Le fonctionnement de la communication entre les...
Transcript of Le fonctionnement de la communication entre les...
Master 1 Recherche « Education et Formation »
Université de Provence – Département des sciences de l’éducation
Le fonctionnement de la communication entre les
intervenants accompagnant l’enfant handicapé dans
les SESSAD et IME en milieu rural-montagnard : le cas
des Alpes de Hautes Provence.
Mémoire de recherche présenté par Charlotte ROUSSEAU.
Sous la direction de Mme Chantal EYMARD, Maître de Conférences.
Septembre 2010
REMERCIEMENTS
Madame Chantale Eymard-Simonian, Maître de Conférences à l’Université de Provence,
directrice de ce travail de recherche.
A toute l’équipe du SESSAD La Durance,
A toute l’équipe de l’IME Les Oliviers,
Pour votre accueil et votre collaboration à cette enquête.
A ma mère, Musso Isabelle qui m’a appuyé, assisté et protégé dans tout mon parcours
scolaire.
A Viala Thierry qui m’a soutenu chaque jour dans ma démarche.
A Delestrade Agnès et Olivier qui m’ont accueilli et encouragé au cours de cette année
intensive et riche en apprentissages.
Sigles et abréviations :
AIS : Admission et Intégration Scolaire.
ASE : Aide sociale à l’enfance.
AVS : Auxiliaire de Vie Scolaire.
CAMSP : Centre d’Action Médico-Sociale Précoce.
CDAPH : Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées.
CLIS : Classe d’Intégration Scolaire.
CMPP : Centre Médico-Psycho-Pédagogique.
DI : Déficience Intellectuel.
DV : Déficient Visuel.
IME : Institut Médico-Educatif.
MDPH : Maison Départementale des Personnes Handicapées.
PAI : Projet d’Accueil Individualisé.
PIETPS : Projet Individuel Educatif Thérapeutique Pédagogique et social.
PIIS : Projet Individuel d’Intégration Scolaire.
PPS : Projet Personnel de Scolarisation.
SEGPA :Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté.
SESSAD : Service d’Education Spéciale et de Soins à Domicile.
UPI :Unité Pédagogique d’Intégration.
Sommaire :
Introduction
Chapitre 1 : Contexte pratique
1. Evolutions du concept de « handicap »
2. Evolutions législatives et nouveau paradigme : vers la résolution des
exclusions par la scolarisation des enfants handicapés
3. La scolarisation des enfants handicapés : des dispositifs nouveaux au service
de la compensation et de l’intégration sociale
4. Une adaptation nécessaire : les missions des établissements médico-sociaux
A. Les services d’éducation spéciale et de soins à domicile
B. Les instituts médico-éducatifs
5. Une innovation des pratiques professionnelles : vers un travail en réseau ?
6. Réseau, territoire et communication : trois variables indissociables
Chapitre 2 : contexte théorique
Partie 1 : Communication, réseau et partenariat : le cadre conceptuel
1. D’abord le mot
2. La communication comme système
3. La communication implicite
4. La communication dans les groupes : le processus interactif.
Principes de l’interaction
L’interaction comme système
Systèmes en interaction continue
5. Une évolution des pratiques professionnelles : définir le travail en réseau
Partie 2 : L’établissement médico-social : Une organisation.
A. Les établissements médico-sociaux : les apports de la sociologie
des organisations.
1. L’organisation : d’abord, le mot
2. Les évolutions dans les organisations
B. L’individu dans l’organisation
1. Un acteur stratégique
2. L’individu : agent, acteur et auteur de la communication dans l’organisation
Chapitre 3 : Méthodologie
Le cadre méthodologique théorique
Les méthodes qualitatives en sociologie
Notre positionnement
Le cadre méthodologique pratique
1. Le terrain
Le SESSAD La Durance
L’IME Les Oliviers
2. Le dispositif de recueil des données
La pré-enquête de terrain
Le second recueil de donné : l’enquête
C. Les outils de recueil de données
1. Le questionnaire
2. La grille d’observation
3. Le guide d’entretien
Chapitre 4 : Analyse
Partie 1 : Le fonctionnement de la communication au SESSAD
1. Les outils pratiques de communication développés par le SESSAD
L’archivage des dossiers et le secrétariat
Les autres outils
2. Les réunions
A. Les réunions entre les intervenants du service
Réunion de coordination du SESSAD La Durance
Réunion point
B. Les réunions avec les professionnels extérieurs et la famille
Réunion d’élaboration du PIETPS 1
Réunion d’élaboration du PIETPS 2
3. Les communications entre les professionnels du service.
A. Les communications latérales.
Les échanges entre éducateurs spécialisés
Les échanges entre rééducateurs
Les échanges entre médicaux
Les échanges entre enseignants spécialisés
B. Les communications obliques.
Les échanges entre le directeur et les professionnels du service
Les échanges entre la chef de service et les professionnels du service
Les échanges entre l’éducateur référent et les professionnels du service
Les échanges entre le médecin coordinateur et les professionnels du service
4. Les communications avec les intervenants externes au service
Avec les familles
Avec l’éducation nationale
Avec les médecins et rééducateurs libéraux
Pour les loisirs et les sorties
Avec les autres établissements spécialisés et pour l’orientation des élèves
Avec les instances départementales
Partie 2 : Le fonctionnement de la communication à l’IME
1. Les outils de communication développés par l’IME
L’archivage des dossiers et le secrétariat
Les autres outils
2. Les réunions entre professionnels du service :
Réunion d’unité de l’IME Les Oliviers
Réunion de réflexion clinique
3. Les communications entre les professionnels du service.
A. Les communications latérales.
Les échanges entre éducateurs spécialisés.
Les échanges entre rééducateurs
Les échanges entre médicaux
B. Les communications obliques.
Les échanges entre le directeur et les professionnels du service
Les échanges entre la chef de service et les professionnels du service
Les échanges entre l’éducateur référent et les professionnels du service
Les échanges entre les paramédicaux, médicaux et les professionnels du service
4. Les communications avec les intervenants externes au service
Avec les familles
Avec l’éducation nationale
Avec les réseaux de soins
Pour les loisirs et les sorties
Avec les autres établissements spécialisés et pour l’orientation des élèves
Avec les instances départementales
Partie 3 : Approche comparative
1. Les outils pratiques de communication
Le secrétariat et l’archivage des dossiers
Les autres outils
2. Les réunions
3. Les communications entre les professionnels des services
A. Les communications latérales
B. Les communications obliques
4. Les échanges avec les intervenants externes au service
Conclusion
Introduction
Pendant longtemps, la prise en charge des enfants handicapés s’effectuait dans des
établissements spécialisés fermés sur eux-mêmes. Les nouvelles considérations émergent dès
la loi d’orientation de 1975 marquant l’entrée dans un nouveau paradigme : la conception plus
environnementale du handicap conduit à l’affirmation de la mise en œuvre de dispositifs
adaptés favorisant l’intégration de l’individu dans la société.
Les récentes innovations introduites par la loi de 2002 mènent progressivement à
l’instauration d’agencements adaptés favorisant l’autonomie et l’intégration sociale des
personnes en situation de handicap. La loi du 11 février 2005 offre des possibilités nouvelles
en termes de scolarisation des enfants handicapés en affirmant la primauté de leur statut
d’élève. L’accessibilité aux apprentissages est placée au cœur des enjeux : l’idée de
compensation vise à déployer des ajustements permettant à l’élève d’acquérir des
connaissances nécessaires à son exercice de futur citoyens.
L’accompagnement des élèves handicapés s’effectue essentiellement dans des services
d’éducation spécialisé. Une approche pluridisciplinaire est encouragée de sorte à performer le
suivi des élèves. Les acteurs intervenants autour de l’enfant se multiplient : enseignants,
médecins, services de soins, rééducateurs, éducateurs spécialisés, associations de loisirs, etc.
La place de la famille est réaffirmée et les parents sont intégrés pleinement aux prises de
décisions concernant leur enfant. La diversification des points de vue favorise les échanges et
réflexions et vise à apporter des solutions nouvelles.
Dans ce cadre de rénovation, les établissements médico-sociaux ont du s’adapter. Les
SESSAD et IME disposent d’une équipe pluridisciplinaire et tendent à individualiser les prises
en charge en fonction des besoins de chaque enfant. Ces innovations favorisent une évolution
des pratiques professionnelles : le travail en réseau et en partenariat est placé au cœur des
préoccupations.
La question qui se pose est alors la suivante : Comment les services d’éducation
spécialisée s’adaptent-ils à cette mise en réseau ? Développent-ils des dispositifs internes
favorisant la circulation des informations entre les intervenants de l’équipe pluridisciplinaire ?
Entrent-ils en contact avec d’autres acteurs susceptibles d’intervenir dans l’accompagnement
des enfants ? Les acteurs disposent-ils d'une marge de liberté dans la mise en place de leurs
stratégies communicationnelles ?
Dans le cadre de notre recherche, nous allons nous intéresser à deux types
d’établissements spécialisés : les SESSAD et les IME. Une enquête sur le fonctionnement de la
communication sera réalisée dans deux services situés à proximité en milieu rural-
montagnard. L’enjeu sera de cerner comment ces deux types d’établissements parviennent à
s’adapter aux nouvelles exigences relatives aux pratiques professionnelles. L’enjeu de notre
recherche est de s’interroger sur les modalités communicationnelles déployées par ces deux
types de service au fonctionnement distinct face à des innovations et directives similaires.
Chapitre 1 : Contexte pratique
1. Evolutions du concept de « handicap »
Longtemps, le terme « handicapé » a été mal défini. Ce mot est venu progressivement
remplacer les notions d’ « attardé », d’ « aliéné » et d’ « inadapté ». Ce n’est qu’à la fin du
XIXé siècle que des progrès sont faits. Un véritable statut social est peu à peu donné aux
personnes handicapées. Les découvertes de la médecine, suivies par l’institutionnalisation de
disciplines nouvelles telles que la psychiatrie et l’émergence de la psychologie vont aller de
paire avec la scolarisation obligatoire, ce qui va mener à l’élaboration d’une pédagogie affinée
et différenciée. Les guerres mondiales conduisent également à une reconnaissance des mutilés
au combat par des lois affirmant notamment le droit à l’emploi, à la rééducation et à la
réinsertion. Ainsi, des emplois réservés apparaissent et des actes d’indemnisation sont mis en
place. Notons l’importance de la loi de 1957 reconnaissant les travailleurs handicapés.
Actuellement, la Classification internationale des personnes handicapés défini comme
handicapée « toute personne souffrant d’une déficience (…) qui limite ou interdit toutes
activités considérées comme normales pour un être humain.1 » Les difficultés relatives aux
déficiences sont pleinement reconnues qu’elles soient physiques, mentales, ou sensorielles. La
question de l’intégration est alors soulevée. Les voies de reclassement prennent le pas sur
l’assistance pécuniaire. La déclaration des droits de l’Homme prônant les droits des
handicapés en termes d’égalité juridique, économique, éducative et sociale, la société est
contrainte de s’efforcer à trouver un mode d’insertion convenable. La nécessité d’assurer une
grande continuité dans les mesures de réadaptations qui doivent commencer le plus tôt
possible et se poursuivre jusqu’à un compromis pratique et stable entre les diverses exigences
de la situation sont admises. Pendant longtemps, on a cherché la réussite dans des voies
étroites, offrant peu de choix de réussite professionnelle aux handicapés. Puis, les
établissements d’enseignement pour inadaptés scolaires se sont multipliés et diversifiés. Des
passerelles avec la société sont aujourd’hui crées pour maintenir un lien avec le monde social.
Ce refus de la ségrégation passe également par d’autres pratiques de socialisation telles que
les loisirs, le sport, et le travail.
L’idée de prévention du handicap est aussi au centre des préoccupations. Une
démarche de prévention de la déficience visant à empêcher l’aggravation est privilégiée.
1 Veil, C., J. Levy, M. Les handicapés. Encyclopédie Universalis.
Toutes les formes de handicap sont considérées en fonction de leur degré de gravité et leur
permanence dans le temps. Les handicaps mentaux posent parfois problème. Une personne
présentant un handicap mental est souvent mal tolérée par la société, surtout si elle fait des
progrès suffisant lui permettant de se réinsérer dans la vie active. Sa présence ne peut alors
plus être ignorée : elle sort de la ségrégation. De plus, le handicap mental pose problème au
niveau préventif et curatif : le handicap doit être détecté le plus tôt possible afin qu’une
éducation appropriée puisse être proposée pour favoriser l’exaltation des possibilités et mener
à l’insertion.
La situation juridique et sociale de la personne handicapée évolue. La loi d’orientation
votée en 1975 est primordiale pour l’entrée dans le nouveau paradigme. En effet, elle défini le
handicap comme « physique, sensoriel ou mental » et en exclut l’inadaptation et la difficulté
sociale. Il est stipulé que l’intégration est l’objectif général des politiques sociales. Cependant,
la nécessité d’un dispositif mettant en place des solutions spécialisées est affirmée. Ainsi, les
entreprises de plus de vingt salariés sont contraintes d’embaucher 6% de personnes
handicapées. On met en place une éducation spécialisée commençant avant et se terminant
après l’âge légal de scolarisation. Des compensations financières aux entreprises pour palier le
rendement plus faible d’une personne déficiente sont également proposées. Pour favoriser
cette intégration, une multitude de structures émergent, telles que les foyers occupationnels de
jour, les foyers d’hébergement et les maisons d’accueil spécialisées, ou encore les ESAT dont
la mission est de promouvoir l’intégration sociale par le travail.
Les lois successives de 2002 puis du 11 février 2005 témoigne de l’émergence d’un
nouveau paradigme. Une conception plus environnementale va primer puisqu’on va
considérer l’individu handicapé comme devant être intégré à la société. Le handicap ne réside
plus dans les attributs personnels de la personne, mais dans ses difficultés à l’accession d’une
pleine citoyenneté. On passe donc d’une simple intégration ne prônant pas le rejet ou la mise à
l’écart de la personne handicapée à une participation de l’individu au monde social qui
l’entoure. La diversité des troubles est reconnue et une adaptation des accompagnements est
mise en place. La loi du 11 février 2005 pour l’intégration des enfants handicapés en milieu
scolaire ordinaire amène de nouveaux questionnements quant à l’offre des établissements
d’éducation spéciale. Ainsi, les IME voient leur population chuter puisque seuls les handicaps
les plus lourds sont pris en charge hors de l’école.
