La revitalisation du Quartier Saint-Roch; Analyse d’une expérience locale de mobilisation
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La revitalisation du Quartier Saint-Roch Analyse d’une expérience locale de mobilisation
Analyse présentée par :
Krystel Doucet (E0230406)
Gonel Joseph (E0228243)
Mobilisation des acteurs locaux
ENP-7009
Monsieur Serge Belley
30 avril 2010
Québec
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TABLE DES MATIÈRES Problématique....................................................................................................................... 4
Historique du Quartier Saint-Roch ...................................................................................... 5 Le processus de revitalisation du Quartier Saint-Roch......................................................... 5
Cadre théorique .................................................................................................................... 7 La revitalisation urbaine intégrée (RUI) - ou Approche territoriale intégrée .............................. 8 La gentrification...................................................................................................................................... 8 La mixité sociale ...................................................................................................................................... 8 La participation citoyenne..................................................................................................................... 8 Le capital social ....................................................................................................................................... 9 L’appropriation d’espaces urbains ...................................................................................................... 9
Méthodologie ........................................................................................................................ 9 Hypothèses.......................................................................................................................... 10
Analyse en lien avec le processus de revitalisation ............................................................. 10 Enjeux de la mobilisation..................................................................................................................... 10 Les acteurs impliqués ........................................................................................................................... 11 Les positions des acteurs ...................................................................................................................... 11 Les ressources des acteurs ................................................................................................................... 13 Leurs stratégies ..................................................................................................................................... 15 Financement et reddition de compte.................................................................................................. 16 Leurs effets sur le milieu (réels et attendus) ..................................................................................... 17 Difficultés rencontrées.......................................................................................................................... 19 Exemple de mobilisations locales réussies......................................................................................... 21 Suivi des résultats.................................................................................................................................. 21
Résultats globaux de l’analyse............................................................................................ 22 Qu’est-ce qui amène une mobilisation horizontale?........................................................................ 26 Relations de pouvoir (asymétrie)........................................................................................................ 27 En quoi la mobilisation a créé une valeur ajoutée à la revitalisation du quartier...................... 28
Conclusion.......................................................................................................................... 29 Bibliographie ...................................................................................................................... 30
Annexes .............................................................................................................................. 33 Annexe 1 L’appropriation communautaire...................................................................................... 33 Annexe 2 Le processus de mobilisation locale .................................................................................. 34 Annexe 3 Le logement social et communautaire dans Saint-Roch................................................ 35 Annexe 4 Synthèse de l’entrevue avec Pierre Maheux.................................................................... 37
3
Annexe 5 Synthèse de l’entrevue avec Jean Pearson....................................................................... 38 Annexe 6 Synthèse de l’entrevue avec Éric Boulay ......................................................................... 39 Annexe 7 Synthèse de l’entrevue avec Marcel Landry ................................................................... 41
4
« Une société unie n'est pas une société sans différences, mais une société sans frontières intérieures »
(Olivier Guichard, Un chemin tranquille)
Les décisions et orientations politiques ont toujours suscité une mobilisation des
acteurs concernés par les mesures qui en découlent. Quoiqu’ils ne fassent pas partie de la
sphère décisionnelle, ils ont toujours voulu prendre part à l’élaboration des différentes
politiques, soit par consultation ou par manifestation publique. La revitalisation urbaine peut
être un exemple type de mobilisation. Le Quartier Saint-Roch, bassin de mouvements
populaires, peut être un cas de mobilisation intéressant à observer. L’objectif d’analyser le cas
de la revitalisation du Quartier Saint-Roch consiste à démontrer l’exemple d’une mobilisation
d’acteurs locaux. Sous l’angle de la mobilisation, cette analyse dégagera les avantages et
inconvénients de la présence de plusieurs acteurs dans le processus de revitalisation du
Quartier Saint-Roch.
Problématique
La revitalisation urbaine a fait l’objet d’étude de plusieurs écoles (Morin; 1987, 2).
D’abord, il y a eu l’École de Chicago qui voyait l’espace urbain comme une source de
déséquilibre social. La revitalisation se voyait ainsi très physique, tangible. En opposition à
cette école, un courant, amené par Manuel Castells, a mis l’accent sur les déterminismes
économiques et politiques derrière la revitalisation urbaine, voyant plutôt le phénomène d’une
perspective constructiviste (Castells; 2001). Enfin, l’école néo-marxiste française a émis
l’importance d’apporter des perspectives historiques, économiques et politiques pour analyser
les phénomènes urbains afin d’en dégager les spécificités locales. C’est cette école que nous
privilégierons dans l’analyse de la mobilisation des acteurs locaux dans le Quartier Saint-
Roch. Dans le cadre de notre analyse, nous chercherons à dégager les enjeux et les acteurs
impliqués dans le processus de revitalisation du Quartier Saint-Roch, à travers les positions,
ressources et stratégies des acteurs concernés et des effets sur le milieu.
La revitalisation des quartiers attire l’attention sur la question du pouvoir local,
particulièrement sur le contrôle que les forces sociales, économiques et politiques entraînent
dans la sphère locale. Le Quartier Saint-Roch est particulièrement intéressant à analyser dans
le cadre de la mobilisation des acteurs locaux, car le pouvoir local possède un historique
marquant et une tradition d’action publique citoyenne. D’abord sous le leadership de
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Monseigneur Lavoie, les citoyens ont toujours su s’approprier de leur milieu. Par conséquent,
la revitalisation du Quartier Saint-Roch ne s’est pas faite unilatéralement par le palier
politique, mais a intégré, dans le processus, de multiples acteurs, chacun portant son champ
d’intérêt.
Historique du Quartier Saint-Roch
À l’aube du 20e siècle, le Quartier Saint-Roch fut un quartier très prospère de la Ville
de Québec. Véritable cœur commercial de la Ville, le quartier a su attirer les habitants, par
son architecture, son économie florissante et son dynamisme. Toutefois, après une période de
prospérité, le Quartier Saint-Roch a vécu un déclin économique vers la fin de la Deuxième
Guerre mondiale. En effet, le quartier a connu des difficultés en lien avec l’urbanisation
grandissante de la Ville et la venue des grands centres commerciaux. Ces événements,
conjugués à l’exode croissant des habitants du quartier, la dégradation des infrastructures et le
déclin économique d’après-guerre (Harvey, Nizeyimana; 2007, 11), auront eu pour effet de
mener le quartier à la décrépitude. À partir de ce moment, de multiples tentatives de relance
du quartier auront lieu. Dans les années 1970, on bétonne les berges de la rivière Saint-
Charles, on installe un mail extérieur, on ferme la rue Saint-Joseph aux voitures, on installe un
toit au mail, on tente d’embellir le quartier. Bref, on essaie de redonner souffle à l’ancienne
artère principale de la Ville de Québec. Toutefois, cette « revitalisation » se fait par le haut
avec de grands projets d’infrastructures (autoroute, complexe d’affaires) qui soulèvent
plusieurs mouvements contestataires.
Après plusieurs tentatives de revitalisation, qui ont abouti tantôt en succès, tantôt en
échecs, les élus municipaux et les acteurs sociaux ont décidé d’opter pour une nouvelle
approche (Dambroise; 2006, 3); la rénovation urbaine ne pouvant plus susciter une adhésion
populaire (Mercier; 2000, 249).
