La vie à Toulouse sous Louis XIV

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LA VIE À TOULOUSE SOUS LOUIS XIV Jacques Arlet

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Le 14 octobre 1659, Louis XIV entre à Toulouse par la portede L’Isle, dans le quartier Saint-Cyprien, et comme l’ont faitses aïeux, jure devant les huit capitouls de respecter les privilègeséternels de la ville.Le roi est en chemin pour Saint-Jean-de-Luz où il va épouserl’Infante d’Espagne. Il séjourne plusieurs semaines à Toulouseet découvre l’une des plus grandes villes de son royaume.Comme dans ses ouvrages précédents, Jacques Arlet abordeles grands thèmes qui font le quotidien de Toulouse sous lerègne de Louis XIV : le pouvoir, la justice, la religion, l’enseignement,le commerce, les arts… ; les grands événements etla petite histoire. L’ensemble compose un tableau vivant decette période phare de l’histoire de France et de l’influencedu règne du Roi Soleil sur l’ancienne capitale du Languedoc.

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LA VIE À TOULOUSESOUS LOUIS XIV

Jacques Arlet

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Publié avec le concours de la Région Midi-Pyrénées.

Achevé d’imprimer sur les presses de GN Impressionsà Villematier (Haute-Garonne)

en juin 2012

Dépôt légal2e trimestre 2012

ISBN 978-2-86266-671-6

© Nouvelles Éditions Loubatières, 201210 bis, bd de l’Europe – BP 50014

31122 Portet-sur-Garonne

www.loubatieres.fr

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AvAnt propos

Quand on parle de Louis XIV on évoque le Grand Siècle, mais on oublie que le grand roi ne régna que pendant la deuxième moitié du XVIIe siècle et que son règne empiéta notablement sur le XVIIIe siècle.

Si l’éclat du personnage et de son règne domina le XVIIe siècle, il n’y a pas eu rupture, mais plutôt continuité entre son règne et celui de son père, où la France moderne et centralisatrice naissait dans la douleur et l’affrontement avec les nobles condamnés à terme à abandonner leur puissance et leur impunité. Richelieu et Louis XIV, même combat !

Affrontement aussi entre le pouvoir central et les états, rattachés au roi de France au cours des siècles, mais jaloux de ce qui leur restait d’autonomie, comme les états du Languedoc.

Il n’y a pas non plus rupture, mais plutôt continuité dans l’évolution des idées, des mœurs, des modes artistiques et culturelles entre les deux moitiés du XVIIe siècle. C’est vrai pour la France entière, c’est vrai pour les états du Languedoc et leur capitale Toulouse.

C’est pourquoi, tout en centrant notre propos sur les soixante-trois ans de règne du Roi soleil, nous ne pouvons pas laisser de côté les décennies précédentes qui, à Toulouse en particulier, ont modelé la ville, ses institutions, ses façons de vivre, ses équilibres de classes, ses orientations culturelles.

Toujours en ce qui concerne Toulouse, je voudrais proposer une deuxième réflexion.

Certains historiens ont estimé que le Grand Siècle n’avait eu aucune réalité à Toulouse, que tout au long du XVIIe siècle Toulouse avait été une ville tombeau, sans expansion démographique, et que deux grandes épidémies de peste avaient affaiblie durablement… Ramet parlait de décadence, en particulier en ce qui concerne l’enseignement, Bennassar et Tollon de stagnation, par exemple dans le domaine écono-mique. Récemment Taillefer parle de l’assoupissement d’un long siècle. On ne parle pas encore de grand village, mais c’est tout comme. En

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caricaturant un peu, on pourrait penser qu’entre le pastel et l’Airbus il n’y a rien eu d’intéressant à Toulouse.

Les statistiques démographiques sont difficiles à analyser pour une époque où les recensements n’étaient qu’approximatifs. J’y reviendrai.

L’université toulousaine (et la montpelliéraine aussi) du XVIIe siècle avait besoin d’être un peu secouée, Louis XIV en fit analyser les raisons et demanda qu’on veuille bien y remédier, ce qui fut fait en partie. Mais on oublie qu’au XVIIe siècle à Toulouse il y eut une formidable expansion de l’enseignement primaire et secondaire.

