Lait respectueux de l’environnement
Transcript of Lait respectueux de l’environnement
Lait respectueuxde l’environnement
Production de lait sans OGM:durable et peu onéreuse
partie 1
Avant-propos 3
Le contexte 4
Le soja dans le monde 4Soja: la fève en or? 4Soja génétiquement modifié: l’expérience argentine 5L’avenir 9
L’industrie laitière 10L’élevage de bovins laitiers en Belgique 10En matière de flux de protéines et d’alimentation du bétail 12
Production de lait sans recours aux OGM*dans la nourriture pour animaux 14
Première option. Production de lait avec composants (certifiés) non-OGM*: faisabilité et analyse économique 14
Scénario 1: coexistence des filières OGM et non-OGM* 15Scénario 2: filière non-OGM* 16Remarques complémentaires 16
Deuxième option. Production de lait à partir de cultures locales (non-OGM*): faisabilité et analyse économique 17
Adaptation du plan de culture 18Interview 19Les avantages du plan de culture proposé 20
Conclusion 22
Glossaire 23
Le rapport “Lait respectueux de l’environnement” est une publication de Greenpeace réali-
sée à partir des études suivantes:
Benbrook C., Rust, Resistance, Run Down Soils and Rising Costs-Problems Facing Soybean
Producers in Argentina. Ag Biotech InfoNet. Technical Paper number 8 (janvier 2005).
Université de Gand: Mogelijkheden voor een GGO-vrij dieet voor de Belgische melkveesector
(mai 2005).
Wim Govaerts: Kostenbeheersing in de professionele melkveehouderij op basis van natuur-
lijke inputs (mai 2005).
Le rapport se compose de deux parties distinctes, publiées séparément.
2
Lait respectueux de l’environnement
Production de lait sans OGM:
durable et peu onéreuse
Juin 2005
Photo couverture: Greenpeace/Reynaers
Mise en page: Rudi De Rechter & Liz Morrison
Imprimé sur papier recyclé 100%,
non blanchi au chlore
Les * dans le texte renvoient au glossaire.
Table des matières
3lait respectueux de l’environnement production de lait sans ogm: durable et peu onéreuse
Quel est le lien entre les Organismes Génétiquement
Modifiés (OGM) et la déforestation? Et quel est le rapport
entre le petit verre de lait que vous buvez le matin et les
OGM?
Ce rapport esquisse une réponse à ces questions et
expose ensuite les possibilités de produire un lait sans
faire usage des OGM dans la nourriture pour animaux.
Chaque jour, des tonnes de soja génétiquement modifié
sont importées en Europe ı. La majeure partie de ce soja
est utilisée pour le fourrage. Nous mangeons donc de la
viande et buvons du lait provenant d’animaux qui man-
gent du soja génétiquement modifié et encourageons
ainsi inconsciemment la production mondiale d’OGM.
Un OGM est un organisme dont le matériel génétique a
été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas natu-
rellement par multiplication et/ou par recombinaison
naturelle ıı. La technique permet en effet de transposer
les gènes sélectionnés d’un organisme à un autre (d’un
poisson à une tomate par exemple) en franchissant les
barrières entre espèces et d’y ajouter de nouvelles carac-
téristiques ou de supprimer des caractéristiques existantes.
Greenpeace mène, depuis des années déjà, avec de
nombreuses autres organisations, campagne contre l’in-
troduction des organismes génétiquement modifiés dans
l’environnement. Les conséquences de la manipulation
génétique sont en effet imprévisibles et irréversibles
pour ce dernier. En outre, la culture à grande échelle des
fèves de soja provoque des catastrophes sociales et éco-
logiques dans des pays comme le Brésil et l’Argentine.
Le secteur laitier belge n’a jusqu’à présent fourni aucun
effort pour utiliser du fourrage sans OGM. Ce rapport a
été dressé dans le but de déterminer la faisabilité pour
l’industrie laitière de passer à une production de lait qui
n’utilise pas d’OGM dans la nourriture pour animaux. Le
rapport est basé sur des études réalisées par l’Université
de Gand et Wim Govaerts, un consultant dans le
domaine de l’élevage de vaches laitières.
La première partie esquisse le contexte général et
explique pourquoi Greenpeace s’oppose au fait d’ali-
menter le bétail avec du soja génétiquement modifié.
La seconde partie étudie les solutions éventuelles.
L’Université de Gand a abouti à la conclusion qu’il yavait assez de soja et de maïs conventionnels (c.-à-d.sans OGM) pour approvisionner tout le secteur du bétaillaitier (européen), et ce pour un surcoût réduit. Wim
Govaerts a étudié les résultats que nous pourrions obte-
nir si le soja était remplacé par d’autres ingrédients. Et
sa conclusion est étonnante: avec un autre régime, basésur des protéines cultivées localement, les vaches pro-duisent tout autant, voire plus de lait. En outre, cemode de production est plus respectueux de l’animal etde l’environnement et coûte moins cher: il est donc plusrentable pour le fermier. Puisque tout le monde s’enporterait mieux, il serait vraiment incompréhensible dene pas passer à une méthode de production laitièreplus durable.
Avant-propos
ı L’UE importe chaque année 16,8 millions de tonnes de fèves de soja et 18,5 millions de tonnes de farine de soja (étude Université de Gand).
ıı AR du 24 novembre 2004, mise en oeuvre de la directive 2001/18.
4
Le soja dans le monde
Soja: la fève en or?
Ces dernières années, la production de soja est passée de
quelques milliers à plusieurs millions d’hectares en Amé-
rique du Sud. Les fèves de soja sont un important produit
d’exportation du Brésil et de l’Argentine. Les deux pays
sont contraints d’augmenter la surface agricole consacrée
au soja pour que les revenus de celui-ci puissent leur per-
mettre de rembourser leur dette extérieure. La demande
pour le soja ne cesse de croître, surtout depuis que l’Eu-
rope n’autorise plus les protéines animales dans le four-
rage. Des subsides publics encouragent cette expansion du
soja via des prêts à faible taux d’intérêt, des investisse-
ments dans l’infrastructure pour l’entreposage et le
transport du soja, et via des études financées par des
fonds publics. Les entreprises multinationales investissent
également beaucoup dans le soja, le plus souvent du soja
génétiquement modifié, qui est vendu avec un herbicide
bien précis. C’est la manière idéale pour celles-ci de ren-
forcer leur emprise sur la chaîne alimentaire.
Mais la médaille a un revers: une catastrophe sociale et
écologique est en train de se produire. La production de
soja à grande échelle constitue une menace énorme pour
Le contexte
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5lait respectueux de l’environnement production de lait sans ogm: durable et peu onéreuse
Le conseiller en économie agricole Charles Benbrook
(Etats-Unis) publie depuis des années déjà des articles sur
les effets qu’exercent les fèves de soja génétiquement
modifié sur l’agriculture américaine. En 2004, il a étudié
la situation en Argentine pour le compte de Greenpeace.
Son rapport prouve que le soja transgénique provoque
une catastrophe économique et sociale en Argentine. Voici
ses conclusions:
Une crise latente
Les fèves de soja transgénique Roundup Ready apparais-
sent pour la première fois en Argentine alors que le pays
ııı En 2004, au niveau mondial, 56% du soja était génétiquement modifié (86 millions d’ha). Dans un pays comme l’Argentine, 99% du soja est
génétiquement modifié.
ıv Charles Benbrook. Rust, Resistance, Run Down Soils and Rising Costs-Problems Facing Soybean Producers in Argentina. Ag Biotech InfoNet. Technical
Paper number 8: p1-51.
Soja transgénique
l’environnement, car elle implique une déforestation à
grande échelle. La culture du soja pollue les eaux, en rai-
son de l’usage d’herbicides, et perturbe les écosystèmes.
La monoculture semble également un échec du point de
vue social. Les petits agriculteurs et les populations indi-
gènes sont chassés de leur territoire par le déboisement et
la soif d’expansion des grands propriétaires. Des parcelles
de terre de plus en plus grandes sont sacrifiées et rempla-
cées par de monotones champs de soja. D’autres cultures
alimentaires et pâtures cèdent la place à des champs de
soja. En Argentine et au Brésil, la production de végétaux
alimentaires stagne, ou diminue même. L’Argentine doit
importer de plus en plus de produits alimentaires parce
qu’elle n’en cultive pas assez et que les fèves de soja sont
exportées pour le fourrage, ce qui entraîne le pays dans la
spirale du chômage, de la pauvreté et de la faim.
