LE CHARDONNET

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N° 359 - Juillet - aoĂ»t - septembre 2020 - 2,50 € Parution le premier dimanche du mois Le mois de juillet est traditionnelle- ment consacrĂ© au culte du PrĂ©cieux Sang de JĂ©sus, dĂ©votion fondamen- tale dans notre vie chrĂ©tienne car elle nous ramĂšne Ă  l’Ɠuvre de la RĂ©demption par laquelle Notre-Sei- gneur nous a rachetĂ©s au prix de son Sang divin. Saint Paul, dans l’ÉpĂźtre aux HĂ©breux, nous montre comment les sacrifices de l’Ancienne Alliance n’avaient de valeur que parce qu’ils signifiaient l’unique sa- crifice qui pouvait expier les pĂ©chĂ©s du monde, puisque d’une valeur infinie : celui du Fils de Dieu fait homme. JĂ©sus, en effet, est le « grand prĂȘtre des biens Ă  venir », celui qui « est entrĂ© une fois pour toutes dans le Saint des Saints, aprĂšs avoir acquis une rĂ©demption Ă©ternelle ». Lui qui nous a rachetĂ©s non par le sang des boucs et des taureaux immolĂ©s dans l’Ancien Testament, mais par son propre sang, offert Ă  Dieu pour pu- rifier nos Ăąmes des Ɠuvres mortes, pour que nous puissions servir le Dieu Vivant (Hbr. 9, 11). Le prĂ©cieux sang de JĂ©sus nous rappelle d’emblĂ©e la valeur de notre Ăąme aux yeux de Dieu et sa destinĂ©e Ă©ternelle : pour la sauver Dieu n’a pas hĂ©sitĂ© Ă  sacrifier son fils ! Saint Pierre nous l’écrit dans sa premiĂšre Ă©pĂźtre : « Ce n’est pas par des choses pĂ©rissables, par de l’argent ou de l’or, que vous avez Ă©tĂ© rachetĂ©s de la vaine maniĂšre de vivre que vous aviez hĂ©ritĂ©e de vos pĂšres, mais par le sang prĂ©cieux du Christ, comme d’un agneau sans dĂ©faut et sans tache » (1 Pt 1,18). Il nous exhorte donc Ă  vivre, pen- dant notre pĂšlerinage sur terre, dans la crainte de Dieu. Crainte non pas uniquement servile, motivĂ©e par la peur de l’enfer Ă©ternel qui menace le pĂ©cheur impĂ©nitent, mais plutĂŽt crainte filiale, fondĂ©e sur l’amour de Notre-Seigneur qui nous a rachetĂ©s Ă  si haut prix. La dĂ©votion au PrĂ©cieux Sang est trĂšs importante dans nos efforts de sanctification personnelle et Ă©galement dans les combats qu’il nous faut mener pour l’Église. La fĂȘte du PrĂ©cieux Sang, en effet, a Ă©tĂ© Ă©tendue Ă  l’Église universelle par le Pape Pie IX dans des circonstances trĂšs particuliĂšres. En 1849, les rĂ©- volutionnaires, imbus des principes maçonniques, avaient occupĂ© Rome pour y instaurer une rĂ©publique. Le Pape, contraint de quitter la Ville sainte, s’était rĂ©fugiĂ© Ă  GaĂšte, au Royaume de Naples. La Providence se servit des armĂ©es autrichiennes et surtout françaises pour libĂ©rer Rome et rĂ©tablir le Souverain Pontife sur son trĂŽne. Avant de reprendre le gouvernement de ses États, Pie IX institua la fĂȘte du PrĂ©cieux Sang, soulignant ainsi, en quelque sorte, le lien entre cette fĂȘte et l’aide divine contre les menĂ©es rĂ©volutionnaires. Aujourd’hui, plus que jamais, l’Église a besoin de cette dĂ©votion puisque ses ennemis la sapent de l’intĂ©rieur. Pour remporter la vic- toire en ce combat surnaturel, il nous faut des armes surnaturelles. L’arme par excellence, c’est la Croix sur laquelle JĂ©sus a versĂ© son sang en un triomphe complet sur les forces du mal. Or cette victoire est renou- velĂ©e Ă  chaque messe, chaque fois que le sang rĂ©dempteur de JĂ©sus est rendu prĂ©sent sur l’autel. C’est pour cela que le dĂ©mon a toujours essayĂ© de dĂ©truire la messe catholique en fomentant les rĂ©voltes successives des grands hĂ©rĂ©siarques. Nous sommes tous appelĂ©s Ă  parti- ciper Ă  ce combat, par notre amour de Dieu et notre assistance fidĂšle Ă  la messe de toujours. Faisons donc des efforts, surtout en cette pĂ©riode de vacances, pour assister frĂ©quem- ment au Saint Sacrifice, mĂȘme en semaine, pour recevoir le sang de JĂ©sus qui nous purifie de nos pĂ©chĂ©s et nous fortifie. Nous pourrons ainsi obtenir des grĂąces de guĂ©rison pour la partie humaine de l’Église, infectĂ©e par le modernisme. AbbĂ© Pierpaolo Maria PETRUCCI Sang du Christ, sauvez nous CHARDONNET LE “Tout ce qui est catholique est nĂŽtre” Louis Veuillot SOMMAIRE PAGE 1 - Éditorial par M. l’abbĂ© Pierpaolo Petrucci PAGE 2 - Holidays vacances par M. l’abbĂ© Guillaume d'Orsanne PAGE 4 - La frĂ©nĂ©sie du vide par le P. Jean-François Thomas s.j. PAGE 7 - L'obĂ©issance de Jeanne par M. l’abbĂ© François-Marie Chautard PAGE 9 - Émile ChĂ©non par Vincent Ossadzow PAGE 12 - Vie de la paroisse

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N° 359 - Juillet - aoĂ»t - septembre 2020 - 2,50 €Parution le premier dimanche du mois

Le mois de juillet est traditionnelle-ment consacrĂ© au culte du PrĂ©cieux Sang de JĂ©sus, dĂ©votion fondamen-tale dans notre vie chrĂ©tienne car elle nous ramĂšne Ă  l’Ɠuvre de la RĂ©demption par laquelle Notre-Sei-gneur nous a rachetĂ©s au prix de son Sang divin. Saint Paul, dans l’ÉpĂźtre aux HĂ©breux, nous montre comment les sacrifices de l’Ancienne Alliance n’avaient de valeur que parce qu’ils signifiaient l’unique sa-crifice qui pouvait expier les pĂ©chĂ©s du monde, puisque d’une valeur infinie  : celui du Fils de Dieu fait homme. JĂ©sus, en effet, est le « grand prĂȘtre des biens Ă  venir Â», celui qui « est entrĂ© une fois pour toutes dans le Saint des Saints, aprĂšs avoir acquis une rĂ©demption Ă©ternelle Â». Lui qui nous a rachetĂ©s non par le sang des boucs et des taureaux immolĂ©s dans l’Ancien Testament, mais par son propre sang, offert Ă  Dieu pour pu-rifier nos Ăąmes des Ɠuvres mortes, pour que nous puissions servir le Dieu Vivant (Hbr. 9, 11).

Le prĂ©cieux sang de JĂ©sus nous rappelle d’emblĂ©e la valeur de notre Ăąme aux yeux de Dieu et sa destinĂ©e Ă©ternelle  : pour la sauver Dieu n’a pas hĂ©sitĂ© Ă  sacrifier son fils ! Saint Pierre nous l’écrit dans sa premiĂšre Ă©pĂźtre : « Ce n’est pas par des choses pĂ©rissables, par de l’argent ou de l’or, que vous avez Ă©tĂ© rachetĂ©s de

la vaine maniĂšre de vivre que vous aviez hĂ©ritĂ©e de vos pĂšres, mais par le sang prĂ©cieux du Christ, comme d’un agneau sans dĂ©faut et sans tache Â» (1 Pt 1,18).

Il nous exhorte donc Ă  vivre, pen-dant notre pĂšlerinage sur terre, dans la crainte de Dieu. Crainte non pas uniquement servile, motivĂ©e par la peur de l’enfer Ă©ternel qui menace le pĂ©cheur impĂ©nitent, mais plutĂŽt crainte filiale, fondĂ©e sur l’amour de Notre-Seigneur qui nous a rachetĂ©s Ă  si haut prix.