On ne vendait plus de pastel, mais on a continué à vendre de la farine de blé à l’Europe ; et Toulouse était, de fait, une place commer-ciale incontournable, en particulier pour les échanges avec l’Espagne.

La peinture et la sculpture ont connu à Toulouse, au XVIIe siècle, une grande période de réussite, avec de nombreux artistes de talent. On a parlé à juste titre du Siècle d’or de la peinture toulousaine.

Enfin, il y eut le canal royal du Languedoc. Le plus grand chantier du XVIIe siècle en France. Une grande réussite réalisée en quatorze ans !

Alors, je trouve ces mots, décadence, stagnation, assoupissement, trop lourds, trop schématiques, et surtout réducteurs pour les Toulousains du XVIIe siècle qui n’étaient, je le pense, ni moins courageux ni moins créatifs, ni moins artistes que ceux d’aujourd’hui !

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vue du pont

Avant de sauter le pont, comme on dit ici, le pont Neuf bien entendu – d’ailleurs il n’y en a plus qu’un – je suis une fois de plus émerveillé par l’aimable ordonnance du jardin des Bénédictins de la Daurade, en bord de Garonne 1. Je m’y promène avec l’un d’entre eux : c’est un spécialiste d’Eu-sèbe de Césarée, le premier historien de la toute jeune Église chrétienne et il est tellement content de m’en parler et tellement intéressant que je vis au troisième siècle après le Christ ! Nous nous sommes assis sur une banquette. C’est une fin de journée d’automne, le vent est tombé, on entend virevolter les martinets et couler doucement la Garonne qui fait bouger le reflet des murs de l’Hôtel-Dieu Saint-Jacques, l’hôpital du bout du pont.

Le moment et l’endroit sont magiques !À gauche, le pont Neuf en majesté ; il est désormais prêt à résister à tous

les débordements, tout en gardant une véritable élégance dont témoigne sa jolie porte à deux tours, sur le faubourg, en forme d’arc de triomphe. C’est un des plus beaux ponts qui soient en France.

En face, le haut et puissant mur de l’Hôtel-Dieu Saint-Jacques et en aval de la demi-lune du port Saint-Cyprien, la tour Taillefer, ronde du côté Garonne, puissant bâtiment défensif ; elle est là depuis François Ier et sur elle s’appuient les murs qui protègent le faubourg Saint-Cyprien.

Plus à droite encore, le gué du Bazacle, longue et large chaussée de terre 2 qui maîtrise le fleuve et permet d’activer trente-deux meules dans les moulins du Bazacle, les plus importants d’Europe.

À gauche, en amont du pont Neuf, l’île de Tounis entre Garonne et Garonnette et à son extrémité sud, les moulins du Château, bâtis sur un pont à sept arches qui croise la Garonnette, alimentée par le bras supérieur de la Garonne maîtrisée par une chaussée qui joint l’île du Ramier à l’île de Tounis.

1. Ce jardin borde le fleuve – il n’y a pas encore de quai – et il aurait été construit sur pilotis.

2. Elle est constituée de «  pieux de chêne supportant des clayonnages garnis d’argile compactée » (Michel Taillefer).

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Sur le fleuve glissent de longues gabarres poussées ou tirées par des rameurs qui chantent dans la langue d’oc !

Mon ami s’est arrêté de parler d’Eusèbe pour parcourir des yeux ce merveilleux panorama. Je lui ai dit que j’étais venu le voir pour que nous parlions du présent et surtout de « ces vingt millions de Français qui sans doute sont plus dignes d’intérêt que le monarque trop encensé qui tente de les faire obéir 3 ». Mon ami est un sage, il est loin de Paris, il parle au moins quatre langues, la langue d’oc, le français, le latin bien entendu et l’hébreu. J’ai beaucoup de questions à lui poser.

Les chrétiens d’aujourd’hui sont-ils plus chrétiens que ceux du temps de Louis XIII ? Nous sommes en 1660. Que faire contre la misère ? Notre roi, Louis XIV, est-il un bon chrétien ?

Il vient de se marier à Saint-Jean-de-Luz après avoir passé plusieurs semaines à Toulouse.

Mais parlons de ce séjour.