Le processus de revitalisation du Quartier Saint-Roch
« C’est les artistes qui ont lancé le bail du concept de revitalisation en s’impliquant dans le quartier, en amenant des projets comme Méduse, en éveillant la population sur la beauté de certains immeubles, comme la Fabrique », Jean Pearson, président
du Conseil de Quartier et Artiste fondateur du Complexe Méduse
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Élu en 1989, le Maire L’Allier décide de faire de la revitalisation du Quartier Saint-
Roch, une de ses priorités. L'enjeu principal de la campagne municipale a d’ailleurs été cristallisé autour du projet de la Grande Place du Quartier Saint-Roch (grand projet d’autoroute qui transcendait le quartier). Ce débat opposait Jean Pelletier et Jean-Paul L’Allier, deux hommes très différents idéologiquement et avec une vision distincte de Saint-Roch. Avec
L’Allier, dorénavant, on écoute la population afin que l’urbanisme de Saint-Roch se dote
d’une plus grande légitimité, « en opposition à l’urbanisme municipal, que l’on accusait de
servir avant tout l’intérêt des promoteurs, des gens d’affaires et des gouvernements »
(Mercier; 2000, 242). Il décide d’y aller avec un plan ambitieux, RevitalisAction, dont le but
premier est de redonner vie au quartier, tout en conservant les acquis du milieu; c’est-à-dire
en travaillant avec ses habitants. Ce point de départ dans la revitalisation de Saint-Roch se
déroule autour de plusieurs axes, mais surtout au niveau de la culture, de l’éducation, de
l’habitation et des nouvelles technologies. C’est ainsi que les locaux vides et les nouveaux
édifices prendront propriétaires avec la venue d’importantes entreprises et institutions, dont
l’ENAP, l’École des arts visuels de l’Université Laval, l’INRS, le complexe Méduse, Ubisoft,
etc. Ces organisations ont été un coup de pouce important à la revitalisation, en plus de
dynamiser le quartier. Mais avant tout, le projet RevitalisAction est articulé autour d’un pivot
principal, le citoyen. Effectivement, la Ville de Québec tente de conjuguer revitalisation et
qualité de vie de la population locale, en encourageant la prise de parole des organismes
communautaires et sociaux, notamment au niveau des tables de concertation sur l’itinérance,
des organismes d’hébergement et d’entraide sociale (Dambroise; 2006, 4). Les premiers
bénéficiaires du projet doivent donc être les citoyens. Cette manière de faire est certes plus
longue, « il n’en demeure pas moins que ces consultations publiques sont commodes pour
affirmer que l’urbanisme québécois est maintenant à l’écoute de la population de Saint-
Roch » (Mercier; 2000, 249). L’ère n’est plus à « faire la ville », mais bien à « faire avec la
ville » (Jacquier; 2005).
Plusieurs initiatives vont découler de ce projet. En premier lieu, le Jardin Saint-Roch
va faire son apparition et va devenir la plaque tournante du projet. De cette décision va en
découler plusieurs autres. Une partie du toit du mail sera retirée en 1998 et des avantages
fiscaux considérables consentis par le Gouvernement du Québec vont attirer plusieurs
entreprises nécessitant un large bassin de main-d'œuvre. L’implantation de plusieurs édifices
gouvernementaux va aussi raviver l’essor économique du quartier. La destruction des
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bretelles de l’autoroute Dufferin va aussi revitaliser le quartier et offrir une meilleure
architecture. Dans son plan Rebâtir la rue Saint-Joseph, la Ville de Québec confirme son
désir d’enlever la dernière partie du toit du mail et souhaite réaménager l’artère principale de
la rue Saint-Joseph. Elle opte pour une consultation publique afin de recueillir les avis de la
population locale. L’objectif de mixité sociale demeure dans les plans de la Ville, tout en
participant au renouveau du quartier. De plus, entre 1992 et 2007, c’est 377 millions de
dollars qui seront investis, par les secteurs public et privé dans la revitalisation, dont 84.4
millions en habitation (Rebâtir la rue Saint-Joseph, bilan de la phase 1; 2007, 9). Le grand
enjeu est de préserver l’équilibre entre l’habitat et les activités économiques.
Malgré les bonnes intentions du Maire L’Allier et des élus municipaux, la
revitalisation du Quartier Saint-Roch a entraîné certains effets néfastes non voulus au sein de
la population locale. En effet, plusieurs réussites découlent du projet RevitalisAction, mais
reste que certains endroits du quartier demeurent précaires et les signes de pauvreté sont
toujours présents. Même si le quartier a connu une hausse de revenu, il reste parmi les plus
défavorisés de la Ville de Québec, avec Saint-Sauveur et Limoilou. En outre, la destruction du
toit du mail, en 1998, a provoqué de vives réactions au sein des couches défavorisées de la
population du quartier, dont les personnes sans domicile fixe. La revitalisation du quartier a
amené des commerces luxueux et des restaurants coûteux, que la majorité des habitants ne
peuvent se payer. La partie du quartier située à l’extérieur de la rue Saint-Joseph, entre la rue
du Pont et de la Couronne, demeure dans un état d’extrême pauvreté à certains endroits. Des
tensions entre deux classes sociales différentes partageant un même quartier sont toujours
présentes. Bref, la revitalisation n’a pas eu que des effets positifs. C’est à se demander si le
« Nouvo Saint-Roch » a troqué la pauvreté pour la bourgeoisie depuis les dernières années. Il
sera ainsi intéressant, au cours des prochaines années, d’observer le tournant que prend ce
« Nouvo Saint-Roch » branché et luxueux.
Cadre théorique Plusieurs concepts seront utilisés afin d’illustrer les impacts de la mobilisation de la
revitalisation du Quartier Saint-Roch.
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La revitalisation urbaine intégrée (RUI) - ou Approche territoriale intégrée
Le Quartier Saint-Roch ne fait pas explicitement partie d’un projet de revitalisation
urbaine intégrée – ou Approche territoriale intégrée. Toutefois, les caractéristiques de sa
revitalisation convergent vers celles de la RUI et c’est pourquoi il est important de s’attarder à
ce concept dans l’étude de la mobilisation derrière la revitalisation du Quartier Saint-Roch.
Brièvement, la RUI est composée des 5M - Multisectorielle, Multiéchelon, Multisphère,
Multiniveau et Multipartenaire. Ainsi, la revitalisation urbaine intégrée vise « l’amélioration
des conditions socioéconomiques et le cadre de vie d’un territoire défavorisé donné » (Divay
et al; 2006, 17), à l’aide d’une vision globale, territorialisée et concertée. Elle dispose d’une
vision à long terme et fait intervenir la participation des citoyens.
La gentrification
La gentrification est l’exode de populations démunies au profit de ménages plus
nantis. Ce processus est lié avec l’augmentation de populations plus aisées, l’amélioration
physique du quartier et une transformation de la nature du quartier (Kennedy et Leonard;
2001). Dans cette perspective, il est intéressant d’analyser la revitalisation de Saint-Roch sous
l’angle de la gentrification, car bien évidemment, le développement socio-économique des
milieux n’anticipe jamais ce genre de phénomène. La revitalisation veut ainsi éviter à tout
prix la gentrification.
La mixité sociale
La mixité sociale est très importante dans le Quartier Saint-Roch, car elle représente
un des nombreux défis auxquels le quartier fait face. D’ailleurs, Saint-Roch, sous l’initiative
du groupe communautaire L’Engrenage, a offert un premier forum citoyen sur la mixité
sociale en mars dernier. On peut définir la mixité sociale comme l’envers de la ségrégation,
c’est-à-dire la volonté d’assurer la coexistence de plusieurs catégories sociales au sein d’un
même milieu, ici le quartier. Cette mixité sociale passe par « une offre appropriée de
commerces et de services, mais aussi par la cohabitation de différentes catégories
socioéconomiques » (Freedman; 2009, 412).
La participation citoyenne
La participation citoyenne est au cœur de la revitalisation du Quartier Saint-Roch.
Cette participation permet au citoyen de « contribuer à l’élaboration des politiques et au
9
fonctionnement des organismes et des services publics » (Côté, Lévesque et Morneau; 2005,
3). Ce mode de gouvernance pluraliste se renouvelle constamment, allant de la consultation à
l’autogestion. Même si la participation citoyenne tend vers un regain de popularité, elle est
présente dans l’environnement québécois activement depuis les années 1960, avec les comités
de citoyens.
Le capital social
Le capital social peut référer à plusieurs éléments, mais en général, il s’agit de « la
capacité et la volonté de coopération inhérentes à un tissu social et englobant ainsi tout autant
l’aspect institutionnel que l’aspect individuel » (Côté; 2002, 353). Le capital social
convergerait vers la solidarité et la confiance qui règne dans une communauté. La
revitalisation urbaine de Saint-Roch a ainsi comme principal objectif de construire ce capital
social dans le milieu de vie du quartier (Divay; 2005, 80).
L’appropriation d’espaces urbains
On entend par « appropriation d’espaces urbains » les espaces investis par les
populations d’un quartier. L’analyse de la revitalisation du Quartier Saint-Roch interpelle ce
concept étant donné que le projet s’est fait grâce à l’appropriation qu’en ont faite les citoyens
et autres acteurs locaux. Ces derniers se sont sentis interpellés par l’augmentation de la qualité
de vie de leur quartier et y ont mis chacun un effort (Voir annexe 1).