Les problèmes susmentionnés ne sont pas spécifiques au
soja génétiquement modifié. Mais plus de la moitié de la
superficie emblavée en soja est occupée par des plants
génétiquement modifiés ııı. Le soja génétiquement modi-
fié renforce donc la tendance à une agriculture intensive
et non durable ıv.
Soja génétiquement modifié: l’expérience argentine
souffre d’une crise économique latente. La production
conventionnelle de soja n’est pas très rentable et la lutte
contre les mauvaises herbes devient de plus en plus com-
plexe et onéreuse. Au milieu des années 1990, l’entreprise
du génie génétique Monsanto, désireuse de conquérir le
marché argentin, offre des fèves de soja Roundup Ready à
des conditions relativement intéressantes. Les Argentins
ne doivent pas payer de prime exorbitante (35%) pour les
semences de soja, comme c’est le cas des fermiers améri-
cains. En pleine crise, le pays accueille l’offre de Monsanto
à bras ouverts.
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Remède miracle
Et en effet, les débuts sont fantastiques. Les fèves généti-
quement modifiées semblent un succès absolu pour de
nombreux fermiers argentins; la culture est simple, flexi-
ble et rentable.
Les fèves de soja Roundup Ready sont les fèves de soja
génétiquement modifié par Monsanto, rendues résistan-
tes à l’herbicide glyphosate. Cet élément actif est contenu
dans les herbicides Roundup de Monsanto. Les fermiers
ne doivent donc pulvériser leurs champs qu’avec un seul
type d’herbicide pour ainsi tout détruire, sauf les fèves de
soja génétiquement modifié. Un véritable ‘remède mira-
cle’, étant donné que la lutte contre les mauvaises herbes
est l’un des principaux coûts pour les cultivateurs de soja
argentins. L’opération est encore plus rentable pour les
fermiers lorsqu’ils combinent les fèves génétiquement
modifiées avec la méthode agricole no till (culture sans
labour), qui va de pair avec l’utilisation d’herbicides. Avec
cette méthode, le cultivateur ne doit pas labourer son
champ; il lui suffit de creuser une petite tranchée pour les
semences de soja. Cela fait une grande différence au
niveau du travail: au lieu de passer de trois à six fois sur
les terres avec de grosses machines agricoles pour prépa-
rer le sol pour l’ensemencement, les fermiers pratiquent
un seul couloir avec un tracteur plus léger. Cette méthode
est très avantageuse pour les propriétaires qui possèdent
beaucoup de terrain.
Une expansion fulgurante
Grâce à la facilité offerte par le soja génétiquement modi-
fié en termes de désherbage et de travail de la terre, la
plante se répand à toute allure en Argentine. En 1995, le
nombre d’hectares de soja est de 6 millions, en 2003 le
soja occupe 14,2 millions d’hectares: 8 millions d’hectares
en plus, soit deux fois la superficie des Pays-Bas. Trois ans
après l’introduction du soja génétiquement modifié de
Monsanto, le soja conventionnel a pratiquement disparu.
En 2002, 99% du soja cultivé en Argentine est génétique-
ment modifié. L’expansion atteint les pampas fertiles et
humides, où les fermiers combinent l’agriculture et l’éle-
vage, et alternent diverses cultures. Après 1995, cette pra-
tique cède rapidement le pas à une méthode agricole for-
tement industrialisée et récemment à la monoculture des
fèves de soja.
Expansionnisme
52% du territoire agricole argentin est couvert de fèves de
soja génétiquement modifié, mais l’esprit expansionniste
des grands cultivateurs est énorme. La surface emblavée
en soja ne cesse de s’étendre dans toutes les directions.
Des forêts offrant une riche biodiversité sont abattues
pour laisser la place à des champs de soja, les marais sont
asséchés et les sols pauvres sont traités avec du fumier
artificiel jusqu’à ce que les fèves de soja puissent y pous-
ser également. Les deux points forts du secteur agraire
argentin — la combinaison de l’agriculture et de l’élevage,
et l’assolement, qui préserve la fertilité du sol et réduit le
risque de maladies et de ravages par les insectes — cèdent
la place à la culture intensive du soja. L’extension de la
surface occupée par le soja entre 1996 et 2004 s’effectue
pour 27% au détriment des principales cultures alimentai-
res: blé, sorgho, maïs et tournesol. Les anciens champs de
riz, de coton, d’avoine et de fèves contribuent pour 7% à
l’expansion du soja. Les prairies et les cultures fourragè-
res représentent 27%; les forêts et les savanes 41%.
Des forêts anciennes rasées
Dans le Nord de l’Argentine se trouvent les forêts de
Chaco, le second grand écosystème du continent améri-
cain, et les Yungas, la ‘forêt équatoriale des montagnes’,
qui abritent des jaguars, des singes, des pumas et la moi-
tié des espèces d’oiseaux d’Argentine. Les Yungas a eux
seuls comptent cent espèces d’arbres différents, dont
quarante indigènes. Mais cette riche biodiversité disparaît
suite à l’aménagement de nouvelles plantations de soja.
Les habitants sont contraints de quitter leurs villages et
leurs terres. Les forêts équatoriales sont rasées à un
rythme effréné, de trois à six fois plus vite que la
moyenne mondiale. Dans sept provinces, plus de 2,2
millions d’hectares de forêts sont détruits entre 1998 et
2004. La surface emblavée en soja s’étend de 2,5 millions
d’hectares en 2003/2004 en Argentine. Benbrook estime
que si la croissance du soja se poursuit ainsi en Argentine,
entre un tiers et la moitié des nouveaux champs de soja
proviendront des forêts et des zones rurales fragmentées.
Soja transgénique Roundup Ready
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7lait respectueux de l’environnement production de lait sans ogm: durable et peu onéreuse
Culture de soja transgénique en Argentine
Pampanisation
Le modèle de culture mécanisée et intensive du soja
Roundup Ready appliqué dans la pampa est reproduit
dans les zones boisées septentrionales marginales d’Ar-
gentine: c’est la ‘pampanisation’ du Nord. Mais les nou-
velles terres ne sont pas aussi fertiles que les fameuses
pampas et le climat y est souvent moins favorable. Des
études américaines révèlent en outre que le glyphosate
entrave l’absorption de l’azote et le développement des
racines du soja Roundup Ready. Cet effet est renforcé dans
les terres sèches et moins fertiles, où la perte au niveau de
la récolte peut atteindre 25%. Benbrook prévoit un scéna-
rio très sombre pour les champs de soja argentins: les pre-
mières années, le sol est encore fertile, mais au bout de
quelques années de culture intensive du soja, cette ferti-
lité recule considérablement. Même le secrétaire d’Etat à
l’agriculture, Miguel Campos, admet: ‘Le soja est dange-
reux dans le sens où il extrait des nutriments du sol… et
implique des coûts que nous n’avions pas pris en
compte.’
Plus d’engrais chimique
En conséquence: la fertilité du sol commence à diminuer.
Pour compenser ce phénomène, les cultivateurs utilisent
de plus en plus d’engrais chimiques. Les fermiers ont
répandu en 1990 environ 0,3 millions de tonnes de ferti-
lisant sur leurs terres; en 2003, ils ont utilisé 2,3 millions
de tonnes. Mais tout cet engrais chimique ne règle pas le
problème de la réduction de la fertilité. Pour réaliser les
ambitieux objectifs du gouvernement argentin — une
récolte céréalière record de 100 millions de tonnes en
2010, dont 45 millions de tonnes de soja — il faudrait cer-
tainement 4 millions de tonnes d’engrais chimique par
an. Les conséquences de ces développements négatifs
peuvent être prévues au bout de quelques années déjà
pour des experts en agriculture comme Benbrook. Les
Argentins sont devenus totalement dépendants d’une
seule culture, d’un seul herbicide et d’une seule méthode
agricole: les fèves de soja génétiquement modifié, le gly-
phosate et le no till. Les problèmes sont inévitables. Non
seulement le sol est de moins en moins fertile, mais les
mauvaises herbes sont de plus en plus résistantes et les
cultivateurs obligés d’utiliser de plus en plus d’herbicides.
