L’univers des champignons Le toUr DU monDe Des champignons€¦ · 2 Le cycle de vie Est-ce...
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14,95 $ • 13 €
Disponible en version numérique
www.pum.umontreal.ca
ISBN 978-2-7606-3433-6
Ce petit livre propose une exploration du royaume insolite de ces vivants méconnus avec lesquels nous partageons notre vie depuis toujours. On y découvre un éventail de thèmes fondamentaux à travers 60 courts textes illustrés entièrement en couleur, qui peuvent se lire dans l’ordre ou le désordre.
Jean Després est membre émérite du Cercle des mycologues de Montréal (CMM) et auteur de plusieurs ouvrages sur les champignons ; il a notamment dirigé L’univers des champignons, paru aux Presses de l’Université de Montréal.
« Un livre tout à fait exceptionnel ! »Pierre Gingras, C’est bien meilleur le matin, à propos de L’univers des champignons
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Jean Després
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Le tour du monde des champignons
en 60 tableaux
Les Presses de l’Université de Montréal
Toutes les photos sont de Jean Després, sauf indication contraire.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Després, Jean, 1951-Le tour du monde des champignons en 60 tableauxComprend des références bibliographiques.
isbn (papier) 978-2-7606-3433-6 isbn (epub) 978-2-7606-3435-0 isbn (pdf) 978-2-7606-3434-3
1. Champignons. 2. Mycologie. I. Titre.
qk603.d47 2014 579.5 c2014-941391-2
Dépôt légal : 3e trimestre 2014Bibliothèque et Archives nationales du Québec© Les Presses de l’Université de Montréal, 2014
Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gou-vernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition et remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec
(SODEC).
imprimé au canada
Présentation
Ce petit livre vous propose une exploration du royaume insolite des cham-
pignons, ces vivants méconnus avec lesquels nous partageons notre vie.
Vous y découvrirez un éventail de thèmes variés, parfois fondamentaux, par-
fois simplement intrigants ou fascinants, à travers 60 courts textes illustrés.
Vous pourrez aussi poursuivre l’aventure et approfondir le sujet en lisant le
collectif L’univers des champignons (PUM, 2012), qui demeure la référence
« encyclopédique » dans le domaine.
Je voudrais remercier pour leur contribution scientifique, linguistique
ou photographique : Michel Ashby, Sylvie Beauchamp Trudel, René Blais,
Denise Boudreau, Véronique Cloutier, Yolande Dalpé, Elaine Després,
J.-André Fortin, Ginette Francis, Patrick Gonzales, Mohammed Hijri, Thérèse
Lafrenière, Renée Lebeuf, Ronald Méthot, Peterjürgen Neumann, Judith
Noël, Patrick Poitras, Armand G. Robichaud, Pierre-Émile Rocray, Alice Roy-
Bolduc, Martin Trépanier et Marie-Josée Van Sterthem.
Enfin, j’exprime ma plus profonde gratitude pour le soutien de tous les
instants et les conseils éclairés de ma douce moitié, Micheline Perreault, et
de ma fille, Elaine.
Jean Després
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1 Qu’est-ce qu’un champignon ?
Les champignons nous éblouissent dans la rosée d’un matin de septembre,
nous étonnant chaque fois par leur subite apparition, leur nombre et la
diversité de leurs couleurs et de leurs formes. Mais qui sont-ils ? L’histoire
nous montre combien ils nous ont intrigués : un végétal sans racines pour
les Grecs de l’Antiquité, une manifestation du Malin pour les chrétiens du
Moyen-Âge, une anomalie végétale durant des siècles pour les botanistes
ou, plus récemment, une énigme pour les scientifiques. Ce n’est que durant
le dernier quart du 20e siècle que ces derniers finissent par reconnaître que
les champignons diffèrent fondamentalement des autres vivants et décident
de les classer dans un règne à part, celui des Eumycota (champignons véri-
tables), aussi connu sous le nom de Fungi.
Comment les scientifiques justifient-ils cette décision ? Ils sont allés
au-delà des apparences, en mettant à contribution des moyens sophisti-
qués tels que la microscopie, la chimie et la génétique. Si les champignons
peuvent ressembler aux plantes, leur mode de nutrition, leur structure cel-
lulaire, leur réserve énergétique et leur système de reproduction diffèrent
grandement.