La dĂ©votion au PrĂ©cieux Sang est trĂšs importante dans nos efforts de sanctification personnelle et Ă©galement dans les combats qu’il nous faut mener pour l’Église. La fĂȘte du PrĂ©cieux Sang, en effet, a Ă©tĂ© Ă©tendue Ă  l’Église universelle par le Pape Pie IX dans des circonstances trĂšs particuliĂšres. En 1849, les rĂ©-volutionnaires, imbus des principes maçonniques, avaient occupĂ© Rome pour y instaurer une rĂ©publique. Le Pape, contraint de quitter la Ville sainte, s’était rĂ©fugiĂ© Ă  GaĂšte, au Royaume de Naples. La Providence se servit des armĂ©es autrichiennes et surtout françaises pour libĂ©rer Rome et rĂ©tablir le Souverain Pontife sur son trĂŽne. Avant de reprendre le gouvernement de ses États, Pie IX institua la fĂȘte du PrĂ©cieux Sang,

soulignant ainsi, en quelque sorte, le lien entre cette fĂȘte et l’aide divine contre les menĂ©es rĂ©volutionnaires.

Aujourd’hui, plus que jamais, l’Église a besoin de cette dĂ©votion puisque ses ennemis la sapent de l’intĂ©rieur. Pour remporter la vic-toire en ce combat surnaturel, il nous faut des armes surnaturelles. L’arme par excellence, c’est la Croix sur laquelle JĂ©sus a versĂ© son sang en un triomphe complet sur les forces du mal. Or cette victoire est renou-velĂ©e Ă  chaque messe, chaque fois que le sang rĂ©dempteur de JĂ©sus est rendu prĂ©sent sur l’autel. C’est pour cela que le dĂ©mon a toujours essayĂ© de dĂ©truire la messe catholique en fomentant les rĂ©voltes successives des grands hĂ©rĂ©siarques.

Nous sommes tous appelĂ©s Ă  parti-ciper Ă  ce combat, par notre amour de Dieu et notre assistance fidĂšle Ă  la messe de toujours. Faisons donc des efforts, surtout en cette pĂ©riode de vacances, pour assister frĂ©quem-ment au Saint Sacrifice, mĂȘme en semaine, pour recevoir le sang de JĂ©sus qui nous purifie de nos pĂ©chĂ©s et nous fortifie. Nous pourrons ainsi obtenir des grĂąces de guĂ©rison pour la partie humaine de l’Église, infectĂ©e par le modernisme.

Abbé Pierpaolo Maria PETRUCCI

Sang du Christ, sauvez nous

CHARDONNETLE

“Tout ce qui est catholique est nître”Louis Veuillot

SOMMAIREPAGE 1 - Éditorialpar M. l’abbĂ© Pierpaolo Petrucci

PAGE 2 - Holidays vacancespar M. l’abbĂ© Guillaume d'Orsanne

PAGE 4 - La frénésie du videpar le P. Jean-François Thomas s.j.

PAGE 7 - L'obĂ©issance de Jeannepar M. l’abbĂ© François-Marie Chautard

PAGE 9 - Émile ChĂ©nonpar Vincent Ossadzow

PAGE 12 - Vie de la paroisse

2 Le Chardonnet n° 359 - juillet - août - septembre 2020

Actualité

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Holidays vacancesPar l’abbĂ© Guillaume d’Orsanne

C’est au point qu’une annĂ©e, saint Dominique Savio voulut de lui-mĂȘme se priver

de vacances ! Il s’en expliqua ainsi : « Nous aimons bien nos parents et nous irions volontiers Ă  la maison. Mais nous savons que l’oiseau qui est en cage, s’il n’est pas libre, est tout de mĂȘme Ă  l’abri du faucon. Hors de sa cage au contraire, il vole oĂč ça lui plaĂźt, mais, d’un moment Ă  l’autre il peut tomber dans les griffes du faucon de l’enfer. »2

Quelques lecteurs du Chardonnetse rĂ©crieront peut-ĂȘtre que c’était exagĂ©rĂ©, que le dix-neuviĂšme siĂšcle n’était pas aussi corrompu que le vingt et uniĂšme, que ces bons en-fants n’étaient pas si fragiles qu’ils le disaient et qu’ils devaient quand mĂȘme aimer leurs parents et re-tourner Ă  la maison. Il est vrai que saint Jean Bosco ne se rendit point

Ă  la conclusion de ses Ă©lĂšves et les obligea Ă  passer quelques jours chez eux, mais avec de solides consignes pour garder leur Ăąme de tout danger.

Un siĂšcle et demi plus tard, la ques-tion demeure Ă  l’identique  : que faire pour non seulement soustraire nos enfants au mal mais encore et surtout continuer Ă  les faire pro-gresser dans la vertu tout au long de ces mois d’étĂ© ? Voici quelques conseils qui sont trĂšs loin d’ĂȘtre exhaustifs.

La priĂšre et la confession«  Au nom de Notre Seigneur JĂ©-sus-Christ, Nous vous en supplions, chers jeunes Ă©poux, ayez Ă  cƓur de garder cette belle tradition des fa-milles chrĂ©tiennes : la priĂšre du soir en commun Â».3

Ne repoussons pas cette priĂšre du soir Ă  un «  plus tard  » qui se transforme en « jamais Â». Il y a des choses de la vie dont on ne fait pas l’économie, comme le repas ou le dessert  : le cƓur Ă  cƓur avec Dieu n’est-il pas plus important ?Pour la priĂšre du matin, souvent individuelle, une simple question rituelle au petit dĂ©jeuner suffira Ă  ancrer solidement les bonnes habi-tudes :« - As-tu fait ta priĂšre ? Non ? Alors vas-y d’abord et reviens ensuite : je prĂ©pare ton bol en attendant Â».

Quant aux sacrements, c’est gĂ©nĂ©-ralement la confession qui est dĂ©-laissĂ©e, au grand dommage des Ăąmes abandonnĂ©es Ă  des difficultĂ©s plus grandes. Et Ă  la rentrĂ©e, les pauvres enfants qui en Ă©taient pourtant des pratiquants trĂšs assidus, doivent reconnaĂźtre :

«  - Je ne me suis pas confessĂ© depuis
 voyons
 eh bien depuis deux mois ! En fait, mes parents n’y ont pas pensĂ© Â».

En gĂ©nĂ©ral, ne comptez pas trop sur la confession pendant la messe, commode mais facilement superfi-cielle  : chers Parents, faites l’effort de venir en famille en semaine, vous y passerez aussi vous-mĂȘmes par la mĂȘme occasion !

Le jeuTous les Ă©ducateurs le rĂ©pĂštent Ă  l’envi : l’oisivetĂ© est la mĂšre de tous les vices. Comment combattre cet affreux cancer de l’ñme  : trĂšs simplement par le travail (surtout pendant l’annĂ©e scolaire) et par le jeu (surtout pendant les vacances). Le prophĂšte Zacharie dĂ©crit ainsi une ville paisible oĂč rĂšgne la vertu :«  Des vieux et des vieilles s’assiĂ©-ront sur les places de JĂ©rusalem, et chacun sa canne Ă  la main Ă  cause du nombre de ses jours. Et les places de la ville seront remplies de petits garçons et de fillettes jouant sur ces places. Â»4

Le Saint Esprit n’a pas dit :« Des jeunes s’assiĂ©ront sur les places de JĂ©rusalem, chacun son smart-phone Ă  la main, et les places de la ville seront remplies d’un silence pesant
 Â»

Saint Jean Bosco voyait arriver avec beaucoup de craintes le moment des grandes vacances. Il avait remarquĂ© que, mĂȘme dans les familles profondĂ©ment catholiques, les enfants revenaient souvent avec un regard en tire-bouchon
 Et c’est avec une immense tristesse que ce directeur d’ñmes expĂ©rimentĂ© constatait dans ces Ăąmes abĂźmĂ©es les tristes consĂ©quences de l’impiĂ©tĂ©, de l’oisivetĂ© et des mauvaises compagnies.

1 DĂ©tail de la banniĂšre de la Croisade eucha-ristique de Saint-Nicolas confectionnĂ©e par Odette Delorme (†) fi dĂšle de la paroisse. 2 Vie de saint Dominique Savio par saint Jean Bosco – Ch. 19.3 Pie XII, Discours aux jeunes Ă©poux, 12 fĂ©-vrier 1941.4 Zacharie 8, 4.

Saint Dominique Savio1

3Le Chardonnet n° 359 - juillet - août - septembre 2020

Actualité

5 Saint Jean Chrysostome, In Cap. 18 Matth. Hom. 60. 6 ConsĂ©cration de la famille au SacrĂ©-CƓur – Saint Pie X.

Horaire des messes

Dimanche8h00 : Messe lue9h00 : Messe chantée

grĂ©gorienne10h30 : Grand-messe paroissiale12h15 : Messe lue avec orgue16h30 : Chapelet17h00 : VĂȘpres et Salut du TrĂšs

Saint Sacrement18h30 : Messe lue avec orgue

En semaineMesse basse Ă  7h45, 12h15 et 18h30. La messe de 18h30 est chantĂ©e aux fĂȘtes de 1Ăšre et 2e classe.