Plus de glyphosate…
Les chiffres sont éloquents: en 2003, près de la moitié
(44%) de tous les herbicides vendus en Argentine contient
du glyphosate. Les fermiers argentins cultivent souvent
leur soja génétiquement modifié selon la méthode no till
et aspergent leurs champs beaucoup plus souvent que
leurs collègues américains; en moyenne 2,3 fois par an
pour 1,3 fois aux Etats-Unis. De nombreux fermiers argen-
tins optent pour un traitement burndown: avant de
semer, ils aspergent le sol de glyphosate, de façon à faire
disparaître en une fois toute la végétation indésirable. En
2003/2004, les Argentins ont utilisé 56 fois plus de gly-
phosate sur les hectares de soja qu’en 1996/1997 (l’année
où les OGM ont été introduits)!
…et d’autres herbicides
En utilisant année après année un seul herbicide, on
induit immanquablement des changements écologiques.
Aux Etats-Unis, où les plants Roundup Ready sont cultivés
depuis plus longtemps, les mauvaises herbes résistantes
posent de gros problèmes. La vergerette du Canada, pra-
tiquement indestructible, résiste au glyphosate. Cette
mauvaise herbe s’est répandue en quatre ans au départ
du Delaware pour envahir des millions de champs dans
plus de douze Etats américains. Outre le glyphosate, les
fermiers utilisent également d’autres herbicides. Les chif-
fres argentins le révèlent clairement. En 1996/1997, ils ne
répandaient que du glyphosate sur leurs champs de soja.
En 2003/2004, ils ont ajouté 4,1 millions de kilos d’autres
herbicides. Entre-temps, la superficie occupée par le soja
transgénique est passée de 0,4 millions à plus de 14
millions d’hectares.
Des fèves boiteusesEn 2004, les fermiers et scientifiques américains ont
exprimé leurs craintes à propos de la production de soja:
la récolte de soja nationale n’a plus augmenté depuis
1995. Les scientifiques supposent que le processus de
manipulation génétique a rendu les fèves de soja plus
sensibles à toute une série de maladies. Les aspersions
nombreuses de glyphosate n’améliorent pas la situation.
En 1998 déjà, les chercheurs américains ont constaté que
le fusarium, une pourriture qui se développe autour des
plants, se développe davantage dans les champs où sont
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cultivées depuis des années des fèves de soja Roundup
Ready. Les chercheurs pensent que ce phénomène est
provoqué par le glyphosate, qui exerce un effet dévasta-
teur sur certains micro-organismes dans le sol. La compo-
sition de la microflore du sol se modifie et certaines espè-
ces de moisissures ont ainsi plus de chances de survie. Le
fusarium est une moisissure dangereuse, avertit Ben-
brook. Le charbon du maïs et la brûlure de l’épi de blé,
deux maladies graves qui coûtent aux cultivateurs améri-
cains des milliards de dollars chaque année, sont provo-
quées par le fusarium. Les fermiers argentins encourent
davantage de risques encore, puisqu’ils alternent le soja
avec du maïs et du blé.
Rouille du soja
La rouille du soja est une maladie relativement nouvelle.
La variante asiatique est particulièrement agressive et
nuisible. La plante peut être entièrement atteinte deux
semaines après les premiers symptômes. La maladie a fait
son apparition au Brésil en 2001 et depuis, 90% de toutes
les fèves de soja sont touchées. En 2003/2004, les cultiva-
teurs désespérés ont dépensé des millions de dollars en
produits pour lutter contre la moisissure qui provoque la
maladie. Mais leur effet est marginal et la perte de pro-
duction totale atteint plus de deux milliards de dollars. En
2002, les fermiers argentins ont dû faire face à la rouille
du soja dans la province de Santa Fe, d’où proviennent
27% de la production de soja. Paniqués, ils ont aspergé
leurs champs d’herbicides supplémentaires, pour des
millions de dollars, encouragés par l’industrie chimique.
Les petits fermiers disparaissent
L’expansion du soja implique la disparition de nombreux
cultivateurs indigènes. Surtout dans les provinces du
Nord, où les rapports de force laissent peu de place à la
discussion. Les propriétaires qui ont besoin de terres pour
leurs ‘fèves en or’, peuvent chasser violemment des
familles de cultivateurs de leurs terres, en toute impunité.
De nombreux fermiers n’ont plus de revenus et le chô-
mage à la campagne est encore plus élevé que la
moyenne nationale. La production de soja fortement
mécanisée occupe beaucoup de terrain, mais elle offre
peu d’emploi. Un haut fonctionnaire de l’agriculture
indique: ‘Chaque parcelle de 500 hectares de terre pour
les fèves de soja ne fournit qu’un seul emploi’.
Faim
Les entreprises du secteur du génie génétique prétendent
que les OGM feront disparaître la faim de la planète. L’Ar-
gentine prouve une fois de plus qu’il s’agit là d’une pro-
messe fallacieuse. En 2003, la récolte céréalière y a atteint
un niveau record de 70 millions de tonnes, la moitié étant
des fèves de soja. Et pourtant, la moitié de la population
argentine vit sous le seuil de pauvreté et un quart n’a pas
eu suffisamment à manger en 2004 (pour 5,7% en 1996).
Cela représente 8,7 millions de personnes, dont près de la
moitié sont des enfants de moins de 15 ans. La cause prin-
cipale? La production alimentaire a considérablement
diminué parce que les terres sont utilisées pour la ‘fève en
or’. Quelques chiffres: la récolte de pommes de terre passe
de 3,4 millions de tonnes en 1997/1998 à 2,1 millions en
2001. Les récoltes de pois, de lentilles et de haricots recu-
lent considérablement aussi. La production laitière passe
entre 1999 et 2002 d’environ 10 à 8 milliards de litres et le
nombre d’œufs de 5,7 à 4,6 milliards. En 1997, 12,8
millions de vaches fournissent la viande argentine; en
2002, elles ne sont plus que 11,3 millions. La quantité de
viande de porc et de poulet chute également entre 1999 et
2002: le porc de 214.000 à 165.000 tonnes, le poulet de
940.000 à 699.000 tonnes.
Exportation pour le fourrage européen
L’Argentine a toujours été capable de se nourrir. Mais
aujourd’hui, le pays doit importer de la nourriture. Le
principal produit d’exportation n’est plus la viande de
bœuf, mais le soja génétiquement modifié destiné, ironi-
quement, à nourrir le bétail européen. Le soja est une
matière première qui doit être transformée et qui a donc
une valeur moindre que la viande de bœuf. 90% des fèves
de soja argentines quittent le pays. Trois quarts de la
récolte de soja sont traités en Argentine avant d’être
exportés: le pays est leader mondial dans le secteur des
tourteaux et de l’huile de soja. L’Union européenne est le
principal marché d’exportation (50%) v.
Manifestation en Argentine contre l’expansion du soja
v The Expanding Soybean Frontier, Greenpeace briefing, janvier 2005.
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9lait respectueux de l’environnement production de lait sans ogm: durable et peu onéreuse
L’avenir
Les partisans des OGM ne peuvent pas prouver l’innocuité
des OGM pour l’environnement et la santé, et la plupart
des consommateurs ne veulent pas manger d’OGM. Pour-
tant, la surface occupée par des cultures transgéniques ne
cesse de se développer dans le monde. Les fermiers sont
séduits par la facilité de l’application, mais au bout de
quelques années, les conséquences économiques, socia-
les et écologiques négatives commencent à se dessiner,
comme l’illustre l’exemple de l’Argentine.
Dans le passé, l’Europe a systématiquement découragé la
culture d’espèces locales en subsidiant unilatéralement
des cultures comme le blé et le maïs. Par ailleurs, il a été
décidé en 1962, lors du Dillon Round (dans le cadre des
négociations du GATT), de ne pas lever les tarifs à l’impor-
tation pour les semences oléagineuses comme le soja. Il
devenait ainsi plus avantageux, pour les cultivateurs, de
nourrir leurs vaches avec du maïs et du soja plutôt qu’a-
vec de l’herbe. Nous avons ainsi abouti à une situation
absurde: les ingrédients des aliments concentrés destinés
à nourrir nos animaux (soja) sont produits à l’autre bout
de monde, dans des pays exportateurs où les populations
souffrent de la faim.
Récemment, la dissociation des subsides européens de
certaines cultures ou surfaces arables a ouvert de nouvel-
les possibilités d’abandonner ce système de production
devenu incontrôlable. Des cultures longtemps niées ou-
vrent à présent de nouvelles perspectives. Ce rapport
cadre dans une recherche de nouvelles pistes, qui pour-
raient offrir à terme une solution durable.