La partie « végétative » du champignon, nommée mycélium, répand des
enzymes digestives autour de lui et absorbe les éléments nutritifs qui en
résultent. Les animaux, quant à eux, se nourrissent en faisant passer leur
nourriture dans leur tube digestif ou en l’englobant comme les bactéries et
les amibes. Quant aux plantes, à quelques exceptions près, elles se suffisent
à elles-mêmes en utilisant la lumière pour transformer l’eau et le CO2 en
sucres.
Aussi, les êtres vivants accumulent des réserves d’énergie. Les champi-
gnons et les animaux emmagasinent la même substance : le glycogène (un
sucre complexe). Chez les plantes, l’amidon remplit cette fonction.
Outre leur mode de nutrition, les champignons se distinguent aussi par
leurs cellules, uniques en leur genre. En effet, leur mycélium se compose
de filaments tubulaires, appelés hyphes, contenant un ou plusieurs noyaux
entourés d’une membrane. On les dit donc « eucaryotes ». De leur côté,
les cellules des bactéries sont dépourvues de noyau distinct, ce qui en fait
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des « procaryotes ». Par ailleurs, les hyphes résistent aux assauts du monde
extérieur grâce à une paroi cellulaire très efficace. L’analyse chimique du
contenu de cette paroi révèle la présence de chitine, une substance qui se
trouve principalement dans la carapace des arthropodes. La paroi cellulaire
des végétaux contient plutôt de la lignine, responsable de la dureté du bois,
et les cellules animales sont dépourvues de paroi.
Finalement, il existe une autre différence fondamentale entre les règnes
du vivant : le mode de reproduction. Si les plantes à fleurs se reproduisent au
moyen de graines et que la plupart des animaux recourent à des embryons,
les champignons, ainsi que certains végétaux, génèrent des spores (cel-
lules de reproduction non fécondées), qui sont parfois portées par une
fructification.
Fructification du Mycène de Léa (Mycena leaiana)
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2 Le cycle de vie
Est-ce l’œuf ou la poule qui est apparu en premier ? Voici une question en
apparence paradoxale, du moins d’un point de vue créationniste. La théorie
évolutionniste apporte un éclairage scientifique à cette question : l’œuf issu
du croisement d’un couple d’oiseaux proche de la poule a donné naissance
à la première poule, à la suite d’un « cocktail » génétique inédit durant la
fécondation. Une spore, qui est en quelque sorte l’œuf fécondé du champi-
gnon, peut dans des situations exceptionnelles, comme l’isolement géogra-
phique d’une population, amorcer le premier cycle de vie d’une éventuelle
nouvelle espèce. Ce cycle se perpétuera jusqu’à son extinction, soit d’une à
des millions de générations selon ses capacités d’adaptation.
Une fois lancées, les spores voyagent et quelques-unes d’entre elles
aboutissent au bon endroit et au bon moment pour produire un nou-
veau mycélium. Celui-ci détient un « type sexuel » (appelé polarité) positif
ou négatif, selon la spore qui l’a initié. Il s’ensuit un chassé-croisé qui se
termine par la rencontre et la fusion avec un autre mycélium de polarité
contraire (plasmogamie). Dès lors, les filaments tubulaires (hyphes) du nou-
veau mycélium possèdent deux noyaux (dicaryotique) et sont désormais en
mesure de relancer le processus de reproduction sexuée. Cependant, rien
ne presse. Tant que le mycélium dispose d’une nourriture abondante et que
les conditions demeurent défavorables, il patiente et peut au besoin ralentir
considérablement son activité. Lorsqu’enfin arrive une pluie soutenue
durant la période propice pour l’espèce, le mycélium produit des fructifica-
tions. Celles-ci génèrent à la surface de ses parties fertiles des cellules repro-
ductrices (basides ou asques) qui contiennent initialement deux noyaux,
lesquels fusionnent (caryogamie) pour n’en donner qu’un seul. C’est alors
que ce noyau se scinde (méiose) pour donner presque toujours un nombre
pair de noyaux, le plus souvent quatre pour les Basidiomycètes et huit pour
les Ascomycètes. Durant cette phase cruciale, une recombinaison génétique
s’opère, donnant naissance à des spores qui engendreront de nouveaux
représentants de l’espèce.
