OK Money, it's a gas Grab that catch with both hands and make a stash New car, caviar, four star dreaming Think I'll buy a football team

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Money get back I'm all right Jack keep your hands off my stack Money, it's a hit Don't give ma that do goody good bullshit I'm in the hi-fidelity first class travelling set And I think I need a Lear jet Money, it's a crime Share it fairly, but don't take a slice of my pie Money, so they say Is the root of all evil today But if you ask for a rise it's no surprise that they're Giving none away” L'argent, hors de ma vue, Trouve-toi un bon travail avec une bonne paie et tout ira bien pour toi, L'argent, c'est un carburant, Saisis-le avec les deux mains et planque-le, Une nouvelle voiture, du caviar, une rêverie quatre-étoiles Je pense que je vais m'offrir une équipe de foot, L'argent, hors de ma vue, Je vais bien Jack, garde tes mains bien loin de mon argent, L'argent, c'est un sacré succès, j'ai pas besoin de ces conneries, Je voyage en première classe et j'ai la carte de fidélité de la compagnie, Je crois même avoir besoin d'un jet Lear L'argent, c'est un crime Partage le équitablement mais n'empiète pas sur ma part, L'argent, à ce qu'il parait, serait la source de tout le mal existant de nos jours, mais si tu demandes une augmentation, sans surprise ils t'en accorderont pas. L’enseignement Xin Li nous a proposé une re-visite de la pyramide de Maslow, et notamment de ce que nous rencontrons lorsque les besoins sont non satisfaits. Nous rencontrons une adhérence aux valeurs secondaires (argent, drogue, sexe –dissocié de l’amour-) lorsque la personne (et la société) n’atteint pas une auto-réalisation positive.

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Ceci a inspiré le schéma suivant développé suite à une réflexion avec une équipe pluridisciplinaire, autour du dépassement du sentiment d’impuissance en entreprise. Les modes de réponse aux besoins ont évolués de la société moderne, à notre société post-moderne. Notre ami sociologue et conseiller scientifique (Philippe Mallein) nous présentait sa vision d’une société dont une des caractéristiques est d’être en de nombreux aspects paradoxale. La matérialisation du lien évolue. On appartient sans être présent, la reconnaissance est éphémère, relative. D’une société où les repères étaient identifiés et fiables, les repères sont devenus multiples et dépendantes de la (des) communauté(s) culturelles ou de pratiques. La satisfaction des besoins repose de plus en plus sur la capacité individuelle et se lier à une (des) communautés dans lesquelles on peut se développer, échanger … et de ses capacités à évoluer dans l’impermanence et l’émergence. Un besoin humain est l’harmonie, harmonie participe à l’ « intuition » de nos choix.

BESOINS BESOINS NON SATISFAITS

STE MODERNE

BESOINS

SATISFAITS

STE POSTE MOD

BESOINS

SATISFAITS

PHYSIOLOGIQUEDESTRUCTION

(AUTO)

APPARTENANCESURVIE(ISOLEMENT,FUITE, AGRESSION)

RECONNAISSANCE PAR LES AUTRESSOLITUDE, COUPE DE LA

SOLIDARITE

ESTIME DE SOIABSENCE DE REPERE

AUTO- REALISATIONVIE DE « VALEURS SECONDAIRES «(POUVOIR, ARGENT, DROGUE, …)

ACCORD avec USAGES SOCIAUX (ex : Repas, Sommeil, …) TRANSMIS FAMILIALEMENTet RESPECTE PRO

CONSTRUCTION liée aux LIENS

À un ou qqs GROUPES SOCIAUX STABLES

(règles, individus, temps, ) & COHERENTS

/ REPERES STABLESGESTION LINEAIRE OBJECTIF, TEMPS, …

DOMAINES INTIME, PRO,

ET PUBLIC DIFFERENCIES

SENS A SA VIE

dans un MONDE

sous CTRL (occident)

ECOUTE et LIEN AVEC SOI DANS UN ENVIRONNEMENT « BRUYANT »

CONSCIENCE DES PARADOXESREEL/ VIRTUEL, PROCHE/DISTANT,

SECURE/INCONNU, CONCENTRE/ MULTI TACHES, …

SECURITESURVIE(ISOLEMENT,FUITE, AGRESSION)

