Laporte]_Gilles_Deleuze,_l'epreuve_du_temps(Bookos.org).pdf

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Une collection d'ouvrages qui se propose d'accueillir des travauxoriginaux sans exclusive d'écoles ou de thématiques.Il s'agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexionsqu'elles soient le fait de philosophes "professionnels" ou non. On n'yconfondra donc pas la philosophie avec une discipline académique;elle est réputée être le fait de tous ceux qu'habite la passion de penser,qu'ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des scienceshumaines, sociales ou naturelles, ou ... polisseurs de verres de lunettesastronomiques.

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Yann Laporte

Gilles Deleuze,l'épreuve du temps

Jean-Marc GABAUDE, La philosophie de la culture grecque,2005.Jean-Marc GABAUDE, Pour la philosophie grecque, 2005.Agnès CASSAGNE, Une idée d'un « système de la liberté» :Fichte et Schelling, 2005.V. M. TIRADO SAN JUAN, Husserl et Zubiri. Six études pourune controverse, 2005.Xavier ZUBIRI, L 'homme et Dieu, 2005.Xavier ZUBIRI, L'intelligence sentante - Intelligence et réalité,2005.Ariane BILHERAN, La Maladie, critère des valeurs chezNietzsche, 2005.Florence BERNARD DE COURVILLE, Nietzsche etl'expérience cinématographique. Le savoir désavoué, 2005,"Thomas ROUSSOT, Marc-Aurèle et l'empire romain, 2005.Michel FATTAL (sous la dir.), La philosophie de Platon. Tome2,2005.Marina GRZINIC, Une fiction reconstruite, 2005.Arno MÜNSTER, Sartre et la praxis, 2005.Dominique LÉVY-EISENBERG, La pensée des moyens, 2005.Joseph JUSZEZAK, Invitation à la philosophie, 2005.Franck ROBERT, Phénoménologie et ontologie. Merleau-Pontylecteur de Husserl et Heidegger, 2005.

L'Harmattan5-7,roe de l'École­

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© L'Harmattan, 2005ISBN: 2-7475-8428-3EAN : 9782747584289

A la mémoire de Nathalie Vanbremeersch

Je remercie Dominique Château, Bruno Péqllignot, Agnès Lontrade

Merci également à Philippe Balas, Michel Calbris, CaroleSalldejalld, et Marion Millet

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Introduction

« { .. .j, il faut premièrement ne rien croire, etainsi naviguer sur le problème par ses seulesforces, se trouver perdu et abandonné comme futtoujours l 'homme qui refuse le mensonge pieux,se reconnaître trompé absolument par lesapparences, et se sauver, ( .. .]. »

Alain, « Le courage de l'esprit ».

« ( .. .j il faut que, dans les choses mêmes, soitfondé le mouvement qui les dénature, il faut queles choses commencent par se perdre pour quenous finissions par les perdre, il faut qu'un oublisoit fondé dans l'être. »

Gilles Deleuze, « Bergson 1859-1941».

Se perdre. Et se sauver? Car il s'agira bien decela: s'enfoncer dans l'entreprise du temps traversantl'ensemble de l' œuvre de Gilles Deleuze, machinepolymorphe d'un temps multidimensionnel ne se laissantpas appréhender sans s'engager sur le chemin incertain detous ses sentiers qui bifurquent dans l'abyssal écheveautemporel, afin d'apercevoir si toute appréhension nousreconduit à la perte de son investigation ou permet le saluttant attendu. Mais l'exercice ne peut se mener sansrencontrer des points de résistances, aux risques desquelstoute perte s'engage comme une défaillance. Ainsi quel'écrit Jean-Clet Martin en préambule de son livreconsacré à Deleuze, «la philosophie de Deleuze ne seprête pas volontiers à l'exercice du commentaire. (... ] lesmultiplicités qu'elle effeuille de livre en livre ne selaissent pas interpréter de façon généalogique ou

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structurale. C'est que leur contour est indéfininlentvariable, [... ]. En fait, chaque multiplicité désigne le lieud'une pragmatique singulière où se heurtent et seconlpénètrent des sémiotiques complexes suivant en effetde fondu [... ] : la puissance du faux »'. Ce qui dès lorspeut apparaître conll11e une première difficulté est dejustifier la tentative de toute investigation philosophique àl'encontre de la lettre du texte à interroger. Si cet exercicedu cOlllnlentaire ne se laisse effectivelllent pas aisénlentconduire, c'est qu'il obéit d'emblée à une logique desurenchère de l'interprétation, ne lassant pas d'inaugurerglose sur glose. Ne risquons-nous pas alors d'emprunter lechen1În d'une sorte d'entre-glose, pratique qui instammentviendrait condanlner tout objet visé? Conlnlent s'en sortir,si le but consiste bien de sortir, de l'histoire et de sonhistoricisation, tenter d'en passer par un dehors permettantde faire jouer l' «Anti-logos »2 deleuzien aveq lui-même,et par là le systèllle sur lui-même de manière proprementdeleuzielme, au sens de ses fameux "enfàntelllentsdorsaux". Mais ne lui faire dire évidemnlent que ce qu'il adit, le nlonstre arrivant simplement par la porte du sens etdu mouvelllent désaxé, celui que Deleuze inflige à sesauteurs comme à son écriture et à sa pensée, pour parvenirpeut-être à saisir la limite du sens qu'il nous impose, etréussir à accorder une vision à l'inextricable montagetemporel et langagier qui résiste; limites dans lesquellesnous devrons nécessairement nous fondre un moment,pour peut-être mieux nous sauver ou nous perdre,mouvement insolite et risqué tant temps et sens demeurent

, Jean-Clet Martin, Variations - La philosophie de Gilles Deleuze,Paris, Ed. Payot, 1993, p. II.2 Gérard Kaleka, « Un Hegel philosophiquement barbu », in L'Arc,n049, Cavaillon, 1972, p. 40.

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Introduction

irrémédiablement liés. À l'image du mot de Claudel, « letemps est le sens de la vie »3.

Traçant les voies divergentes et multiples de touteinterprétation possible, nous retiendrons particulièrementcelle consistant en la visée de cette puissance du faux quirévèle l'indéfectible lien qu'occupe le temps avec sapotentialisation dans l'économie du système deleuzien,suivant de facto les pérégrinations de Borges quiconfessait lui-même « s'être diverti à falsifier »4. Deleuzeou le grand falsificateur? C'est prendre le risque de tracerà notre tour les contours de ce fameux labyrintheS queDeleuze entame, et de pouvoir s'y perdre. C'est donc aurisque du temps, au jeu de son envolée en systèmed'immanence que s'énonce peut-être l'endroit d'unelecture du système philosophique de Deleuze, à tout lemoins assurément ce par quoi toute perte est effective. Pasencore de défaillance, mais le frisson de l'abandonnécessitant de laisser là toute autre assurance que celle dene pas s'y retrouver, encore. Comme on perd l'équilibreon défaille, s'offrir une défaillance et souligner lespossibles défaillances d'un jeu de concepts comme autantde lignes de fuites, mesurer les percolations traversant lagéologie souterraine du système deleuzien, surfacesparcourues nous le verrons par les indices d'un styletemporel ne diffusant peut-être en définitive qu'un doutese retournant éternellement sur son auteur, dans la doublehélicoïde d'un temps fait style.

l Paul Claudel, Art poétique, Paris, Gallimard, 1984 (1 ère éd., 1907),

rc~:é in Cahiers de L'Herne - Jorge Luis Borges, 1981, p. 3.~ Rappelant en cela le labyrinthe du Chemin aux sentiers quih([urquent, in Jorge Luis Borges, Fictions, Paris, Gallimard, 1983 (1 ère

éd., 1957) auquel Deleuze ne cesse de se référer.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

Interrogeant la nature de ce temps qui fait défaut, àl'observatoire des « copeaux philosophiques» que laisseretomber le « philosophe menuisier»6 au rabot de sapensée, et dont la possibilité de se consumer se réserveracomme énigme de ce texte, il nous a senlblé intéressant deprocéder en trois étapes distinctes, quoiqu'indiscernablesdirait déjà Deleuze en sa singulière version del'itnperceptible rupture. Prelnièrement, dégager lesconditions d'explicitations de la fondation d'un tempsnonlnlé "pur", architectonique multistructurale aussi bienque lnouvante au sein de laquelle nous nous demanderonssi l' alnpleur de cette tenlporalité n'essuie pas d' elnblée lesincontournables écueils d'une mathématique inlprobable,présentation spectrale du temps deleuzien conditionnantun surnuméraire en échec. Deuxiènlenlent, retrouver latrace de l' affolenlent du temps dans l'histoire de la pensée,et que le seuil de ce décentrelnent, s'il est comlne le pointcontrapuntique du débordement des identités redéfinissantainsi le point d'achoppement de toute ontologie, tournepeut-être autour de la porte du Même pour se re-décalquer,lnêlne s'il est aussi l'endroit d'un affranchissenlent et leseuil de toute véritable expérimentation. Enfin, aboutir auterme de ce questionnement à poser les jalons desvéritables claudications du systènle de la temporalitédeleuzienne dans les formes du cristal de temps, del'éternel retour et des puissances du faux impulsantdéfinitivement les failles d'un montage du temps qui nepulse peut-être plus que dans les séries qu'il redonde,l'avènement d'un échec se clouant à la porte du sens qu'il

6 C'est ainsi que Deleuze définit le philosophe, insistant surl'importance de ne plus rester emprisonné dans la distinction théorie­pratique, in « Le philosophe menuisier », Libération, Lundi 03 octobre1983, p. 31.

12

Introduction

emprunte, le dévoilenlent dissipé des contours d'unelangue refuge à l'ombre d'un style indirect libre.

Bref, comment relever ce qui ressortirait d'unetemporalité deleuzienne ? Recouvre-t-elle un sensunivoque malgré ses nombreux aspects? La disparitétenlporelle permet-elle au système d'exister en tant que telou travaille-t-elle a contrario à ruiner une telle existence?Et comment la philosophie deleuzienne, dans laconfrontation de ces résonances, résiste-t-elle elle-même àl'épreuve de la temporalité?

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Première partie

Une présentation du temps chez Deleuze.

« Si bien que, à chaque moment,tout tend à s'étaler dans uncontinuum instantané, indéfinimentdivisible, qui ne se prolongera pasdans l'autre instant, mais quimourra pour renaître à l'instantsuivant, dans un clignement ou unfrisson toujours recommencé. »

Gilles Deleuze, Le bergsonisme,Paris, Ed. P.U.F, 1997 (1 ere éd.,1966), p. 89.

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Il faut relever en premier lieu que le tempss'affirme comme un des centres du système deleuzien.Centre ne se laissant tout d'abord pas envisager comme telmais fuyant sous l'égide de toute différenciation, pas plusqu'il n'est reconduit à l'idée d'un milieu n'offrant aucuneprise en marquant un début ou une fin. Partout le tempsjoue un jeu en son milieu, de l'œuvre, du problème, detout objet ou sujet qu'il soit, tant à la levée de son énigmecomme l'insistance de ce qui résiste. Comment dès lorsune distinction peut-elle survenir à l'aune de lamultiplicité de ses révélations? En effet, chaque couchect' un temps en enveloppe une autre et vient la recouvrir àun point d'indistinction, à la lisière d'un recouvrementsémantique dont la frontière reste floue. Il semblenéanmoins difficile de "débuter" ailleurs que ce queDeleuze nomme lui-même "l'œuvre souche", Différence etrépétition7

• Œuvre par laquelle l'ensemble du systèmedeleuzien va se déployer, précisément en son milieu.Passé, présent et futur, constituent donc tour à tour lapointe mobile de l'entrée possible en conjugaisontemporelle, bien que s'effectuant à des degrés divers dereprise, différence et répétition, soumission et contraction.Ensemble, ils assurent que le temps est, et qu'en tant quetcl l'Être s'affirme, chacun les contenant tous selon unrapport propre repoussant son existence à dissipation del'autre. Mais l'exclusion n'est peut-être pas en dernier lieula seule forme d'autorité convenant à toute saisie dutemps, du moins à l'affirmation ultime de sa cohésion

7 Gilles Deleuze, Différence et répétition, Paris, Ed. P.U.F, 1996 (l ère

éd., 1968).

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

interne. C'est ainsi qu'à chaque degré des différentessynthèses du temps, les deux autres dimensions,coextensives, ne se cantonnent pas à la marge sans y jouerun rôle d'appel, où l'on comprend que c'est dans lescoulisses que tout théâtre s'effectue aussi.

Ainsi se distinguent trois répétitions différentiellesdu temps, dont la première concerne le présent. C'est larépétition du "présent vivant". Celle-ci est dite du "vivant"car, conçue conllue synthèse originaire passive, elleeffectue à la pointe du présent la captation des instantsdans leurs successions, les contractant les uns dans lesautres. Ni luémoire, ni opération de l'entendeluent, «lacontraction 11'est pas une réflexion »8. Pour autant, elleforme une synthèse du temps car une «successiond'instants ne fait pas le temps, elle le défait aussi bien;elle en marque seulement le point de naissance toujoursavorté »9 ; à la reconduite de cet avortement, passé et futursont contenus dans cette première synthèse du présent.Dans la contraction, tout le passé est retenu commesonlme des rétentions, et l'anticipation effectuant que lacontraction se poursuive contient dans l'attente, tout lefutur. Passé et futur ne constituent ainsi pas des instantsautres que celui que le présent constitue, mais plutôt lesdimensions corrélatives au présent vécu. « Le présent n'apas à sortir de soi pour aller du passé au futur. Le présentvivant va donc du passé au futur qu'il constitue dans letemps, c'est-à-dire aussi bien du particulier au général, desparticuliers qu'il enveloppe dans la contraction, au généralqu'il développe dans le champ de son attente »10. Aussi,toute constituante qu'elle soit, cette synthèse ne peut être

8 Ibid., p. 97.9 Ibid.10 Ibid.

18

Trois synthèses du temps

qualifiée autrement que passive car elle n'est pas faite«par l'esprit, mais se fait dans l'esprit qui contemple,précédant toute mémoire et toute réflexion »11. À la pointede tout horizon perceptif, la première synthèse oriente latlèche du temps et recueille dans l'ombre de sacontraction, et le passé et le futur, mais dans la fibrillationincorporelle de leurs dimensions, avant touteprédominance d'une dimension sur l'autre. En cela, leprésent détermine pour Deleuze la synthèse de lafondation du temps, l'effleurement de sa peau puisquecomme contraction il rejoint le vécu de tout être conçucomme matière sensible et réceptive, double mouvementse déclinant sous le signe du plotinisme et se mêlant à soninspiration humienne, faisant que «dans l'ordre de lapassivité constituante, les synthèses perceptives renvoientà des synthèses organiques, comme la sensibilité des sensà une sensibilité primaire que nous sommes. Nous sommesde l'eau, de la terre, de la lumière et de l'air contractés,non seulement avant de les reconnaître ou de lesreprésenter, mais avant de les sentir. Tout organisme est,dans ses éléments réceptifs et perceptifs, mais aussi dansses viscères, une somme de contractions, de rétentions etd'attentes. Au niveau de cette synthèse vitale primaire, leprésent vécu constitue déjà dans le temps un passé et unfutur »12. De quoi s'agit-il, en cette somme de contractions,rétentions et attentes, définissant la pure sensibilité quenous sommes? À l'invective de Hume, Deleuze dit: de/ 'habitude. Néanmoins, tout habitus déjà découvert icicomme phénomène de répétition annonce avec lui"quelque chose de nouveau": que la différence s'yaccomplisse. «Nous ne disons "moi" que par ces mille

11 Ibid.12 Ibid., p. 100.

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témoins qui contemplent en nous; c'est toujours un tiersqui dit moi. 13» Mais la première synthèse temporelleconstituant le présent, envisagée comme fondation dutelnps, scelle avec elle l'hnpossibilité de toute constitutiondu temps relativement à son passage. Car celle-ci demeureintratelnporelle. C'est-à-dire que pour tout présent passant,il faut concevoir l'idée d'un perpétuel présent, or « il n'y apas de possibilité physique d'un tel présent »14. Dès lors,ce présent est épuisé. Passé et futur clanlent déjà larevendication de surmonter la fatalité les confinant à nerester que deux moments nouvellement avortés et pré­assignés dans un rôle dévolu au présent. Puisque pourl'instant, au seuil de cette première répétition, cependantque tous deux en sont des dinlensions, ils n'existent querapportés à celui-ci. Aussi est-ce à l'invite d'une évocationdu stoïcisme que Deleuze expurge cette auto-conservation,en affinant toute la portée et en rappelant précisélnent sagrandeur: «avoir montré que tout signe était signe d'unprésent du point de vue de la synthèse passive où passé etfutur ne sont précisélnent que des dinlensions du présentlui-mêlne: la cicatrice est le signe non pas d'une blessurepassée, mais du fait présent d'avoir eu une blessure »15.

Sous le signe de la blessure énlerge ainsi le rappel dutenlps et son appel dans le présent. À l'arrière-scène duthéâtre philosophique résonnent avec force les coups dutenlps qui œuvrent à déstabiliser la représentation dusilnple présent, affirmant à leur tour la volonté de seprésenter conlme garants du temps. Car en effet, le présentcomnle fondation s'essouffle à récuser son paradoxe, quiest de «constituer le temps, mais passer dans ce temps

13 Ibid., p. 103.14 Ibid., p. 105.15 Ibid., p. 106.

20

Trois synthèses du temps

constitué »16. Or le présent, passant, ne peut rendre compteJe son propre passage, et reste pris dans un tourmentl'empêchant de se donner lui-même. Il faut un autretClnps, une autre synthèse dans laquelle puisse s'opérer lapremière qui ne peut que se défausser de toute prétention àrevendiquer le passage du temps et sa fondation. Il faut unautre signe au-delà de toute cicatrice.

C'est tout le rôle réservé à la deuxième synthèse dutemps, dite du "passé pur", à laquelle il incombe d'assurerle fondement du temps. En effet, toute fondation quepuisse constituer le présent de l'habitude, elle n'endemeure pas moins ancrée dans un sol se constituantauquel, dit Deleuze, il manque le ciel. Ce en quoi il fautdistinguer la fondation et le fondement. Aussi, tant soit laprétention du présent à passer, tant ce qui fait passer leprésent et tend à déterminer son passage, puisqu'il ne peutpasser et s'autodéterminer, « doit être déterminé commefondement du temps » et « le fondement du temps, c'est laMémoire »17. Entre la terre et le ciel, une alliance secrèteles unit dans le passage de l'un à l'autre, constituant undouble mouvement de fondation et de fondement.Cependant, la mémoire se fonde elle-même sur l'habitude.Comment fonde-t-elle alors ce sur quoi elle se fonde? Enfait, au moment même où elle se fonde sur l'habitude, elledoit se fonder une fois encore sur une autre synthèsedistincte de l'habitude: «Habitus et Mnémosyne, oul'alliance du ciel et de la terre. L'habitude est la synthèseoriginaire du temps, qui constitue la vie du présent quipasse; la mémoire est la synthèse fondamentale du temps,qui constitue l'être du passé (ce qui fait passer le présent).On dirait d'abord que le passé se trouve coincé entre deux

16 Ibid., p. 108.17 Ibid.

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présents: celui qu'il a été, et celui par rapport auquel il estpassé. Le passé n'est pas l'ancien présent lui-même, maisl'élément dans lequel on vise celui-ci. (... ] Or l'ancienprésent n'est pas représenté dans l'actuel, sans que l'actuelne soit lui-mêlne représenté dans cette représentation. Ilappartient essentiellelnent à la représentation dereprésenter non seulelnent quelque chose, nlais sa proprereprésentativité »18. Cependant que le présent tend àpasser, la synthèse de la mémoire prend en charge ledouble aspect d'un principe représentatif: reproduirel'ancien présent et réfléchir l'actuel. Cette conjonction, àelle seule, joue un rôle très inlportant. Car si la prelnièresynthèse se pose au temps COlnme contraction de sesinstants, la seconde synthèse, réifiant l'habitude par lapercée de la ménloire, elnpile et constitue tout présentconlnle « emboitements des présents eux-nlênles »19.

Mais la question s'imposant à l'effectivité de cettedeuxiènle synthèse, qui semble garantir le présent alorsqu'elle s'affirme en passé, est la question de sa condition.Sonune toute, conlment "Mnémosyne" assure à "Habitus"qu'il passe, cependant qu'elle-même ne passe pas, aurisque de retomber dans le travers de la premièresynthèse? « C'est par l'élément pur du passé, commepassé en général, COlnme passé a priori, que tel ancienprésent se trouve reproductible, et que l'actuel présent seréfléchit. C'est en ce sens que la synthèse active de lamémoire a beau se fonder sur la synthèse passive(empirique) de l'habitude, en revanche elle ne peut êtrefondée que par une autre synthèse passive(transcendantale) propre à la mémoire20

• » Nous sommes

18 Ibid., p. 109.19 Ibid., p. 110.20 Ibid.

22

Trois synthèses du temps

là au centre d'une véritable mutation temporelle. C'estainsi d'empirique à transcendantale que passel'élaboration de la fondation au fondement du temps. Maispour saisir plus avant en quoi la synthèse du passé peut seposer au fondement du temps, ne s'érigeant qu'à unecondition transcendantale, et garantir l'en-soi du temps, ilfaut se replonger au cœur d'une lecture bergsonienne dutemps. En effet, ce que recouvre le passé "pur" ou "engénéral" s'éclaire à la compréhension des paradoxes dutemps mis en place par Bergson dans Matière et Mémoire,que Deleuze convoque afin d'explication de la nature dece passé pur. Il s'agit des paradoxes de la contemporanéitédu passé avec le présent qu'il a été, celui de la coexistencede tout le passé avec chaque nouveau présent, et celui dela préexistence du passé pur au présent qui passe.Premièrement, il n'est pas possible de concevoir que lepassé se constitue après que le présent ait été, sinonl'attente de tout passé qu'un présent fut reconduit àl'impasse que tout instant passe. Ni passé, ni présent,nécessitent que le passé soit contemporain du présent quiest en train de passer, c'est-à-dire que le présent soit passéen même temps que présent: c'est "la raison du présentqui passe". Il s'ensuit un second paradoxe consécutif etjuxtaposé au premier, celui de la coexistence. On s'enaperçoit, le passé ne peut pas passer par rapport au passé;il doit coexister avec le passé tout entier dans l'immensitéde sa dimension. Ce pourquoi il est dit virtuel. On ne peutpas dire de lui qu'il était. Il repousse sa représentativité àinsister dans l'éminence d'un présent ou d'un infinitif. Ilest et ne peut qu'être. Il est, dit Deleuze, « l'en-soi dutemps comme fondement dernier du passage. C'est en cesens qu'il forme un élément pur, général, a priori, de tout

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

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21 Ibid., p. 111.

24

Trois synthèses du temps

lllut~ la vie, mais à un niveau ou degré différent de celuidu précédent, tous les niveaux ou degrés coexistant et'''uffrant à notre choix, du fond d'un passé qui ne futl;lI11ais présent. » De telle sorte que ce que « nous disonsd'une vie, nous pouvons le dire de plusieurs vies. Chacunel'Iant un présent qui passe, une vie peut en reprendre uneilutre, à un autre niveau: comme si le philosophe et lepur~, le criminel et le saint jouaient le même passé, auxniv~aux différents d'un gigantesque cône. [... ] Chacunrhoisit sa hauteur ou son ton, peut-être ses paroles, maisl'air est bien le même, et sous toutes les paroles, un mêmeIra-la-la, sur tous les tons possibles et à toutes leshauteurs »22.

Comment ne pas se perdre dans les méandres desdimensions de tout le passé? De quelle manière affirmerle choix et la sélection d'une contraction du présent? Etconlment se sauver? Car entre ces deux répétitions, l'unematérielle, l'autre spirituelle, l'une "nue", l'autre "vêtue",la représentation ne passe pas. C'est-à-dire qu'elles seplacent d'emblée à un niveau sub-représentatif ne nouspermettant pas de se les représenter. Si tout le passé seconserve en soi, « comment le sauver pour nous? 23 », cepassé qui est comme «un ancien présent mythique »24.

Entre la ligne de partage et d' effectuation à la limite duprésent, entre l' habitude et la mémoire, le gouffre del'oubli engloutissant tout fondement et toute fondationsurgit comme vérité du temps. Ainsi, à tout hasard objectifcorrespond un chaos plus profond, pour que de touteprofondeur advienne à la surface l'irrépressible nouveautédans son essor créateur.

22 Ibid., pp. 113-114.23 Ibid., p. 115.24 Ibid., p. 119.

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Gilles Deleuze. l'épreuve du temps

C'est ici que point la nécessité du retour d'un futurinconditionné, cependant qu'il garantit le trouble de lacondition du passé, et de son conditionné au présent. Nifondation, non n10ins que fondement, une troisièn1esynthèse advient en s'affirmant bien plus con1me véritableprincipe d'effondrement, étant même He/fondementuniversel". Au tern1e échu de tout labyrinthe, à la porteclose d'une redondance des deux premières répétitionssurvient donc une ultime et dernière répétition venantcasser l'ordre de la survenance de tout grippaged'effectuation des deux premières synthèses. Affinnant unMoi dissous et un Je fêlé, la troisième synthèse comn1edifférence, répète la répétition: c'est l'éternel retour del'avenir, dont passé et présent ne sont plus à leur tour quedes dimensions, tandis que la représentation tend à seboucler. Mais dans cette dernière répétition, « le présentn'est plus qu'un acteur, un auteur, un agent destiné às'effacer; et le passé n'est plus qu'une condition opérantpar défaut. La synthèse du temps constitue ici un avenirqui affinne à la fois le caractère inconditionné du produitpar rapport à sa condition, l'indépendance de l'œuvre parrapport à son auteur ou acteur »25. Force et puissance dedétournement ou de trahison, l'éternel retour reprend,affirme, sélectionne, et paradoxalement, à la pointe detoute nouveauté, double toute actualisation en son ombredans la fantasmatique d'un simulacre, faisant ainsi quetout le nouveau ne se dise étrangement que du reproduit etdu simulé.

Si cette ultime répétition de l'éternel retourcontient peut-être avec elle toutes les clés de lecture de

25 Ibid., p. 125.

26

Trois synthèses du temps

l'énigme temporelle26, il n'est pourtant pas encore temps

de développer plus avant toutes les implications qu'ellerecèle cependant qu'elle participe d'emblée à touteavancée en perdition, sautant hors du temps pourl'affirmer au-dedans de lui-même, conjuguantl'intratemporel à l'extratemporel et reconduisant la scèneentre drame, tragédie et comédie. Forme pure et vide dutemps, en sa statique immuable, ne concourant plus qu'àl'insistance de défaire tout passé et présent, véritablepuissance de virtualité actualisante à la cime de toutesrépétitions, l'énigme et la réserve du temps sereconduisent à l' effectuation de tout improbable. Maisdans la scission apparaissant à l'évanescence de sonécriture, au côtoiement d'une contemporanéité de cettetriple synthétique différentielle et répétitionelle, apparaîtchez Deleuze l'écriture d'une autre temporalité faitedouble et voulant cerner l'infini, contemporaine deDflJérence et répétition, celle des deux temps de Logiquedu sens, Aiôn et Chronos.

26 Cette troisième synthèse, si importante, ne saurait en effet ne pasréapparaître sous d'autres formes, à d'autres instants, étant risquemême du temps.

27

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2. Deux temps, Aiôn et Chronos.

Un an après la parution de Différence et répétition(1968) parait Logique du sens (1969)27, Si le montagetemporel qui s'agence dans Différence et répétitiondistingue trois moments de la temporalité en troissynthèses distinctes, Deleuze, se situant ici à l'aune de laconception stoïcienne du temps, ne dégage plus que deuxordres différents du temps s'organisant dans une lectureduelle, le temps de Chronos et celui d'Aiôn: «Non pastrois dimensions successives, mais deux lecturessimultanées du présent. 28 » Si cette lecture est duelle, c'estque Chronos et Aiôn sont deux temps flirtant avec unelimite indiscernable, une frontière au bord de laquelle, s'ilsse distinguent, se confondent cependant, s'impliquant ets'excluant mutuellement, s'enveloppant et s'exprimantl'un l'autre sur la grande ligne de l'éternel présent. C'estd'ailleurs depuis cette dualité foncière que Deleuzereconnaît la grandeur de la pensée stoïcienne qui est, à sonsens, « de montrer à la fois la nécessité des deux lectureset leur exclusion réciproque »29 ; deux lectures du tempspour deux temps nécessaires, indiscernables mais distincts,se donnant et se repoussant à la fois et se côtoyant danscette exclusion articulée, Comment se déroule cette doublelecture autour de ces deux figures temporelles que sontChronos et Aiôn et qui assure leur nécessité interne?

27 Sur l'analyse de cette contemporanéité, cf. Michel Foucault,« Theatrum Philosophicum », in Critique, nO 282, novembre 1970,Paris, Minuit, pp. 885-908.28 Logique du sens, op. cit., p. 14. Pour éviter tout malentendu, onrappelle néanmoins que la triple synthèse du temps de Différence etrépétition agit de façon simultanée.29 Ibid., p. 77.

29

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

Quels sont ces temps qui tout en étant distincts delneurenttoutefois indiscernables?

Chronos, temps de l'incarnation des corps et deleurs causes dans le présent éternel est le ten1ps de leuraction en tant qu'effectuation. Ce en quoi le présent estqualifié sous Chronos d'être «en quelque n1anièrecorporel »30. En tant que présent et mesure de l'action descorps, ce tenlps est litnité. Mais en tant qu'il estcontraction en un seul et mêlne présent du passé et dufutur qu'il rasselnble dans une ronde des présents vivantset enlboîtés, il est infini parce que cyclique inaugurant parlà Inênle «un éternel retour physique comme retour duMêlne »31. Tout en étant pas illimité, Chronos, pour quiseul le présent existe et dont chaque présent vaste et épaishabite ses profondeurs, n'en est donc pas moins infini.

Et il y a un tout autre ten1ps surgissant contrel'ordre des profondeurs et excluant Chronos, l'Aiôn dessurtàces, pur infinitif, temps neutre et impassible. Nonplus des corps et non Inoins des causes, Aiôn est le tempsdes événements-effets lancés à la poursuite illin1itée d'unpassé et d'un futur esquivant le présent. Instant sansépaisseur et sans extension, Aiôn vient pervertir etsubvertir Chronos. En effet, alors que passé et futur serésorbent dans le présent variable de Chronos dont ilsdemeurent deux dimensions relatives, ils se déchaînentdésormais sous l'Aiôn à insister dans le présent en lesubdivisant à l'infini, et ce dans les deux sens à la fois(passé et futur), déroulant ainsi le cercle de Chronos enune pure ligne droite du temps.

Mais si l'Aiôn est illimité par le caractèreessentiellement illimité du passé et du futur qui le hantent,

30 Ibid., p. 190.31 Ibid., p. 78.

30

Deux temps, Aiôn et Chronos

il 11' est pas pour autant infini comme l'est Chronos, car ilIl~ revient jamais sur lui-même cependant qu'il estillfiniment subdivisible; il est «fini comme l'instant »32.1k plus, Deleuze fait concorder l'Aiôn à l'incorporelstoïcien, «entité non-existante »33, débarrassant ainsil' ~vénement des résidus corporels de la matière len:mplissant sous Chronos et dont il ne reste désormaisplus que des passifs. Fuyant le présent, l'événement desurface conquiert dans l'instant une véritable autonomie;« toujours déjà passé et éternellement encore à venir, Aiôn~st la vérité éternelle du temps; pure forme vide du temps,qui s'est libérée de son contenu corporel présent »34. AussiChronos, conjuguant le limité à l'infini, se fait écho danssa teneur des deux premières synthèses temporelles deD({férence et répétition. Partagé en effet entre un éternelprésent de la première répétition ne pouvant assurer sonpassage qui, enclin à la limite de son épaisseur, demeurenéanmoins voué à l'infini dans la contraction qu'il assumedes dimensions éternelles du passé et du futur, et relancé àl'ouverture d'une seconde synthèse contenant en soi toutle passé et assurant au présent qu'il passe dans unnécessaire se passer du présent. C'est toute la ligne"chronique" qui se déroule suivant le double schéma desrépétitions. Tandis qu'Aiôn, véritable garant d'un principed'effondrement du temps, fait advenir à la pointe de lasubdivision du présent qu'il vient scinder selon uneinstance paradoxale, l'émergence de la singularité commeeffet de surface qui fibrille sur les bords de la fêlure.Zébrant tous les devenirs et recelant les failles de toutes

12 Ibid., p. 194.33 Ibid., p. 13. Que Deleuze fait également coïncider avec ce qu'ilnomme « extra-être ».34 Ibid., p. 194.

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Chronos et Aiôn, irrémédiablenlent distincts,« dont l'un ne se compose que de présents ernboîtés, dontl'autre ne fait que se décomposer en passé et fittursallongés »35, articulent donc leur conjugaison-déclinaisonparadoxale, assurant toutefois de manière complémentairetout à la fois qu'exclusive le jeu de tout le hasard du telnpsde l'événement, qui ne se donne qu'une fois pour toutesles fois, en un lancer de dés unique, affirmant etsélectionnant. Mais cette double affirmation d'un telnpss'exprimant selon une contraction-décontraction aveclaquelle Deleuze nlarque une distance par rapport à latriple énonciation de la temporalité élaborée dansD(tférence et répétition ne se sacrïfie-t-elle pas à la mortinéluctable qui se donne dans l'événenlent, perdant par lànlênle le gain de l'advenir? Car c'est bien là le dranle del'événement, que pour autant qu'il arrive, il manquetoujours à sa propre place, infiniment déplacé et à lalimite, fuyant la survenue de son effectivité, puisque« l'événement pour lui-même et dans son impassibilité,son impénétrabilité, n'a pas de présent mais recule etavance en deux sens à la fois, perpétuel objet d'une doublequestion: qu'est-ce qui va se passer? Qu'est-ce qui vientde se passer? Et c'est bien l'angoissant de l'événementpur, qu'il soit toujours quelque chose qui vient de sepasser et qui va se passer, tout à la fois, jamais quelquechose qui se passe »36. Lancé sur Chronos, l'événement,effectivement, va habiter le corps de son effectuation, se

35 Ibid., p. 79. En italique dans le texte.36 Ibid., p. 79.

32

Deux temps, Aiôn et Chronos

L'Ill' ~vénement. Mais tel Janus, il possède une doubleIl,ltun: le faisant passer à la limite des corps, un quelque1 hOH' 4ui ne passe pas en lui, qui ne s'effectue pas, et qui,',III ses bords, persiste à le faire insister sous l'Aiôn - sal',lIt J'incorporel, sa contre-effectuation. L'événementIl \:st Jonc jamais ce qui se passe mais bien plutôt undC\'\.=l1ir illimité comme tel, devenant et devenu, toujoursks deux à la fois, double et doublé.