3. C’est une phrase que j’ai empruntée au très bon livre de Pierre Goubert.

Monastère des Bénédictins de la Daurade.

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Le roi à touLouse

« Année de la Rédemption 1659. En cette ville le roi Louis quatorzième arriva devant les murailles de cette cité et d’abord, avant de franchir le seuil de la porte, il jure comme ont fait ses aïeux de respecter les privilèges éternels de la ville au milieu des applaudissements de toute la cité. Les huit capitouls… le reçoivent, joyeux que les lauriers de la guerre soient enlevés de son front et qu’ils soient remplacés par les oliviers désirés d’une longue paix 4… »

C’est ainsi qu’est gravé dans le marbre 5 le début de la longue visite que le roi fit à Toulouse peu de temps avant son mariage avec l’infante Marie-Thérèse d’Espagne.

C’était un coup de maître de Mazarin : faire enfin la paix avec le plus puissant pays d’Europe, l’Espagne, contre lequel nous nous battions depuis des décennies avec des fortunes diverses. Cependant les derniers affrontements s’étaient bien terminés. En 1643, les troupes espagnoles de Flandre avaient attaqué les Français, espérant profiter de la minorité de Louis XIV, mais le duc d’Enghien – il n’était pas encore le Grand Condé – les avait battues à Rocroi. En 1658, à son tour, Turenne écrasait les troupes espagnoles à la bataille des Dunes, libérant ainsi Dunkerque.

De ces deux succès Mazarin sut profiter pour faire, du même coup, la paix et le mariage. Les pourparlers se poursuivaient entre nos deux pays, dans l’île des Faisans, sur la Bidassoa.

Je reviens à Toulouse où, le 14 octobre 1659, à 4 heures de l’après-midi, le cortège royal arriva à la porte de L’Isle (ou de l’Isle-Jourdain, elle ouvrait sur la rue Réclusane) une des deux portes du faubourg Saint-Cyprien.

4. Le traité des Pyrénées entre la France et l’Espagne fut signé le 7 novembre 1659 sur l’île des Faisans, au milieu du fleuve côtier Bidassoa qui marque la fron-tière entre les deux royaumes.

5. Cette plaque de marbre est apposée sur la façade du n° 10 place du pont Neuf.

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Le roi avait quitté Bordeaux le 6 octobre, par bateau jusqu’à Cadillac. De là, le cortège avait rejoint Toulouse par terre, après s’être arrêté à Nérac, où il avait couché dans le château de son grand-père.

Les capitouls l’attendaient à la porte de L’Isle. On avait prévu la petite cérémonie rituelle ; on ne rentre pas à Toulouse comme ça, sans référence au passé, même si l’on est roi !

Donc, selon le récit transcrit dans les Annales de la Ville, Anne de Ferrières, le capitoul qui présidait le Consistoire, fit le discours de bien-venue, assurant le roi de la fidélité et de l’obéissance des Toulousains à son égard, et le supplia de jurer « sur la croix figurée de Notre Seigneur » de garder la ville « dans ses droits, exemptions et privilèges ». Louis XIV lui aurait demandé si son père, Louis XIII, avait fait de même en 1622. Ferrières le lui affirma en lui tendant le livre des Évangiles, sur lequel le roi posa la main et fit le serment solennel 6.

Le roi s’installa dans l’archevêché, aujourd’hui la préfécture, avec la reine mère, Anne d’Autriche et sa belle-sœur, la duchesse d’Orléans, mais les princesses de sa suite, en particulier sa cousine germaine la duchesse de Montpensier, la Grande Mademoiselle, furent logées à l’hôtel Le Masuyer, rue de la Dalbade. On avait fait quelques aména-gements pour recevoir le roi. Il avait l’air content, il disait que c’était son Petit Louvre. Il y reçut d’abord les députés des états du Languedoc qui terminaient leur session annuelle. Il avait prévu d’être là pour cela !