Il faut que les enfants s’amusent, disait le PĂšre Timon-David, sans cela le travail est difficile, et la mo-ralitĂ© impossible. Oui, vous avez bien lu : un enfant qui ne joue pas, ou qui joue mal, est en danger !

Mais pour remplir leur rĂŽle, ces jeux doivent revĂȘtir quelques qua-litĂ©s fondamentales  : ils doivent bien sĂ»r plaire aux enfants, ĂȘtre modestes, trĂšs bruyants, fortifier le corps, ne pas donner le goĂ»t des plaisirs du monde, ĂȘtre simples et peu coĂ»teux. Exit, donc, les gad-gets, les tablettes, et l’ennui ! Petits enfants, sortez, bougez, criez, du moment que vous n’offensez pas le Bon Dieu  ! Grands enfants, faites jouer les plus jeunes, sortez de votre chambre, vous vous en por-terez mieux  ! Chers Parents, votre inquiĂ©tude n’a raison d’ĂȘtre que si vous n’entendez plus rien dans le jardin !

Les occasions dangereuses« “Gardez-vous de mĂ©priser un seul de ces petits enfants  ; parce que leurs Anges voient toujours la face de mon PĂšre”, parce que je suis venu pour eux et que telle est la volontĂ© de mon PĂšre. Par-lĂ , JĂ©-sus-Christ nous rend plus attentifs Ă  protĂ©ger et Ă  prĂ©server les petits enfants. Vous voyez quels grands remparts il a Ă©levĂ© pour abriter les faibles ; que de zĂšle et de sollicitude

il a pour empĂȘcher leur perte  ! Il menace des chĂątiments les plus graves ceux qui les trompent  ; il promet Ă  ceux qui en prennent soin la suprĂȘme rĂ©compense
 Quelle plus grande chose que de disci-pliner les esprits, que de former les mƓurs des adolescents ? Pour moi, celui qui s’entend Ă  former l’ñme de la jeunesse est assurĂ©ment bien au-dessus des peintres, bien au-dessus des statuaires, et de tous les artistes de ce genre Â».5

Quelle sollicitude souvent exa-gĂ©rĂ©e pour le corps, surtout en ce moment : masques, frictions au gel hydroalcoolique, respect des dis-tances, dĂ©pistages, gestes barriĂšres. Et pendant ce temps, que fait-on pour l’ñme  ? Il fallait faire ceci et ne pas omettre cela ! Éloignons de nos Ăąmes tout ce qui peut ternir l’innocence baptismale et vivons en prĂ©sence de Dieu.

Les anglo-saxons traduisent le mot «  vacances  » par «  holidays  », ce qui signifie littĂ©ralement «  jours saints  ». Nos vacances seront-elles effectivement des jours saints ?

« Restez au milieu de nous, ĂŽ CƓur de JĂ©sus : que notre famille soit pour vous un asile aussi doux que celui de BĂ©thanie, oĂč vous puissiez trouver le repos prĂšs des Ăąmes ai-mantes. Restez avec nous car dĂ©jĂ 

il se fait tard et le monde pervers veut nous envelopper des ombres de ses nĂ©gations, alors que nous ne voulons ne nous attacher qu’à vous, qui ĂȘtes la voie, la vĂ©ritĂ© et la vie. Dites-nous ce que vous disiez Ă  ZachĂ©e  : Il faut qu’aujourd’hui vous me donniez l’hospitalitĂ© dans votre maison. Â»6

4 Le Chardonnet n° 359 - juillet - août - septembre 2020

Spiritualité

La frénésie du videP. Jean-François Thomas s.j.

Pour connaßtre, pour aimer, il est nécessaire de se poser, de concen-trer son attention sur un objet particulier et

singulier. Tout l’ĂȘtre est alors aux aguets, Ă  l’écoute de ce pas qui vient vers lui, le pas de la charitĂ© et de la vĂ©ritĂ©. Le philosophe AimĂ© Forest employait la belle expression de «  marcher paisiblement dans l’AllĂ©e Â» pour exprimer cette quĂȘte ordonnĂ©e et silencieuse qui rĂ©vĂšle Ă  tout homme qu’il est capable de Dieu, capax Dei comme le rappelle saint Thomas d’Aquin. La folie du mouvement et du changement qui a peu Ă  peu saisi l’ĂȘtre humain depuis deux siĂšcles connaĂźt son apogĂ©e lorsque tout est dĂ©sormais rĂ©duit en miettes et que chacun, avec des efforts surhumains, doit se battre pour vivre autrement que dans l’éclatement constant s’il a le souci de son Ăąme.

Dans L’Imposture, Georges Ber-nanos campe un personnage de prĂ©lat, Mgr  Espelette, s’inspirant d’un Ă©vĂȘque ralliĂ© et moderniste du dĂ©but du XXĂšme siĂšcle, Mgr Julien, occupant le siĂšge d’Arras. Le portrait est rude, conforme hĂ©las Ă  la rĂ©alitĂ© et toujours valable au-jourd’hui, plus que jamais  : «    In-capable d’une trahison dĂ©libĂ©rĂ©e, avec une foi d’enfant qui rĂ©siste Ă  tous les caprices de sa cervelle lĂ©gĂšre, il a fait ce rĂȘve insensĂ© d’ĂȘtre seulement prĂȘtre dans le temps, et il l’est dans l’éternitĂ©. “Je suis de mon temps”, rĂ©pĂšte-t-il, et de l’air d’un homme qui rend tĂ©moignage de lui-mĂȘme (
). Aussi l’évĂȘque de Pamiers croit-il au ProgrĂšs, et il s’est fait de ce ProgrĂšs une image Ă 

sa mesure. Cet agrĂ©gĂ©, et qui porte son titre avec tant de fiertĂ©, a pu s’enrichir de notions sans dĂ©livrer son intelligence de la tyrannie de ses entrailles. Â» Ainsi, « il prodigue des gages, Ă©crit des lettres retentissantes, se montre Ă  chaque occasion entre un pasteur et un rabbin, dispute humblement leur place Ă  ces fonc-tionnaires officiels. Â» Il est probable que ce qui subsistait de naĂŻvetĂ© dans la vanitĂ© de cet Ă©vĂȘque a dorĂ©navant fait place Ă  une morgue brutale et dĂ©vastatrice, celle des ĂȘtres qui ne supportent pas que le bien existe et que le Christ juge le monde.

De tels clercs poursuivront jusqu’à la mort une Ɠuvre d’apocalypse, prĂ©fĂ©rant brĂ»ler ce qu’ils ont reçu

en hĂ©ritage plutĂŽt que de laisser derriĂšre eux la moindre trace de vĂ©ritĂ©. Lorsqu’on est attirĂ© par le vide, il est insupportable de constater que d’autres, par leur charitĂ© et leur saintetĂ©, avancent paisiblement ou avec tĂ©nacitĂ© sur le chemin tracĂ© par Notre-Seigneur. Cette attitude conduit Ă  la mort, celle Ă©ternelle d’oĂč Dieu est absent parce qu’Il a Ă©tĂ© nĂ©gligĂ© et rejetĂ© pendant toute l’existence terrestre.

Ce vide hypnotique est pourtant rempli de tout un fatras au milieu duquel une chatte n’y retrouverait pas ses petits. Il est le vide de la cacophonie, du bruit, de l’acti-visme et des loisirs, des plaisirs à la chaüne. Pour retrouver un

Pour entendre les frĂŽlements des pas de la charitĂ© dans son Ăąme dont parle saint Augustin, il est nĂ©cessaire de fuir le vide abyssal que le monde essaie d’imposer aux intelligences dĂ©sormais trĂšs anesthĂ©siĂ©es. Par le confinement ou le divertissement, par le bĂąton ou par la carotte, le monde sait faire marcher les Ăąnes que nous sommes et les pousser peu Ă  peu vers le prĂ©cipice. La dispersion, caractĂ©ristique de notre Ă©poque, crĂ©e le chaos et empĂȘche l’esprit de se fixer, de s’arrĂȘter, afin de peser ce qui est bien et ce qui est mauvais. Le tourbillon remplace la boussole.

Georges Bernanos (dans les annĂ©es 40) : « Un saint mĂ»rit dans le silence Â»

5Le Chardonnet n° 359 - juillet - août - septembre 2020

Spiritualité

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Ă©quilibre afin d’évacuer toute cette tromperie, il faudrait accueillir le silence dans l’ñme, seule porte ouverte dĂ©bouchant sur la priĂšre de contemplation. Le philosophe thomiste Joseph Rassam note, dans son ouvrage Le Silence, com-bien les Anciens, mĂȘme Ă©loignĂ©s de la plĂ©nitude de la RĂ©vĂ©lation, possĂ©daient une vive conscience du silence qui rĂšgne dans la nature, dans la crĂ©ation tout entiĂšre, marque de l’ordre divin. Plotin, par exemple, parlait de l’univers oĂč «  tout se fait en une marche silencieuse » (EnnĂ©ades).