Autant Chronos permet à l'événement de" ' ilH.:arner dans les corps dans le présent de sondkctuation, autant Aiôn persiste à le subdiviser selon unl';\Ss~ et un futur esquivant tout présent, arc-boutant sonl'Ill:ctuation selon la partition d'une éternité paradoxaleli ui transmute l'événement à la pointe de sa contre­l'Ilectuation, « toujours dédoublé en passé-futur », « étantImpersonnel et pré-individuel, neutre, ni général niparticulier, eventum tantum ... »37. C'est précisément parl'l'He structure double de tout événement que chaquel'v~ncment est du type la "mort" qui, comme le noteDeleuze à l'appel de Blanchot, est « à la fois ce qui estdans un rapport extrême ou définitif avec moi et avec moncorps, ce qui est fondé en moi, mais aussi ce qui est sansrapport avec moi, l'incorporel et l'infinitif, l'impersonnel,ce 4ui n'est fondé qu'en soi-même »38. Ainsi, entre un pôled~tinitif et un pôle infinitif, entre le corporel etl'incorporel, se joue le double accomplissement d'un seulet même événement, une effectuation et une contre­effectuation par lesquelles « chaque événement est commela mort, double et impersonnel en son double.39 » Quelsibyllin secret, libérant toutes les violences du temps, peut

n Ibid., p. 177.18 Ibid" p. 178.19 Ibid. Cf. Aussi Différence et répétition, op. cit., pp. 148-149.

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nous faire comprendre cette incartade moribonde? Sousquels signes de quelles cicatrices est-il déchiffrable? C'estsemble-t-il sous la marque du secret de l'événement queDeleuze entrevoit la possibilité de sauver sa fondation:« Voilà le secret de l' événenlent : qu' il soit sur l'Aiôn etpourtant ne le relnplisse pas. Conlnlent l'incorporelrenlplirait-il l'incorporel, et l'impénétrablel'ilnpénétrable ? Seuls les corps se pénètrent, seul Chronosest relnpli par les états de choses et les nlouvelnentsd'objets qu'il mesure. Mais fonne vide et déroulée dutenlps, l'Aiôn subdivise à l'infini ce qui le hante sansjalnais l'habiter, Événement pour tous les événenlents;c'est pourquoi l'unité des événenlents ou des effets entreeux est d'un tout autre type que l'unité des causescorporelles entre elles. 40 » De la même manière que sedistinguent deux tenlps selon lesquels l'événenlent sediftt'acte à l'infini, il existe une double causalité distincte,entre l'intériorité des causes et l'extériorité des effets,entre l'ordre des profondeurs conlnle rapports des causesentre les corps et celui des effets incorporels entre eux etqui se répartissent à la surface comme quasi-cause, Cetterupture de la relation causale est pour Deleuze « une desplus grandes audaces de la pensée stoïcienne »41. Elleinaugure une disjonction entre le présent de l'effectuationcomme cause dans l'incarnation des corps et celui de lacontre-effectuation comme quasi-cause qui n'est plusprésent de l'incorporation mais de l'opération pure,« encore que la quasi-cause elle-même manque à sa propreidentité »42.

40 Ibid., p. 79.41 Ibid., p. 198.42 Ibid., p. 196.

34

Deux temps, Aiôn et Chronos

Pour autant alors que « la maladie et la mort sontl'événement lui-même, comme tel justiciable d'une doublecausalité »43, c'est finalement par cette double causalitéque l'événement va pouvoir se sauver, par le double ques'opère une libération engageant une véritable éthique dumime où l'événement n'est plus copie mais simulacre, purinfinitif de l'événement assurant sa fondation à la pointed'un effondement, «être le mime de ce qui arriveeffectivement, doubler l'effectuation d'une contre­effectuation, (... ] c'est donner à la vérité de l'événementla chance unique de ne pas se confondre avec soninévitable effectuation, (... ]. Autant que l'événement purs'emprisonne chaque fois à jamais dans son effectuation,la contre-effectuation le libère, toujours pour d'autresfois »44. Ce "double et impersonnel en son double" parlequel l'événement figurait comme la mort laisse doncpoindre en définitive à la lisière de l'apparition de cetteimpersonnalité pré-individuelle le surgissement de lasplendeur du «on ». C'est l'écho de la plus puresingularité qui devient comme tel le point où « la mort seretourne contre la mort [... ] figure que prend la vie la plussingulière »45, une ligne de l'événement qui est que«jamais personne ne meurt, mais vient toujours de mouriret va toujours mourir, dans le présent vide de l' Aiôn,éternité »46. Et la crainte d'une perte du gain de l'advenirse dissout par l'Aiôn. Aiôn qui se nomme aussi "joueuridéal" et dont le jeu est d'affirmer le hasard à tous lescoups et pour tous les coups, événement unique etsingulier distribuant aléatoirement sous la flèche du temps

43 Ibid., p. 131.44 Ibid., p. 188.45 Ibid., p. 179.46 Ibid., p. 80.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

la multiplicité des devenirs, ce jeu qui est « réservé à lapensée et à l'art, là où il n'y a plus que des victoires pourceux qui ont su jouer, c'est-à-dire affirmer et ramifier lehasard, au lieu de le diviser pour le dOlniner, pour parier,pour gagner »47.

L'angoisse immémoriale dans laquelle laissaitl'événelnent quant à son passage exige donc biend'aftïnner la nécessité stoïcienne de la double lecturesÏtllultanée de ces deux tenlps distinctsquoiqu'indiscernables. Chronos, incarné et successif, etAiôn, nlÏ1né et impénétrable. Ce dernier, «tempsparadoxaletnent vide où il ne se passe rien »48, est donc letelnps de l'advenir pur où le présent ne peut pas passersans rendre compte de son passage, se retourne et se limitedans l'instantanéité de l'événenlent, où viennentfinalement coïncider en lui le futur et le passé. Aussi est­ce déjà un temps ne mesurant plus le mouvenlent maisinversant la subordination du temps au mouvement: letemps n'est plus le nombre du mouvement mais renversela Inaladie de « la lecture chronique »49 de l'ordre réglé deChronos pour qui seul le temps emplit le présent. Il n'y ad'ailleurs pas d'autre maladie que chroniqueso• Mais ladualité complexe d'Aiôn-Chronos compliquant le schétnaternaire des trois synthèses du temps est aussi le duel ducouple d'un jeu de concept auquel Deleuze ne cesse derecourir et qui, au niveau du stoïcisme, se développe aussi

47 Ibid., p. 76.48 François Zourabichvili, Deleuze - Une philosophie de l'événement,Paris, P.U.F, 1996 (1 ère éd., 1994), p. 92.49 Jacob Rogozinski, « La fêlure de la pensée », in Magazine littérairena 257, septembre 1988, p. 47.so Cf. Gilles Deleuze, L'Image-temps, Paris, Minuit, 1994 ( 1ère éd.,1985), p. 36.

36

Deux temps, Aiôn et Chronos

bien sur le plan des propositions, des mots et des chosesque sur celui de l'événement: l'actuel et le virtuel.

Œuvrant potentiellement à l'apparition des sériesqui dans la dualité temporelle où elles s'agrègent, toujoursde part et d'autre de la fêlure du "Je", permettent d'opérerla montée du sans-fond du sens et de l'événement à lafrontière où ils s'articulent, virtuel d'une contre­cffectuation pour l'actuel d'une incarnation, le schémadeleuzien n'en finit pas de repositionner le couple actuel­virtuel « à partir de sa courbure stoïcienne »51, toujours lesdeux ensemble. Pour ne pas rester bouches2 bée, béante etbéate, béante au phantasme et béate à l'événement, coi detout mot et de toute signification, le Je fêlé, bouche parlaquelle le sens ne passe plus, est renvoyé à un sans-fondqui fibrille pourtant admirablement à la surface des corps;ce n'est plus Moi, c'est l'Autre. Où à défaut d'autre, le Jeglisse sur les déferlements de la scission, sur les bordsmenus et risqués d'une conscience paralysée se scindantdans la forme pure et vide du temps, mimant l'événementselon les deux faces d'une glace impénétrable - Aiôn. Carl'Aiôn, s'il embrase l'ensemble des séries dans le revenir,demeure aussi la frontière du pur instant qui scindel'événement en effectuation et contre-effectuation,différencie les plans d'expressions entre les propositions etles choses, assure la frontière indiscernable de l'actuel etdu virtuel, mime et redouble la doublure et fait qu'advientla plus pure singularité: il est « exactement la frontière

51 Véronique Bergen, L'ontologie de Gilles Deleuze, Paris, Ed.L'Harmattan, 2001, p. 274.52 Sur le thème de la bouche et de l'oralité dans Logique du sens, nousrenvoyons notamment à la 27ème série jusqu'à la 3ime série (pp. 217­267), ainsi qu'à l'article de Michel Foucault, « TheatrumPhilosophicum », op. cit.

37

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

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Cette saisie d'une image directe du temps ne peutque rester pour le moment dans l'intrication d'un montagetemporel tardant à se laisser appréhender. Mais elle doits'éclairer notamment par rapport à la grande cOll1plexitédu statut de l'image dans la philosophie deleuzienne. Entrela critique de l'orthodoxie du dogmatisme d'une image de

53 Logique du sens, op. cit., p. 81.54 Deleuze citant Mallarmé, « Mimique », Œuvres, Paris, Gallimard,~. 310, in Logique du sens, op. cit., p. 80.5 Logique du sens, op. cit., p. 176.

56 Ibid., p. 19.57 Gilles Deleuze, « L'actuel et le virtuel », in Gilles Deleuze - ClairePamel, Dialogues, Paris, Ed. Flammarion, 1996 (1 ère éd., 1977), p.184.

38

Deux temps, Aiôn et Chronos

la pensée définissant bon sens et sens commun qui seprésuppose elle-même et le "vouloir-obtenir" d'une imagedu temps se redoublant dans le phénomène du regard autravers de la vision dans le cristal de temps, cela force às'arrêter à l'inspiration bergsonienne de la philosophiedeleuzienne, et plus précisément à ce couple conceptuelactuel-virtuel, affirmant désormais la philosophie commethéorie des multiplicités que Deleuze inaugureprincipalement avec l'ouvrage sur Bergson, qu'ilcommente, ramifie et développe, pour ne pas direreproduit58

58 Ici, il ne faut pas entendre la notion de reproduction commejugement quelconque sur la valeur de l'entreprise deleuzienne. Ils'agit premièrement de constater l'importance de la philosophiebergsonienne pour l'élaboration conceptuelle chez Deleuze, et ce tantau niveau des concepts que celui d'une stylistique de l'écriturephilosophique. Deuxièmement, quel que soit le jugement porté sur cet"emprunt", la notion de reproduction est au cœur de la conceptiontemporelle de la philosophie de Deleuze, et partant, de tout simulacre,entendu comme instance à la différenciation et à la singularité.

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W D{fférence et répétition, op. cit., pp. 4-5.hO Cf. Alain Badiou, Deleuze-La clameur de l'être, Paris, Ed.Ilachette, 1997.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

de l'histoire de la philosophie comme assimilation non­métaphorique à un devenir permet à Deleuze dedévelopper un jeu de masques travestissant des auteursqu'il choisit de conlnlenter. Mais peut-être que le terribleet fallleUX "enfant dans le dos" qu'il tente de faire àchacun des auteurs auxquels il consacre une 1110nographiese retourne ici COlllme en son double, comme en son dos,« comme si l'ef?!ànt monstrueux né de la problématologiebergsonienne n'était autre que Deleuze lui-même dans saconceptologie métamorphosante »61.

Toujours est-il que l'essentiel de la notion devit1uel pour lui62 s'ancre dans la rencontre philosophiquedéterminante qu'il effectue avec Bergson (à lnoins que cene soit Bergson qui effectue Deleuze) qui, tout endéveloppant lui-mêllle cette notion, dénonce au denleurantconlnle écueil récurrent à la pensée avec laquelle il ne fautpas la confondre, la catégorie du possible. C'est d'ailleurs« le seul danger, [... ] confondre le virtuel avec lepossible »63. Effectivement, si le possible s'oppose au réel,le virtuel lui, ne s'y oppose pas et possède en lui-mêmeune "pleine réalité". La distinction nlajeure par laquelle levirtuel et le possible ne peuvent absolunlent pas seconfondre dépend donc d'un principe d'existence. Car sile possible peut aussi bien se réaliser que ne pas seréaliser, ses accointances avec le réel demeurent toujourssuspendues à un défaut d'être. C'est en effetperpétuellement après-coup qu'il sera établi qu'un état de

61 Eric Alliez, « Sur le bergsonisme de Deleuze », in Gilles Deleuze,une vie philosophique, op. cil., p. 259.62 Au point de lui voir attribué par exemple le nom d'« ontologie duvirtuel ou matérialisme du virtuel », Eric Alliez, « Sur la philosophiede Gilles Deleuze: une entrée en matière », in Rue Descartes nO 20,op. cit., p. 49.63 D(fférence et répétition, op. cit., p. 272.

42 1

L'actuel et le virtuel, l'Un et le Multiple

choses pouvait arriver ou ne pas arriver. La "tare dupossible" est donc d'être « fabriqué rétroactivement, lui­même à l'image de ce qui lui ressemble »6\ renvoyant àune forme « d'identité dans le concept »65.

Ce moindre-être introduit ainsi dans la pensée nonseulement les catégories de l'analogie et de laressemblance (ce ne pas le réel qui ressemble au possiblemais le possible qui ressemble au réel) mais répand desurcroît dans tout système conceptuel, l'ombre du négatif;le possible sous-tend fondamentalement une doublenégation, d'opposition et de limitation, ayant pour originel'ignorance du principe de différenciation et confond desdifférences de degrés là où il n'y a que des différences denature. Le possible demeure ainsi principalement commeun « double stérile »66 du réel et oblige, commeredoublement du semblable, à systématiquement devoir serapporter à l'existence comme « un surgissement brut, actepur, saut qui s'opère toujours derrière notre dos, soumis àla loi du tout ou rien »67. Aussi, cependant que le possiblea pour seul processus la réalisation qui le détermine, levirtuel pour sa part, possédant déjà cette pleine réalité, n'apas à se réaliser: il est réel. De fait, il s'opposeuniquement à l'actuel qui est comme son doubledifférencié selon l'actualisation l'effectuant; le virtuel est« réel sans être actuel, idéal sans être abstrait »68. À cetégard, le virtuel n'est pas «un deuxième monde, il n'existe

64 Ibid., p. 273.65 Ibid.66 Gilles Deleuze, Le bergsonisme, Paris, Ed. P.U.F, 1997 (1 ère éd.,1966), p. 101.67 Différence et répétition, op. cit., p. 273.68 Cette formule de Proust dont Deleuze aime à se servir est dans letexte « réels sans être actuels, idéaux sans être abstraits », cité inDifférence et répétition, op. cit., p. 269.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

pas hors des corps bien qu'il ne ressemble pas à leuractualité »69. Si la ressemblance peut désormais êtredéjouée, c'est que jamais l'actuel ne ressemble au virtuelqu'il incarne. En effet, ils sont pourtant nlaintenus tousdeux dans un rappo11 d' indiscernabilité, par la coalescenceet la coexistence virtuelles, dans lequel ils se tiennentnlutuellenlent. Mais Deleuze conserve conlme principed'affirnlation, à la suite de Bergson, le fait qu'il n'y ait pasde divisions ou coupes dans le réel qui opèrent sanschanger de nature. C'est donc constanll11ent etperpétuellement selon des lignes divergentes que vonts'anilller le virtuel et l'actuel, inaugurant en cela que touteactualisation considérée en tant que différenciation soit« toujours une véritable création »70. Le couple investidepuis le bergsonisnle se clive dans le jeu de la différence.À l'observatoire de la plus pure singularité, traquer lenouveau se confond aussi avec la véritable nouveauté,toujours « l'un dans l'autre ». À nloins que le geste de cetessor créatif permanent ne se résolve à se voir doublé enson fond par une Îlnage impure détournée, comme unn1Îxte venant affleurer à la surface de l'immanence, auxbords de cette scission du tenlps en deux jetsdissymétriques, à l'endroit du «jaillissement du temps »71bergsonien correspondant à l'image actuelle d'un présentqui passe et à son double simultané d'une image virtuellede tout le passé qui se conserve en soi.

Ce mouvement pur de création de pensée, qui sedoit de procéder par virtualisation, indiquerait selon EricAlliez, que l'on puisse ainsi qualifier de cette façon « le

69 François Zourabichvili, Deleuze - Une philosophie de l'événement,op. cil., pp. 89-90.70 Différence et répétition, op. cil., p. 273.71 L '/rnage-temps, op. cil., p. 109.

44

L'actuel et le virtuel, l'Un et le Multiple

mouvement de "désubstantiation" et de "problématisation"de l'histoire de la philosophie opérée par Deleuze sous lenom de déterritorialisation, si virtualiser, ainsi que lemontre Pierre Lévy, consiste avant tout à transformer« l'actualité initiale en cas particulier d'une problématiqueplus générale, sur laquelle est désormais placé l'accentontologique. Ce faisant, la virtualisation fluidifie lesdistinctions instituées, augmente les degrés de liberté,creuse un vide moteur» ...Tout se passant comme si ladéterritorialisation deleuzienne élevait les "auteurs" à lapuissance de fluctuants nœuds d'événements quis'interfacent et s'enveloppent réciproquement sur un seulct même plan d'immanence »72. L'accent plotinien d'unesérie des puissances, émis selon un seul empirisme radicalet transcendantal, laisse malgré tout la virtualité commeune entité entièrement déterritorialisée dont l'actuel,perpétuel double inaffectable et cependant toujours entésur le présent, devient fantomatiquement image en miroir,reflet sans épaisseur. Cet écho de l'indiscernabilité liantl'Aiôn au Chronos résonne comme la promessepermanente de tout événement s'échappant sur la ligned'actualisation-virtualisation dans sa «part muette etombrageuse [... ] qui s'en soustrait »73, cet excessif del'événement qui ne peut être « effectué sans ruine»74quand "tombe la foudre du réel qui vient scinder lemaintenant", l'Instant ou le Nûn néo-platonicien en deuxjets dissymétriques.

72 Eric Alliez, Deleuze philosophie virtuelle, Le Plessis-Robinson, Ed.Synthélabo, 1996, pp. 12-13.73 Gilles Deleuze, Le Pli - Leibniz et le baroque, Paris, Minuit, 1988,

~. 142.4 Logique du sens, op. cit., p. 196.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

Ce faisant, aucun objet n'est jamais pure actualité.Le virtuel est une partie de l'objet, seule réalité permettantd'obtenir une détermination complète du réel et de l'objet,tout objet étant double, entre son image-virtuelle et soninlage-actuelle. « Le virtuel doit nlême être défini conlmeune stricte partie de l'objet réel - conlnle si l'objet avaitune de ses parties dans le virtuel, et y plongeait commedans une dimension objective »75. Telle l'image mutuellebachelardienne, l'actuel et le virtuel constituent ainsi leréel en sa totalité comme une structure binaire et bitàce.Les tennes nlis en jeu s'échangent tour à tour dans uncircuit d'indécidabilité, au seuil de toute actualisation et detoute eftèctuation contre-effectuée sur un pland'inlmanence. Dans cette limite au dédoublementindiscetnable, étant et être s'enveloppent. Mais si l'actuel« s'entoure d'un brouillard d'inlages virtuelles »76, telleune vapeur d'incorporel stoïcien, ce n'est peut-être, ainsique l'avance Alain Badiou, comme double recours d'uneÏ111age, qu'une « très précaire théorie du Double »77. Deplus, à la suite de la scission du temps en deux jetsdissynlétriques, virtuel et actuel qualifient des nappestemporelles de passé et de présent. Aussi, si l'être du passéest de se conserver en soi, il est plus fondamentalementcoexistant à tout présent et prééminent à tout le temps, defaçon que ce n'est pas le temps qui est intérieur à nous,mais juste l'inverse, c'est nous qui sotumes intérieurs autemps. C'est pourquoi, comme le virtuel a une pleineréalité, le passé est complètement, il a une pleine réalité etest mênle la seule réalité du présent, puisque chaque

75 Différence et répétition, op. cit., p. 269.76 « L'actuel et le virtuel », op. cit., p. 179.77 Alain Badiou, Deleuze-La clameur de l'être, op. cit., p. 79.

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L'actuel et le virtuel, l'Un et le Multiple

« présent renvoie à soi-même comme passé »78. Onretrouve l'adéquation de la première et de la deuxièmerépétition du temps de Différence et répétition.

Si le passé est « l'ontologie pure »79, il nécessite àcet égard que nous soyons toujours forcés pour s'yrapporter d'y effectuer un véritable « saut dansl'ontologie »80. Malgré la récusation du couple possible­réel qui oblitérait ce "saut brut dans l'existence", uneanalytique du « saut» doit cependant être conservée. Desurcroît le passé, comme mémoire immémoriale, assimiléen dernière instance à tout l'Être qui correspond à lanature, ne se résorbe-t-il pas à une capitulation précoce seformulant en l'espèce de la problématique soulevée parAlberto Gualandi: « L'identité finalement réalisée entrel'Être et la Nature (différentielle et intensive) est-elle alorsune imposture ontologique? »81 Enfin, si la philosophiedeleuzienne se présente comme une pure virtualité"attaquant" le sol de la représentation, et dont le monde estune autre effectuation du réel « comme univers virtuel desconcepts »82, dans sa teneur elle ne juge pas le monde maisy croit comme il est. Voulant reconquérir le lien del'homme et du monde, elle ne coupe pas les liens du corpsavec le réel et destitue la connaissance par pureabstraction. Ce lien doit même, dit Deleuze, «devenirobjet de croyance: il est l'impossible qui ne peut êtreredonné que dans une foi »83. À ce point, il est difficile dedire si cette philosophie n'échoue pas ce contre quoi elle

78 Le bergsonisme, op. cit., p. 54.79 Ibid., p. 51.80 Ibid., p. 52.81 Alberto Gualandi, Deleuze, Paris, Les Belles Lettres, 1998, p. 88.82 Jean Luc Nancy, « Pli deleuzien de la pensée », op. cit., p. 119.83 L'Image-temps, op. cit., p. 223, cité in Alberto Gualandi, op. cit., p.140.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

se démène, si ce n'est au nécessaire recours à la croyanceoù l' impensé s'éprouve comme pensée, y croire comme àl'impossible, à l'impensable qui pourtant ne peut être quepensé: « Du possible, sinon j'étouffe!» s'exclamaitKierkegaard.

En définitive, au-delà de la conservation dusystème de la différence, on peut se delnander, en suivantl'idée d'Alain Badiou, si l'indistinction fondatnentale dontbénéficie le binônle de l'actuel et du virtuel ne tombe pasen désuétude puisque « la détennination cOlnplète dufondelnent comme virtuel inlplique une indéternlinationessentielle de ce qui est fondé », ce qui « désorientenécessairement toute détennination intuitive »84. Flouéedans les deux sens que détennine l'Aiôn, l'orientationdeleuzienne l'est; temps ordinal qui ne règle plusl'orientation selon les justes points cardinaux, l'actuel estrendu au virtuel et réciproquement, « pour conjurer ledouble spectre de l' équivocité et de la dialectique» offrantcertainement une équivoque de plus à la prise en charge dela tenlporalité dans le système deleuzien, un Aiôn pour unChronos, un actuel pour un virtuel, dualité endémique etisonl0rphique diffractant l'Un sur le multiple et déjouantla triple temporalité de D!fférence et répétition. Unedéfaillance pointe voulant assimiler le modèle du multipledans un mouvement ininterrompu depuis son élan vital,parce que chaque fois que l'on arrête le mouvement, « latranscendance descend, elle en profite pour ressurgir,rebondir, ressortir »85. N'est-ce pas là que, comme l'Un nese laisse pas saisir sous le nom de l'actuel et du virtuelsans "diffamer" un Deux qui cependant demeure

84 Alain Badiou, Deleuze-La clameur de l'être, op. cit., p. SO.85 Gilles Deleuze - Félix Guattari, Qu'est-ce que la philosophie ?,Paris, Minuit, 1991, p. 49.

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L'actuel et le virtuel, l'Un et le Multiple

fondamentalement l'intuition qui en reste, le Trois commeautre coup de dés du hasard ne se laisse pas appréhendersous la forme univoque de l'Un qui voudrait unifier lemouvement? Car, en suivant l'analyse de Badiou, « mêmesuccessivement pensé comme distinct du possible,absolument réel, complètement déterminé et partie strictede l'objet actuel, le virtuel ne peut s'ajuster, commefondement, à l'univocité de l'Être-Un. Au fur et à mesureque Deleuze tente de l'arracher à l'irréalité, àl'indétermination, à l'inobjectivité, c'est l'actuel oul'étant, qui s' irréalise, s' indétermine et finalements'inobjective, puisqu'il se dédouble fantomatiquement »86.Et de rajouter ainsi à une critique qui pourrait semblerdéfinitive: « Dans cette trajectoire de pensée, le Deuxs'installe au lieu de l'Un. Et quand pour sauver malgrétout l'Un, il faut en venir à un deux impensable, à uneindiscernabilité sans remède, à la métaphore conciliante etobscure de « l'image mutuelle », on se dit que décidémentle virtuel ne vaut pas mieux que la finalité, dont il estl'inversion »87. Est-ce que finalement, comme le noteAlberto Gualandi, « entre la doctrine de l'Être et ladoctrine de la pensée le problème de la finitude humainene s'insère-t-il pas de nouveau? »88

À déférence de toute solution momentanée,pointillé de questions soulignant pour l'instantl'inextricable richesse convolant en terre deleuzienne,malgré l'ensemble des difficultés qu'elle présente, peut­être uniquement sous-tendues par la résistance interned'un système de la représentation dont il faudraitfinalement prendre la marge pour s'assurer de toute

86 Alain Badiou, Deleuze-La clameur de l'être, op. cit., pp. SO-SI.87 Ibid., p. SI.88 Alberto Gualandi, Deleuze, op. cit., p. 26.

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Gilles Deleuze. l'épreuve du temps

validité d'une saisie philosophique, tout risque envittualité entraîne avec lui à se perdre peu à peu àl'indistinction fondamentale augurant de l'hétérogène.C'est précisément à ce point que le virtuel qualifie dumême fait un type particulier de multiplicité pouvanttenter Phétérogenèse (projet définissant la tentativedeleuzienne) et son échappée, rencontre d'un milieu parlequel va s'actualiser le virtuel dans la conflagration d'unautre enselnble de virtualités: « [... ] le système ne doitpas seulenlent être en perpétuelle hétérogénéité, il doit êtreune hétérogenèse, ce qui, il nle semble, n'a jamais ététenté »89. Ce déploiement du système comme hétérogenèses'inscrit en droite ligne d'une théorie des multiplicités etd'une philosophie bergsonienne de la diffërence. C'estainsi que si « la philosophie est la théorie desmultiplicités »90, chaque nlultiplicité « inlplique deséléments actuels et des élénlents virtuels »91. Retenantdonc toujours de Bergson le principe de la division où letenlps en tant qu'il est une grandeur intensive ne se divisepas sans changer de nature, Deleuze impulse aux séries dusystème la nécessité d'une refonte de la pensée de l'Un etdu Multiple. En effet, l'effectuation propre au virtuelinduit dans sa traîne la notion nlênle de multiplicité selonle procédé de l'intensification: « s'actualiser, pour unpotentiel ou un virtuel, c'est toujours créer les lignesdivergentes qui correspondent sans ressenlblance à lamultiplicité virtuelle »92. Ce qu'à tout prix la Inultiplicitétente de résorber est donc les faux décalques d'une

89 Gilles Deleuze in Jean-Clet Martin, Variations-La philosophie deGilles Deleuze, op. cit., préface, p. 7.90 « L'actuel et le virtuel », op. cit., p. 179.91 Ibid.92 DttTérence et répétition, op. cit., p. 274.

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L'actuel et le virtuel, l'Un et le Multiple

combinaison de l'Un et du Multiple n'arrivant en aucunemanière selon Deleuze à éviter le risque de sombrer dansun dualisme apodictique. Car si elle est la pensée la plususée de l'occident, elle échoue fondamentalement à rendrecompte de tout réel changement de nature par degrés dedifférenciations, les confondant avec des divisionssuccessives comme entrelacs d'une dialectique despotentialisations par degrés : « En vérité, c'est la catégoriede multiplicité, avec la diftërence de nature qu'elleimplique entre deux types, qui nous permet de dénoncer lamystification d'une pensée qui procède en termes d'Un etde Multiple93 » car « l'un et le multiple sont des conceptsde l'entendement qui forment les mailles trop lâches d'unedialectique dénaturée, procédant par opposition94

• »Ce à quoi il faut donc parvenir ressemble à la

"!<Jfmule magique" inspirée de Bergson s'écrivant telleque « pluralisme = monisme »95. Mais de la même manièrequ'ils sont indiscernables, l'actuel et le virtuel sedistinguent qualitativement, cependant qu'ils sont tousdeux tout aussi réels; il n'y a pas une multiplicité Une,mais des types de multiplicités. Il existe donc unemultiplicité quantitative homogène tournée sur la face del'actuel et une multiplicité qualitative hétérogène quicorrespond à la face entière des virtuels, qui ne peut-êtreque différentielle, différenciante et intensive, de natureperpétuellement changeante, chacune à son tour etensemble répondant à l'univocité de l'Être. Cette « seule(>ntologie réalisée »96 entonne son chant d'une « seule et

'Il Le bergsonisme, op. cit., p. 42.'11 DttTérence et répétition, op. cit., p. 236.'l' Gilles Deleuze - Félix Guattari, Mille plateaux-Capitalisme etschizophrénie 2, Paris, Minuit, 1980, p. 31.'Ih Différence et répétition, op. cit., p. 387.

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lnêlne voix pour tout le multiple aux mille voies, [... ] uneseule clameur de l'Être pour tous les étants »97, cependantque « l'Être, ou le Temps, est une multiplicité; maisprécisénlent, il n'est pas ""multiple", il est Un,conformélnent à son type de multiplicité98 » puisqueP« Un est toujours l'indice d'une multiplicité »99.

À ce point de divergence, seul garant de toutevéritable hétérogenèse, pensant contre toute hiérarchie etdichotonlie, il fàut se pencher sur le concept de rhizomeque forge Deleuze avec Guattari dans Jvfille plateaux. Carle lnultiple ne doit pas simplement se dire, il ne doit pasêtre un nOln, nlais toujours un substantif, multiplicité; ilfàut l'effectuer et le faire, non pas en y ajoutant desdilnensions mais toujours par soustraction, toujours à sadimension n-l: « Un tel système pourrait être nOlnlnérhizonle lOo.» Les nlultiplicités sont rhizomatiques « etdénoncent les pseudo-multiplicités arborescentes »101. Eneffet, pour défaire l'ordre péremptoire de la structureclassique des grands systèmes dialectiques se développantselon une verticale arborescente, toujours le mênle schénlaséculaire, tronc, arbre, racine, qui induit indéfiniInent desdualismes apostasiés, le rhizonle, à son encontre, seprésente comlne une tige dont la progression esthorizontale. Il est sans comnlencement ni tin, nlais« toujours un milieu, par lequel il pousse et déborde »102.Ne se laissant ramener ni à l'Un ni au Multiple, n'importe

97 Ibid., p. 389.98 Le bergsonisme, op. cit., p. 87.99 Gilles Deleuze, « L'immanence: une vie ... », in Philosophie nO 47,Paris, Minuit, 1995, p. 6.100 Afille plateaux-Capitalisme et schizophrénie 2, op. cit., p. 13.lOI Ibid., p. 14.102 Ibid., p. 31.

52

L'actuel et le virtuel, l'Un et le Multiple

lequel de ces points «peut être connecté avec n'importequel autre, et doit l'être »\03.

