L’accès à l’information et les rapports internes d’enquête
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Présentation par Me Sylvie F. Lévesque, avocate
L’accès à l’informationet les rapports internes d’enquête
CONGRÈS ANNUELde la Fédération québécoise des municipalités
Québec, le 26 septembre 2014
La présentation traitera de décisions de la Commission d’accès à l’information et de jugements de la Cour du Québec rendus au cours des cinq (5) dernières années, ayant statué sur l’accessibilité, en tout ou en partie, de rapports d’enquête ayant notamment été rédigés dans le cadre de plaintes de harcèlement psychologique.
Notre sélection repose principalement sur des décisions et jugements rendus dans le secteur public, en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, RLRQ c. A-2.1.
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Introduction
Seront abordés les sujets suivants :
Détention du rapport d’enquête – détention physique et juridique; Inopposabilité d’un engagement de confidentialité Auteur du rapport d’enquête – secret professionnel ? Caractéristique du demandeur en accès – plaignant, victime,
personne visée par l’enquête vs tiers Restrictions d’accès potentiellement applicables
• Avis juridique (art. 31)• Analyse (art. 32 et 39)• Avis ou recommandations (art. 37 et 86.1)• Renseignements personnels (art. 53, 54)• Nuire sérieusement (art. 88)• Caractère d’ébauches, de brouillons, de notes préparatoires (art. 9 (2))• Substance du document à caractère personnel (art. 14)
Compétence de la Commission d’accès à l’information
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1. Détention du rapport d’enquête – détention physique et juridique :
1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers.
Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre.
1982, c. 30, a. 1.
Ce n’est pas parce que la municipalité ne détient pas physiquement
un rapport d’enquête qu’il n’est pas détenu juridiquement.
Un document est détenu par la municipalité même s’il n’est pas déposé aux archives municipales.
Un document est détenu par la municipalité même s’il n’a pas été déposé à une séance du conseil.
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2. Inopposabilité d’un engagement de confidentialité :
168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi
générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins
que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la
présente loi.
1982, c. 30, a. 168.
La Loi sur l’accès est une loi d’ordre public, qui a préséance sur toute
autre loi, à moins d’une disposition expresse à l’effet contraire.
On ne peut faire échec aux prescriptions de la Loi sur l’accès
contractuellement.
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Un engagement de confidentialité de l’enquêteur envers les
personnes rencontrées dans le cadre de son enquête n’a donc pas
d’effets juridiques dans le cadre du traitement d’une demande
d’accès :
M.P. c. Gatineau (Ville de), 2013 QCCAI 53 (appel pendant : C.Q. Gatineau, 550-80-002812-135), par. 64;
M.D. c. Cégep A, 2013 QCCAI 4, par. 60; N.R. c. Université A, 2010 QCCAI 48 (appel pendant : C.Q. Québec, 200-
80-004051-106), par. 24.
Cependant, l’existence d’un tel engagement de confidentialité peut
être prise en compte dans l’évaluation des restrictions d’accès
(notamment de l’article 88) :
Z.E. c. Université de Montréal, 2014 QCCAI 110 (appel pendant : C.Q. Montréal, 500-80-028699-149), par. 57 et 65.
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3. Auteur du rapport d’enquête – secret professionnel ?
Article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c. C-12 :
9. Chacun a droit au respect du secret professionnel.
Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu'ils n'y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi.
Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret professionnel. 1975, c. 6, a. 9.
Voir également l’article 60.4 du Code des professions, RLRQ c. C-26.
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Si le mandat d’enquêter est confié à un professionnel visé par le Code de professions, le rapport qu’il rédige et produit pour le compte de l’organisme public pourrait être couvert par le secret professionnel et donc, inaccessible en accès.
Cette prétention fait cependant l’objet de jugements contradictoires et d’une contestation encore pendante devant les tribunaux supérieurs.
M.P. c. Gatineau (Ville de), 2013 QCCAI 53 (appel pendant : C.Q. Gatineau, 550-80-002812-135) – conseiller en relations industrielles agréé (CRIA);
E.R. c. Gauthier, 2013 QCCAI 284 (appel pendant : C.Q. Montréal, 500-80-026980-137) – psychothérapeute détenteur d’un permis délivré par l’Ordre des psychologues;
N.P. c. Gatineau (Ville de), 2012 QCCAI 249 – conseiller en relations industrielles agréé (CRIA);
B.K. c. Organisme A, 2011 QCCAI 273 et Z.E. c. Université de Montréal, 2014 QCCAI 110 (appel pendant : C.Q. Montréal, 500-80-028699-149) – avocat.