Les problèmes posés par les plantes transgéniques sont de
plus en plus évidents. Le soja génétiquement modifié
menace l’environnement. Mais c’est également le cas du
maïs, du coton et du colza transgéniques. Greenpeace
estime que les désavantages des OGM vont, tout comme
en Argentine, se dessiner de plus en plus visiblement
ailleurs dans le monde.
Le marché alimentaire européen est fermé aux OGM. Dans
toute l’Union européenne, seuls 77 produits alimentaires
contenant ou dérivés des OGM ont été détectés en 2004 vı.
Les OGM continuent pourtant à entrer dans la chaîne ali-
mentaire via l’alimentation des animaux. Les consomma-
teurs européens encouragent ainsi inconsciemment la
culture mondiale des OGM. Si nous voulons stopper la dis-
sémination massive des OGM, le marché de l’alimentation
animale doit cesser d’utiliser ces produits.
vı EU Markets: no market for GM labelled food in Europe, Greenpeace, janvier 2005.
Greenpeace plaide pour un avenir plus serein:
% Une interdiction de la culture de plantes généti-quement modifiées. La pollution génétique étantirréversible, les OGM ne peuvent être disséminésdans l’environnement tant que les conséquencesde la manipulation génétique pour l’homme etl’environnement ne sont pas connues. La culturedes OGM provoque en outre de gros problèmesenvironnementaux et sociaux, comme le démontrela pratique en Argentine.
% La Belgique et l’Europe doivent cesser d’importerdu soja génétiquement modifié et passer progres-sivement à des protéines produites au niveaulocal.
% Les produits originaires d’animaux nourris avec desorganismes génétiquement modifiés doivent êtreétiquetés, de façon à permettre au consommateurde faire un véritable choix.
% ‘Ni una hectarea mas’ disent les Argentins: pas unhectare de forêt ne peut plus être rasé pour yaménager des plantations de soja. Le gouverne-ment argentin doit prendre immédiatement desmesures pour protéger ses forêts. Et les institutionset les banques internationales doivent cesser definancer cette avancée destructrice du soja.
% Le développement de l’agriculture durable, quifournit aux fermiers des marges réalistes et pré-serve l’environnement naturel.
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en 2003. En 2003, la Belgique comptait au total 559.423
vaches laitières. Le quota moyen ou droit de production
par élevage laitier est de 197.521 litres en Belgique. Le
quota moyen en Flandre est plus bas: 185.000 litres. Les
différences entre les entreprises sont grandes. Parmi les
16.426 élevages laitiers belges, 5.364 ont une production
inférieure à 100.000 litres et 1.567 réalisent une produc-
tion de plus de 400.000 litres.
Le prix perçu par l’éleveur pour le lait dépend:
• de sa composition (teneur en matières grasses et protéi-
nes)
• de sa qualité
• de la quantité livrée
vıı Cette partie relative à l’industrie du lait (p10-13), ainsi que l’analyse économique (p14-16), sont reprises de l’étude: “Mogelijkheden voor een GGO-
vrij dieet voor de Belgische melkveesector”, Katrien D’ hooghe et Professeur X. Gellynck (Université de Gand), avril 2005.
L’industrie laitièrevıı
L’élevage de bovins laitiers en Belgique
Les exploitations qui élèvent des vaches laitières, au
nombre de 16.571, occupent une place importante dans le
secteur agricole et horticole belge (INS, 2003). Le gra-
phique en page 11 montre la répartition des entreprises
agricoles et horticoles belges en 2001. Parmi elles, environ
la moitié (8.238 exploitations) est moyennement ou forte-
ment spécialisée en production laitière.
Ces dix dernières années, l’élevage laitier belge a vu son
échelle augmenter. Depuis l’introduction des quotas lai-
tiers, en 1984, le nombre de vaches laitières a chuté de
plus de 40% et le nombre d’éleveurs de bétail laitier de
plus de 65%, ce qui représente une augmentation
moyenne de vaches laitières par entreprise jusqu’à 33,8
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Spécialisation: autres animaux d'élevage (porcs, volaille...) 10%
Entreprises mixtes: 21%
Spécialisation: cultures 12%
Spécialisation: espèces horticoles 18%
Spécialisation:
production laitière 13%
Spécialisation: production de viande de bœuf 15%
Spécialisation: bovins mixtes 5%
Spécialisation: autres herbivores (moutons...) 6%
11lait respectueux de l’environnement production de lait sans ogm: durable et peu onéreuse
ANNÉE PRIX INDICATIF PRIX EFFECTIVEMENT PAYÉ
(€/100 litres) (€/100 litres)
1998 – 38 g de matière grasse 32,37 29,80
1999 – 38 g de matière grasse 30,98 27,47
2000 – 38 g de matière grasse 30,98 29,67
2001 – 38 g de matière grasse 30,98 30,96
2002 – 38 g de matière grasse 30,98 28,30
2003 – 38 g de matière grasse 30,98 28,34
Source: CBL, 2004
Répartition du secteur agricole et horticole en %, 2001.
Source: INS
Le tableau ci-dessous présente les prix du lait de ces 5
dernières années, exprimé en €/100 litres:
Les normes de qualité pour le lait sont très strictes en Bel-
gique. Pour pouvoir livrer du lait à une laiterie, l’éleveur
doit satisfaire à toute une série de conditions à trois
niveaux:
· la santé des animaux
· la reconnaissance officielle de l’unité de production lai-
tière
· les normes de qualité officielles
En 1998, le secteur laitier a pris l’initiative de renforcer
encore le contrôle de qualité officiel avec un système de
gestion intégrale de la qualité du lait: en Wallonie, la QFL,
Qualité Filière Lait, est gérée par l’asbl Comité du Lait à
Battice; en Flandre, l’IKM, Integrale Kwaliteitszorg Melk,
est géré par l’asbl IKM au sein du VLAM. Ce projet est basé
sur un système volontaire qui complète les normes léga-
les déjà très strictes.
La Belgique est un importateur net de produits laitiers.
L’importation de produits laitiers en Belgique représentait
en 2003 1,7 millions de tonnes de produits laitiers, d’une
valeur globale de 2,12 milliards d’€. L’exportation repré-
sentait 1,59 millions de tonnes d’une valeur de 1,79
milliards d’€.
12
En matière de flux de protéines etd’alimentation du bétail
Les matières premières agricoles suivent un long trajet
avant que le fourrage ne parvienne chez l’éleveur. Les
matières premières sont souvent transformées et traitées
dans un pays, et puis commercialisées dans le monde. Le
transport des matières premières destinées à être com-
mercialisées sur les marchés internationaux s’effectue
d’abord en camion, train et bateau fluvial. Ensuite, elles
sont transbordées et entreposées dans les ports mariti-
mes. Les fournisseurs de matières premières des fabricants
d’aliments composés pour animaux sont des entreprises
qui interviennent comme déchargeurs ou importateurs
dans l’achat et la vente des aliments, dans et en dehors
de l’Union européenne. Les principales activités des four-
nisseurs de matières premières sont l’achat et la vente des
aliments, comme les tourteaux de soja et le maïs. En
outre, les fabricants d’aliments composés utilisent des
matières premières provenant de l’UE. Les matières pre-
mières arrivent chez les fabricants d’aliments composés et
sont transformées, dans le cadre d’un processus continu,
en aliments composés qui sont ensuite transportés en
camions chez les éleveurs. Dans l’exploitation agricole, le
fourrage est entreposé dans des silos. Les vaches sont trai-
tes deux fois par jour et le lait est réfrigéré pendant maxi-
mum trois jours. Le lait réfrigéré est enlevé sur le site de
l’exploitation par des camions laitiers, qui le transportent
vers les laiteries qui en font des produits laitiers. Via les
différents canaux de distribution, ces produits laitiers sont
finalement vendus au consommateur.
La ration de base des vaches laitières comporte trois com-
posants:
• herbe
• fourrage ensilé: surtout du maïs fourrager
• aliments concentrés: surtout du fourrage à base de glu-
ten de maïs et de tourteaux de soja
Le tableau ci-dessous donne une estimation de la compo-
sition moyenne (%) des mélanges destinés aux vaches
laitières:
Ingrédient Bétail laitier
Produits à base de maïs 20-25%
Farine de soja 10-20%
Farine de colza 7%
Source: Wolf et al., 2003; de Vriend, 2004; Vakgroep Dierlijke Productie,
entretien personnel.