Méthodologie
Dans le cadre de notre analyse, nous avons procédé par triangulation de nos données
théoriques avec celles empiriques. En effet, nous avons fait une revue de littérature portant sur
les recherches concernant le Quartier Saint-Roch et les projets de revitalisation urbaine. Nous
avons prêté attention aux études portant sur l’action publique dans le développement social
urbain. De plus, nous avons fait appel à plusieurs intervenants du milieu pour avoir un avis
d’expert de la revitalisation ayant eu lieu à Saint-Roch. Ainsi, nous avons eu quatre entrevues
avec les personnes suivantes : Marcel Landry, un citoyen actif du quartier, Jean Pearson,
l’actuel Président du Conseil de quartier de Saint-Roch, Éric Boulay, coordonnateur à la
Maison L’Auberivière et Pierre Maheux, ancien conseiller municipal. Ces entrevues semi-
dirigées nous ont permis d’avoir un avis de terrain, à l’abri des biais scientifiques.
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Plusieurs intervenants pertinents auraient pu être interrogés. Toutefois, les limites du
travail ont forcé la concentration des entrevues vers la disponibilité des intervenants.
Hypothèses
Plusieurs hypothèses peuvent être émises concernant la mobilisation des acteurs
locaux autour de la revitalisation du Quartier Saint-Roch. D’abord, une première hypothèse
concerne la participation et la légitimité du processus. En effet, les acteurs ayant été impliqués
formellement dans le processus de revitalisation auraient tendance à mieux percevoir ses
effets. Ensuite, en lien avec la nature mobilisatrice du projet, la présence d’intérêts divergents
dans le Quartier Saint-Roch, aurait amené les acteurs à se concerter. Finalement, les stratégies
des acteurs n’auraient pas été statiques tout au long du processus de revitalisation. À cet effet,
elles auraient évolué au même titre que les attentes des acteurs (effet de la concertation). Les
acteurs s’ajusteraient les uns aux autres pour assurer leur coexistence (Cloutier; 2009, 191).
Analyse en lien avec le processus de revitalisation
« Les transformations de la planification urbaine se font à la faveur de l’intégration des
dimensions sociale, économique et physique ainsi que des secteurs public, privé et
sociocommunautaire dans le processus de prise de décision » (Cloutier; 2009, 179). C’est ce
que l’analyse suivante tentera d’examiner, à savoir l’entier processus de mobilisation des
acteurs locaux dans le cadre de la revitalisation du Quartier Saint-Roch (voir annexe 2).
Enjeux de la mobilisation
Plusieurs enjeux ressortent derrière la revitalisation du Quartier Saint-Roch, À prime
abord, le projet vise l’amélioration du cadre de vie des habitants. En effet, on veut dynamiser
le quartier, installer du logement social pour les ménages à faible revenu et améliorer
l’environnement général du quartier. Par exemple, on veut diminuer la circulation automobile,
lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, et rendre la ville plus attrayante pour ses
habitants. Ensuite, la sécurité est un enjeu important pour Saint-Roch. Ayant été témoin et
victime de la guerre des motards, le quartier mise sur l’augmentation de la sécurité pour faire
baisser le taux de criminalité. À cet effet, la revitalisation a eu raison des motards, car ils ne
sont plus du quartier. Pour la sécurité urbaine en général, la revitalisation vise une
augmentation de la tolérance, une présence policière plus accrue et une diminution des effets
11
qui engendrent la criminalité (pauvreté, commerces, etc.). Aussi, une certaine mixité sociale
fait-elle partie de la volonté de plusieurs acteurs du quartier dans le cadre de la revitalisation
du Quartier Saint-Roch, en voulant éviter à tout prix des effets de gentrification, ou encore,
éviter la formation de ghetto.
En outre, la revitalisation du Quartier Saint-Roch vise l’embellissement du quartier.
On veut faire de Saint-Roch un milieu vivant et dynamique. Cet embellissement a aussi pour
but d’attirer de nouvelles clientèles et des touristes afin que Saint-Roch retrouve son statut de
centre-ville. « Pour revitaliser un quartier tu ne peux pas seulement penser aux gens en place localement, c’est un centre-ville, tu dois penser à amener des touristes » Éric Boulay, L’Auberivière L’aménagement du centre-ville est ainsi prioritaire afin que le quartier retrouve sa prospérité
économique d’autrefois. Puis, la revitalisation veut lutter contre la dégradation du cadre bâti
du quartier, notamment en améliorant les infrastructures. Cette amélioration matérielle du
quartier va de pair avec l’amélioration générale du quartier.
Les acteurs impliqués
Plusieurs acteurs sont concernés par la revitalisation du Quartier Saint-Roch et se sont
mobilisés à cette fin. En premier lieu, les citoyens — ou comité de citoyens – ont pris part à la
revitalisation qui touchait leur milieu de vie. En deuxième lieu, les organismes
communautaires ont mis la main à la pâte, étant touchés directement par la dévitalisation du
quartier. En troisième lieu, les entreprises privées sont concernées par la revitalisation,
notamment les commerçants, les associations de commerçants et les promoteurs. En
quatrième lieu, les institutions politiques, particulièrement la Ville de Québec et les nombreux
ministères provinciaux et fédéraux, sont intervenues dans le processus de revitalisation à
travers plusieurs programmes. En cinquième et dernier lieu, les institutions de développement
se sont mobilisées dans le développement du Quartier, comme la SDC, la CDEC, le CLSC et
le CLD.
Les positions des acteurs
Chaque acteur défend une position particulière dans la revitalisation du Quartier Saint-
Roch. D’abord, les citoyens défendent une amélioration de la qualité de vie et de la sécurité
dans leur quartier. Cette priorité constitue l’axe principal de leur intervention. En général, ils
souhaitent une mobilisation en respect de l’image du quartier; c’est-à-dire la préservation de
12
la culture sociale du quartier. En outre, les citoyens veulent faciliter la cohabitation, que ce
soit entre citoyens ou avec divers intervenants (commerces, institutions, organismes). Ils
désirent s’approprier du processus de revitalisation. Il est à noter que l’éveil citoyen
concernant la revitalisation du quartier s’est fait autour des années 90, avec l’arrivée au
pouvoir de Jean-Paul L’Allier, du Rassemblement populaire. Depuis ce temps, ils participent
activement aux consultations citoyennes. Les artistes ont aussi eu un rôle à jouer au début en
stimulant la vie sociale et économique du quartier. D’ailleurs, sous l’initiative des artistes, le
Complexe Méduse est un symbole de la revitalisation et un bel exemple d’intégration moderne
du patrimoine bâti du quartier.
Ensuite, les organismes communautaires visent, tout comme les citoyens, une
amélioration de la qualité de vie et de la sécurité du quartier. En plus, ils désirent maintenir la
cohésion sociale en agissant bien souvent en tant qu’interlocuteurs entre leurs clientèles et les
acteurs locaux. La lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale fait aussi partie de leurs objectifs.
Leurs clientèles nécessitent des besoins particuliers et ils désirent participer activement à la
mobilisation dans le processus de revitalisation.
En outre, les entreprises privées visent des intérêts particuliers en lien avec les intérêts
commerciaux. Certains commerces ont comme objectif d’attirer de nouvelles clientèles, des
touristes, voire de transformer le Quartier Saint-Roch en destination par excellence pour le
magasinage. En général, les commerçants, associations et promoteurs désirent un
embourgeoisement commercial du quartier. Par contre, d’autres commerces, souvent de
proximité, veulent conjuguer développement économique et respect des communautés
locales. Ils s’assurent ainsi que les biens et services offerts correspondent à ceux des
populations environnantes. Néanmoins, les entreprises privées convergent toutes vers un
intérêt commun, soit assurer la prospérité économique du quartier. D’après les entretiens
réalisés, certains commerçants aimeraient tasser la pauvreté étant donné que certains de leurs
clients seraient embêtés par la présence de populations marginales et leur effet sur l’image du
quartier. À ce sujet, le promoteur GM Développement a fait quelques sorties médiatiques,
voulant que les itinérants nuisent à la prospérité économique du quartier, car ils font fuir les
acheteurs et touristes. Les associations et promoteurs de Saint-Roch ont ainsi le but principal
de défendre les intérêts du privé.
13
De plus, les institutions politiques ont la mission explicite de servir les citoyens et voir
ce qui peut être fait pour améliorer le quartier et la cohabitation. L’embellissement du
quartier, l’amélioration des conditions de vie des habitants et assurer une sécurité maximale
font partie du grand nombre d’objectifs que ces institutions poursuivent. Ils veulent dynamiser
le quartier en assurant une diversité dans le quartier, en amenant de nouveaux types de
ménages (70% des ménages sont non familiaux (CDEC; 2004) et cela passe aussi en attirant
des institutions et de nouveaux acteurs. À cet égard, on peut noter la présence de l’ENAP,
l’Université Laval, l’INRS, Beenox, etc. La lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale fait
aussi partie d’une grande partie de la mission sociale politique.