Non structural et non génératif, le rhizome devientun concept antigénéalogique, perpétuellement acentré,assignifiant et toujours déplacé. Ce n'est pas un objet dereproduction mais bien plutôt une antimémoire qui fait dumimétisme « un très mauvais concept, dépendant d'unelogique binaire »104. Qu'en est-il alors du mime stoïcienqui venait doubler l'événement? Y aurait-il une doublethéorie du double deleuzien? Comment à la pointe decette "antimimologie", malgré la différenceterminologique à laquelle elle s'applique, rendre comptede l'hétérogène qui se différencie alors qu'en son tempselle assurait précisément sur la ligne de fuite del'événement sa toujours contre-effectuation, seule garantede la survenue de la singularité et de l'individuation?Bref, que se passe-t-il de Logique du sens à MillePlateaux? À l'image de l'entreprise humienne, le principede connexion inaugure une philosophie des relations, telsles principes relationnels des propositions de Logique dusens. Cette géographie des relations, des calques, pas descartes, consacre une logique du « ET» qui destitue lefondement : « assez de force pour secouer et déraciner leverbe être »105. Mais si le premier principe connectif etd'hétérogénéité du rhizome « agglomère de l'hétérogène àl'hétérogène, sans qu'aucun ordre ne vienne canaliser lasurvenance des connexions »\06, comment néanmoins

\03 Ibid., p. 13.104 Ibid., p. 18.105 Mille plateaux-Capitalisme et schizophrénie 2, op. cit., p. 36.106 Mireille Buydens, « La forme dévorée. Pour une approchedeleuzienne d'Internet », in Thierry Lenain (dir.), L'image: Deleuze,Foucault, Lyotard, Paris, Ed. Vrin, 1997, p. 54.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

comprendre les relations entre termes hétérogènes s'il estvrai que ce rapport est avant tout « rapport du non­rapport »107 puisque Deleuze assigne ces termes à unperpétuel déplacement toujours illocalisé etindéterminable? SOlnmes-nous dans la dualité du rapportliant Aiôn et Chronos et que venait délivrer le secret del'événement? Si la Inultiplicité peut se déployer etarpenter les pentes du sens et de la vie selon une structuretrouble et floue, illocalisable et assignifiante, inassignableà un centre, devenue et en devenir et dont les fonnesnlajeures de propagation sont le rhizolne et la série conune« les fonnes organisationnelles de la nlultiplicité »108,

retolnbe-t-elle dans le sillage d'une autre identité pour unephilosophie se pensant comme non-identitaire? Cedualislne paradoxal exigeant de déjouer l'identité en laposant cependant en des termes irrévocables etindiscernables, où le jeu de l'actuel et du virtuel éprouveun paradoxe quant à l'univocité de l'être, terme fragile etdéterminant, refonde le sol de l'Un conlme uniquefondement floué en son sens définitif et invite en effet àconcevoir et à penser la multiplicité comme strictementidentique à l'Un. Le système de la différence asymétriquen'est-il pas ici défaillant? Car si l'Un deleuzien peut êtrequalifié d'« Être Univoque », le virtuel de son côté estpeut-être à son tour, comme le propose Badiou, « sansaucun doute le principal nom de l'Être »109. N'assiste-t-onpas au bruissement inaudible d'un ratage de l'effectuationd'un surnuméraire en échec ou la réalité d~jouée des

107 Pascal Chabot, « Au seuil du virtuel », in Pierre Verstraeten ­Isabelle Stengers (dir.), Gilles Deleuze, Paris, Ed. Vrin, 1998, p. 34.\08 Mireille Buydens, « La fonne dévorée. Pour une approchedeleuzienne d'Intentet », op. cit., p. 54.109 Alain Badiou, Deleuze-La clameur de l'être, op. cit., p. 65.

54

L'actuel et le virtuel, l'Un et le Multiple

r~Joublements mesurés par un nombre qui se redonde?Mais c'est bien là tout le problème habitant lescorrélations de séries divergentes hantées par l'insistanced' un élément paradoxal redondant et redoublant lecouplage sériel et différentiel, qu'abritant toutedissymétrie, il soit « à la fois excès et défaut, case vide etobjet surnuméraire, place sans occupant et occupant sansplace »\\0. C'est somme toute le propre du surnuméraireli'être toujours déplacé et en déplacement, manquant àl'observatoire de l'instant où on l'observe, trublionfiévreux et ténébreux flottant dans l'espace à circonscrire,happant toute prétention à sa reconduction.

C'est ainsi dans une triple identité permutable quele monisme en équivalence du pluralisme renvoie l'un aumultiple comme il soude et condamne l'actuel en termed'équation identitaire avec le virtuel, déplaçant toujoursplus avant la recherche de l'inégal et du dissymétrique.Pourtant, force est de constater que ce travail au cœur duparadoxe creuse dans l'immanence le lieu que la pensée etl'homme pourraient occuper, en s'affairant à penserjustement l'impensé ou l'impensable, un presque"Devenir-Artaud", suggérant qu'il s'agit plutôt d'uneillusion d'identité qu'il faut acheminer au sein même de laphilosophie deleuzienne. À moins que ce ne soit l'ombrefantomatique d'un autre revers détenninant et fondamentaldu système deleuzien, chronique d'une mort annoncéequ'aurait pu figer le renversement de la subordination dutemps au mouvement mais qui se désaxe pour tomber dansle grand doute de la nécessité que convoque l'ampleurd'un système éthique se rattachant à l'expression dubesoin d'une foi? Et que toutes volontés et volitions serésolvent en dernier lieu à se lier à un indépassable moteur

1\0 Logique du sens, op. cit., p. 83

55

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

à vide de l'expression, sans conjurer l'ultime risque d'unchaos mettant en branle la totalité des 111ultiplicitésdévoilées, étant peut-être le sans-fond propre d'oùl'impropre se déchaîne véritablenlent, mais toujoursentravé en son devenir par la pronlesse inassouvie ducordon onlbilical d'une croyance dernière, permettant àtoute chute, qu'elle soit idéelle ou bien réelle, de l'ânle oubien des corps, de se prémunir toujours de ce dont on ne serelève pas.

La tenlporalîté deleuzienne doit-elle se désavouerd'elle-même ou nl0urir pour, telle chez Bergson, « renaîtreà l'instant suivant, dans un clignement ou un frissontoujours recomillencé »111? Avant d'avancer quelqueséléments de réponse, il faut s'attacher à démanteler lesschémas transcendantaux du temps, le nl0ntage temporeldeleuzien dans sa fondation première se donnant dansl'usage que fait Deleuze du grand renversenlent dessubordinations, de l'observation des révolutions, dont lapremière place est occupée pour lui par l'inversion dutemps comme nombre du mouvement.

III Le bergsonisme, op. cit., p. 89.

56

Deuxième partie

Affranchissement ontologique etexpérimentation.

« L'ordre du monde s'est effondré,aussi bien dans les états du monde quiétaient censés le reproduire, que dans lesessences ou Idées qui étaient censéesl'inspirer. Le monde est devenu miettes etchaos. Précisément parce que laréminiscence va d'associations subjectivesà un point de vue originaire, l'objectivité nepeut plus être que dans l'œuvre d'art: ellen'existe plus dans des contenus significatifscomme états du monde, ni dans dessignifications idéales comme essencesstables, mais uniquement dans la structureformelle signifiante de l'œuvre, c'est-à-diredans le style. »

Gilles Deleuze, Proust et les signes, Paris,Ed. P.U.F, 1998 (1ère éd., 1964), p. 134.

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1. La subordination du mouvement au temps.

Dans le sans-fond du labyrinthe de la penséeJcleuzienne se développe comme effet de surface travaillépar l'Aiôn l'impénétrable d'une révolution décisive venantrOinpre l'ordre d'un système dépendant de ses empreintestéléologiques: l'arrêt de la course du temps comme simplenombre du mouvement1

12. Cette numération, qualifiant letemps à l'aune de la quantification du mouvement,détermine la principale compréhension antique d'un tempsmesurable et chiffrable. Ce sont en effet les mises en récitsde type physicaliste que l'on trouve principalement dansl'antiquité qui définissent un être du temps aliénant toutereprésentation temporelle à l'image indirecte d'un tempsperpétuellement donné dans la subordination l'effectuantcomme mouvement uniforme, réglé et normatif. Cettedétermination révoque ainsi toute possibilité d'unedécouverte de la subjectivité comme temporalité et commeauto-production. La temporalité physique demeurecirconscrite à une pure extériorité observable et ancre ledevenir des transformations indicielles d'un tempsdisruptif et déchaîné qui va vouloir se libérer. Guettantl'abolition des cercles monocentrés épinglant toute penséeau joug d'une représentation héliocentrique, l'espoir d'unelibération de cette qualification temporelle rejoint celleli' un homme sans gravité, à l'orbe excentrique destransmutations décentrées.

112 Pour cette partie nous renvoyons principalement à la lecture deVéronique Bergen, L'ontologie de Gilles Deleuze, Part. Il, Chap. « Dut~mps subordonné au mouvement au temps se subordonnant lemouvement », op. cit., pp. 209-227, ainsi qu'à l'ouvrage d'Eric Alliez,!'es temps capitaux, Tome l, Récits de la conquête du temps, Paris,Ed. du Cerf, 1991, Chap. 2, « Le temps de l'audace - Plotin», pp. 63­123.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

Dans la Physique d'Aristote, le temps ne peut êtreconlpris sans l'ordre chronologique et péremptoire d'unmouvement définissant la distribution de l'antérieur et dupostérieur; dans l'enclave du maintenant, ni antériorité, nipostérité «sans que des instants se succèdent dans undevenir observable »113. NOlnbrant et nOlnbré définissent laquantité extensive représentant le Tout du nlonde restantcette "'ünage mobile de l'éternité" platonicienne du Timée,« à l'éternel déroulement rytlmlé par le nombre» 114. Puisle temps s'intériorise avec Plotin et Saint-Augustin pournlesurer le mouvement de l'Âme, et non plus celui duInonde, opérant ainsi une translation de quantité extensiveà qualité intensive. Le mouvement mondain s'abroge àune élévation spirituelle, émanation d'une psyché setemporalisant cOlnme premier mouvement d'une auto­constitution du temps, et dessine ce «processus desubjectivation du temps qui devient le premier procès deproduction »"5. D'ailleurs, la critique plotinienne à l'égardde la physique aristotélicielme se déploie sur fond d'unecritique globale de celle-ci en tant que «physiquetéléocratique du mouvement naturel »"6, confondant endernier lieu à l'endroit du temps ratio cognoscendi et ratioessendi, et concluant, malgré la simple constatationempirique de l' effectuation du temps dans le mouvement,à «la dépendance dans l'ordre de la connaissance à lasubordination dans l'ordre des essences, alors que nullepart, on n'a démontré que le temps était engendré par le

113 Véronique Bergen citant R. Schürman, Des hégémonies brisées,Toulouse, T.E.R, 1997, p. 197, in L'ontologie de Gilles Deleuze, op.cit., p. 210.114 Platon, Timée - De la Nature, (37d) in Œuvres Complètes, Vol. Il,(trad. Léon Robin), Paris, Ed. Gallimard, 1950, p. 452.115 Eric Alliez, Les temps capitaux, T.l, op. cil., p. 70.116 Ibid., p. 64.

60

La subordination du mouvement au temps

mouvement »117. Ainsi, malgré que le temps reste toujoursentaché d'une valeur numéraire, la contre-effectuationplotinienne du temps aristotélicien déplace néanmoins laconception physicaliste d'un temps originaire nombré aumouvement local d'un point mobile, à une subsumptionspiritualiste qui le rattache désormais à une vie de l'esprit.Cependant, l'éternité comme principe d'immutabilité et depermanence reste souveraine et dans un au-delà du temps.La subordination de la pensée à l'éternel n'enregistreencore ni véritable changement, ni profondetransformation. Qu'elle soit donc antique ou classique, laconception du temps reste toujours prisonnière d'un vicenuméraire. Chez Aristote, elle endure la séquence linéaired'un maintenant, césure suivant laquelle le philosopheenvisage le paradoxe de la constitution de l'existence et dupassage du temps. Chez Augustin, elle demeure entravéect subit l'ordre de la succession des présents, « anciens,actuels et à venir selon l'ordre de l'avant et de l'après »118,même si la conception augustinienne inaugure unepremière version de l'appréhension d'une simultanéitéavec ce qu'il nomme les « présents de présent, présents defutur et présents de passé »"9.

Or, si l'inspiration augustinienne présente un cadregénéalogique cohérent et satisfaisant à une tripletemporalité s'actualisant sur le fil de son présent sans sedépartir des dimensions virtuelles de son passé proche etde son futur immédiat 120, il apparaît chez Deleuze que cette

117 Ibid., p. 68.118 Véronique Bergen, L'ontologie de Gilles Deleuze, op. cit., p. 210.119 Saint Augustin, Confessions, Paris, Ed. Les Belles Lettres, 1969(1 ère éd., 1926), Livre onzième, XX, 26, p. 314.120 On notera l'écho anachronique des carcans génétiques d'unepluridimensionnalité de la temporalité se développant selon l'actuel etle virtuel chez Bergson, ou bien de ce que Deleuze tente de tenir dans

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« prééminence du présent comme temps de la présence »121conditionnant une genèse des dimensions respectives dupassé et du futur à partir de ce présent prédéterminant, nefournit définitivenlent qu'une représentation empirique ounlétaphysique d'une inlage du temps s'éclairant dansL'Image-temps: «Tout ce qu'on peut dire, c'est que1,Ïtnage-lnouvement ne nous donne pas une image-temps.[... ] D'une part, l'image-mouvement constitue le tempssous sa force empirique, le cours du tenlps : un présentsuccessif suivant un rapport extrinsèque de l'avant et del'après, tel que le passé est un ancien présent, et le futur,un présent à venir. [... ] d'autre palt, l'inlage-nl0uvenlentsuscite déjà une inlage du temps qui s'en distingue parexcès ou par défaut, par-dessus ou par-dessous le présentconlme cours empirique: cette fois, le temps n'est plusmesuré par le nlouvement, Inais est lui-Inême le nombreou la mesure du mouvement (représentationmétaphysique). [... ] sous l'un ou l'autre aspect, le tempsne se distingue ainsi du nlouvement que commereprésentation indirecte»122. Le tenlps est finalementtoujours saisi d'une façon indirecte, c'est-à-direindéfiniment enclin à être une mesure du mouvement oubien le lnesuré du mouvement, nombrant ou nombrédemeurant conlme double détermination reconduite detous les ratages à envisager le temps dans sa "chair". Qu'ilsoit donc un temps extériorisé dans un dehors du cosmoset du monde ou bien qu'il subodore le dedans d'uneintériorité de l'âme et du mouvement de son expansion, iln'en reste pas moins subordonné à la géométrie cardinale

la triple temporalité faite "Une" des trois synthèses de Différence etrépétition.121 Véronique Bergen, L'ontologie de Gilles Deleuze, op. cil., p. 210.122 L'Image-temps, op. cil., pp. 354-355.

62

La subordination du mouvement au temps

d planimétrique des gonds d'un mouvement réglé selonli Il ordre immuable, temps non-déplié tournantéternellement autour d'une fixité axiale divine, moïque etmondaine et ne réalise pas encore ce centre décentré sur la1igne droite de l'Aiôn qui devait aligner leur dépouille,« grand Cafton du monde, fêlure du moi, démembrementdivin »123. Entre mouvement extensif du monde oumouvement intensif de l'âme il reste condamné dans uneassignation au mouvement à rester altéré au «quadruplejoug d'une représentation qui occulte la force du temps »,t~lisant écho à la quadruple racine de la penséereprésentative: «l'identité dans le concept commeéquivalent de l'éminence du moi, l'opposition dans leprédicat comme équivalent de l' équivocité du monde,l'analogie dans le jugement comme équivalent del'analogie de Dieu, la ressemblance dans la sensationconlme équivalent du mouvement »124.

Ce temps, qui rate la possibilité d'une ordinalitédepuis les promesses de la puissance intensive de l'âme etdetneure prisonnier d'une pensée représentativel'enchaînant et l'enserrant au régime cardinal d'unmouvement régulier, traverse en tant que mesurant etmesuré, l'étrange distance des décalques du paradoxe d'un"cercle vicieux" assignant la condition à son conditionné,flouant le fond de la forme: «La philosophie avait déjàrencontré une opposition semblable dans la notion de"nombre du mouvement", puisque le nombre apparaissaittantôt comme une instance indépendante, tantôt commeune simple dépendance de ce qu'il mesurait. Ne faut-il pascependant maintenir les deux points de vue, comme lesdeux pôles d'une représentation indirecte du temps: le

123 Logique du sens, op. cil., p. 206.124 Véronique Bergen, L'ontologie de Gilles Deleuze, op. cit., p. 211.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

telnps dépend du mouvement, mais par l'intermédiaire dumontage; il découle du montage, mais comme subordonnéau mouvement? La réflexion classique tourne autour decette espèce d'alternative, nl0ntage ou plan. [... ] lenlouvenlent aberrant remet en question le statut du tenlpsconlnle représentation indirecte ou nOlllbre du1110uvement, puisqu'il échappe aux rapports de nombre,Mais, loin que le temps lui-mênle en soit ébranlé, il ytrouve plutôt l'occasion de surgir directement, et desecouer sa subordination par rapport au nlouvenlent »125.

L'enracinement du temps dans cette double nlesure ledétenninant rétrospectivement à être la nlesure dans leInesuré, l'enserre à gouverner une géolnétrie des masses etinlpose au monde de suivre le bon ordre que la Cité luiilnpose. La rectitude tenlporelle fixe les nornles et use deson pouvoir. Avant que d'avoir libéré les forcesdisruptives de la temporalité, le temps s'échoue déjà. C'estl'écueil de l'onlbre d'une qualité intensive de l'âmeplotinienne qui à l'école des Diadoques voulut se défairede la pensée grecque, héritant cependant Inalgré tout dutemps-mesure en temps-mesuré aristotélicien. Touteévolution du mouvenlent vers l'incohérence demeure ainsiréglée à l'entrave numéraire, planifiant l'éventuellelibération du temps à une servitude volontaire: « Pourquoile temps mesure-t-il le mouvement plutôt que lemouvement ne mesure le temps si Aristote lui-même visaità intégrer l'expérience ordinaire de la mesure réciproquedans la doctrine du temps-mesure, en la déclarantrationnelle (el/logos, Phys. IV, 220 b24) ? Que devient lapriorité du mesuré sur la mesure objectée au subjectivismede Protagoras? [.. ,], et c'est de l'intérieur même de ladoctrine aristotélicienne qu'il faudra comprendre la

125 L'Image-temps, op. cit., pp. 52-53.

64

La subordination du mouvement au temps

"difficulté" de Plotin à saisir l'idée que la mesure est dansla chose mesurée et entraîne un rapport de réciprocité. Enddinitive, c'est l'être du temps qui échappera à laddinition, comme on le disait déjà du mouvement réel, cetemps dont on affirme tour à tour qu'il est ce qui mesure etce qui est mesuré, alors que ce sont là de toute évidencedeux propositions inverses (enhellagmenos) l'une del'autre »126.

Cette double référence conceptuelle, sous-tendantl'inversion des valeurs théoriques d'une raison enclavée àtlne représentation physique du monde, résonne comme lerevers propositionnel inhérent à la duplicité des conceptsde l'actuel et du virtuel. Ceux-ci restaient effectivementdans une certaine mesure fondamentalement "bloqués"dans une « analytique de l'indiscernable »127, au creuset del' indistinction. Hérités et répercutés de la même manièrede l'Aiôn au Chronos stoïcien tant qu'à l'actuel-virtuelhergsonien et que nous envisagions précédemment enl'espèce de la possibilité d'une critique formulée par1\adiou comme défaillance fonctionnelle. Cependant, au­delà de cette hyperbole théorétique voyant s'accomplir la"répétition du même" au niveau de schème précurseur del'intellect, condamnant d'emblée toute révolution possiblede la pensée en son sein en scellant le mouvement réflexif;'l s'arc-bouter aux limites des mêmes points nodauxsouffrant à la pensée du paradoxe, c'est toutefois depuiscette "défaite" que Deleuze se tourne vers Kant. Celui-ciinaugure à son sens le véritable renversement d'unetemporalité éparpillant littéralement à l'aune de sarévolution copernicienne ce temps qui restait coudé etcrucifié comme temps de la représentation et de la

I.'ll Eric Alliez, Les temps capitaux, T.I, op. cit., pp. 66·67.117 Alain Badiou, Deleuze-La clameur de l'être, op. cit., p. 79.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

rédemption sous les fonnes d'une dépendance physique,psychique et divine.

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l. Le hoquet transcendantal kantien.

C'est par le truchement de la formule du Hamlet deShakespeare « the time is out of joint! » ou « le temps esthors de ses gonds» 128 que Deleuze exprime le grandrenversement opéré par Kant. En sa poétique kantienne,cette formule souligne le dérèglement d'un temps affolé etdélivré du mouvement lui permettant de libérer sespuissances et de s'affranchir des formes majeuresl'assignant jusqu'alors à une virulente dépendance, Dieu,Moi, Monde; formes dans lesquelles il restait jusqu'alorsenclavé et prisonnier. L'emploi de la formule dont l'usageest cher à Deleuze ne sert pas à faire dire autre chose autexte que ce qu'il dit, mais à révéler différemment ce qu'ilsous-tend fondamentalement. C'est la puissance d'uneimage à l'allure travestissante qui use comme d'un masqueet dont l'énoncé se fait double des virtualités qu'il recèle,formant ainsi que l'écrit Jean-Clet Martin cette «lignéesouterraine avec d'autres textes» comme « série delignées propres à reformuler les concepts» et qui «creuseune zone d' indiscernabilité entre tous les usages d'unterme en variation continue »129. Le temps sort de sesgonds signifie donc littéralement que l'axe de l'éternelselon lequel le temps demeurait courbé se déplie.Déroulant et déployant la cardinalité le long d'une pureligne droite brisant le cercle, le temps se lance à laconquête d'un régime ordinal. Il n'est ainsi plus dérivé ni

128 Gilles Deleuze, « Sur quatre formules poétiques qui pourraientrésumer la philosophie kantienne », in Critique et Clinique, Paris,Minuit, 1993, p. 40. Cf. aussi Différence et répétition, op. cit., p. 119.129 Jean-Clet Martin, Variations - La philosophie de Gilles Deleuze,op. cit., pp. 75-76. Sur la formule, consulter également le texte deDeleuze, « Bartleby ou la formule », in Critique et Clinique, op. cit.,pp. 89-115.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

onglnaire, déterminations qui Inaintenaient sasubordination avec le mouvement, mais devient le tempsle plus ordinaire, banal et quotidien; avec Kant, «lemouvement aberrant est devenu le plus quotidien, laquotidienneté même, et ce n'est plus le telnps qui dépenddu lllouvement, mais l'inverse ... »130. L'apport kantienfondanlental est donc de rompre l'axe définitionnelencerclant le temps sous la succession, la simultanéité et lapennanence. À partir de la Critique de la raison pure 131 etses analogies de l'expérience, ce ne sont plus que desmodes de la temporalité. Mais si les analogies del'expérience kantienne récusent en dernier lieu ce qu'ellespromettaient de faire advenir en leur temps, il n'en restepas moins que désormais, dans le vertige d'une oscillation,le temps devient pure forme rapportant les éclats du tenlps,durée, série, ensemble, à être des cOITélats décousus sousle fil de la ligne droite du temps. Il ne peut plus être àprésent question de « définir le temps par la succession, nil'espace par la simultanéité, ni la pernlanence parl'éternité »132. L'expression du "Prince du Nord" lâchedonc pour Deleuze les véritables puissances significativesd'un temps concaténé jusqu'alors à un mouvementhiératique et permet ainsi des mouvements aberrants,désaxés. Cela donne un temps rendu à lui-même et libéré«du mouvement centré autour de son axe »133 puisque

130 L '[ 't 57mage-temps, op. CI., p. .131 Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, Livre Il, Analytiquedes principes, Chap. Il, troisième section, 3, « Les analogies del'expérience », Première analogie, Paris, P.U.F, 1986 (1 ère éd. 1944),fP. 177-182.

32 « Sur quatre formules poétiques qui pourraient résumer laphilosophie kantienne », op. cit., p. 42.133 Peter Pal Pelbart, « Le temps non-réconcilié », in Gilles Deleuze,une vie philosophique, op. cit., p. 93.

68

Le hoquet transcendantal kantien

l' 'est bien de cela dont il s'agit depuis l'antiquité, que le\L'mps soit centré autour de l'axe de ses «centres den:'volution du mouvement même, d'équilibre des forces,de gravité des mobiles, et d'observation pour un spectateurl'apable de connaître ou de percevoir le mobile, etd'assigner le mouvement »134. Le temps se subordonnelhHle le mouvement, temps qui ne "rime" plus selonllülderlin, mais se distribue selon une fêlure indivise,Iilrtne du changement qui ne change pas, «distributionpurement formelle de l'inégal en fonction d'uner~sure »135.

Cette nouvelle forme du temps nécessite d'autresd~tcrminations. Car cette instance formelle autonomeiIlaugure un "profond mystère" qui marque la forme de cequi change sans pouvoir à son tour changer, au risqued'être à nouveau renvoyé à la succession. La nouvelledéfinition d'un temps kantien décrochant proprement letemps du mouvement redéfinit donc par-là même la notionde mouvement, alléguant celui-ci à ne plus être la simpleL'valuation d'une extension physique dans l'espace mais lecorrélant à la forme du changement dans le temps. « Toutce qui se meut et change est dans le temps, mais le tempslui-nIème ne change pas, ne se meut pas, pas plus qu'ilIl' est éternel. Il est la forme de tout ce qui change et semeut, mais c'est une forme immuable qui ne changepas. 136 » Mais l'immuabilité ne peut ici en aucun cas faireL'cho à l'éternel ni déterminer le temps selon le principe del'éternité puisque ce dernier est plutôt « la forme de ce qui

1 \·1 L'Image-temps, op. cit., p. 53.1\~ Différence et répétition, op. ch., p. 120.1 \l, « Sur quatre formules poétiques qui pourraient résumer laphilosophie kantienne », op. cit., p. 42.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

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C'est donc dans un temps se dépliant pour devenirpure ligne droite borgésienne du temps et achever lacircularité, libéré de la psychologie, de la coslnogonie etde la théologie, que s'affranchit le "Je" au redoublelnentde sa fêlure, sur les bords de sa scission, la philosophietranscendantale kantienne initiant indissolublenlent parcette nouvelle fonne de la telnporalité le « Dieu l1l0rt, le Jefêlé, et le nloi passif»138. Cette inscription et articulationnlomentanées autour d'un rapport indéfectible entre telnpset pensée consacrent l'opération d'une division tenlporelleau contrecoup ontologique et supposent une séparation dusujet entre un "Moi passif' et un "Je actif' au sein Inêlllede la césure de la ligne du telnps. L'élnancipation d'untelnps kantien transforme donc radicalelllent le rappol1 dela conscience du sujet au telnps qui se trouve désonnaisscindé par la ligne temporelle. Ce telnps rapporte, comlnepure fonne de l'intériorité, l'écart entre la constitution dece Moi passif et la représentation d'un Je actif, trouant lesinsuffisances du Cogito cartésien sous la fornle dudéterlllinable et définissant cette fonne de la telnporalitécomme « l'Affect de soi par soi »139. Il nlarque la ligne dedémarcation d'une altérité creusée au dedans par l'autre ensoi et comme happée par un Dehors. Cette nouveautékantienne s'énonce sous la formule rimbaldienne "Je estun autre", et lie brutalement tenlps et subjectivité: « Si leJe détennine notre existence comme celle d'un moi passifet changeant dans le temps, le temps est cette relation

137 Ibid.138 Différence et répétition, op. cil., p. 117.139 « Sur quatre formules poétiques qui pourraient résumer laphilosophie kantienne », op. cil., p. 44.

70

Le hoquet transcendantal kantien

Illl"mclle suivant laquelle l'esprit s'affecte lui-même, [... ].( l' n'est pas le temps qui nous est intérieur, [... ] c'est nousqlli sommes intérieurs au temps, et à ce titre toujours,.l'parés par lui de ce qui nous détermine en l'affectant »140

ct. « la seule subjectivité, c'est le temps, le temps non­lltl"onologique saisi dans sa fondation, et c'est nous qui\ommes intérieurs au temps, non pas l'inverse. [... ] Letl'mps n'est pas l'intérieur en nous, c'est juste le contraire,"intériorité dans laquelle nous sommes, nous nousIllouvons, vivons et changeons. [... ] La subjectivité n'estl;tmais la nôtre, c'est le temps, [... ] lui-même, pure\ irtualité qui se dédouble en affectant et affecté,"l'affection de soi par soi" comme définition dutl'mps »141. Pris dans un double jeu autour d'un sujet scindéct creusé au-dedans avec le temps comme seule formeddcnninable de ce qui peut exprimer mon existenceIndéterminée, "Je" flirtant aux bords d'une scissiontl'mporelle comme forme même de l'intériorité etl'onditionnant le seuil de notre fêlure, le sujettranscendantal kantien ayant cassé la chaîne des divisionsspatiales qui épuisait en la figure d'un dualisme cartésienun "'Moi" s'équivalant dans le temps en définissant lerebut exigu d'une subjectivité passive, me sépare de moi­même dans l'acte de synthèse transcendantale sous le fildu temps. L'affinnation deleuzienne d'une séparationmoïque sous l'égide formelle du temps réitère donc laditférenciation capitale d'un sujet d'inspiration kantiennepris entre la passivité d'un Moi emporté dans la fonne duchangement et l'activité d'un Je assurant sous la fonne del'immuabilité l'action synthétique d'une conscienceeffectuant la synthèse entre passé, présent et futur : « Le Je

l·lO Ibid., pp. 44-45.141 L'Image-temps, op. cil., pp. 110-111.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

et le Moi sont donc séparés par la ligne du temps qui lesrapporte l'un à l'autre sous la condition d'une différencefondatnentale. Mon existence ne peut jamais êtredéterminée comme celle d'un être actif et spontané, maisd'un moi passif qui se représente le Je, c'est-à-dire laspontanéité de la détermination, COlnme un Autre quil'affecte (paradoxe du sens intime) 142. » Ce nlouvementoscillatoire perpétuel nous dédoublant infiniment le longd'une arête flottante et discontinue, insufllallt le rythmed'une course mutuelle et toujours déplacée entre termesdisjoints d'un Je et d'un Moi conllne reliquats d'un Autresuspend donc définitivenlent sous la forme du tempsl'intuition d'une substance pensante cartésienne enl'espèce de l'identité d'un cogito puisque «'''Je est unautre" a remplacé Moi = Moi »143.

Mais si Kant est pour Deleuze le grand initiateurdu renversement des formes de la subordination du tempsfaisant que le Dieu et le moi « trouvaient une sorte de lnortspéculative »144, il n'en reste pas lnoins qu'il capitule selonlui avant même d'être arrivé à terme. Voulant sauver lafondation d'une raison législatrice s'inféodant à lareprésentation, Kant multiplie finalement les senscommuns et griffe au crochet du quadruple carcan d'unepensée représentative une différence soumise demeuranttoujours pensée par rapport à « une identité conçue, à uneanalogie jugée, à une opposition imaginée, à unesimilitude perçue »145. Aussi, si bien que les figuresdivines, lnoïques et mondaines purent apparaître un instant

142 « Sur quatre formules poétiques qui pourraient résumer laphilosophie kantienne », op. cit., p. 43.143 L'Image-temps, op. cit., p. 174.144 Diffërence et répétition, op. cit., p. 178.145 Ibid., p. 180.

72

Le hoquet transcendantal kantien

l'onjurées de leurs concaténations vassalisantes parI~squelles elles crucifiaient le temps à l'autel d'une ombrerl'dcmptrice, elles réapparaissent néanmoins sous l'effigiede la représentation au secours de la nécessité d'une loipratique pour réhabiliter le Dieu mort et le Je fêlé quiI( ressuscitent plus intégrés et certains que jamais [... ]dans l'intérêt pratique ou moral »146. Le renversementkantien apparaît alors plus comme momentané et résonnecomme un hoquet transcendantal dont le balbutiements()uligne singulièrement la déficience kantienne.

À l'abandon de la philosophie transcendantale deKant en sa butée pratique d'une raison législatrice, lar~prise deleuzienne d'une subjectivité séparée par laprirnauté du temps qui se scinde et nous scinde ens'élançant dans l'écheveau d'un futur inconditionné,initiant le long d'un cercle déroulé les pourtours d'un Moidissous et d'un Je fêlé en tant qu"'égoité non-égologique",ne lasse pas d'esquisser l'archétype de son plan de penséecomme sol de toute ontologie. Remerciant ce Kantschizoïde en sa défaillance sous la formule de l'Autre quipourrait en dernière instance n'être dans une formeschizophrénique qu'un "encore moi" contre lequel pointemalgré tout le désagrégement de l'être dans toutes sesimpersonnalités, elle échoue peut-être cependant à« dériver l'Ego d'un non-Ego» nous obligeant endéfinitive, ainsi que le note Jacob Rogozinski, à «penserensemble l'usage affirmatif-différentiel des synthèses ­pour qui "je est un autre" - et leur usage négatif-identitaire- qui fait que cet autre, c'est encore moi »147. Ainsi,

1·16 Ibid., p. 179.147 Jacob Rogozinski, «Défaillances (entre Nietzsche et Kant) », inI,endemains, n053, Marburg, Ed. Hitzeroth, 1989, pp. 59-60. Onrappelle néanmoins que dans le portrait machinique "illusions

73

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nonobstant cet écueil kantien aboutissant finalement àinféoder toute libération entre-aperçue au joug d'unepensée représentative, cette défaillance n'apparaît-elle pasfinalenlent comme «le paradignle de toute défaillancephilosophique »148 7 En effet, si la décardinalisationrompue d'une temporalité désonnais "hors de ses gonds"réapparaît plus tardivement au cinélna dans L 'lmage­temps pour désigner la présentation d'un temps à l'état purd'une inlage-tenlps « "transcendantale" au sens que Kantdonne à ce mot »149, comment retrouver l'axe de laluéthode de Deleuze 7 De quelle manière l'usage dutranscendantal se justifie-t-il 7 Quelle est donc cettesingulière puissance d'un temps rhizomatique ranlifiant lesenvolées du système deleuzien et les délocalisant par suitecornille un retour concentrique illimitatif schizoïde encette « dérive généralisée »1507

comprises" de Kant dressé dans Qu'est-ce que la philosophie ?, le « Jepense» ne cesse de répéter qu'un Moi=Moi, Cf. Gilles Deleuze-FélixGuattari, Qu'est-ce que la philosophie?, Paris, Minuit, 1991, p. 57.148 Ibid., p. 55.149 L'Image-temps, op. cit., p. 355.150 Gilles Deleuze-Félix Guattari, L'Anti-Œdipe - Capitalisme etschizophrénie, Paris, Minuit, 1972, p. 92.