2. Evolutions législatives et nouveau paradigme : vers la résolution des
exclusions par la scolarisation des enfants handicapés
L’évolution des mentalités en termes de considération du handicap a mené à l’élaboration
progressive d’un nouveau cadre juridique. Les lois et bulletins officiels se sont succédés pour
permettre aux personnes handicapées une pleine accession à la citoyenneté. La scolarisation
des enfants atteints de déficiences physiques et mentales reste au cœur des préoccupations, le
climat social instaurant une valorisation des diplômes et des qualifications professionnelles,
acquises nécessairement à l’Ecole. La garantie d’un droit à l’éducation se doit d’être mise en
œuvre par les instances publiques.
Nous pouvons différencier ici, en reprenant les termes de Charles Gardou2, plusieurs
phases dans l’élaboration d’un dispositif visant l’accueil des enfants handicapés. Toute
emprunte de l’action d’Alfred Binet, « l’éducation séparée3 » est développée, c'est-à-dire que
l’on va procéder à la création d’établissements d’éducation spécialisée, procédant par
conséquent à une objectivation de la différence. Sont alors mises au point des techniques et
méthodes d’éducation spéciales. La seconde phase, « l’intégration en gestation4 », remet en
cause ces principes ségrégatifs. On reconnait la diversité des formes de handicap mental. Le
changement des pratiques est amorcé : l’idée de la nécessité de l’intégration et de la mise en
place de dispositifs à visée préventive est développée. « L’intégration en intention5 » consiste
en une généralisation du concept de handicap, et prône le bien fondé des interactions entre
personnes handicapées et non handicapées. Le système scolaire doit développer des pratiques
pédagogiques différenciées afin de pouvoir s’adapter à l’ensemble des publics. Enfin,
« l’intégration en acte6 » passe par une reconnaissance de la personne handicapée en tant que
sujet. On va tenir compte de ses désirs, ses envies, et viser son épanouissement. L’exaltation
des possibilités devient le cœur des préoccupations. Ces intentions vont être exposées dans
des textes formels.
Contrairement aux idées reçues, les préoccupations concernant la scolarisation des
enfants handicapés émergent dès le début du XXé siècle. En effet, la loi du 15 avril 1909
instaure la création de classes de perfectionnement annexées ou autonomes. L’objectif de ce
2 Gardou, C. (1998). L'intégration scolaire des enfants handicapés au seuil d'une nouvelle phase. Ou comment
passer des intentions aux actes. Revue Européenne du Handicap Mental. Vol 5, N° 17, pages 3 à 9 S.N.A.P.E.I. 3 pp. 2.
4 Pp.2.
5 pp. 2.
6 Pp. 2.
dispositif n’était pas éloigné des objectifs prônés actuellement, puisqu’il visait à favoriser
l’intégration et la socialisation des enfants présentant une déficience en leur permettant de
suivre des cours dispensés par un diplômé de l’éducation spécialisée. Cette loi est le texte
fondateur de l’actuelle Admission et Intégration Scolaire (AIS).
Après la libération, une nouvelle impulsion est donnée au secteur médico-social grâce
aux familles et professionnels qui s’organisent en associations. Cette prise en charge reste très
ségrégative et propose un suivi s’étalant de la naissance au décès. L’ouverture sur le monde
social reste nulle. Cependant, en parallèle, les Centres-médico-psycho-pédagogiques se
développent et leur mission va dans le sens d’une intégration des personnes handicapées.
Il faut ensuite attendre les années 1960 - 1970 pour que l’intégration et la citoyenneté
réapparaissent comme des enjeux à ne pas négliger. Ainsi, les circulaires n°IV-67-530 du 27
décembre 1967 et n°65-348 du 21 septembre 1975 proposent un classement pour la
scolarisation des enfants handicapés en fonction des principaux types d’inadaptations.
Dans le secondaire, ces circulaires marquent la naissance des Sections d’Education
Spécialisées (SES) qui vont permettre aux élèves jusqu’à présent intégrés dans des
classes de perfectionnement de suivre un enseignement général, pré-professionnel et
professionnel dispensé par des instituteurs spécialisés. Dans les mêmes années sont
créés des groupes d’aide psychopédagogique (GAPP) qui apportent une rééducation
psychopédagogique ou psychomotricienne en petit groupe. Des sections et classes
d’adaptation, aussi appelées « classes d’attente », émergent pour les enfants ayant un
retard avéré, et une pédagogie adaptée y est proposée. Donc, il faut attendre les années
1970 pour « qu’émerge une pédagogie de l’adaptation au service des enfants afin que ces
derniers s’intègrent plus facilement et se rapprochent des exigences établies par la société
notamment l’école.7 »
Cette idée d’un traitement « à part » pour les enfants handicapés a constitué un
frein à l’émergence de nouvelles solutions, notamment l’idée de compensation
actuellement développée. Dans les années 70, le changement de paradigme provoque la
mise en place de dispositifs nouveaux.
7 Martin, A. (2009). L’adaptation de l’offre médico-sociale aux besoins d’accompagnement des enfants et
adolescents atteints d’une déficience mentale dans leur scolarisation : l’exemple du département des Bouches-du-Rhône. Mémoire EHESP.
L’entrée dans une « nouvelle » approche commence avec la loi d’orientation n°
75-534 du 30 juin 1975 qui défini sous le terme de « handicap » les attardés et les
inadaptés et développe une politique particulière en leur faveur qui vise leur intégration
par l’autonomie. On parle alors d’exaltation des possibilités. Cette loi constitue une
rupture car elle marque la fin de la séparation entre les établissements d’éducation
ordinaire et les établissements d’éducation spécialisée en affirmant le droit de
scolarisation en milieu ordinaire pour les enfants handicapés.
Cette rupture provoque une accélération du phénomène d’intégration des enfants
handicapés à la fin des années 80. La loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 et la circulaire 89-
22 du 15 décembre 1989 développent les SESSAD. L’idée que la prise en charge doit être
effective dans les différents domaines de la vie se manifeste pleinement. Bien que les
établissements d’éducation spécialisée continuent à exister, le milieu ordinaire ne doit
plus lui être hermétique, et les différents acteurs doivent s’accorder et travailler
ensemble autour de la compensation du handicap. Ce n’est cependant qu’en 1999, avec
le plan Handiscol, que cette intégration s’accélère avec une hausse significative du
nombre d’enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire.
Aujourd’hui, la prise en charge des enfants handicapés est orientée par les lois
successives de 2002 et de 2005. La loi n°2002-2 du 2 janvier 20028 rénove l’action
sociale et médico-sociale. Elle tend à promouvoir l’autonomie et la protection des
personnes, à garantir la citoyenneté et à prévenir les exclusions. Les personnes
handicapées ne sont pas les seules concernées par ces innovations, les problèmes de
grande vieillesse engendrés par l’allongement de l’espérance de vie ainsi que la précarité
des familles, notamment les familles monoparentales, nécessitent une prise en charge
adaptée. Les problèmes nouveaux émergeants avec le contexte social peu favorable aux
plus démunis entraînent des dispositifs nouveaux impliquant une réflexion et une
rénovation sur les modalités et les enjeux de l’intervention sociale. Ainsi, « L'action
sociale et médico-sociale s'inscrit dans les missions d'intérêt général et d'utilité sociale
suivantes : 1° - évaluation et prévention des risques sociaux et médico-sociaux, information,
investigation, conseil, orientation, formation, médiation et réparation ; 2° - Protection
administrative ou judiciaire de l'enfance et de la famille, de la jeunesse, des personnes
handicapées, des personnes âgées ou en difficulté ; 3 ° - Actions éducatives, médico-
8 www.legifrance.fr
éducatives, médicales, thérapeutiques, pédagogiques et de formations adaptées aux besoins
de la personne, à son niveau de développement, à ses potentialités, à l'évolution de son état
ainsi qu'à son âge ; 4° - Actions d'intégration scolaire, d'adaptation, de réadaptation,
d'insertion, de réinsertion sociales et professionnelles, d'aide à la vie active, d'information et
de conseil sur les aides techniques ainsi que d'aide au travail ; 5 ° - Actions d'assistance dans
les divers actes de la vie, de soutien, de soins et d'accompagnement, y compris à titre palliatif
; 6 ° Actions contribuant au développement social et culturel, et à l'insertion par
l'économique. »9
Poursuivant les objectifs ci-dessus mentionnés, la loi n°2002-73 du 17 janvier 2002
mentionne la nécessité de compensation au handicap de sorte à garantir les droits et libertés
des personnes handicapées. Elle place au cœur des préoccupations le dépistage et la prise en
charge précoce des déficiences visant à exalter les possibilités. Elle modifie l’article 1er de la
loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées comme suit :
« "La prévention et le dépistage du handicap et l'accès du mineur ou de l'adulte handicapé
physique, sensoriel ou mental aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens,
notamment aux soins, à l'éducation, à la formation et à l'orientation professionnelle, à
l'emploi, à la garantie d'un minimum de ressources adapté, à l'intégration sociale, à la liberté
de déplacement et de circulation, à une protection juridique, aux sports, aux loisirs, au
tourisme et à la culture constituent une obligation nationale. La personne handicapée a droit
à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l'origine et la nature
de sa déficience, son âge ou son mode de vie, et à la garantie d'un minimum de ressources lui
permettant de couvrir la totalité des besoins essentiels de la vie courante. » Le Conseil
National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH) a pour mission de coordonner les
actions entre les différents acteurs. Au niveau local, le Conseil Départemental Consultatif des
Personnes Handicapées (CDCPH) donne son avis sur les mesures à mettre en place au plan
local en termes de scolarisation, d’intégration sociale et professionnelle, de logement, etc. Les
grandes préoccupations mentionnées dans ces lois successives vont mener à la loi du 11
février 2005 élaborant un « véritable » dispositif en faveur de la scolarisation et de la
formation des enfants et des jeunes handicapés.
9 http://www.loi-handicap.fr/
3. La scolarisation des enfants handicapés : des dispositifs nouveaux au
service de la compensation et de l’intégration sociale
La loi de 2005 pour l’égalité des chances, la participation et la citoyenneté des
personnes handicapées a permis une hausse significative du nombre d’enfants scolarisés
présentant une déficience. L’objectif est d’augmenter les moyens d’accompagnement pour
garantir à ces enfants et adolescents les meilleures chances de réussite. Les familles et
l’ensemble des acteurs de l’éducation nationale et de l’éducation spécialisée sont pleinement
associés à la définition du projet personnel de scolarisation de chaque élève.
Cette nouvelle loi conduit à la définition de nouveaux principes : « On est passé
d’une conception selon laquelle le handicap était pensé comme une dimension personnelle
découlant d’une déficience ou d’un accident de la vie, à une conception plus sociale, selon
laquelle le handicap se défini comme la situation singulière d’une personne handicapée
dans son contexte environnemental et social.10 » Nous parlerons ici de nouveaux
paradigme, puisque de cette modification découle les notions d’accessibilité et de
compensation. En effet, le Ministère de l’éducation nationale place au cœur des
préoccupations l’accessibilité au savoir qui se traduit par un droit à l’inscription dans un
établissement scolaire de référence et par une possibilité d’accession « à l’ensemble des
locaux et des matériels qui sont nécessaires pour leur scolarisation. » Le second pilier de
cette loi est l’idée de compensation du handicap. Au service de cette compensation, le
« plan personnalisé de compensation » a pour objectif de garantir l’égalité des chances
pour toute personne présentant une déficience. D’une part, la Maison Départementale
des Personnes Handicapées (MDPH) évalue, propose et décide. D’autre part, l’éducation
nationale met en œuvre le plan personnalisé de compensation proposé par la
Commission des droits et de l’autonomie ou par l’équipe pluridisciplinaire d’évaluation,
en partenariat avec les différents acteurs que sont les personnels des établissements
sanitaires ou médico-sociaux et les collectivités territoriales. Allant plus loin que le
principe d’éducabilité développé par la loi de 1975, les innovations de 2005 disposent
que tout enfant handicapé est de droit élève. Par conséquent, les enfants présentant une
déficience sont élèves avant d’être handicapés et sont distingués de l’adulte handicapé.
10
Ministère de l’Education Nationale. (2008). Guide pour la scolarisation des enfants et adolescents
handicapés. Direction Générale de l’enseignement scolaire. (pp. 4).
La notion d’intégration scolaire ne reposait pas sur les mêmes enjeux : elle développait
des projets dont l’ambition majeure était de permettre à l’enfant handicapé de prendre
pied à l’école et de se construire une sociabilité. La dimension des savoirs et des
apprentissages n’était pas suffisamment développée. Aujourd’hui, les acquisitions sont
au centre des objectifs d’apprentissage, notamment avec le respect des programmes
scolaires et du socle commun de connaissances et de compétences. Si le handicap est
trop lourd, les connaissances à maîtriser seront sélectionnées parmi les plus
élémentaires.
4. Une adaptation nécessaire : les missions des établissements médico-
sociaux
Face à ces nombreuses évolutions, les établissements médico-sociaux ont dû s’adapter.
Nous retiendrons pour notre étude deux types d’établissements majeurs intervenants dans la
scolarisation des enfants handicapés : Les IME et les SESSAD.
A. Les instituts médico-éducatifs :
Les IME accueillent les enfants, adolescents et jeunes adultes atteints de déficiences
mentales. L’orientation des élèves dans ces établissements est décidée par la CDAPH. Chaque
établissement propose une prise en charge éducative et thérapeutique. En parallèle de cet
accompagnement, la scolarisation des élèves y est développée, et les enseignements
correspondent aux programmes officiels dans le cadre d’une pédagogie adaptée. Les cours
sont dispensés par des enseignants de l’éducation nationale. L’organisation des cours dépend
de chaque établissement : il y a une nécessité d’adaptation en fonction de la lourdeur des
déficiences constatées dans l’établissement, et chaque organisation va développer un projet
d’établissement singulier.
Quelles que soient les modalités de scolarisation, elles s’inscrivent dans le PPS de
chaque élève. Pour les jeunes âgés de 14 ans et plus, les apprentissages professionnels souvent
dispensés par des éducateurs techniques spécialisés sont privilégiés. Pour les élèves atteints de
déficiences légères, une scolarisation au sein d’un établissement ordinaire peut être envisagée.