Le silence est ce qui accompagne l’harmonie, le dĂ©sordre Ă©tant tou-jours une dĂ©chirure et l’irruption du vacarme. D’oĂč l’importance, dans la vie spirituelle, de ce « grand silence Â» cultivĂ© depuis les origines dans la vie monastique. Saint BenoĂźt, reprenant saint Basile dans sa Sancta Regula, insiste sur le culte constant du silence : Omni tempore silentium studere. Notre-Seigneur nous a souvent donnĂ© l’exemple d’un tel recueillement en s’écar-tant des foules qui le suivaient et le harcelaient afin de se donner au face Ă  face avec le PĂšre, et lorsqu’Il aborde sa Passion, il se plonge dans le silence du Jardin de GethsĂ©mani, le gardant jusqu’à l’expiration sur la Croix, Ă  l’exception de quelques mots plantĂ©s comme des puits au sein du dĂ©sert.

Le silence est une arme contre le vide de l’accumulation. Il protĂšge contre l’étouffement au cƓur du brouhaha mondain. Encore faut-il s’y soumettre et lui laisser une place. RĂ©aliser le silence dans et par ses actions les plus ordinaires aide Ă  mettre de l’ordre dans toute sa personnalitĂ©, d’oĂč l’importance d’y Ă©duquer les enfants dĂšs le plus jeune Ăąge afin qu’ils ne prennent point l’habitude de se laisser happer par le vide du trop-plein.

Le P.  Joseph de Finance, autre thomiste, souligne, dans Existence et libertĂ©, que « seule une Ăąme ac-coutumĂ©e aux rĂ©alitĂ©s intĂ©rieures peut comprendre tout ce que ren-ferme d’activitĂ© vĂ©ritable le repos silencieux du contemplatif.  » Ce n’est point invitation Ă  la paresse intellectuelle et physique, bien au contraire, puisque le silence prĂ©a-lable devient l’écrin de toutes les activitĂ©s, sans prĂ©cipitation et sans hystĂ©rie. Le bavardage par les mots et l’instabilitĂ© dans les actions dĂ©-notent un manque de retenue pro-venant du vide dans lequel l’ñme est plongĂ©e Ă  force d’ĂȘtre Ă©crasĂ©e par les seules prĂ©occupations ter-restres. MĂȘme si le silence en soi n’est pas une vertu, il prĂ©pare les conditions de l’exercice des vertus et prĂ©dispose Ă  y ĂȘtre fidĂšle. « Un saint mĂ»rit dans le silence Â», Ă©crit Georges Bernanos dans Sous le soleil de Satan. Aucune vie intĂ©-

rieure ne peut éclore au sein du vide désordonné. Elle requiert un silence au caractÚre sacré.

Il Ă©tait de mode, dans les annĂ©es 1950, de parler de fureur de vivre, sans doute pour rattraper le temps perdu et oublier l’épreuve de la guerre. Cette revanche sur le sort a entraĂźnĂ© l’homme peu Ă  peu vers la frĂ©nĂ©sie du vide puisqu’il ne cesse de gesticuler afin d’accumuler les expĂ©riences et d’oublier son ennui. D’oĂč l’assourdissement et la caco-phonie qui recouvrent dĂ©sormais pratiquement toute la planĂšte. Lorsque l’homme, d’aventure, se retrouve confrontĂ© au silence qui l’environne, il est souvent saisi d’angoisse et ne tarde pas Ă  se prĂ©-cipiter vers de nouvelles activitĂ©s pour le rompre. Rares sont les ĂȘtres capables de se taire et de faire taire ce qui gronde autour d’eux. Pour-tant un tel silence serait un signe d’humilitĂ© spirituelle et aiderait Ă  progresser dans l’humilitĂ© ontolo-gique, celle oĂč nous reconnaissons notre finitude, notre petitesse et la nĂ©cessitĂ© d’accueillir le salut.

Dans sa Note conjointe sur M.  Descartes et la philosophie cartĂ©sienne, Charles PĂ©guy Ă©crit  : « Silence de la priĂšre et silence du cƓur, silence du repos et silence du travail mĂȘme, le silence du septiĂšme jour mais le silence des six jours mĂȘmes ; la voix seule de Dieu ; silence de la peine et silence de la mort  ; silence de l’oraison  ; silence de la contemplation et de l’offrande ; silence de la mĂ©ditation et du deuil ; silence de la solitude ; silence de la pauvretĂ©  ; silence de l’élĂ©vation et de la retombĂ©e, dans cet immense parlement du monde moderne l’homme Ă©coute le silence immense de sa race. Pourquoi tout le monde cause-t-il, et qu’est-ce qu’on dit  ? Pourquoi tout le monde Ă©crit-il, et qu’est-ce qu’un public  ? L’homme se tait. L’homme se replonge dans le silence de sa race et de remontĂ©e en remontĂ©e il y trouve le dernier prolongement que nous puissions saisir du silence Ă©ternel de la crĂ©a-

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Spiritualité

tion premiĂšre. Â» Les ramifi-cations d’un tel silence sont capables d’étouffer dans l’Ɠuf toute nos vellĂ©itĂ©s d’occuper le monde par notre remue-mĂ©nage, par nos cris et, pour certains, nos malĂ©dictions et nos blasphĂšmes. Elles rĂ©servent Ă  Dieu sa place, qui est toute la place car notre Ăąme ne peut ĂȘtre partagĂ©e et tiĂšde au point de chicaner et de mettre de cĂŽtĂ© un jardin secret oĂč notre PĂšre n’aurait pas le droit d’entrer.

Le catholique contempo-rain, y compris parfois le plus pieux dans sa pratique religieuse, a du mal Ă  com-prendre qui fut vraiment son ancĂȘtre mĂ©diĂ©val dans la foi, alors que toute la sociĂ©tĂ© Ă©tait Ă©rigĂ©e sur les principes Ă©vangĂ©liques et que toutes les activitĂ©s, mĂȘme les plus ordinaires, Ă©taient bercĂ©es par le rythme liturgique. Il n’existait pas alors de vie domestique d’un cĂŽtĂ©, d’oĂč Dieu aurait Ă©tĂ© banni, et de vie intĂ©rieure de l’autre, par-celle rĂ©servĂ©e Ă  Dieu par notre feinte gĂ©nĂ©rositĂ© humaine. Cela n’empĂȘchait point Ă  coup sĂ»r le pĂ©chĂ© mais permettait cependant Ă  l’homme de ne pas ĂȘtre Ă©cartelĂ© entre deux maĂźtres.

Ce n’est pas par hasard si un tel monde a vu surgir une sainte Jeanne d’Arc, pourtant au milieu de troubles politiques considĂ©-rables. Le tissu des peuples de-meurait chrĂ©tien et n’entrait dans sa composition aucun Ă©lĂ©ment Ă©tranger et synthĂ©tique. Tout y Ă©tait de lin pur malgrĂ© les taches du pĂ©chĂ©. Aucune place pour le vide puisque les fĂȘtes elles-mĂȘmes Ă©taient rĂ©glĂ©es, dans leurs rĂ©jouis-sances humaines, par l’équilibre et l’harmonie acquises dans la vie spi-rituelle et sacramentelle. Comme nous sommes dans un temps de grande falsification, il nous est plus difficile de rĂ©sister Ă  certaines

illusions qui foisonnent et pros-pĂšrent autour de nous, et nous ne donnons pas toujours tout Ă  Dieu, prĂ©fĂ©rant nous rĂ©server une petite part qui pourrait lui Ă©chapper, ce qui entretient notre vide. Nous avons oubliĂ© que, dĂšs les com-mencements de la RĂ©vĂ©lation, il Ă©tait exigĂ© que le sacrifice offert Ă  Dieu soit sans restriction, et que la plĂ©nitude de cette RĂ©vĂ©lation par Notre Seigneur JĂ©sus-Christ signe Ă  jamais notre engagement Ă  Ă©va-cuer toute mĂ©diocritĂ© et demi-me-sure dans notre consĂ©cration pour Le suivre. Les paroles aux disciples regimbant et encore aveugles sont claires  : «  Il dit Ă  un autre  : Suis-moi. Celui-ci rĂ©pondit  : Seigneur, permettez-moi d’aller d’abord, et d’ensevelir mon pĂšre./ Et JĂ©sus lui dit  : Laisse les morts ensevelir leurs morts ; pour toi, va, et annonce le royaume de Dieu./ Un autre dit  : Je vous suivrai, Seigneur  ; mais permettez-moi

d’abord de renoncer Ă  ce qui est dans ma maison./ JĂ©sus lui rĂ©pondit  : Quiconque ayant mis la main Ă  la charrue, regarde en arriĂšre, n’est pas propre au royaume de Dieu.  » (Évangile selon saint Luc, IX. 59-62)