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13lait respectueux de l’environnement production de lait sans ogm: durable et peu onéreuse
Maïs ...
... et soja
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maïsEn ce qui concerne le maïs fourrager, l’UE est plus ou moins
autosuffisante. Tant que la culture de variétés transgéniques
de maïs ne s’étend pas en Europe, l’approvisionnement en
maïs fourrager sans OGM ne pose aucun problème.
Le fourrage à base de gluten de maïs (farine) est le produit
résiduel séché de la mouture humide du grain de maïs, au
cours de laquelle l’huile, les germes, les fibres et le gluten
sont séparés par étapes. Une fois les graines débarrassées de
l’amidon, les produits résiduels partent comme matière pre-
mière pour le fourrage vers l’industrie des aliments compo-
sés.
L’industrie européenne de l’amidon ne transforme que du
maïs non transgénique. Les matières premières utilisées pro-
viennent surtout de l’UE. Il n’y a donc pas de problème
concernant la disponibilité de fourrage au gluten de maïs
non transgénique.
Par contre, les sous-produits comme le fourrage à base de
gluten de maïs sont également importés directement de pays
hors de l’UE. Ce fourrage à base de gluten de maïs provient
en grande partie des Etats-Unis. Tant que l’absence d’OGM
n’est pas garantie, on peut supposer que ce fourrage à base
de gluten de maïs contient bien des OGM.
sojaLes fèves de soja partent non traitées vers l’industrie des
oléagineux. L’huile est extraite des graines et les produits
résiduels (tourteaux de soja) partent comme fourrage vers
l’industrie des aliments composés. Les huiles sont livrées
principalement à l’industrie alimentaire.
Pour les produits de soja, l’UE dépend dans une grande
mesure des importations. La culture du soja transgénique
s’est généralisée dans quelques pays exportateurs impor-
tants. L’offre de soja non transgénique des principaux parte-
naires commerciaux de l’UE représentait environ 56 millions
de tonnes en 2004. Dans l’UE, 56,5 millions de tonnes de
fèves de soja ont été utilisées en 2003, sans compter l’huile
de soja et ses équivalents.
En Belgique, la demande de soja pour l’élevage bovin peut
être évaluée sur base de la consommation d’aliments com-
posés et de la part de soja. Celle-ci oscille chaque année
entre 177.000 et 676.000 tonnes de fèves de soja. La grande
variation de la demande est due aux différences annuelles
importantes au niveau de l’utilisation du maïs dans les ali-
ments composés. Ces différences sont imputables au fait que
la composition des aliments pour bétail dépend du rapport
souhaité entre l’énergie et les protéines, de l’offre de matiè-
res premières et des prix mondiaux de celles-ci. Pour l’éle-
vage des vaches laitières, il y aura suffisamment de soja non
transgénique disponible en 2005.
14
Dans cette partie, nous analysons les manières de produire du lait sans recours aux OGM dans l’alimentation animale.
D’abord, nous étudions la façon de remplacer les ingrédients OGM dans l’alimentation animale par des ingrédients non-
OGM*. Ensuite, nous faisons un pas de plus et analysons la façon d’éviter les OGM et ce, en cultivant autrement.
Première option. Production de lait avec composants (certifiés) non-OGM*:
faisabilité et analyse économique
Il existe deux possibilités de produire du lait avec des ani-
maux nourris sans OGM:
· coexistence de filières d’aliments avec et sans OGM
· reconversion complète du secteur de l’élevage de bovins
laitiers et passage à une alimentation animale sans OGM
Les coûts supplémentaires ont été calculés pour chacune
de ces possibilités. Les coûts additionnels se situent à
quatre niveaux:
· achat des matières premières
· modification de la gestion de l’exploitation
· certification ‘système’: administration IP
· certification ‘produit’: analyse tests PCR
Production de lait sans recours aux OGM dans la nourriture pour animaux
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Les calculs sont basés sur les hypothèses suivantes:
· la production de lait par vache est de 8.000 litres;
· pour une production de 8.000 litres, la vache doit être
nourrie avec 1,2 tonnes d’aliments concentrés avec
20% de PB* (protéines brutes) et 0,5 tonnes d’ali-
ments concentrés avec 40% de PB*;
· l’éleveur opte soit pour du fourrage sans OGM, soit
pour du fourrage OGM, mais pas pour les deux;
· l’UE produit son propre maïs. Contrairement au soja,
un apport de maïs sans OGM pour les fourrages n’est
pas nécessaire. Les coûts supplémentaires pour les flux
séparés de maïs ne sont pas portés en compte. Seuls
les coûts pour le soja sont repris dans le calcul final.
15lait respectueux de l’environnement production de lait sans ogm: durable et peu onéreuse
Scénario 1:
Coexistence des filières OGM et non-OGM*
Le coexistence des filières OGM et sans OGM nécessite le
maintien de deux filières totalement séparées, ce qui
implique des frais d’exploitation supplémentaires. La
certification ‘système’ et la certification ‘produit’ le long
de toute la chaîne sont nécessaires pour garantir la
filière de produits sans OGM. La coexistence des deux
filières garantit la liberté de choix pour les producteurs
et les consommateurs. Il est probable que l’éleveur fasse
un choix entre les produits OGM et les produits sans
OGM:
% d’un côté, les éleveurs qui utilisent les produits trans-
géniques;
% de l’autre côté, les éleveurs qui n’acceptent pas les
produits ni les matières premières transgéniques.
Les deux types de producteurs primaires livrent ensuite
leur lait aux groupes laitiers, qui approvisionnent à leur
tour le marché de produits laitiers provenant d’animaux
nourris avec des OGM ou de produits laitiers provenant
de vaches nourries avec du fourrage sans OGM.
Pour le scénario de la coexistence, le coût supplémen-
taire total le long de toute la chaîne varie de €2,722 à
€4,823 maximum par 100 litres de lait (Tableau A).
Sachant que le prix payé pour le lait à l’éleveur est de
€29,83 pour 100 litres de lait, cela correspond à une aug-
mentation de prix de 9,1% à 16,2%. Au total, l’augmen-
tation du prix varie de €0,027 à €0,048 par litre de lait.
L’éleveur paie plus cher pour les aliments composés sans
OGM. Le surcoût pour le fourrage peut être exprimé par
100 litres de lait. Une vache qui produit 8.000 litres de
lait consomme chaque année environ 1,2 tonnes d’ali-
ments concentrés avec 20% de protéines brutes et envi-
ron 0,5 tonnes d’aliments concentrés avec 40% de pro-
téines brutes, ce qui donne un surcoût allant de €0,082
à €0,223 pour 100 litres de lait. Les coûts d’exploitation
supplémentaires ne sont pas repris. La présence d’autres
animaux dans l’exploitation n’est pas prise en compte.
Les coûts supplémentaires pour l’industrie laitière sont
imputables au ramassage séparé du lait OGM et du lait
sans OGM, et au traitement séparé de ces deux filières de
produits. Le coût supplémentaire pour le ramassage varie
de €1,24 à €2,5 pour 100 litres de lait. Le niveau du sur-
coût dépend de la répartition géographique et de la
capacité de production des entreprises où les animaux
sont nourris avec du fourrage sans OGM. Pour le traite-
ment séparé, le surcoût varie de €1,4 à €2,1 pour 100 lit-
res de lait. Pour l’industrie laitière, le surcoût total va de
€2,6 à €4,6 pour 100 litres de lait.
TABLEAU A. Coût supplémentaire total pour le scénario 1,
en € par litre de lait
Maillon Minimum Maximum
Eleveur 0,00082 0,00223
Industrie laitière 0,02640 0,04600
Total 0,02722 0,04823
ne paie pas de coûts additionnels pour la séparation des
deux filières de lait. Jusqu’au niveau de l’éleveur, les
coûts pour une reconversion complète sont égaux aux
coûts de la coexistence de filières de produits OGM et
sans OGM.
La Belgique exporte 13,2% de la valeur de ses produits
laitiers en dehors de l’UE. Le fait qu’aucun supplément
n’est compté pour le lait sans OGM sur le marché mon-
dial est un facteur de coût supplémentaire pour le pas-
sage complet aux produits sans OGM de toute l’industrie
laitière. Le surcoût ne peut pas être répercuté sur cette
partie des ventes. Cette perte de revenus doit être sup-
portée par le reste du marché (86,8%). Ce qui porte le
surcoût à minimum €0,11 et maximum €0,29 pour 100
litres de lait. Etant donné que le prix payé pour le lait à
l’éleveur est de €29,83 pour 100 litres de lait, cela cor-
respond à une hausse de prix de 0,37% à 0,97%.
