LE BAROQUE -...
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Clémence Grangé et Déborah Leder 1°S
FICHE COURANT LITTERAIRE :
LE BAROQUE
Le mot « baroque », d’origine italienne, est emprunté au vocabulaire de la bijouterie,
où barroco, en portugais, désigne une perle de forme irrégulière. « Baroque » a fini par
qualifier tout ce qui est extravagant, bizarre. Son emploi ne se limite pas à la littérature,
ni à la France seule. Le baroque fut un mouvement européen, qui influencera tous les arts.
Dans l’histoire de la littérature française, il domine surtout la période qui va de 1580 à
1650.
I - Chronologie
1545 : Concile de Trente qui instaure la Contre-Réforme
1585 : Mort de Ronsard
1589-1610 : Henri IV
1598 : Edit de Nantes
1607 : Monteverdi, Orfeo
1609 : Kepler, Astronomia nova
1610 : Henri IV est assassiné
1610-1617 : régence de Marie de Médicis
1617-1643 : règne de Louis XIII
1624-1633 : Le Bernin Baldaquin de Saint-Pierre de Rome
1624-1642 : Richelieu ministre
1631 : Théophraste Renaudot fonde La Gazette de France
1633 : Condamnation de Galilée par le Saint-Office
1634 : La France s’engage dans la guerre de Trente Ans (1618-1648)
1635 : Fondation de l’Académie française
1636 : Corneille, L’Illusion comique
1641 : Rembrandt, La Ronde de nuit
1643 : Expériences de Torricelli
1643-1661 : Régence d’Anne d’Autriche
1648 : Traités de Westphalie (fin de la guerre de Trente Ans)
Expériences de Pascale sur le vide
1648-1642 : Fronde
1661 : avènement de Louis XIV
Clémence Grangé et Déborah Leder 1°S
II - Contexte historique
Sur le plan politique, la première moitié du XVIIème siècle est caractérisé par une
instabilité politique due à une alternance de règnes et de régences, période de rivalités, de
guerres et de conspirations. Certes, Henri IV (1589-1610) installe la paix et agrandit le
royaume; mais son assassinat par Ravaillac et la régence de Marie de Médicis (1610-1617),
puis le début du règne de Louis XIII, jusqu’en 1624, entrainent un affaiblissement du
pouvoir politique, ce qui favorisent les complots et les oppositions.
Sur le plan religieux, la fin du XVIème siècle est une période d’instabilité, marquées
par les guerres de religion. L’édit de Nantes (1598) n’a pas mis fin aux antagonismes entre
protestants et catholiques. Les jésuites qui mènent la Contre-Réforme catholique contre
les Protestants, s’appuient sur la conception d’un monde emporté dans un mouvement
permanent. Ils affirment que l’homme peut exercer sa liberté sur terre pour gagner son
salut, alors que pour les protestants, Dieu a déterminé de toute éternité qui sera sauvé et
qui sera condamné. La situation s’aggrave après la mort d’Henri IV et de sanglants combats
opposent les troupes royales aux protestants, comme à Montauban (1621) ou à La Rochelle
(1626-1628). Les réactions du pouvoir politique, associé à l’Eglise, montrent une crainte de
déstabilisation au moment où se répand, parallèlement à la menace protestante, un
mouvement d’incrédulité et de libertinage.
Les libertins revendiquent la liberté de penser par soi-même, poussent à l’extrême
l’indépendance d’esprit du baroque : ils contestent l’organisation sociale et politique, et
vont même jusqu’à concevoir un monde sans Dieu, recherchent le bonheur sur terre et
préparent le mouvement des Lumières. Les croyances sont remises en question.
Cette époque est aussi bouleversée par les grandes découvertes (Amérique) et par
des études scientifiques : celles de Nicolas Copernic et de Galilée qui démontrent que la
terre n'est pas au centre de l'univers. Le mouvement baroque s’oppose au classicisme. On
parle alors d’élan "dionysiaque", lié à l'expression des sensations, à l'instable et à l'excès ;
au contraire le mouvement "apollinien" est tourné vers la mesure, le rationnel, l'ordre,
l'harmonie.