TERRITORIALITE PHYSIQUE

EXPERTISE

LIEN AVEC famille, institution, …

DANS L’ICI ET MAINTENANTPAR LA CO ELABORATION DE

COMMUNAUTES IMPERMANENTES

EN ADAPTATION / ENVIRONNEMENT

/ REPERES RELATIFSINSTABILITE FAMILLE, DE-MISSION

FAMILLE ECOLE, FLUCTUATION

OBJECTIF & RECO. ENTREPRISE

CONSTRUCTION

PERSO et ALEATOIRE

A TRAVERS RENCONTRES

SENS et

LACHER PRISE

L’argent est un exemple de la « matérialisation » de l’interdépendance, et de l’importance de la conscience que je pose sur cette matérialisation. Lorsque j’achète du pain, j’achète le travail de celui qui a planté, fait pousser le blé, de celui qui l’a moulu, de celui qui l’a pétri, cuit, de celui qui me le tend. Et si toutes ces étapes sont réalisées dans l’harmonie, et dans une conscience de la conséquence des actions, la transaction est alors juste. Par contre si dans la chaîne s’introduit une notion d’utilisation de ressources de la terre, ou de l’homme non respectueuse, quel est le sens de produire du pain dans ces conditions ?

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Ayant eu des responsabilités marketing, j’ai pu constater – d’abord avec surprise – que le sens initial de cette fonction était de répondre aux besoins des clients, prenait une dérive dangereuse qui consiste à créer des besoins illusoires. Un monde illusoire et lui aussi interdépendant semble s’être construit, menace pour l’homme lui-même et son environnement, jusqu’à la planète, peut être. « Semble, peut être », car dans un même temps, il existe tant de beauté et de talent. Ce monde, comme un ballon se dégonfle de temps en temps, bulle internet, crise financière liée aux subprimes. Parler avec un banquier se révèle un exercice difficile tant la croyance illusoire est grande. Dans les dernières actualités, l’état Grec pourrait trouver une solution à sa crise importante, en … vendant son patrimoine ! Que pourrait changer le passage de la propriété de quelques îles à la capacité d’un pays à créer de la valeur et à trouver un équilibre ? Ce monde illusoire dont l’argent n’est qu’une matérialisation, une façon non juste de répondre à des besoins fondamentaux : sécurité (l’assurance tout risque existe-t-elle ?), reconnaissance (à travers la possession), illusion d’être par l’avoir … De part mon métier de coach, je rencontre de personnes en changement de chemin professionnels. La plupart des personnes accorde une grande importance à retrouver une activité, cohérente avec leurs valeurs et leur créativité, avec le désir profond de trouver et/ou créer un environnement favorable. Ceci devient possible lorsque la phase de contre-dépendance est passée (rien ne sert de s’acharner contre le « système »), et lorsque la personne trouve sa voie dans la dignité. Après un temps plus ou moins long, le désir rencontre une matérialisation – un peu comme dans la méditation - et il est beau de voir émerger de projets de vie, autonomes et prospères. Il est touchant de constater que les personnes ne peuvent plus suivre une voie sans sens pour eux-mêmes, voire global, que le besoin, la volonté d’Harmonie les soutient, et leur permet de dépasser leur peurs et limites. Souvent ce besoin est incompris par une partie de leur entourage (du moins au début), et une grande énergie est passée dans rassurer sur le fait qu’il existe de l’oxygène en dehors du grand laboratoire économique coté en bourse dont les portes libèrent, voire expulsent de nombreux bons soldats, comme un animal ayant une indigestion … L’interdépendance est un sujet vaste, qui nous apporte de multiples interrogations et lie notre vie quotidienne à notre vie spirituelle. Je suis mon héritage, mon « background » (la terre que j’ai foulée), mon ici et maintenant, mon énergie, mon désir, dans un environnement proche avec lequel je suis en lien par mes sens, y compris celui de la parole (ou des mots) et par mon intuition. Les mots ont élargi le rayon de notre communication, les moyens informatiques le rendent mondial. Il existe en moyenne 5 contacts entre moi et chaque individu sur terre (source non vérifiée, peut être ceci signifie t-il entre personnes ayant accès à Internet ?). Par contre, la vie moderne a peut être rétréci notre accès à nous-

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mêmes, nous canalisant vers des activités qui ne sont parfois que de la consommation d’illusions, comme si le monde en manquait ! Etre Soi, être au plus près de son noyau, être son noyau, est être au plus près de notre humanité, à la fois dans le commun à notre espèce, notre univers, et dans la dimension spécifique dont nous sommes porteurs, qui fait de nous un être unique.