Le tableau ci-dessous montre le coût supplémentaire
pour le scénario 2. Ce coût est inférieur à celui du scéna-
rio 1: minimum €0,11 et maximum €0,29 par 100 litres de
lait ou minimum €0,001 et maximum €0,0029 par litre
de lait:
16
Scénario 2:
Filière non-OGM*
Le deuxième scénario pour produire du lait provenant
d’animaux nourris sans OGM consiste à passer complète-
ment au fourrage sans OGM, ce qui implique que toutes
les vaches laitières de Belgique soient nourries avec du
fourrage sans OGM. Il faut cependant remarquer qu’il
n’est pas possible de considérer le marché belge de
manière isolée. Les marchands de matières premières,
les fabricants d’aliments composés et l’industrie laitière
vendent leurs produits au niveau international. Les mar-
chands de matières premières et les fabricants d’ali-
ments composés achètent et vendent dans toute l’Eu-
rope et sur le marché mondial. L’industrie laitière traite
en majorité du lait provenant d’entreprises étrangères.
Dans le scénario de reconversion complète, ces exploita-
tions sont obligées de passer à du fourrage sans OGM ou
de fournir leur lait à d’autres fabricants de produits lai-
tiers. En outre, les produits laitiers ne sont pas seule-
ment vendus sur le marché belge. Si tous les élevages
belges passaient au fourrage sans OGM, les produits ne
pourraient être vendus moyennant un supplément que si
les partenaires commerciaux à l’étranger étaient prêts à
payer pour ce surcoût. A défaut, cette perte devrait être
compensée par un supplément de prix sur le marché
belge.
L’analyse économique de ce scénario est donc basée sur
le principe du passage au fourrage sans OGM de tout l’é-
levage européen. Ce qui implique que l’industrie laitière
Remarques complémentaires
Cette étude ne prend en compte que les bovins, et pas les
porcs ou la volaille. Si les éleveurs de porcs et de volaille
souhaitent également utiliser des produits non-OGM*, la
demande va augmenter et une autre situation va se déve-
lopper sur le marché. Si la demande augmente de façon
substantielle, et si l’offre reste limitée, le prix des cultures
non-OGM* va fortement augmenter. Les cultivateurs rece-
vront alors des primes pour les cultures non-OGM* et il
deviendra donc économiquement intéressant pour eux de
cultiver des variétés non-OGM*. Mais on peut se deman-
der si des cultivateurs isolés auront encore la possibilité
de cultiver des variétés non-OGM*. Une grande répartition
géographique implique des frais de transport élevés, et les
surcoûts pour la prévention de la pollinisation croisée, par
exemple, seront également élevés. Les meilleures possibi-
lités et opportunités sont offertes aux régions où la culture
des espèces transgéniques n’est pas encore (trop) implan-
tée, et où les agriculteurs décident collectivement de cul-
tiver des espèces non-OGM*.
Dans le scénario de la coexistence, le prix et la répartition
des frais sur toute la chaîne seront déterminés par la
demande du marché. L’offre dépend fortement de la
demande du consommateur et de la volonté d’un des
acteurs de la chaîne de payer un supplément pour du lait
provenant d’animaux nourris sans OGM.
Surcoût total dans le cas du scénario 2, en € et par litre de lait
Minimum Maximum
Chaîne totale 0,001 0,0029
17lait respectueux de l’environnement production de lait sans ogm: durable et peu onéreuse
Dans cette partie, nous étudions les possibilités d’éviter
les OGM en cultivant autrement.
La dépendance au maïs et au soja de l’élevage européen
est assez récente. Suite aux réformes de la politique agri-
cole commune en Europe dans les années 1960 (pas de
taxes à l’importation sur les graines oléagineuses comme
le soja), les producteurs de fourrage ont augmenté leurs
importations. Ce qui a donné lieu rapidement (à partir des
années 1970) à une grande dépendance au soja, livré sur-
tout par les Etats-Unis.
Le soja ne contient pas seulement de l’huile, mais aussi
de nombreuses protéines, ce qui stimule la production
intensive. Le soja augmente la production des vaches lai-
tières et se combine parfaitement avec des rations de base
riches en maïs. La grande dépendance au soja et au maïs
a donc connu une augmentation historique et a été for-
tement stimulée par la politique agricole européenne.
Un système de production basé sur l’importation de four-
rage, d’énergie et de machines agricoles et qui produit
ensuite un surplus de beurre, de viande et de lisier (qui
doit alors être exporté ou évacué), n’est évidemment pas
tenable. Si nous voulons offrir une alternative durable et
rentable à long terme, tant sur le plan économique qu’é-
cologique, il faut repenser toute la méthode de produc-
tion.
Par souci de clarté, nous reprenons ci-dessous le tableau
donnant une estimation de la composition moyenne (%)
des mélanges destinés aux vaches laitières:
Le soja et le maïs sont deux ingrédients de base dans la
ration du bétail laitier. Les autres matières premières (ex.
pulpe de betterave, tourteau de graine de colza, tourteau
de graine de palmiste, gluten de blé,…) diffèrent forte-
ment d’un moment à l’autre et sont ajoutées sur base de
la valeur nutritionnelle et des variations du prix sur le
marché mondial.
Comme nous l’avons exposé plus haut, la dépendance au
maïs et au soja dans l’élevage laitier européen a connu
une croissance historique. Le maïs semble en première
Ingrédient Bétail laitier
Produits à base de maïs 20-25%
Farine de soja 10-20%
Farine de colza 7%
Source: Wolf et al., 2003; de Vriend, 2004; Vakgroep Dierlijke Productie,
entretien personnel.
vııı Cette partie expose les principales conclusions de l’étude de Wim Govaerts (Bioconsult), réalisée pour le compte de Greenpeace. L’étude complète
est présentée dans la seconde partie de ce rapport: Eviter les OGM en cultivant autrement (juin 2005).
instance une culture très intéressante: possibilité de reve-
nus importants, grande fiabilité des récoltes, valeur nutri-
tionnelle stable et jusqu’il y a peu, subsides. Le désavan-
tage du maïs, c’est que les rendements sont assurés en
majeure partie par les tiges riches en lignine et que la
plante dans son ensemble est pauvre en protéines et en
minéraux. La lignine ne peut pas être digérée par la flore
du rumen de la vache. Voilà pourquoi il faut un produit
protéiné digeste, comme le tourteau de soja, pour faire
passer aisément ce maïs fourrager dans le rumen de la
vache et pour permettre à celle-ci de produire beaucoup
de lait.
Comme la lignine n’est pas digeste pour la vache, on peut
se poser la question de l’opportunité de rendements
importants en MS* par hectare, ce qui est le plus souvent
un argument positif avancé pour le maïs. En outre, le maïs
en combinaison avec le tourteau de soja est souvent sur-
évalué en relation avec ce que les vaches peuvent prester
dans la pratique. Songeons au léger surdosage courant de
PDI* dans la plupart des rations pour un bétail laitier hau-
tement productif.
Fèves de soja. Le soja est aujourd’hui un ingrédient de basedans la ration du bétail laitier
Deuxième option. Production de lait à partir de cultures locales (non-OGM*) :vııı
faisabilité et analyse économique
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18
pour les exploitations ordinaires. Actuellement, ces
exploitations cultivent surtout du maïs pour couvrir les
besoins énergétiques, et achètent les protéines. Mais elles
auraient intérêt à cultiver elles-mêmes le composant le
plus cher (protéines) et le plus susceptible de contenir des
OGM, sous forme de légumineuses. Un complément de
composants énergétiques adaptés leur permettrait de
produire à meilleur marché. Elles pourraient remplacer les
anciens achats de protéines par des achats d’énergie,
basés sur des sous-produits de l’industrie alimentaire
sous forme de pulpe, ou de sous-produits de grains ou de
pommes de terre.
ıx Lait respectueux de l’environnement: seconde partie: éviter les OGM en cultivant autrement. Greenpeace 2005.