Clémence Grangé et Déborah Leder 1°S
III - Caractéristiques de ce mouvement littéraire
A : Auteurs et œuvres majeures
En France :
Corneille (1606-1684), L’Illusion comique
Molière (1622-1673), Dom Juan
Tristan l’Hermite (1601-1655), Mariane
Saint-Amant (1594-1661), Œuvres
Cyrano de Bergerac (1619-1655), le Pédant joué
Chassignet (1571-1635), Mépris de la vie et consolation de la mort
Marbeuf (1596-1645), Recueil de vers
Théodore Agrippa d'Aubigné (1552-1630), Les Tragiques
Honoré d'Urfé (1567-1625), L’Astré
Jean de Sponde (1557-1595), Méditations sur les psaumes et Essai de quelques poèmes
chrétiens
Théophile de Viau (1590-1626), Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé
En Angleterre :
Shakespeare (1564-1616), Hamlet
En Espagne :
Calderon de Barca (1600-1681), La vie est un songe
Lope de Vega (1562-1635), Le nouvel art de faire des comédies
En Allemagne :
Andreas Gryphius (1616-1664), Les larmes de la patrie
Martin Opitz (1597-1639), Aristarque ou Du mépris de la langue allemande
En Italie :
Giambattista Marino (1569-1625), L'Adone
B : Principes
Les écrivains rejettent ce qui limite leur liberté : les modèles des Anciens de
l’Antiquité, les règles. Ils recherchent l’irrégularité, assument toutes leurs contradictions,
refusent de classer les genres littéraires en genres nobles et genres vulgaires.
Il existe deux mouvements :
Clémence Grangé et Déborah Leder 1°S -L’Inconstance blanche : portée artistique, sensibilité, sens de la beauté ; Carpe diem; les
poètes s’enchantent, tirent de la joie et de l’art de l’inconstance qu’ils font source
d’imagination, de création, de rêverie.
-L’Inconstance noire : portée didactique, dimension morale ; Memento mori; les poètes ont
une perspective spirituelle de l’inconstance, ils enseignent l’emprise du temps sur l’homme
fragile et misérable qui doit préparer son salut ; ils utilisent essentiellement des images
bibliques.
C : Thèmes
Instabilité, fragilité, mobilité, thème de l’éphémère, doute constant sur la réalité des
choses et des êtres, importance accordée au mouvement, au changement, à l’idée de songe,
de rêve, d’apparence et d’illusion, thèmes de la métamorphose, du déguisement, de
l’inconstance, du passage, de la fuite, vie fugitive, spectacles funèbres, les motifs de l’eau,
de la fumée, du miroir, domination du décor.
D : Formes
*Volubilité (Accumulation d’images, de détails), jeu sur les rythmes, métamorphose, mise en
abyme, le théâtre dans le théâtre (ex : L’Illusion Comique)
*Figures d’amplification : hyperbole, anaphore, gradation
*Figures d’opposition : antithèse, oxymore, paradoxe
*Figures d’analogie : métaphore, comparaison, allégorie, personnification, périphrase
*Prédominance du genre littéraire du théâtre car il reflète la théâtralisation de la vie
publique, et surtout mettre en évidence le thème de l’illusion
Shakespeare : "Le Monde entier est un théâtre où les hommes en sont les acteurs".
*La poésie permet aux poètes d’exprimer, à travers leurs sentiments devant l’amour, la
nature, la fuite du temps, la mort, leur conception d’un monde instable.
IV - Contexte philosophique
A : Philosophes et œuvres majeures
*Marin Mersenne (1588 - 1648), moine, philosophe et mathématicien français, ami proche
de Descartes : "Questions sur la Genèse" (1623);
Clémence Grangé et Déborah Leder 1°S *René Descartes (1596 - 1650), philosophe, physicien et mathématicien français, ami
proche de Mersenne : "Méditations métaphysiques" (1641);
*Antoine Arnaud (1612 - 1694), prêtre, théologien, philosophe et mathématicien français :
"La logique ou l'art de penser" (1683);
*Blaise Pascal (1623 - 1662), philosophe, physicien et mathématicien français : "Les
Provinciales"(1656-1657), "Pensées" (ouvrage non fini, publication posthume : 1670)
B : Idées dominantes
A l'époque baroque, le thème philosophique le plus courant est la religion.