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8.8.8.8. L’ACCOMPAGNEMENTL’ACCOMPAGNEMENTL’ACCOMPAGNEMENTL’ACCOMPAGNEMENT

Une expression Chinoise qui veut dire « je te suis » se dit : « Wo gen ni qu », mot pour mot, « je avec toi aller ». Etre accompagnant pose la question de « où » être ? derrière, devant, à côté ? Que dit le Nei Tching Su Wen ? « En présence du malade, fermez portes et fenêtres Afin d’être totalement isolé avec lui seul. Le traitement que vous mettrez en œuvre Dépendra uniquement des questions que vous lui poserez sur ce qu’il ressent, Et aussi sur son moral. Pour une même maladie, un bon moral peut sauver » Nei Tching Su Wen Oublions le mot malade, et concentrons-nous sur l’aspect « totalement isolé avec lui ». Pour être totalement isolé(e) avec l’accompagné(e), il est nécessaire d’être à 100% dans l’espace temps ici et maintenant. Toutes portes et fenêtres doivent être fermées, pour empêcher toute distraction, ou influence externe, voire interne par l’accompagnant, ou pour l’accompagné, qui est là pour se retrouver. L’entretien est un temps privilégié, à considérer comme tel, pour lequel l’accompagnant doit être prêt. « Dépendra uniquement des questions que vous lui poserez sur ce qu’il ressent, Et aussi sur son moral. » Le questionnement est un art. Les questions sont des lanternes, que la personne choisira de voir, si elle est prête. Elles éclairent le chemin propre de la personne. L’accompagnant doit veiller à être un miroir fidèle, non déformant, apportant une lumière adaptée sur le chemin de la conscience de l’accompagné. Xin Li apporte une structure, un guide à ce chemin. L’accompagnant a aussi un rôle « modelant », à travers son propre développement, et sagesse (au sens Xin Li). Il est inutile, contre performant, de « précéder » l’accompagné. Ce réflexe, ne rassure que le débutant (et nous l’avons tous fait à un moment donné), il est suivi par un instant, où l’on a le sentiment de « perdre le contact », d’un blanc qui pourrait s’installer. Là encore, être vrai, nommer, retrouver ce contact, s’appuyer sur la capacité de résoudre ensemble.

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Xin Li est un outil merveilleux, qui permet de ne pas se positionner en frontal vers les difficultés, mais d’installer un terrain favorable, de conforter l’énergie de la personne, son bien être. Par la simple prise de conscience, certaines manifestations s’effacent. D’autres seront plus tenaces. C’est à l’accompagné de décider de les confronter, l’accompagnant étant là pour l’aider dans la façon de le faire. « Je mène le cheval et le cheval me mène, et le sol et le temps nous mènent ». Cette phrase me parle d’accompagnement au sens large. Le sol, et le ciel nous mènent, ainsi que des paramètres subtils. J’ai souvent commencé un accompagnement en me disant que les choses semblaient compliquées, je n’étais pas sûre de « réussir ». J’ai appliqué une recette qui consiste à accepter l’incertitude, être simplement présente, réceptive à l’autre comme à moi-même. Un moment, après quelques entretiens, il se peut que je commence à douter, et c’est en général à la séance suivante que la personne m’annonce un grand pas. Je suis avec, vraiment avec, sans être plus, ni moins, et cela suffit. Mon rôle est d’accompagner la prise de conscience, savoir éclairer alors que le pas est entamé. On parle souvent de « posture » d’accompagnant. Accompagner une personne sur le chemin d’elle-même nécessite bien plus qu’une posture : elle nécessite d’avoir soi même fait ce chemin, et d’être proche de son noyau. Dans ce sens, posture, qui est la traduction physique de Soi est correcte, elle traduit alors un alignement de la personne à elle-même, et non pas un alignement par rapport à une identité professionnelle. La proximité de son noyau est accompagnée d’un professionnalisme, qui est une capacité à poser un diagnostic – à respecter nos limites quant à ce que nous pouvons accompagner – et une capacité à utiliser correctement les outils adaptés.