Actuellement, des classes venues d’IME prennent place dans les établissements ordinaires et
visent un fonctionnement proche de celui des CLIS ou UPI. Dans d’autres cas, les élèves
peuvent bénéficier d’une scolarisation partielle en milieu ordinaire, le reste des apprentissages
étant effectués en milieu spécialisé.
D’une manière générale, les IME ont aujourd’hui tendance à proposer des dispositifs
plus souples et adaptable pouvant répondre au PPS de l’élève, c'est-à-dire aux besoins de
chaque enfant handicapé. Ainsi, l’article L. 311-1 de la loi du 11 février 2005 mentionne que
« l’action sociale et médico-sociale (…) s’inscrit dans les missions d’intérêt général et
d’utilité sociale suivantes : Actions éducatives, médico-éducatives, médicales, thérapeutiques,
pédagogiques et de formation adaptées aux besoins de la personne, à son niveau de
développement, à ses potentialités, à l’évolution de son état ainsi qu’à son âge (…). »11
B. Les services d’éducation spéciale et de soins à domicile :
Les SESSAD existent depuis de nombreuses années. Ils sont apparus sous l’impulsion
de la psychiatre Elisabeth Zucman12
qui a développé l’idée de la nécessité de maintient des
enfants en difficultés dans leur milieu familial. Progressivement, les Services d’Education
Spéciale et de Soins à Domicile favorisent un accompagnement individuel plutôt qu’une prise
en charge collective. L’élaboration d’un projet personnel de scolarisation avec l’enfant et sa
famille permet de laisser davantage de choix à l’individu. Ces établissements ont alors une
mission d’intégration et de prévention de l’exclusion. Les termes de suivi ou d’aide pour
l’individu handicapé ne sont plus d’actualité. Le concept d’accompagnement garanti la
compensation du handicap, de sorte que chacun puisse jouir pleinement de ses droits civiques.
La citoyenneté pour les personnes handicapées est assurée en privilégiant une véritable
formation professionnelle permettant une insertion durable dans l’emploi. Progressivement,
l’articulation SESSAD / Ecole devient le cœur des nouveaux dispositifs, faisant de l’éducation
nationale un partenaire privilégié pour l’enseignement aux enfants handicapés.
Les dispositifs d’intégration en milieu ordinaire varient en fonction du handicap et du
projet de chaque élève. La famille devient un partenaire à part entière dans le suivi et la mise
en place du PPS de l’enfant. Elle participe en effet à l’élaboration de ce projet, à son suivi et à
son évaluation régulière. Le déploiement d’Auxiliaire de Vie Scolaire (AVS) dans les écoles
mais aussi dans les centres aérés permet aux élèves de suivre, à temps partiel ou complet, une
11
Direction générale de l’enseignement scolaire. Guide pour la scolarisation des enfants handicapés. Pp. 20-21. 12
In Charpy, A. (2004). Le travail en SESSAD considéré comme facteur d’innovation. Reims : Mémoire de
recherche IRTS.
scolarité dans un établissement proche de leur domicile. Le projet personnel de scolarisation
sert de base à la communication avec les familles. De plus en plus, les frontières tombent
entre les divers intervenants. Le but est de favoriser un va et vient entre les différents
partenaires et intervenants pour servir au mieux l’individu en proposant un plan de
compensation. On ne parle plus de prise en charge mais de service. Ainsi, l’individu est placé
au centre de plusieurs dispositifs, ce qui lui permet de prendre place parmi eux. Une logique
de participation de l’usager à son propre projet est instaurée. Parfois, un établissement ou un
territoire possède un IME et un SESSAD. Les individus pris en charge suivent parfois un
parcours évolutifs, passant de l’IME au SESSAD, valorisant ainsi leur indépendance progressive.
Un suivi est effectué par une batterie de professionnels aux compétences complémentaires, au
domicile et à l’école. L’accompagnement de l’ensemble de la famille apparait comme une
priorité. En effet, les familles peuvent parfois présenter des difficultés et l’instauration d’une
médiation avec les professionnels peut leur permettre de mieux surmonter certaines difficultés
liées au handicap de leur enfant. Le déploiement d’un accompagnement pluri-professionnel
permet de disposer des passerelles entre les secteurs de l’éducation spéciale, de l’éducation
spécialisée, et des soins médico-sociaux. Ainsi, l’éducation nationale renforce la formation de
ses enseignants en proposant des formations communes aux professeurs affectés dans les
milieux de l’éducation spécialisée et à ceux exerçant en milieu ordinaire, de sorte à établir une
complémentarité.
5. Une innovation des pratiques professionnelles : vers un travail en réseau ?
Suite aux précédentes explications relatives aux innovations de la scolarisation des
élèves handicapés en milieu ordinaire, il convient à présent de mentionner l’importance des
évolutions des pratiques professionnelles des travailleurs sociaux. Une approche pluri-
professionnelle du handicap est encouragée, et les acteurs autour de la scolarisation se
multiplient.
Le réseau devient donc un élément primordial dans la prise en charge
du handicap, car le nombre important des acteurs permet de confronter des points de
vue diversifiés et favorise, dans le cadre d’échanges, des interprétations et solutions
nouvelles. Il fait tomber les frontières existantes entre plusieurs institutions, et
modifie par conséquent le rapport à l’espace, au territoire.
Les nouvelles pratiques professionnelles engendrées par cette mise en réseau
nous amènent à parler d’innovation. En effet, par innovation nous entendrons ici la
mise en place de dispositifs nouveaux pour répondre à une demande jusqu’ici non ou
peu satisfaite. L’intervention à domicile dans le secteur du handicap, puis la mise en
réseau avec des partenaires telles que l’éducation nationale, les réseaux de soins et
associations de loisirs spécialisés apparaissent comme une réponse au nouveau
paradigme prônant la compensation du handicap pour l’intégration sociale. L’usager
est placé au cœur de l’action de sorte à valoriser ses droits en rappelant sa
citoyenneté. Ainsi, les nouveaux modes de pensées et les nouvelles pratiques
professionnelles sont à mettre en parallèles . Les réseaux vont s’instaurer sur un
espace, l’importance du territoire prenant ici tout son sens.
Dans le secteur social, le travail en partenariat a précédé au travail en
réseau. Les partenariats visaient l’efficacité. Ils sont nés dans une période de montée
des droits des personnes, avec l’idée que l’individu doit être associé aux décisions.
Ils ont été vivement critiqués, accusés de mobiliser beaucoup de moyens au détriment
d’actions concrètes. Nous retiendrons les propos de Marc Fourdrignier13
pour établir
une typologie des partenariats. Les partenariats interinstitutionnels visent à
décloisonner différentes institutions pour mettre en œuvre des politiques sociales
transversales. Les partenariats de projet recherchent une plus grande efficacité des
actions mises en place. Enfin, le partenariat avec des populations vise, en l’absence
de tout dispositif, à faire émerger un projet.
On peut alors se questionner sur un point : ces deux modes d’intervention ne
peuvent-ils pas être rapprochés ? Il apparait ici que ces deux formes de relations dans
l’action restent proches. Mais, en parallèle des partenariats, des réseaux, plus
informels, continuent à obéir à des logiques d’acteurs.
6. Réseau, territoire et communication : trois variables indissociables.
Après avoir éclairé notre propos sur les nouveautés successives concernant la
prise en charge pluri-professionnelles de l’enfant handicapé dans son procès scolaire ,
13
FOURDRIGNIER Marc, Partenariat et droits des usagers, in Ministère de l’Education Nationale, D.L.C.,
MAFPEN Créteil, Paris, Versailles, CNRSMS. Actes du colloque Précarité et action sociale. Paris, janvier 1996. Juin 1996, pp 71-76.
nous questionnerons ici l’imbrication indispensable entre les éléments précédemment
évoqués que sont les réseaux, les partenariats et la communication, et nous
interrogerons comme variable incontournable de notre interrogation le concept de
territoire.
En effet, la disposition territoriale des SESSAD fait l’objet d’un véritable
questionnement pour les politiques publiques. Il convient de considérer
l’établissement dans sa dimension locale : nombre d’établissements scolaires,
UPI/CLIS, associations de loisirs, transports, hôpitaux et établissements de soins
médicaux, etc. Notons également l’importance du développement des relations avec
la psychiatrie, dû à la reconnaissance du handicap psychique et à la hausse des
troubles du comportement. L’ancrage territorial de l’établissement apparait être un
critère dans la qualité de son action. L’ouverture de l’établissement sur l’extérieur
est un enjeu pour l’avenir de l’organisation. Ainsi, « le maillage des SESSAD et des
autres dispositifs sur un territoire (taux d’équipement des établissements médico -
sociaux, de psychiatrie infanto-juvénile, capacité des CLIS et UPI, nombre d’AVS)
conditionne la qualité de l’offre présentée, aussi bien en terme de couverture des
besoins que d’adéquation des réponses.14
» Les réformes successives ayant aboutit à
la loi de février 2005 conduisent à l’élaboration d’un schéma complexe entre
plusieurs instances. Une véritable réflexion est alors entamée pour le maillage du
dispositif des régions et de la MDPH : l’objectif est d’organiser une disposition des
établissements sur le territoire pour favoriser l’intégration scolaire. La prise en
charge des déficiences intellectuelles et mentales légères est actuellement confiée au
SESSAD plutôt qu’aux IME. Si la demande l’exige, des places en IME sont converties
en place de SESSAD. L’établissement doit par conséquent « s’appuyer sur
l’importance d’un réseau efficace et étoffé, ce qui représente un de ses atouts
majeur. La diversité des dispositifs sur un territoire accroit les possibilités
d’adéquation des réponses permettant une fluidité de parcours. 15
»
Donc, posséder un réseau important permet d’éviter les orientations par défaut, et
replace l’individu dans un réseau de socialisation et lui donne accès à une vraie
14
Lemasson, J. (2007). Accompagner la diversification de l’offre du SESSAD, alternative au soutien spécialisé
en milieu ordinaire. ENSP. (pp. 28-29). 15
Lemasson, J. (2007). Accompagner la diversification de l’offre du SESSAD, alternative au soutien spécialisé
en milieu ordinaire. ENSP. (pp. 55).
citoyenneté. Les SESSAD mobilisent au maximum les ressources du milieu, utilisables
par les usagers et leur famille. On parle ici de plan adaptatif pour la compensation du
handicap.
Chaque structure élabore un projet d’établissement qui « intègre des orientations
nationales, régionales et départementales convergentes : la prise en compte des
besoins de la personne dans une approche globale, un travail de partenariat face aux
situations complexes, la mise en priorité du milieu de vie naturel des usagers comme
lieu d’intervention, la notion de parcours pour la continuité de la prise en charge et
le droit à l’expérimentation et au retour.16
» Ainsi, le Projet de Vie et le PPS de
l’enfant sont élaborés en étroite collaboration avec la famille et les établissements de
l’éducation nationale. La famille et le corps enseignant deviennent donc des
partenaires privilégiés dans la constitution d’un projet d’avenir pour l’enfant
handicapé puisqu’ils participent à l’élaboration, au suivi, et à l’évaluation régulière
de ce PPS. Notons également que les SESSAD proposent une action auprès de
l’ensemble de la famille, en aidant à la compréhension et à l’organisation du foyer
parfois bouleversée par la survenue du handicap. La mise en place d’une forte
médiation entre les professionnels et les familles est un véritable enjeu pour la
qualité de l’offre des SESSAD. Survient alors la création d’une communication
efficace entre les différentes instances présentes dans ce « maillage », et entre les
différents acteurs intervenant autour du PPS de chaque usager. L’action des
organisations est guidée par les besoins de la population ce qui mène à un
décloisonnement des différents pôles des établissements, notamment avec
l’articulation de la structure IME/SESSAD. Les partenariats internes favorisent une
plus grande souplesse des dispositifs car ils permettent une meilleure adaptation à la
grande diversité des situations. Se mettent alors en place plusieurs groupes en
fonction des capacités, offrant ainsi des possibilités de passages d’un groupe vers un
autre. Le PPS balise le parcours du jeune au sein de l’établissement et induit des
possibilités de sorties plus diversifiées. L’intégration du jeune est donc rendue
possible par son environnement. L’élaboration de cette intervention « sur mesure »
nécessite la collaboration des acteurs et la coordination de plusieurs interventions.
16
Lemasson, J. (2007). Accompagner la diversification de l’offre du SESSAD, alternative au soutien spécialisé
en milieu ordinaire. ENSP. (pp. 19).
C’est dans ce contexte que l’importance de la communication prend tout son
sens. Le PPS sert de base à la communication avec les familles. De plus en plus, les
frontières tombent entre les divers intervenants. Le but est de favoriser un va et vient
entre les différents partenaires et intervenants pour servir au mieux l’individu en
proposant un plan de compensation. Ainsi, l’individu est placé au centre de plusieurs
dispositifs, ce qui lui permet de prendre place parmi eux. On est dans une logique de
participation de l’usager à son propre projet. Les individus pris en charge suivent
parfois un parcours évolutifs, passant de l’ IME au SESSAD, valorisant ainsi leur
indépendance progressive. La MDPH prend les décisions finales en ce qui concerne
les admissions et le parcours de chacun. Un dispositif informant sur l’orientation
apparaît par conséquent essentiel. Pour servir au mieux la compensation, les divers
professionnels doivent communiquer, c'est-à-dire connaître leur place et leur mission
ainsi que celles des autres intervenants. Le développement de la communication
externe aux établissements est alors privilégié notamment pour développer une
intervention en amont et poser les diagnostics. Les centres d’action médico -sociaux
précoces et les centres médico-pédagogiques interviennent sous forme de séances de
consultation. Ils sont à nouveau consulté par les SESSAD pour le suivi des jeunes ou
pour un accompagnement à leur sorti de l’établissement. Les partenariats entre les
différents intervenants se développent, faisant intervenir les SESSAD, l’aide à
l’enfance, la protection judiciaire de la jeunesse, les maisons des adolescents, mais
aussi les hôpitaux et les services de santé dans le but de renforcer le lien avec la
pédopsychiatrie et la psychiatrie par un système d’intervention inter -secteurs.