Comme chacun le sait, les décisions les plus importantes et les plus rudes à prendre, pendant cette session, concernent les impôts, et en particulier la contribution de la province au trésor royal 7. Les états provinciaux, ceux du Languedoc en particulier, comportaient des dépu-tés des trois ordres (clergé, noblesse et tiers état). Ils étaient réunis depuis le 1er octobre au couvent des Augustins. Cela ne s’était pas très bien passé, car les représentants du roi avaient menacé de supprimer

6. Une miniature, reproduite en couverture du présent ouvrage, signée Antoine Durand, peintre de la ville représente la scène excellemment : les capitouls sont à genoux, Louis XIV à la fenêtre du carrosse entre sa mère et son frère, et les chevaux sont en train de passer la porte. Les huit capitouls sont Arnaud de Redon, Nicolas Rabaudy, Jean Olivier, Salomon de Gallien, Jean d’Albo, Barthélemy Charlary, François Dujarric et Anne de Ferrières.

7. Dans les pays d’État, cette contribution faisait en effet l’objet de discussion, c’était un privilège, tandis qu’ailleurs le pouvoir central imposait son chiffre et on ne discutait pas.

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Le roi à Toulouse

leur privilège de négocier le montant de l’impôt ! « Cette proposition assomma si fort les esprits de l’assemblée, que ceux qui la composaient furent sans voix et sans paroles. » On ne peut mieux dire le scandale. La discussion reprit quand même et après de longs palabres on s’entendit pour un don gratuit de trois millions de livres. Somme considérable, le double de l’année précédente !

Donc le roi reçut les députés des états du Languedoc, dès le 16 octobre. Le président des états, l’archevêque de Narbonne, vanta les mérites guerriers du roi : « L’éclat de votre nom a rempli l’Escurial d’épouvante. » Il s’appelait François Fouquet, était le frère du financier et maniait la brosse à reluire avec une certaine lourdeur. Le 18 octobre, le roi reçut les capitouls. Anne de Ferrières dans son discours mit en avant le rôle pacificateur du roi et les bienfaits de la paix : « Cette paix que votre bonté nous donne est d’autant plus agréable qu’elle sera d’éternelle durée puisque c’est la première production de cet heureux mariage que votre majesté contracte. » Paix certes et tant attendue, mais paix éternelle ? On peut rêver.

Miniature d’Antoine Durand. Entrée de Louis XIV à Toulouse (archives municipales de Toulouse).

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Le roi reçut aussi les gens ordinaires dans son palais-archevêché, faisant participer le peuple à ses divertissements. Et il sortait, allant visiter les églises et les monastères, et acceptait des invitations. On le vit même plusieurs fois au Logis de l’écu, allant voir une comédie ou un ballet. Jacques Poumarède pense que Lulli suivait et avait donné là, devant le roi, un ballet mascarade dont on a conservé l’ouverture. Le prince y assista aussi à une comédie présentée par les élèves des Jésuites intitulée Le Siècle d’or mis en liberté par la Paix que le Roy a donnée à la France. Il ne semble pas que Molière soit passé à Toulouse quand le roi y était.

Louis XIV dut trouver Toulouse à son goût car il y resta deux mois et demi avec sa suite qui comprenait sa garde rapprochée, une petite armée de mousquetaires et de gardes suisses et écossais. Il avait fallu les caser et cela n’avait pas été chose facile car les capitouls ne dispo-saient pas de casernement. On avait cru bien faire en les logeant dans la ville ou les faubourgs, pensant qu’ils se tiendraient mieux du fait de la proximité du roi et des autorités locales. Hélas ! Il n’en fut rien. « Les soldats ont fait beaucoup de ravage dans les familles, de ruine aux maisons, de dépenses aux particuliers et de mal aux personnes. » C’est ce qui est écrit dans les Annales. Il y est même dit qu’il fallut en fusiller quelques-uns pour violences commises après boire, dont le meurtre du bourreau, un comble !