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9.9.9.9. QUELQUES EXEMPLES VÉQUELQUES EXEMPLES VÉQUELQUES EXEMPLES VÉQUELQUES EXEMPLES VÉCUSCUSCUSCUS

Le Lâcher Prise. Un cheval, une personne, que nous appellerons Claire. Une barre au sol. Un exercice qui consiste à faire passer le cheval au dessus de la barre. Rien à sauter, juste passer au dessus. Claire, ancienne cavalière de compétition, a le geste juste, tente de guider, de pousser le cheval. Plusieurs minutes, presqu’une dizaine. Claire passer par une émotion de colère, est prête à se fâcher très fort, puis se décourage, abandonne, se retourne vers nous, et dit « j’en ai marre, j’abandonne » en levant le bras. Derrière son dos le cheval franchi la barre, sans appréhension. Quelques minutes après, spontanément Claire nous dit : « c’est ce que j’ai toujours fait avec mes équipes, ça s’est toujours passé comme ça. J’ai tellement peur que cela ne marche pas, je mets trop de pression. » Le seul commentaire que je souhaite apporter est celui de porter un spot sur le silence associé à la finesse de compréhension du cheval. La peur En travaillant avec les chevaux, dans chaque groupe que nous avons encadré, il y a au minimum une personne qui a peur, parfois à ne pas en avoir dormi la nuit. La personne a décidé de travailler sur ses peurs. Derrière ses peurs différentes raisons :

- la méconnaissance : je ne sais pas ce dont j’ai peur - la peur avec objet :

o je me souviens avoir entendu des histoires sans plus savoir exactement lesquelles

o (larmes devant la beauté du cheval) quand j’étais enfant je montais à cheval, j’avais peur, j’étais d’une famille de cavaliers, on m’en demandait trop, je n’osais pas dire non. Le pire c’est que cette peur m’a coupé de la relation vraie avec les chevaux, je les aime.

o J’ai besoin de rentrer en relation avec les êtres avant de pouvoir faire quoi que ce soit avec eux.

Surmonter ses peurs commence pour certains par le contact, la caresse, la découverte du vivant du cheval : la douceur de son poil, sa chaleur. Pour d’autres personnes, il est besoin d’un autre type de contact : de découvrir le monde de l’autre avant de l’approcher, ces personnes sont rassurées par la parole, la traduction de ce qui vit le cheval, l’introduction à son « monde cheval ».

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Pour le cheval, entrer en contact est d’abord sensuel, olfactif, puis consiste à tester l’autre pour déterminer qui est le plus sûr, le dominant. La barrière de l’égo, ou de la personnalité apparente Très rarement, les personnes ne pourront déposer rapidement leur armure face au cheval. Arrivant avec un rêve illusoire, elles fantasment d’une liberté où le cheval serait conciliant à tous leurs désirs, farouche animal apprivoisé grâce à leur aura … Bien sûr, arrivés sur le sable du manège, l’étalon ne s’y trompe pas, et fuit l’absence de réalisme, ou de possible. Dur contact, ces personnes ont la ressource d’accepter cette réalité, et aborde en conscience le début d’une remise en question. Devant ce cas, rencontré deux fois, il semble que personne avant le cheval n’avait su être suffisamment crédible pour ces personnes, pour permettre un accueil de cette conscience. Pour ces personnes, il est rassurant de savoir que pour progresser, nous recevons tous de temps en temps un message d’un cheval, d’une personne, que c’est un cadeau … La solidarité est exceptionnelle. La transformation accompagnée d’un nouvel environnement Un autre cas est celui d’un créateur d’entreprise (sans cheval …). Juste un entretien avec son accompagnateur. Les fêtes arrivent, une peur, celle d’être confrontée à une famille critique vis-à-vis de l’aventure de l’entreprenariat. L’échange qui suit concerne l’environnement : le fait de suivre sa voie peut amener à rencontrer d’autres personnes, se sentir plus à sa place avec elles, alors que le dialogue, les centres d’intérêt partagés deviennent limités avec les personnes d’un entourage plus ancien. Moment important, où la personne accompagnée s’autorise le choix de son environnement d’interdépendance… Un accompagnement est sollicité lorsque la personne a besoin de dépasser ses limites. Un exercice Xin Li consiste à visualiser, à apprivoiser ce dépassement, il s’appelle « Gan Chu Nai », « oser sortir - de ses limites - . Quand une personne se trouve devant ce pas à franchir, une force de Vie se manifeste, (liée ou non à un instinct). L’espoir de réussir apparaît, c’est parfois une flamme vacillante à entretenir avec l’énergie du désir de réussir. La visualisation (imagination réaliste) peut aider à la personne à prendre sa décision. Sa volonté et son courage la soutiennent dans la phase de mise en œuvre. Lorsque le succès est atteint, il est important, pour que la personne bénéficie d’u renforcement de la proximité à elle-même, à son noyau, qu’elle se donne le temps de vivre la joie, la joie profonde alliée à la fierté saine, qui nourrit la confiance en soi.