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4. Caractéristique du demandeur en accès – plaignant, victime, personne visée par l’enquête vs tiers :
9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public.
(…)
1982, c. 30, a. 9.
83. Toute personne a le droit d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement personnel la concernant.
Elle a le droit de recevoir communication de tout renseignement personnel la concernant.
Toutefois, un mineur de moins de 14 ans n'a pas le droit d'être informé de l'existence ni de recevoir communication d'un renseignement personnel de nature médicale ou sociale le concernant, contenu dans le dossier constitué
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constitué par l'établissement de santé ou de services sociaux visé au deuxième alinéa de l'article 7.
1982, c. 30, a. 83; 1987, c. 68, a. 6; 1990, c. 57, a. 21; 1992, c. 21, a. 74; 2006, c. 22, a. 110.
Une demande d’accès ne sera pas traitée de la même façon, si elle
émane du plaignant, de la victime, de la personne visée par l’enquête
par rapport à un tiers au rapport.
Y.M. c. CSSS de la Vieille-Capitale, 2013 QCCAI 347 – tiers désirant une copie d’un rapport portant sur le climat de violence et de harcèlement dans un CLSC.
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5. Restrictions d’accès potentiellement applicables :
a. Avis juridique (art. 31)
31. Un organisme public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l'application du droit à un cas particulier ou sur la constitutionnalité ou la validité d'un texte législatif ou réglementaire, d'une version préliminaire ou d'un projet de texte législatif ou réglementaire.
1982, c. 30, a. 31. Z.E. c. Université de Montréal, 2014 CQQAI 110 (appel pendant : C.Q.
Montréal, 500-80-028699-149);
N.R. c. Université A, 2010 QCCAI 48 (appel pendant : C.Q. Québec, 200-80-004051-106).
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b. Analyse (art. 32 et 39)
32. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire.
1982, c. 30, a. 32.
39. Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse produite à l'occasion d'une recommandation faite dans le cadre d'un processus décisionnel en cours, jusqu'à ce que la recommandation ait fait l'objet d'une décision ou, en l'absence de décision, qu'une période de cinq ans se soit écoulée depuis la date où l'analyse a été faite.
1982, c. 30, a. 39.
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A.B. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2014 QCCAI 25 – application de l’article 39 à la section analyse – au moment de la demande, aucune décision n’était encore prise quant à la plainte;
J.G. c. Québec (Ville de), 2014 QCCAI 5 (appel pendant : C.Q. Québec, 200-80-006529-141) – application de l’article 32 quant aux analyses – le demandeur avait demandé à son syndicat de déposer un grief de façon contemporaine à sa demande d’accès;
M.P. c. Gatineau (Ville de), 2013 QCCAI 53 (appel pendant : C.Q. Gatineau 550-80-002812-135) – non application des articles 32 et 39 – demande d’accès antérieure au grief et décision relative à la plainte prise au jour de la demande d’accès du plaignant demandeur.
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37. Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une
recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un
membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un
membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs
fonctions.
Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation
qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un
consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence.
1982, c. 30, a. 37.
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c. Avis ou recommandations (art. 37 et 86.1)
86.1 Un organisme public peut refuser de donner communication à une
personne d'un renseignement personnel la concernant, lorsque ce
renseignement est contenu dans un avis ou une recommandation fait par un
de ses membres ou un membre de son personnel, un membre d'un autre
organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans
l'exercice de leurs fonctions, ou fait à la demande de l'organisme par un
consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence et que
l'organisme n'a pas rendu sa décision finale sur la matière faisant l'objet de
cet avis ou de cette recommandation.
1990, c. 57, a. 23; 2006, c. 22, a. 110.
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A.B. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2014 QCCAI 25 – application de l’article 37 à la section « conclusion et recommandations » du rapport;
M.P. c. Gatineau (Ville de), 2013 QCCAI 53 (appel pendant : C.Q. Gatineau 550-80-002812-135) – article 37 inapplicable en raison de l’article 86.1 – l’avis concernant le demandeur plaignant a déjà fait l’objet d’une décision;
B.K. c. Organisme A, 2011 QCCAI 273 – application de l’article 37 aux avis et recommandations de l’enquêteur.
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53. Les renseignements personnels sont confidentiels sauf dans les cas
suivants:
1° la personne concernée par ces renseignements consent à leur divulgation; si cette personne est mineure, le consentement peut également être donné par le titulaire de l'autorité parentale;
2° ils portent sur un renseignement obtenu par un organisme public dans l'exercice d'une fonction juridictionnelle; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion.