74

3. Un empirisme transcendantal.

Le long d'une ligne de fuite creusant les écarts etdistendant les problèmes, Deleuze reconnaît donc etassigne à Kant la découverte du "prodigieux" domaine dutranscendantal, ce en quoi il fait précisément figure de«l'analogue d'un grand explorateur »151. Découvrant laforme d'un Je fêlé subsumée à celle d'un Moi passifcomme résultat de l'opération même du temps sur le sujet,le plus haut mérite que constitue ce moment décisif pour lapensée qu'est la philosophie transcendantale réside dansl'inauguration de cette profonde exigence consistant à«introduire la forme du temps dans la pensée commetelle »152. Cette intromission affecte définitivementl'ontologie qui ne peut plus depuis son tournanttranscendantal que s'éprouver comme indissolublementliée à cette conquête d'une temporalité dont l'être nousscinde, à l'épreuve de la fêlure du Je. Mais alors que pourDeleuze, «Kant semblait armé [... ] pour renverserl'Image de la pensée »15\ il retombe, de fait, dans legouffre d'une illusion représentative en ses présupposésdoxiques implicites et ne fait que démultiplier l'usage d'unsens commun dont la philosophie reste prisonnière. Il nepeut tenir les promesses du transcendantal, à savoir sedépartir de la représentation et infléchir le renversementd'une image de la pensée séculaire qui se présuppose elle­nlême. Aussi cette tentative aboutit-elle finalement àn'atteindre qu'un quasi-transcendantal décalqué surl'empirique et enchaîné à un archétype identitaire. Elle

151 Différence et répétition, op. cit., p. 176.152 Ibid.153 Ibid., p. 178.

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Gilles Deleuze. l'épreuve du temps

constitue en dernier lieu un «idéal d'orthodoxie »154

conservant la forme de la doxa, l'élément du sens communet le modèle de la récognition.

Si en efTet, l'image de la pensée repose sur unestricte distinction entre ce qui ressort du fait et du droit 155

le défaut majeur de Kant est de trahir toute validité defondation en ce que celle-ci expulse les caractères del'empirique pour les réinjecter dans le transcendantal,défalquant de la sOlie les propriétés de ce qui devrait sedonner en droit de celles qui se donnent en fait. Ainsiinfëré, tout le champ transcendantal n'est finalenlent quedéduit des mixtes de l'elupirie et s'auto-fonde par laqualité nlême d'une preuve qu'il était censé prouver,accouchant d'une illégitinle légititnité, avortenlent anté­natal conditionnant toute l'histoire de la "longue erreur dela représentation". Ce cercle vicieux d'une conditiondécalquée de son conditionné fauche toute prétention del'a priori kantien en son impur renversenlent et le relègueà la fornle de l'a posteriori. C'est toute l'aporie d'unfondement qui, pour être considéré comlne tel en sa viséegénétique, ne doit en aucun cas se laisser régenter par uneconformation à ce qu'il se propose de fonder, asymétriefondamentale nécessitant de désagréger toute connivenced'une possible ressemblance entre deux ordres requérantla plus pure différenciation car «jamais le fondenlent nepeut ressembler à ce qu'il fonde »156. De la sorte,l'insuffisance kantienne déploie en son ombre larésurgence sournoise de la tentation d'un psychologisluequand il décalque «les structures dites transcendantalessur les actes empiriques d'une conscience

154 Ihid., p. 175.155 Cf. Qu'est-ce que la philosophie? , op. cit., p. 40.156 L . d . 120oglqueu sens, op. Clt., p. .

76

Un empirisme transcendantal

psychologique »157, hypostasiant par-là même tout champtranscendantal depuis les formes reconnues etreconnaissables d'une expérience sensible. Aussi letranscendantal kantien reste-t-il concaténé à l'orbe d'unepensée représentative à ne pouvoir dégager que lesconditions d'une expérience possible et non celle d'uneexpérience réelle, minant en ce principe de productionaliéné toute l'esthétique transcendantale qui se trouve dèslors scindée en deux divisions insurmontables, et sediffracte au seuil de cette irrésolution principielle en«deux domaines irréductibles, celui de la théorie dusensible qui ne retient du réel que sa conformité àl'expérience possible, et celui de la théorie du beau quirecueille la réalité du réel en tant qu'elle se réfléchitd'autre part »158. C'est par cette condamnation d'unrendez-vous "manqué" avec le transcendantal que Deleuzemarque la nécessité d'y remédier par la mise en place dece qu'il nomme un empirisme transcendantal. Si de primeabord la formule peut sembler provocante ou paradoxale,c'est que cet "effet" répond précisément de l'illusion danslaquelle la philosophie s'est entretenue par l'ignorance oula méconnaissance de cet "empirisme proprementtranscendantal" en conditionnant son impuissance às'élever à un niveau véritablement transcendantal et ce parune dépendance omise au bon sens et au sens commun deprincipes simplement métempiriques : « C'est pourquoi letranscendantal pour son compte est justiciable d'unempirisme supérieur, seul capable d'en explorer ledomaine et les régions, puisque, contrairement à ce quecroyait Kant, il ne peut pas être induit des formesempiriques ordinaires telles qu'elles apparaissent sous la

1~7 Différence et répétition, op. cit., p. 177.1~ll Ibid., p. 94.

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Il s'agit donc pour Deleuze de pouvoir coller auplus près d'une expérience réelle en ses infinis tissagesmais dont les conditions ne soient cette fois-ci pas pluslarges que le conditionné. Elle doit ainsi différertotalenlent d'une sitnple assimilation catégorielle, filtrant àce plus mince filet toute sensibilité conllne avènelnentd'une expérimentation se faisant puisque le filet de lareprésentation reste « si lâche que les plus gros poissonspassent au travers »160. Ce nouveau chmnp du réel quis'ouvre à toute perception se propose ainsi de se placer àun niveau sub-représentatif sans présupposés, seul garantde la découvelie d'une nouvelle terra incognita. Il opèrede cette nlanière une fusion des deux esthétiques scindéespar la déficience kantienne en une esthétiquetranscendantale, et dont l'opérateur serait cette sensibilitéintensive parcourant l'horizon infini d'un pland'immanence au survol du chanlp transcendantal, agissantainsi de telle sOlie que « les deux sens de l'esthétique seconfondent, au point que l'être du sensible se révèle dansl'œuvre d'art, en même temps que l'œuvre d'art apparaîtcomme expérimentation »161. Cette géographie de puresurface à laquelle convie Deleuze déboutemomentanément toute tendance généalogique en une viséegéologique, renvoyant alors comme le vieux spectre del'analogique - principe d'une pensée bouturée au greffonde la récognition - toute fondation philosophique

159 Ibid., pp. 186-187.160 Ibid., p. 94.161 Ibid.

78

Un empirisme transcendantal

s'établissant en terre de ressemblance. Quelles sont lesdéterminations de ce champ transcendantal devantcxpurger tout décalque de l'empirique et dont les traits nepeuvent en aucun cas être à l'image d'un monde laissantcn son reflet poindre l'ombre de la représentation?Comment cet empirisme radical 162 peut se délester dupoids de la lourdeur représentative et se défaire del'habitude d'une conscience hantant l'image de la pensée,perte à la deuxième puissance d'une véritable infectioncnvenimant l'ordre "des mots et des choses" ? Nous nousreportons ici au tout début du dernier texte de Deleuze,L'immanence: une vie ... : «Qu'est-ce qu'un champtranscendantal ? Il se distingue de l'expérience, en tantqu'il ne renvoie pas à un objet ni n'appartient à un sujet(représentation empirique). Aussi se présente-t-il commepur courant de conscience a-subjectif, conscience pré­réflexive impersonnelle, durée qualitative de la consciencesans moi. Il peut paraître curieux que le transcendantal sedéfinisse par de telles données immédiates: on parlerad'empirisme transcendantal, par opposition à tout ce quitait le monde du sujet et de l'objet. [... ] Mais le rapport duchamp transcendantal avec la conscience est seulement dedroit. [... ] C'est pourquoi le champ transcendantal ne peutpas se définir par sa conscience pourtant coextensive, maissoustraite à toute révélation. [ ... ] À défaut de conscience,le champ transcendantal se définirait comme un pur pland'immanence, puisqu'il échappe à toute transcendance dusujet comme de l'objet »163. Dans ce texte très dense, oùchaque notion évoquée renvoie quasiment à l'ensemble du

162 l' . . d 1Autre nom donné par Deleuze à empirisme transcen anta ousupérieur.163 Gilles Deleuze, « L'immanence: une vie ... », in Philosophies nO47, Paris, Minuit, 1995, pp. 3-4.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

soubassement Ïlnnlanent de l'ontologie deleuzienne, ils'affirme nettement la césure du champ transcendantalcongédiant toute assimilation à une quelconque objectité,tant bien qu'il ne puisse se prévaloir d'aucuneappartenance à une subjectivité. Qualifiant par suite leprocessus opératoire de l'empirisme transcendantal, cechanlp transcendantal d'inspiration sartrienne définiconl1ne "pur plan d'immanence" est donc, comme l'aprécisé David Lapoujade l64

, ce qui sert la visée d'unelibération de l'immanence en la rendant à son propreJnOUVelnent puisque le plan d'imnlanence «c'est quandl'inlmanence n'est plus Ïlnmanence à autre que soi »165.

L'influence décisive que constitue la philosophie de Sartrepour la pensée du chalnp transcendantal chez Deleuzeréside dans un texte de 1937, La transcendance de l'Ego.C'est en efTet Sartre le premier qui définit l'idée d'unchamp impersonnel et pré-individuel nlême si, noteDeleuze, celui-ci ne parvient pas à développer toutes lesconséquences qu'il aurait pu en tirer car encore prisonnierde la détem1ination d'une conscience s'unifiant par « unjeu d'intentionnalités ou de rétentions pures »166.

L'importance de l'idée d'une soustraction d'uneconscience non-révélée réitère donc les objectionsfondamentales que Deleuze énonce à l'endroit de touteconscience comme détermination du transcendantal,puisque encore une fois, cette tentation répond d'un mêmevice de forme élaborant les conditions depuis sonconditionné, à la ressemblance et à l'image de ce qu'il est

164 Cf. David Lapoujade, « Du champ transcendantal au nomadismeouvrier. William James », in Gilles Deleuze, une vie philosophique,op. cit., p. 264.165 « L'immanence: une vie ... », op. cit., p. 4.166 Logique du sens, op. cit., p. 120 (note 5), 128.

80

Un empirisme transcendantal

censé fonder. Pas plus la forme personnelle d'un Jekantien comme unité synthétique d'aperception oblitérantk système à harnacher les rennes subreptices d'une doxa,que l'Urdoxa de la phénoménologie husserlienne qui nerompt pas d'un pouce avec le sens commun maiss'accrédite au bénitier philosophique alors qu'elledemeure une doxa s'ignorant en tant que telle et assignetoujours le transcendantal à des centres d'individuations I6

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Ile peuvent servir à définir le champ transcendantaldeleuzien. Il n'est ainsi «pas plus individuel quepersonnel - pas plus général qu'universel »168 mais bienplutôt toujours singulier et anti-général, impersonnel etpré-individuel. Devrions-nous croire qu'il se résout en sonprincipe de détermination à apparaître comme un sans­tùnd indifférencié chaoïde, « abîme schizophrénique »169 ?

À son tour, ce réveil d'une croyance de1Ïndiftërencié comme projectif du gouffre d'un chaosressort du même travers. Il s'agit d'un égarement danslequel nous clouent la philosophie transcendantale et lamétaphysique, en suspendant au ciel de la seule alternativepossible, soit un sans-fond indifférencié comme ce "non­être informe" soit un "Être souverainement individué", endehors desquels ne peut régner qu'un désordre généralisé,options closes par lesquelles chacune à leur tour elless'accordent « pour ne concevoir de singularitésdéterminables que déjà emprisonnées dans un Moisuprême ou un Je supérieur »170. C'est précisément ce queDeleuze dénonce comme étant l'illusion ultime et limite

1(,7 Cf. Différence et répétition, op. cit., p. 176, 179, et Logique dusens, op. cit., pp. 119-121,128.168 Logique du sens, op. cit., p. 121.16<) Ibid.170 Ibid., p. 129.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

accoinpagnant toute pensée représentative: croire que lesans-fond puisse être sans différence aucune, sort qui luiserait réservé comme répercussion rétrospective del'ensemble de ses illusions internes que fon1entent lesécueils de sa fondation. Alors que le monde du "ON"con1n1e Inonde de singularités ill1persollnelles et pré­individuelles déborde partout la représentation 171, etqu'ainsi, « quand s'ouvre le 111011de fourmillant dessingularités anonymes et nomades, impersonnelles, pré­individuelles, nous foulons enfin le champ dutranscendantal. l72 » Cette visée deleuzienne s'affirme dansle ll1ême teInps par le corrélat d'une puissance génétiquedu chan1p transcendantal au détriment de toute orthodoxiede la dialectique d'une pensée transcendantale, au risqueque ce '''planomène'' désertique que constitue le plan deconsistance nomadique de l'imll1anence COlnme « Un-Toutillilnité »173 affronte les résurgences parcellaires de toutdualisme, puisque cet "usage en immanence" de la penséedeleuzienne ne va pas, comme le dit Véronique Bergen,sans affronter « les risques de dérive, d'enlisement dans lechaos, ou dans les dualismes de la transcendance commeson n10de d'avancée même »174. Si nous avons vu émergerprécédemment, en l'espèce de l'analyse d'AlbertoGualandi, un doute quant au système deleuzien à achopperen dernière instance sur la levée de cette foi pointantcomme principe d'une finalité éthique de la croyance ence monde-ci, il n'en reste pas moins que l'exhortationdeleuzienne d'expurger définitivement tout décalque del'empirique au niveau du transcendantal conduit cependant

171 Cf. Différence et répétition, op. cit., p. 355.172 Logique du sens, op. cit., p. 125.173 Qu'est-ce que la philosophie? , op. cit., p. 38.174 Véronique Bergen, L'ontologie de Gilles Deleuze, op. cit., p. 40.

82

Un empirisme transcendantal

ù éloigner l'ambivalence tronquée du confinement de« l' épistémè de "l'analytique de la finitude" (grosso modode Kant à Sartre) dans l'orbe de la représentation, unereprésentation entendue [... ] comme image dogmatique dela pensée englobant ces deux a priori épistémiques quesont, pour Foucault, l'âge classique et l'analytique de lafinitude »175, puisque c'est cette méthode même dudécalque qui selon Deleuze, transférant les formes del'empirique au fond du transcendantal incline la pensée àde telles injonctions.

Perforant ainsi la moindre des résurgencesdouteuses que biaise une pensée arquée sous l'ordre desapostolats de la récognition, se tenant au point de laterrifiante impassibilité de l'événement, Deleuze lâchetotalement l'image du transcendantal kantien 176 etrétrocède au carrefour de la magnificence des champsd'expérimentation. Humien écartelé dans le pur courant deconscience d'un William James, se présente dorénavant uncircuit dans lequel s'engage la réalité même desévénements comme pure virtualité, et dont le pland'immanence constitue la réserve infinie. Ainsi s'ouvre leseuil du monde à la discordance des enchaînements nes'évaluant plus selon l'organisation d'un temps réglé etnormé par la perception d'une conscience dans le champdu Je, mais se délite dans l'a-perception impersonnelle del'immanence du champ transcendantal, de telle manièreque « l'événement ne rapporte pas le vécu à un sujettranscendant = Moi, mais se rapporte au contraire ausurvol immanent d'un champ sans sujet; Autrui ne

175 Ibid., p. 53.176 A cet égard, on pourra se reporter à l'article de Gérard Lebrun,« Le transcendantal et son image », in Gilles Deleuze, une viephilosophique, op. cit., pp. 207-232.

83

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

redonne pas de la transcendance à un autre moi, tuais rendtout autre moi à l'immanence du champ survolé »177. Aussiest-ce par le traitement que subit ce problème d'untranscendantal revivifié et comme épuré que Deleuze sevoit néal1l110ins obligé de reprendre à sa charge« l'adoption d'un point de vue métaphysique de survol quiredouble en sa description la césure du devenir et del'histoire »178, difficulté linlinaire évoquée précédemnlentcomnle cette "dérive généralisée", et qui en son tenlpsdéfinissait le trait affirnlatif schizophrénique de l'usaged'une synthèse disjonctive illinlitative par laquelle leschizo, en faisant proprement sauter la généalogieœdipienne opérait sous des relations de proche en proche« des survols absolus de distances indivisibles »179.

Mais ce survol à la limite des champs, échappant àtoute transcendance du sujet et de l'objet, ne doit-il passacrifier une aile à l' aplonlb du vol? En effet, touteenlbardée que convoque cet empirisme transcendantal,impritnée dans une "pulsation sans nlesure", rythnlant unedissipation incorporelle de l'être au brouillageindiscetllable d'une fondation temporelle se défondantdans sa constitution même, ne lasse pas de s'inaugurerdans le mouvement déchaîné d'un sabordage ontologiquesi, tel que le note Jean-Clet Martin, «l'empirismetranscendantal est inséparable d'une entreprise de piratage(péiratès) lancée [... ] au péril de son propre naufrage »180.

Sans pouvoir encore se prononcer sur la possibilité que cenaufrage ait bien lieu, actualisant donc son péril, il est

177 Qu'est-ce que la philosophie ?, op. cit., p. 49.178 Véronique Bergen, L'ontologie de Gilles Deleuze, op. cit., p. 61.179 L'Anti-Œdipe - Capitalisme et schizophrénie, op. cit., p. 92.180 Jean-Clet Martin, Variations-La philosophie de Gilles Deleuze, op.cit., p. 35.

84

Un empirisme transcendantal

toutefois vÏt1uellement compris dans l'entreprise del'empirisme transcendantal comme son double contre­dfectuable. S'agira-t-il alors de l'échouage sur la riveaccidentée d'une île déserte où viennent buter selonl'écume joyeuse d'une sensibilité asymétrique tous lesl'cueils de l'océan philosophique? Ou bien del'cngloutissement nécessaire de toute l'ivressedionysiaque de l'immanence dans le sans-fond d'uneaspiration saline qui, au seuil de sa suffocation, nousrévèle le plus pur éclat suivant sa décompositioncristallographique?

La géographie complexe du plan d'immanencedeleuzien, impliquant cette «sorte d'expérimentationtütonnante »181, consacre donc cet empirisme radical quidestitue toute velléité de succomber aux attraits dessimples limites d'une expérience possible au profit del'adéquation avec une expérience réelle. Ne s'évaluantplus par l'identité mesurée tant du sujet que de l'objet, sonl' tfectuation temporelle distribue partout les germes decctte vie indéfinie en des "entre-temps"182. Dès lors, sur lagrève d'une "ligne de sorcière" que nécessite lemouvement même de la pensée, relever cette géographieconduit à se diriger indiscernablement à la traverséedésertique du champ transcendantal via l'art, ses trouées,tütonnements et bifurcations, et notamment via l'objetcinéma «qui relève d'une expérimentation capable d'enrelever la topologie accidentée »183, Or, précisément, dansce labyrinthe aux sentiers multiples de la temporalitédeleuzienne, l'empirisme transcendantal est « une pensée

IHI {}u 'est-ce que la philosophie ?, op. cit., p. 44.IH.' L" .. 5« Immanence: une vie ... », op. Clt., p. .tK 1 Jean-Clet Martin, Variations-La philosophie de Gilles Deleuze, op.(il., p. 86.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

du temps qui suppose des alliances multiples au seindesquelles le cinéma apparaît comme une épreuve inéditeet incontournable »184. Ne serait-ce encore que la tentationde toute défaillance à se perdre au risque et au jeu dutelnps, pointant les insuffisances de toute pensée à enrelever et à en déchiffrer les signes, qu'il faut malgré toutpoursuivre l'avancée, tendant toujours plus àl'inlpersonnelle singularisation d'un style, nlarquant par-làaussi ce qui ressort peut-être de l'indéfectible échec queconlporte toute tentative à son endroit.

184 Ibid., p. 87.

86

Troisième partie

La question de la falsification.

« Il Y avait une fêlure silencieuse,imperceptible, à la surface, uniqueEvénement de surface comme suspendu sursoi-même, planant sur soi, survolant sonpropre champ. La vraie différence n'est pasentre J'intérieur et J'extérieur. La fêluren'est ni intérieure ni extérieure, elle est à lafrontière, insensible, incorporelle, idéelle.Aussi a-t-elle avec ce qui arrive àl'extérieur et à l'intérieur des rapportscomplexes d'interférence et de croisement,de jonction sautillante, un pas pour l'un, unpas pour l'autre, sur deux rythmesdifférents: tout ce qui arrive de bruyantarrive au bord de la fêlure et ne serait riensans elle; inversement, la fêlure ne poursuitson chemin silencieux, ne change dedirection suivant des lignes de moindrerésistance, n'étend sa toile que sous Je coupde ce qui arrive. Jusqu'au moment où lesdeux, où le bruit et Je silence s'épousentétroitement, continuement, dans lecraquement et J'éclatement de la fin quisignifient maintenant que tout le jeu de Jafêlure s'est incarné dans la profondeur ducorps, en même temps que Je travail del'intérieur et de l'extérieur en a distendu lesbords. »

Gilles Deleuze, Logique du sens, op. cit., p.181.

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1. Cristal et temps: délire de vision ou cristallisation del'impersonnel?

Débarrassé des "impurs" relevant de toute méthodede décalque, l'empirisme transcendantal tend donc àrévéler cette région du plan d'immanence - immanentismeradical. Le seuil de cette ère inédite promouvant unenouvelle image de la pensée vers l'aire d'une pensée sansimage se propose de la sorte de lâcher définitivement le lotd'une orthodoxie constituant la pensée représentative. Elleparvient ainsi au point de renversement du temps oùl'inversion dans des formes non-identitaire sans aucuneautre forme de modèle réhabilite le transcendantal via cetempirisme supérieur, réhabilitation permettant selonDeleuze de refondre les deux esthétiques restant séparéesentre contemplation et création. Celle-ci vient de faitrompre l'existence de cette ligne de démarcation en unefusion opératoire par laquelle l'expérimentation devient'''reine'', comme l'ouverture d'une sensibilité pure,réceptive à l'intensité de tous les degrés de variations dumonde qui changent de nature en se différenciant suivantchaque degré temporel. Cela constitue la promesse del'avènement d'une temporalité affranchie des formes de lareprésentation. Car l'esthétique souffre en son sein, pourDeleuze, de cette "dualité déchirante" qui assigne d'uncôté, la formation d'une théorie du sensible établissant laforme de l'expérience possible et, d'un autre côté, celuid'une théorie de l'art administrant une réflexion del'expérience réelle. Or «pour que les deux sens serejoignent, il faut que les conditions de l'expérience engénéral deviennent elles-mêmes conditions del'expérience réelle; l'œuvre d'art, de son côté, apparaît

89

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

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Nous avons vu de quelle tuanière la critiquedeleuzienne à l'endroit de la représentation s'établit par lereproche de rester subsunlée à la fornle de l'identité,déduisant la condition de son conditionné « sous le doublerapport de la chose vue et du sujet voyant »186.L'enlpirisnle transcendantal fournit à cet égard le nl0yende se placer à ce niveau sub-représentatif qui défait l'ordredes survenances connectives hiérarchisant la pensée, en sesituant dans une antéposition qui supprinle touteattribution et distinction de l'objet et du sujet. Cetteposition stigtuatise ainsi le nomadisme d'un champtranscendantal impersonnel traçant un pur pland'immanence où cette dernière est rendue à son propremouvement. Le dessein d'un auto-mouvement de lapensée et de l'immanence est d'ailleurs toujours chezDeleuze condition corrélative de l'auto-constitution d'unephilosophie créative et sans présupposés. Il constitue l'en­soi d'un mouvenlent de devenir productif et génital,jamais originaire ni dérivé, puisque l'arrêt du mouveluentdemeure constamment le risque de fournir à la

185 Logique du sens, op. cit., p. 300.186 D(fJërence et répétition, op. cit., p. 94.

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Cristal et temps

transcendance des points de résurgences par lesquels elleen profiterait pour réapparaître, ce par quoi « le propred'une recherche transcendantale est qu'on ne peut pasl'arrêter quand on veut l87 », le transcendant ne seconfondant absolument pas avec le transcendantal. Mais leplan d'immanence est ce qui en tant que tel, s'il doit êtrepensé, ne peut être pensé. Il renvoie à l'impossible oul'impensable dans la pensée comme sa limite inflexible,incompressible et dilatatoire, ouvert au dehors absolu, pliéet feuilleté à l'infini, faisant plutôt figure d'un "non-pensédans la pensée". Le plan d'immanence, dit Deleuze,« n'est pas un concept pensé ni pensable mais l'image dela pensée, l'image qu'elle se donne de ce que signifiepenser, faire usage de la pensée, s'orienter dans lapensée ... »188. Cet impensable désigne-t-il alors le plan quecomme un pur désert allégorique? Car cette définition duplan d'immanence comme image qui ne peut mais doitêtre pensée résiste tout d'abord à une compréhensionclaire, et occasionne à tout le moins un statut et un usagede l'image chez Deleuze qui peut, de prime abord, semblerparadoxal. Il faut néanmoins rappeler ici l'importance del'établissement du principe de l'empirisme transcendantalet de la puissance de la visée génétique du champtranscendantal, seul moyen de l'effectivité d'une genèseunivoque du réel libérant enfin des forces intensives decréation et d'individuation. Il s'agit de la sorte de rendrejustice à l'émergence du nouveau, et de provoquer uneréalité par laquelle puisse se faire jour la puissancecréatrice du mouvement de pensée puisque « penser, c'estcréer, il n'y a pas d'autre création, mais créer, c'est

187 Gilles Deleuze, Présentation de Sacher-Masoch - Le froid et lecruel, Paris, Minuit, 1967, p. 98.188 Qu'est-ce que la philosophie? , op. cit., pp. 39-40.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

d'abord engendrer "penser" dans la pensée l89 ». Ce ressortde la production d'une pensée qui naît dans la pensée,« l'acte de penser engendré dans sa génitalité, ni donnédans l'innéité ni supposé dans la rénliniscence, est lapensée sans image »190. La philosophie est essentiellementpour Deleuze un constructivisme qui doit se comprendresous sa double nature, à la fois conlnle activité créatrice deconcepts et à la fois comnle instauration d'un pland'itlll11anence affrontant le chaos et constituant le "solabsolu" de la philosophie. Mais celle-ci ne saurait seconcevoir sans une compréhension non-philosophique,elle « ne peut pas se contenter d'être comprise seulenlentde nlanière philosophique ou conceptuelle» 191 tllais «abesoin d'une non-philosophie qui la comprend, elle abesoin d'une compréhension non-philosophique, commel'art a besoin de non-art, et la science de non-science »192,chaque activité recoupant le plan du chaos en des pointsditlërentiels. Philosophie, art et science tirent ainsirespectivement des plans sur le chaos, chacune à leur tourétant les "filles" de ce chaos C0l11l11e fOrl11eS de la pensée,ses '''chaoïdes'' définissant la réalité produite au point derecoupenlent du plan et du chaos. Et que peut l'art, si cen'est de lutter effectivenlent avec ce chaos pour en tirerdes variétés esthétiques, variétés qui ne sont pas comprisescomme reproduction d'un sensible, mais plutôt commeémergence de l'être même du sensible, et «faire surgirune vision qui l'illumine un instant, une Sensation »193.

189 Difference et répétition, op. cit., p. 192.190 Ibid., p. 217. C'est nous qui soulignons.191 Qu'est-ce que la philosophie? , op. cit., p. 43.192 Ibid., pp. 205-206.193 Ibid., p. 192.

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Cristal et temps

Cette tentative est précisément celle dudéveloppement par Deleuze d'ul1 rapport entre le cinémaet la philosophie : penser l'articulation entre l'image et leconcept, l'œil et l'esprit, le visuel et le pensant,répercussion entre l'image de la pensée et la pensée sansimage au point d'échange indiscernable nous plongeantdans un milieu faisant qu'il n'est pas possible de lesappréhender de manière séparée et indépendante, mais sedéveloppant et s'enveloppant mutuellement selon unemembrane pelliculaire ajointant l'image de la pensée àl'image-temps dans un rapport indissociable, et dont lamanifestation surgit précisément par l'illuminationinsupportable d'une vision. Cette réalité biface del'analytique d'un visible aimanté par l'invisible etconditionnant la possibilité d'une nouvelle visibilité(autant que celle d'un visible renouvelé), détermine lamanière dont l'image-cristal et le cristal de tempss'entrechoquent comme concept et comme matière suivantl'irrépressible question de cette nouvelle esthétiquetranscendantale, et dont l'œuvre devient expérimentation :Comment rendre sensible et visible le temps?

S'il peut sembler étrange, comme propositionphilosophique, d'énoncer la possibilité de voir le temps, etque celui-ci devienne l'objet d'une perception visuelle,cette visibilité fonde cependant tout le mouvement depensée des deux livres que Deleuze consacre au cinéma,L'Image-mouvement et L'Image-temps. Projet d'unetaxinomie descriptive rapportant une classification dessignes opérant dans le cinéma comme « une nouvellepratique des images et des signes, dont la philosophie doitfaire la théorie comme pratique conceptuelle »194, de l'un àl'autre de ces deux volumes s'établit la distinction entre

194 Ibid., p. 366.

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deux âges du cinéma: d'une part un âge du cinénla dit"classique", celui de l'image-mouvement, qui correspondà un cinéma qui enchaîne les réactions d'un personnagerépondant à des situations données selon le schènle d'unlien senSOri-lTIoteur, en des descriptions dites organiques.C'est l'ordre d'une image montée en fonction de coupesrationnelles où le tenlps reste subordonné au mouvenlent(inlage-telTIpS indirecte). D'autre part un âge dit"nloderne" où ce schèlTIe ne vaut plus car il se trouve"brisé du dedans" par quelque chose d'autre, faisantadvenir des mouvelllents aberrants et des relations non­localisables; le personnage est pris dans des situations ledépassant où partout l'événement déborde, le laissant alorsdans une impossibilité qui effondre le circuit classiqueperception-action, et fait face à ce que Deleuze nonlme dessituations optiques et sonores pures. C'est le régilTIe desdescriptions cristallines non-organiques, qui sontdétachées de tout prolongement moteur et inaugurent untelTIpS sorti de ses gonds se subordonnant le lTIOUVement(illlage-temps directe) ; livrés à l'intolérable etl'insupportable d'une banalité quotidienne, cespersonnages deviennent de "purs voyants" condanlnés àune errance et happés par la force d'un dehors contrelaquelle ils ne peuvent plus lutter. Le cinéma d'actants esttransformé en cinéma de voyants 195. Si ce nouvel âge ducinéma moderne est repéré par Deleuze en Europe avecl'avènement du néo-réalisme comme rupture et nlise encrise du cinéma classique, qui correspond pour lui aucinéma d'avant-guerre, cet état de crise existe néanmoinsvirtuellement pour Deleuze comme état constant ducinéma depuis ses débuts. Mais, reprenant le mot deNietzsche, «ce qu'il était depuis le début, il ne peut le

195 Ibid., cf. pp. 58-59, et 165-166.

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révéler qu'à un détour de son évolution »196, invitant dèslors à considérer la présentation de l'image-temps directecomme « le fantôme qui a toujours hanté le cinéma, maisil fallait le cinéma moderne pour donner corps à cefantôme »197. Ainsi, à suivre les inspirations schéfferiennesd'un "homme ordinaire du cinéma", le cinéma révèle « laseule expérience dans laquelle le temps m'est donnécomme une perception »198, aboutissant dans lesintrications d'une sensibilité pelliculaire à cette survenueen nous de la levée d'une "existence fantomale". Mais sile temps dans cette expérience particulière s'éprouvesensiblement, il ne se laisse pas encore pour autantdirectement voir; c'est que la promotion des mouvementsaberrants d'un cinéma moderne ne surgit pas sans libérerdes moments asynchrones qui révèlent plus promptementla saisie de l'articulation grippée d'une temporalitédéchirant toute perception naturelle d'un sujet percevantl'ordre réglé d'un monde rationnel, opérant une"suspension du monde" et affectant "le visible d'untrouble", s'adressant finalement plutôt « à ce qui ne selaisse pas penser dans la pensée, comme à ce qui ne selaisse pas voir dans la vision »199.

En conséquence de quoi, à la faveur du pland'immanence qui doit être pensé et ne peut être pensé,l'image-temps directe que promeut le cinéma modernecomme cette image-cristal révélatrice d'un "temps à l'étatpur" proclame l'affirmation de ce qui doit être vu et nepeut être vu : c'est un pur état de voyance. De la même

196 Ibid., p. 61.197 Ibid., p. 59.198 Deleuze citant Jean-Louis Scheffer, L 'homme ordinaire du cinéma,Paris, Gallimard, 1980, in L'Image-temps, op. cit., p. 54.199 Ibid., p. 219.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

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, l'excès detoutes capacités sensori-motrices force à saisirl'insaisissable et l'intolérable à la pointe du vivable par un""devenir visionnaire" qui s'établit sur les ruines d'uneperception naturelle. Le voyant, résultant du chocinsurnlontable d'une vision trop forte du monde, auquel ilfaut croire cependant, un insoutenable qui en tant que telne peut être vu et doit être vu, réitère la figure allégoriqued'une transnlutation de l'œil au point inqualifiable d'uneultitne fêlure qualitative, prelnière et dernière tout à lafois, simultanéInent et absolument, COlnlne le lancer de désunique affirmant le hasard absolu, unique fois pour toutesles fois. Toujours est-il que le seuil de ce nouveau visiblepar l'intermédiaire des sens affranchis à une puresensation ne s'opère pas sans la transformation de lasinlple forme d'une vue en la force d'une vision délirante,« poursuivi par elle ou la poursuivant »201, qu'éveille uneperception proprement hallucinatoire. C'est toutel'itnportance que réserve Deleuze à cet égard à la nlise enplace d'une véritable ""pédagogie de la perception"destinée à ce nouveau cinéma de voyants, car commentserait-il en effet possible de voir ce qu'il y a dans ou surl'image, « tant que manque l'œil de l'esprit »202 ?