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Certains détails des cycles de vie varient selon les grands groupes de
champignons, mais les étapes demeurent sensiblement les mêmes au
niveau de la reproduction sexuée. Le schéma qui suit montre le cycle de
vie des champignons à lames, un groupement artificiel faisant partie des
Basidiomycètes.
Cycle de vie des champignons à lames Photo : Hygrophore rouge ponceau(Hygrocybe punicea)
PLASMOGAMIE
MÉIOSE
CARYOGAMIE (fusion des noyaux)
Spores
Baside naissante
(deux noyaux)
Partie fertile (lames)
Fructification
Hyphe à deux noyaux (dicaryotique)
Hyphe de type sexuel +
Hyphe de type sexuel -
Noyaux des hyphesSpore +
Spore -
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3 L’étonnante odyssée d’une spore
Pour se reproduire, les champignons produisent en moyenne plusieurs
milliards de spores par fructification. Selon les grands groupes d’es-
pèces, elles sont éjectées dans l’air (Ascomycètes), se détachent simple-
ment de leur support (Basidiomycètes) pour être ensuite transportées de
diverses manières ou se déplacent en nageant comme des spermatozoïdes
(Chytridiomycètes). Ainsi, commencent leurs longs voyages périlleux, avec
pour mission de « planter le drapeau de leur espèce » sur de nouveaux terri-
toires, un exploit que ne réaliseront que quelques spores sur des milliards.
Pour relever ce défi, les champignons comptent avant tout sur le
nombre, mais la spore possède aussi plusieurs atouts. D’un côté, sa peti-
tesse l’aide à voyager entre les poils des animaux ou des insectes et son
faible poids lui permet de flotter librement dans l’air et d’ainsi parcourir
de très grandes distances. De l’autre, sa robustesse lui permet de sortir
indemne d’un passage dans la haute atmosphère, d’une longue période
de gel ou, dans certains cas, d’une traversée dans le système digestif d’un
insecte et même d’un ruminant. Enfin, sa longévité de plusieurs années,
voire de quelques siècles, lui accorde plus de temps pour atteindre son but.
Les spores du Tricholome de Davis (Tricholoma davisiæ) gagnent à atteindre les racines de ses partenaires symbiotiques préférés : les pins matures.
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La spore doit cette longévité surtout à sa capacité d’entrer en dormance
lorsque des conditions extérieures l’exigent. Toutefois, la dormance de
presque toutes les spores sexuées se limite à une réduction de 50 % ou
moins de son métabolisme et s’interrompt facilement lorsque les condi-
tions redeviennent favorables, ce qui explique que les spores présentent
une espérance de vie moindre que les graines des plantes ou les spores
bactériennes.
Bien que la spore soit bien adaptée à un voyage au long cours, un danger
de mort la menace constamment, celui de germer au mauvais endroit et au
mauvais moment. En effet, l’ébauche de mycélium affamé qu’elle produit en
germant doit se trouver sur un substrat nutritif convenant à son espèce et
inoccupé par une autre espèce concurrente.
Au terme de son voyage, la spore privilégiée donnera naissance à un
nouveau mycélium primaire, lequel fusionnera éventuellement avec un autre
mycélium, et de cette union, surgiront de nouvelles fructifications… renou-
velant l’aventure.
Les spores de la Pézize cupulée (Ascocoryne cylichnium) doivent atterrir sur du bois pourri de feuillus, de préférence du hêtre, pour former un nouveau mycélium.
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4 Le gravitropisme fongique
Les champignons qui comptent sur la gravité pour répandre leurs spores
ont tout avantage à présenter leur surface fertile, formée le plus souvent de
lames, de tubes ou d’aiguillons, vers le sol. Cette disposition permet aux
spores de s’échapper librement de la fructification et de tomber vers le sol,
profitant parfois d’une petite brise qui leur assure une meilleure dispersion.