Enfin, les institutions de développement désirent développer la prospérité du quartier,
et ce, en attirant de nouveaux agents sociaux et économiques, que ce soit des entreprises, des
organisations ou de nouveaux réseaux. Ces institutions veulent favoriser l’entreprenariat et
développer l’employabilité du quartier. De plus, plusieurs de ces institutions, comme la
CDEC, tentent de faire converger le développement social avec le développement
économique, par le biais de l’économie sociale par exemple.
Les ressources des acteurs
En premier lieu, les citoyens disposent comme ressource principale leur présence en
nombre. En effet, plus de 9 000 personnes habitent le quartier et la force du nombre peut être
une ressource redoutable en cas de mobilisation. Aussi, disposent-ils d’une expertise de
terrain, une expertise citoyenne qui leur permet d’être à vif de leurs besoins et de ce qu’ils
veulent. Cette expertise devient du même coup une « condition de l’appropriation par les
communautés de leur développement » (Bourque et Favreau; 2003, 301) et permet de mettre
de l’avant les valeurs et orientations des citoyens, ce que les institutions ne peuvent connaître,
à moins de s’en informer. Par conséquent, leur présence aux consultations citoyennes, les
dépôts de mémoires et leur participation citoyenne au niveau du Conseil de quartier, du
Conseil de ville et des comités citoyens font en sorte qu’ils disposent d’outils pour se faire
entendre.
En deuxième lieu, les organismes communautaires disposent aussi d’une certaine
expertise du quartier et de ses besoins comme ressources. Cette expertise de processus dans la
mise en place des programmes fait d’eux des ressources essentielles pour les administrations
gouvernementales. Les organismes communautaires de Saint-Roch sont fréquemment
14
consultés par la Ville et par les gouvernements pour leur connaissance du milieu. De plus, ils
déposent fréquemment des mémoires lors des commissions parlementaires les touchant, lors
des consultations populaires, etc. Par exemple, l’Auberivière est souvent la ressource
principale en matière de lutte à l’itinérance dans la Ville de Québec, ayant acquis, au fil des
années, une certaine notoriété et du respect en la matière. Enfin, ils publient plusieurs
informations pour mobiliser les gens et informer, notamment des plans directeurs, des chartes,
etc.
En troisième lieu, les entreprises disposent du nerf de la guerre, à savoir le pouvoir
monétaire. En effet, l’entreprise privée dans Saint-Roch possède un poids économique
considérable, amplifié lorsqu’il s’agit de regroupements. En ce qui concerne les promoteurs,
les bâtiments commerciaux sont possédés à environ 75% par un seul promoteur : GM
Développement. Ce monopole dans la possession des infrastructures révèle un pouvoir
économique considérable qui peut vite s’avérer en un pouvoir politique du même coup. Ainsi,
GM Développement contrôle le développement économique du quartier en décidant qui vient
s’installer et qui ne vient pas s’installer, mais aussi, qui doit partir.
En quatrième lieu, les institutions politiques disposent de l’influence politique. Ils
détiennent la majorité du financement attribué à la revitalisation du Quartier Saint-Roch
(ressources financières). Les élus peuvent davantage influencer les décisions politiques. C’est
la remarque de Pierre Maheux, qui a vécu le chapeau d’agent communautaire et d’élu
politique : « la différence, c’est que comme conseiller, tu peux influencer ». De plus, les
institutions politiques disposent de ressources humaines dans l’élaboration de leurs politiques,
notamment leurs personnels administratifs. Ces derniers détiennent une expertise de contenu,
dictant bien souvent les définitions de problématiques et des politiques.
En cinquième lieu, les institutions de développement coordonnent des ressources
financières, les rendant essentielles dans le cadre de la revitalisation du Quartier Saint-Roch.
Elles disposent elles aussi de personnel attitré à l’élaboration de politique et mesure de
développement. Pour représenter le leadership de ces institutions, on peut mentionner la
technopole Angus qui, grâce à la forte implication de la CDEC de Rosemont-Petite-Patrie, est
passée de complexe industriel abandonnée à véritable complexe de haute-technologie et
d’économie sociale, au lieu de devenir un complexe de condominiums (Klein; 2003).
15
Leurs stratégies
« Quand un quartier se développe aussi vite, il faut s’asseoir, et voir vers où on s’en va et qu’est-ce qu’on veut faire » Jean Pearson
D’abord, les citoyens ont comme principale stratégie se faire entendre, signaler leur
point de vue et inquiétude. Ainsi, ils doivent participer aux consultations publiques. Aussi,
participent-ils directement à la revitalisation à travers différentes initiatives individuelles. On
peut noter parmi ces initiatives, les tâches annuelles de corvée citoyenne; la participation à
l’embellissement du quartier (Îlot Fleurie) et diverses manifestations citoyennes.
Ensuite, les organismes communautaires participent à la mise en œuvre des
programmes et apportent une expertise dans l’élaboration de ces programmes. Leur stratégie
est de s’assurer que la revitalisation respecte les populations les plus marginalisées ou les plus
souvent mises à l’écart. Ils doivent s’assurer que le processus de revitalisation ne mette pas à
l’écart la pauvreté, mais agissent sur les facteurs menant à la pauvreté afin de l’enrayer dans
la mesure du possible. Dans ce dessein, ils participent régulièrement aux tables de
concertation (Rebâtir la rue Saint-Joseph par exemple) et favorisent la coopération à travers
différents partenariats avec les citoyens, les commerces et/ou les institutions. Ils prennent
souvent la parole en groupe ou agissent ensemble (Regroupement pour l’aide aux itinérants et
itinérantes du Québec, Fondation Saint-Roch, etc.)
En outre, les entreprises privées ont comme stratégie de développer le quartier pour en
faire un attrait, un lieu de destination par excellence pour les clients et touristes. Ils prennent
souvent la décision de se regrouper (SDC + Chambre de commerce) afin d’avoir plus de poids
dans leurs actions et revendications, par exemple, la demande en stationnement. Le promoteur
GM Développement a comme principale stratégie d’attirer des commerces de luxe pour
assurer sa sécurité financière. Certaines entreprises privées ont décidé de travailler pour la
revitalisation du quartier, notamment l’Intermarché qui facilite l’insertion au travail de
personnes marginalisées.
Aussi, les institutions politiques veulent-elles développer davantage de programmes
pour la revitalisation bien souvent dans le cadre de partenariat. Ils désirent alors avoir la
collaboration des organismes et institutions du quartier. Les institutions désirent le ralliement
des acteurs locaux au projet – via les consultations. (changement de culture entre le Maire
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Pelletier et le Maire L’Allier). Leur stratégie consiste aussi à s’approprier les succès pour
valoriser leurs interventions, au grand détriment des organismes communautaires. Ils agissent
aussi pour attirer de nouveaux acteurs sociaux et économiques d’importance. Par exemple, ils
ont construit de nouvelles infrastructures scolaires pour l’ENAP et l’INRS et ont fait de Saint-
Roch, une zone de priorité pour l’industrie de haute technologie (Beenox, Ubisoft, etc.)
Enfin, les institutions de développement participent aux tables de concertation et aux
consultations et collaborent avec les acteurs du quartier. Elles veulent développer le quartier
tout en préservant la culture sociale de celui-ci.
Financement et reddition de compte « Il y a de l’argent qui est disponible. Financièrement, le quartier ne manquera pas de fonds pour poursuivre, je ne crois pas. C’est un mouvement qui a été endossé par tel-
lement de gouvernements et d’acteurs… tout le monde est dans le coup. L’argent vient autant du privé que du domaine public » Jean Pearson
La majorité du financement provient du gouvernement québécois à travers plusieurs
enveloppes budgétaires. Par exemple, le gouvernement finance les organismes
communautaires à travers le budget dédié à la lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale. Ils
investissent aussi dans les infrastructures, par le biais des fonds (comme Chantiers Canada et
le Fonds de rénovation des infrastructures municipales). L’enveloppe budgétaire attitrée à la
culture finance les nombreux artistes de Saint-Roch et favorise l’émergence de nouveaux
artistes. De plus, le gouvernement a fait une grande part dans le processus de revitalisation à
travers ses efforts pour attirer certaines entreprises. Les baisses d’impôts accordées aux
entreprises de haute technologie venant s’installer dans le Quartier Saint-Roch ont favorisé
l’arrivée de cette industrie. La construction de nouveaux édifices pour l’ENAP et l’INRS a
aussi grandement encouragé leur venue.