Ce nouvel état perceptif que convoque Deleuzes'inspire d'une vision bergsonienne réinjectée dans lecinéma et s'inscrit par-là en marge de toute assimilationd'une visée perceptive phénoménologique del'appréhension du nlonde. Aussi ne peut-il que récuserl'invocation par Husserl d'un «"Voir" originaire et

200 Cf. 1-2.20\ L'Image-temps, op. cit., p. 9.202 Gilles Deleuze, Pourparlers, Paris, Minuit, 1990, p. 100.

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Cristal et lemps

transcendantal à partir de la "vision" perceptive »203, carpremièrement, celui-ci ne réussit à établir de la sorte qu'undécalque du transcendantal sur l'empirique, etdeuxièmement, la phénoménologie, restant à demeure dela norme d'une perception naturelle et de l'ancrage d'unsujet percevant à l'horizon d'un monde phénoménal dansl'intentionnalité d'une conscience, toute conscience étantconscience « de » quelque chose, ne peut rendre comptede ce qu'est le cinéma. Toute la phénoménologie ne resteainsi pour Deleuze qu'une "épiphénoménologie"204, or ceque le cinéma opère, c'est précisément une suspension dumonde déboutant tout ancrage du sujet à son horizon. Cen'est pas l'image qui deviendrait un monde, mais c'est « lemonde qui devient sa propre image »205. De fait, Deleuzereprend Bergson dans la définition par laquelle il pose quetoute conscience « est» quelque chose. La transformationradicale qui s'effectue ainsi est l'affirmation de l'identitéentre image, matière et lumière. Ce n'est plus, en effet, laconsidération d'une lumière projetée éclairant les formes,mais l'émanation d'une lumière immanente révélant lamatière, et qui diffuse «la lumière sur tout le pland'immanence »206, enjoignant ainsi à considérer que l'œiln'assure plus une simple fonction organique recueillant ledévoilement d'un apparaître, mais qu'il est déjà toujours"tiré" dans les choses, plus originaire ni dérivé, mais purmilieu immanent et coalescent à la révélation lumineuse.Rompant ainsi avec le poids d'une tradition philosophiqueoù la conscience servait de canal à une lumière de l'espritvenant extirper les choses de leur obscurité première, et

203 Logique du sens, op. cit., p. 119.204 Cf Dijjl'I',' , ,.. . 74. l'Jerence el repellllOn, op. Clt., p. .205 L" 't 84Image-mouvement, op. CI., p. .206 Ibid., p. 89.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

dont l'itnage la plus séculaire est celle de la caverneplatonicienne, l'inversion qu'affinne Deleuze avecBergson fait de la lumière même une conscienceinlnlanente à la nlatière. Et si caverne il devait y avoir, elledevient lumineuse et transparente, révélée et se révélantdans l'inlmanentisme d'un auto-mouvement. On reconnaîtICI la puissante inspiration plotinienne d'unecontemplation-production, source d'une Naturespiritualisée dans un lnouvement d'émanation-processiondont l'élément se contemple et se produit tout à la fois. Cesouffle néo-platonicien inspirant la philosophiedeleuzienne est convoqué en 1984 lors des cours donnés àSaint-Denis, précisélnent consacrés au cinéma, au l1l01nentde l'élaboration de L'ilnage-temps : « Si l'on denlandait àla Nature pourquoi elle produit et si la Nature consentait àécouter et à répondre, elle dirait: « Il eût fallu au lieu dem'interroger comprendre et se taire, comnle moi-nlême jelne tais, je n'ai pas l'habitude de parler. Que fallait-ilcOlnprendre? Que ce qui est produit est l'objet de nlacontemplation silencieuse. Née moi-mênle d'unecontenlplation; et ce qui contemple en moi produit unobjet de contemplation comme les géomètres encontemplant écrivent, mais moi je n'écris pas; c'est quandje contemple qu'apparaissent les lignes des corps. Ondirait qu'elles tombent de moi »207. Marquant en ce récitl'antiforme platonicienne, puisque chez Platon ce n'estjamais directement une idée qui produit une forme et quec'est ici la lumière qui donne forme à la matière, l'énoncéplotinien révèle les lignes de lumière tombant des corps,

207 Plotin, Ulm!! Ennéades, Chap. 8 [30], 4, « De la Nature, de lacontemplation et de l'Un», cité par Deleuze in Vérité, temps,faussaire, cours du 13 mars 1984, Paris, Ed. Bibliothèque Nationalede France, 1998.

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Cristal et temps

une lumière-conscience où ce qui est premier et idéal,c'est la chute, une chute idéelle de l'âme contre une chuteréelle des corps, véritable expression intensive où du sans­fond vient naître l'ordre de la profondeur, et dont l'imagese détermine par un retournement contemplatif vers cedont on procède, contemplation-production, émanation­procession. C'est ainsi contre le vieux démon de la formeque la force et la puissance d'une vision contemplativeinaugurent une tension dans laquelle s'engage un nerf, uneoptique, un œil pour « voir ».

En ce point de retournement de l'œil et de l'imagede ce nouveau cinéma de voyants, "œil-monde" d'un"ciné-monde", contre l'insupportable et l'intolérable dessituations se déroulant à la pointe du vivable, surgit uneforce contemplative par laquelle l'œil atteint dans dessituations optiques et sonores pures un nouvel état devoyance ou de visionnaire: c'est l'émergence d'un"troisième œil" que révèlent les formes de lumière, car,«l'intolérable lui-même n'est pas séparable d'unerévélation ou d'une illumination »208. Ainsi, l'héroïned'Europe 51 de Rossellini, passant devant l'usine, ne ditpas qu'elle voit des travailleurs mais : «J'ai cru voir descondamnés ... »; et l'usine se révèle prison. Cet être del'usine, comme prison, se donne tout entier dans l'excèsde la vision, pas comme un cliché ou une métaphore, maisplutôt dans un surgissement littéral. C'est une image non­métaphorique.

La nouvelle analytique deleuzienne de l'imagerend ainsi visible des choses qui ne le sont pas en tant quetelles. Dès lors, autant que la perception se transmue pardes données hallucinatoires, l'œil, dans un mêmemouvement, ne remplit plus uniquement une fonction

208 L '1 . 29mage-temps, op. Clt., p. .

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

optique mais aussi haptique209 et non-optique, et dans cetoucher qu'il conquiert, ne voit plus seulelnent le mondenlais le lit. C'est toute une littéralité d'un visible-invisiblequi s'engage dans les circuits d'une perception lisantl'inlage sans métaphore, sautant de révélation enhallucination entre les interstices des Ï111ages d'un nlondedevenu livre, vision nomadique et errante à la surface:«en nlênle temps que l'œil accède à une fonction devoyance, dit Deleuze, (... ] l'image entière doit être "lue"non nl0ins que vue, lisible autant que visible. Pour l'œil duvoyant comnle du devin, c'est la littéralité du nl0ndesensible qui le constitue comme livre »210.

Cet œil fou et schizophrénique passe partout dansles linlites saillantes des ruptures inlposées auxenchaînelnents sensori-nloteurs, globe oculaire et orbitalpris dans les aberrations d'un nl0nde à la pointe del'anomal et du vivable, enserré dans des mouvementsforcés où le telnps se substitue au mouvenlent. C'est un"œil du Dehors" qui se retourne au point d'où il énlergecomlne source de sa production, et qui désornlais « révulsése heurte à la frontière de l'os, à la blancheur vide, àl'internliUence mortelle de la visibilité qu'il ne cesse detransgresser »211. Mais en nlême tenlps, dans ce passage àla limite, il « ne cesse de sauter, de trébucher sur la fente,sur les interstices et les cloisons qui disloquent toutes lesimages selon un écart irrespirable »212, révélant au point desuffocation de toute distanciation la levée en nous de

209 Deleuze fait référence à la notion d' « haptique» chez Riegl,notion définissant un toucher propre au regard. Cf. L'Image-temps, op.cit., p. 22.210 L'Image-temps, op. cit., p. 34.211 Jean-Clet Martin, « L'œil du Dehors », in Gilles Deleuze, une viephilosophique, op. cit., p. 105.212 Ibid.

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Cristal et temps

l'impersonnel, comme cet œil fou de la quatrièmepersonne du singulier de FerlinghettFI3

: « il est l'œil foude la quatrième personne du singulier de laquelle personnene parle, (... ] et qui néanmoins existe ». C'est ainsi que lacaverne de l'œil, son orbite creuse et caverneuse, qui entant que telle n'est cependant plus satellite d'une vuecentrée mais devient vision acentrée et perdue n'autorisantplus aucun point de vue, toujours fuyante en des synthèsesasymétriques et multilinéaires, parcourt le pland'immanence, cet "Un-Tout illimité". La caverne devientpur dehors au dehors, et ne peut plus reporter les ombresd'une représentation sur une surface qui ne donnerait quele reflet d'une image contenu au ciel de l'intelligible;descendu des hauteurs et parvenu des profondeurs nesubsiste plus qu'un milieu qui, géologiquement, composedans sa stratigraphie les principes différenciés de plansd'actualisations se distinguant, action projetée sur ledouble écran d'une surface physique/métaphysique214

L'homme n'est ainsi plus le pantin de lumière car lalumière pour reprendre le thème plotinien-bergsonien, estdéjà contenue dans les choses, émanente-immanente,tombant d'elle et en révélant les lignes abstraites.

213 Cf. Lawrence Ferlinghetti, Un regard sur le monde, Paris,Bourgeois, 1970, p. Ill, cité in René Schérer, « Homo tantum ­L'impersonnel: une politique », in Gilles Deleuze, une viephilosophique, op. cit., p. 25. Voir aussi Logique du sens, op. cit., p.125.214 Cf. Logique du sens, op. cit., p. 241-242.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

Pur "dispars,,215 de la sensibilité, fleur de peauhallucinatoire, objets pelliculaires dont l'éclat de surfacecristallin offre la révélation d'un aveuglement setransmuant en pure voyance, le dispositif cinémato­philosophique deleuzien agrège la surface d'une rétinebrûlée par la lunlière de l'insupportable vision à celle d'unécran crevé par la force de sa révélation. Cette doublesurface d'écrans de l'œil et de la toile projective au pointde suspension du Inonde préfigure la fusion des deuxesthétiques en délire d'expérimentation, rendant présentesles forces de l'invisible de l'événement par un devenirvisionnaire, enté sur un retoumelnent que conditiolme lasurvenue d'une itnage-temps directe et par laquelle surgitune «nlatière transparente »216 qui laisse poindrel'évanescence d'une aube cristalline: une itnage-cristalrévélant des cristaux de temps. C'est d'ailleurs l'opérationpratique que Deleuze assigne à ses deux livres sur lecinénla, quand il dit que la tâche qu'il aurait souhaitéremplir, c'est « essaimer des cristaux de telnps »217. Quelleest donc cette ilnage particulière que Deleuze nonllneinlage-cristal? Et quel rapport entretient-elle avec letenlps? Les cristaux de telnps sont-ils le tenlps ?

On se souvient que Deleuze distingue deux âges ducinéma entre un âge dit "classique" et un autre dit'''moderne'', la spécificité réciproque de chacun

215 Contre l'unité de mesure de la représentation qui est le semblableet dont l'élément est l'identité, Deleuze propose le "dispars" commel'unité de mesure du simulacre et de la pure présence, dont l'élémentest différence de différence. Ce dispars est aussi assimilé à ce queDeleuze nomme le "précurseur sombre". Nous verrons plus loin lerôle de celui-ci. Cf. DijJërence et répétition, op. cit., p. 95 et 157."16 L '1 . 50- mage-temps, op. Clt., p. .217 Gilles Deleuze, « Sur le "Régime cristallin" », in Hors-cadre, n04,Paris, 1986, p. 45.

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Cristal et temps

s'effectuant notamment en fonction de leur reglmerespectif de description. Or, la caractéristique du cinémamoderne opère de façon particulière en tant que ladescription organique classique qui distingue son objet enle supposant indépendant, ordonnant en cela le régime desenchaînements sensori-moteur, tend à disparaître et às'effacer. L'image-cristal désigne donc dans un premiertemps un régime spécifique de description dite"cristalline". Elle se révèle comme définissant l'imaged'un cinéma de la modernité, celui qui convoqueprécisément cet état de voyance pure. Ce nouvel étatdescriptif, Deleuze en emprunte les linéaments à la théoriede la description chez Robbe-GrillefI8. Le procédélittéraire du nouveau roman émerge en effet par unerupture avec la situation de description traditionnelledistinguant encore le réel et l'imaginaire. Mais le néo­réalisme descriptif abroge cette distinction de fait, en lesfaisant passer l'un dans l'autre de manière réciproquejusqu'à un point d'indiscemabilité. Le réel et l'imaginairese courent alors l'un derrière l'autre, bifurquant et seréfléchissant de façon mutuelle, gommant la distinction etla réalité de l'objet en la remplaçant par l'apparition d'unenouvelle réalité qui surgit au point sépulcral d'unenouvelle vision. Retenant ainsi un "menu fragment sansimportance" prélevé sur la chose, la description estrelancée dans des cercles plus vastes de la descriptiondepuis son point le plus contracté de singularité,descriptions «qui se défont en même temps qu'elles setracent »219. Ainsi, tant que deux pôles existent

218 Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman, chap. « Temps etdescription », Paris, Minuit, cf. L'Image-temps, op. cit., pp. 15 et 62­65.219 L '1 . 63mage-temps, op. Clt., p. .

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durablement mais de différentes natures, la distinction desdeux termes tend à s'épuiser dans un échangedissymétrique les rendant indiscernables, et relance sanscesse le passage de l'un à l'autre le long d'un point limite,de l'objectif au subjectif: du réel à l'inlaginaire, duphysique au mental, de l'actuel au virtuel, l'objetparcourant chaque fois un nouveau circuit de description.La nouvelle situation et le nouveau régilne de l' inlageoptique et sonore pure du cinénla moderne inaugurentdonc cette nouvelle réalité de l'objet en inscrivant l'imagedans un circuit de circulation et d'échange. Il ne s'agitplus de prolongelnent moteur de l'action, nlais de laInanière dont une image actuelle s'accole à son ilnagevirtuelle pour fonner avec elle un circuit, « dans une sortede double inlnlédiat, symétrique, consécutif ou mêmesitnultané »220. Deleuze dit qu'il y a formation «d'uneitnage biface, actuelle et virtuelle »221. Elles entrent encoalescence, chacune s'échangeant conlme dans un nliroir,«suivant un double mouvement de libération et decapture »222. L'objet actuel devient son ill1age vÏt1uelletandis que l'itnage virtuelle devient à son tour l'objetactuel, dans un processus de cristallisation à un pointd'indiscenlabilité, celui-ci constituant le plus petit circuitintérieur d'échange, de formation et de perception. Cetteimage, "double par nature", comme l'image mutuellebachelardienne, constitue précisément ce que Deleuzenonlme l'image-cristal. Actualisant le virtuel etvirtualisant l'actuel dans un circuit réversible, celle-cipossède donc bien deux faces distinctes qui ne seconfondent pas pour autant qu'elles demeurent

220 Ibid., p. 92.221 Ibid., p. 93.222 Ibid.

104

Cristal et temps

indiscernables, à la manière de l' Aiôn et du Chronos desstoïciens. La distinction n'est donc pas supprimée maisrentre dans un rapport inassignable, chaque actuel valant àson tour pour son virtuel et réciproquement, dans unéchange qui n'a de cesse de se relancer.

Mais l'indiscernabilité à l'œuvre dans ce circuitcristallin ne se limite pas au perpétuel échange de l'actuelet du virtuel autour du point de cristallisation. Car plusl'image actuelle devient virtuelle, plus elle devientopaque; tandis que l'image virtuelle s'actualisant pour soncompte, s'éclaire et devient lisible et limpide. De même,l'échange ne s'arrête pas au point réfléchissant d'unetypologie des reflets vitreux d'un miroir, mais se prolongeplus profondément dans les couches superficielles del'image, et devient cristallisation d'un germe capabled'ensemencer un milieu qui puisse cristalliser, ce pourquoipar ailleurs l'image-cristal est expression223 puisque, ainsique le note déjà Deleuze dans Spinoza et le problème del'expression, «l'appareil métaphorique de l'expression,c'est le miroir et le germe »224. Ces circuits de l'actuel etdu virtuel, de l'opaque et du limpide, du germe et dumilieu définissent l'image-cristal comme résultant de cetriple échange le long d'une infime limite, à la croisée desopérateurs cristallographiques disponibles précipitantl'échange et son inévitable relance. Le cristal, autantstructurellement que génétiquement, renvoie les élémentsen présence dans un circuit s'effectuant toujours à lalimite, sur les bords, tels les cristaux de l'événement deLogique du sens qui « ne deviennent et ne grandissent que

223 Ibid., cf. p. 100.224 Gilles Deleuze, Spinoza et le problème de l'expression, Paris,Minuit, p. 300.

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Mais si Deleuze précise qu'il s'attache à lastructure cristalline « en un sens esthétique général plutôtqu'en un sens scientifique »22\ il retrouve néannl0ins, aupoint d'échange du cristal perpétuellell1ent relancé, unrapprochement avec la science, accointances sedéveloppant par exelnple chez Zanussi dans son film Lastructure du cristal (1969). Le cinéaste montre en effetconl11lent «deux hOl1unes de sciences dont l'un brille,possède déjà toute la lumière de la science officielle, de lascience pure, tandis que l'autre s'est replié dans une vieopaque et des tâches obscures »228. Double vie, doubleface, dont la coalescence tend cependant à tenirindiscernable chaque face dans un circuit alternatif etsimultané, où tournent alors à des vitesses infinies decroissances, de cristallisations et d'échanges, les multiples

225 Logique du sens, op. cit., p. 19. Cf. aussi 1-2.226 Christine Buci-Glucksmann, « Les cristaux de l'art: une esthétiquedu virtuel », in Rue Descartes, n° 20, Gilles Deleuze - Immanence etVie, Paris, P.U.F, 1998. p. 100.227 L'Image-temps, op. cit., p. 94.228 Ibid., p. 96.

106

Cristal et temps

plans de compositions. Alternant tour à tour leurrévélation respective, tous les "Jekyll" et tous les "Hyde"échangent leur reflet dans le délire fiévreux d'un doubleschizophrénique d'un temps devenu fou et sans contrôle,métamorphose et travestissement de la coursecristallographique qui répète et différencie. « Ce circuitcristallin de l'acteur, dit Deleuze, sa face transparente et saface opaque, c'est le travestF29.» Mais l'inspirationscientifique cristalline, chez Deleuze, ne se limite pas àcette parabole cinématographique, et si elle se poursuitdans l'annexe posthume à la réédition de Dialogues230

, onen trouve aussi les germes significatifs dans les coursprononcés à Saint-denis à propos de L'image-temps.Enjoignant ses auditeurs à la lecture de précis decristallographie, Deleuze obtient des éclaircissements d'unancien chimiste, informations qu'il ponctue par uneexclamation de joie: « Le cristal passe face après face etce de façon lente, ce qui implique un espace mais ce quiimplique surtout que cela mette nécessairement en jeu unvecteur temps. [... ] Il réside une incompréhensionfondamentale au niveau du temps de germination de lafOffile cristal [... ] et à ce titre, on peut parler d'uneirréductibilité du cristal qui en fait une forme pure detemps. Il se développe seul: on ne peut pas intervenirdessus. [... ] La seule chose qui permette au cristal de sedévelopper, c'est le mouvement du monde extérieur, quiprovoque une geffilination en mettant en présence lesatomes qui vont fonctionner231

• [ ... ] Ce qu'il y a

229 Ibid., p. 98.230 « L'actuel et le virtuel », op. cit., pp. 179-185.231 Nil . 1 . b'" bous rappe ons que e cnsta peut aussI len etre car one quediamant, variant ainsi de l'opacité la plus totale à la transparence laplus pure.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

d'étonnant dans le cristal réside donc dans ledéveloppement interne de son évolution qui irait del'intérieur vers l'extérieur autour d'un état rythmique etrécurrent des occurrences des séries nlathématiques. [... ]Quand un genne apparaît sur une face, il se développeensuite de façon asynchrone et a-chronologique. Il est une.figure d'imprévisibilité complète qui échappe à la saisie deson développelnent à l'instant (1) sous les opérateursmathématiques disponibles »232.

Le cristal, par ses propriétés physico-chiIniques,assure ainsi une parfaite transitivité à la recherchedeleuzienne en lui fournissant des opérateurs pouvantréaliser une réification des concepts scientitiques dans lechanlp philosophique, accédant à une sorte d' "opérativitéesthétique" (toute nlétaphysique s'établit depuis unephysique). Cette "fonne pure de telnps", sondéveloppement asynchrone et a-chronologique en faisantune figure d'imprévisibilité complète, senlble en effettracer les contours improbables de l'acception du cristaldeleuzien à la pointe d'une idiolnatique temporelle. Àl'inlage de l'intuition plotinienne, la chute dans le cristalconlme série de contenlplation-production fait émerger ladouble image du nliroir et de son inlage en reflet commevibration et oscillation duelle d'une image indicielle dutemps s'effectuant à la limite de l'intérieur et del'extérieur. Aussi le cristal satisfait-t-il plusfondamentalement cet abîme dans lequel le temps s'élancelorsqu'il se distingue en deux grandes voies que sont passéet présent, suivant ce jaillissement bergsonien du temps endeux jets dissymétriques, quand l'un s'avance versl'avenir tandis que l'autre retombe dans le passé. Dès lors,

232 Vérité, temps, faussaire, op. cil., cours du 22 mai 1984. C'est nousqui soulignons.

108

1

Cristal et temps

la coalescence de l'image actuelle avec son image virtuelledéfinissant l'image-cristal correspond à cette scission plusprofonde du temps, l'oscillation perpétuelle de l'échangeentre le présent et son double simultané, le "passé deprésent" pour le dire en termes augustiniens. Si en effetl'actuel est toujours un présent, le virtuel pour sa parts'accole au présent comme son passé consécutif etimmédiat. Car le passé, comme le dit Bergson, ne se formepas après qu'un présent fut passé, mais en même tempsque celui-ci devient un présent. Comprendre que le tempspasse ne s'explique donc pas par l'évocation d'unesuccession répétitive des dimensions du temps, mais par lasimultanéité différenciante de celles-ci. Ainsi, dire que leprésent passe implique nécessairement qu'il soit passé enmême temps que présent: « le passé ne succède pas auprésent qu'il n'est plus, il coexiste avec le présent qu'il aété. Le présent, c'est l'image actuelle, et son passécontemporain, c'est l'image virtuelle, l'image enmiroir233

• » Cette image en miroir, révélant ce qu'est letemps cristallin, se caractérise plus particulièrement dupoint de vue sensible par le phénomène de paramnésie,aussi appelé illusion de déjà-vu ou de faussereconnaissance. L'image "donnée" par la paramnésieconsiste en effet dans l'impression de vivre une image­souvenir, en ce que la scène se déroulant sous nous yeuxest vue, vécue, mais illusoirement souvenue, et offrel'impression d'être l'acteur d'un scénario déjà connu, sanssavoir s'il s'agit pour autant d'un rêve. Cette illusioncommune illustre exemplairement la manière dont sescinde le temps dans un dédoublement permanent, entreune image actuelle présente et son image virtuelle passéeen même temps que présente. Si la paramnésie constitue

233 L'Image-temps, op. cit., p. 106.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

l'illusion d'un souvenir perdu et déjà vécu, c'est que laperception, par un dérèglement d'attention, s'ouvre à labrèche du temps se faisant, percevant alors la coexistencedu présent et de son passé le plus proche et inlnlédiat dans« un circuit sur place actuel-virtuel »234. À ce point, entrel'actuel et le virtuel, il n'y a plus de distinction possible etils restent dans un rapport indéterminable et inassignable.Sur le plus petit circuit, il ne s'agit donc plusd'actualisations mais de cristallisations235

, dans un échangeperpétuel fomlant le cristal.

Mais la cristallisation renvoie aussi à des aspectsplus profonds, à des cercles et des circuits plus vastes devirtuels qui contiennent tout le passé en général. Ainsi,entre la pointe de l'événelnent sur le plus petit circuit et laréserve virtuelle des événements dans les circuits plusvastes et plus profonds s'affimle le double nlouvementconstitutif du cristal qui détennine à la fois la limiteintérieure du plus petit circuit, la coalescence d'un présentet de son passé le plus simultané et corrélatif, de son purvirtuel, tout autant que se dessinent les contours plusvastes de cette "enveloppe ultinle"236. Ainsi, «ce quiconstitue l' inlage-cristal, dit Deleuze, c'est l'opération laplus fondamentale du temps: puisque le passé ne seconstitue pas après le présent qu'il a été, mais en nIêmetemps, il faut que le temps se dédouble à chaque instant enprésent et passé, qui différent l'un de l'autre en nature, ou,ce qui revient au même, dédouble le présent en deuxdirections hétérogènes, dont l'une s'élance vers l'avenir etl'autre tombe dans le passé. Il faut que le temps se scindeen deux jets dissymétriques dont l'un fait passer tout le

234 Ibid., p. 107.235 Cf. « L'actuel et le virtuel », op. cit., p. 184.236 Cf. L'Image-temps, op. cit., p. 108.

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1

Cristal et temps

présent, et dont l'autre conserve tout le passé. Le tempsconsiste dans cette scission, et c'est elle, et c'est lui qu'onvoit dans le cristal. L'image-cristal n'était pas le temps,mais on voit le temps dans le cristal. On voit dans le cristalla perpétuelle fondation du temps, le temps non­chronologique, Cronos et non pas Chronos. [... ] Levisionnaire, le voyant, c'est celui qui voit dans le cristal,et, ce qu'il voit, c'est le jaillissement du temps commedédoublement, comme scission237.» Le cristal commeprocessus définit un devenir et les opérateurscristallographiques inaugurent cette faille par laquelle onvoit "le temps en personne"; et il faut rapprocher samatérialité en devenir de son évolution germinative, sanscesse sur les bords, anachronique et folle. Aussi est-iltoujours ligne de fuite reconduite à l'infini toujours ouvertet en croissance indéfinie, dans une oscillatoire sans arrêtentrechoquée n'interrompant jamais le mouvement, àl'égard de laquelle on n'a pas de prise sur lui mais où l'onglisse toujours à la surface. La cristallisation, révélant un"temps pur" à l'endroit de sa fondation, ne peut être unecaverne projective pour la raison qu'elle fait éclaterl'espace clôt en mouvement déconnecté sur le dehors,strié, plié et feuilleté, tel le plan d'immanence. C'estd'ailleurs, remarque Deleuze, « sur le plan d'immanencequ'apparaissent les cristaux »238. Toute image-cristal sedéveloppe donc selon cette dualité constitutive, dans lascission d'une image biface, générique et génétique,"ontogénétique ". Comment, pour autant, appréhender laperspective biface de cette image en miroir? Car si ellemet parfaitement en image le circuit de coalescence entreun présent et son passé le plus immédiat, cette limite,

237 Ibid., pp. 108-109.238 « L'actuel et le virtuel », op. cit., p. 184.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

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C'est tout l'usage que réserve Deleuze à la notionde synthèse disjonctive et au rôle du dispars. En effet, sil'image-cristal affirme l'indiscernabilité de l'actuel et duvirtuel et relance leur échange inégal et dissynlétrique endes relations non-localisables s'effectuant toujours sur lesbords le long d'une frontière illimitative, il existenéanmoins une conlJTIunication entre de telles sérieshétérogènes. Qui plus est, la particularité de celles-cirenlplît cette fonction de comlTIunication de séries sur lesbords. Quand se produit une résonance interne dans lesystème qui renvoie des éléments disparates entre euxsuivant un couplage hétérogène, nous sommes en présenced'un système signal-signe239

• Le signal est la structure dedissipation et de répartition des différences et assure lacomnlunication des disparates, tandis que le signe « est cequi fulgure entre les deux niveaux de bordures »240. Pourqu'une communication puisse s'effectuer entre de tellesséries hétérogènes, il faut non seulement que leursdifférences soient impliquées dans le système ainsiconstitué, c'est-à-dire que leurs différences soient incluses,nlais également que ce qui rapporte leurs différences soit

239 Cf. Logique du sens, op. cil., p. 301. Le système signal-signe esttout l'objet de l'étude de l'image cinématographique.240 Ibid.

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1

Cristal et temps

établi sans identité préalable pour assurer la disparité deséléments, c'est-à-dire qu'elles aient «le dispars commeunité de communication et de mesure »241. Ainsi, si lastructure signalétique différentielle des séries permet lacommunication sur les bords d'un signe de fulguration quiest « de type éclair ou foudre »242, elle est précédée par ceque Deleuze nomme un précurseur sombre, celui-ci étantprécisément assimilé au dispars. C'est lui qui assure lacommunication de bordure et ramène la différence à ladifférence sans autre intermédiaire, pure figure du deveniret en-soi de la différence traçant un chemin invisible qui« ne deviendra visible qu'à l'envers »243 et en son creux,perpétuellement déplacé, transfiguré et déguisé,illocalisable. Tout comme le point d'échange inassignablequ'affecte le cristal, le dispars ne se laisse pas mesurersous l'identité, et ce trouble qui déjoue la représentationdénature aussi la logique. Il n'est donc pas appréhendablesous les catégories de l'identité et du semblable non moinsque celle du contradictoire, toutes deux régissantuniquement le possible et l'impossible. C'est ainsi depuisles incompatibilités alogiques leibniziennes que Deleuzedéveloppe cette théorie de la communication desdisparates et des différents sous la différence et ladivergence, et notamment par l'entremisse des règles decompossibilités et d'incompossibilités244

• Mais Leibniz,précise Deleuze, n'en retient qu'un usage exclusif parlequel la disjonction est utilisée en un sens négatif, c'est-à-

241 Ibid., p. 302.242 Dij)(fi' , ,.. . 1551 erence et repetltlOn, op. CIl., p. .243 Ibid., p. 157.244 Sur ces notions, voir notamment Logique du sens, 24ème série, « Dela communication des événements », et Le Pli - Leibniz et le baroque,op. cil., Chap. 5, « Incompossibilité, individualité, liberté ».

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

dire d'exclusion. Or, ce qui importe, c'est de pouvoiraffirmer la différence de différence en tant que telle sansen passer par une identité des contraires. Il s'agit doncd'instaurer un usage affinnatif et positif de cette synthèsedisjonctive de ditlërence incluse, qui pernlette une saisiesinlultanée du mouvelnent du devenir différenciant. Bref,il faut concevoir et appréhender une "distance positive"des différents qui les rapporte l'un à l'autre dans leuréchange et dans leur cOlnmunication, conceptioninaugurant un tout nouvel état de perspectivisnle et nefaisant pas de la disjonction une conjonction en dernièreinstance. Par cette torsion affinnative qui arraiSOlme lesforces des principes de l'identité, la divergence « cessed'être un principe d'exclusion, la disjonction cesse d'êtreun nl0yen de séparation, l'incompossible est nlaintenantun moyen de conununication. [... ] À l'exclusion desprédicats se substitue la communication des événements.[... ] le procédé de cette disjonction synthétiqueaffinnative: il consiste dans l'érection d'une instanceparadoxale, point aléatoire à deux tàces impaires, quiparcourt les séries divergentes comme divergentes et lestàit résonner par leur distance, dans leur distance. [... ]Tout se fait par résonance des disparates, point de vue surle point de vue, déplacement de la perspective,différenciation de la différence, et non par identité descontraires »245. L'emprunt mutuel de l'actuel et du virtuels'entend donc dans cette communication immédiate desdisparates tendant à effacer la dualité qui pourrait lesconfronter au miroir d'une frontière représentative. Lacoalescence de chaque terme ensemble atlimle ainsi lemouvement des séries comnlunicantes par-dessus toutehiérarchie et oriente le sens de leur genèse univoque. Ces

245 Logique du sens, op. cil., pp. 203-205.

114

Cristal et temps

nouvelles passerelles de communication entre événementseffondrent l'impossibilité apparente d'uneincommunicabilité par le truchement d'uneincompossibilité réifiant le sens affirmatif de la synthèsedisjonctive grâce à l'usage de cette instance paradoxale àdeux faces impaires.

Si on voit le temps dans le cristal comme dans safondation pure suivant cette duplication permanente et cetéchange incessant du passé et du présent, de l'actuel et duvirtuel, son biface apparaît comme multiface à tous lespoints de disparités du cristal, où chaque point estcoalescence, bifurcation, double inassignable. Tant et sibien que le perpétuel Se-distinguer du temps en deux jetsdissymétriques marque dans son passage la ligne d'ombredistincte-obscure d'une effectuation perpétuellementcontre-effectuée dans le circuit actuel-virtuel cristallin.Cette ligne fuyante trace la venue d'un insunnontable ensoi comme ombre de l'effectuation, révélant le sort del'insupportable du voyant. En son point indiscernable etillocalisable, il coexiste des dualismes pliant dans cettezone d' indiscemabilité, atteignant le paradoxe en sonombre qui se mesure par l'écart de cette affinnation d'unedistance positive, vers un monisme généralisé de lacoalescence des étants. Et si le monde est une boule decristal non moins que les individus246

, tel semble bien être"le sens ultime de la contre-effectuation" où « chaqueindividu serait comme un miroir pour la condensation dessingularités, chaque monde une distance dans lemiroir247 », afin que l'individu puisse se saisir lui-mêmecomme événement dans l'affirmation de cette synthèsedisjonctive.

246 Cf Difjtl:' , ,.. . 318. l'Jerence et repetltlOn, op. Clt., p. .247 Logique du sens, op. cit., p. 209.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

L'image-cristal deleuzielme recouvre donc en sonenvers la multiplicité des effusions d'un temps se faisant àla pointe d'une cristallisation virtualisante, et induit,comlne le note Eric Alliez, «une nouvelle Esthétiquedisjonctive de l'ünage »248. C'est ainsi que l'articulationentre le visuel et le pensant peut se déployer,acconlplissant ce nlouvenlent de révélation au seuil de lafusion des deux esthétiques, et tàit correspondre la nlatièreet l'esprit dans l'ünpulsion d'un immanentisme quipouuait être celui d'une Natura Natul'ans spinoziste.Aussi l'inlage-cristal pour son compte répond au survold'un écho à cette "expérünentation tâtonnante" queconvoque et qu'implique le parcourt et le tracé du pland'inlnlanence car il réside en elle «cette recherchenlutuelle, aveugle et tâtonnante, de la matière et del'esprit »249. C'est donc au creux d'un expressionnismeinlnlanentiste suspendant l'œuvre à une pure sensibi litéque Deleuze opère le point de retournement qui hante lesdeux esthétiques et les fond dans le creuset de cesincompatibilités alogiques, tendant peut-être en cela,COlllme le dit Jacques Rancière, à un accomplissement du"destin de l'esthétique". Reste néanmoins la questionprégnante s'imposant au détour de cette fusion et que poseRancière: «achever le destin de l'esthétique, rendrecohérente l'œuvre moderne incohérente, n'est-ce pasdétruire sa consistance, n'est-ce pas en faire une simplestation sur le chemin d'une conversion, une simpleallégorie du destin de l'esthétique? Et ne serait-ce pas leparadoxe de cette pensée militante de l'immanence que de

248 Eric Alliez, « Un cinéma de philosophie, un cinéma de lapensée ... », in Yannick Beaubatie (dir.), Tombeau de Gilles Deleuze,Tulle, Ed. Mille Sources, 2000, p. 250.249 L'Image-temps, op. cit., p. 101.