L’attirance pour le vide empĂȘche d’embrasser tout le divin car le Malin nous fait croire qu’il y aurait des limites Ă  l’étendue et Ă  la puissance du royaume de Dieu. Parlant de l’erreur moderniste, le jĂ©suite Leo-nardo Castellani mettait ainsi en garde  : «  (
) Elle est terriblement dange-reuse pour les catholiques ingĂ©nus, auxquels elle prĂ©sente le dogme chrĂ©tien dans son intĂ©gralitĂ©, genti-ment rĂ©vĂ©rĂ© et glorifiĂ©, mais vidĂ© intĂ©rieurement de tout contenu surnaturel pour se transformer en une espĂšce de grande mythologie sym-bolique “de tout ce qu’il y a de divin dans la nature hu-maine”  ». (Le Verbe dans le

sang) Il prĂ©cisait d’ailleurs qu’ Â« il ne reste plus aucune doctrine qui ne puisse ĂȘtre falsifiĂ©e depuis la fal-sification de la doctrine catholique elle-mĂȘme dans cette monstrueuse hĂ©rĂ©sie appelĂ©e modernisme. Â»

Notre vocation chrĂ©tienne n’est pas de nous acclimater aux dĂ©-sordres multiples de ce monde et d’épouser le vide qu’ils engendrent. Tout ce qui induit en erreur, tout ce qui risque de salir ou de dĂ©vaster la foi doit ĂȘtre combattu avec la plus ferme dĂ©termination. Il ne s’agit pas de s’indigner facilement du bout des lĂšvres au spectacle du mal commis dans le monde, mais d’évacuer de sa propre vie tout ce qui conduit Ă  la spirale du nĂ©ant sous des apparences innocentes et attrayantes. Il est temps d’utiliser la serpe pour couper nos mauvaises herbes, pour tailler et Ă©monder tout ce qui risquerait d’empĂȘcher le passage par la porte Ă©troite. 

Appel au silence de la priĂšre (croix de la Grande Chartreuse)

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Histoire

L’obĂ©issance de JeannePar l’abbĂ© François-Marie Chautard

Il n’est pas rare de lire sous la plume de quelque biographe de notre sainte qu’elle fut une rebelle, voire une fĂ©ministe avant l’heure. Georges Ber-

nard Shaw y voyait mĂȘme un prĂ©cur-seur de Luther dans sa lutte contre la hiĂ©rarchie ecclĂ©siastique.Rien de plus faux que ce portrait rĂ©ducteur. Si Brasillach a pu parler avec justesse de la vertu d’insolence en notre sainte, il est tout aussi juste de relever avec quel hĂ©roĂŻsme elle a pra-tiquĂ© l’obĂ©issance.  ModĂšle d’obĂ©is-sance, sainte Jeanne d’Arc l’est sans doute avec ses parents, mais surtout avec son roi.

FidĂšle sujette de son roiCette obĂ©issance revĂȘt une forme d’abnĂ©gation tout Ă  fait particu-liĂšre. Lorsqu’elle est prisonniĂšre Ă  Rouen et que l’heure de son sup-plice approche, Jeanne aurait pu se rĂ©volter Ă  l’idĂ©e que le roi, qu’elle avait rassurĂ© sur sa lĂ©gitimitĂ©, dont elle avait dĂ©livrĂ© la ville fidĂšle d’Or-lĂ©ans, qu’elle avait conduit jusqu’à Reims pour asseoir son royaume, qu’elle n’avait eu de cesse de servir, lui «  la mĂ©diocritĂ© faite roi  », elle, le courage fait femme, l’avait pure-ment et simplement abandonnĂ©e, qu’il ne l’avait pas rachetĂ©e comme elle l’escomptait.

Et voici qu’au soir du procĂšs de Rouen, son juge accuse son roi d’hĂ©rĂ©sie. Comment va rĂ©agir Jeanne  ? Va-t-elle charger son roi  ? Simplement laisser passer l’outrage sans relever l’offense envers un homme qui ne l’avait pas dĂ©fendue ? Rien de tel. Jeanne est trop grande pour s’abaisser Ă  de telles mesquineries. Jeanne sort d’elle-mĂȘme, Jeanne bondit, Jeanne proclame Ă  qui veut l’en-tendre que «  c’est le plus noble

chrĂ©tien de tous les chrĂ©tiens, et qui mieux aime la foi et l’Église, et n’est point tel que vous dites ! Â»

Jeanne est l’un des modĂšles les plus emblĂ©matiques de l’obĂ©issance hĂ©roĂŻque qui, sans prendre la place du supĂ©rieur, le sert malgrĂ© ses fai-blesses, sans se dĂ©partir aucunement du respect, de la fidĂ©litĂ© et mĂȘme de l’affection dues au reprĂ©sentant de l’autoritĂ© divine.Et il n’est certes pas anodin que ce modĂšle d’obĂ©issance ait Ă©tĂ© assumĂ© par une femme, laquelle est si sou-vent appelĂ©e Ă  servir fidĂšlement et Ă  pratiquer l’obĂ©issance Ă  des autoritĂ©s humaines et donc faillibles.

Ce n’est pas un hasard non plus si cet exemple de fidĂ©litĂ© a Ă©tĂ© donnĂ© au sein du monde politique tant il est vrai que les souverains ne sont pas toujours les exemples que leurs sujets sont en droit d’attendre.Jeanne est ainsi le tout le contraire d’une rĂ©volutionnaire ou d’une fĂ©-ministe.

Toute Ă  sa missionMais son obĂ©issance culmine sur-tout dans l’accomplissement de sa mission. Imaginer une Jeanne, heureuse de quitter la maison de ses parents, toute Ă  la joie de claquer la porte de sa maisonnĂ©e et de jouir d’une vie de libertĂ© loin du carcan familial relĂšve de la divagation. Jeanne n’était pas un garçon manquĂ©. Elle aimait filer la laine. Combien de fois elle regretta son cher village de DomrĂ©my, son fuseau, ses tissus qu’elle aimait toucher, caresser, palper en fine connaisseuse. Elle aimait son beau jardin, sa famille aimante.

Et le Bon Dieu lui demanda de quitter ses chers parents qu’elle aimait tant  ; encore dĂ»t-elle les quitter en secret, sous un prĂ©texte. En rĂ©alitĂ©, elle s’enfuit de chez elle. À la douleur de la sĂ©paration s’ajou-tait celles de la dissimulation et de l’incertitude des retrouvailles. Elle qui aimait tant sa vallĂ©e fleurie, elle dut partir dans des contrĂ©es Ă©loi-

À l’évĂȘque Cauchon qui l’interroge, Jeanne a cette rĂ©partie magnifique : « Je suis venue de par Dieu, et n'ai que faire ici, et demande qu'on me renvoie Ă  Dieu de qui je suis venue Â».

Jeanne d'arc interrogée

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Histoire

gnĂ©es, elle qui n’avait jamais combattu, elle allait che-vaucher sur les champs de bataille. Jeanne est soumise Ă  la sĂ©paration. SĂ©paration dure, sĂ©paration cruelle. « J'aimerais mieux ĂȘtre tirĂ©e Ă  quatre chevaux qu'ĂȘtre venue en France sans congĂ© de Dieu  » avouait Jeanne, levant un voile sur le crĂšve-cƓur que fut son dĂ©part de DomrĂ©my.

Cette confidence relĂšve d’autant la gĂ©nĂ©rositĂ© de son obĂ©issance.«  Quand vous ĂȘtes partie de chez vos pĂšre et mĂšre, croyiez-vous point pĂ©cher  ?  » demande son juge La Fontaine, visible-ment dĂ©nuĂ© de psycho-logie.Jeanne rĂ©pondit : « Puisque Dieu le commandait, il le convenait faire. Puisque Dieu le commandait, si j'avais eu cent pĂšres et cent mĂšres, et si j'eusse Ă©tĂ© fille de roi, je serais partie. Â»

C’est par obĂ©issance qu’elle quittera pĂšre et mĂšre, c’est par obĂ©issance qu’elle chevauchera de Vaucouleurs jusqu’à Chinon, affrontant la fa-tigue des routes, les dangers des en-nemis et l’inquiĂ©tante compagnie de hommes qui l’accompagnent, c’est par obĂ©issance qu’elle em-brassera la carriĂšre militaire, c’est par obĂ©issance Ă  ses Voix qu’elle ne veut pas trahir qu’elle reviendra sur sa signature, c’est par obĂ©issance qu’elle mourra pour ĂȘtre fidĂšle Ă  sa mission et ne pas la renier, dĂ»t-elle voir son corps net ĂȘtre rĂ©duit en cendres.