Adaptation du plan de culture
Dans ce qui suit, nous allons développer un type d’ex-
ploitation plus opportun, adapté à nos contrées et à nos
vaches. Nous n’utilisons plus de soja et réduisons forte-
ment l’utilisation de maïs.
Tout commence par l’adaptation du plan de culture. Le
planning de culture proposé ici est très différent de celui
qu’appliquent la plupart des exploitations qui, encoura-
gées par la prime historique pour le maïs, ensemencent
environ la moitié de leur surface arable avec cette grami-
née.
Pour le bétail laitier, l’herbe est beaucoup plus intéres-
sante que le maïs. Elle est plus riche en protéines et plus
digeste quand elle est récoltée tôt. Si l’on ajoute du trèfle
à l’herbe, on obtient encore des avantages supplémentaires:
• Le trèfle fixe lui-même son azote, ce qui est écono-
mique, parce qu’il ne faut pas prévoir de fumure azo-
tée.
• Les feuilles de trèfle sont très digestes et riches en pro-
téines. Les tiges du trèfle violet apportent beaucoup de
structure: elles contiennent moins de lignine que les
tiges de maïs, mais plus de protéines et de minéraux. La
présence de cette structure est très importante pour
obtenir une bonne efficacité digestive.
Les expériences menées par les éleveurs de vaches laitiè-
res avec les grains ensilés et le trèfle nous apprennent que
les animaux prestent mieux avec ces composants alimen-
taires que ce que prévoit la théorie sur base des analyses
nutritionnelles. Ceci montre d’une part que les calculs
mathématiques ont leur limite et que, d’autre part, nos
vaches ne produisent pas le lait selon une équation stan-
dard (voir interview page suivante).
Une fois que le plan de culture est adapté aux besoins
nutritionnels des animaux, le fourrage peut être récolté
pour créer un stock alimentaire, où les protéines et l’é-
nergie sont équilibrées. Vous trouverez un relevé détaillé
d’exemples de rations dans la seconde partie, distincte,
de ce rapport ıx.
Certains cultivateurs prétendent qu’ils ne peuvent pas
développer leur exploitation parce qu’ils n’ont pas assez
de terre. Il est en effet impossible pour les exploitations
qui fournissent plus de 15.000 litres par hectare de les
produire de manière autonome, ce qui est déjà difficile
Le trèfle: riche en protéines et durable.
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19lait respectueux de l’environnement production de lait sans ogm: durable et peu onéreuse
Depuis combien de temps existe la ferme De Ploeg? En 1961, mon père a créé une sprl. Avec l’introduction des
quotas en 1986, nous avons commencé la transformation
du lait parce qu’il était difficile de faire vivre 4 familles
avec la seule production de lait. Grâce à ces opérations,
nous avons réussi à maintenir les quotas et à donner
une plus-value au lait. Aujourd’hui, nous avons une
centaine de vaches et employons 5 collaborateurs à
temps plein pour la production et le traitement du lait.
Comment en êtes-vous arrivé au modèle d’exploita-tion actuel, qui n’est pas tellement habituel? Voici quatre ans, j’ai commencé à modifier la ration des
vaches pour en extraire le soja, étant donné que la
majorité du soja est génétiquement modifié et que nous
ne voulions pas l’utiliser. Comme nous transformons le
lait dans notre entreprise, j’ai un contact très direct avec
les clients. Je sens bien ce qui se passe chez les gens. Je
travaille avec une équipe de nutritionnistes. Mes clients
me disent clairement qu’ils achètent directement chez
nous parce qu’ils ont une grande confiance dans les
produits que nous livrons. Cela m’a incité à réfléchir à
ma responsabilité, en tant que producteur de lait, et à
rechercher une alimentation naturelle et saine pour mes
bêtes. Au début, j’ai expérimenté le maïs (environ 30 ha)
et les tourteaux de lin. Cela n’a pas été une réussite. La
production de lait a légèrement chuté de 500
litres/vache/année. C’est alors que j’ai rencontré, dans le
cadre du projet BLIVO, Wim Govaerts, conseiller d’entre-
prise et nous avons adapté le planning de culture aux
besoins alimentaires du bétail. Le trèfle est ainsi devenu
le moteur de notre exploitation, avec de très bons résul-
tats: production laitière accrue et réduction des coûts.
Quelle est la différence pour votre exploitation en cequi concerne la ration et la production de lait, parrapport à la situation précédente? En ce qui concerne la ration, j’utilisais auparavant
essentiellement du maïs et de l’herbe préfanée, avec des
aliments concentrés et des tourteaux de soja. A présent,
j’ai complètement abandonné le tourteau de soja et les
aliments concentrés, et les protéines proviennent du trè-
fle. Des petits compléments de grains ensilés, de drêche
et de cigarant* complètent la ration. Pour les vaches très
productives, j’ajoute un peu de farine de maïs et de
graines de lin. Cette ration convient manifestement
mieux aux vaches. Pour le dire un peu platement: utili-
ser du maïs et du soja, c’est jeter des perles aux cochons.
La flore intestinale de mes vaches est plus saine à pré-
sent. Le nombre de cellules dans le lait a diminué et la
mammite x est moins fréquente, ce qui me permet d’éco-
nomiser des frais de vétérinaire. Le lait comporte égale-
ment plus d’acides gras oméga 3 et oméga 6, c’est ce
qui lui confère une plus-value. Aujourd’hui, je produis
plus de 7.800 litres de lait par vache. Dans quelques
années, j’atteindrai 8.000 à 8.500 litres. Ma meilleure
vache fournit 44 litres de lait par jour.
Où situez-vous la plus-value pour vous et votreentreprise avec ce mode d’alimentation? Le prix de la production est plus bas. Les coûts de récolte
augmentent, tandis que les coûts de traitement du sol
baissent. Je n’utilise plus les tourteaux de soja et les ali-
ments concentrés. Je ne dois plus acheter de fumures
azotées ou d’herbicides et, enfin, j’ai moins de frais de
vétérinaire. Le lait a également une plus-value grâce
aux acides gras oméga-3 et oméga-6. Je tire plus de
satisfaction de mon travail aussi. La vache n’est plus un
produit industriel. Avant, je vérifiais seulement si mes
vaches étaient en chaleur. Aujourd’hui, je les regarde
autrement et j’essaie de déduire de l’observation de leur
panse, de leurs déjections, de leur comportement, etc. si
je nourris correctement les bactéries contenues dans leur
rumen. Cela ne représente pas plus de travail: c’est agré-
able et cela se fait entre les traites ou le nettoyage de
l’étable. Toute la reconversion et l’adaptation du système
ont offert une véritable soupape de sécurité à mon
entreprise.
Y a-t-il également une plus-value sociale dans cetteméthode de culture?Ce mode d’alimentation est nettement moins néfaste
pour l’environnement. Et la vie du sol reprend plus de
vigueur. L’agriculture industrielle se pratique sur un sol
mort avec de l’engrais chimique. Or, une poignée de
bonne terre doit contenir des millions de bactéries. Nous
vivons du sol et de la vie dans le rumen.
Quelles sont les conditions requises pour réussir lareconversion?Il faut oser franchir le pas en une fois et ne pas vouloir
conserver une moitié de maïs, par exemple. Et il faut
garder un œil sur les vaches! En fait, c’est très simple:
une fois que l’on comprend comment une vache fonc-
tionne et digère, on peut corriger le tir lorsque c’est
nécessaire. Nous avons appris le fonctionnement des
bactéries à l’école mais il faut prendre le temps de se
rafraîchir la mémoire et de faire tous les liens. Je pense
aussi qu’il faut suffisamment de connaissances pour oser
franchir le pas: de nombreux fermiers n’osent pas faire
la reconversion, malgré le fait qu’ils trouvent la piste
intéressante. C’est un puzzle passionnant mais com-
plexe, où les pièces doivent être bien emboîtées pour que
le système fonctionne.
x Infection du pis.
Entretien avec Ronny Aerts
exploitant de la ferme De Ploeg, un élevage moderne de vaches laitières, qui travaille avec du trèfle
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Les avantages du plan de culture proposé
Analyse économique
Lorsqu’il faut acheter moins d’engrais chimique et utiliser
moins d’herbicides, et lorsque l’utilisation de protéines
diminue dans l’entreprise, les coûts baissent, ce qui est
intéressant pour le fermier, surtout étant donné le niveau
des prix pratiqués sur le marché laitier en ce moment.