Du côté des organismes communautaires, ils organisent annuellement des collectes de
fonds dans le quartier pour se financer. Ils retirent aussi leur financement du gouvernement, à
travers le budget attitré à cette fin. La Ville, quant à elle, ne finance pas ces organismes, mais
leur offre un soutien logistique et matériel dans leurs activités.
Dans le cadre de la revitalisation, chacun doit rendre des comptes. A priori, les
citoyens sont redevables envers eux-mêmes. Les organismes, quant à eux, doivent rendre des
comptes à leur conseil d’administration, composé de divers acteurs du milieu, à leurs bailleurs
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de fonds pour certains programmes spécifiques, et envers leurs clientèles. Les entreprises
privées sont redevables envers leurs dirigeants. Le personnel politique, lui, est redevable à la
population et les institutions de développement sont imputables envers leurs bailleurs de
fonds, mais aussi envers leurs clients (citoyens, commerces, organismes)
Leurs effets sur le milieu (réels et attendus)
Peut-on dire que la revitalisation a atteint ses objectifs? On ne peut pas encore le dire
certes, car la revitalisation n’est pas terminée, mais si on prend en compte les objectifs
généraux initiaux qui étaient l’amélioration de la qualité de vie et de la sécurité du quartier, on
peut dire que plusieurs objectifs ont été atteints et que du progrès a eu lieu en la matière.
Selon Jean Pearson, président du Conseil de Quartier, il y aurait encore du travail pour 25 ans.
Entre 1996 et 2001 :
Le revenu des ménages est passé de 15 937$ à 19 644$ (plus grande augmentation parmi les quartiers couverts par la CDEC de Québec)
Le taux d’habitant sans diplôme est passé de 44% à 33% Le taux d’emploi est passé de 36 à 48% Le taux de chômage a diminué de 12% Le revenu des familles monoparentales dont le parent est de sexe féminin est passé
d’environ 18 400$ à 25 200$ (Source : CDEC de Québec; 2004)
En ce qui concerne le sentiment d’appartenance des habitants du Quartier Saint-Roch,
on peut dire que la fierté et l’estime du quartier les a regagnés. Les citoyens sont désormais
fiers d’habiter le quartier. Ils sont fiers de l’embellissement de leur quartier, notamment par le
fleurissement de leur milieu de vie et la sécurité engendrée par le départ des motards. Par
rapport à ce dernier point, sans la revitalisation du quartier, les motards seraient probablement
encore dans le quartier et entretiendraient un climat de peur et d’insécurité.
En ce qui a trait à la lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale, il y a plus de ressources
qu’avant. Plusieurs ont craint les effets néfastes de la destruction du mail Saint-Roch sur les
itinérants, toutefois, on a créé des alternatives. On a aménagé le Rendez-Vous Centre-Ville
pour pallier les effets négatifs engendrés par la destruction du mail. De plus, à Saint-Roch, on
retrouve une des plus grandes concentrations d’organismes communautaires et de logements
sociaux, au Canada. Donc, la pertinence des organismes communautaires est réelle et elle
répond à des besoins bien précis.
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Pour ce qui est de la mixité sociale, la volonté des acteurs locaux est bel et bien là.
D’ailleurs, à cet effet, le groupe communautaire L’Engrenage a organisé le premier forum
citoyen sur la mixité sociale en mars dernier qui a interpellé des centaines d’acteurs. Le
Conseil de quartier possèdera sou peu une charte sur la mixité sociale. Bref, tous les intérêts
des acteurs convergent vers cette mixité sociale tant recherchée : « La mixité, ce n’est pas encore fait. On a une belle diversité, mais de là à arriver à la mixité, il y a encore du travail à faire, et c’est réalisable, par la volonté des acteurs », Éric Boulay, L’Auberivière. Toutefois, il peut avoir un décalage entre la volonté affirmée de mixité sociale et le
développement du quartier : « une contradiction se révèle par la disparition progressive des
commerces proposant de la marchandise bon marché (magasins, restaurants) et la volonté de
conserver une population diversifié dans Saint-Roch» (Freedman; 2009, 410). Si le
développement de Saint-Roch continu à miser sur les commerces de luxe uniquement, la
mixité risque donc d’être plus difficile à atteindre.
Côté amélioration physique, le quartier s’est sans aucun doute embelli; il y a
dorénavant plus de fleurs, plus d’espaces verts. Cette amélioration collabore du même coup
aux conditions de vie des habitants. Par exemple, l’aménagement du Jardin Saint-Roch et
l’Îlot Fleurie ont contribué à cette amélioration physique. De plus, plusieurs infrastructures
ont subi une cure de jeunesse, grâce à l’investissement des gouvernements.
Du point de vue de la tolérance, les objectifs n’ont pas encore été atteints, mais les
organisations communautaires travaillent d’arrache-pied pour y parvenir. La cohabitation
entre les citoyens et les commerces est parfois difficile. Les préjugés vont par contre dans les
deux sens. Les commerçants se plaignent de la présence de personnes incommodantes
(itinérants, personnes marginales) alors que les citoyens se plaignent de la trop grande
présence de commerces qui ne sont pas adaptés à leurs besoins. Un fait intéressant à ce sujet :
tous les commerces des quartiers s’arrachent les bancs devant leurs commerces. Il est bien vu
d’avoir un banc à proximité de son milieu d’affaires. Le Quartier Saint-Roch est le seul
endroit à Québec où les commerçants n’en veulent pas, ces bancs ayant comme preneurs des
itinérants. Un travail supplémentaire devra donc être fait pour améliorer la cohabitation d’une
diversité d’acteurs pour faire augmenter la tolérance.
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Les objectifs de diversité économique ont été réussis avec la venue d’entreprises de
haute technologie, de communication et d’institutions scolaires. Le quartier assure ainsi une
mixité économique. Toutefois, les citoyens seraient d’avis que le quartier devrait davantage
développer les commerces de proximité.
Est-ce que ces effets ont réellement été engendrés par la revitalisation ? De plus,
l’amélioration des conditions de vie dans le quartier est-elle redevable à la revitalisation, ou à
l’exode de ménages pauvres qui ont été remplacés par une population plus riche ? Seul le
temps nous le dira, car les méthodes d’évaluation sont très difficiles à court terme. Au cours
des prochaines années, plusieurs défis seront mis de l’avant : plus de tolérance dans le
quartier, davantage de familles avec enfants, une augmentation du développement des loisirs,
une diminution de la circulation automobile et, bien sûr, une mixité sociale.
Difficultés rencontrées
La revitalisation ne s’est pas faite - et ne continuera pas à se faire - sans difficulté. En
effet, quoique la revitalisation du quartier n’ait pas eu les effets dévastateurs de certaines
rénovations urbaines, comme à Los Angeles où les autorités ont dû détruire les logements
sociaux afin d’enrayer le phénomène de ghettoisation, elle a rencontré des obstacles. D’abord,
la cohabitation difficile entre les habitants et les commerçants est un grand défi pour la
coopération (il y a trop d’organismes communautaires vs frustration envers les commerces de
luxe). Cet acharnement envers les organismes communautaires consiste à un obstacle à la
bonne coopération de chacun. « Il faut arrêter les chicanes stériles. Il faut que les commerçants concentrent leurs efforts de manière
plus optimiste et positive » Pierre Maheux « Il y a un débat concernant les commerçants et le développement commercial. Il y a des préjugés aussi,
des vraies informations et des fausses. Il y a des gens d’affaires qui se sont faits promettre faussement des affaires appuyées par le politique. Il y a eu des déceptions de la part de certains » Jean Pearson
D’ailleurs, le fait que GM Développement détienne un monopole dans la possession des
infrastructures du quartier est problématique. Ce promoteur semble agacé avec le principe de
mixité entre le secteur commercial et celui communautaire.
Ensuite, la lutte aux préjugés et au refus de l’autre est un obstacle à la bonne
coopération. Les préjugés n’épargnent personne, car tous les acteurs sont susceptibles de
développer cette attitude, soit par ignorance soit par manque de tolérance. On a revitalisé le
quartier, sans toutefois réussir à changer la vision de plusieurs personnes, surtout extérieures.