«  Jeanne donc, du point de vue spirituel, nous fait l’effet d’un ĂȘtre de rĂ©ponse beaucoup plus que d’un ĂȘtre de dĂ©cision appliquant un plan personnel, comme l’ont Ă©tĂ© par exemple certains fondateurs d’ordre. LĂ  est probablement son ĂȘtre profond : elle est Ă  l’écoute de quelqu’un d’autre, animĂ©e d’un

seul souci : rĂ©pondre Ă  ce quelqu’un en se conformant exactement aux instructions qu’elle en reçoit. Â»1

Les confl its de l’obĂ©issanceC’est aussi son obĂ©issance qui la conduira jusqu’au paradoxe de l’obĂ©issance rebelle et de l’obĂ©issance insolente.

Sur l’ordre de son Conseil, elle dĂ©-sobĂ©ira Ă  son pĂšre en quittant le gĂźte familial. Sur l’ordre de son Conseil, elle rĂ©pondra hardiment aux juges qui l’assaillent. Sur l’ordre de son Conseil, elle prĂ©fĂ©rera obĂ©ir Ă  Mes-sire Dieu plutĂŽt qu’à une certaine Église qui se proclame l’Église.

ObĂ©issante et humblement docile Ă  Dieu, elle dĂ©sobĂ©ira aux hommes, et mĂȘme aux hommes d’Église, dis-tinguant judicieusement l’ordre qui vient de l’Église et l’abus d’autoritĂ© qui vient d’hommes d’Église, ne re-jetant jamais la lĂ©gitime autoritĂ© des hommes d’Église au nom de l’abus de quelques-uns.

DĂ©sobĂ©issante en apparence, aucunement rĂ©vo lutionnaire, Jeanne est l’in carnation mĂȘme de l’obĂ©issance chrĂ©-tienne, ni servile ni rĂ©volu-tionnaire, ni compassĂ©e ni rĂ©voltĂ©e, mais Ă©clairĂ©e de la foi et guidĂ©e par la raison, audacieuse Ă  l’occasion.

Comme le Christ, elle pou-vait dire  : «  Ne savez-vous pas que je dois ĂȘtre aux affaires de mon pĂšre  ?  ». Comme les ApĂŽtres, elle pouvait s’écrier  : «  Il vaut mieux obĂ©ir Ă  Dieu qu’aux hommes  ». En un mot, Ă  l’instar du Verbe dont elle est l’image, Jeanne fut toute Ă  sa mission reçue du PĂšre.« Peut-ĂȘtre n’a-t-on pas suf-fisamment prĂȘtĂ© attention Ă  ce qu’elle rĂ©pĂšte pourtant sans cesse : “Qu’elle n’a rien fait par elle-mĂȘme, qu’elle ne fait rien sinon se fier au commandement de ses “voix”, que rien n’a Ă©tĂ© fait par elle sans le comman-

dement de Dieu.” Peut-ĂȘtre faut-il prendre Ă  la lettre, et ce serait alors la dominante de sa spiritualitĂ©, cette affirmation de n’ĂȘtre qu’une rĂ©-ponse, une merveilleuse rĂ©ponse Ă  la volontĂ© divine. PĂ©guy en avait sans doute l’intuition quand, obstinĂ©-ment, il disait de Jeanne qu’elle Ă©tait “la fille la plus sainte aprĂšs sainte Marie”, celle dont le “oui” marque le dĂ©but du Nouveau Testament, d’une Ăšre nouvelle et de l’histoire mĂȘme du monde chrĂ©tien. Jeanne en serait une sorte de copie, une ad-mirable imitation au point qu’il ne serait probablement pas nĂ©cessaire de s’évertuer Ă  chercher le pourquoi de son action ou d’expliquer ses dĂ©marches : avant tout, elle est celle dont le oui Ă  Dieu fut aussi total que celui mĂȘme de Marie. Â»2

1 RĂ©gine Pernoud, La SpiritualitĂ© de Jeanne d’Arc, Mame, 1992, p. 73.2 RĂ©gine Pernoud, La SpiritualitĂ© de Jeanne d’Arc, Mame, 1992, p. 75.

Jeanne d’Arc quittant Vaucouleurs par Jean-Jacques Scherrer 

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Histoire

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Étudiant brillantPaul, Philippe, Joseph, Émile ChĂ©non naĂźt Ă  Nevers le 16  mai 1857, dans une famille de la bourgeoisie du Bas-Berry qui possĂšde no-tamment des terres Ă  Acre, sur la paroisse de NĂ©ret (Indre). Son pĂšre exerce les fonctions d'avocat gĂ©nĂ©ral Ă  Bourges, ville oĂč Émile suit ses Ă©tudes secondaires. Bachelier Ăšs lettres et Ăšs sciences Ă  17 ans, Émile ChĂ©non entre en 1875 Ă  l’École polytechnique, d’oĂč il sort deux ans plus tard sous-lieutenant au 37Ăšme rĂ©-giment d’artillerie, alors en garnison Ă  Bourges.

Cependant, le jeune homme n’a pas la vocation militaire. DĂ©missionnant de l’armĂ©e en 1878, il suit des Ă©tudes de droit et soutient, en 1881, ses deux thĂšses de doctorat, Ă  l'Ă©poque en droit romain et en droit français. ConsidĂ©rĂ© comme un des Ă©tudiants les plus brillants de la facultĂ© de droit de Paris, il est reçu second, en septembre 1882, au concours de l’agrĂ©gation de droit, derriĂšre Maurice Hauriou et devant LĂ©on Duguit1.

Outre ce parcours acadĂ©mique classique, Émile ChĂ©non suit, comme auditeur libre Ă  l’École des Chartes, le cours d’histoire de droit civil et canonique, ainsi que celui d’archĂ©ologie. Sentant sans doute ces enseignements insuffisants, il complĂšte Ă  l’Institut catholique de Paris par le cours d’histoire de l’Église de Mgr Duchesne, membre de l'Institut et directeur de l’École française de Rome.

Émile ChĂ©nonPar Vincent Ossadzow

Professeur de droitNommĂ© Ă  la facultĂ© de Rennes en 1883, le jeune professeur y enseigne l’histoire du droit et le droit consti-tutionnel pendant dix ans. À partir de 1893, il rejoint la facultĂ© de droit de Paris pour y donner les mĂȘmes cours, et devient en 1898 le titu-laire de la chaire d’histoire gĂ©nĂ©rale du droit français. À Rennes et Paris, il enseigne ces matiĂšres pendant 34 ans, dirigeant plus de 150 thĂšses de doctorat. De sa chaire professo-rale, Émile ChĂ©non ne cache pas ses convictions religieuses, ce qui n'empĂȘche pas l'estime de ses col-lĂšgues, quelles que soient leurs di-vergences d'opinions. DĂ©veloppant clartĂ© et mĂ©thode dans ses leçons,

il lie Ă©troitement droit et histoire, considĂ©rant que les deux disciplines s’éclairent mutuellement. Il en tire d’ailleurs ces Ă©pigraphes qu’il aime Ă  rĂ©pĂ©ter  : «  Le droit Ă©claire l’histoire et l’his-toire Ă©claire le droit  ; tout historien devrait ĂȘtre juris-consulte, tout jurisconsulte devrait ĂȘtre historien. Â»

Pendant trente ans, le professeur dirige en outre bĂ©nĂ©volement la confĂ©rence d’histoire du droit pour les candidats Ă  l’agrĂ©gation. Ses leçons exposent des doc-trines claires et sĂ»res pour les futurs professeurs, propo-sant pour chacun des sujets Ă©voquĂ©s un plan simple et logique et des vues nettes, prĂȘtes pour l’enseignement. Par son approche pragma-tique, il apporte Ă©galement une vision de bon sens dans l’examen des normes. Son Ɠuvre magistrale est l'His-toire gĂ©nĂ©rale du droit français

public et privé, des origines à 1815. Le premier tome est publié en 1926, mais l'auteur décÚde l'année suivante avant d'avoir achevé son travail. François Olivier-Martin, son disciple à la faculté de droit, publie le début du second tome en 1929 à partir des notes de son maßtre. Ainsi exposé, l'enseigne-ment du professeur de droit reste une référence dans les facultés jusqu'à l'aprÚs-guerre.

Outre JĂ©rĂŽme Bignon, un autre Ă©minent juriste fut paroissien de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Au service du droit comme Ă  celui de l’Église, Émile ChĂ©non a marquĂ© la vie paroissiale au tournant des XIXĂšme et XXĂšme siĂšcles.