Ainsi, longtemps limité à un outil d’intégration scolaire, les SESSAD et IME
doivent aujourd’hui s’associer avec une multitude d’acteurs et de partenaires. Le
déploiement d’une communication efficace entre la multitude d’acteurs intervenants
autour du PPS est un élément à questionner car de lui dépend la qualité du dispositif
de compensation. Les professionnels du travail social, de la santé, de l’enseignement
et les familles constitue un réseau de circulation de l’information visant à servir au
mieux l’usager occupant une posture de « client ». On tend par conséquent vers une
globalisation des réponses et une logique de territoire au profit de la personne.
Notons que le manque de communication est fortement redouté par les familles : plus
les voies d’informations sont diversifiées, plus leur satisfaction augmente. Dans ce
cadre de rénovation du secteur médico-social, nous nous poserons la question de
comprendre comment deux types d’établissements différents, soumis aux mêmes
innovations, parviennent à déployer un système de communication interne et extern e
garantissant l’accompagnement pluridisciplinaire des enfants.
Chapitre 2 : contexte théorique
Partie 1 : Communication, réseau et partenariat : le cadre
conceptuel
1. D’abord le mot
Le mot communiquer vient du latin communicare qui signifie « être en relation avec »,
« mettre en commun ». Ainsi, au-delà du simple contact avec autrui, la communication
suppose que des pensées, des attitudes, des normes et des actions soient mises en commun.
Des processus interindividuels se combinent pour constituer le processus d’interaction.
Les études sur la communication élémentaires ont été élaborées par Weaver et Shannon en
1949 dans leur ouvrage Théorie mathématique de la communication. Bien qu’incomplète, leur
théorie permet d’établir un schéma simple et linéaire décrivant la transmission de
l’information, avec un minimum de déperdition. Leur système de communication pose les
bases d’une première définition : dans tout système de communication, l’émetteur transmet un
message au récepteur par le biais d’un canal de transmission. Les canaux de transmission sont
nombreux. Dans la vie quotidienne, nous utilisons principalement la communication orale,
écrite, gestuelle, mais également l’action et le toucher. Partant du constat qu’il existe de
nombreuses formes de communication le contexte dans lequel se produit la communication se
doit d’être défini. Il y a situation sociale dès qu’un échange de communication a lieu. Le
problème est que ces échanges sont plus implicites qu’explicites.
Tout système de communication est codé, c'est-à-dire qu’il répond à des normes
propres à un groupe et à un contexte dans lequel l’information est donnée. Ainsi, la difficulté
à communiquer avec un membre extérieur au groupe vient du fait que le récepteur ou
l’émetteur ne dispose pas du même système de communication.
Tableau 1 : Système de communication élémentaire selon Weaver17
:
17
http://www.ecogesam.ac-aix-marseille.fr/Resped/Admin/Com/SciInfCom.htm. Consulté le 3.02.2010.
Dans les années 1980, G. Bateson et J. Ruesh, dans leur ouvrage Communication et
société, développent une approche anthropologique des phénomènes sociaux qui se répètent
dans un groupe. Ils arrivent progressivement à définir « un modèle provisoire de processus
interactifs qui façonnent la réalité de ce système particulier de relations humaines18
. »
La modernité entraîne des flux de communication nouveaux qui vont modifier la diffusion de
l’information. Chacun, quelque soit sa posture dans la société est soumis à cette diffusion. Ils
vont considérer l’individu comme inséré dans une situation sociale : le concept de « matrice
sociale » permet de définir les interrelations entre les différents niveaux que sont l’individu, le
groupe, la société.
Par conséquent, nous dirons que la communication est « tous les processus par
lesquels les gens s’influencent les uns les autres19
. » S’intéresser à la communication, c’est
avant tout s’intéresser aux relations humaines. Les valeurs présentes dans un groupe prennent
ainsi tout leur sens. En effet, l’ensemble des valeurs communes à un groupe entraine des
comportements stéréotypés favorisant la compréhension entre des individus appartenant à une
même culture, et partageant les mêmes valeurs. Cette culture commune permet la
compréhension des messages. Donc, théorie de la communication, théorie des valeurs et
connaissance anthropologique de la culture sont indissociables.
2. La communication comme système
Il a été précédemment établi que la communication consiste en la création d’un lien
entre plusieurs personnes. Pour mieux comprendre cet inter connexité, nous parlerons ici de
système.
Toute situation sociale s’établie quand les gens entrent en communication. Une fois
que l’individu perçoit que sa perception a été appréhendée par les autres, le système de
communication existe. Dans un système de communication relativement simple, chaque
18
Bateson G., Ruesch, J. Communication et société. Pp. 9. 19
Pp. 44
individu dispose d’organes utilisés comme instrument de communication. Les récepteurs,
appelés organes sensoriels, captent l’information. Les émetteurs, appelés organes effecteurs,
envoient un message. Les transmetteurs internes servent à faire évoluer l’information pour
qu’elle soit enregistrée et comprise. Enfin, le centre, c'est-à-dire le cerveau, traite
l’information qui lui est parvenue. L’idée développée est la suivante : l’information est
perçue. Mais, la perception n’apporte jamais la compréhension. Pour que le sens soit capté, le
message va être transmis par un système de relais jusqu’au centre (au cerveau), où il sera
traduit. Ce modèle s’applique parfaitement aux systèmes de communication relativement
simples : chaque individu y est doté d’émetteurs et de récepteurs, ainsi que d’organes centraux
lui permettant de retenir et d’évaluer l’information.
Les systèmes plus complexes comportent un ou plusieurs groupes de personnes. Ils
sont généralement asymétriques. Ainsi, « le flux des messages émerge d’un centre ou
converge vers un centre. Dans de tels systèmes, soit de nombreuses personnes communiquent
avec une personne, soit une personne communique beaucoup20
. » Le système complexe est
très présent dans le monde du travail : la communication est souvent unilatérale, dans le sens
où des postures hiérarchiques déploient de l’information descendante, généralement une
directive, que les individus devront effectuer sur le terrain. Le retour des employés sera
également unilatéral, car ils communiqueront à leur supérieur les bienfaits et les méfaits de la
directive en question. Un ajustement pourra ensuite être proposé par un processus interactif
entre les différents participants. C’est dans ce cadre que le terme de valeur prend tout son
sens. Ici, nous considérerons qu’un tri dans les informations et les possibilités est réalisé, en
fonction de la culture dominante au sein du groupe. On dira alors que les participants à une
culture de groupe sont ignorants des prémisses auxquelles ils se conforment. L’observateur
extérieur pourra définir ces prémisses après l’observation d’autres groupes, et extraire les
particularités et les règles fondant une culture autre que la sienne.
A partir des informations précédentes, nous pouvons définir quatre systèmes de la
communication humaine. Le premier sera la distance entre les interactants. Cette distance
physique, aussi appelé proxémie est codifiée par la culture du groupe. Le second système est
dit corporel, c'est-à-dire que les mouvements, mimiques, postures et expressions seront
utilisés pour transmettre des messages implicites. Toutes les parties du corps peuvent être
20
pp. 55.
utilisées. Le système paraverbal quant à lui, comprend les variations de la hauteur de la voix,
le débit, le rythme, etc. La vocalité varie en fonction de l’état physiologique du locuteur, mais
dépend aussi de son état émotionnel et de la relation qu’il entretient avec son interlocuteur.
Enfin, le dernier système est le système langagier. C’est le plus évolué. Le locuteur émet une
forme grammaticale qui a une signification : c’est la fonction locutoire. Il accomplit en même
temps, ou après, une action : c’est la fonction illocutoire. Enfin, ses paroles auront une
incidence sur le récepteur : c’est la fonction perlocutoire.
Paul Watzlawick, dans Une logique de la communication21
, soulève le fait qu’il est
indispensable, pour comprendre un phénomène, d’avoir un champ d’observation
suffisamment large. Comprendre le processus mis en œuvre au cours de la transmission
d’information, c’est comprendre le contexte dans lequel le phénomène est produit. Il faut alors
tenir compte des différentes parties d’un système plus large. Charles W. Morris22
subdivise
trois domaines. Le premier est appelé « syntaxe » : il recouvre les problèmes de transmission
et a pour objet l’étude des difficultés de codage, des canaux de transmission, du bruit, etc. Le
second, dit « sémantique », aborde le problème du sens. Un même code sémantique est
nécessaire pour qu’émetteur et récepteur puisse se comprendre. Enfin, le troisième domaine
est baptisé « pragmatique », c'est-à-dire que l’on va considérer que la communication ne peut
se limiter au langage. « Communication » et « comportement » sont presque synonymes. On
aborde un système d’interaction et des structures complexes de relations.
Comprendre le « système » ne peut se faire sans l’appréhension du milieu. Dans toute
communication, il y a interdépendance entre l’individu et son milieu. Le geste prend alors
toute son importance puisqu’il va entraîner chez autrui des réactions. On parle de système
d’actions réciproques. Le concept d’ « homéostat » développé par Ashby23
permet d’éclairer
ce phénomène. Il s’agit d’ « un dispositif constitué de quatre sous-systèmes autorégulés et
identiques, intégralement interconnectés. Si donc une perturbation se produit en l’un d’eux,
elle affecte les autres qui à leur tour réagissent. 24
» Donc, aucun système ne peut trouver son
21
Watzlawick, P., Helmick Beavin, J., Jackson, Don D. (1979). Une logique de la communication. France :
Point Essais. 22
Charles W. Morris. (1938). Foundations of the theory of signs. In Otto Neurath, Rudolf Carnap et Charles W.
Morris, International Encyclopedia of Unified science, Vol. 1 n° 2. Publication de l’université de Chicago. Pp.
77-137. 23
Ross Ashby, W. (1954). Design for a brain. New York : Wiley and sons. Pp. 93. 24
Watzlawick, P., Helmick Beavin, J., Jackson, Don D. (1979). Une logique de la communication. France : Point
Essais. Pp. 28.
équilibre sans les autres. Une multitude de paramètres sont visibles dans le cas d’une
modification du milieu interne ou externe. L’objectif est de déterminer la combinaison qui
permettra l’équilibre, donc, la bonne configuration interne. Lorsque les configurations
internes sont modifiées, les configurations antérieures ne sont pas totalement détruites. Parmi
la diversité des paramètres possibles, les configurations antérieures sont stockées et réutilisées
ou non. On parle de redondance lorsque certains groupements de configurations sont
répétitifs.
La communication est donc l’étude de ce qui entre (input) et de ce qui sort (output) de la
structure.
3. La communication implicite
Dans le système « communication », nous avons brièvement constaté l’importance du
corps ainsi que des intonations, rythmes et postures de l’individu. Tous ces éléments
contribuent à renvoyer un sens tout aussi important que le message langagier lui-même.
William Labov et David Fanshel, dans leur ouvrage Therapeutic Discourse. Psychotherapy as
Conversation25
, ont montré l’importance des fonctions perlocutoires dans nos
communications. Ils les définissent comme étant des actions. Leur analyse a permis
d’identifier un certain nombre de règles gouvernant l’accomplissement et la reconnaissance de
ces actions. Ainsi, l’interprétation d’un message comporte parfois une signification implicite,
qui peut être une demande d’action, une demande d’aide, un reproche, une plainte, etc. Les
messages doivent être considérés dans leur sens le plus complet, le langage ne permettant pas
toujours de « tout » dire de manière limpide et évidente.
Nous constatons ainsi l’importance des différents systèmes de communication.
Catherine Kerbrat-Orrecchioni, dans le discours en interaction, montre que la communication
ordinaire est « multicanale26
», c'est-à-dire que l’on utilise conjointement plusieurs systèmes
de communication pour émettre un message. Bien que le langage ait une dimension explicite,
la diffusion implicite des messages n’en est pas moins importante. Les indices de la
communication non verbale permettent d’interpréter une interaction dans sa totalité. Dans la
construction d’un dialogue, les différents systèmes interviennent donc ensembles. Il convient
25 Labov W., Fanshel D. (1977). Therapeutic Discourse. Psychotherapy as Conversation. Academic press. New
York.
26 Kerbrat-Orrecchioni C. (2005). Le discours en interaction. Paris : Armand Colin.
de noter ici que la dimension implicite peut aussi être observée avec le langage. Une chose
dite peut en signifier plusieurs ou être interprétée par le récepteur de différentes manières.
Toute la subtilité de ce phénomène est qu’il permet de ne pas entrer en conflit avec autrui ou
d’obtenir des choses sans les avoir demandées littéralement.
Paul Watzlawick parle de « communication analogique ». Ce terme renvoie à une
communication « chosiforme », c'est-à-dire qu’elle a des rapports directs avec ce qu’elle
représente. Il s’agit donc de toutes les formes, ou presque, de la communication non verbale.
Cependant, il ne faut pas la limiter à la kinesthésie, qui désigne les mouvements corporels et
les comportements, car elle englobe toutes les postures, gestes, intonations, rythmes, etc. Le
domaine analogique ne ment pas, puisqu’il correspond à tout ce qui est de l’ordre de la
relation. Nous résumerons ces propos par les mots de l’auteur, en affirmant que « si nous nous
souvenons que toute communication a deux aspects : contenu et relation, nous pouvons nous
attendre à voir non seulement coexister, mais se compléter, les deux modes de communication
dans tout message. Selon toute probabilité, le contenu sera transmis sur le mode digital, alors
que la relation sera essentiellement de nature analogique27
. »
4. La communication dans les groupes : le processus interactif.
Principes de l’interaction
Erving Goffman28
a développé très largement cette idée de lien entre processus
interactif et culture. Selon lui, les individus peuvent se comprendre car ils adoptent des
attitudes signifiant des informations pour autrui. De fait, la posture sociale de l’individu,
notamment son statut social, va influencer ses représentations, et aura nécessairement une
incidence sur ses attitudes.
L’interaction est par conséquent un processus macroscopique. On parle de
communication lorsque le récepteur n’intervient pas, sauf pour comprendre le message de
l’émetteur. Interagir suppose une réponse du récepteur, ce qui implique la présence d’au
moins deux individus émettant des messages de façon alternative. Le second stimulus est
donc une réponse au premier, et le troisième est une réponse à la réponse, etc. Comme nous
l’avons mentionné, tout message se situe à deux niveaux : implicite et explicite. L’échange est
27
Watzlawick, P., Helmick Beavin, J., Jackson, Don D. (1979). Une logique de la communication. France : Point
Essais. Pp. 61. 28
Les Rites d'interaction, 1967
fondamental et se retrouve dans tous les genres d’interactions, quel que soit le système de
communication dans lequel s’accomplit l’interdépendance (langagier, gestuel, etc.). A partir
de ces échanges se réalise la synchronie interactionnelle, c'est-à-dire l’ajustement réciproque
des interactants dans une interaction. On parle de régulation : la réponse du second signifie au
premier interactant la manière dont le message a été perçu. C’est à partir de cette information
que les participants vont contrôler leur comportement et leur réponse.