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Préparer un compétiteur Alors que j’écris ce mémoire, on me demande de préparer des compétiteurs (adolescentes, compétition saut d’obstacle poney pour les Championnats de France). Le succès d’une compétition de saut d’obstacle est le résultat de l’entraînement d’un couple cavalier – poney. Les erreurs sont liées à la mémorisation de parcours, stress de la compétition, peur d’une difficulté (un obstacle, par sa hauteur, sa forme, peur que le poney ait peur), non présence dans l’ici et maintenant. L’ensemble des cavalières prévoit … de pleurer, qu’elles perdent, ou qu’elles gagnent. Les émotions deviennent difficiles à gérer. Une des jeunes filles à accompagner est extrêmement émotive et risque de se priver d’une partie de ses moyens (au dernier concours elle pleurait avant d’entrer en piste). Le plan de travail avec cette jeune fille consiste, non pas à lutter contre le Vent, l’énergie agitatrice, mais à travailler avec elle à l’aide de Gan Chu Naï, et à apporter du calme, Hu Jing. Nous allons tout d’abord parler de son désir, de la force qu’elle a su déployer pour se sélectionner, pour remporter avec sa magnifique ponette, les victoires sur des parcours qu’elle va se remémorer. Qu’a-t-elle ressenti à ce moment là ? Je vais l’accompagner dans la visualisation d’un parcours, celui qu’elle a préféré, tout d’abord comme elle l’a vécu, puis au ralenti, dans son ressenti, ses pensées, ce qu’il se passe pour elle, pour le poney, leurs échanges. Enfin, elle va visualiser le même parcours en accéléré. Ceci est un travail particulier pour favoriser la présence dans l’ici et maintenant, la mémorisation du parcours qu’elle abordera en championnat, son confort dans l’élément espace temps. Une compétition gagnée est un espace temps, souvent d’harmonie (pas toujours). Nous travaillerons sur ce qu’elle a fait en elle-même de ses succès passés, qu’a-t-elle ressentie (plaisir, joie, …), et je m’attacherai à l’accompagner dans la construction de la confiance en elle-même. Je n’ai pas d’à priori pour la séance qui suivra, ayant besoin d’avoir vécu cette première séance. J’imagine à avoir à accompagner une adolescente à la fois dans la décision de gagner et dans le lâcher prise. La respiration, le contact avec sa ponette, le centrage seront les éléments qui pourront l’aider dans son parcours, où chaque foulée est un nouvel ici et maintenant. J’ai remarqué que certains cavaliers se retournent sur la barre qu’ils viennent de passer (pour voir si elle tomber), ceci est toujours au risque de l’obstacle suivant. D’autres semblent être au contraire dans une fuite en avant, le poney avalant les barres, parfois oubliant le lever les jambes pour les sauter. Les cavaliers et poneys qui remportent et peuvent courir sur des hauteurs challengentes sont au contraire totalement dans l’interdépendance, on parle de couple cavalier – poney, dans le même espace temps, et en

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lien avec le sol, et l’espace entre et au dessus des barres. Il existe alors un rythme, une beauté à ce parcours.

10.10.10.10. CCCCONCLUSIONONCLUSIONONCLUSIONONCLUSION

Peut-il y avoir une conclusion, comme une « fin » au sujet de l’Interdépendance, histoire sans début … Mon sentiment, ma représentation aujourd’hui de l’Interdépendance a évolué. Entre le modèle d’Autonomie présenté dans le chapitre concernant l’approche des chevaux, où je le comprenais comme le degré visé d’Autonomie, celui que les personnes développées pouvaient atteindre (cela me fait aujourd’hui sourire), l’inter dépendance au sens Bouddhiste que je rencontre peu à peu, et l’apprentissage de Xin Li, qui m’apporte des clefs de compréhension et de pratique, à la fois dans l’aspect fluidité, et dans le « captage » des non fluidités. Un grand pas est franchi, dans la tolérance à la non perfection, et dans l’intégration du « lâcher-prise ». Il ne s’agit pas « d’arriver à faire » mais de s’exposer à l’environnement qui permet de vivre une expérience, un pas, une intégration, puis une autre, puis une autre.