20
« Il y a du monde qui arrive dans Saint-Roch et qui n’a jamais vu du monde quêter, solliciter, des fous. Ils pensent que c’est du monde dangereux et quand tu n’as jamais vu ça, c’est un choc! » Pierre Maheux
Tant et aussi longtemps que ces stéréotypes véhiculeront dans le quartier, les partenariats ne
pourront fonctionner à leur état maximal.
De plus, il est évident que le démantèlement du toit du mail a suscité beaucoup de
craintes de la part des citoyens, des organismes communautaires et des populations
marginales. Toutefois, plusieurs intervenants communautaires croient que la revitalisation
n’aurait pu être faite sans cette étape fatidique. Malgré cette difficulté, on a créé des
alternatives et il a encore plus de services pour les personnes touchées par l’enlèvement du
toit du mail. Le mail n’offrait aucun service communautaire, par contre, le Rendez-Vous
Centre-Ville, lui, en offre.
En outre, une difficulté rencontrée dès le début du processus de revitalisation a été la
crainte des citoyens de Saint-Roch. Ils ont eu peur de se sentir exclus du processus. Avec du
recul, on peut affirmer que cette crainte s’est dissipée au fur et à mesure que le Maire L’Allier
les a inclus dans le processus de consultation. « Ça s’est fait avec beaucoup de difficulté. Ça a fait peur à beaucoup de monde. […] Ça s’est fait dans la douleur, mais quand la roue a commencé a tournée, on a eu plus confiance. Et là, il y a eu les bons coups… » Marcel Landry, citoyen. Par contre, les citoyens dénoncent certaines méthodes d’intervention douteuses
d’augmentation de la sécurité urbaine, associées au processus de revitalisation. En effet,
certaines interventions policières, disons musclées, ont entraîné des inquiétudes de la part de
la population : « Les policiers qui sont dans le quartier sont bien souvent en formation. Ils
viennent dans le quartier pour faire leur preuve, ce qui explique leurs interventions plus
dures » (Jean Pearson).
Enfin, la revitalisation du Quartier Saint-Roch a amené à une pression sur l’immobilier
qui s’est résultée en une hausse du prix des loyers. Cette hausse de prix a créé des
mécontentements, par contre, il est à noter que les prix des logements ont augmenté partout à
Québec. Néanmoins, cette augmentation a favorisé l’exode de certaines populations vers les
périphéries du quartier, et notamment à Saint-Sauveur et à Limoilou. On pourrait attribuer cet
impact au phénomène de gentrification qui peut s’être manifesté dans le processus de
revitalisation. (voir Annexe 3 ; logement social et communautaire dans Saint-Roch)
21
Exemple de mobilisations locales réussies Au-delà des difficultés rencontrées, on peut noter une multitude d’actions réussies qui
a eu lieu dans le Quartier Saint-Roch. En premier lieu, l’épicerie L’Intermarché favorise
l’accès à l’emploi pour des individus en réinsertion sociale, en plus de leur offrir des
conditions salariales respectables. Avec le soutien du CLD et de la CDEC, le supermarché a
créé un fonds d’initiative culturelle pour les habitants du quartier. En effet, la Barberie offre
exclusivement une de ses bières artisanales, disponible à ce commerce et pour chaque bière
vendue, 1$ est versé au fonds. De plus, L’Intermarché contribue régulièrement dans les
activités communautaires du quartier, en offrant gratuitement de la nourriture. Par conséquent,
cette entreprise est un bel exemple d’action communautaire concertée (RQIS; 2007).
En deuxième lieu, l’Îlot Fleurie est né spontanément d’un mouvement de contestation
citoyenne. L’Îlot Fleurie a marqué l’histoire de la résistance populaire de Saint-Roch. Il s’agit
du même coup de la première intervention citoyenne avec des artistes en arts visuels. Il est
situé sous les bretelles de l’autoroute Dufferin. C’est donc un projet citoyen d’appropriation
de leur milieu de vie qui visait à créer un espace communautaire, un lieu de socialisation.
Malgré une réticence de l’administration municipale au départ, les citoyens ont eu l’appui des
autorités par la suite, notamment grâce à l’intervention du conseiller municipal à l’époque,
Jacques Fiset. Ce jardin a eu un effet très mobilisateur, sollicitant plus de 50 citoyens dont
certains ne s’étaient jamais impliqués socialement auparavant. Un certain respect a entouré ce
jardin, n’étant victime d’aucun vandalisme. À partir de ce moment, la Ville a commencé à
fleurir son centre-ville et à l’embellir de verdure.
En troisième lieu, plusieurs exemples démontrent la participation active des citoyens
dans leur cadre de vie. Des corvées de nettoyage sont annuellement organisées par les
citoyens eux-mêmes, afin d’embellir leur milieu de vie. En outre, les citoyens participent
activement à leur conseil de quartier, qui est lui-même très présent et actif dans la société.
Puis, les habitants du Quartier Saint-Roch participent aux tables de quartier, échangent entre
eux et participent à des forums citoyens. Bref, toutes ces initiatives favorisent le
développement de capital social. Suivi des résultats
Il est encore tôt pour évaluer adéquatement les impacts de la revitalisation. Toutefois,
diverses études font état de cette évaluation. En effet, il y a l’étude de l’impact de la
22
revitalisation sur les artistes du Quartier Saint-Roch. Leurs conclusions sont qu’un processus
de gentrification a été enclenché et que la revitalisation, pour les artistes, agit autant comme
facteur de rétention, d’attraction que de répulsion (Boulianne et Fontanetti Aguiar; 2007).
Concernant le sort des femmes itinérantes, une étude conclut que le processus de revitalisation
a créé de l’exclusion territoriale et relate l’absence des femmes itinérantes dans le processus.
Une hostilité caractériserait le processus face à l’augmentation de la présence policière et le
phénomène de gentrification (Bourgeois; 2008).
Au niveau de la Ville, en 2006, le rapport des consultations publiques par rapport au
Plan directeur du quartier a mené à l’identification des points forts et des points à améliorer
du Quartier Saint-Roch. Parmi les points forts se trouvent les acquis culturels du quartier, le
patrimoine de proximité très riche, l’amélioration de la sécurité urbaine dans le quartier, le
potentiel de consommation du quartier, etc. Pour les points à améliorer, on peut trouver le
sentiment d’appartenance au quartier, la perception de la population externe au quartier en ce
qui a trait à la sécurité des lieux et le développement d’espaces verts.
Au niveau des organismes communautaires, ils font le suivi de leurs actions à travers
leurs rapports d’activités annuels. Par contre, peu d’organismes communautaires commandent
des recherches sur les impacts de la revitalisation.
Résultats globaux de l’analyse
Un constat général ressort de notre cueillette d’information et c’est que seules des
subventions n’auraient pu parvenir au degré actuel de revitalisation du quartier. Ce
financement a été nécessaire, mais une plus-value l’était encore plus et c’est dans la
mobilisation des différents acteurs locaux que la revitalisation a eu les résultats escomptés. Un
autre constat observé est que les acteurs ayant été impliqués dans le processus formel de la
revitalisation ont davantage de positivisme comparativement à ceux ayant été exclus du
projet. « La raison du succès est la concertation des acteurs. D’ailleurs, les acteurs concertés ont moins de
préjugés les uns envers les autres. C’est plutôt les commerçants et organismes qui n’ont pas été inclus dans le processus qui eux ne comprennent pas tout. Tant que tu ne fais pas parti du processus, c’est facile d’avoir des préjugés » Éric Boulay, L’Auberivière
La participation de chaque acteur aurait été primordiale à la revitalisation, « la seule
participation au processus de planification intégrée pouvant avoir des effets positifs tant pour
23
les individus que pour la gestion de la vie urbaine » (Cloutier; 2009, 181). Par conséquent, les
tables de concertation, notamment Rebâtir la Rue Saint-Joseph, démontrent que toutes les
catégories de populations ont été des acteurs à part entière dans la revitalisation de Saint-Roch
(Freedman; 2009, 414).
Les stratégies des acteurs n’ont pas toujours été les mêmes. On a remarqué une
réticence au début vis-à-vis des organismes communautaires par rapport à la revitalisation.
Les organisations avaient une crainte envers le processus de revitalisation. Même la Ville ne
voyait pas toujours du bon œil les initiatives citoyennes (Îlot Fleurie). Mais quand les acteurs
ont convergé vers le même but, le même objectif, la coopération s’est faite.