Mais cela n’est rien. Alors que le renouvellement des capitouls devait se faire, le 25 novembre, le jour de Sainte-Anne, selon les habitudes, à la suite d’une savante cooptation par étapes, le viguier, officiel repré-sentant du prince, vint annoncer que le roi avait décidé de choisir, sans consultation, les huit prochains capitouls ! Pour la deuxième fois les autorités toulousaines restèrent sans voix et sans parole. Et ça n’est pas tout. Quelques jours plus tard, les capitouls recevaient deux arrêtés du conseil du roi : l’un révoquant l’abonnement des tailles, le second interdisant la levée des droits de l’octroi sans l’autorisation du roi. Le roi avait pourtant juré de respecter les privilèges de la ville. Les nouveaux capitouls envoyèrent une délégation à Mazarin pour se plaindre de ces mauvais traitements. Ils n’obtinrent rien. C’était la consternation : « Serions-nous assez malheureux pour perdre dans la paix, les avantages que nous avions conservés pendant la guerre ? »

Quoi qu’il en soit, les Toulousains avaient compris que ce jeune homme de 21 ans était déjà roi ! Il l’était officiellement depuis sa

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Le roi à Toulouse

majorité et son sacre, il avait alors 16 ans ; il l’était déjà dans son comportement, bien qu’il ait accepté que Mazarin soit son premier ministre, mais on pouvait penser, comme le dira le maréchal de Grammont 8, qu’il « y a en lui de l’étoffe, de quoi faire quatre rois et un honnête homme ».

Ainsi le roi, qui ne s’est pas encore débarrassé de la tutelle du cardi-nal, ne se gêne pas pour manifester sa toute puissance et essayer de grignoter les privilèges locaux, c’est-à-dire l’indépendance relative mais objective de Toulouse à l’égard du pouvoir central. On peut imagi-ner que le plaisir de cette visite, pour les capitouls comme pour les Toulousains, fut un peu mitigé. D’autant qu’elle mit à mal les finances de la municipalité.

Pourtant deux Toulousains étaient vraiment heureux de la visite du roi. Le 22 novembre, passant place du Salin, Louis XIV rencontra un parricide et un voleur de tabernacles qu’on menait au supplice : il leur fit grâce de leur vie.

8. Le maréchal de Grammont fut aussi ambassadeur de France à Madrid pen-dant les pourparlers du mariage.

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Plan de Toulouse par Jouvin de Rochefort de 1679 (musée Paul-Dupuy).

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importAnce de LA viLLe de touLouse Au Xviie siècLe

Toulouse « l’emporte sur toutes les villes de France, excepté Paris, par la population, la richesse, l’abondance des vivres, l’Université et le Parlement… Les places de la ville, longues et de peu de largeur, se distinguent par leur propreté. Les maisons bâties en briques cuites sont spacieuses. Les édifices publics dus à la piété des fidèles sont les églises et les collèges. »

C’est ce qu’écrivit dans son livre Ulysses Belgico-Galllicus, Abraham Golnitz, un Dantzigois en visite à Toulouse en 1630.

C’est peut-être un peu excessif… quant à la propreté des rues… ou alors nous avons bien changé ! Par contre, l’abondance des vivres et celle des églises, l’Université et le Parlement en font, pour beaucoup au XVIIe siècle, la deuxième ville de France.

Voyons ce qu’il en est vraiment et, pour commencer, comment se présente cette ville aux yeux du visiteur et combien y a-t-il de Toulousains sous Louis XIV ?

la ville et ses murs

C’est un endroit idéal pour s’y arrêter et s’y installer. Les Gaulois Tectosages, les Romains, les Wisigoths ne s’y sont pas trompés.

On y domine un fleuve puissant, plein d’énergie, un peu assagi par son coude ; sa rive droite est épargnée par les crues ; sa large plaine en amont et en aval est faite d’une terre limoneuse où tout pousse facilement.

« Cette ville (Toulouse) est la capitale du Languedoc. Elle est une des plus grandes du royaume et a une lieue de circuit. Ses maisons sont bâties de pierres et de briques. Les rues en sont larges et belles. Son ancienneté est telle que l’on ignore son origine. »

C’est ainsi que s’exprime, dans ses mémoires, M. Lamoignon de Basville, qui fut l’intendant du Languedoc.

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La première chose que l’on voit en arrivant ce sont les murs et les tours. Toulouse est entourée de murs, c’est une ville fortifiée. Elle l’était à l’époque gallo-romaine, elle l’est à nouveau depuis le Moyen Âge et ses murs, avec ses tours et ses portes, sont toujours en état sous Louis XIV.

Le premier rempart fut construit à l’époque gallo-romaine ; il entou-rait 90 hectares ; il a été renforcé par les Comtes. Mais il a été démoli après la guerre des Cathares, sur ordre de Simon de Monfort puis du roi de France en 1271 quand il devint maître du comté de Toulouse.