Les échanges simples et les échanges complexes sont différenciés. Dans le premier cas
de figure, L1 parle à L2 et L3, et L2 répond à L1 et L3, etc. Mais dans d’autres circonstances,
l’échange sera dit « complexe », car il se peut par exemple que L2 réagisse au niveau
implicite du message, alors que L3 réagira au niveau explicite, etc. Il convient ici d’ajouter le
fait que toute information induit un comportement. Nous pouvons ainsi différencier l’indice,
qui transmet l’information, et l’ordre, qui désigne la manière dont on doit entendre le
message. Donc, deux phrases différentes peuvent comporter le même contenu informatif mais
définir des relations très différentes entre les interactants. Avec l’aspect « ordre », on peut
donner des informations sur la manière dont doit être compris le message. La relation peut
aussi s’exprimer de manière non verbale par un sourire, un regard, ou encore un cri. Lorsque
l’on donne une information sur l’information, on parle de méta-information.
Pour étudier la complexité de ces flux communicationnels, Bales29
propose une
méthode répertoriant douze catégories appelées « fonctions de la communication ». Suite à
l’observation de plusieurs groupes de travail, il a déterminé l’organisation qu’adoptent les
groupes en fonction de la tâche qu’ils auront à accomplir. Cette grille se compose de douze
catégories destinées à saisir deux types d’interactions relatives à deux domaines : d’une part,
le domaine socio-émotionnel ; d’autre part, le domaine de la tâche. Trois grands ordres de
communication peuvent être établis30
:
Les communications à portée positive : les témoignages de solidarité, d’aide ; les actes
de détentes et de convivialité ; la manifestation d’un accord.
Les communications centrées sur l’accomplissement de la tâche : Les suggestions,
opinions, propositions d’orientations, demande d’information, etc.
29 Bales, R. F. (1972), Rôles centrés sur la tâche et rôles sociaux dans des groupes ayant des problèmes à
résoudre, in Lévy, A., Psychologie sociale, Paris, Dunod, 1972, pp. 263-277.
30 Annexe ?. http://www.inh.fr/enseignements/idp/outils/etude_marche/observation_psycho_socio.pdf
Les communications à portée négative : Manifestation d’un désaccord, d’une tension,
d’une attaque, etc.
Ces axes constituent des pistes de réflexion quant à l’analyse de la résolution des
problèmes dans le travail. Bales et Cohen constatent qu’après un certain temps de
fonctionnement, deux types de leader se détachent du groupe : l’un centré sur la tâche, l’autre
centré sur la cohésion. Le processus opératoire d’un groupe résolvant un problème passe par
quatre phases :
- La collecte d’informations (catégories 6 et 7)
- La phase d’évaluation (catégories 5 et 8)
- La phase d’influence (catégories 4 et 9)
- La phase de décision (catégories 3 et 10)
Ces activités de production sont entrecoupées de phases de conflits et de tensions (catégories
2 et 11).
L’interaction comme système
Il convient à présent d’apporter des précisions sur ce qu’est précisément une
interaction et sur la diversité des formes qu’elle peut avoir. Nous nous proposerons donc
d’analyser la structure de l’interaction humaine. Il faudra dans un premier temps différencier
l’interaction symétrique, fondée sur l’égalité, et l’interaction complémentaire, fondée sur la
différence. Dans le premier cas, les interactants adoptent un comportement miroir. La
différence est minimisée au maximum. Dans le second, la différence est très présente, et un
des interactants affirme sa supériorité.
Nous reprendrons pour éclairer notre propos la théorie des systèmes. Ici, on va
considérer des systèmes humains. Les « objets » sont les éléments d’un système. Les
« attributs » sont les propriétés des objets. Les « relations » sont ce qui « fait tenir ensemble le
système31
. » Donc, dans un système de communication, si les objets sont les personnes, alors
leurs attributs dans ce système de communication sont leurs comportements de
communication. Il faut définir les personnes non pas comme des individus, mais comme des
« personnes-en-relation-avec-d’autres-individus ». Ce qui importe, ce n’est pas le contenu
même de la communication, mais l’aspect « relation » ou « ordre » de l’échange.
31
Watzlawick, P., Helmick Beavin, J., Jackson, Don D. (1979). Une logique de la communication. France : Point
Essais. pp. 120.
Dans son ouvrage Une logique de la communication, Watzlawick reprend les propos
de Hall et Fagen pour mentionner que tout système s’inscrit dans un milieu qui « est
l’ensemble de tous les objets tels qu’une modification dans leurs attributs affecte le système
ainsi que les objets dont les attributs sont modifiés par le comportement du système32
. »
Par conséquent, peut-on scinder en deux ce modèle système – milieu ? En effet, si le milieu
réagit à toute modification du système, ne peut-on pas dire qu’il est à inclure dans le
système ? Nous choisirons ici de considérer le milieu comme faisant partie intégrante du
système. Le milieu comporte également des sous-systèmes, eux-mêmes en relation avec
d’autres sous-systèmes. « Ainsi, les partenaires d’une communication ont des relations à la
fois verticales et horizontales avec d’autres personnes et d’autres systèmes33
. » Les systèmes
fermés n’accueillent pas d’information de l’extérieur, et n’en transmettent pas. Les systèmes
ouverts quant à eux ne sont pas hermétiques. Pour notre propos, nous nous concentrerons sur
les systèmes ouverts.
Les liens qui unissent les éléments du système sont si étroits qu’une modification de
l’un des éléments entrainera une modification des autres éléments, et donc, du système entier.
Un système est donc un tout cohérent et visible. Il se caractérise par son degré de totalité. Ce
n’est alors en aucun cas une somme d’éléments, même si l’on peut découper ses composantes
en éléments interagissant ensembles. L’interaction n’est pas sommative, et l’ensemble des
interactions entre les « objets » ne doivent pas être dissociés. Pour aborder les relations entre
les systèmes, on parle de rétroaction. L’équifinalité est un principe signifiant que les mêmes
conséquences peuvent avoir des origines différentes. Ainsi, « la stabilité des systèmes ouverts
se caractérise par le principe d’équifinalité ; ce qui veut dire que, par opposition à l’équilibre
des systèmes clos, déterminés par les conditions initiales, un système ouvert peut parvenir à
un état temporellement autonome, indépendant des conditions initiales et déterminé
uniquement par les paramètres du système34
. »
Systèmes en interaction continue
32
Hall, A. D. ; Fagen, R. E. in, Watzlawick, P., Helmick Beavin, J., Jackson, Don D. (1979). Une logique de la
communication. France : Point Essais. Pp. 121. 33
Watzlawick, P., Helmick Beavin, J., Jackson, Don D. (1979). Une logique de la communication. France : Point
Essais. Pp. 122. 34
Ludwig Von Bertalanffy. (1962). General system theory, a critical Review. General systems Yearbook, 7, in
Watzlawick, P., Helmick Beavin, J., Jackson, Don D. (1979). Une logique de la communication. France : Point
Essais. Pp. 127.
Nous étudions les systèmes dits « stables », c'est-à-dire que leurs variables tendent à
rester les mêmes. Dans ce schéma on parle de relations continues, telles que les amitiés ou les
relations professionnelles. C’est dans ces réseaux naturels, opposés aux rencontres au hasard,
que se révèlent les propriétés et les troubles pathologiques de la communication humaine. On
cherche à savoir comment fonctionne une interaction. Dans tout processus relationnel, on ne
peut pas ne pas communiquer. Même la non-réponse induit une riposte, une signification.
Watzlawick emploie le terme de « limitation ». Dans une communication, tout échange
restreint le nombre d’échanges suivants possibles. Ainsi, « définir une relation comme
symétrique ou complémentaire, ou imposer une ponctuation déterminée, limite généralement
les possibilités du partenaire. Autrement dit, dans une telle conception de la communication,
non seulement l’émetteur, mais la relation, et donc le récepteur, se trouvent affectés.
Manifester son désaccord, rejeter ou redéfinir le message reçu, ce n’est pas seulement
répondre, mais susciter par là même l’implication dans une relation qui n’a pas besoin
d’autre fondement que la définition même de la relation et l’engagement inhérent à tout
communication35
. »
Il existe donc des règles précises qui définissent la relation. Dans une interaction,
chacun des partenaires réagit en fonction de sa propre définition qu’il donne à la relation.
Cette définition peut confirmer, rejeter, ou modifier celle de l’autre. Pour que la relation
fonctionne, il faut une stabilité. « Cette stabilisation dans la définition de la relation, Jackson
l’a appelé règle de la relation ; elle énonce les redondances que l’on peut observer au niveau
de la relation, même si le contenu de la communication concerne des domaines très divers.
Cette règle peut déterminer la symétrie ou la complémentarité, un type particulier de
ponctuation, une imperméabilité (…), ou tout autre aspect de la relation, sans limitation de
nombre36
. »
La relation a donc une dimension de totalité, c'est-à-dire que le comportement de tous les
autres membres en dépend. Tout comportement est communication, donc il influence les
autres, et est influencé par eux. En résumé, « On peut décrire l’interaction humaine comme un
système de communication, régi par les propriétés des systèmes généraux : la variable temps,
les relations système-sous-systèmes, la totalité, la rétroaction et l’équifinalité. On peut voir
dans les systèmes en interaction continue le centre même d’une étude des répercussions
pragmatiques à long terme des phénomènes de communication. L’idée de limitation en
35
Watzlawick, P., Helmick Beavin, J., Jackson, Don D. (1979). Une logique de la communication. France : Point
Essais. Pp. 133. 36
Pp. 134.
général, et l’élaboration de règles familiales en particulier, conduisent à définir la famille
comme un système régi par des règles et à y voir l’exemple d’un tel système.37
»
5. Une évolution des pratiques professionnelles : définir le travail en réseau
Le terme de réseau a longtemps été associé à des pratiques clandestines. Ce n’est que
récemment que ce terme a pris une signification plus positive. Cette notion a été développée
par de nombreuses études sociologiques sur la sociabilité. La notion de réseau prend alors tout
son sens lorsqu’on l’utilise pour évoquer le réseau familial qui se structure autour de
l’individu. Progressivement, la notion de réseau va évoluer. Aujourd’hui, la sociologie
considère que la société est un ensemble de réseaux qui organisent la vie sociale, et
notamment des rapports de pouvoir et de domination.
Mais, comment définir le concept de réseau ?
Tout réseau se caractérise comme étant un espace de contact et de relations entre des
individus aux postures sociales hétérogènes. Le réseau se fonde avant tout sur la confiance et
la régularité des contacts entre ses différents acteurs. Il convient cependant de noter que les
contacts ont une durée en accord avec un certain projet autour duquel vont s’accorder
plusieurs acteurs. Sa durée est donc limitée. Les relations qu’entretiennent les individus n’ont
pas un caractère hiérarchique, mais égalitaire. En effet, tout réseau suppose une coordination
des acteurs sur le terrain, permise par l’élaboration d’un travail en réseau. Le travail en réseau
s’appuie par conséquent sur des relations de confiance et la capacité des différents acteurs à
susciter cette confiance propice à la communication.
Cette « mise en réseau » du travail social constitue, comme nous l’avons
précédemment mentionné dans le chapitre 1, une innovation. Il convient à présent de
mentionner l’importance de l’implication des différents acteurs dans la volonté de
changement. L’innovation ne peut avoir lieu que si les acteurs croient en leur action et
s’attachent à mettre en place un dispositif efficace. La prise en charge de la personne
handicapée se faisant sur une longue durée, il faut que les partenaires croient en les bienfaits
de leur action. C’est en modifiant leurs pratiques professionnelles et en engagent des contacts
avec des partenaires nouveaux que l’innovation peut avoir lieu. Un manque d’implication de
37
Pp. 147.
la part de certains acteurs peut constituer un frein à la mise en place de réseaux efficaces.
C’est en introduisant de la transversalité que l’on arrive à une satisfaction plus globale des
besoins de l’usager.
Ainsi, toute utilisation d’un réseau n’est jamais figée. Philippe Dumoulin38
distingue
cinq utilisations du réseau :
- Le pairage : par le relais et la médiation, il vise à orienter la personne vers la
structure la plus adaptée à ses besoins.
- La mise en réseau vise à développer l’autonomie de la personne par le
biais du soutient de son réseau primaire (familial), rendant ainsi possible
la prise en charge de la personne handicapée et de son entourage.
- La mise en réseau de groupes d’aide réciproque permet d’instaurer du
partage et de la réciprocité dans un collectif. Il favorise la solidarité entre
les personnes.
- Le groupe à projet consiste à créer des synergies nouvelles et à mobiliser
une équipe sur un projet ciblé. On parle aussi de structure matricielle.
- L’utilisation du réseau en expansion, quant à lui, correspond au réseau de
professionnels ou d’institutions. Il consiste en la création d’un réseau
secondaire (ici, l’ensemble des professionnels concernés par une
même intervention autour d’une personne), pour résoudre ensemble
un problème posé par ou à l’usager.
Nous reprendrons, pour synthétiser notre définition, les propos d’Andrée
Charpy : « Globalement ce travail en réseau s’oppose à la spécialisation. Le
contexte local influence beaucoup la structuration du réseau dan s le secteur
sanitaire et social, il se réfère toujours à un territoire d’action. Sur ce territoire, il
introduit de la transversalité entre les différents acteurs sociaux et il rompt leur
isolement professionnel. Il permet à des approches différentes d’êt re
complémentaires pour atteindre un objectif commun, ceci en ouvrant un espace de
coopération. De cette manière il a permis de décloisonner le secteur sanitaire et
social et il a favorisé une approche globale des besoins de l’usager. »39
38
Dumoulin, P., Dumont, R., Bross, N., Masclet, G. (2003). Travailler en réseau. Paris : Dunod. 39
Charpy, A. (2004). Le travail en SESSAD considéré comme facteur d’innovation.