La forme la plus efficace en ce sens, et aussi la plus répandue, est celle du
parasol, sous lequel les spores mûrissent bien à l’abri.
Pour maintenir la partie supérieure de ces « parasols » à l’horizontale,
le pied doit tendre à se maintenir le plus droit possible. Lorsque la fructifi-
cation s’amorce sur un sol plat, le pied croît simplement vers le haut, mais
si la fructification débute sur le côté d’une souche, sous une bûche ou sur
les racines d’un chablis, le pied tend à corriger l’orientation de sa croissance
en se courbant progressivement sous l’effet de la gravité. Une expérience
réalisée par le Spacelab D2 montre que ce mouvement de croissance devient
Bolet à pied orné (Boletus ornatipes)
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chaotique en microgravité (quasi absence de gravité). Le mécanisme gravi-
tropique demeure mystérieux, mais des expériences indiquent que des com-
posantes du « squelette » cellulaire, en particulier les microfilaments d’actine
(une protéine), semblent y jouer un rôle crucial en agissant sur la direction
de l’élongation des cellules.
Dans les cas extrêmes, comme la fructification de ce Bolet à pied orné
qui débute sa croissance à l’envers sous un chablis, le pied peut effectuer
un demi-tour complet sur une période de quelques jours. Aussi, le phéno-
mène du gravitropisme appliqué à certains polypores, dits pérennes, peut
s’échelonner sur plusieurs années et donner des résultats surprenants.
Cette photo d’amadouvier montre deux fructifications amorcées alors que
l’arbre se tenait encore debout, puis se contorsionnant graduellement après
sa chute. Leurs lignes de croissance changeant graduellement d’orientation
(après environ six ans pour le spécimen de droite) en témoignent.
Amadouvier (Fomes fomentarius)
lignes de croissance
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5 La mycologie, science des champignons
L’étude scientifique des champignons porte le nom de mycologie, un terme
qui apparut vers la fin du 18e siècle devant la nécessité de plus en plus évi-
dente de distinguer l’étude des champignons de celle des plantes. Au même
titre que la botanique et la zoologie, la mycologie devint ainsi une discipline
à part entière de la biologie, avec sa propre démarche et ses sujets d’étude
spécifiques. En effet, à la différence des botanistes et des zoologues, qui
basent la classification des plantes et des animaux sur l’ensemble de leurs
caractéristiques, les mycologues se concentrent principalement sur l’appa-
reil reproducteur des champignons (sporocarpe) pour atteindre le même
but : dresser l’histoire évolutive des vivants (phylogénie). En plus de ce travail
titanesque, la mycologie se penche sur l’anatomie, la physiologie, la nutri-
tion, la composition biochimique, le cycle de vie, le mode de vie, les moyens
de propagation et l’habitat de chacune des espèces qu’elle traite. De plus,
elle établit leur comestibilité, leur toxicité et leurs propriétés médicinales.
De nombreux scientifiques provenant de divers domaines gravitent
autour de la mycologie. Par exemple, la connaissance détaillée des agents
pathogènes fongiques éclaire la lanterne des chercheurs sur les maladies
des plantes (phytopathologistes). Aussi, la compréhension du mécanisme
de la symbiose entre les plantes et les champignons (mycorhize) intéresse
les écologistes, qui y voient entre autres un moyen pour enrayer l’érosion
des sols, et les agronomes, qui les utilisent comme biofertilisants. Aussi,
l’analyse biochimique suscite l’intérêt des pharmacologues, comme ce fut le
cas d’Alexander Fleming, qui isola la pénicilline d’un champignon du genre
Penicillium.
Depuis quelques décennies, la mycologie connaît une popularité crois-
sante. Malgré cela, son développement se voit ralenti par la nature même de
ses sujets d’étude : les sporocarpes. En effet, ceux-ci demeurent soumis aux
fluctuations météorologiques et ne se manifestent, pour certaines espèces
qu’une fois tous les dix ans ou même plus rarement.