Globalement, et historiquement, on peut dire que le quartier a changé physiquement.
Ce qu’on peut moins savoir, c’est au niveau social (enquête socioéconomique du quartier).
L’impact social pourra être vu dans plusieurs années. On pourrait dire qu’il y a eu beaucoup
de départs à cause des prix du logement, mais on ne peut pas confirmer, du moins, que c’est
une cause de la revitalisation. Il serait déloyal de condamner une initiative qui a apporté
beaucoup de positif que de négatif en créant un certain niveau de richesse.
Le processus d’évaluation de la revitalisation est difficile. Par exemple, on a de la
misère à expliquer pourquoi la zone de Langelier et Dorchester serait plus prospère malgré
l’absence d’investissement gouvernemental. On peut expliquer ce « succès » par la clientèle
différente de cette zone. C’est ce qui nous amène à séparer le quartier en deux zones pour
évaluer la réussite de la revitalisation. En effet, la zone Ouest, comprise entre Dorchester et
Langelier et la zone Est, située entre l’autoroute Dufferin et Dorchester, vivraient de manière
différente la revitalisation. C’est le constat observé par Jolyane Vigneau et Gabrielle Doucet-
Simard, dans une étude sur la gentrification dans Saint-Roch, commandée par la CDEC de
Québec, affirmant qu’un phénomène de gentrification aurait lieu dans la zone Est alors que
celle Ouest serait indifférente face à ce phénomène (Vigneau et Doucet-Simard; 2009).
L’évaluation de la revitalisation serait ainsi différente entre les zones Ouest et Est. De plus, le
processus d’évaluation devra tenir compte du volet participatif derrière la revitalisation. En
effet, les acteurs concernés par ce projet devraient eux-mêmes déterminer les objectifs à
évaluer, comme le propose l’empowerment evaluation (Chiasson; 1998,47).
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La coopération entre les organismes communautaires et les commerces est plus
difficile. Certains commerçants diront qu’il y a trop d’organismes communautaires, qu’ils
apportent la pauvreté et défendent les pauvres. Pour plusieurs des commerçants du Quartier
Saint-Roch, « les organismes communautaires sont le bouc émissaire et ils leur font assumer
leurs mauvais choix d’affaires » (Pierre Maheux). Donc, la communication entre les deux
acteurs n’est pas toujours bonne. « C’est correct d’avoir de l’habitation de luxe, un centre-ville avec du monde avec de l’argent, c’est correct, avec du monde de la classe moyenne aussi. Ce qui n’est pas correct, c’est la formation d’un ghetto » Jean Pearson
Quand les organismes n’ont pas le même poids, la coopération est plus difficile.
Certains commerçants font de la pression sur les organismes communautaires à cet effet.
Marcel Landry nous signalait à ce sujet que GM Développement aurait fait pression à
l’organisme Point de repère, qui procure des seringues aux toxicomanes, pour qu’il déménage
étant donné que leur clientèle ennuyait l’administration du commerce Benjo. La venue des
commerces de luxe ayant remplacé des commerces de moyenne gamme a amené à une rivalité
entre les citoyens et les commerçants. La cohabitation et la mixité, autant économique que
sociale, auraient un impact sur les relations entre les différents acteurs. « La mixité n’a pas changé, au grand déplaisir de certains commerçants qui font pluie et beau temps pour démoniser ces organismes », Marcel Landry, citoyen
Au niveau social, c’est plus la mobilisation citoyenne et communautaire qui a joué. La
Ville et les gouvernements ont agi comme bailleurs de fonds et comme soutien logistique et
matériel. Pour l’amélioration matérielle du cadre bâti et du dynamisme économique, c’est
davantage le leadership politique qui a joué un rôle (ENAP, BEENOX, INRS, etc.). Donc,
l’aspect économique a été dominé par le politique et le privé alors que l’aspect social a
largement été dominé par les groupes communautaires et les citoyens.
Certains acteurs du quartier dénoncent l’absence de grandes institutions dans le cadre
de la revitalisation du Quartier Saint-Roch. Au niveau économique, la présence des Caisses
Desjardins, de l’Industriel Alliance, de Cominar, etc., aurait été appréciée, notamment pour
éviter le monopole de GM Développement et ce n’est pas à défaut de ne pas avoir été invité à
collaborer. De plus, les acteurs locaux aimeraient une meilleure implication du milieu scolaire
dans le quartier. Ils auraient intérêt à mettre à profit leurs institutions au bien-être de la
communauté.
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« La présence de l’ENAP, de l’INRS, c’est bien, mais ils devraient plus s’impliquer dans le quartier. Ils devraient être plus innovateurs, ouvrir leur porte, être plus audacieux. Il faut qu’il fasse profiter le quartier de leur présence » Marcel Landry, citoyen En outre, les artistes de Saint-Roch, très nombreux, ne se feraient pas assez sentir dans la
dynamique du quartier. Le Quartier Saint-Roch a beaucoup investi dans la culture, toutefois,
les artistes ne se sont pas, de leur côté, investis dans le développement, sans toutefois négliger
leur grande participation lors des débuts de la revitalisation.
Les relations avec la Ville ont influencé le processus de mobilisation dans Saint-Roch.
En effet, sous le règne de Jean Pelletier, une seule consultation publique a eu lieu. Les acteurs
n’étaient donc pas invités – ou encouragés – à participer démocratiquement au processus de
revitalisation. Avec la venue de Jean-Paul L’Allier et du Rassemblement populaire, les
acteurs locaux ont été invités à mettre de l’avant leurs opinions et leurs initiatives. Ce nouvel
environnement général a mis fin à l’attitude technocratique de la Ville, le citoyen devenant au
cœur des préoccupations avec le Rassemblement populaire. Cependant, il est encore tôt pour
voir un changement dans la mobilisation des acteurs locaux avec l’administration Labeaume.
Les organismes n’ont pas eu à travailler beaucoup avec le nouvel exécutif, mais certaines
craintes sont véhiculées en lien avec le rapport qu’entretient le Maire Labeaume avec la
mobilisation citoyenne. Monsieur Labeaume aurait toutefois l’intention de faire du Quartier
Saint-Roch, un quartier Soho1, avec un univers créatif fort, notamment avec ses projets de
technoculture. « L’enjeu, c’est maintenir l’intérêt politique et des acteurs du milieu », Éric Boulay
L’idée de perception est très importante dans le cadre de l’analyse de la revitalisation
du Quartier Saint-Roch. En effet, il semblerait avoir un décalage entre l’image projetée et la
réalité du terrain dans Saint-Roch. L’avènement du « Nouvo Saint-Roch », amené par le
promoteur GM Développement, semble soulever la controverse. « L’idée que le quartier peut à la fois voir disparaître ses problèmes économiques et se construire une identité et une image positive autour d’une expérience urbaine attrayante et recherchée grâce à la revitalisation qui a été planifiée est plutôt inadaptée à la réalité [...] Autrement dit, lorsque le projet de quartier revitalisé manque de se référer à la réalité du milieu, il risque de devenir complètement utopique et inadapté. » (Cloutier; 2009, 189) « Quand tu t’installes dans un quartier et tu n’es pas capable de le nommer comme il faut… tu as un méchant problème de négation » Pierre Matheux
1 Le Quartier Soho est situé à New York et est un pôle culturel important. La revitalisation du quartier a été initiée par les artistes qui s’en sont appropriés.
26
« Le Nouvo Saint-Roch, je combats ça. Le Nouvo, ça veut dire qu’il faut oublier l’autre? Au conseil de quartier, on n’utilise pas ça. C’est nier qu’il n’y avait pas de Saint-Roch. J’en connais pas beaucoup d’exemple dans le monde où ils ont fait ça. Partout, on utilise les vieux noms » Marcel Landry, citoyen Ce décalage entre ce que le promoteur GM Développement veut projeter et la réalité des
besoins du Quartier Saint-Roch illustre bien les intentions de plusieurs derrière la
revitalisation de Saint-Roch. En outre, cela démontre bien le refus d’intégration de certains
acteurs dans le quartier. Par conséquent, on ne peut développer un quartier en niant son
existence.
Qu’est-ce qui amène une mobilisation horizontale?