Deux philosophies opposées cohabitent dans le baroque et s'inscrivent dans les
mouvements de l'inconstance noire et de l'inconstance blanche.
Philosophie de l'inconstance noire : Les philosophes de l'inconstance noire prêchent
le "memento mori" (=souviens-toi que tu vas mourir) : ils pensent que la vie est vaine et
illusoire, voient son inconstance comme une source de désespoir, et pensent que sa seule
utilité est de préparer son salut; ils croient en l'essence : ils pensent que tout est
prédestiné.
Philosophie de l'inconstance blanche : Les philosophes de l'inconstance blanche
encouragent au "carpe diem" (=saisir le jour) : ils pensent qu'il faut profiter des joies de la
vie, voient l'inconstance comme légèreté, bonheur, et source d'inspiration; ils croient en
l'existence : ils pensent que les choses se définissent par leurs actes.
V - Contexte artistique
A : Musique
En musique, la période baroque s'étend des années 1600 à 1750 et peut être divisée
en trois sous-périodes : le baroque ancien (1600-1650), le baroque moyen (1650-1700), et
le baroque tardif (1700-1750). Les innovations ont plutôt lieu dans le baroque ancien et le
baroque moyen, dans le baroque tardif on continue de composer avec les idées qui sont
nées dans les deux précédentes sous-périodes.
La période du baroque ancien est caractérisée par la naissance de l'opéra. A
Florence, dans les années 1590, une communauté littéraire et musicale, la Camerata, veut,
Clémence Grangé et Déborah Leder 1°S comme dans le théâtre classique grec, réussir à susciter des émotions en utilisant la
musique pour renforcer les pouvoirs expressifs de la voix humaine. Pour permettre au
chanteur de réaliser des solos souples et puissants, on développe la technique de la basse
continue. On utilisera cette technique dans toute la période de la musique baroque. Le
compositeur le plus connu de cette sous-période est Claudio Monteverdi (Italien, 1567-
1643) avec son opéra Orféo.
Dans la sous-période du baroque moyen, ce sont la France et l'Italie qui ont joué les
rôles les plus importants :
- l'Italie a joué le rôle clé dans le développement des instruments à cordes : l'âge d'or du
violon est illustré par des luthiers comme Stradivarius (1644-1737), qui a donné son nom à
une forme de violon; de plus, à cette époque, l'édition musicale se développe tandis que de
nombreux musiciens et compositeurs italiens dont on appréciait les œuvres émigraient, on
choisit donc l'italien pour désigner les termes de musique dans l'Europe entière;
-en France, c'est plus particulièrement Lully (1632-1687), compositeur italien immigré en
France, qui a eu un rôle clé puisque c'est lui qui a élaboré un nouveau genre d'opéra : alors
que l'opéra italien donnait plus d'importance aux solistes, Lully privilégie la danse.
Durant cette sous-période, les rôles du hautbois et de la trompette sont développés : en
France le hautbois joue de plus en plus dans des orchestres, et en Italie, les trompettistes
s’améliorent et parviennent à interpréter des sonates avec un accompagnement de cordes.
Pendant la période du baroque tardif, on développe notamment les claviers; on écrit
de plus en plus de musique pour clavecin, surtout des suites. En 1710, on crée, par accident,
le piano-forte qui se développera un siècle plus tard. Le compositeur le plus célèbre de
cette sous période est Antonio Vivaldi (1678-1741), dont les compositions les plus connues
sont Les Quatre Saisons (1725).
B : Peinture, sculpture
*Peinture :
Les capitales de la peinture baroque sont l'Italie, puis l'Espagne.