Le deuxième mur a été construit à partir de 1346, avec l’accord du roi Philippe VI, pour se protéger des Anglais. Mais il englobe, cette fois, la ville proprement dite ainsi que le bourg, au nord, et le faubourg Saint-Cyprien à l’ouest, sur la rive gauche, selon un tracé qui suit les allées Charles-de-Fitte actuelles.

Le Bourg, c’était tout le quartier autour de Saint-Sernin et de l’Uni-versité. Il n’était pas protégé par le mur romain qui s’arrêtait au nord au ras de la rue du Taur, à la face nord de la place du Capitole actuelle.

Quant aux faubourgs, ils se développèrent autour des routes qui arri-vaient à Toulouse des quatre coins de l’horizon. Au nord, les faubourgs Arnaud-Bernard et Matabiau, à l’est, le faubourg Saint-Étienne, au sud, le faubourg Saint-Michel et à l’est, sur la rive gauche de la Garonne, le faubourg Saint-Cyprien, le plus important et le plus tôt peuplé, où sont les hôpitaux principaux.

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importance de la ville de toulouse au xviie siècle

« Les frayeurs que causaient les Anglais qui tenaient alors la Guyenne firent prendre des précautions à la ville (…) il est vraisemblable que c’est dans cette occasion que furent élevés les remparts de Saint-Cyprien (…) qui restaient que de terre battue. Néanmoins je crois aussi que les deux tours des portes de Muret (au Fer-à-Cheval) et de l’Isle furent construites en même temps » (Dupuy du Grez, en 1713). Ces remparts de terre arrêtèrent, semble-t-il, le Prince Noir en 1355 : il n’osa pas donner l’assaut et poursuivit jusqu’à Carcassonne dont il brûla la ville basse.

Un vrai et solide rempart en pierres et briques ne sera construit qu’à la fin du XVe siècle et terminé au début du XVIe, à l’instigation de Louis XII. Ces remparts sont présents sur la Vue systématique de la Civitas Tholosa, gravure sur bois, illustrant l’opus de Tholosanorum gestis de Nicolas Bertrand et datée du 14 juillet 1515 (François Ier était roi depuis janvier 1515). On y voit les trois tours qui subsistent aujourd’hui au nord de l’hôpital de la Grave. Par contre celle qui plonge dans la Garonne, la tour Taillefer, n’y est pas : elle a été probablement construite sous François Ier ; c’est la plus importante tour de défense et d’artillerie, avec des murs de briques appareillées de plus de 3 m d’épaisseur.

Mur autour de Saint-Cyprien, gravure de Colignon. En saillie, la tour Taillefer (musée du Vieux-Toulouse).

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LA VIE À TOULOUSESOUS LOUIS XIV

Jacques Arlet

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ISBN 978-2-86266-671-6

25 € 9 782862 666716

Le 14 octobre 1659, Louis XIV entre à Toulouse par la portede L’Isle, dans le quartier Saint-Cyprien, et comme l’ont faitses aïeux, jure devant les huit capitouls de respecter les privi-lèges éternels de la ville.

Le roi est en chemin pour Saint-Jean-de-Luz où il va épouserl’Infante d’Espagne. Il séjourne plusieurs semaines à Toulouseet découvre l’une des plus grandes villes de son royaume.

Comme dans ses ouvrages précédents, Jacques Arlet abordeles grands thèmes qui font le quotidien de Toulouse sous lerègne de Louis XIV : le pouvoir, la justice, la religion, l’ensei-gnement, le commerce, les arts…; les grands événements etla petite histoire. L’ensemble compose un tableau vivant decette période phare de l’histoire de France et de l’influencedu règne du Roi Soleil sur l’ancienne capitale du Languedoc.

Jacques Arlet explore depuis une quinzaine d’années l’histoire deToulouse, à laquelle il a consacré plusieurs ouvrages. Le précédent,La vie à Toulouse dans l’entre-deux-guerres (Loubatières), est paruen 2010.

Annales de la Ville de Toulouse, chronique 331 (1658-1659), Entrée du Roi et de la Reine-Mère. BB280 436i,Archives municipales de Toulouse.