Le maillage sur le territoire unit les composantes du réseau. Certains membres du
réseau jouent un rôle clé en favorisant la circulation des informations et en
coordonnant les actions des différents membres du réseau. On parlera ici de « tête de
réseau »40
.
Quand le réseau s’institutionnalise, il change de nature. On parle alors de partenariat
que l’on définira « comme une relation contractuelle entre deux ou plusieurs
personnes physiques ou morales, concourant à la réalisation d’un projet par la
mise en commun de moyens matériels, humains et financiers. »41
Le réseau est à rapprocher de l’interaction. Des études sur les réseaux ont
montré l’importance de la répartition des individus dans l’espace. Leavitt 42
étudie les réseaux de communication selon la répartition des person nes autour
d’une table. Il va ainsi définir toute une série de propriétés formelles du réseau.
Il défini la distance comme étant le nombre d’étapes que doit parcourir
l’information pour parvenir de l’émetteur au récepteur. On distingue alors la
centralité du réseau, plus efficace pour les tâches simples, et le réseau tous
circuits, plus performant pour les tâches complexes. Donc, selon la tâche à
accomplir, on peut supposer que les individus vont adopter un réseau de
communication différent.
Partie 2 : L’établissement médico-social : Une organisation.
A. Les établissements médico-sociaux : les apports de la sociologie
des organisations.
Nous nous attacherons ici à définir ce qu’est l’organisation. Notre étude s’appuiera sur
cette définition et se proposera d’analyser le fonctionnement de la communication dans ce
type d’organisation que sont les IME et SESSAD. En effet, un établissement médico-social
40
JAEGER, Marcel, « Tête de réseau » : un métier à inventer », in Formation Santé Social, n°58, mars 2004, p.
7. 41
AFNOR norme ISO-750. 42
Leavitt H.J. (1965), «Applied organizational change in industry: structural, technological,
and humanistic approaches», in J.G. March (ed.), Handbook of organizations, Rand
MacNally.
prenant en charge des enfants handicapés et leur scolarisation est par définition une
organisation, c'est-à-dire une structure dont le fonctionnement s’inscrit dans un contexte de
rénovation sociale plus large que nous avons précédemment défini.
1. L’organisation : d’abord, le mot
L’organisation est un objet d’étude privilégié de la sociologie. Les théories sur le sujet
se sont multipliées depuis le début du XXés. Bien que les thèses sur ce thème aient évoluées,
nous pouvons proposer une définition cohérente. Une organisation est avant tout une entité
durable qui vise l’accomplissement d’un but. Elle a toujours une mission (vendre, éduquer,
soigner, etc.). Des règles de fonctionnement lui sont propres, car définies par la direction en
fonction des buts et missions fixées. Quelle que soit la disposition de la structure, la division
des tâches en est une des caractéristiques essentielles. Chacun est employé pour exécuter une
tâche, l’ensemble des tâches permettant l’accession au but. Une organisation est toujours
singulière car elle présente des règles de fonctionnement qui lui sont propres, même si le but
fixé est commun à d’autres établissements.
La définition de ce concept a beaucoup évolué dans l’histoire de la sociologie. Les
théories successives ont suivi les évolutions sociales et culturelles. Au début du XXés., on
assiste au développement du travail à l’usine. Taylor va prôner une organisation scientifique
des tâches. Ainsi, chacun est affecté à une tâche unique et précise. La direction a pour
fonction de planifier les actions que les employés exécutent. Ce fonctionnement ne laisse
cependant pas suffisamment de place à l’individu, placé au rang de machine.
Dans les années 1930, le « courant des relations humaines43
», largement développé
par E. Mayo44
, se préoccupe des dimensions humaines de l’organisation. Se développe l’idée
que la production d’une structure dépend également de la qualité des relations humaines dans
le travail. L’individu est alors mis au cœur de la qualité du travail : c’est à lui que
l’organisation doit sa production, et la qualité de la production de l’individu dépend de la
qualité de ses relations humaines sur son lieu d’activité. L’individu n’est plus une « machine »
exécutant des tâches, il est une personne dont on reconnait l’identité et qui va mettre ses
compétences au service de l’organisation.
43
Cabin, P. Les sciences de l’organisation : entre théorie et pratique, in « Les organisations. Etat des savoirs ».
pp. 1-15. 44
Mayo E., in Plane Jean Michel, Théories des organisations, Paris, 2ième Edition, Dunod, 2003, p. 31.
Dans les années 1960, T. Burns et G.M. Stalker45
différencient deux grands types
d’organisations : les organisations « mécaniques » et les organisations « organiques », dont ils
exposent les différences dans un tableau46
.
Tableau 2 : Organisations mécaniques et organisations organiques.
Critères Environnement stables
« Organisations
mécaniques »
Environnement instable.
« organisations organiques »
Spécialisation
Standardisation
Résolution des conflits
Autorité
Lieu de décision
Contenu de la communication
Prestige
Loyauté
Forte
Forte
Hiérarchique
Hiérarchique contractuelle
Au sommet
Directives
Lié au statut social
A l’organisation
Faible
Faible
Interactions
Engagement commun
Là où est la compétence
Informations, conseils
Lié à la contribution personnelle
Au groupe, au projet.
Définir un établissement médico-social à partir de cette division apparait impossible,
tant les phénomènes de changement récents ont entraîné des fonctionnements divers au sein
de ces structures. Cette dichotomie peut cependant nous permettre de dégager certains aspects
des organisations étudiées.
2. Les évolutions dans les organisations
45
Burns T., Stalker G.M., in Livian Yves Frédéric, op.cit., p. 46. 46
Burns T., Stalker G.M., in Livian Yves Frédéric. (2004). Introduction à l’analyse des organisations, Paris,
2ième Edition, Economica. pp. 46.
Nous étions dans une société centrée sur la production, la rationalisation et la quantité.
Aujourd’hui, nous tendons vers une idée de qualité, de sur-mesure. Un véritable « soucis du
client47
» émerge. Ceci implique l’apparition de nouvelles formes d’organisations, notamment
le développement du réseau. Face à cette nouvelle demande, les organisations ont dû évoluer
et s’adapter. On parlera ici d’innovation et de changement. On assiste à une dématérialisation
des activités et à une course à l’innovation qui mène à la création d’outils de gestion. Ainsi,
« qualité de réseau » et « système de connaissance » sont aujourd’hui essentiels. Dans ce
champ, on constate une étroite affinité entre les productions scientifiques écrites, et les
méthodes de gestion (management) qui formalisent les pratiques sous forme de règles.
Historiquement, les organisations ont connues des évolutions. Le modèle taylorien est
trop rigide pour en proposer une analyse cohérente. Les concepts de « partenariat »,
« participation », « coopération », « culture d’entreprise » et « communication » sont placés
au cœur des récentes études.
Les nouveaux besoins entrainent une modification du fonctionnement. On demande
aux employés de posséder de nouvelles compétences, car les nouveaux problèmes ne peuvent
plus être régis par une division rigide des tâches. On parle de polyvalence, c’est à dire que
l’on souhaite que les individus puissent agir vite et efficacement. Aujourd’hui, le savoir est
extrêmement valorisé dans les organisations, ce qui mène à l’émergence de travailleurs du
savoir. On passe alors d’une organisation basée sur un système de commandement-contrôle
(division et départements), a un fonctionnement basé sur l’information. Les nouvelles
stratégies organisationnelles placent au cœur des préoccupations l’accès de tous à
l’information. La redistribution des responsabilités mène à une atténuation de la hiérarchie. La
réduction de la pyramide hiérarchique va de paire avec une redéfinition de la division du
travail : les individus sont responsabilisés et considérés comme capables de prendre des
initiatives et de coopérer. Nous reprendrons les propos de Lusin Bagla pour définir la
participation comme étant « l’implication de l’individu dans le travail d’équipe et comme la
contribution des différentes équipes à la résolution des problèmes organisationnels. Ces
équipes fonctionneraient comme des « groupes semi-autonomes », avec des salariés
« polyvalents » mobilisant des compétences multiples.48
»
Mais, l’apprentissage dans l’organisation seul peut mener à l’évolution. Les barrières
au changement, à l’innovation sont nombreuses. Changer, c’est faire accepter aux travailleurs
ce nouveau fonctionnement. Dans le contexte actuel, les organisations sont prises dans une
47
Bagla, L. (2003). Sociologie des organisations. Pp. 46. 48
Bagla, L. (2003). Sociologie des organisations. Pp. 51.
course à l’innovation. Un des enjeux principaux de cette innovation, c’est la capacité de
l’organisation à ériger des liens forts avec d’autres organisations menant des actions
similaires. Par ce processus, elle peut mettre en commun des ressources et des compétences
favorisant la qualité et l’efficacité. Par cet apprentissage, on développe un sentiment
d’appartenance non plus à un groupe, un métier ou un type de poste : les individus témoignent
d’une adhésion aux pratiques managériales et s’identifient davantage à l’entreprise et à ses
objectifs.
Pour synthétiser notre propos sur ce thème, nous dirons que les recherches sur la nouveauté
dans les organisations diffèrent selon le niveau d’analyse :
- L’échelle « micro » développe l’idée que l’innovation ne réside pas dans l’institution
des managers, mais relève d’une volonté des salariés. L’innovation s’observe alors
dans les pratiques quotidiennes des employés. Elle correspond aux études
sociologiques cognitives qui se basent sur les pratiques et l’interaction.
- L’échelle macro met l’accent sur les structures et l’environnement propice à
l’innovation. Les savoirs se cristallisent dans les compétences des individus. C.K.
Prahalad et G. Hamel, dans leur ouvrage La conquête du futur49
, développent l’idée
que ce sont les compétences clés d’une organisation qui déterminent sa réussite, et non
son positionnement géo, ou son positionnement sur le marché. La valorisation des
compétences clés est alors au cœur des préoccupations. Ainsi, l’accent mis sur les
compétences se retrouvent dans les secteurs productifs (entreprises, firmes, etc.) et
dans les secteurs à but non lucratifs tels que l’éducation. Ceci témoigne de
l’émergence d’un nouveau modèle managérial fondé sur la transversalité, la flexibilité,
et la réduction des niveaux hiérarchiques.
Une des innovations considérables de ces dernières années est l’impulsion donnée à la
communication dans la structure. Dans les entreprises, on communique à l’oral, à l’écrit, etc.
Mais aujourd’hui, l’essor des nouvelles technologies est partout présente (internet, téléphonie,
fax, etc.). Dans les années 80, on assiste à une sorte de folie communicationnelle : pour
garantir la réussite de l’entreprise, il faut une bonne communication externe (publicité,
rapports, etc.) et interne (cercle de qualité, dialogue, journaux internes, etc.). Cette période
49
C. Prahalad, G. Hamel. (2006). La conquête du futur. Construire l’avenir de son entreprise plutôt que le subir.
Dunod. Collection : stratégie et management.
passe, et les chercheurs vont soulever le fait que ce sont les salariés qui saisissent des
données, et donnent du sens à la transmission d’informations.
Pour qu’il y ait une véritable action collective, il y a une nécessite de coordination
pour éviter une simple juxtaposition d’actions individuelles. Dans les établissements médico-
sociaux il est difficile de cerner les formes de communications, car elles se présentent au fur
et à mesure des événements, dans le fil de l’activité, et n’ont pas toujours de statut reconnu.
La communication écrite est souvent officielle, et sert de preuve en cas de contestation. C’est
aussi un moyen utile en cas de doute, car l’écrit permet toujours la relecture. La
communication orale quant à elle, est souvent complémentaire, et moins formalisée. Michèle
Lacoste50
, mentionne le « modèle fonctionnel » de communication : il se caractérise par des
phrases simples et courtes, et un système de question-réponses. Dans l’urgence, il favorise la
rapidité et l’efficacité. Le modèle « familial-démocratique » correspond à une forme de
communication informelle, conviviale, qui vise à calmer les esprits, et à se rassurer
mutuellement. On y aborde ses petites difficultés de la matinée, etc.
Claude Duterme51
mentionne le fait essentiel qu’une bonne communication dans
l’organisation est le fruit de l’Homme avant tout. Actuellement, on accorde une grande
importance à la communication, mais le résultat est rarement celui attendu. De plus, les
théories managériales actuelles prônent une participation dans un modèle idéal
d’appartenance. D’en bas, il est parfois difficile d’identifier une stratégie de la direction. Le
véritable enjeu de la communication interne est la qualité des échanges entre les individus et
entre les groupes. Certains postes sont même crées pour prendre en charge cette question de la
circulation des informations, tels que consultant en communication ou directeur de la
communication.
La théorie des systèmes utilisée pour l’étude de la communication soulève plusieurs
points essentiels. Dans un établissement, tout communique. Les rapports entre groupes ou
individus sont au cœur des questions de communication. Tout le monde influe sur l’état des
relations et tout le monde peut améliorer sa situation. La question de la qualité de la
communication implique la mise en place d’un dispositif d’information formalisé tel que les
réunions. Dans l’établissement, chacun participe à la circulation des nouvelles. Il apparait
50
« Le travail de coordination ». Entretien avec Michèle Lacoste, dans Les organisations. Etat des savoirs. Pp.
275-277. 51
Duterme, Claude, (2004). La communication interne en entreprise. L’approche de Palo Alto et l’analyse des
organisations. Bruxelles : édition de Boeck Université.
alors nécessaire que la communication s’établisse de manière ascendante autant que
descendante. Des personnels intermédiaires vont avoir pour mission d’établir ce lien entre les
employés et la direction. Dans notre cas, le chef de service coordonne les actions de l’équipe
qu’il encadre en fonction des directives données par sa hiérarchie. Il convient aussi de réguler
les vitesses de circulation de l’information : il existe des circuits longs (info de la direction
vers le bas), et des circuits courts (rumeurs). Dans l’entreprise, la régulation de la
communication se fait sans qu’on y prenne particulièrement garde. Les flux d’information
sont les circuits qu’emprunte l’information. On différencie :
- La communication descendante : ce sont souvent des ordres ou directives qui
circulent du haut vers le bas.
- La communication ascendante : que la base adresse à sa hiérarchie. Au cœur des
enjeux de cette communication se trouve la qualité et l’efficacité : les suggestions
sont relevées chez l’ensemble des professionnels pour palier aux défaillances d’un
système et l’améliorer.