Partout les peintres privilégient les compositions géométriques et jouent sur les
diagonales, la perspective, les mises en en abyme, et les effets de contre-plongée. La
technique du trompe l'œil se développe grandement (notamment sur les plafonds)
puisqu'elle symbolise l'illusion (topos baroque, cf. III-C). La peinture et la sculpture
partagent un goût pour le lyrisme et le pathétisme.
Clémence Grangé et Déborah Leder 1°S En Italie, les deux principales écoles de peinture sont L'Ecole de Bologne et L'Ecole
Napolitaine. Michelangelo Merisi da Caravaggio (dit Le Caravage (1571-1610), issu de
L'Ecole Napolitaine), dont les peintures montrent un opposition lumière et ombre très
marquée, se pose comme le principal rival du Bolonais Annibal Carrache (1560-1609), qui
refuse tout maniérisme des principes de clarté, de monumentalité, et d'équilibre. Des
œuvres du Caravage telles que "La Vocation de Saint Mathieu" (1600) ou "Le Martyre de
Saint Mathieu" (1602) se présentent comme un point de repère d'une première tendance
du baroque, le caravagisme, de L'Ecole Napolitaine, qui trouvera écho dans les toiles
d’Orazio Gentileschi et de sa fille Artemisia, ou dans celles de Bartolomeo Manfredi, et qui
influencera la peinture européenne jusqu'à la fin du XVIIème siècle. Les œuvres des frères
Carrache, surtout les plafonds de la galerie du palais Farnèse à Rome (par Annibal
Carrache), sont les points de repère de la seconde tendance du baroque, de L'Ecole de
Bologne. Vers la fin des années 1620 se développe un "plein baroque", marqué par une
théâtralité et une abondance toutes nouvelles.
En Espagne, la peinture baroque s'inspire beaucoup de la peinture baroque italienne,
notamment du caravagisme : a partir du début des années 1600, des œuvres de Caravage
circulent à Séville et ont beaucoup de succès; elles suscitent beaucoup d'intérêt chez les
peintres espagnols, surtout chez Velasquez (1599-1660). Au début des années 1620, celui-
ci commence à travailler pour la cour espagnole et représente alors des thèmes
mythologiques et réalise de nombreux portraits royaux, comme "Les Ménines" (1656).
*Sculpture :
Les capitales de la sculpture baroque sont l'Italie et l'Espagne.
En Italie, la sculpture baroque a les mêmes objectifs que la peinture baroque : jeux
d'ombres et lumières, lyrisme et pathétisme, théâtralité... Le plus célèbre sculpteur
baroque italien est Gian Lorenzo Bernini (1598-1680), dit Le Bernin.
En Espagne, la sculpture baroque est peu influencée par la sculpture italienne; elle
est plutôt une poursuite de la tradition médiévale de la sculpture sur bois, caractérisée par
un réalisme et un souci du détail. Les sculptures sur bois sont généralement polychromes,
et sont parfois dotés d'yeux de verre, de vrais cheveux, ou de vrais vêtements.
C : Architecture
Italie : Façade de l'Eglise Santa Maria della Pace (finie en 1657)
Façade de l'Eglise Santa Maria in Via Lata (finie en 1662)
Façade de l'Eglise Sainte-Agnès (finie en 1667)
Espagne : Façade de la cathédrale de Grenade (conçue en 1667)
Clémence Grangé et Déborah Leder 1°S Hôpital des Vénérables de Séville (1687-1697)
"La Vocation de Saint Mathieu", Le Carvage (1600)
Clémence Grangé et Déborah Leder 1°S
"Le Martyre de Saint Mathieu", Le Carvage (1602)
"Judite matando Holofernes", Artemisia Gentileschi (1620)
Clémence Grangé et Déborah Leder 1°S
"L'Assomption de la Vierge", Annibal Carrache (1600)
"Les Ménines", Velasquez (1656)
Clémence Grangé et Déborah Leder 1°S
Portrait de Philippe IV, Velasquez (1634)
"Apollon et Daphnée", Le Bernin (1622-1625)
Clémence Grangé et Déborah Leder 1°S
"El Christo de la Buena Muerte", Juan de Mesa
Façade de la cathédrale de Grenade (conçue en 1667)