11.11.11.11. RRRREMERCIEMENTSEMERCIEMENTSEMERCIEMENTSEMERCIEMENTS

Je remercie mes enseignants, Michel Deydier-Bastide et Michèle Richard pour leur enseignements, et ouverture de cœur. Je remercie mes pairs pour ces week ends passés ensemble, et les liens qui se sont créés. Je remercie mes enseignants autres que Xin Li, Jean Dominique Vauthier, Vincent Lenhardt, SS le Dalaï Lama, Jérôme Curnier, qui ont nourri mes réflexions par des apports très riches. Ainsi que les personnes que j’ai accompagnées, et mes co-accompagnants humains (Gérard Vasseur notamment), et équins. Chaque minute dans ce métier et dans ces enseignements est une richesse, et une source de joie et participe à mon bonheur. Je remercie aussi Christian Duhaut, pour son infinie patience, dans l’accompagnement de mon apprentissage informatique, et son support stylé sur ce document …

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12.12.12.12. BBBBIBLIOGRAPHIEIBLIOGRAPHIEIBLIOGRAPHIEIBLIOGRAPHIE (PRINCIPALE)(PRINCIPALE)(PRINCIPALE)(PRINCIPALE)

Les référentsLes référentsLes référentsLes référentsTitre livresTitre livresTitre livresTitre livres AuteurAuteurAuteurAuteur CollectionCollectionCollectionCollectionTraité de Psychologie Traditionnelle Chinoise Michel Deydiuer-Bastide DésIrisNei Jing Su Wen traduction Jacques-André Lavier Pardès Tao Te King Lao Tseu Shambhala Dragon EditionDifférents horizonsDifférents horizonsDifférents horizonsDifférents horizonsLe manager porteur de Sens Vincent LenhardtLorsque les chevaux se révèlent Klaus Ferdinand Hempfling VigotL'infini dans la paume de la main Trinh Xuan Thuan et Matthieu Ricard Nil/FayardWeisheng : méditationWeisheng : méditationWeisheng : méditationWeisheng : méditationSoyez libres là où vous êtes Thich Nhat HanhMéditer pour ne plus déprimer Collectif médecins occidentaux Odile JacobSymbolismeSymbolismeSymbolismeSymbolismeLes symboles du Bouddhsme Tibétain Robert Beer Albin MchelInternetInternetInternetInternetLiens InternetLiens InternetLiens InternetLiens Internethttp://www.oceandesagesse.orghttp://www.trinhxuanthuan.comhttp://www.buddhaline.net/MusiqueMusiqueMusiqueMusiqueCD musiqueCD musiqueCD musiqueCD musique AuteurAuteurAuteurAuteur CollectionCollectionCollectionCollectionLotus - Les trésors de la musique Zheng Liu Fang

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13.13.13.13. AAAANNEXESNNEXESNNEXESNNEXES

Pratique de la conscience éveillée - par Jon Kabat Zinn (Professeur émérite à L’université du Massachussetts – USA)

La pleine conscience, c’est la contemplation du moment présent dans un esprit d’attention et de discernement.

1- La conscience éveillée est une ancienne pratique bouddhiste qui s’applique parfaitement à nos vies contemporaines. Cette pratique à tout à voir avoir avec l’éveil de notre conscience et le désir de vivre en harmonie avec soi-même et le monde qui nous entoure. Il s’agit de prendre conscience de qui nous sommes, d’un questionnement sur le monde et de notre place dans le monde. Il s’agit d’apprécier la plénitude de chaque moment que nous vivons et surtout, d’être en contact avec notre être dans sa plénitude.

Du point de vue bouddhiste, notre état de veille ordinaire est très limité et contraignant. La méditation nous aide à sortir de cet automatisme inconscient, nous donnant ainsi la possibilité de réaliser toutes nos capacités conscientes et inconscientes.

Des sages, des yogis, des maîtres zen, ont exploré systématiquement ce domaine depuis des siècles ; ce faisant, ils ont découvert des horizons qui peuvent être bénéfiques à l’Occident dont la culture est davantage orientée vers le contrôle et la domination de la nature par l’homme. Nous avons négligé le fait que nous faisons également partie de la nature. L’expérience collective de ces maîtres nous apprend qu’en explorant l’essence de notre psyché et son fonctionnement, nous pourrions vivre avec plus d’harmonie et de sagesse. Ils présentent aussi une conception du monde complémentaire à l’esprit matérialiste et réducteur qui domine actuellement la pensée et les institutions occidentales.

Ce point de vue n’est pas l’apanage de la mystique orientale. En 1846, le grand écrivain et philosophe américain Henry David Thoreau, évoquant avec passion le bonheur du moment présent dans la simplicité de sa vie dans la Nouvelle-Angleterre, dénonçait déjà les pièges de la société de consommation et du culte de l’argent.