- Les systèmes de communication latéraux sont les communications qui s’échangent
entre personne de même statut, ou entre services.
- Les systèmes de communication obliques sont les échanges d’informations
traversant à la fois les frontières hiérarchiques et celles des services.
Il apparaît à présent indispensable de nous interroger sur la posture de l’individu, c'est-
à-dire de l’employé, dans l’organisation, afin de cerner son importance dans le processus de
circulation de l’information.
3. L’individu dans l’organisation
1. Un acteur stratégique
Michel Crozier et Ehrard Friedberg52
ont développé une théorie de l’action collective
au sein de laquelle l’individu est capable de choix et de contrôle. Ils veulent comprendre
l’action organisée. Leur réflexion porte sur les rapports que les acteurs sociaux entretiennent
52
Crozier, M., Friedberg, E. (1977). L’acteur et le système. Les contraintes de l’action collective. Collection :
sociologie politique.
avec les systèmes auxquels ils sont intégrés. Selon eux, l’acteur social n’existe pas en dehors
du système, car c’est le système qui va définir la liberté de l’acteur et la rationalité qu’il peut
utiliser dans son action. Donc, le système n’existe que par l’acteur qui lui donne vie et lui
permet de changer. L’employé n’étant plus considéré comme un « accomplisseur de tâches »,
il est défini comme un acteur rationnel dont dépend l’action organisée qui se développe dans
l’organisation. L’acteur est donc engagé dans un système d’action concret et doit « découvrir,
avec la marge de liberté dont il dispose, sa véritable responsabilité53
»
Leur théorie s’appuie sur deux postulats :
- Les organisations ne sont pas à la recherche d’une efficacité absolue,
dictant des règles de fonctionnement rationnelles, et qui détermineraient par
contrainte la place des acteurs. Les acteurs refusent de servir de moyens à
la réalisation des buts de l’organisation. Les choses sont complexes : les
acteurs ont des buts et objectifs propre qui différent de ceux de
l’organisation.
- Les acteurs dans une organisation ont toujours une marge de liberté qu’ils
vont utiliser en fonction de leurs intérêts. Les acteurs ne s’adaptent pas
passivement aux circonstances, et sont capables de jouer avec
l’organisation. Ils peuvent développer dans ces jeux leur stratégie.
Ils définissent la stratégie comme étant la capacité de l’individu à ajuster son
comportement et ses actions en fonction des buts qu’il s’est fixé. Cependant, les acteurs
sociaux ont rarement des objectifs clairs et des projets cohérents. Tout acteur peut changer de
projet au cours de l’action. On parle de réajustement permanent. L’acteur n’est par toujours
rationnel. Pourtant l’acteur est actif et son comportement est toujours le résultat d’un choix.
Ce comportement a toujours un sens même s’il n’est pas rapporté à un objectif clair. Il est
toujours rationnel par rapport aux opportunités, au contexte, et au comportement des autres
acteurs.
Donc, selon eux, l’acteur est capable de faire des choix et des calculs. On ne devient
pas acteur, on l’est de par notre appartenance à une organisation. Donc, chacun est un acteur
individuel et collectif : acteur et agent. La rationalité des comportements dépend du cognitif,
de l’affectif, du culturel et de l’idéologie de chacun. Le comportement revêt toujours un
53
Crozier, M., Friedberg, E. (1977). « L’acteur et le système. Les contraintes de l’action collective ». Pp. 388
aspect offensif (saisir les opportunités pour améliorer sa situation) et défensif (l’acteur va
essayer de maintenir voir d’élargir sa marge d’action, et donc sa capacité à agir).
Bien que cette définition puisse proposer une approche intéressante, elle semble
incomplète pour notre propos. Nous considérons l’établissement médico-social comme une
organisation au sein se laquelle les acteurs ne peuvent se limiter à des rôles d’acteur
stratégique. Certes, chacun dispose d’une marge de manœuvre personnelle, mais les actions
constituent également un intérêt pour l’organisation.
2. L’individu : agent, acteur et auteur de la communication dans l’organisation
Afin d’élargir notre approche de l’individu comme participant à la communication au
sein de l’institution, nous nous appuierons essentiellement sur les propos de Jacques Ardoino.
Il distingue trois postures de l’individu dans l’organisation. Selon lui, l’ « agent » correspond
à un statut passif, c'est-à-dire, « celui qui est agit par l’autre54
». Ce statut est complété par
celui d’acteur, plus actif. L’acteur est celui qui intervient. Les individus sont acteurs « dans la
mesure où ils se reconnaissent (et sont reconnus par d’autres) comme également co-créateurs
d’un vécu, […].55
» Enfin, l’auteur est défini comme étant un créateur. On ne peut à la fois
être acteur sans être auteur. Nous dirons donc que l’individu est à la fois enserré dans le
processus de communication, mais qu’il est aussi intervenant au sein de cette communication,
et créateur d’information.
Il nous faut compléter cette définition. Philippe Bernoux considère l’acteur comme «
celui dont le comportement contribue à structurer un champ 56
». Les acteurs sont donc
autonomes, et entrent en interaction dans un système. Ainsi, l’acteur structure le champ
communicationnel au sein de l’organisation par ses jeux et actes. Il agit par conséquent dans
une situation précise. Dans l’ensemble des situations, tous les acteurs n’agissent pas, car ils
n’en ont pas forcément le pouvoir ni les moyens. « L’acteur, en sociologie des organisations
54
Boujon, F. (2008). L’accompagnement des équipes dans le changement : une posture du cadre de santé.
Mémoire pour l’obtention du diplôme de cadre de santé. Bastia : Institut de formation des cadres de santé. 55
Ardoino Jacques, Entre bilan et commentaires ou de l’ingénieur et du clinicien, Article, Via Internet, www.
jardoino.club.fr, 56
Bernoux Philippe. (1985). La sociologie des organisations, Paris, Edition du Seuil. pp. 137.
peut être représenté par un groupe d’individu et donc, il peut également désigner un ensemble
d’individus organisés en vue de préserver leurs propres intérêts57
. »
Les actions et paroles des individus sont dictées par la représentation qu’ils ont de
l’organisation et de ses buts. La représentation se définit comme l’image mentale que
l’individu se fait d’une situation. Donc, dans sa façon de gérer la coopération au sein de
l’organisation, le cadre ou manager doit tenir compte des représentations des différents
individus pour parvenir à maintenir la coopération.
Dans l’organisation, les acteurs interviennent, les agents sont passifs face aux
situations. Chaque individu, constitué de ressources émotionnelles et cognitives devient
acteur, et donc auteur, lorsqu’il prend part au flux communicationnel, c'est-à-dire lorsqu’il
s’attache à participer à la création du canevas informatif au sein de la structure.
57
Boujon, F. (2008). L’accompagnement des équipes dans le changement : une posture du cadre de santé.
Mémoire pour l’obtention du diplôme de cadre de santé. Bastia : Institut de formation des cadres de santé. Pp. 8.
Chapitre 3 : Méthodologie
A. Le cadre méthodologique théorique :
1. Les méthodes qualitatives en sociologie.
Les méthodes de recherche en sociologie ont pour objectif premier de saisir les
phénomènes de groupe et d’en interroger les singularités. L’emploi des méthodes qualitatives
permet d’aborder des phénomènes non quantifiables. L’analyse a alors pour objectif de
comprendre les mécanismes sous-jacents aux comportements et l’interprétation que les
acteurs font de leurs propres comportements. L’utilisation de ces méthodes favorise
l’appréhension de phénomènes de groupes et permet d’analyser les dispositifs singuliers
développés par les individus d’un même collectif.
L’individu est considéré comme un être social, soumis à des règles, des normes et
valeurs propres à son groupe d’appartenance. Ainsi, les concepts de culture d’entreprise et de
culture dans les organisations ont été largement développés. Les interactions se déroulant dans
l’espace familial et les relations propres au monde professionnels sont différenciées.
L’observation d’un groupe permet de comprendre les fonctionnements implicites inhérents à
ce groupe et d’en cerner les applications par les acteurs.
Dans ce cadre méthodologique, tout chercheur doit tenter de se dégager de ses préjugés
et idées préconçues afin de ne pas porter de jugements sur les éléments observés. Il doit
décrire et analyser des phénomènes de groupes ou individuels. La difficulté d’obtenir des
informations sur un collectif auquel on n’appartient pas doit être soulevée. Le chercheur peut
alors choisir délibérément de masquer son identité aux enquêtés. Les questions éthiques sont
nombreuses lors des enquêtes : il est préférable de ne pas mentir aux enquêtés qui nous
accueillent, mais parfois, mentir est l’unique solution pour obtenir les informations désirées.
2. Notre positionnement
L’étude que nous réalisons porte sur le fonctionnement de la communication interne et
externe des établissements accueillant des enfants handicapés scolarisés, en milieu rural-
montagnard. Les interrogations visent à cerner les dispositifs que les services mettent en place
afin de performer la circulation des informations entre les différents professionnels. Les
échanges avec les partenaires et les réseaux qui se constituent autour des établissements ne
seront pas omis. La dimension territoriale prend ici tout son sens. Les logiques d’acteurs
seront interrogées afin de déterminer comment les différents professionnels utilisent leur
marge de liberté pour développer des stratégies communicationnelles avec l’ensemble des
intervenants. La problématique s’inscrit dans les innovations relatives à la scolarisation et à
l’accompagnement pluridisciplinaire des enfants en situation de handicap. Une approche
comparative sera proposée de sorte à déterminer comment deux établissements, situés sur un
même territoire et soumis aux mêmes politiques publiques créent des modèles de
communication différents. Les analogies entre les deux modèles seront également interrogées.
L’objet de l’étude a été révélé aux enquêtés. Ce choix est avant tout éthique : il semblait
peu justifiable de masquer le sujet de notre enquête, l’accès aux informations n’étant pas
compromis par cette révélation. Mentionnons également que des informations ont été
obtenues lors de cette révélation aux personnels de direction des deux services : l’accueil et
l’intérêt pour la recherche proposée apportait une indication sur l’importance accordées à cet
aspect de l’exercice professionnel des intervenants du service. Soulignons également que le
fait d’être connu et reconnu par l’ensemble du personnel a favorisé l’instauration d’un climat
de confiance.
Le cadre méthodologique pratique
Ici, nous utilisons essentiellement les théories de la sociologie des organisations. Les
interrogations sur le fonctionnement de la communication dans les SESSAD et IME en milieu
rural nous amène à employer deux échelles d’interrogations :
- L’observation de la circulation de l’information entre les différents acteurs
internes et externes à l’organisation (chemin parcouru par l’information, outils,
etc.).
- L’observation des interactions entre les professionnels (réunions, discussion,
échanges téléphoniques, interactions, etc.).
1. Le terrain
Afin de mener notre étude, il s’agissait de choisir deux établissements
géographiquement proches et accueillant tout deux des enfants handicapés scolarisés. Nous
avons délimité un territoire des Alpes de Haute Provence disposant de nombreux
établissements accompagnants des personnes en situation de handicap (annexes 1 et 2). La
présence de deux associations départementales dans cette zone engendre une abondance de
dispositifs et de partenariats établis par les établissements d’éducation spécialisés. Les
services accueillant des enfants âgés de moins de 6 ans et des adultes de plus de 20 ans ne
pouvaient entrer dans notre cadre d’étude. Nous avons délibérément choisi d’enquêter dans
deux structures aux fonctionnements distincts : un Service d’Education Spéciale et de Soins à
Domicile (SESSAD), et un Institut Médico Educatif (IME).
Le premier accueille des enfants souffrant de déficiences variées mais pouvant être
scolarisés en milieu ordinaire. L’accompagnement s’axe essentiellement sur la scolarisation et
l’épanouissement de l’enfant dans tous ses lieux de vie (domicile, loisirs, centres aérés, etc.).
Le second prend en charge des enfants handicapés mentaux lourds, disposant d’une
scolarisation adaptée en interne. L’accompagnement s’axe sur l’autonomie de la personne à
travers les apprentissages et les loisirs.
Bien que développant des fonctionnements différents, les deux services sont soumis à
des règles communes : une communication des informations aux instances politiques
départementales (MDPH), une ouverture sur l’extérieure (partenariats et réseaux), ainsi qu’un
accompagnement pluridisciplinaire du handicap (suivi des enfants par tout une batterie de
médicaux et rééducateurs en parallèle d’un accompagnement éducatif global). Il s’agit par
conséquent de définir comment ces deux établissements aux fonctions dissociables peuvent
présenter des modalités de fonctionnement similaires et dissemblables en termes de
communication.
Le SESSAD La Durance :
Il fait parti de l’association APAJH 04 (Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés
des Alpes de Hautes-Provence), située à Château-Arnoux. Le service dispose d’un
fonctionnement autonome. Le service suit 66 enfants, âgés de 6 à 20 ans, scolarisés en milieu
ordinaire. Les enfants présentent des handicaps très variés (Déficience intellectuelle légère ;
déficience visuelle ; handicap moteur ; handicap cognitifs ; troubles du comportement ou de la
conduite). Il propose à ces jeunes un projet individualisé à la fois éducatif, social et
thérapeutique. La famille et l’enfant sont au cœur des préoccupations. Afin de palier à
l’accessibilité délicate de certaines villes du département, des antennes ont été développées :
- La base logistique, située à l’Escale, au carrefour Bléone-Durance, est le centre
géographique des interventions.
- L’antenne de Manosque permet une couverture plus efficace du sud du
département.
- L’antenne de Digne permet de répondre à la plus forte densité de population
dans cette zone.
- L’antenne de Barcelonnette permet de disposer d’un relais dans une zone
difficile d’accès.
Les éducateurs effectuent leurs déplacements depuis l’antenne dont ils dépendent. Une
équipe pluridisciplinaire met en œuvre l’accompagnement et le suivi des projets
individualisés :
- Un pôle administratif et de direction composé d’un directeur et d’une chef de
service éducatif ainsi que de deux secrétaires.
- Un pôle rééducateurs accompagnant les enfants dans leur suivi médical et
proposant des dispositifs améliorant ou facilitant l’accès à la scolarisation
(orthophoniste, orthoptiste, psychomotricien, ergothérapeute).
- Un pôle médical coordonnant l’action des rééducateurs et les interventions
médicales, réalisant les prescriptions et le suivi psychologique de l’enfant et de
sa famille (médecin coordinateur, spécialistes et psychologues).