L’accumulation de matières organiques dans le sol et l’a-
mélioration de la fertilité du sol ne peuvent également
que li-vrer de meilleurs résultats d’exploitation à l’avenir.
Voici un calcul des coûts pour une production de lait
durable sans ingrédients susceptibles de contenir des
OGM. Nous prenons pour point de départ un type d’ex-
ploitation moyenne (8.065 litres par vache livrés à la lai-
terie, avec 500.000 litres à livrer sur 40 ha).
Si l’on tient compte aussi des primes pour l’ensemence-
ment de trèfle (€600 par ha en Flandre) et du coût d’ac-
quisition des connaissances relatives au nouveau mode
d’alimentation (environ €1.250 par an ou €0,25 pour 100
litres de lait), on obtient le résultat suivant:
On peut en conclure que la recherche d’un type d’exploi-
tation plus autonome peut permettre de réaliser des éco-
nomies, tout en évitant l’utilisation de composants sus-
ceptibles de contenir des OGM. Mais un savoir-faire et une
expérience sont nécessaires pour aboutir à cette exploita-
tion autonome. Le principal effort que l’éleveur doit four-
nir se situe au niveau des soins, des connaissances et du
Trèfle frais: €50 par tonne MS* €600 par ha
Trèfle ensilé: €100 par tonne MS* €1.200 par ha
Culture précédente et répétée: €75 par tonne MS* €187,5 par ha
Maïs fourrager: €70 par tonne MS* €1.050 par ha
Grains ensilés: €70 par tonne MS* €750 par ha
Farine de maïs: €125 par tonne MS* €1.000 par ha
Coût fourrage hors exploitation (à acquérir):
Foin de prairie: €60 par tonne
Pulpe pressée: €100 par tonne MS*
Drêche: €125 par tonne MS*
Graines de lin: €400 par tonne
Coût total fourrage produit dans l’exploitation:
16 ha de trèfle frais: €9.600,00
14 ha de trèfle ensilé: €16.800,00
10 ha de culture précédente & répétée: €1.875,00
3 ha de maïs fourrager: €3.150,00
5 ha de grains ensilés: €3.750,00
2 ha de grains de maïs: €2.000,00
€37.175,00
Coût total fourrage hors exploitation:
20.000 kg MS* de drêche: €2.500,00
25.000 kg MS* de pulpe de betterave: €3.125,00
30.000 kg MS* foin de prairie: €1.800,00
4.000 kg de graines de lin: €1.600,00
Vit/min: €1.000,00
€10.025,00
€47.200,00 coût total de l’alimentation
€9,44 pour 100 litres
dont €2,01 pour 100 litres/fourrage externe à l’exploitation
€7,43 pour 100 litres/fourrage produit par l’exploitation
Coût fourrage produit Coûts de Coûts du traitement
dans l’exploitation production & de la culture
Prix en €/100 litres
Conventionnel Non-OGM Différence
Fourrage propre à l’exploitation 8,28 7,43 0,85Fourrage hors exploitation 4,84 2,01 2,83Coût total du fourrage 13,12 9,44 3,68Coûts/Revenus
Vente surplus fourrage 0,63 0 -0,63Prime supplémentaire (5 ans) 0 0,4 0,4Acquisition des connaissances 0 -0,25 -0,25
Avantage net du type d’exploitation optimal: €3,25/100 litres
ou €0,0325/litre
21lait respectueux de l’environnement production de lait sans ogm: durable et peu onéreuse
xı Utilisation et efficacité de l’azote dans les élevages laitiers flamands, Stedula, 2004.
Ce plan de culture permet de produire efficacement du lait
à coût réduit et, moyennant une attention nécessaire pour
l’équilibre des rations, avec des effets réduits de l’azote
sur l’environnement. Enfin, cette stratégie développée,
qui évite tout recours aux ingrédients OGM, offre une
plus-value intéressante pour l’ensemble de la société.
savoir-faire, ce qui peut représenter un important défi
pour les éleveurs actuels. Pourtant, il existe déjà en Flan-
dre des éleveurs qui appliquent cette méthode avec grand
succès économique et beaucoup de plaisir d’entreprendre
(voir interview p 19).
Plus-value sociale
Le plan de culture proposé offre des avantages non seule-
ment pour les éleveurs, mais aussi pour l’ensemble de la
société.
La capacité du trèfle à fixer l’azote augmente considéra-
blement l’efficacité de ce dernier. Le trèfle ne fixe que l’a-
zote nécessaire. En cas de surplus d’azote, le trèfle dispa-
raît. Des études ont révélé que les engrais chimiques et les
aliments concentrés sont les principaux responsables de la
faible efficacité des minéraux xı. Le fait de supprimer ces
éléments permet de rétablir favorablement l’équilibre en
minéraux de tout l’élevage de bovins laitiers.
Le trèfle possède un important potentiel pour l’améliora-
tion de la fertilité du sol. Le taux de matières organiques
du sol augmente grâce au trèfle, ce qui permet de stocker
du carbone dans le sol, ce qui n’est pas le cas avec la
monoculture du maïs. Le trèfle transfère le carbone de
l’atmosphère dans le sol et prévient ainsi l’effet de serre.
La réduction des matières organiques dans le sol dans le
cadre de la monoculture du maïs produit le résultat
contraire.
Le trèfle ne doit pas être aspergé d’herbicides de prairie.
Le semis d’automne ou le semis sous couvert de plante
abris limite la prolifération des mauvaises herbes et après
le fauchage, pratiquement toutes les mauvaises herbes
sont éliminées. Comme le maïs — traditionnellement cul-
tivé avec beaucoup d’herbicides — est supprimé, l’utilisa-
tion totale de pesticides diminue considérablement aussi
dans l’élevage laitier.
Les grandes monocultures de maïs ne sont pas esthétiques
et perturbent le paysage. Cette critique disparaît avec le
passage au trèfle. L’herbe reste verte, mais elle se colore
au fil des saisons grâce aux fleurs rouges et blanches du
trèfle. En outre, des céréales respectueuses du paysage
resurgissent dans les zones d’élevage du bétail laitier où
les bêtes sont nourries au trèfle.
Le trèfle a la capacité de fixer l’azote
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Conclusion
Ce rapport démontre clairement que l’industrie laitière
peut facilement éviter les OGM. A court terme, le soja
transgénique peut être remplacé par du soja (certifié)
non-OGM*. Si toute l’exploitation laitière décide de ne
pas utiliser d’OGM, elle peut le faire pour un très léger
surcoût allant de €0,001 à €0,0029 par litre de lait pro-
duit. Si deux filières (OGM et non-OGM*) séparées sont
mises en place, on arrive à un surcoût allant de €0,027 à
€0,048 par litre de lait. Il est évident que le surcoût est le
plus faible lorsqu’on évite de produire du lait au moyen
de deux filières séparées. Il s’agit là d’un argument sup-
plémentaire en faveur d’une Belgique et d’une Europe
exemptes d’OGM, où une production alimentaire de qua-
lité, respectueuse de l’homme et de l’environnement,
occupe une place centrale.
Ce rapport pose quelques questions relatives à la dépen-
dance du secteur du fourrage à la production étrangère de
soja. La production de soja à grande échelle, destinée au
marché de l’exportation, induit d’importants problèmes
sociaux, environnementaux et économiques dans les pays
où il est cultivé.
La seule solution durable consiste donc à nous libérer de
cette dépendance au soja pour les rations de notre bétail.
Pour les vaches laitières, une alimentation à base de trè-
fle offre des perspectives fantastiques: elle est moins
chère pour l’éleveur, meilleure pour l’environnement et
pour la vache. Une telle alimentation est payante à tous
les niveaux. Et l’avantage pour le fermier est substantiel:
€3,25 pour 100 litres de lait produit.
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23lait respectueux de l’environnement production de lait sans ogm: durable et peu onéreuse
Glossaire
OGM: Organisme génétiquement modifié. Un OGM est un organisme dont le matériel
génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par
multiplication et/ou par recombinaison naturelle.
Non-OGM: Sans OGM. La législation européenne autorise une contamination de 0,9%
dans un produit non-OGM, si cette contamination est fortuite et inévitable.
MS: Matière sèche.
PB: Protéine brute.
PDI: Protéine digestible dans l’intestin.
Cigarant: Pulpe après extraction de l’inuline de la chicorée.
| Chaussée de Haecht 159 — 1030 Bruxelles — www.greenpeace.be — 02 274 02 00
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