2- La conscience éveillée est au coeur de la méditation bouddhiste. Le concept fondamental en est simple. Son pouvoir réside dans sa pratique et ses applications. La conscience éveillée signifie "faire attention" d’une manière particulière : délibérément, au moment présent et sans jugements de valeur. Cette sorte d’attention nourrit une prise de conscience plus fine, une plus grande clarté d’esprit et l’acceptation de la réalité du moment présent. Cela met en évidence le fait que nos vies sont une succession de moments où nous avons intérêt à être présents.

Une conscience distraite du moment présent crée en nous des problèmes renforcés par nos peurs et notre manque de confiance en nous - problèmes qui ne feront que s’amplifier avec le temps. Ainsi, nous nous sentons parfois enlisés dans les difficultés de la vie, ayant perdu le contact avec

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la réalité et avec les autres. Nous n’avons plus l’énergie de rassembler nos forces dans une direction précise qui nous apporterait plus de satisfactions et, entre autres, une meilleure santé.

La conscience éveillée est un moyen simple mais efficace pour se débloquer, pour prendre contact avec nos propres ressources vitales, pour cultiver notre rapport avec la famille, avec la vie professionnelle, avec le monde et, surtout, avec notre propre personne.

Si cette voie est la base du bouddhisme, du taoïsme, du yoga, de la tradition indienne des Indiens d’Amérique du Nord, nous la trouvons aussi dans les œuvres d’écrivains tels que Ralph Emerson, Henry Thoreau, Walt Whithman ou Novalis. C’est la contemplation du moment présent dans un esprit d’attention et de discernement. C’est le contraire de l’attitude qui consiste à prendre la vie pour de l’argent comptant.

3- Cette attitude de s’accrocher au temps à venir plutôt qu’au temps présent conduit à une méconnaissance du chemin de la vie où l’on reste trop souvent embourbé. Cela correspond aussi à une méconnaissance de nous-mêmes. Notre perception des autres et du monde autour de nous est limitée.

Les religions, par tradition, ont tenté d’apporter des réponses à ces questions fondamentales. Mais la conscience éveillée a peu de chose en commun avec la religion, à part la volonté d’approfondir le mystère de la vie et notre interdépendance avec tout ce qui existe.

Lorsque nous nous engageons à "prêter attention", avec un esprit ouvert, dénué de tout préjugé, en faisant abstraction de nos sympathies ou de nos antipathies, de nos projections et de nos espoirs, de nouvelles possibilités s’ouvrent à nous qui nous permettent de nous libérer de la camisole de force de l’inconscient.

J’aime définir la conscience éveillée comme un art de vivre. Il n’est pas nécessaire d’être un bouddhiste ou un yogi pour le pratiquer. En fait, si vous êtes tant soit peu familier avec le bouddhisme, vous saurez que la chose la plus importante est d’être soi-même et non pas d’essayer de devenir quelqu’un que vous n’êtes pas. Le mot "Bouddha" signifie celui ou celle qui s’est éveillé à sa vraie nature.

Ainsi, la conscience éveillée n’entre pas en conflit avec des concepts religieux - ou scientifiques - et n’essaie pas de propager un système de pensée ou une idéologie. C’est simplement un procédé pratique pour développer le potentiel de chacun. Le processus n’a rien d’une analyse froide et insensible. Au contraire, ses attributs sont la douceur, l’appréciation du moment présent, l’amour de soi et des autres.

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Le principe anthropiqueLe principe anthropiqueLe principe anthropiqueLe principe anthropique (Trinh Xuan Thuan)

Je ne pense pas que l’homme ait émergé par hasard dans un univers qui lui est totalement indifférent. Au contraire, tous deux sont en étroite symbiose : si l’univers est si vaste, c’est pour permettre notre présence. La cosmologie moderne a découvert que l’existence de l’être humain semble être inscrite dans les propriétés de chaque atome, étoile et galaxie de l’univers et dans chaque loi physique qui régit le cosmos. L’univers semble être parfaitement réglé pour l’apparition d’un observateur intelligent capable d’apprécier son organisation et son harmonie. Cet énoncé est appelé « principe anthropique », du grec « anthropos » qui veut dire « homme ». Deux remarques s’imposent. D’abord le qualificatif « anthropique » est mal choisi. Il sous-entend que l’univers tend vers l’homme exclusivement. En fait, les arguments anthropiques s’appliquent à toute forme d’intelligence dans l’univers. Deuxièmement, la définition que j’ai donnée ne concerne que la version dite « forte » du principe anthropique. Il existe aussi une version « faible » qui ne suppose pas une intention dans l’organisation de la Nature et qui dit : « Les propriétés de l’univers doivent être compatibles avec l’existence de l’homme. » C’est presque une tautologie, et je ne m’y attarderai plus.