116

1

Cristal et temps

ramener sans cesse des blocs de percepts et d'affects à latâche interminable d'imager l'image de la pensée? 250 »Sommes-nous en présence du "péril du naufrage" guettantl'empirisme transcendantal, à décharge de sa conséquencepossible, et qui ne restait inscrit qu'en filigrane de touteeffectuation25 1 ? À tout le moins peut-on indiquer unchemin de conversion arrivant au terme de L'Image-temps.En effet, l'état de pure voyance aboutit à un nécessaire étatde croyance se donnant dans une foi. Non pas qu'elle seredonne dans la forme d'une théologie. Néanmoins, elleapparaît comlne la nécessité du besoin corrélatif du voyantdéconnecté de croire au lien du monde et de l'homme, liendésormais rompu252. On peut malgré tout se demander enquelle mesure, alors que l'image-temps destituel'abrogation du temps au mouvement en en faisant cetteforce par laquelle l'homme devient ce pur voyant, n'estpas à son tour une simple station, en ce que le voyant, pourvivre l'invivable de cette voyance par laquelle il entredans le temps comme cette force du dehors qui le happe,se retourne en son ombre au seuil de la conversion en unretour sur la forme qui habitait l'image-mouvement, et quece lien de la croyance comme besoin d'une foi soitprécisément à l'image ou ne puisse se donner que dans laforme d'un lien sensori-moteur253

250 Jacques Rancière, « Existe-t-il une esthétique deleuzienne ? », inGilles Deleuze, une vie philosophique, op. cit., p. 536.25\ Cf. fin 11-3. Nous rappelons que la condition de cetteexpérimentation que Deleuze met en place dépend étroitement del'élaboration de cet empirisme supérieur.252 Sur cette question, cf. L'image-temps, pp. 221-225.253 Même si Deleuze précise qu'il ne destitue pas pour autant danscette conversion le mouvement mais plutôt son antériorité, en tant quesi le mouvement se donne encore, c'est depuis le temps, et nonl'inverse.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

Toujours est-il que c'est à la pointe de cetteexpérimentation et de cette pure sensibilité révélée dansl'immanence cristalline que Deleuze dévoile les étatscristallins conlme cristaux de temps (cristal achevé chezOphuls, fêlé chez Renoir, à croissance infinie chez Fellini,en décomposition chez ViscontF5

4). Mais si le cristal estcette scène travestissant le réel en un "théâtre généralisé",il recèle bien plus la pronlesse de l'avènement d'unnouveau réel qui Îlnpose de sortir du cristal et de lacoalescence de cet échange de l'actuel et du virtuel. Carbien que la formation cristalline soit le lieu de germinationd'une vie indéfinie impulsée dans la fêlure de ce purprésent d'une image-temps directe, « le cristal ne retientque la lnort, et la vie doit en sortir après s'être essayée »255.

Le nlouvenlent de cristallisation agit donc par captation etlibération et nlarque sur chacune de ses faces, dansl'oscillation indéterminée de son biface génétique,"Sauvés !" et "Perdus !". Mais COlnll1e le dit Deleuze, il nesaurait s'agir d'une écriture exclusive et définitive parlaquelle s'accomplirait un salut complet ou bien uneperdition totale. En somlne, « ce n'est jamais tout l'un outout l'autre »256. Aussi, autant le cristal de temps est uneforme conceptuelle se suspendant à une théorie de lavision, autant pronlet-il dans le même temps la survenued'une impersonnalité en personne, soulignant que cettefaçon de voir le temps est peut-être plus précisément anté­singulière et pré-individuelle. Comme il est déjà apparuplus haut, l'expérimentation révèle la splendeur du « On ».Dès lors, la présentation directe du temps en personnecomnle affection de soi par soi dans le cristal souligne

254 Cf. L'image-temps, pp. 111-124.255 Ibid., p. 115.256 Ibid., p. 120.

118

Cristal et temps

mieux en quelle manière ce temps personnifié impose laprésence d'une révélation de l'impersonnel. De surcroît, lecristal n'est pas le temps mais "on" voit le temps dedans,et cette vision en soi dirige déj à la puissance d'uneimpersonnalité en caractérisant leur sort COll1mun, tellesles illuminations du poète allemand Georg Trakl, qui écrità propos d'un de ses poèmes qu'il « est désormaisimpersonnel et plein à éclater de mouvement et devisions »257. Ce "on voit" comme tel agit alors plus commerévélateur de la puissance d'impersonnalisation que recèlela nature du temps et fixe par-là même en quelle manièrel'impersonnel ne peut peut-être s'éprouver que commeforce et non comme forme. La figuration du pland'immanence ou de composition pourrait ainsi être uneanti-forme. En fait, elle n'est ni forme ni anti-forme, maispour le dire comme le moine Dôgen258

, "pure réservevisuelle des événements dans leur justesse" où sedéploient des lignes d'actualisations aux directionsmultiples en des vitesses infinies, ne définissant que desforces, c'est-à-dire un monde d'intensité et d'individuationintensive.

Relancé dans la ronde hétérogène du cristal­ritournelle jusqu'à la rupture, s'échappant au point de fuiteet capté le long d'une fêlure dans l'unité indivisible ducristal, surgit le moment proprement hallucinatoire, dont lecircuit de l' indiscemabilité n'a de cesse que de nousrenvoyer à cette fonction de voyance par laquelle il ne

257 Cf. Georg Trakl, Poèmes majeurs, Paris, Ed. Aubier, 1993, p. 19,cité in René Schérer, «Homo tantum - L'impersonnel: unerolitique », op. cit., p. 34.

58 Dôgen, Shôbôgenzô - La réserve visuelle des événements dans leurjustesse, Paris, La Différence, 1980, cité par Deleuze dans L'image­temps, op. cit., p. 28.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

nous est plus possible de réagir. Cette cristallisation définitainsi, contre toute attente, ce sommet et cette profondeursignalant une limite par laquelle paradoxalement la surfaceévénementielle parcourue se transmute en un voldécharné, s'inscrivant comme le plus incarné, étrangelucidité du voyant qui par sa fonction haptique touche del11anière tactile un point irréductible à toute localisationspatiale, pur état du temps. Entre la cristallisation du« petit germe cristallin» et de «1 'imnlense universcristallisable »259 survient l'horizon translucide etplanÏInétrique de l'effectuation persistante des tracestravesties et transformées dans des lignes abstraites etévanescentes de l'expression d'une petite mystique de lapureté, une ritournelle de l'impersonnel, "un peu de tenlpsà l'état pur", sans nlixte et sans mélange. Ce qui se laissealors montrer ne se voit pas réellenlent mais virtuellementen tant que force. La présentation directe du temps destituebien la fonne de la représentation mais à la pointeinconditionnée d'un présent désaffecté parcequ'inhabitable, dans « cette dinlension proustienne d'aprèslaquelle les personnes et les choses occupent dans le tempsune place incommensurable à celle qu'ils tiennent dansl'espace »260, Mais ce pur présent de l'image-temps directecinématographique ne fait pas pour autant du cinéma uncinéma du présent qui en tant que tel n'existeparadoxalement jamais à proprement parler26 \ cependantqu'il présente la perpétuelle scission du temps. La doublecapture et captation par force en son mouvementlibératoire doit dans sa relance nous faire sortir du cristalen cette visée impersonnelle, comme pointe d'un art

259 L'image-temps, p. 108.260 Ibid., p. 56.261 Ibid., cf. p. 55.

120

II

1

1t

Cristal et temps

hallucinatoire toujours passé et à venir. Comme cette vieindéfinie présentant « l'immensité du temps vide où l'onvoit l'événement encore à venir et déjà arrivé »262, l'œuvred'art à son tour s'institue comme l'invention de «cesnappes paradoxales, hypnotiques, hallucinatoires, dont lepropre est à la fois d'être un passé, mais toujours àvenir »263. D'une pédagogie de la perception œuvrant àrévéler la mesure d'un œil fou s'immisçant partout dans lafaille d'une entre-image cristalline comme lieu del'échange inégal et dissymétrique de l'actuel et du virtuelà la révélation de cette vision qu'impose l'image-tempsdirecte comme présentation du temps en personne où lesconnexions spatiales sont refondues sous les défantes dutemps, c'est tout le schéma du temps qui s'inverse,transformant sa considération quantitative en une visionqualitative. Dès lors, c'est aussi bien sa forme qui estbouleversée inclinant à en percevoir plus précisément saforce. Et s'il faut se perdre et se sauver, s'il faut sortir ducristal après y avoir été happé, c'est peut-être en suivantcette force commandant plus profondément une mise encrise de la notion de vérité. Ainsi, au plus profond dutemps, à sa plus infime pointe surgissent l'usage et larévélation d'une véritable puissance du faux. Des relationsnon-localisables d'un temps non-chronologique dans lecreux de cette zone d'indiscernabilité aux relations non­causales d'une production immanente d'effets d'effetsdestituant la suprême origine causale, apparaît doncl'entre-moment d'un travestissement de la notion de Vraine pouvant plus s'effectuer selon les prédicats logiques dela représentation mais qui se métamorphose par lapuissance des masques du reflet d'un miroir cristallin,

262 L" .. 5« Immanence: une VIe ... », op. Clt., p. .263 L" 't 162Image-temps, op. Cl., p. .

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augurant en cela d'un terrible art du jàussaire, ou commele dit Véronique Bergen, « le dispositif deleuzien met enscène une perception projective, narcissique, traçant lescoordotmées de son champ d'exercice, et dont le nliroirnlatériel n'est que le reflet d'un simulacre percevant,Oll1bre d'une ombre, où le ressemblé (physique) s'inféodeau tllodèle (psychique) du perçu, où percevant et perçu seconfondent dans les tllétamorphoses arlequines d'unéternel travestissement »264. Et si la disjonction faittressauter la langue par l'affirmation sans cesse renouveléede cette distance positive de la divergence, ce bégaiementporté par la perception hallucinatoire pousse à ladéfaillance des modèles de vérité, insufflée par unein-épressible poussée d'Archimède mais dont la portanceserait à son tour devenue folle, fausse, travestissante etdéguisée.

264 Véronique Bergen, « La perception chez Sartre et Deleuze », inGilles Deleuze, une vie philosophique, op. cit., p. 301.

122 1,

2. Puissance du faux, crise de la vérité: force du temps.

À l'aube minérale d'un cristal de temps révélant laprésentation d'une image-temps directe, où l'on aperçoitce temps pur et cristallin comme le jaillissementdissymétrique en deux jets simultanés entre passé etprésent, chacun scindés tout autant que liés, con-espond lesaisissement coextensif de la révélation de la force dutemps. Entre le renvoi dans le circuit actuel-virtuels'effectuant à la surface double du cristal en ses deux facesindiscernables quoique distinctes, une opaque et unelimpide, la temporalité éclatée qu'il nous est donné depercevoir par un état de voyance à la lisière de l'opérateurréflexif cristal emprunte la voie des linéaments récusanttout modèle de vérité, expectant même à la levée d'unevéritable puissance du faux qui caractérise encore mieuxl'apparition d'un faussaire. Mais comment parvient-on àdestituer la notion même de vérité? Et pourquoi est-cecette force du temps qui promeut l'avènement de la crisesévère que va connaître la vérité? Comment le faux enfin,compris en tant que puissance, permet-il d'assurer latransition métamorphosante de cette affection logique?Car pour Deleuze, ce que recèle plus profondément l'étatde crise du temps est la remise en cause du Vrai et dumodèle qu'il soutient, tant que de celui qui le soutient;somme toute, cet état de crise temporelle est bien plusaussi signe d'une crise de la vérité que celle-ci porte avecelle cependant qu'elle se refuse encore à l'observer tantqu'à l'admettre. Ainsi, contre la fausse évidence quel'image-temps soit strictement au présent, si ce n'est duprésent, elle révèle néanmoins à la pointe de l'extrême"déjà-là" son existence comme constitution du passé leplus infiniment contracté. L'image-cristal comme image-

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

telnps directe, loin d'être le temps, permet de voir letemps. En fait, pour Deleuze, l'extrême pointe de cettesimultanéité de co-présence et de concrétion des couchesdu tenlps que sont passé et présent inaugure le seuil del'ère de l'indécidable. Plus promptement que la possibilitéde saisir un présent, nous sonlmes en présence de lacoexistence entre "nappes de passé vÏttuel" et "pointes deprésent désactualisé". Or, cette coexistence entre deuxditnensions rend sinlultanénlent «le temps terrible,inexplicable »265.

Pour autant, l' indécidabilité et l' inexplicabilitéauxquelles tend tour à tour l'imposition de la puissanteitnage-temps directe ne se séparent pas définitivement del'univers inexplicable y attenant désornlais. Cetteindiscernabilité confine à creuser plus avant l'indistinctionentre réel et imaginaire, physique et mental, actuel etvirtuel, et s'avance dans le redoutable domaine du tempsconvolant à la charge de l'affrontenlent du vrai et du faux.Nous somlnes en présence de ce que Deleuze nOlnme des"alternatives indécidables entre des cercles de passé" etdes "différences inextricables entre des pointes deprésent". Mais, poursuit-il, « la coexistence de nappes depassé virtuel, la simultanéité de pointes de présentdésactualisé sont les deux signes directs du Temps enpersonne »266. La conséquence majeure de cesaccointances paradoxales est une profonde modificationdu statut même de la narration. Nous avons déjà puconstater en quelle mesure la description change et setransforme pour d'organique, passer et se transmuer en ceque Deleuze nomme cristalline. De même, si la descriptioncristalline remplace la description organique, chaque

265 L'image-temps, op. cit., p. 133.266 Ibid., p. 137.

124

Puissance du faux, crise de la vérité

régime de description sous-tend lui-même un régime denarration qui est puissamment affecté par cettetransformation. C'est donc tout à la fois que pour Deleuze,la temporalisation de l'image promouvant le seuil decertaines abolitions non moins que de révolutions,inversant l'ordre de vassalisation du temps au mouvementet rompant la subordination assujettissante qui en faisaitune conséquence indirecte et timorée sous-tendant de faitle régime de la représentation, poursuit la lecture de cettegrande crise de l'image action. En ramifiant l'opérationdes faux mouvements aberrants voir abusifs, où lacohérence lâche prise à la folie des situations et des fauxraccords, il la conduit jusqu'à la rupture décisive etradicale d'une temporalité devenue folle et justiciable deseffets de vérité, qui ne suppriment pas la narration mais luidonnent une nouvelle valeur.

Dès lors, si le cristal de temps flirte à la limite del'impersonnel cependant qu'il révèle le temps en personne,la conjugaison inextricable de la frontière entre nappes depassé et pointes de présent, rendant l'univers entierindécidable, ne lasse pas d'envoûter toute prétention à lavérité dans la robe fantomale de l'indétrônable croyanceen l'existence et à la promotion d'une puissance du faux.Elle conjure ainsi tout spectre du vrai à la dissipation desmasques des reflets cristallins, puisque ce qu'on voit ainsidésormais dans le cristal, « c'est le faux ou plutôt lapuissance du faux. La puissance du faux, c'est le temps enpersonne, non pas parce que les contenus du temps sontvariables, mais parce que la forme du temps commedevenir met en question tout modèle formel de vérité »267.

C'est donc en même temps que la narration devienttemporelle et falsifiante, inaugurant ainsi une véritable

267 « Sur le "Régime cristallin" », op.cit.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

impossibilité de toute évocation, renforçant l'évidence dulien si puissant existant entre description, nalTatiol1, tempset vérité. « En découle un nouveau statut de la nalTation :la nalTation cesse d'être véridique pour se faireessentiellement falsitiante. Ce n'est pas du tout "chacun savérité", une variabilité concernant le contenu. C'est unepuissance du faux qui relllplace et détrône la fonne duvrai, parce qu'elle pose la simultanéité des présentsincompossibles ou la coexistence de passés nonnécessairenlent vrais. La description cristalline atteignaitdéjà à l'indiscernabilité du réel et de l'imaginaire, mais lanalTation falsitiante qui lui correspond fait un pas de plus,et pose au présent des différences inexplicables, au passédes alternatives indécidables entre le vrai et le faux.L'homnle véridique meurt, tout modèle de vérités'écroule, au profit de la nouvelle narration. [... ] : c'estNietzsche, qui, sous le nom de « volonté de puissance »,substitue la puissance du faux à la forme du vrai, [... ] »268.

Évidemment, le thèllle du lien qu'entretiennent le temps etla vérité dans un rapport réciprocable n'est pas nouveau enphilosophie. C'est nlênle un des plus anciens vecteursparadoxaux dont, par exemple, les paradoxes de Zénond'Elée en sont une lointaine figure. Deleuze rejoue alors àson conlpte la transfiguration opérée par la torsion desschémas du temps qui « si l'on considère l'histoire de lapensée, [... ] a toujours été la mise en crise de la notion devérité »269. C'est à ce propos qu'il invoque et déplie lesparadoxes du sens inapproprié depuis l'antiquité, et cedepuis la première figure paradoxale de ce qui s'est appeléle « paradoxe des futurs contingents » et du « passé nonnécessairement vrai ».

268 L'Image-temps, op. cit., pp. 171-172.269 Ibid., p. 170.

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Puissance du faux, crise de la vérité

Ce paradoxe, plus connu sous la prédication de laproposition « la bataille navale aura lieu demain », poseune figure propositionnelle au futur et tente de luiappliquer la logique des solutions. Soit la bataille aeffectivement lieu, et il ne se peut pas qu'elle n'ait paslieu, annihilant toute contingence au futur, soit elle n'a paslieu et du possible procède l'impossible. L'impossibilitécuisante à laquelle mène cette proposition selon la logiqueattributive des propositions des catégories de la logiqueclassique en sape les fondements, ruinant donc principe denon-contradiction, d'identité et de tiers exclu. Enchaînantl'événement projeté dans une course folle au non-sens, ceparadoxe, qui décline l'impossibilité attributive d'unevérité d'existence (X sera ou pas) saille la part belle àtoute relativité d'existence, entre hiérarchie temporelle etproposition véridique. Entre le paradoxe dit "dominateur"faisant émerger l'impossible depuis le possible et laconséquence déclinant que ce qui est ou ce qui a été n'estpas nécessairement vrai, la promotion de toute descriptionvéridique tend à s'effacer et le monde qui lui est sous­tendu comme monde organique de la vérité aspire à unemoindre réalité. Si la convocation par Deleuze de ceparadoxe précise le sens du combat qu'il entend livrer àl'endroit de la vérité, il n'en reste pas moins que leprétexte pronominal de départ exemplifie à merveillel'étendue des dégâts qu'il veut infliger au mondevéridique. Car il s'agit d'une véritable bataille queDeleuze entreprend à l'endroit de la vérité. Pourquoi?Simplement parce que celle-ci est la plus éminentereprésentante du monde de la représentation et du cortègede valeurs morales dans lesquelles elle surnage. Aussi, cecombat ne se départit pas de l'aliénation d'un monde auxprises avec la représentation dans la fonne du Vrai,

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

assitnilée à la valeur nlorale du Bon, nlonde superflu,inutile, non-avenu et inapproprié selon Deleuze, àrépondre à l'émancipation de vraies valeurs pouvantmagnifier la Vie, symptôme d'une description véridiquedans laquelle le système du jugement veut le vrai, seposant ainsi toujours comme «l'origine morale de lanotion de vérité »270.

Avec les narrations falsifiantes et les puissances dufàux, c'est donc aussi au système du jugement qu'entends'atteler la réfornle deleuzienne. Toujours le nlêmeleitmotiv déclinant le constat amer des victoires dusystème du jugelnent partout à l'œuvre, alors que ce dontil pourrait s'agir bien plus que de juger, répète Deleuzeincessanlment, serait de faire exister. Mais l'etnbardée dela signification profonde de tout signe d'existence imposela nlétamorphose radicale des ressentiments acides dupouvoir de la domination de ce mênle système dujugement. On peut lire ici des résonances foucaldiennes. Sidésornlais tout hOtnlne véridique meurt, si du cristal surgitle faussaire ou l'escroc, c'est à la pointe de la réforme del'inlage dogmatique de la pensée et de l'évidence duprésupposé la liant avec la norme du vrai. Encore une fois,le vieux déluon avec lequel se démène la critiquedeleuzienne revêt les habits du sens commun et de lafausse évidence selon laquelle la pensée aimenaturellement le vrai, qu'elle le présuppose, qu'elle ledésire et le recherche, qu'elle le possède "formelleluent".Cette présupposition de l'intimité du lien entre pensée etdésir de vérité reste en effet la plus veille rengaine de laphilosophie occidentale, aux dépens de la pensée de sonfondement. L'amour naturel pour la forme du vrai n'est enrien pour Deleuze preuve d'une quelconque validité de la

270 Ibid., p. 180.

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Puissance du faux, crise de la vérité

dite vérité ni moins de ce que la pensée peut en soi laposséder formellement, encore moins la mériter, dut-ellela découvrir. Car cette découverte, de toujours, recouvre lamême terminologie de tout le système de la récognition,présupposant donc et hypostasiant l'existence d'un mondetranscendant, idéal et valable: un monde des essences.Mais fondamentalement, rien ne présuppose ni neprédispose la pensée à la plate adéquation avec la formedu Vrai. La seule vérité temporelle impose bien aucontraire, dit Deleuze sous l'inspiration proustienne, àconstater que «nous ne cherchons la vérité que dans letemps, contraints et forcés »271 et que les essences, bienloin de descendre d'un ciel des Idées, ne « vivent que dansles zones obscures »272. Toute recherche s'affirme donccomme temporelle, et toute vérité est nécessairementvérité du temps. Aussi, tout présupposé philosophiqued'une volonté dite bonne, apte à découvrir le vrai oumême à en recevoir les fruits comme opération dedéchiffrage des vérités abstraites, ne renforce encore unefois que le tort de la philosophie d'être victime d'unelongue erreur parcourant la pensée, erreur assimilée aunégatif et la déterminant à son insu. En fait, affirmeDeleuze, « la vérité se trahit, s'interprète, estinvolontaire »273. Il y a toujours quelque chose qui force àpenser et qui, dans la violence même de son signe, destituedéjà la suprême vérité comprise comme dépendante dusystème du jugement. Car ce qui nous force à pensers'assimile toujours au non-reconnaissable, au méconnu, àl'inconnu, repoussant plus avant l'effondrementconsommé de la pensée sur elle-même et en révélant plus

271 Proust et les signes, op. cit., p. 119.272 Ibid., p. 122.273 Ibid., p. 116.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

proprement l'impuissance, l'impouvoir d'une pensée non­innée, invitant dans la plus grande violence à la créationde ce qui n'existe pas encore, telle l'expérimentationd'Artaud de « ce qu'il Y a un acéphale dans la pensée,COlnme un mnnésique dans la mémoire, un aphasique dansle langage, un agnosique dans la sensibilité »274.

C'est donc à l'aune d'une puissance du temps a­chronologique et décentrée de tous fonctionnenlents desschènles sensori-nl0teurs qu'est nlise en crise la notion devérité, dans la série d'un telnps vide et pur que la fornle duvrai se transfornle sous l'inspiration d'une puissance dutelllps, critique deleuzienne du vrai suivant à cet égardtoutes les précédentes renlises en questions de lareprésentation du véridique. Ce sont par ailleurs autantd'épreuves correspondant à l'image de la penséedogmatique que Deleuze pourchasse et veut pourfendresur l'autel des représentations, détruisant l'autel aussibien. Il s'inscrit en cela dans la lignée des philosophesayant révélé la force du temps comme seule capable dedéstabiliser la statue d'airain du Vrai, figée dans la formede l'Idée platonicienne où Copie, Modèle et Même,résonnent d'une unique voix, d'un seul chant, dontNietzsche eut entre autre pour Deleuze la principaleinitiative de désharmoniser la structure immuable etéternelle. Cette forme suprême et pérenne du lien admiscomme intime et évident de la relation qu'entretient lapensée avec la vérité est en fait le présupposé a priorid'une volonté "négative" qui intime la forme d'uneintériorité avec celle d'une extériorité, objetdéfinitivement détourné de la vraie nature de la pensée etqui enracine le discours du philosophe dans un décèsd'avant l'heure, perpétuellement sounlÎs à l'excédent

274 D(fférence et répétition, op. cit., p. 192.

130

Puissance du faux, crise de la vérité

d'une morale courbant tout jugement avant l'énoncépropre d'une pensée authentique275

• Il s'agit d'un « tudois » docile, circonstanciel de toute société, alors quepour Deleuze, « ce qui est premier dans la pensée, c'estl'effraction, la violence, c'est l'ennemi, et rien ne supposela philosophie, tout part d'une misosophie »276. C'est doncpar l'effraction que quelque chose peut se penser, c'estdans le vol absolu de l'impromptu et de « l'innocence dudevenir »277 que la possibilité que quelque chose advienneà la pensée peut s'effectuer. Autant dire que touteprétention du modèle de la récognition ne peut guèretrouver aux yeux de Deleuze que la malheureuseinsistance par laquelle il convole sur tout système depensée plus généralement répandu, du moins dévolu à lareprésentation.

Mais la question principale que réactive Deleuze àl'endroit de la critique de toute conception du véridique etdu système du jugement est la question nietzschéenne du"Qui 7". Cette question est la véritable question d'unedémarche frayant la voie à une symptomatologie. Qui veutla vérité 7 Et que désire-t-il celui qui la désire 7 L'hommequi se détourne de la narration véridique veut-il pourautant nécessairement le faux 7 Si tel était le cas il faudraitse demander ce que peut signifier de vouloir le faux. Est­ce une volonté irréductiblement entachée de l'erreur oubien désigne-t-elle autre chose, une autre validation dudiscours et de la narration ? La question que ne cesse doncde poser Deleuze comme pour mieux insister sur son

275 Se reporter aux analyses de la philosophie circonstancielle deDavid Hume ~ar Gilles Deleuze, Empirisme et Subjectivité, Paris,P.U.F, 1993 (l re éd., 1953).276 Différence et Répétition, op. cit., p. 181.277 L'Image-temps, op .cit., p. 180.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

caractère tragique est: « Qu'est-ce qu'ils veulent leschercheurs de vérité ?278 » Et de répondre simplement, quece que veut à tout prix éviter l'homme véridique, « est dene pas être trompé »279. Aussi, toute entreprise duvéridique ne se conçoit-elle que négativenlent. Car sil'honl1ne du vrai veut ne pas être dupe des apparences,c'est au nonl d'un nl0nde qui n'est pas. Ce vouloir ne restedonc qu'un denli-vouloir, résonance nietzschéenne dont,on le conlprend, toute velléité doit être évincée de lapensée. Car la seule vertu organisant ce nlonde de la véritéest de distribuer des totis selon le systènle du jugement,croyant toujours à son insu que la vie est ailleurs. Noussonl1nes en plein dans le monde nietzschéen des forcesréactives, en plein nihilisme. Son synlptôlne ? Vouloir quela vie se corrige. Celui qui se sent investi de ce désir devérité ordonne toute vie selon une perspectivetranscendantale faisant plier l'ordonnancement du mondeà l'exigence catégorique d'un nl0nde statique etorganique, réglant par avance l'ordre mécanique dusystèlne du jugenlent que pourra ainsi attribuer l'hommevéridique, confornlant la catégorie "vérite' à la droiterépartition imlnuable. La volonté de puissance du Vrai sedécline finalement sous l'auspice de la négativité puisquedans cette perspective de l'homme du juste, juger se peutdire de la même manière corriger. Corriger la vie et sesforces, correctement désignées suivant un ordre moralrompu au Transcendantal, dont le monde des Idées indiqueque tout n'est qu'apparence. Apparences dont précisénlentcelui qui veut la vérité, et l'investit comme la toutedernière recherche, ne veut pas être dupe. Une telle

278 Gilles Deleuze, Nietzsche et la philosophie, Paris, P.U.F, 1994 (1 ère

éd., 1962), p. 88.279 Ibid., p. 109.

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Puissance du faux, crise de la vérité

entreprise correspond à une rectification des forces vivesde la pensée et assigne la multiplicité et la radicaIité duDifférent au joug d'une vision a-temporelle sclérosante.

Cette forme suprêmement vicieuse recouvre pourDeleuze l'apothéose du règne d'un nihilisme qui ne dit passon nom et mesure précisément l'écart sous-tendantl'embardée du système deleuzien. Et si la volonté qu'ilrecèle est dite négative, c'est que la pensée comme la Viechez Deleuze se rattachent expressément à l'idée d'uneaffirmation de celles-ci; il n'est donc pas envisageable depenser et d'utiliser la vie contre la vie quelles qu'en soientles justifications dernières. La critique de cette consciencelégislatrice se fait donc au nom d'une pensée « qui iraitjusqu'au bout de ce que peut la vie, une pensée quimènerait la vie jusqu'au bout de ce qu'elle peut »280. C'estpar l'assertion de cette plus haute destination commeunique affirmation que Deleuze énonce la reprise du projetnietzschéen d'une dissolution du carcan avilissant de lamorale, pour y préférer la libération des forces vives,actives et créatives de la vie, permettant enfin à la penséede remplir pleinement la fonction la désignantassuréluent : « découvrir, inventer de nouvellespossibilités de vie »281. À toutes démoniaques tentationsque sont autant de fossoyeurs de la vie exerçant leurcourroux en revendications de ressentiments nostalgiques,Deleuze dresse un nietzschéisme en passe de l'instancedes puissances du faux. Car l'homme qui veut la vérité a« d'étranges mobiles, comme s'il cachait un autre hommeen lui, une vengeance [... ] il a soif de juger, il voit dans lavie un mal, une faute à expier [... ] il n'y a pas de valeursupérieure à la vie, la vie n'a pas à être jugée, ni justifiée,

280 Ibid., p. 115.281 Ibid.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

elle est itmocente, elle à l'innocence du devenir par-delà lebien et le mal ... »282. Le chercheur de vérité, c'estl'ennemi, c'est l'homme platonicien. On reconnaît ici lafigure du conlbat d'abjuration de Platon par Deleuze. Onrenlarquera toutefois que si le thènle de la critique del'héritage platonicien se déploie principalement sous l'axed'une "lnaladie" de l'occident dont il faudrait parvenir à sedéprendre, cette critique, structurellement, parcourant tantl'œuvre nietzschéenne que deleuzienne ne parvient pastotalement à éviter l'onlbre d'un écueil jouant à son corpsdéfendant. Car en effet, cette visée du philosopheenjoignant de se 111éfier des synlptônles d'une rumeurparcourant la pensée, l' assinlilant au vieux despote duMêlne et de la Copie, prêche égalelllent à sa ll1anière unerectification, une guérison. N'est-il pas d'enlblée lui aussile nlédecin de nos âmes, le grand guérisseur assignant à lapensée le statut du maladif? Autre forme de maladie quecelle-ci s'il devait y en avoir une, ll1aladie de la nlaladiepounions-nous dire, prescrivant donc à une ll1étiance derigueur avec la déclaration du "Tout Maladie" et de sondéclarant, inoculant le nouveau virus à la pensée,hautel11ent et inémédiablement contagieuse, car si noussonlnles malades de quelque chose, c'est avant tout depenser et de vivre avec cette pensée, suprême et dangereuxdélice que de s'accorder à ce délire puisqu'à faveur del'inspiration deleuzienne, «le fond de la pensée estd'abord délire »283. On objectera, à raison sûrement, que lacritique entreprise ne peut s'assimiler structurellement aucritiqué en tant que celle-ci, et on se souvient de la grandesanté nietzschéenne, n'impose pas à strictement parler decorrection puisqu'elle nécessite une coupure radicale, sans

282 L'Image-temps, op. cit., p. 180.283 Empirisme et subjectivité, op .cit., p. 4.

134

Puissance du/aux, crise de la vérité

l'ombre d'une reprise, autant dire d'une correction, et quede surcroît, à la faveur de la figure de l'artiste, celui-ci estpensé comme "malade et médecin de la civilisation".

Pour autant l'honlme du faux, le faussaire, ne selaisse pas suspendre aux critères du système du jugement.Celui-ci, en effet, le laisse dans l'alternative dialectique dusens et du non-sens en désignant le faux comme "pauvre"envers de la vérité, le faux demeurant une erreur. Car lanotion même d'erreur fait partie du système de lareprésentation comme son "repentir dialectique"284,comme ombre neutralisante des faux problèmes. Puissanceinvalidante de la négativité, l'erreur est ainsi la plusartificielle des notions au service de l'homme véridique,décidant de la frontière entre monde des essences etmonde des apparences, par reconnaissance de ses modèles.La vérité se met donc en berne de l'idéalité et de lamoralité car éclatée par la volonté affirmative despuissances du faux, véritable consolidé d' indécidabilité,d'indiscernabilité et d'incompossibilité d'où s'échappentles puissances déchaînées et libératrices d'un tempsprofondément décentré inaugurant toute transformation dela narration et de la description. La puissance du faux estainsi ajjirmative ou volonté d'affinnation, voulant sedésenchaîner des contraintes éthiques et morales pesantsur la vérité, affirmant sa puissance de décentrement et delibération tant à l'égard du temps que du mouvement,puisque le temps se libère dans le faux mouvement desenchaînements et des raccords d'images dans le cinéma,mais également faux mouvement de la narration dans lanarration.