Émile ChĂ©non

1 Hauriou et Duguit sont deux grands théori-ciens du droit public français, dont les prin-cipes sont toujours enseignés dans les facul-tés de droit.

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Histoire

Chercheur, Ă©rudit et Ă©crivainMembre de plusieurs sociĂ©tĂ©s savantes, Émile ChĂ©non pour-suit toute sa vie de multiples recherches sur l’histoire du droit, l’histoire locale et l’histoire reli-gieuse. Comme berruyer (terme qu’il prĂ©fĂšre Ă  celui de berrichon), il publie de nombreux travaux sur le Bas-Berry, dont une His-toire de Sainte-SĂ©vĂšre en Berry, La grande charte du MusĂ©e de La ChĂątre, Histoire et coutumes de la Chapelle-Aude et Les Jours de Berry au Parlement de Paris. Bien que parisien, il continue Ă  passer toutes ses vacances estivales dans son manoir Ă  Acre.

Au-delĂ  de l’histoire locale, l’érudit contribue Ă  l’écriture de l’histoire gĂ©nĂ©rale. Lors de son arrivĂ©e Ă  Paris, en 1893, Ernest Lavisse et Alfred Rambaud le contactent, sur la recommandation de Mgr Duchesne, pour le charger de composer les chapitres relatifs Ă 

l’histoire de l’Église dans leur travail sur l’Histoire gĂ©nĂ©rale du IVĂšme siĂšcle Ă  nos jours, publiĂ©e en plusieurs volumes entre 1893 et 1901. Sa participation commence avec l’ex-posĂ© des rĂ©formes grĂ©-goriennes et se termine sur la politique du Ralliement menĂ©e par LĂ©on XIII. En 1921, il publie Le rĂŽle social de l’Église, ouvrage trai-tant successivement de l'action de l’Église sur les Ă©lĂ©ments so-ciaux (l'individu et la famille), l’Église et la sociĂ©tĂ© civile (les pou-voirs publics, les droits individuels et les ques-tions Ă©conomiques), enfin le domaine social de l’Église (la science, la morale, la charitĂ©).

Émile ChĂ©non ne limite pas ses talents Ă  l’histoire. Bien que scien-tifique de formation, il possĂšde aussi une plume qui verse dans la poĂ©sie. Sous le pseudonyme de Joseph d’Acre, il rassemble et publie ses textes dans plusieurs recueils  : Harmonies chrĂ©tiennes, ÉlĂ©vations chrĂ©tiennes et MĂ©dita-tions chrĂ©tiennes.

ChrĂ©tien dans la citĂ©L’érudit ne s’enferme pas dans son cabinet de travail, voulant mettre au profit de la sociĂ©tĂ© ses connais-sances et rĂ©flexions. AssociĂ©, au dĂ©but, Ă  la naissance du Sillon, Émile ChĂ©non le conseille avec prudence et sĂ»retĂ© doctrinale, ce qui n’empĂȘchera pas ultĂ©rieure-ment Marc Sangnier de voir ses idĂ©es condamnĂ©es par le Vatican en 19102. En 1905, le juriste donne Ă  l’Institut populaire du VĂšme  arrondissement une sĂ©rie de confĂ©rences sur «  Les rapports de l’Église et de l’État du Ier au XXĂšme  siĂšcle  ». Vers la mĂȘme Ă©poque, il accompagne la fonda-tion de la Ligue des catholiques

français pour la paix, devant la montée des crises européennes conduisant à la PremiÚre Guerre mondiale.

C’est naturellement qu’il prend voix au chapitre lors de la SĂ©pa-ration des Églises et de l’État. La question des associations cultuelles, prĂ©vues par la loi de 1905, constitue un problĂšme Ă©pineux. Outre l’administration des biens matĂ©riels des paroisses et diocĂšses, il est prĂ©vu que ces associations jouent un rĂŽle dans la nomination des curĂ©s et Ă©vĂȘques, ce qui entraĂźnerait un retour Ă  une Église gallicane strictement sĂ©parĂ©e du Saint-SiĂšge. Avant la condamnation par saint Pie X de ces associations cultuelles3, le cardinal Richard, archevĂȘque de Paris, anticipe le cas extrĂȘme et rĂ©unit en janvier et fĂ©vrier 1906 une commission de juristes chargĂ©s d'examiner leur lĂ©galitĂ©.

2 Lettre pontifi cale Notre charge apostolique du 25 août 1910.3 Encyclique Gravissimo offi cii munere du 10 août 1906.

Précision

Dans le numĂ©ro prĂ©cĂ©dent du Chardonnet fi gurait un « article » de Louis Veuillot dont la source, qui nous Ă©tait inconnue, n’était pas prĂ©ci-sĂ©e.Des lecteurs ont eu la bontĂ© de nous l’indiquer. Il s'agit d'une petite partie d'un ar-ticle Ă©crit avant la guerre (de 70), et Ă©ditĂ© dans le numĂ©ro 4461 du journal L'univers, journal datĂ© du lundi 12 jan-vier 1880. Le titre de cet article est "le canon rayĂ©". Cet article est Ă©crit juste aprĂšs l'invention du canon Ă  Ăąme rayĂ©e, grande invention guerriĂšre, par la sociĂ©tĂ© (Prussienne Ă  l'Ă©poque) Krupp ».

Que nos lecteurs avisés en soient remerciés.

Église Saint-Nicolas vue par Maurice Utrillo en 1930 avant l’achùvement de la façade

11Le Chardonnet n° 359 - juillet - août - septembre 2020

Histoire

Émile ChĂ©non en fait partie et se retrouve rapidement l'un des meilleurs canonistes du groupe : « Nous Ă©tions tous d'accord sur le caractĂšre schismatique des asso-ciations cultuelles, et nos efforts n'ont tendu qu'Ă  une chose  : es-sayer d'en attĂ©nuer les effets, pour le cas oĂč le pape en aurait autorisĂ© l'essai Â»4.

Le professeur de droit est alors dĂ©signĂ© pour rĂ©diger le rapport sur l'aspect schismatique des associations cultuelles. Prudent dans ses travaux, il demande, au cas oĂč elles seraient autorisĂ©es par le Saint-PĂšre «  [...] un serment de fidĂ©litĂ© Ă  l'Ă©vĂȘque de la part des membres des associations cultuelles pour en attĂ©nuer le ca-ractĂšre schismatique. L'Ă©tablisse-ment par le Saint PĂšre d'un mode d'Ă©lection des Ă©vĂȘques, simple et clair, pour Ă©viter le retour au sys-tĂšme du Concordat. Un concile plĂ©nier des Ă©vĂȘques français sous la prĂ©sidence d'un lĂ©gat pour Ă©tablir la charte constitutive de l’Église de France Â»5.

Paroissien engagĂ©La vie publique intense d’Émile ChĂ©non puise assurĂ©ment sa force dans la vie spirituelle qu'il nourrit Ă  Saint-Nicolas-du-Chardonnet. FidĂšle Ă  la messe quotidienne, il est membre de l’Ɠuvre de l'ado-ration nocturne, trĂšs dĂ©veloppĂ©e Ă  cette Ă©poque dans les paroisses, et passe rĂ©guliĂšrement chaque semaine une ou deux longues veil-lĂ©es devant le Saint-Sacrement.

Depuis 1893, il habite rue des Écoles, Ă  l’angle de la rue des Carmes. Il cultive la pauvretĂ© dans un appartement trĂšs simple oĂč sa chambre, meublĂ©e d’un lit de fer et d’une image pieuse, tient davantage de la cellule monacale que des appartements d’un pro-fesseur d’universitĂ©. Le paroissien de Saint-Nicolas-du-Chardonnet entretient profondĂ©ment cet esprit de pauvretĂ© au sein de la confĂ©rence Saint-Vincent-de-Paul, dont il est un membre

actif jusqu’à son dĂ©cĂšs, prĂ©sidant l'assemblĂ©e pendant de nom-breuses annĂ©es. C’est lui qui est Ă  l’origine, en 1907, des agapes de PremiĂšres communions pour les enfants pauvres de la paroisse, au cours desquelles le curĂ© prend l’habitude de lire un poĂšme com-posĂ© par Joseph d’Acre. Au-delĂ  de la confĂ©rence, il fonde l'Ă©cole mĂ©nagĂšre, installĂ©e chez les sƓurs de CharitĂ© de la rue des Bernar-dins, qu'il entretient avec ses propres deniers. Enfin, il crĂ©e la caisse dotale du patronage parois-sial, permettant Ă  de nombreuses jeunes filles de contracter mariage sans difficultĂ©.