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Tricholome à grand voile ou White Matsutake (Tricholoma magnivelare [Peck] Redhead)
Exemple d’un sujet d’étude mycologique :
description sommairechapeau : 6 à 20 cm, globuleux, convexe puis étalé, à marge enroulée au début, blanc ou brunâtre pâle.
lames : adnées ou adnexées, très serrées, blanchâtres, brunâtres avec l’âge ou au froissement.
pied : 5-15 x 2-4 cm, plein, robuste, égal ou atténué vers la base, engainé d’une armille blanche ou brunâtre, s’évasant vers le haut en un anneau membraneux.
chair : ferme, à odeur aromatique ou épicée, à saveur indistincte.
spores : blanches, lisses, ellipsoïdes, 6-7 x 4-6 µm.
habitat : surtout en région nordique, sous les conifères âgés.
classification : Fungi, Basidiomycota, Agaricomycotina, Agaricomycetes, Agaricomyce-tidae, Agaricales, Tricholomataceae, Tricholoma.
mode de vie : symbiotique avec divers conifères.
période de fructification : août à octobre.
comestibilité : excellent, recherché et commercialisé.
propriétés médicinales : inhibition de croissance de tumeur primaire et métas-tatique (alpha-glucane) et autres substances aux propriétés anticancéreuses et antioxydantes.
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6 Les champignons à travers l’histoire
préhistoire L’homme primitif acquiert une connaissance expérimentale des champi-gnons, transmise oralement de génération en génération. Il utilise l’amadou (chair d’un polypore) pour faire du feu, des champignons hallucinogènes pour les rites religieux et d’autres espèces pour se soigner.
antiquité Les Grecs et les Romains considèrent les champignons comme des végé-taux insolites n’ayant ni tige, ni feuilles, ni fleurs, ni racines et expliquent leurs appa-ritions imprévisibles par la génération spontanée. Ils en consomment déjà plusieurs espèces.
1601 Jules Charles de l’Écluse publie Rariorum plantarum historia, le premier livre de botanique contenant une section illustrée sur les champignons (Fungorum pannoniis observatorum). Il y présente 86 dessins et 105 descriptions.
1665 Robert Hooke produit le premier dessin d’une structure fongique, à partir de l’observation microscopique d’une moisissure sur un bouchon de liège.
1729 Pier Antonio Micheli démontre le rôle des spores dans la reproduction des champignons et présente les premières observations d’asques et de basides (cellules reproductives), qui sont encore aujourd’hui à la base de la classification des champi-gnons, ce qui lui vaut le titre de père de la mycologie moderne.
1735-1758 Dans les dix premières éditions de son Systema naturæ, Carl von Linné systé-matise la nomenclature binominale : « chaque espèce vivante est désormais nommée par un binôme unique en latin composé d’un genre et d’une épithète. En 1753, dans Species plantarum, il utilise sa méthode pour décrire et nommer 86 espèces de champignons. »
1771-1864 Le processus de photosynthèse des végétaux est mis en lumière par de nombreux chimistes. Ainsi, les champignons se distinguent pour la première fois des plantes par leur mode de nutrition (autotrophie versus hétérotrophie).
Coprin micacé (XVI) tel qu’illustré par Clusius en 1601
15
1775 Jean-Jacques Paulet propose pour la première fois le terme « mycologie », plutôt que « fungologie », pour désigner l’étude des champignons.
1801 Christian Hendrik Persoon introduit la notion d’hyménophore (support de la partie fertile du champignon) comme critère fondamental de classification.
1805 Johann Baptista von Albertini et Lewis David von Schweinitz proposent la cou-leur des spores en tas (sporée) comme critère de distinction de base, un caractère important pour les familles et genres de champignons à lames.
1811 François Henri Braconnot découvre la chitine dans la paroi cellulaire d’un champignon. La chitine est aux champignons, ce que la lignine et la cellulose sont aux plantes.
1821 Elias Magnus Fries établit une nouvelle classification basée sur une analyse com-plexe de l’anatomie des fructifications.
1856 Claude Bernard isole le glycogène, substance de réserve pour les animaux et les champignons, équivalent de l’amidon chez les végétaux.
1885 Albert Bernhard Frank étudie la relation symbiotique entre les champignons et les plantes et lui donne le nom de « mycorhize ».