1982, c. 30, a. 53; 1985, c. 30, a. 3; 1989, c. 54, a. 150; 1990, c. 57, a. 11;
2006, c. 22, a. 29.
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d. Renseignements personnels (art. 53, 54)
54. Dans un document, sont personnels les renseignements qui concernent
une personne physique et permettent de l'identifier.
1982, c. 30, a. 54; 2006, c. 22, a. 110.
Décisions où l’identité (et les renseignements les caractérisant, le cas
échéant) des témoins rencontrés dans le cadre d’une enquête
concernant le demandeur, à titre de plaignant ou de personne visée
par la plainte, a été masquée, mais leurs versions communiquées :
J.G. c. Québec (Ville de), 2014 QCCAI 5 (appel pendant : C.Q. Québec, 200-80-006529-141).
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M.P. c. Gatineau (Ville de), 2013 QCCAI 53 (appel pendant : C.Q. Gatineau, 550-80-002812-135);
M.D. c. Cégep A, 2013 QCCAI 4;
N.R. c. Université A, 2010 QCCAI 48 (appel pendant : C.Q. Québec, 200-80-004051-106).
Application des articles 53 et 54 aux déclarations de témoins qui
décrivent leur perception face à certaines situations ou leurs
commentaires personnels concernant l’organisme (sans viser le
demandeur) :
Z.E. c. Université de Montréal, 2014 QCCAI 110 (appel pendant : C.Q. Montréal, 500-80-028699-149).
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88. Sauf dans le cas prévu par le paragraphe 4° de l'article 59, un
organisme public doit refuser de donner communication à une personne
d'un renseignement personnel la concernant lorsque sa divulgation
révélerait vraisemblablement un renseignement personnel concernant
une autre personne physique ou l'existence d'un tel renseignement
et que cette divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à
cette autre personne, à moins que cette dernière n'y consente par écrit.
1982, c. 30, a. 88; 2006, c. 22, a. 59.
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e. Nuire sérieusement (art. 88)
Z.E. c. Université de Montréal, 2014 QCCAI 110 (appel pendant : C.Q. Montréal, 500-80-028699-149) – application de l’article 88 – jugement personnel porté particulièrement à l’égard du demandeur;
M.D. c. Cégep A, 2013 QCCAI 4 – article 88 applicable à l’égard du plaignant – crainte de représailles – article 88 inapplicable à l’égard des témoins – crainte d’une détérioration du climat de travail insuffisante;
N.P. c. Gatineau (Ville de), 2012 QCCAI 249 – application de l’article 88 – nombre restreints de personnes impliquées dans le conflit – toujours à l’emploi de la Ville.
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9. Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux
documents d'un organisme public.
Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un
document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes
préparatoires ou autres documents de même nature.
1982, c. 30, a. 9.
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f. Caractère d’ébauches, de brouillons, de notes préparatoires(art. 9 (2))
14. Un organisme public ne peut refuser l'accès à un document pour le seul
motif que ce document comporte certains renseignements qu'il doit ou peut
refuser de communiquer en vertu de la présente loi.
Si une demande porte sur un document comportant de tels renseignements,
l'organisme public peut en refuser l'accès si ces renseignements en forment
la substance. Dans les autres cas, l'organisme public doit donner accès au
document demandé après en avoir extrait uniquement les renseignements
auxquels l'accès n'est pas autorisé.
1982, c. 30, a. 14.
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g. Substance du document à caractère personnel (art. 14)
6. Compétence de la Commission d’accès à l’information :
134.2. La Commission a pour fonction de décider, à l'exclusion de tout autre
tribunal, des demandes de révision faites en vertu de la présente loi et des
demandes d'examen de mésententes faites en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (chapitre P-39.1).
2006, c. 22, a. 89.
Il y a actuellement un débat de compétence à l’égard de demandes de
révision à la Commission d’accès à l’information visant des documents
relevant des relations du travail dans l’organisme public ou privé.
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La Commission revendique une compétence exclusive alors que
les tribunaux ont notamment jugé qu’une demande de révision
visant l’obtention d’un rapport d’enquête suite à une plainte de
harcèlement psychologique relève plutôt d’un arbitre de griefs.
Commission d’accès à l’information c. Cour du Québec, 2014 QCCS 2460, requête pour permission d’appel à la Cour d’appel accueillie : 2014 QCCA 1610, le 5 septembre 2014;
A.B. c. Commission des normes du travail, 2014 QCCAI 136.
Deveau, Bourgeois, Gagné, Hébert & associés, s.e.n.c.r.l.
Merci
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