Quel est le fondement scientifique du principe anthropique ? L’évolution de l’univers est déterminée par deux types d’informations : 1) ses conditions initiales telles son contenu en masse et énergie, son taux initial d’expansion, etc. et 2) une quinzaine de nombres dits « constantes physiques » tels que la constante de gravitation, la constante de Planck, la masse des particules élémentaires, la vitesse de la lumière, etc. Nous pouvons mesurer la valeur de ces constantes avec une très grande précision, mais nous ne disposons d’aucune théorie physique expliquant pourquoi ces constantes ont la valeur qu’elles ont plutôt qu’une autre. En construisant des modèles d’univers avec des conditions initiales et des constantes physiques différentes, les astrophysiciens se sont rendus compte qu’elles ont été réglées de manière extrêmement précise pour l’émergence de la vie et de la conscience. Si les conditions initiales et les constantes physiques étaient légèrement différentes, nous ne serions pas ici pour en parler. Considérons par exemple la densité initiale de matière dans l’univers. La matière exerce une force gravitationnelle attractive qui s’oppose à l’impulsion de l’explosion primordiale et ralentit l’expansion universelle. Si la densité initiale était trop élevée, l’univers s’effondrerait sur lui-même au bout d’un million d’années, d’un siècle ou même d’un an, dépendant de la valeur exacte de la densité. Ce laps de temps serait trop court pour que l’alchimie nucléaire des étoiles produise les éléments lourds, comme le carbone, nécessaires à la vie. Par contre, si la densité initiale de matière était insuffisante, la force de gravité serait trop faible pour que les étoiles se forment. Sans étoiles, adieu aux éléments lourds et à la vie ! Tout se joue sur un équilibre très délicat. La densité initiale de l’univers doit être réglée avec une précision de 10**-60. La

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précision stupéfiante de ce réglage est comparable à celle dont devrait être capable un archer pour planter une flèche dans une cible carrée d’un centimètre de côté qui serait placée aux confins de l’univers, à une distance de quinze milliards d’années-lumière ! La précision du réglage dépend de la constante ou de la condition initiale dont il s’agit, mais dans tous les cas, un changement infime entraînerait la stérilité de l’univers.

Hasard ou nécessitéHasard ou nécessitéHasard ou nécessitéHasard ou nécessité ????

Comment expliquer un réglage d’une si grande précision ? Il me semble que nous avons deux possibilités : la précision du réglage est le résultat soit du hasard soit de la nécessité. Dans l’hypothèse du hasard, il nous faut postuler une infinité d’univers parallèles en plus du nôtre (ces univers multiples forment un « multivers »). Chacun de ces univers aurait une combinaison différente de constantes physiques et conditions initiales. Mais seul le nôtre aurait la combinaison gagnante nécessaire pour l’émergence de la vie et de la conscience. Toutes les autres univers auraient une combinaison perdante et seraient stériles. Par contre, si nous rejetons l’hypothèse d’univers parallèles et adoptons celle d’un seul univers, le nôtre, alors nous devons postuler l’existence d’un principe créateur qui a ajusté l’évolution de l’univers dès son début.

Comment décider ? La science ne peut pas nous aider à choisir entre ces deux possibilités. En fait, il y a plusieurs scénarios scientifiques qui permettent l’existence d’univers multiples. Par exemple, pour contourner la description de la réalité en termes d’ondes de probabilités par la mécanique quantique, le physicien Hugh Everett a proposé que l’univers se divise en deux exemplaires chaque fois que s’offre une alternative ou un choix. Certains univers ne se distingueraient du nôtre que par la position d’un seul électron dans un seul atome. D’autres seraient radicalement différents. Ils auraient d’autres constantes physiques, d’autres conditions initiales et d’autres lois physiques. Un autre scénario de multivers est celui d’un univers cyclique avec une série infinie de big bang et de big crunch. Chaque fois que l’univers renaît de ses cendres pour repartir dans un nouveau big bang, il le fait avec une nouvelle combinaison de constantes physiques et de conditions initiales. Une troisième possibilité est la théorie de Andreï Linde dans laquelle chacune des innombrables fluctuations de la mousse quantique originelle donne naissance à un univers. Notre monde ne serait qu’une petite bulle dans un méta-univers composé d’une infinité d’autres bulles qui n’abriteraient pas de vie consciente, la combinaison de leurs constantes physiques et de leurs conditions initiales ne le permettant pas.

Autres articles sur l’interdépendance : http://www.buddhaline.net/