1969 Robert Harding Whittaker propose pour la première fois de classer les vivants en cinq règnes, dont celui des Fungi, réservé aux champignons.
1971 Geoffrey Clough Ainsworth sépare les champignons vrais (Eumycota) des Myxomycètes (aujourd’hui classifiés avec les protozoaires).
Depuis les années 1990, la classification des champignons connaît des bouleverse-ments majeurs en raison des études phylogénétiques, une approche initiée par Willi Hennig au début des années 1950.
Coprin micacé (Coprinellus micaceus) en 2010
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7 En langue fongique
Comme dans tous les domaines de spécialisation, la mycologie utilise
un vocabulaire qui lui est propre. Certains glossaires contiennent plus de
700 termes, lesquels sont le plus souvent des variations de sens de mots
déjà établis. Une visite guidée au royaume des champignons, longtemps
appelés Mycètes, puis plus récemment Eumycètes, permet de découvrir les
principaux vocables de la « langue fongique ».
Le préfixe myco-, signifiant « champignon » en grec ancien, sert à toutes
les sauces. Pour les personnes qui gravitent autour des champignons, il y
a les mycologues qui les étudient, les mycophages qui les mangent et les
mycophiles qui les adulent. Pour les environnementalistes qui utilisent les
champignons, la mycoremédiation représente une technique d’épuration
faisant appel aux agents fongiques pour éliminer des polluants, et la myco-
sylviculture constitue un ensemble de pratiques visant à améliorer la vita-
lité de la forêt en favorisant la mycorhize, symbiose entre les plantes et les
champignons. Échappant à cette tendance, les cultivateurs de champignons
se nomment simplement champignonniste.
Apothécies de pézizes
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La diversité fongique, autrefois appelée « flore des champignons »,
se nomme désormais la fonge. Du côté anatomique, les filaments tubu-
laires de base des champignons se nomment hyphes et, lorsque celles-ci
se multiplient, elles deviennent le mycélium, soit la partie « végétative »
du champignon. Tôt ou tard, ce dernier génère des pseudo-tissus, appelés
plectenchymes. Parmi ceux-ci se trouvent les sclérotes, qui permettent aux
champignons de résister aux rigueurs de l’hiver ; les rhizomorphes, avec les-
quels les champignons peuvent atteindre de nouvelles sources de nourri-
ture ; et les primordiums, permettant d’amorcer une fructification, elle-même
nommée sporocarpe. Celui-ci peut prendre diverses formes : en parasol,
en coupe, en console ou autres. Le parasol, la forme la plus répandue,
entame souvent sa croissance à l’intérieur d’un voile, qui laisse parfois un
sac, appelé volve, à la base du pied. La coupe, nommée apothécie chez les
Ascomycètes et les lichens, compte également parmi les formes les plus
communes. La partie fertile de la fructification se nomme hyménophore,
et sa surface, hyménium. Sur celle-ci émergent les cellules reproductrices,
appelées asques, qui prennent la forme de tubes « lance-spores » ou de
petites massues porteuses de spores, les basides. Il arrive que les spores
soient asexuées, il s’agit alors de conidies. Pour déterminer la couleur des
spores, le mycologue dépose la fructification sur un support et en obtient
une poudre : la sporée.
Sporocarpe d’un bolet Volve d’une volvaire
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8 Les associations mycologiques
À travers le monde, les mycologues et les passionnés de champignons se
regroupent dans diverses organisations mycologiques pour recevoir une
formation adaptée à leurs besoins, approfondir leurs connaissances sur le
terrain, établir des contacts, participer à des projets scientifiques et même
politiques (protection de la diversité fongique et préservation des milieux
naturels), confirmer la détermination des spécimens de leur récolte, s’as-
surer d’un encadrement sécuritaire quant à la comestibilité des espèces ou
simplement pour partager leur ferveur avec des amis de la nature enthou-
siastes. Presque toutes ces sociétés sont à but non lucratif et comptent en
grande partie sur l’adhésion de membres et sur leur bénévolat pour concré-
tiser leurs projets et fournir leurs services.