Mais le faux ne peut se résoudre à l'erreur carl'erreur reste une image véhiculée ·par ce fameux

284 Différence et répétition, op. cit., p. 207.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

chercheur de vérité, honlme intarissable de la protectionde l'image idéelle du monde que sous-tend la visionInécaniste et organique du système du jugenlent. Le fauxne s'oppose donc pas au vrai, celui-ci portant l'erreur aveclui de façon fornlelle. Le faux est une puissance contestantstructurellement tout modèle fonnel de vérité et lanarration falsifiante « brise le systèlne du jugement, parceque la puissance du faux (non pas l'eneur ou le doute)affecte l'enquêteur et le télnoin tout autant que le présunlécoupable »285. D'ailleurs pourquoi, poursuit Deleuze,opposer le vrai au faux? Ne sont-ils pas plutôt tous deuxles deux nlêmes faces d'une seule puissance du fauxconlnle affimlation de la volonté de puissance286 ? Doit-onalors reprocher à Deleuze de se faire de la conceptionclassique de la vérité une vue simplifiée p011ant avec ellesa propre limite, écueil inévitable de toute conceptionvéridique puisque indéfectiblenlent classificatoire? Enetfet, conlme le rappelle Suzanne Hêlne de Lacotte28\poursuivant au cœur du texte deleuzien la lecture critiqued'Alain Badiou, le concept que se donne Deleuze de lavérité se «ramènerait chez les Idéalistes à latranscendance »288 assimilant donc la vérité au phénonlènede la découverte et non à celui d'une construction, et cesuivant le schéma platonicien du Modèle et de la Copie.Cette conception n'est-elle pas ainsi, comme le dit AlainBadiou, «dépendante du "platonisme" dont Deleuzeconstruit pour les besoins de sa cause, une image

285 L '1 . 174mage-temps, op. Clt., p. .286 Cf. Critique et clinique, op. cit., p. 132.287 Suzanne Hème de Lacotte, Deleuze: philosophie et cinéma, Paris,Ed. L'Harmattan, coll. « L'art en bref», 2001.288 Ibid., p. 53.

136

Puissance du faux, crise de la vérité

squelettique »289? Image squelettique dont le corpsprendrait chair sous la puissance du faux, interprétationdécharnée rendant réelle et "véritable" le règne dessimulacres où il n'advient pas moins que, comme leprécise encore Alain Badiou, «dans cette affaire, "faux"ne se rapporte qu'à une catégorie de vérité fondéeprécisément sur le Même du modèle et le Semblable de lacopie, catégorie dont [... ] aucun philosophe ne l'a jamaispromue autrement que comme image médiatrice, toute sapensée ayant dès lors pour mission de la défaire. C'est lecas tout spécialement, de Platon, qui consacre par exemplele début du Parménide à établir l'inanité de cette image,dont ailleurs il se sert abondamment »290. Ce dernierrappelle par ailleurs que « le thème de la narration commevecteur flexible et paradoxal de la vérité est aussi ancienque la philosophie »291, convoquant à tout hasard leshistoires d'Achille et de sa tortue et qu'ainsi, l'appellationdes "puissances du faux" se jouant dans la pénombre del'indiscernabilité n'est que l'autre nom deleuzien de lavérité héritée de Nietzsche. D'après Badiou, la substitutionopérée par Nietzsche de la puissance du faux à la forme duvrai, et réactualisée par Deleuze, périclite dans unetautologie redondante du cycle actuel-virtuel, cycle danslequel s'échange mutuellement l'inversion réciproque decette conception selon que l'on conçoive le vrai commepuissance virtuelle ou comme forme actuelle, mettantfatalement en présence son pendant sous la forme del'Autre. Tant et si bien, «qu'il ne serait pas exagéré dedire que le classicisme de Deleuze s'accomplit ainsi:

289 Alain Badiou, Deleuze-La clameur de l'être, op. cit., Chap. « Letemps et la vérité », p. 85.290 Ibid.291 Ibid., p. 87.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

pensée selon une intuition essentielle, et particulièrementdifficile, la puissance temporelle du faux est une seule etmême chose que l'éternité du vrai. Éternité dont le moded'être est le retour (éternel) »292.

Sacrifiant l'imlllobilité à l'éternité, l'analyse deBadiou fait ainsi de Deleuze un "platonicien qui s'ignore"alors que conlme le relllarque Suzanne Hêllle de Lacotte,J'au-delà du nlouvenlent dans lequel Badiou enfemleDeleuze à l'inlmobilisllle n'est pas considéré par Deleuzecomme symptônle de l' inlmobilité et «les image-telnpssont au-delà du 1110uvement dans le sens où elles n'ont pasbesoin d'en passer par le mouvelllent pour présenter letemps »293. Qu'est-ce qui peut finalement trancher le fauxdu vrai sur la voie du faussaire? C'est précisélllent letenlps, en ce que le telllps est ce qui nlet en crise de façonla plus profonde le concept de vérité: c'est alors que lefaussaire s'étale d'un bout à l'autre de la chaîne,illocalisable, assénant au vrai le coup et la nlarque dutemps, qu'on aurait pu de la mênle façon nommer coûtdepuis le développement de la chrématistiquearistotélicienne et son prolongement dans les analyses deMarx sur la valeur d' échange294, illocalisable sous la formede l'indécidable, admirable faussaire qui se déplace envitesses infinies: « le temps par nature est la conspirationde l'échange inégal »295. Admirable car insaisissable,insaisissable car se déplaçant sur la ligne du temps ne secourbant plus mais qui dans sa course folle et

292 Ibid., p. 91.293 Suzanne Hème de Lacotte, Deleuze: philosophie et cinéma, op.cil., p. 61.294 Cf. L'Image-temps, op. cit., p.104, 186, et aussi Eric alliez, Lestemps capitaux. op. cit.295 L'Image-temps, op. cil., p. 104.

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Puissance du faux, crise de la vérité

ininterrompue s'effectue dans l'aube naissante etévanescente d'une lumière cristalline, un circuit faussaire"trouant la trame du sens" dans un procédé fondamentald'impersonnalisation, flouant toute donne sur la table duhasard et mettant ainsi en échec la figure de l'hommevéridique qui, cependant, comme le dit si bien Nietzsche,« finit toujours par comprendre qu'il n'a jamais cessé dementir ».

Ce faussaire, qui sème à tout rompre la narrationfalsifiante et brise le système du jugement, se déroulant«suivant des lieux déconnectés et des mouvementsdechronologisés »296, est habité par la puissance du fauxqui, « contrairement à la forme du vrai qui est unifiante ettend à l'identification d'un personnage, [... ] n'est passéparable d'une irréductible multiplicité (où) "Je est unautre" a remplacé Moi = Moi »297. Adresse à tous lesfaussaires s'acheminant à dérégler les formes du temps etde la narration en glissant dans les labyrinthes de tous lessentiers bifurquant, tous les faussaires qui ne sontfinalement peut-être qu'Un en droit, déplaçant tous centresde reconnaissances et d'identités sous les formesillocalisables de l'indiscemabilité et de l'incompossibilité,renvoyant ainsi les termes qui dirigent l'entreprise descanons de l' esthétique occidentale aussi bien que lesstructures possibles de la pensée depuis Platon en terme demodèle et de copie, à une fin de non-recevoir. Il assureplus pleinement la promotion du règne des simulacres, dupseudos, du faux faisant que la vérité, loin d'être ledécalque d'une adéquation soit toujours une création etqu'elle ne puisse s'affirmer qu'à l'unique pointe de cettecondition. À toute fin de falsification, la puissance du

296 Ibid., op. cit., p. 174.297 Ibid.

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3. Le paradoxe parodique de l'éternel retour.

Mais au théâtre philosophique des masques de lavolonté de puissance, la transmutation des valeurs et lapuissance de leur évaluation et de leur sélection nepeuvent s'effectuer que par la saisie de la nature du tempspur qui l' acconlplit : l'éternel retour. Car l'éternel retourest principe même et raison de la différence dans larépétition, assurant précisément au divers qu'il puisseadvenir comme essor de la création sous la puissance detransvaluation des masques et des simulacres. De plus,« ce qu'exprime l'éternel retour c'est ce nouveau sens dela synthèse disjonctive »298, déjà envisagé comme forcedisruptive par laquelle se déplie la force du temps,obligeant à se saisir de cette troisième synthèse du tempsvide et pur; il est même, dit Deleuze, « l'affirmation dudisjoint comme tel »299. C'est donc toujours dans le mêmetemps déchaîné et disruptif qu'advient le moment du choixde l'éternel retour pour toutes les séries de la temporalité,ajointant le futur au présent et au passé, déjouant mémoireet oubli comme l'ultime épreuve de la pensée - c'est larépétition dernière de toute synthèse possible. Il faut doncretourner à la promesse de l'éternel retour, semblantdernier de toute condition de la temporalité et du Revenir,déclinaison du devenir en germination et du montageinclusif d'un temps retourné, celui d'un présent bafouéparce que foulé à la racine de sa puissance d'étant, enclin àpasser éternellement pour être enfin et n'être plus tout à lafois, marqué à mort dans le résidu de son passage.

298 Logique du sens, op. cit., p. 348.299 Ibid., p. 209.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

Or, précisélllent, l'éternel retour est «réponse auproblèllle du passage »300. Il échoit donc à la troisièmesynthèse du temps d'assurer toute reprise différentielle dutemps puisque les deux premières répétitions du présent etdu passé portent avec elles leurs défaillances, entre unprésent avorté sur sa ligne de partage de l'Aiôn et deChronos et un passé retonlbant à demeure dans le cercle dela prenlière répétition, qui dans son désir et sa nécessité depasser ne peut encore assurer au temps qu'il fut, ni qu'il nedevienne. À tout le moins peut-il garantir le temps de lanouveauté dans l'essor créateur qu'il doit conduire pourque jaillissent des cercles des répétitions l'ultitllesingularité du futur se faisant. Mais si l'éternel retour estce qui permet au temps de potentialiser sa puissance etd'assurer sa force dans la transition intenlpestive d'unpassage fulgurant, l'interprétation mêlne de cet éternelretour recèle nombre de difficultés qui dépendentcertainement de son interprétation nietzschéenne. Carl'éternel retour que convoque Deleuze à toute fin del'ultinle différence, puisque unique garant que le tempspasse mais aussi que dans la répétition advienne ladifférence, détient son origine dans la lecture qu'il tàit deNietzsche. Il ne peut donc s'agir de l'éternel retourcosmologique grec. L'alternative problématique danslaquelle se pose l'interprétation de l'éternel retours'énonce donc: éternel retour du Même ou bien duDifférent? Et aussi: est-il cycle ou instant? Qui plus est,si l'interprétation en soi pose problème, et initie desdivergences d'interprétations non moins que la multiplicitépossible de celles-ci, cela tient entre autre au fait que cettenotion n'a jamais en tant que telle été pleinement etpositivement défini par Nietzsche lui-même. La ou les

300 Nietzsche et la philosophie, op. cit., p. 54.

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Le paradoxe parodique de l'éternel retour

versions que nous avons de l'éternel retour restent dans lapart sombre du texte, dans les coulisses du théâtrenietzschéen, aux bords de cette rue lugubre qu'évoqueZarathoustra énonçant sa vision au nain30I

• Et tant l'éternelretour est la grande révélation et intuition nietzschéenne,tant paradoxalement il demeure quasiment absent de sonœuvre. C'est-à-dire que l'éternel retour ne s'écrit pas, pasplus qu'il ne se dit ou s'énonce. Et quand il se dit, c'estnégativement. Ce que l'on sait principalement de l'éternelretour, c'est ce qu'il n'est pas, résistant ainsi à toutedétermination positive. L'éternel retour n'est pas et nesaurait être ni retour du Même, du semblable ou del'identique. Ainsi, dans l'éternel retour, «ce n'est pasl'être qui revient, mais le revenir lui-même constitue l'êtreen tant qu'il s'affirme du devenir et de ce qui passe. Cen'est pas l'un qui revient, mais le revenir lui-même estl'un qui s'affirme du divers et du multiple. En d'autrestermes, l'identité dans l'éternel retour ne désigne pas lanature de ce qui revient, mais au contraire le fait de revenirpour ce qui diffère. C'est pourquoi l'éternel retour doitêtre pensé comme une synthèse : synthèse du temps et deses dimensions, synthèse du divers et de sa reproduction,synthèse du devenir et de l'être qui s'affirme du devenir,synthèse de la double affirmation »302.

L'ultime répétition que représente l'éternel retourpermet dès lors de valider tout ce qui revient mais surtoutd'assurer le devenir; c'est-à-dire qu'il sert à authentifieret non à identifier, et qu'il est l'unique sens authentiqueque revêt ce futur inconditionné à l'épreuve de toute réellepensée s'affirmant en tant que telle. Il est donc pur devenir

301 Cf. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Part. III, chap. « De lavision et de l'énigme ».302 Nietzsche et la philosophie, op. cit., p. 55.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

affirmant et sélectionnant le retour de la différence parl'être de son principe sélectif, pouvant en dernier lieu faireadvenir l'être dans l'affirmation de la différence, et cedans le creuset d'un unique lancer de dés donnant àchaque lancer le présent tout entier, une fois pour toutesles fois. Et pour braver que le vieux dénlon du Mênle nesurgisse tout au long des répétitions, pour éviter l'éternellerevenance de l'identique, il décompose toute unité enaffinnant l'un tnais sous la condition du multiple et quedevenant l'être du tenlps, ne revienne à son détour sélectifde la double affirnlation que la différence dans l'êtrepuisqu'il faut «une seconde affirnlation pour quel'affinnation soit elle-nlême affirmée. Il faut qu'elle sedédouble pour pouvoir redoubler »303.

L'éternel retour est ainsi vouloir sélectif à la nièmepuissance dont le minimunl ne peut revenir qu'à lacondition d'une seconde puissance sélective et affirmativeassurant la transmutation des valeurs, leur transvaluation.Car si sous l'inspiration de la volonté de puissance, le vraiet le faux sont aspirés sous les puissances du faux, c'estque la vérité ainsi jugulée par l'éternel retour revenant etaftinnant devenir et confusion assure l'élévation de toutepensée à hauteur d'une évaluation: le noble et levil. Transmutation et transvaluation sont même pourDeleuze le sommet de l'éternel retour. Mais l'éternelretour, encore une fois, ne renvoie son immédiate sélectionqu'à la volonté d'une interprétation de par sa naturemême, qui est de rester caché dans les textes même où ils'énonce. C'est ainsi que Deleuze inspecte deux sens del'éternel retour, deux aspects. Un premier aspect,cosmologique et physique, et un second, sélectif et

303 Gilles Deleuze, « Mystère d'Ariane selon Nietzsche» in Critiqueet clinique, op. cit., p. 130.

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Le paradoxe parodique de l'éternel retour

éthique. Le premier sens en revient à l'évidence même desa fulgurance par rapport au passé, à son pouvoirsynthétique donc, dans la manière de ramasser tout lepassé et dans sa coexistence dans l'instant. Mais tout senscosmologiste ou cyclique doit a priori être écarté: «ledevenir n'a pas pu commencer de devenir, il n'est pasquelque chose de devenu. Or n'étant pas quelque chose dedevenu, il n'est pas davantage un devenir de quelquechose. N'étant pas devenu, il serait déjà ce qu'il devient,s'il devenait quelque chose. C'est-à-dire: le temps passéétant infini, le devenir aurait atteint son état final, s'il enavait un »304. En vertu de l'infinité de ce temps passé, toutevision mécaniste ou thermodynamique ne peut expliquerl'éternel retour; il n'est pas «une loi de nature », ditDeleuze, mais «puissance contre la loi »305. Et cettepuissance, précisément, exprime la volonté de puissanceen tant qu'elle ne doit vouloir que l'actif et le créatifcontre le réactif et le nihilisme.

À l'instar de l'impératif catégorique kantien,l'éternel retour dans la sélection indique donc que levouloir ne veut comme règle pratique que ce qu'il peutvouloir comme retour éternel. À l'orbe de ce deuxièmesens, sens véritable et authentique de l'éternel retourcomme produit d'une sélection et principe sélectif, deuxsens s'affrontent cependant. Devant chasser tout le négatif,puisque la puissance sélective dans l'éternel retourfonctionne comme synthèse affirmative, «la leçon del'éternel retour est qu'il n'y a pas de retour du négatif [... ]que seule la joie revient »306. L'éternel retour imposenéanmoins de faire également revenir la négation pour

304 Nietzsche et la philosophie, op. cit., p. 53.305 Différence et répétition, op. cit., p. 14.306 Nietzsche et la philosophie, op. cit., pp. 217-218.

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Gilles Deleuze. l'épreuve du temps

l'affirmer. C'est-à-dire que pour mettre en place unprincipe de destruction et pouvoir transmuer le sens desforces réactives, il faut que le négatif revienne et soitaffirmé, mais doublement, pour qu'il se redouble et soitévinceo7

• À l'épreuve de toute transmutation, la répétitions'affirme doublement, puisque l'épreuve ultime del'éternel retour est bien de ne faire revenir quel'absolunlent nouveau. Mais si l'affirmation sélective del'éternel retour permet également qu'il fasse revenir lenégatif (à moins que nous ne soyons dans la partinsupportable de l'éternel retour faisant tressaillirZarathoustra en ce que précisélllent mêllle le vil revient),Deleuze selllbie hésiter entre les deux interprétations qu'ilprésente, à savoir, entre son sens nihiliste et cyclique ouson sens affirnlatif et sélectif. On peut se demander si cetteoscillation divergente de la double affirmation ne vacillepas dans le creux de sa propre annulation, dansl'expectative de l'indécidable que Nietzsche lui-même n'apas "résolu"308?

Entre le recueillement des deux premièressynthèses du temps et leur exclusion momentanée, l'ultimesynthèse que représente l'éternel retour comme uniquepromesse, tant du devenir que du nouveau, s'arrête là :« L'ultime répétition, l'ultime théâtre recueille tout d'unecertaine manière, et d'une autre manière détruit tout, etd'une autre manière il sélectionne en tout. Peut-être est-cel'objet le plus haut de l'art, de faire jouer simultanémenttoutes ces répétitions »309. Ainsi, à la pointe de la

307 Ibid., cf. p. 79-80.308 Sur ce point nous renvoyons à Jacob Rogozinski, « Défaillances(entre Nietzsche et Kant) », op. cil., p. 60, auquel nous devons l'idéede cette lecture.309 Difference et répétition, op. cit., p. 375., que cite J. Rogozinski.

146

Le paradoxe parodique de l'éternel retour

nouveauté que promet ce temps de la troisième répétition,cette offrande de l'éternel retour, il semble bien persisterun point de défaillance à perte du sélectionné dans leretour. Car comment envisager cette manière de toutdétruire et de tout sélectionner? Ne réside-t-il pas end'autres termes une dualité irréductible de ces manières seréduisant en dernier lieu à une duplicité «lourde» (onpeut penser ici à la lourdeur de l'esprit du nain duZarathoustra prenant paradoxalement tout à la légère) ettrahissant toute possibilité de répétition? Ou pour le direavec Jacob Rogozinski, comment « une répétition du tout­nouveau, de l'absolument-Autre, qui ne répète rien dupassé mais brise avec lui sans retour - peut-elle êtreencore désignée répétition? »310

Entre le négatif et l'affirmatif, il se dessine doncune ligne de fuite risquant à chaque instant sa perte dans lanéantisation: défaillir au gouffre de la disparition avantmême que d'avoir pu, soit être sélectionné, soit être rejetéet nié. Car la répétition, pour être conséquente, ne peutêtre partielle mais doit s'affirmer dans une teneur del'éternel retour ne retenant certes que ce qu'il a élu maiscependant, dans cette même sélection, doit opérer un tourde force radical et définitif pour rejeter le négatif et "éviterle triomphe du négatif'. Voulant ainsi affirmer le positif etla joie nouvelle de l'absolument nouveau, l'éternel retourdoit céder à une rupture qui semble totale avec le passé etrejeter dans les méandres de l'histoire humaine l'ensemblede ce qu'elle porte avec elle-même, le triomphe du négatif.Est-ce que la pensée de l'éternel retour n'apparaît pas denouveau dans ce double irrémédiable impliquant «cetteirruption radicale de quelque chose qui "détruit tout" de cequi la précède, une césure, une coupure dans laquelle

310 Jacob Rogozinski, op. cit., p. 60.

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Gilles Deleuze. l'épreuve du temps

s'affronteraient de nouveau deux horizons adverses dutelnps, un duel qui met à bas la structure ternaire de larépétition puisqu'elle se résout en dualité »311, rappelant encela le signe excédentaire et toujours déplacé dusurnUlnéraire312 ? On ressent ici encore toute la difficultéde l'insigne résistance que la thèse mêlne de l'éternelretour fournit. Car elle n'est précisénlent pas à propreillentparler une thèse au sens où elle ne trouve pas déjà le lieuoù elle puisse s'exposer. Cette pensée reste reconduite àl'énigme d'un texte en devenir, en filigrane d'uninachèvement dont on ne sait si le tenlps eut laissé àNietzsche ou non la fortune de l'approfondir, de laformuler. Devant l'insupportable vision, le berger lui­nlêllle doit arracher la tête du serpent pour la cracher.Comme limite fuyante de toute énigme rendue à l'inconnudu temps, cornille désir et donc manque inévitable del'objet désiré, reste cette « réserve de l'énigme qui désigneà distance un point d'impossible »313, et l'abîme de touteressource différée du texte nietzschéen pourrait inciter àpenser, COlnme le précise Bernard Pautrat, qu'avecDeleuze, « telle aurait pu être la pensée de l'éternel retoursi elle avait pu véritablement s'écrire »314. Aussi lescirconstances de ce qui demeure malgré tout un non­énoncé de l'éternel retour ne peuvent qu'encourager àcroire et à se persuader, éventuellement, d'uneinterprétation, laissant alors libre chanlp à toute œuvre defalsification. Mais celle-ci, loin s'en faut, ne peuts'entendre négativement mais dans l'unique positivité

311 Ibid.312 Cf. 1-3.313 Jacob Rogozinski, op. cit., p. 61.314 Bernard Pautrat, Versions du soleil, Paris, Ed. Seuil, 1971, p. 352.Interprétation remarquée par Jacob Rogozinski.

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1

Le paradoxe parodique de l'éternel retour

depuis laquelle elle s'érige. «Cette pensée n'est pas unethèse parce qu'elle n'est que le désir du retour à l'être ;proprement, une nostalgie, tournée obstinément vers cequi manque, fait défaut, appelle. Une telle nostalgie n'estpas incompatible avec la nette conscience del'impossibilité qui la nourrit, bien au contraire; etNietzsche savait, aussi bien que nous, que l'éternel retourn'avait d'autre statut que celui d'une interprétation »315. EtBernard Pautrat de poursuivre que de la sorte le texte etson désir ne peuvent s'inscrire que dans la faille d'undouble ressort animant toute tentative d'appréhension dela poésie nietzschéenne, entre un inséparable désir decroire et un irréductible échec.

Deleuze, pour son compte, pressent bien que c'estdans cette part d'ombre que s'affirme aussi la vérité del'éternel retour, quand il l'envisage comme n'étant « pasune foi, mais la vérité de la foi »316, et comme exprimant laplus haute croyance en l'avenir, mais une croyanceparodiée, simulée. Et si toute énigme de l'éternel retours'engendre avant tout comme réserve de l'énigme, commeexcessif pur de l'excès de ce qui doit être répété pour êtreaffirmé, cet "excessif de l'événement qui ne peut êtreréalisé sans ruine", alors effectivement le retour ne peuts'envisager que comme paradoxe parodique, toutefalsification renvoyant à l'ombre de son double comme sasimulation. Ce n'est d'ailleurs dit Deleuze, que l'excessif,que le signe excédentaire, que l'extrême, qui revient. Carle revenir dans la différence se dit du non-égal, de l'inégalen soi et le monde entier de l'éternel retour, à cet égard,est un monde sans-identité préalable. Tout présupposé,toute identité, tout cela est dissous par et pour ce qui

315 Ibid., p. 358.316 Différence et répétition, op. cit., p. 127.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

revient. Aussi l'éternel retour comme cette synthèse ultimeest un "effondement universel", engloutissant toutfondement dans le sans-fond non-médiatisé, necommençant ni ne finissant, universel n1ilieu fondant cequ'il défonde et effondant ce qu'il fonde. C'est ainsi quel'éternel retour devient propre puissance d'affirmer lechaos, où « à la cohérence de la représentation, l'éternelretour substitue tout autre chose, sa propre chao­errance »317, n'étant plus un n10nde non moins qu'uncosmos, bien plutôt un "chaosmos".

Mais le cercle du revenir de la différence est uncercle beaucoup plus «tortueux », cercle « éternellementexcentrique, décentré de la différence» et «l'ordre dutemps n'a brisé le cercle du Mêlne, et n'a mis le temps ensérie, que pour réformer un cercle de l'Autre »318, « cercletoujours décentré pour une circonférence excentrique »319.Sur le pourtour du cercle, selon l'inspiration et la forcetant expulsive que sélective de l'éten1el retour, alors qu'ilne peut s'agir ni d'un retour du mên1e du semblable ou del'identique, Deleuze, pour ne pas perdre le sens affirmatifde la sélection, assure cependant toute confusion du sensde l'éternel retour en ce que, dit-il, « l'éternel retour estbien le semblable, la répétition dans l'éternel retour estbien l'identique - mais justement la ressemblance etl'identité ne préexistent pas au retour de ce qui revient.[. ..] Ce n'est pas le même qui revient, ce n'est pas lesemblable qui revient, mais le Même est le revenir de cequi revient, c'est-à-dire du Différent, le semblable est le

317 Logique du sens, op. cit., p. 305. cf. aussi D(fférence et répétition,op. cit., p. 80 et 122.318 Différence et répétition, op. cit., p. 122.319 Logique du sens, op. cit., p. 349.

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Le paradoxe parodique de l'éternel retour

revenir de ce qui revient, c'est-à-dire du Dissimilaire »320.

Aussi paradoxal que cela puisse apparaître, mais onremarquera que la série du paradoxe continue sa plongéeen simulacre, on s'aperçoit comme le note Guy Lardreau,que Deleuze « emprunte ici une tactique hégélienne: il faitdu retour du Même un moment de la pensée du retour »321.

À l'avancée de toute puissance du faux, le produit revenude l'éternel retour, déjà du même ou du semblable,s'entend comme repoussant tout décalque du monde de lareprésentation en chassant ses icônes pour ne faire valoirque les simulations au sommet de la transmutation duvouloir comme amor fati. Vouloir l'événement en cequ'éternellement il revienne, pur monde factice balayant lemalheur pour le monde intempestif des singularités pré­individuelles et des intensités pures. « Aussi bien l'éternelretour ne se dit pas du Même ("il détruit les identités"). Aucontraire, c'est lui le seul Même, mais qui se dit de ce quidiffère en soi - de l'intense, de l'inégal ou du disjoint(volonté de puissance). [... ] l'éternel retour est bienCohérence, mais c'est une cohérence qui ne laisse passubsister la mienne, celle du monde et celle de Dieu. Lephantasme de l'Être (éternel retour) ne fait revenir que lessimulacres (volonté de puissance comme simulation).Cohérence qui ne laisse pas subsister la mienne, l'éternelretour est non-sens, mais non-sens qui distribue le sensaux séries divergentes sur tout le pourtour du cercledécentré - car "la folie, c'est la perte du monde et de soi-

320 Différence et répétition, op. cit., p. 384.321 Guy Lardreau, « L'histoire de la philosophie comme exercicedifféré », in Rue Descartes, n020, op. cit., p. 65.

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Gilles Deleuze. l'épreuve du temps

l1lême au titre d'une connaissance sans commencement nifin" »322.

L'alternative sans cesse relancée (se perdre/sesauver) distille sous l'impérieuse pression du temps quetoute perte devienne effective cependant qu'aucun salutn'est encore prononcé. À demeure de la possibilité detoute éthique se précise malgré tout l'ultime sélection.Mais entre la désignation de ce que Deleuze nommepuissance du faux et contre la définitivement trèscontroversée vérité, l'écart est de taille. D'ailleurs cetécart, en tant que tel, ne peut plus être comblé car ladistance séparant la conception classique de la vérité sous­tendue au réginle de la représentation et l'affirmation de laplus haute puissance du faux promouvant le règne dessimulacres, un nlonde est franchi, tant des essences quedes apparences. C'est l'autre rive d'une pensée nouvelleauquel convie l'invite du système deleuzien, le plusimpensé dans la pensée, étant donc en tant que telabsolunlent in-reconnaissable, autant dire inenvisageablesous le réginle représentatif. Zarathoustra doit se perdre àla fragile faillite des surfaces, accompagnant Nietzschedans la défaillance d'avoir «regagné le sans-fond qu'ilrenouvelait », dont Deleuze dit aussi que c'est là« que Nietzsche, à sa manière, a péri »323.

La révolution que promet l'avènement de l'éternelretour pour abjurer le négatif n'opère-t-il pas alors sonretour du même et du différent dans la forme d'un échec,laissant béante l'interstice par laquelle toute fêlure va setrouver de nouveau submergée et nous reconduire dans sadéfaillance même à l'ultime vœu qu'une croyance fut

322 Logique du sens, op. cit., pp. 348-350, la citation finale est deKlossowski. Cf. aussi Différence et répétition, op. cit., p. 3 Il.323 Ibid., p . 131.

152

Le paradoxe parodique de l'éternel retour

possible? Si la première motivation de cette croyance doitêtre associée à la crise fondamentale d'un sujet divisé faceau monde atomisé où l'homme ne sait plus ni agir niréagir, n'en réside-t-il pas une dernière se répercutant àcontre coup sur le talon d'Achille du système, où ledernier moment trahit peut-être le premier, éternellementretourné et hasardeux ? Doit-on être éconduit, comme lepense Alberto Gualandi, à cette «oscillation sansdialectique, liberté qui retombe toujours sur elle-même »,faisant que «la bonne nouvelle qui nous annonçaitl'éternel retour du différent semble devenir une ritournellemonotone qui ne nous donne plus aucune joie »324 ? Si laquête philosophique de Deleuze se donne comme unephilosophie de l'affirmation d'où elle s'expose en millecouronnes stellaires du grand feu cosmique traversant leprocessus de l'intensité et de l'individuationimpersonnelle, ne laisse-t-elle pas dans sa traînée, commetout feu jaillissant, les résidus de scories inappropriées,l'impropre de toute grande combustion, la quantitédévorée que charrie tout grand systèlne ?

En effet, entre une version de l'éternel retour et sapassion, le montage inclusif d'un surnuméraire déplacéconvoque perpétuellement l'écueil de l'excès à ne se saisirqu'à la pointe saillante du sélectionné. Comme ditPasolini, que Deleuze reprend à l'attaque de la dialectique,« le montage, c'est une vie déjà marquée par la mort ».N'en est-il pas de même quant au montage que Deleuzeentreprend à l'endroit du temps? N'y a-t-il pas en d'autrestermes un échec fondamental au montage du tempsdeleuzien ? Les coupes de Pasolini sur le mouvement et ladurée enchaînant une vision du temps, l'expériencehérétique assignant Moi dans le temps à n'être que doublé

324 Alberto Gualandi, Deleuze, op.cit., p. 139.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

et dédoublé, la mort projetée par ordonnance, figuredevant accueillir toutes les formes possibles des chutesd'une vie et de son artifice rattrapent toute velléité dans sacourse aux faux-semblants, aux faux-fuyants. Voici que lapensée se fige, terrassée en son lieu ne promettant plus leslllultiplicités nlais se voit pour un nlOl11ent condanlnée à neIllêllle plus pouvoir offrir une contenlplation et produiretoujours, nlais bien subir la terrible et angoissante pressionde son '"assignation à résidence", bloquée dans lenlouvenlent perpétuel du mêllle, qui n'est pas encore autreretour du nlêl11e, perpétuellement relancée contre le nlurd'une coupe imillobiie. Alors oui, l'imagination peut biendevenir la folle du logis pascalien, laissant la penséeentravée dans ce logis dont l'âtre ne brûle plus que lesrebus des errances nlaléfiques, sous l'inspiration dudaïmon deleuzien, là où «la disjonction posée cornillesynthèse troque son principe théologique contre unprincipe diabolique »325. Et si la philosophie doit s'êtreessayée à la puissance des masques et de toute fictionCOJlllne prétendante à la sélection de l'éternel retour vraidu faux, aftirnlant ainsi le plus haut vouloir, peut-êtrequ'alors, au-delà des dérives d'Éros et de Thanatos,malgré Œdipe dont les yeux crevés ne peuventqu'halluciner, courant dans sa longue errance à sa peine età celle de l'occident, toute filiation représentative sedéplace au devenir insoumis d'une vie, d'une écriture,d'une stylistique du fondement, d'une dérive du '"faux"rejoignant chez Deleuze le procédé dit du discours indirectlibre. Serait-il finalement la forme dernière sur laquelleachoppe toute interrogation, le lieu de toutes les butéesparvenant à la surface, l'impersonnel dernier miné par letravail d'une temporalité mettant en échec toute critique la

325 Logique du sens, op. cit., p. 206.

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Le paradoxe parodique de l'éternel retour

relançant dans le cercle brisé de la fragmentation et ne luilaissant que le choix de l'intempestif ou de l'inactuel, autravers de quelques-unes de ses visions suggérées oucomme soufflées par l'abîme indifférencié et indéterminéde l'énigme temporelle?

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4. Discours indirect libre: l'appropriation impersonnelleou le travail de la temporalité.

«Mon but est d'arriver à uneconception fabuleuse du temps. »

Gilles Deleuze.