Outre ces Ɠuvres de charitĂ©, le paroissien s'engage Ă©galement avec zĂšle dans l’archiconfrĂ©rie de Marie, Reine du ClergĂ©, en l'honneur de laquelle il compose un poĂšme en 1916, brodĂ© sur les armes adoptĂ©es par cette assem-blĂ©e :Ô Reine du ClergĂ©, Vierge prĂȘtre6 ! Avec larmes,Mais avec grand amour, je contemple vos armes.Leur chef d'or est chargĂ© d'un SacrĂ© CƓur saignantSous l'Ă©pine tressĂ©e en forme de couronne.Des humiliations de JĂ©sus, qui pardonneMalgrĂ© tout, cette Ă©pine est l'em-blĂšme poignant.

Puis voici le roseau, que sa main flagelléeA tenu : n'est-il pas une image voiléeDe cette pauvreté qu'Il aimait ; et les clous,

Ne rappellent-ils pas la souffrance divine ?Devant ces instruments de dou-leurs, je m'incline,Et dis à chacun d'eux : « Que Dieu soit avec vous ! »

Mais vous-mĂȘme avez bu ce calice, ĂŽ MarieQue je vois soutenu par votre main bĂ©nie,Calice amer ; pourtant, dans cet azur si doux,Vous souriez : pourquoi ? Vous portez, triomphante,Sur votre bras, JĂ©sus, la Victime vivante...À genoux, je vous dis : « Que Dieu soit avec vous ! »

Ô Reine du ClergĂ© de France, ĂŽ Vierge prĂȘtre,Aidez-nous Ă  subir, comme le divin MaĂźtreLes humiliations, les peines, les dĂ©goĂ»ts,Pour que – quand notre cƓur reçoit la Sainte Hostie â€“Tous les anges, courbĂ©s devant l'Eucharistie,Puissent nous dire aussi :

« Que Dieu soit avec vous ! »

DĂ©cĂ©dĂ© le 11 avril 1927, il est inhumĂ© dans sa propriĂ©tĂ© fami-liale de NĂ©ret. À l’instar de JĂ©rĂŽme Bignon, Émile ChĂ©non illustre l’engagement droit, profond et constant d’un chrĂ©tien dans la citĂ©, tel le serviteur de l’Évangile faisant fructifier le talent reçu au service du bien commun. « Fils de saint Vincent de Paul et de FrĂ©dĂ©ric Ozanam, ne se demande-t-on pas s'il ne partagera pas un jour leur glorieuse destinĂ©e ? Â»7

4 Lettre Ă  Mgr Odelin, 10 novembre 1925.5 Ibid. 6 Certes thĂ©ologiquement peu orthodoxe, l’appellation « Vierge prĂȘtre » est en usage Ă  cette Ă©poque. Elle n'est plus reprise Ă  partir des annĂ©es 1930, laissant place au titre marial de « co-rĂ©demptrice ».7 AbbĂ© Gabriel Lenert, Le Chardonnet, mai 1927.

Émile ChĂ©non illustre l’engagement droit, profond et constant d’un chrĂ©tien dans la citĂ©, tel le serviteur de l’Évangile faisant fructifi er le talent reçu au service du bien commun. »

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Vie de la paroisse

12 Le Chardonnet n° 359 - juillet - août - septembre 202012

Journal de l’église Saint-Nicolas du Chardonnet23 rue des Bernardins - 75005 Paris

TĂ©lĂ©phone : 01 44 27 07 90 - Fax : 09 56 05 57 64Courriel : [email protected]

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Directeur de la publication : Abbé Pierpaolo Petrucci

Maquette et mise en page : [email protected]

ImprimerieCorlet Imprimeur S.A. - ZI, rue Maximilien Vox

14110 Condé-sur-Noireau

ISSN 2256-8492 - CPPAP N° 0321 G 87731

Tirage : 1300 exemplaires

Le Chardonnet

Activités de la paroisse

Les confirmations auront lieu en mai ou juin 2021Les premiÚres communions dans le courant du premier trimestre La kermesse les 26 et 27 septembreReprise des catéchismes pour enfants : le samedi 19 septembre.

Dimanche 5 juillet ◆ 10h30 : premiùre messe solennelle de

Monsieur l’abbĂ© Doutrebente

Dimanche 12 juillet◆ 10h30 : premiùre messe de Monsieur

l’abbĂ© Gravrand

Dimanche 19 juillet◆ 10h30 : premiùre messe de Monsieur

l’abbĂ© Paccard

Samedi 25 juillet◆ 18h30 : messe chantĂ©e de saint Jacques

le Majeur

Samedi 1er aoĂ»t◆ Premier samedi du mois◆ 18h30 : messe chantĂ©e du CƓur

Immaculé de Marie

Jeudi 6 aoĂ»t ◆ 18h30 : messe chantĂ©e de la Transfiguration

Vendredi 7 aoĂ»t◆ Premier vendredi du mois◆ À l’issue de la messe de 12h15, exposition

du Saint-Sacrement jusqu’à minuit◆ 17h45 : office du rosaire◆ 18h30 : messe chantĂ©e du SacrĂ©-CƓur◆ 20h00 : heure sainte

Vendredi 14 aoĂ»t◆ 17h45 : premiĂšres vĂȘpres de l’Assomption

Samedi 15 aoĂ»t◆ Assomption de la TrĂšs Sainte Vierge

Marie, 1ùre classe◆ Messes et offices comme un dimanche

Samedi 22 aoĂ»t◆ 18h30 : messe chantĂ©e du CƓur

Immaculé de Marie

Lundi 24 aoĂ»t ◆ Saint BarthĂ©lĂ©my. 18h30 : messe lue

avec orgue

Mardi 25 aoĂ»t◆ Saint Louis. 18h30 : messe lue avec orgue

Mercredi 2 septembre◆ 17h45 : premiĂšres vĂȘpres de saint Pie X

Jeudi 3 septembre◆ 17h45 : deuxiĂšmes vĂȘpres de saint Pie X◆ 18h30 : messe chantĂ©e de saint Pie X

Vendredi 4 septembre◆ Premier vendredi du mois◆ À l’issue de la messe de 12h15, exposition

du Saint-Sacrement jusqu’à minuit◆ 17h45 : office du rosaire◆ 18h30 : messe chantĂ©e du SacrĂ©-CƓur◆ 20h00 : heure sainte

Samedi 5 septembre◆ Premier samedi du mois◆ 18h30 : messe chantĂ©e du CƓur

Immaculé de Marie

Dimanche 6 septembre◆ SolennitĂ© de saint Pie X aux messes de

10h30 et 18h30

Mardi 8 septembre◆ 17h45 : office du rosaire◆ 18h30 : messe chantĂ©e de la NativitĂ© de

Notre-Dame

Dimanche 13 septembre◆ 17h45 : concert d’orgue

Lundi 14 septembre◆ 17h45 : office du rosaire◆ 18h30 : messe chantĂ©e de l’exaltation de

la sainte Croix

Mardi 15 septembre◆ 17h45 : office du rosaire◆ 18h30 : messe chantĂ©e de Notre-Dame

des sept douleurs

Lundi 21 septembre◆ 18h30 : messe chantĂ©e de saint Matthieu

Dimanche 27 septembre ◆ SolennitĂ© de sainte ThĂ©rĂšse de l’Enfant-

JĂ©sus aux messes de 10h30 et 18h30

Lundi 28 septembre◆ 17h45 : premiĂšres vĂȘpres de saint Michel

Mardi 29 septembre◆ 17h45 : deuxiĂšmes vĂȘpres de saint Michel◆ 18h30 : messe chantĂ©e de saint Michel

Vendredi 2 octobre◆ Premier vendredi du mois◆ À l’issue de la messe de 12h15,

exposition du Saint-Sacrement jusqu’au lendemain 7h00

◆ 17h45 : office du rosaire◆ 18h30 : messe chantĂ©e du SacrĂ©-CƓur◆ 20h00 : heure sainte

Samedi 3 octobre◆ Premier samedi du mois◆ 18h30 : messe chantĂ©e de sainte ThĂ©rĂšse

de l’Enfant-JĂ©sus

Dimanche 4 octobre◆ SolennitĂ© de Notre-Dame du Saint-

Rosaire aux messes de 10h30 et 18h30

Office du rosaire tous les soirs à 17h45 pour le mois d’octobre sauf mention contraire.

Carnet paroissialOnt Ă©tĂ© rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s de l’eau du baptĂȘme

Tancrùde GILBERT 14 juinUlrich DAMAISIN d’ARES 20 juin

Ont été honorées de la sépulture ecclésiastiqueGeorgette SCHOEFFLER, 95 ans 27 maiSimone FAVA, 88 ans 9 juinAstrid CARDONA, 76 ans 20 juin

Grande procession enl'honneur de la Sainte-Vierge

dans les rues de Paris

DĂ©part de Saint-Nicolas-du-Chardonnet Ă  16h

Samedi15 août 2020