Selon leur nature, les associations mycologiques choisissent des orien-
tations répondant à leurs objectifs et à leurs priorités, lesquelles peuvent se
révéler différentes d’une société à l’autre. Par exemple, certaines sociétés
se consacrent préférablement à l’étude scientifique des champignons,
d’autres privilégient la vulgarisation et l’encadrement de leurs membres
Inocybe (Inocybe sp.)
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inexpérimentés et enfin les associations commerciales visent l’exploitation
des ressources fongiques à des fins lucratives. Dans les organismes voués
à l’étude et à l’éducation, se côtoient des mycologues, des consomma-
teurs de champignons sauvages (mycophages) et des amants de la nature.
L’engouement pour l’univers fascinant des champignons (mycophilie)
constitue leur dénominateur commun.
L’excursion guidée en forêt suivie d’un exposé sur la récolte par un
mycologue expérimenté représente l’activité la plus courue dans les clubs
de mycologie. Elle permet à elle seule de répondre à de nombreuses
attentes des membres : exploration de l’écologie des champignons, interac-
tion facilitée entre mycologues et novices, passage de la théorie à la pra-
tique et socialisation. Lors de l’exposé sur la récolte, les questions fusent
et touchent en particulier la détermination, l’écologie, l’anatomie et bien
sûr la comestibilité. Pour les mycologues les plus avancés, l’intérêt se
porte surtout sur les espèces rares et les cas difficiles, comme les inocybes.
Cependant, la légitime question « Ça se manges-tu ? » revient régulièrement,
malgré le tabou imposé par certains, surtout en présence d’un champignon
aussi appétissant que le Lactaire saumon.
Lactaire saumon (Lactarius thyinos)
Table des matières
1 Qu’est-ce qu’un champignon ?
2 Le cycle de vie
3 L’étonnante odyssée d’une spore
4 Le gravitropisme fongique
5 La mycologie, science des champignons
6 Les champignons à travers l’histoire
7 En langue fongique
8 Les associations mycologiques
9 Les insaisissables d’un règne parallèle
10 Qui se ressemble s’assemble… ou pas
11 Les PCB
12 La couleur révélatrice des spores
13 L’arsenal chimique du mycologue
14 Plus grand qu’une montagne et trois fois l’âge de Mathusalem
15 Le mycélium, un intestin à l’envers
16 Les défis architecturaux
17 La dispersion des spores
18 Le parasol
19 Dévoilement
20 Pousser ou ne pas pousser, telle est la question
21 Lueurs dans la nuit
22 Fragrances et pestilences
23 Il était une fois, dans les océans…
24 Les lichens
25 Dinosaures des champignons ou sac à nœuds ?
26 Une myriade d’espèces
27 De nouvelles espèces
28 Les pinsons de Darwin, les pois de Mendel et les champignons de Hijri et Sanders
29 Au fil des saisons
30 Vivre en symbiose par les racines
31 Les arbres à champignons
32 La dégradation du bois : une lente succession fongique
33 Insectes mycophages et champignons insectivores
34 Oyez, oyez ! Les animaux, le buffet est servi !
35 Un ménage à trois très spécial
36 Corps-à-corps
37 Des champignons sauvages au menu, oui, mais…
38 Comestibilité conditionnelle
39 Apport nutritif
40 Les truffes, diamants de la cuisine
41 Les syndromes de la morille
42 Le djon djon énigmatique d’Haïti
43 Anges de la mort
44 Des champignons qui font suer, saliver et même pleurer
45 Des humains, des mouches et des amanites
46 La cueillette des champignons sauvages
47 Collectionner les champignons
48 La photo de champignon en nature
49 Commercialisation des champignons sauvages
50 L’homme d’Ötzi, l’amadou et le Polypore du bouleau
51 Le Calice de la mort comme arme du crime
52 Des champignons à la rescousse de la médecine
53 De la nature sauvage à la culture
54 Perception orientale
55 La recette du bonheur éternel
56 Des robes couleur de champignons
57 Les champignons, champions de la décontamination
58 Assainissement de l’eau par mycofiltration
59 Freiner l’érosion, une mission souterraine pour les mycorhizes
60 Le champignon en vedette dans nos expressions