Autant que des «Essences défaillantes »326 prisesen relais par la notion de sens, du loin de cette aspirationvertigineuse à l'ordre des mots, vient buter la déhiscencegerminative et rhizomatique de la résonance d'une bonnenouvelle, que « le sens n'est jamais principe ou origine, ilest produit. Il n'est pas à découvrir, à restaurer ni àréemployer, il est à produire par de nouvellesmachineries »327. L'effritement troublant et passager detoute répétition à condition de son revenir double l'éternelretour en phantasme doublement répété, affirmant etsélectionnant. Et ce n'est que dans la simulationdifférenciante, qu'à l'extrême pointe du revenir que germela singularité nouvellement advenue, mais sans origineassignable si ce n'est à assumer l'éternelle émergence duhasard, répétant et sélectionnant, une fois pour toutes lesfois. Ainsi, à la reconduite de la parodie que constitue leretour comme simulacre des simulacres, affirmant la plushaute puissance du faux, c'est-à-dire aussi en termenietzschéen, l'art, la fantasmatique simulation de lavolonté de puissance réitère ce qu'une fois latransmutation du vouloir sut ployer comme apparition dela possibilité d'une éthique affirmative et sélective. Sous

326 L . d . 89oglque u sens, op. Clt., p. .327 Ibid., pp. 89-90.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

son pli, sous la multiplication des points de vue qu'imposetoute intransigeance sélective se présente l'étrangeformation s'extirpant du brouillard de vapeursincorporelles, révélant l'articulation au seuil du chaos del'expérimentation du sens jusqu'à son double, non-sensconlnle neutre, car désormais, le sens « c'est ce qui sefonne et se déploie à la surface. Mênle la frontière n'estpas une séparation, mais l'élément d'une articulation telleque le sens se présente à la fois C0111nle ce qui arrive auxcorps et ce qui insiste dans les propositions. Aussi devons­nous nlaintenir que le sens est une doublure, et que laneutralité du sens est inséparable de son statut de double.[... ] la doublure est la continuité de l'envers et del'endroit, l'art d'instaurer cette continuité, de telle manièreque le sens à la surfàce se distribue des deux côtés à lafois, comIne exprimé subsistant dans les propositions et

, , t't t d 3"8comme evenement survenan aux e a s e corps » - .ComInent enregistrer la permanence de l'oubli et

saisir les accointances transfigurées de ce double en sonoInbre d'existence? Entre l'effectuation et sa contre­effectuation, quelles trouées de la trame du sens vontpermettre l'individuation de tout incorporel advenant à lasurface du plan réunissant Être et Penser? Sommes-nousvraiment tenus à l'échec intimidant de toute oscillationnon-dialectique ou pouvons-nous encore croire qu'àdéférence du vide, ce n'est pas le rien, le néant? Deleuze,plus avant, relevant l'hypnotique description du sans-fondémet la promesse hallucinée de « quelque chose qui n'estni individuel, ni personnel et pourtant qui est singulier, pasdu tout abîme indifférencié, mais sautant d'une singularitéà une autre, toujours émettant un coup de dés qui faitpartie d'un même lancer toujours fragmenté et réformé

328 Ibid., p. 151.

158

Discours indirect libre

dans chaque coup. Machine dionysiaque à produire lesens, et où le non-sens et le sens ne sont plus dans uneopposition simple, mais co-présents l'un à l'autre dans unnouveau discours. Ce nouveau discours n'est plus celui dela forme, mais pas davantage celui de l'informe: il estplutôt l'informel pur »329. Repoussant toute identification àdépérir au charnier des vestiges de la représentation, lenouveau statut discursif révèle sens et non-sens dansl'extatique vision de leurs co-présences sans que l'un ne sedise plus au détriment de l'autre, ni ne revête de valeurd'attribution négative. Puisque envers et endroit se loventdans une fièvre articulant les déshérences du systèmereprésentatif à l'impérieuse prédication logique attenanteen s'épousant à la surface de l'improbable mais imminentedoublure, tout point de vue énonciatif change et setransmue, à l'orée d'un pli baroque. « Pli selon pli »330

dirait Eric Alliez ravivant l'énoncé deleuzien, affirmantl'essence d'un néo-Ieibnizianisme comme le sens d'unleibnizianisme virtuel s'impliquant dans « un nouveautype de récit où [... ] la description prend la place del'objet, le concept devient narratif, et le sujet, point de vue,sujet d'énonciation »33\. Cet énoncé souligne l'opérationd'une transvaluation pratique dans l'accord impersonneld'une double énonciation, sujet disparu dans la boucled'un discours dysnarratif, c'est tout l'effet d'un discoursindirect libre dont Deleuze emprunte essentiellement la

329 Ibid., pp. 130-131.330 Eric Alliez, Deleuze philosophie virtuelle, op. cit., p. 41, Cf. Le Pli,op. cit., p. 43.3j\ Ibid.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

théorie à Bakhtine, Pasolini ou Robbe-Grillet332. Pli sous le« on » du pli, le « on » qui, à levée de sa splendeur, retentitde toute sa puissance impersonnelle comme avènementd'un pur événement. Ayant remplacé un «Nous» contretout les « Je », le discours indirect libre se présente contreles affres de la figuration pour une montée en puissancedes simulacres. Dès lors, il faut s'inquiéter de toutereprésentation et que le représenté soit impalpable,illocalisé dans l'ordre du discours, illocalisable sous l'effetdu tenlps, et qu'il soit un mixte. Encore une fois, c'esttoute la série de l'incrédulité d'un doute qui genne en sonmilieu pour ne jamais devoir en finir avec cettetenlporalité, cette ontologie réalisée dans un pointd'indiscernabilité absolue. Cet état de voyeur plus que devoyant, à nloins que l'un ne se confonde avec l'autre,commande de s'enfuir sur les lignes de la nanation etditférer si ce n'est abroger définitivement l'effèt de vérité,le faux, et préférer toujours comme l'elnbrulne de cettefonnule deleuzielme à l'encontre de la linguistique,« l'ilnperceptible rupture, plutôt que la coupuresignifiante »333.

Si l'apparente coque inamovible du "fléau" de lavérité se fissure sous le poids de la narration et de ladescription, pris dans l'étau interne d'un langage imposantde l'intérieur courbure à tout jugement de vérité et faisantde la description « le seul objet décomposé,démultiplié »334, la reconduite de toute doublure du sensneutralise le double à l'effectivité de son sens. Loin de

332 Bakhtine, Le marxisme et la philosophie du langage, Paris, Minuit,1977, Pasolini, L'e.x:périence hérétique, Paris, Ed. Payot, 1976 etRobbe-Grillet, Pour un nouveau roman, Paris, Minuit, 1961.333 /tv/ille Plateaux, op. cit., p. 35.334 L'Image-temps, op. cit., p. 165.

160

Discours indirect libre

supposer l'indépendance de l'objet, la description va créerson objet et valoir pour lui. En dehors de lui-même, àl'ombre de l'articulation de la frontière du sens et du non­sens, Deleuze stoppe toute remontée en transcendance. Auloin des disparités représentatives, il assure désormaisl'Autre éternellement pour qu'en son retour soit bienl'identique mais du dissimilaire, garantissant que « ledouble n'est jamais une projection de l'intérieur, c'est aucontraire une intériorisation du dehors. Ce n'est pas undédoublement de l'Un, c'est un redoublement de l'Autre.Ce n'est pas une reproduction du Même, c'est unerépétition du Différent. Ce n'est pas l'émanation d'un JE,c'est la mise en immanence d'un toujours autre ou d'unNon-moi »335. Le discours indirect libre peut peut-être endéfinitive fournir une clé de lecture du système deleuzien,et disséminer ici ou là selon les intuitions répétitives de cequelque chose en quoi une image de la pensée senommerait « deleuzisme »336. Même s'il est patent qu'àdéfaut de tout "-isme" redondant, l'actualité par laquelleon peut saisir sa pensée ne nous semble pas encore seréduire à cette catégorisation cédant encore trop àl'analogique, et répondre tant à l'impersonnel qu'ilpoursuivit, ce devenir imperceptible, qu'à l'ultime courantd'air auquel il s'est offert en toute dernière contemplation,inassignable.

Disparition sous la création, l'appropriationimpersonnelle apparaît d'abord comme un énoncéparadoxal. Comment peut-on en effet posséder en proprequelque chose sur le mode de l'impropre? C'est que ceparadoxe du sens, s'il ne déjoue pas les catégories

335 Gilles Deleuze, Foucault, Paris, Minuit, 1983, p. 105.336 Proposition faite par Eric Alliez, Deleuze philosophie virtuelle, op.cit., p. 9.

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Discours indirect libre

sujets d'énonciation divers, mais un agencement collectifqui va déterminer comme sa conséquence les procèsrelatifs de subjectivation, les assignations d'individualitéet leur distribution mouvante dans le discours »339, et« quant à la distinction du subjectif et de l'objectif, elletend aussi à perdre de son importance [... ] On tombe eneffet dans un principe d'indéterminabilité,d'indiscernabilité [... ]. C'est comme si le réel etl'imaginaire couraient l'un derrière l'autre, seréfléchissaient l'un dans l'autre, autour d'un pointd'indiscemabilité. [... ] (la description) comme elleremplace son propre objet, pour une part elle en gommeou en détruit la réalité qui passe dans l'imaginaire, mais'd'autre part elle en fait surgir toute la réalité quel'imaginaire ou le mental créent par la parole et lavision »340. Sans objet ni sujet, hécceité flottante dansl'espace libre d'un champ transcendantal, chaosmos àl'affirmation du hasard, se délivre le 'Joyeux message"insufflé et disséminé à la surface, dissipé comme lesuprême vent recueillant et éparpillant toutes singularités àcette même surface, qu'il y a « toujours un autre souffledans le mien, une autre pensée dans la mienne, une autrepossession dans ce que je possède, mille choses et milleêtres impliqués dans mes complications: toute vraiepensée est une agression. Il ne s'agit pas des influencesque nous subissons, mais des insufflations, desfluctuations que nous sommes, avec lesquelles nous nousconfondons. Que tout soit si "compliqué", que Je soit unautre, que quelque chose d'autre pense en nous dans uneagression qui est celle de la pensée, dans une

337 « L'immanence: une vie... », in Philosophie n047, op. cit., p. 5.338 Ibid., p. 6.

162

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339 Mille Plateaux, op. cit., p. 101.340 L'Image-temps, op. cit., p. 15.

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Gilles Deleuze. l'épreuve du temps

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Reste néanmoins cet exercice différé342 duphilosophe ou comment ce montage du temps demeureenclavé dans le sens telnporel du verbe et de la narration,voulant toujours dire l'Autre, « l'Ante-Je »343, discriminantl'histoire, ce « marqueur temporel du Pouvoir »344 au profitdes devenirs et de la disparition, acte prelllier et défectionprincipielle à toute individuation et hétérogenèse, cet acted'individuation qui « consiste, non pas à supprimer leproblènle, nlais à intégrer les élénlents de la disparitiondans un état de couplage qui en assure la résonanceinterne »345. Émancipation de l'indiscernable au somlnet dela fusion des séries disparates, toute résonance traversantle système intensif assure désormais donation du sens etdu non-sens dans l' inassignable question du « qui? » del'auteur, se dissipant aux lisières de l'infini plan feuilleté àne réserver que la nlontée en puissance des infinitifs,« grandir », « penser », «être », « devenir », « écrire »,« disparaître »... Mais ce circuit dans lequel s'engage laritournelle descriptive du discours indirect libre rappelleun je-ne-sais-quoi d'éternel, qui en son retour, dans sacourse ininterrompue, devait tout détruire de ce qui leprécédait pour faire advenir le revenir, promettant par-là le"joyeux message". N'est-ce pas précisément le doubleécueil inévitable d'une ontologie descriptive prise dans lesfrasques d'une temporalité qui s'écrit, tout à la fois que

341 Logique du sens, op. cit., p. 346.342 Guy Lardreau, « L'histoire de la philosophie comme exercicedifféré », op. cit., p. 59.343 Différence et répétition, op. cil., p. 355.:144 Carmelo Bene - Gilles Deleuze, Superpositions, Paris, Minuit,1979, p. 103.345 Différence et répétition, op. cit., p. 317.

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Discours indirect libre

dans une langue qui se temporalise ? Nous voilà repris aumode affirmatif de l'infinitif et à la puissance du verbeoscillant sur le pourtour du cercle des différenciations etde toute valeur nominale à sa distinction entre les deuxpôles qu'il conjugue, infinitif-virtuel du verbe et présent­actuel du verbe346. L'Être univoque, de mots et de temps,livre donc ses limites à la frontière d'un style endisparition, substantif d'un précurseur sombre,disparaissant en lui-même tout à la fois que ce lui-mêmene puisse pas être assimilé à un intérieur, mais à lareconduite de l'énigme dans une ligne de fuite toujoursplus différenciée, happant le transcendantal à toute voied'immanence selon l'unique urgence récapitulant sanécessité, que « nous ne croyons plus à un Tout commeintériorité de la pensée, même ouvert, nous croyons à uneforce du Dehors qui se creuse, nous happe, et attire leDedans »347. Et c'est sûrement dans l'écheveau de telleslimites, mais où la limite est comme un point aléatoireparadoxal, que pénètre le dernier doute, machinedionysiaque deleuzienne comme arme ultime du faussaireet du schizophrène ou du faussaire-schizo, renvoyantl'identité à une image qui tout en étant de lui n'est pas delui, à l'icône déchue qui pourrait faire triompher toutes lesidoles aux simulacres reflétant un double dépareillé,« supprimer vos icônes, où ce sont elles qui voussupprimeront» selon le mot de Nietzsche. Que l'onpuisse, dans une mécanique répétitive et différentielle,voir à l'infinitif advenir le retour affirmatif d'uneproposition, que « l'art du faussaire s'autorise d'uneproposition: une œuvre ne se définit pas des objetsqu'aléatoirement elle a élus, ni davantage du système qui

346 Cf. Logique du Sens, 26ème série, et notamment pp. 215-216.347 L'image-temps, op. cit., p. 276.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

les uns aux autres les articule, pas même de l'intention quiprésida au choix des objets et à la clôture du système, maisseulement d'un style qui, puisqu'il n'a plus à exprimer uneintention, que le voici en quelque sorte vidé de toutesignification, doit pouvoir être mécaniquement imité »348.

C'est dans ce paradoxe du jàussaire que l'historieninfiltre ses propres thèses, « l'entrislTIe »349, opération danslaquelle la réussite ne s'évalue que dans une non­évaluation, une contre-effectuation invalidante comme le1110uvement du teillps stoïcien, laissant l'art du faussairedans sa propre négation, «dans l'indiscernabilité del'authentique et de la copie. Une histoire de la philosophiepastichante est nécessairement une histoire de laphilosophie pastichée: imitation à la deuxièmepuissance »350. Mais la simulation con1n1e propre dudouble ne dépendant plus du systèn1e de la représentation,s'affinne non plus comme copie non lTIoins qu'elledestitue l'idée Inême de toute origine, et assure alors àcette deuxième puissance la répétition différenciante del'éten1el retour sélectif qui ne fait revenir que ce qu'il aélu, que ce qui revient dans l'excès laissant dans sa traînéela ruine de cette contre-effectuation. Ainsi, tout pastichequ'elle soit ou qu'elle puisse être, c'est par l'instancepromotion du règne des masques et des simulacres. Àl'ombre de ce théâtre productif, ce qui advient, c'est lenouveau. Mais le nouveau s'étant déjà paradoxalementessayé, simulant un récit ne se rapportant « plus à un idéaldu vrai qui en constitue la véracité, mais devient unpseudo-récit, un poème, un récit simulant ou plutôt une

348 Guy Lardreau, « L'histoire de la philosophie comme exercicedifféré », op. cit., p. 62.349 Ibid., p. 63.350 Ibid.

166

Discours indirect libre

simulation de récit »351. Deuxième puissance du temps etdu verbe, des effets de conjugaisons qui déterritorialisent,pris dans « un flagrant délit de légender »352, dans des« fonctions de fabulation» résonnant comme des fictionsde fabulations, détournant toujours l'objet pour undistinguer-dissiper où la production de sens indéterminel'origine. Parvenir à cette «conception fabuleuse dutemps », une narration abusée affabulant la fabulation quiincline l'histoire de la philosophie dans une erreurgrammaticale encadrant le présent dans un futur et unpassé déplaçant le triple assujettissement d'une pratique decette même histoire de la philosophie dans une autre triplesujétion353 avec ses différentes couches de concrétionsautour des germes d'un temps décentré et simultané, une« pensée du présent infinitif »354. C'est une langue, unlangage dans lequel « il n'y a pas de métaphore, maisseulement des conjugaisons »355 et où comme le proposeJean Khalfa, l'image du courant d'air doit pouvoir êtreentendue avec « courant comme un verbe impersonnel, etnom comme un nom »356, pour que monte l'événement lelong d'une ligne des incorporels.

Ce en quoi, fébrilement, il faut s'en remettre àl'invention de ce peuple que convoque le discourt indirectlibre renvoyant à l'inévitable croyance en ce que «lesfonnations discursives sont de véritables pratiques, et leurslangages, au lieu d'un universel logos, sont des langages

35\ L'image-temps, op. cit., p. 194.352 Ibid., p. 196.353 Cf. Michel Foucault, « Theatrum philosophicum », op. cit., p. 893.354 Ibid.355 Dialogues, op. cit., p. 140.356 Jean Khalfa, « Deleuze et Sartre: idée d'une conscienceimpersonnelle », in Les Temps Modernes n° 608, Mars à Mai 2000, p.190.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

1110rtels, aptes à promouvoir et parfois à expritner desInutations »357. À ce point irréductible du nlultiple sedévoyant à prolifération d'invention s'égrène l'ancienneconfusion contre laquelle il faut finalement se mettre « àfabuler pour s'affirmer d'autant plus COlnme réel, et noncomlne fictif »358, découvrant dans toutes narrationsfalsifiantes ce que le temps dégage du faussaire et de sapuissance, la levée d'une troisièllle inlage-tenlps dont« son paradoxe est d'introduire un intervalle qui dure dansle nlonlent lui-nlênle »359. Résonnant à l'étrange paradoxedu faussaire pointé précédenlnlent en la dellleure del'entrisllle conlme procédé de falsification, il faut rejoindrece Inilieu dont le rhizome devait en son teillps, au loin duplus lointain plateau de tous les Inille démultipliés,C0111pOSer et c0111biner en quoi, « Entre les choses nedésigne pas une relation localisable qui va de l'une àl'autre et réciproquement, nlais une directionperpendiculaire, un mouvement transversal qui lesemporte l'une et l'autre, ruisseau sans début ni fin, quironge ses deux rives et prend de la vitesse au milieu360

• »Aussi, entre l'égal et l'inégal comnle ligne de faille le longde laquelle toute embardée ne se fait qu'à un saut définitifdans le vide, se dessine en nlarge de tout inconnu cet"homme sans qualité", impalpable, aux affres ténébreusesd'un style qu'est le discours indirect libre « en tant qu'iltémoigne d'un système toujours hétérogène, loin deréquilibre [... ] (qui) est une affaire de style »3(,1.

357 Foucault, op. cit., p. 22.358 L'Image-temps, op. cit., p.198.359 Ibid., p. 202.360 !v/ille PlatealLY, op. cit., p. 37.361 L'image-mouvement, op. cit., p. 107.

168

Discours indirect libre

Dans la voie clairsemée de repères diffus, nouspouvons nous en remettre à la destitution du logostravaillé par le temps, travaillé par le style, et que déjàDeleuze laissait avec lui à l'invite de Proust: « Peut-êtreest-ce cela le temps: l'existence ultime de parties detailles et de formes différentes qui ne se laissent pasadapter, qui ne se développent pas au même rythme, et quele fleuve du style n'entraîne pas à la même vitesse.L'ordre du cosmos s'est effondré, émietté dans deschaînes associatives et des points de vue noncommunicants. [... ] c'est dans les méandres et les anneauxd'un style Anti-Iogos qu'elle fait autant de détours qu'ilfaut pour ramasser les morceaux ultimes, entraîner à desvitesses différentes tous les fragments dont chacun renvoieà un ensemble différent, ou ne renvoie à aucun ensembledu tout, ou ne renvoie à aucun autre ensemble que celui dustyle »362. C'est ainsi que résonne maintenant la terrifiantenouvelle: «il n'y a pas de logos, il n'y a que deshiéroglyphes »363. Face à l'Anti-Iogos propositionnelpréconisé se répand, dans l'attente mue d'un désiréconduit, la lente observation d'un déchiffrage en devenir,de l'écriture hiéroglyphique dont il faut prendre patiencepour en déchiffrer les signes et que le sens se trahisse. Caril n'y a pas de vérité qui se dévoile puisque toute vérité estproductive, se trahissant au défaut d'un dépareillement,d'un travestissement, sous l'ombre d'un masque se faisantson effigie, étant double et original. De même qu'il n'y aplus de copies non moins que des modèles, si ce n'est dessimulacres qui se simulent. Entre le signe et le sens, deuxversions différées d'un même temps les traversant, lesanimant, et qui nous force à penser. À la reconduite de la

362 Proust et les signes, op. cit., pp. 137-139.363 Ibid., p. 124.

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Gilles Deleuze, l'épreuve du temps

représentation, l'imposition d'une fulguration, un"noochoc" zébrant de son éclair tous les possibles orages,toutes les telupêtes virtuelles, traçant les contours déjàindiscernables d'un clair-obscur en zone ombragée. Àl'onlbre de Deleuze, agrammaticalité, bégaiement, langueétrangère, innonlnlable, en pleine exploration de ce doublenlouvenlent constituant un seul et même geste - "crée desconcepts et se crée une langue" - que Françoise Proustsouligne si bien en ce qui poun-ait en donner une figure,que Deleuze « forge une langue du dehors du dedans de lalangue philosophique »364.

N'est-ce encore que la d~raillaJ1ce d'un écartituperceptible où dans la « dent creuse » et vide ne résonneplus que l'équivoque du fondement contre l'univoque del'Être, caverne tournant à vide dans le grand creux del'estonlac d'une baleine de Melville, telle Moby Dick?Doit-on risquer toute tentation à la pointe de ce dangereffleuré que constituait 1'« ambiguïté essentielle dufondement» retombant toujours «dans la représentationde ce qu'il fonde »365? Faut-il vaciller dans cette chuteimperceptible du sans-fond engloutissant toute défaillancetenlporelle à la zébrure de sa surface? Et qu'ainsi, de lanlême façon que l'éternel retour hésite entre deuxinterprétations, qu'Aiôn et Chronos, qu'actuel et virtuel,que l'objectif et le subjectif, nous ne cessions de « vacillerentre sa chute dans le fondé et son engloutissement dansun sans-fond» 366 ? Peut-être est-ce le suprênle destin detout devenir deleuzien : une trahison. Révélant l'essentield'une vision cristalline, écrin énigmatique, inapprochable

364 Françoise Proust, « Le style du philosophe », in Tombeau de GillesDeleuze, op. cit., p. 128.365 Difference et répétition, op. cit., p. 374.366 Ibid., p. 351.

170

Discours indirect libre

mais scindant le réel à l'apparition de toute véritéd'existence. Ainsi, de la même façon que dans le récit deBorges367 le temps se déplie dans l'ordinalité d'un schémaoù l'énigme se joue des cardinalités pour finalementprendre rendez-vous avec la mort au terme échu d'unlabyrinthe, Deleuze, dans sa décardinalisation, laisse uneplace vacante pour ce même rendez-vous, celui del'interprétation d'un faussaire se libérant de tout projectifnan-atif, acte libératoire qui cependant chute dans une mortpromise, qui on l'a vu, n'est pas encore la mort cependantqu'on meurt. Il faut ici laisser parler Borges, qui ne peutêtre lu après ces embardées en forme de patchwork quecomme formule, résumant à son tour ce en quoi laphilosophie deleuzienne à son point ultime peut faire éclat,feu borgésien qui nous permit d'ouvrir cette falsifiantenarration, assassin comme Chronos puisqu'il « n'y d'autrecrime que le temps »368: «Pour la prochaine fois que jevous tuerai - répliqua Scharlach - je vous promets celabyrinthe, qui se compose d'une seule ligne droite et quiest invisible, incessant. 11 recula de quelque pas. Puis, trèssoigneusement, il fit feu 369

• »Eut-il fallu employer plus tôt cette réplique

borgésienne? Est-elle ouverture ou conclusion? À chaquepoint du texte, elle semble se rencontrer commeboursouflure surannée. Mais si elle s'exprime en ce quipourrait se comprendre en préambule conclusif, c'est quela spécificité et la difficulté de toute tentative decommentaire à l'égard de la philosophie deleuziennerenvoient aux résonances du système, à ce dispars comme

367 Jorge luis Borges, La mort et la boussole, in Fictions, Paris,Gallimard, édition augmentée de 1983 (l ère éd., 1957).368 L'Image-temps, op. cit., p. 54369 Ibid., p. 171.

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Gilles Deleuze, l'épreuve dUlemps

unité de mesure et à cette différence de différence,coalescence par laquelle, non-dialectiquement, chaquepoint du texte s'échange avec un autre selon un pointindiscernable et fuyant, n'arrêtant en rien le mouvementmais tuant le tenlps à l'itllpersonnel et retournantl'événement en son double conlme à la mort, eventumtantum, un événelnent unique et indivisible au cas duquelce temps mort du vivant incline à procéder en sa contre­effectuation à un retournement de ce dont il procède, etémane pour jouir enfin insupportablelnent, en une attitudecontemplative, de sa propre inlage. Et que peut l'art si cen'est toujours ça aussi, «tenter de faire une image detenlps »370.

370 Gilles Deleuze, L'épuisé, postface à Samuel Beckett, Quad, Paris,Minuit, 1992, pp. 71-72.

172

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Conclusion

« Sur une face serait écrit "Sauvés! ", et sur / 'autre"Perdus!" Tout sera-t-il sauvé [ ... ] ? Tout sera-t-il perdu[ ... ] ? Ce n'est jamais tout l'un Olt tout l'autre ... »,

L'image-temps, p. 120,

«Le devenir est toujours double, et c'est ce doubledevenir qui constitue le peuple à venir et la nouvelle terre.Le philosophe doit devenir non-philosophe, pour que lanon-philosophie devienne la terre et le peuple de laphilosophie )),

Qu'est-ce que la philosophie ?, p. 105.

Zébrant le plan d'immanence, orage intempestif,l'éclair deleuzien aura donc bien eu lieu. Sur la voiecontestant toute analogie justificative, Deleuze en sonombre libère les puissances d'un temps arraisonné en soncentre depuis l'antiquité. Que pouvaient nous promettreles forces libératrices du temps des séries disruptives? Dese saisir, et de se déprendre. Double promesse qui, on lecomprend désormais, laisse miroiter dans le prisme ducristal, le risque éternel d'une chute idéale-réelle dans lesans-fond de l'être, de la pensée et du temps. Et dans lamise au tombeau de toute vérité catégorielle quepermettait l'affolement du temps, nous ne savions plus si,en définitive, l'être travaillé à même le mot par la montéed'un style reculant les limites de l'observable ne donnaitpas finalement en son usage l'exact inverse de ce qu'ilprétendait inaugurer. L'exact inverse? C'est là toutl'inextricable dessein de la critique quand elle se heurte à

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une pensée du multiple tentant l'hétérogenèse. Car, tout àla fois que nous conjecturions pouvoir déborder le sensdonné des concepts, dans la farandole d'une danses'engageant dans l'ultitne ritournelle des circuitsinassignables et indiscernables, tout à la fois il selnble quenous nous heurtions néanmoins à l'échappée du faussairequi s'offre ensenlble toutes les portes de sortie; car uneseule les contient toutes mais différenciées, augurant quetout abandon s'évalue à la rupture qu'il initie, et qu'avecDeleuze précisélnent, tout risque du temps concorde à lareconduite de l'échec de la représentation, par laquelle ilfaut rOlnpre tnais dont tout saut dans ce nouveau tarde às'effectuer.

Cependant, dans la percolation d'un style àl'épreuve d'un temps, nous saisissons tout de mêmequelques menus fragments, pertes et défaillances, décelantalors sous cette philosophie fragmentaire, le menu moyende peut-être faire un tant soit peu dévier le survol de tousles aplombs. Il semble que définitivement, hormisl'épreuve du changement dans le cours empirique deschoses, la compréhension du temps dans sa réalité pureéchappe à toute réelle saisie philosophique, se consumantdans l'âtre du sens qui résiste, à n'apercevoir quel'impuissance dernière d'un système se bouclant sur lui­nlême, se condatnnant dans l'ouvert à n'être dans tous sesdevenirs qu'un concept fuyant de la tenlporalité qui seheurte à la limite de tous les montages possibles. L'énigmeréservée que protnettait le début de cette étude apparaîtalors devoir se consumer d'elle-même dansl'enchevêtrement d'un jeu de concepts et d'un discours quiabattent la figure du maître sur l'autel de sesreprésentations, n'avoir pas su se détacher du besoin d'une

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Conclusion

croyance qui pour un temps au moins, auraitnécessairement conduit son auteur à emprunter le cheminimprobable d'une résolution différée de la connaissance del'Être du temps, sans pour autant sombrer dans la mortpromise que lui impose le sens qu'il s'en est donné par lejeu du multiple, inscrivant en cela au cœur même dusystème l'ultime doute de toute viabilité. Si la philosophiede Deleuze ne résiste pas à jouer contre elle-même, tant etsi bien qu'il ne reste peut-être plus qu'au philosophe deramasser ces miettes philosophiques et de les offrir auxvents incrédules de toutes disséminations artificielles,récolter les fruits épars de ce qui pourrait nous en donnerune connaissance et peut-être, à l'instar de toutepréconisation nietzschéenne du devenir-artiste, se tournervers l'art, c'est que c'est dans la mesure de cette résistancequ'elle distille justement ce quelque chose exprimant peut­être la philosophie même, au bout de tout épuisement,perte, risque et défaillance, subtile et suprême fièvrefaisant l'effet du chevauchement de ce balai de sorcière del'homme de Kiev lisant l'Éthique de Spinoza. Et queprécisément, elle soit la résistance même éprouvant à lapointe de son effort ce qu'est un style. Si c'est toujoursdepuis un point de vue qu'il nous est donné d'effectuerune lecture, la différence interne que nous avons pu croirenous aveugler suit le perspectivisme des lignes de fuitesdeleuzienne, en leur origine ombragée et orageuse, detomber comme émanant de ces lignes de lumièresplotiniennes. Tout se double sans se redoubler encorecependant que le retour de l'affirmation annonce à la joiede sa vue que tout soit simulation. De calque et de carte,toute géographie nous reconduit à son orient. De là àentendre la pensée de Gilles Deleuze à l'empire du milieu,c'est peut-être qu'elle nous convoque à l'orient de

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Gilles Deleuze. l'épreuve du temps

l'inconnu du soleil levant, peut-être encore pour denouvelles fois, de nouveaux départs, à la pointe d'unecréation continuée opérant toujours le double mouvementà l'articulation de sa frontière, dans une plongée enÎlntnanence. Aussi ne peut-il s'agir définitivenlent que detenter en permanence l'esquisse aléatoire susceptible dedresser quelques cartes nous permettant à tout le moinsvoyage dans le systèllle deleuzien, au coin de ce canefourde tous sentiers bifurquant dont il faut prendre direction,pour peut-être s'apercevoir en dernier lieu que nousn'avons jatllais quitté notre point de départ, et quel'entrecroisenlent désigne ce nlÎlieu par lequel toutcotntnence ou tout finit.

L'échouage du temps renvoie alors à lacirconscription d'un espace diffus, flou et multiple,fragmenté, à l'écriture tant littéraire que philosophique.Aussi bien temporel que spatial, rhizomatique, évanescent,il est dans son fond, insaisissable. Claudiquant, avançant àtâtons, tout naufrage fait résonner l'écho des sériesdivergentes, le multiple aux mille voies de l'être virtuel,s'actualisant sur une ligne de fuite différenciante, toujourset indéracinablement rhizonle, aphone tnais chantant,aveugle mais voyant, en langue étrangère, en son nlilieuperpétuellement décentré. Et entre une « pulsation sansnlesure »371 et «la fêlure silencieuse »372, il faut s'enremettre à la déchirure de l'ouïe, à cette vibratilenlachinerie augurant de la réception de tous lesagencelnents disparates, du moins de cette organisationsecrète éprouvant la pure musique du style car « si toutstyle est musical, si le style a une affinité telle avec la

371Logique du sens, op. cit., p. 149-150.372 Ibid., p. 181.

176

Conclusion

musique qu'à travers les mots, les ecnvains sont desmusiciens, c'est que la musique "est le temps dans sonjaillissement jusque dans l'origine de son fil et de sonvertige". Elle saisit le temps dans son accélération ou satétanisation, dans sa précipitation ou dans sa catatonie, làoù le temps fait devenir les choses, les fait bifurquer oufuir. Si l'événement n'est pas l'avenir, mais le devenir, s'iln'est pas l'origine ou la fin, mais ce qui pousse au milieuet fait foisonner et proliférer les choses, alors le style estl'événement lui-même, ce bougé imperceptible qui affectela langue de l'intérieur, la pousse à sa limite, à son vertige,à son dehors, qui la fait filer sur une ligne d'immanencepure de vie indéfinie373

• » Al'ombre de Deleuze, au risquedu temps, ni de commencement, ni de fin, ni de systèmedu fondement non moins que de rémanence d'unetéléologie, mais qu'en un retour sur soi se fasse jourl'ombre de midi nietzschéenne destituant tant l'essenceque l'apparence, cependant que le temps a passé. C'estbien à ce voyage unique que nous convie le systèmede1euzien, sa philosophie, ses errances et ses défaillances.

373 Françoise Proust, « Le style du philosophe », op. cit., p. 124.

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182

Table des Matières

Introduction

1/ Une présentation du temps chez Deleuze ..

1. Trois synthèses du temps: différence ou répétition .

2. Deux temps, Aiôn et Chronos ..

3. L'actuel et le virtuel, l'Un et le Multiple ..

Il/Affranchissement ontologique et expérimentation .......

1. La subordination du mouvement au temps ..

2. Le hoquet transcendantal kantien ..

3. Un empirisme transcendantal .

III / L t' d 1 fi l iji .a ques Ion e a a SI lcatlon .

1. Cristal et temps: délire de vision ou cristallisation del'impersonnel ? .

2. Puissance du faux, crise de la vérité: force du temps .

3. Le paradoxe parodique de l'éternel retour ..

4. Discours indirect libre: l'appropriation impersonnelle

ou le travail de la temporalité ..

Conclusion

Bibliographie

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