- Un pôle enseignant accompagnant l’enfant dans ses difficultés scolaires et
proposant des adaptations en termes de matériel (enseignants spécialisés
détachés de l’éducation nationale).
- Un pôle éducatif procédant au suivi de l’enfant dans l’ensemble de ses lieux de
vie (éducateurs spécialisés).
Notons que l’éloignement géographique de certaines familles a mené à l’établissement
de conventions avec des médecins et rééducateurs libéraux. Ainsi, les « usagers-clients »
peuvent choisir librement leurs médecins et disposer d’un suivi au plus proche de leur
domicile. Le transport est facilité par l’embauche et le partenariat avec des chauffeurs de
taxis.
L’IME Les Oliviers :
Il dépend de l’ADAPEI 04 (Association Départementale de Parents et d’Amis de
Personnes Handicapées Mentales des Alpes de Hautes Provence). Les locaux de l’IME sont
localisés à Saint-Auban, au dessus du siège social de l’association. Le service dispose d’un
fonctionnement autonome. Le service accueille 56 enfants âgés de 5 à 20 ans, présentant une
déficience mentale moyenne ou lourde. Un internat de 16 places environ a été mis en place
pour palier à l’éloignement géographique de certaines familles.
Le service propose un accompagnement favorisant l’épanouissement et l’autonomie
maximale quotidienne, professionnelle et sociale. Pour cela, des apprentissages scolaires
peuvent être proposés, ainsi qu’un suivi médical. L’IME se décline en quatre unités (annexe 3)
de sorte à garantir au sein du collectif la meilleure application du projet individualisé de
chaque enfant :
- L’institut Médico-pédagogique accueille des enfants jusqu’à 14 ans.
- L’unité autisme pour les autistes de 5 à 20 ans.
- L’institut Médico-professionnel pour les jeunes de 14 à 20 ans présentant des
potentialités d’activités professionnelles.
- L’unité de vie et d’accompagnement pour les jeunes de 14 à 20 ans présentant
des difficultés d’autonomie dans leur quotidien.
Une équipe pluridisciplinaire est chargée de veiller à la réalisation des projets
individualisés. Cette équipe peut être scindée en plusieurs pôles :
- Un pôle administratif et de direction : Une directrice et une chef de service
éducatif ainsi que deux secrétaires.
- Un pôle médical : Psychologues, médecin de rééducation fonctionnelle,
infirmières.
- Un pôle rééducateurs : psychomotricienne et orthophoniste.
- Un pôle éducatif : éducateurs spécialisés, aides médico-psychologiques,
moniteurs éducateurs, puéricultrice, animateurs socio-éducatifs et
socioculturels.
- Un pôle enseignant : Un enseignant spécialisé, un professeur de sport
spécialisé, deux éducateurs techniques.
Notons que l’accompagnement médical proposé en interne peut être complété par
l’établissement de conventions avec des libéraux en fonction des besoins de l’enfant et des
désirs des familles. Les taxis sont au cœur des dispositifs facilitant les déplacements des
jeunes vers l’IME pour soulager les parents.
2. Le dispositif de recueil des données.
Nous avons choisi de développer un dispositif de recueil des données en deux temps : une
pré-enquête ; un recueil de terrain faisant interagir plusieurs méthodes de récolte
d’informations.
La pré-enquête de terrain
La pré-enquête a été effectuée en plusieurs étapes. Dans un premier temps, il
apparaissait indispensable d’établir des contacts successifs avec les établissements, de sorte à
privilégier une relation de confiance. De plus, les échanges préalables ont favorisé une
compréhension du projet de recherche par les directions. Le rapprochement progressif s’est
effectué essentiellement par courriers électroniques et par téléphone. L’éloignement
géographique des établissements étudiés n’a pas favorisé la réalisation d’un stage
d’observation long et approfondi. Il convenait, avant tout départ sur le terrain, de privilégier la
connaissance globale du fonctionnement des deux organisations de sorte à performer le
recueil d’observation sur le terrain.
Un second outil favorisant l’obtention d’information a été mis en œuvre lors d’une
visite préalable à la réalisation de mon stage : le recueil documentaire. La rencontre avec les
professionnels a permis une présentation mutuelle et la visite des locaux. Ces rendez-vous de
« préparation » de l’enquête ont permis un dialogue riche avec les professionnels, sous la
forme d’entretiens informels. Une documentation sur les établissements a été fournie (projet
de service, rapports d’activités, organigramme, etc.) ce qui nous a permis d’accéder à une
connaissance plus approfondie de la composition des équipes et du fonctionnement global des
établissements. Ainsi, les objectifs principaux du service, la population accueillie, la
composition de l’équipe pluridisciplinaire et les partenariats en cours ont pu être défini avec
une grande clarté.
Enfin, dans un troisième temps, le questionnaire (annexe 4) est apparu comme l’outil
le plus approprié pour palier aux différentes difficultés : ciblé, concis et clair, il a permis
l’obtention d’informations synthétiques et précises. Avec leur accord, les chefs de services
éducatifs ont rempli le questionnaire lors de mes rencontres préalables avec la direction des
établissements. Le choix de ces acteurs pour la réponse à la pré-enquête est réfléchi : les chefs
de services éducatifs occupent une posture intermédiaire entre la direction et l’ensemble des
acteurs agissant sur le terrain. De plus, elles disposent généralement d’une longue expérience
dans le secteur du handicap, l’accession à ce poste se faisant essentiellement par l’ancienneté.
Ce sont également les coordinatrices des actions sur le terrain, et elles sont en étroites relation
avec les familles. Il apparaissait par conséquent judicieux de les interroger pour obtenir des
éclairages sur l’organisation de leur service. L’étude des données révélées par le questionnaire
a été pensé comme complémentaire à l’enquête documentaire sur chaque service.
Le second recueil de donné : l’enquête.
Un stage d’une semaine a été réalisé dans chaque service. Des temps d’observation clé
ont été définis a priori, grâce à la pré-enquête menée. Les réunions ont été une des
observations centrales. Elle permettait de percevoir les interactions entre les membres de
l’institution et de connaître le rôle des intervenants dans la circulation des informations.
- L’observation :
L’observation globale des locaux a permis de déterminer les dispositifs de
communication écrite, ainsi que de définir des modes oraux de communication informelle.
L’ambiance générale a pu être saisie ce qui a favorisé une récolte plus efficace des données :
un ensemble d’éléments qualitatifs peuvent être ensuite interpréter dans la définition du
fonctionnement de la communication.
Les secrétariats ont fait l’objet d’une observation toute particulière : c’est à eux que
revient la mission de gérer les appels entrant, la réalisation d’un grand nombre d’appels
sortant et d’organiser l’archivage des renseignements transmis par les professionnels tout en
préservant le secret médical inhérent à l’accompagnement médical.
- Les entretiens :
Enfin, pour parvenir à une connaissance générale des modalités de communication
avec le grand nombre d’intervenants internes et externes au service, une série d’entretien a été
mené auprès des professionnels. Nous avons présenté brièvement le thème de l’étude aux
personnes rencontrées lors des entretiens semi-directifs. Afin de ne pas biaiser le recueil de
données, nous n’avons procéder qu’à une présentation générale du sujet d’étude. En vue de ne
pas rebuter les personnes, le déroulement des entretiens a été préalablement clarifié et les
conditions de réalisation de la rencontre ont été établies avec leur entière collaboration. Le
choix des individus à questionner a été longuement réfléchi. Après la pré-enquête de terrain,
les rôles du personnel ont pu être définis grâce à la consultation des deux projets
d’établissement. Une similitude dans les missions du personnel des deux structures a pu être
établie, ce qui nous a conduis à nous entretenir avec les individus ayant, sur le papier, des
missions similaires afin de déterminer leur rôle dans la circulation des informations entre les
différents partenaires internes et externes à l’organisation. La comparaison pourra ensuite être
menée avec plus d’aisance. Les personnes interrogées se répartissent comme suit :
- Les pôles de direction des établissements : Les directeurs de chaque service, et
la chef de service du SESSAD.
- Le pôle éducatif : un à deux éducateurs par service ont été interrogés.
- Le pôle des rééducateurs : un à deux professionnels par service.
- Le pôle enseignant : un enseignant spécialisé pour le SESSAD, et un éducateur
technique spécialisé à l’IME (l’instituteur spécialisé n’étant pas disponible au
moment du stage).
- Le pôle médical : Le médecin coordinateur au SESSAD, et la psychomotricienne
et l’infirmière à l’IME. Cette dernière effectue actuellement des missions
relevant des fonctions du médecin, le service éprouvant des difficultés à
remplacer ce dernier parti en retraite.
- Un acteur de la communication à l’échelle départementale : un maître référent.
Les outils de recueil de données
1. Le questionnaire
Afin de performer le recueil des données sur le terrain, il apparaissait indispensable de
proposer un outil de pré-enquête favorisant une première prise de contact. Il s’agissait
également de préparer les séances d’observations par l’obtention d’informations sur les
établissements étudiés. Les chefs de service éducatif des deux établissements ont répondu au
même questionnaire afin de faciliter l’approche comparative entre les deux organisations. Le
questionnaire construit s’organise selon quatre grands axes :
- Le premier a pour objectif d’identifier avec plus de précision les établissements. Les
interrogations portent sur le fonctionnement de l’établissement. Nous voulons savoir
si ces-derniers sont autonomes, ou rattachés à une autre structure. L’objectif est aussi
de définir le type de population accueillie (âge des enfants et type de handicap), ainsi
que la constitution des professionnels de l’établissement. La zone géographique
semble également être un aspect à interroger, le dispositif de communication sur le
terrain étant dépendant de l’inscription territoriale de l’établissement et de sa zone de
recrutement des enfants.
- Le second concerne les activités du service ou de l’établissement avec son
environnement. Il s’agit ici de questionner les différentes relations que
l’établissement peut entretenir avec des intervenants extérieurs, notamment en
termes de soins médicaux et de loisirs. Les outils employés pour cette
communication sont également interrogés, car ils permettent de percevoir les
dispositifs mis en place par la structure, et l’adaptation de ces outils en fonction des
contraintes présentent. L’observation et les entretiens formels et informels pouvant
être menés permettront de mieux orienter les questionnements auprès des différents
professionnels.
- Le troisième se concentre sur l’action collective au sein de l’institution. Il permet de
déterminer comment se déploient et s’organisent les contacts entre les professionnels
de la structure. Nous pouvons également observer les modalités mise en place pour
que la communication soit efficace. Il s’agissait également de percevoir la
composition de l’équipe ainsi que son ouverture sur l’extérieur, entre autre par
l’ouverture des temps clés de la communication à des intervenants partenaires non
employés par la structure. L’implication des professionnels de la structure dans leur
environnement a aussi pu être soulevée.
- Le dernier axe du questionnaire interroge les modalités de communication entre les
professionnels de l’établissement, mais également avec l’ensemble d’acteurs
incontournables que sont les familles et les enfants accueillis, ainsi que les
professionnels de l’éducation nationale, partenaire privilégié dans la prise en charge
du handicap.
2. La grille d’observation
Elle a permis de guider l’observation. Evolutive, elle peut être réadaptée à tout
moment pour performer le recueil. Notons que la prise de note sur le terrain est
chronologique. Bien que pouvant inscrire une série de donnée dans la grille au cours de
l’enquête, de nombreux d’éléments seront notés « dans l’urgence » et catégorisés
ultérieurement. Nous avons axés nos observations sur plusieurs points :
- Les déplacements des personnels : les passages au secrétariat, les déplacements dans
les bureaux d’un confrère, etc. s’effectuent souvent pour transmettre ou consulter
une information écrite, ou interagir oralement.
- Les échanges informels : ils ont permis de déterminer l’ampleur des informations
transmises au fur et à mesure de l’intervention professionnelle. Ainsi que les
échanges entre les professionnels et le pôle de direction.
- L’organisation des locaux : le positionnement du secrétariat ainsi que des bureaux
peut être considéré comme facilitant ou contraignant la circulation des informations.
- Les affichages : les emplois du temps, les réunions, les informations actualisées
quotidiennement font l’objet d’affichages dans les locaux.
- Le secrétariat : observation des modalités de conservation des dossiers des enfants
ainsi que des actions communicationnelles confiées aux secrétaires.
- L’ambiance générale du service : il témoigne des bonnes ou mauvaises relations
entre les intervenants.
- Les réunions : l’organisation globale des échanges a été interrogée et analysée grâce
à grille de Bales58
.
3. Le guide d’entretien
Notre objectif est de comprendre quels sont les interlocuteurs privilégiés des différents
intervenants du service en fonction de leur mission dans l’organisation. Leur marge de liberté
est aussi questionnée : chacun dispose d’un espace de liberté lui permettant de mettre en
œuvre des outils, modalités ou temps de communication lui paraissant important pour son
activité professionnelle. Pour mieux comprendre le fonctionnement de la communication,
nous avons utilisé les propositions de Claude Duterme, dans son ouvrage La communication
interne en entreprise. L’approche de Palo Alto et l’analyse des organisations. Il différencie :
- La communication descendante : ce sont souvent des ordres ou directives qui
circulent du haut vers le bas.
- La communication ascendante : que la base adresse à sa hiérarchie. Au cœur des
enjeux de cette communication se trouve la qualité et l’efficacité : les suggestions
58
Bales, R. F. (1972), Rôles centrés sur la tâche et rôles sociaux dans des groupes ayant des problèmes à
résoudre, in Lévy, A., Psychologie sociale, Paris, Dunod, 1972, pp. 263-277.
sont relevées chez l’ensemble des professionnels pour palier aux défaillances d’un
système et l’améliorer.
- Les systèmes de communication latéraux sont les communications qui s’échangent
entre personne de même statut, ou entre services.
- Les systèmes de communication obliques sont les échanges d’informations
traversant à la fois les frontières hiérarchiques et celles des services.
Ainsi, chaque professionnel interrogé a été consulté sur l’ensemble de ses relations
avec les professionnels du service occupants des postures égalitaires, supérieures et
inférieures à ce dernier. Les contacts et échanges réalisés avec des intervenants extérieurs au
service mais participant à son action (médecins et rééducateurs libéraux, personnels de
l’éducation nationale, association ou prestataires de loisirs, etc.) ont été questionnés.