Plusieurs caractéristiques peuvent être des combinaisons gagnantes lors d’une
mobilisation horizontale. Sproule-Jones a identifié trois composantes essentielles dans l’étude
de la gestion publique horizontale : les réseaux et alliances, les institutions et la gouvernance
(Sproule-Jones; 2002). Ces trois axes doivent donc être pris en compte pour déterminer ce qui
conduit à une mobilisation horizontale. À l’aide de nos données empiriques et théoriques,
nous avons développé un certain nombre d’éléments favorisant la mobilisation horizontale
dans le cadre de la gestion publique. Une volonté doit ressortir de la part des acteurs pour
travailler en partenariat. Sans réelle volonté, le projet risque de mourir dans l’œuf. Ensuite,
l’écoute de la part de chaque intervenant est importante lors des consultations pour arriver à
des compromis viables. Il doit aussi avoir concertation d’un plus grand nombre d’acteurs
possibles afin que chaque intérêt soit pris en compte.
Le leadership d’acteurs clés a agi en tant que catalyseur de mobilisation citoyenne. Par
exemple, sans le leadership et le charisme de Jean-Paul L’Allier, la revitalisation du Quartier
Saint-Roch aurait pu prendre toute autre envergure. De plus, Jacques Fiset, conseiller
municipal du milieu de 1989 à 1997, et par la suite Directeur général du CLD de Québec a été
très présent au cours de la revitalisation. Des citoyens ont aussi pris un leadership fort,
notamment Marcel Landry, président fondateur du conseil de quartier en 2003. Réjean
Lemoine, aussi, premier conseiller municipal du Rassemblement populaire, dans le district
des Faubourgs a eu un impact important dans la mobilisation des différents acteurs. Sa
connaissance du milieu était si grande, que certains le nommaient « le maire de Saint-Roch ». « C’est le leadership de certaines personnes qui a fait en sorte que les gens se soient ralliés derrière l’idée de revitalisation. » Marcel Landry, citoyen
27
Plusieurs citoyens prennent des initiatives importantes et marquent le cours de la
revitalisation. Selon Juan Luis Klein, c’est le leadership local qui permet la mobilisation, en
alliant trois composantes : leadership, gouvernance, territoire (Klein; 2010)
Les organismes ne doivent pas être vus comme des problèmes dans les tables de
concertation, mais bien comme des alliés. C’est pourquoi le respect doit prendre une large
place lors de ces consultations. Les acteurs doivent aussi accepter le partage de pouvoir entre
partenaires et assurer une certaine maturité. Chacun doit respecter les points de vue de l’autre;
ils savent qu’il y a des divergences d’intérêts, mais il doit y avoir quand même une volonté à
travailler ensemble, d’où l’importance des attitudes lors des démarches de partenariat. C’est
pourquoi l’«autre» ne doit pas être vu comme accessoire, mais bien comme indispensable
(Divay; 2008, 294). Il faut mettre fin aux chicanes stériles et concentrer les efforts des
manières plus optimistes et positives. La communication peut ainsi s’avérer la clé du succès
lors des mesures de mobilisation afin que l’enlignement soit partagé et que les actions soient
réellement concertées.
Relations de pouvoir (asymétrie)
On ne peut pas démontrer que la revitalisation a été réalisée au profit de certains
acteurs et au détriment d’autres. Par contre, certaines mesures permettent de croire que les
intérêts corporatifs ont parfois été pris en compte comparativement aux intérêts généraux.
Certains acteurs auraient donc eu une plus grande influence dans le cadre du processus. Par
exemple, la chasse aux bancs urbains par les commerçants a eu raison des itinérants. En effet,
il n’y a plus vraiment de bancs de parc au sein des rues du quartier, et cela rejoint la position
de la majorité des commerçants, mais pas des utilisateurs de ces bancs.
Plusieurs habitants qui étaient là il y a dix ans n’y sont plus. Pourquoi sont-ils partis?
Est-ce dû à un désaccord avec la revitalisation ? La hausse du prix des loyers ? Absence
d’écoute? Pur hasard? De plus, certaines méthodes d’interventions policières pourraient
laisser croire que certains acteurs entretiennent encore des préjugés envers certains habitants
qu’ils jugent dangereux, sans réelle preuve. Cette augmentation de la présence policière
démontre le manque de tolérance qui conduit à une source d’iniquité dans le quartier et
« préfigure un désir de repousser les populations hors du quartier » (Freedman; 2009). Est-ce
que cette présence policière renforce le processus de revitalisation ou le fragilise? Elle peut
28
certes affecter la mixité sociale, car l’acharnement policier sur certaines catégories de
personnes peut les amener à quitter le quartier.
Toutefois, en général, les intérêts de chacun ont été pris en compte, grâce aux efforts
de concertation lors des nombreuses consultations. Des espaces publics ont été mis à la
disposition de tous les groupes pour faire valoir leurs points de vue et positions sur la
revitalisation, les nombreuses consultations publiques peuvent en témoigner. Mais, tous les
acteurs n’ont pas le même poids en fin de compte dans la balance.
En quoi la mobilisation a créé une valeur ajoutée à la revitalisation du quartier
Sans réelle mobilisation, le quartier ne serait pas ce qu’il est. Les impacts négatifs
auraient été beaucoup plus grands. L’argent investi dans le quartier aurait pu améliorer à court
terme l’état du milieu, par contre, la mobilisation a fait en sorte qu’un plus grand nombre
d’acteurs s’est joint au processus. Nous pouvons prendre comme exemple la démolition du
toit du mail qui a soulevé une grande mobilisation au sein de la population et des organismes
communautaires. En effet, cette action aurait pu avoir de graves effets, d’où le soulèvement
populaire, mais la mobilisation a interpellé l’Auberivière qui a pris la décision d’ouvrir un
centre de jour, pour récupérer les effets négatifs de l’enlèvement du toit du mail. La venue du
Rendez-Vous Centre-Ville a fait en sorte qu’on a offert un service aux personnes touchées par
la destruction. Ainsi, alors que le mail n’offrait aucun service aux populations démunies,
l’Auberivière a pris en charge ces personnes et a remplacé le lieu de socialisation qu’était le
mail. Par conséquent, si les organismes communautaires ne s’étaient pas appropriés de la
revitalisation, celle-ci aurait probablement eu pour effet la montée de la gentrification. La
mobilisation a permis la concertation; tout le monde sait ce que l’autre veut, pense.
Sans mobilisation, la revitalisation aurait pu être désordonnée. En effet, le nombre
d’expropriation aurait pu être plus grand, avec une prise en compte de l’aspect social plus
marginale. Les décisions auraient pu prises de manière plus verticale, sans consulter les
acteurs concernés et en optant pour un travail en silo. La prise en main de certaines
problématiques sociales par les organismes communautaires a permis une adéquation des
objectifs de la revitalisation avec les besoins du milieu. Sans la présence de certains
organismes aux tables de concertation, la revitalisation n’aurait pas eu la même finalité. De
plus, ces organismes ont pu apporter une expertise de terrain et mettre sur la table certains
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effets et idées par rapport à la revitalisation que seuls des élus politiques n’auraient pu penser.
Par conséquent, ils ont apporté une valeur ajoutée au processus.
Conclusion
Chaque projet soulève des argumentaires positifs et/ou négatifs. Dans cette
perspective, chaque acteur veut que son point de vue et sa prise de position soient entendus,
ce qui conduit à la mobilisation de ces derniers. Les acteurs les plus influents dans leur
sphère sectorielle n’ont pas toujours la même réussite lorsqu’il s’agit de travailler en
concertation avec d’autres acteurs d’horizons différents. Dans le cas du Quartier Saint-Roch,
cette mobilisation a soulevé des difficultés à rassembler un grand nombre d’acteurs. Les
acteurs ayant réellement participé à la mobilisation peuvent toutefois affirmer la prise en
compte de leur position dans le processus et ainsi, conclure à une réelle concertation. Pour en
arriver à ce consensus, ils ont dû adapter leurs stratégies en fonction des aléas du processus.
Bref, l’analyse d’un cas de mobilisation permet d’identifier le type de gestion favorisé, à
savoir une gestion horizontale ou verticale. Dans le cas de l’analyse du processus de
revitalisation du Quartier Saint-Roch, on peut affirmer qu’il y a apparence d’une gestion
horizontale, encourageant ainsi, la mobilisation des acteurs locaux et la concertation.
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Annexes
Annexe 1 L’appropriation communautaire
Source : Simard; 2000, 180
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Annexe 2 Le processus de mobilisation locale
Source : Klein; 2010
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Annexe 3 Le logement social et communautaire dans Saint-Roch
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Source : Le logement social et communautaire sur le territoire de la Ville de Québec. Portrait par Quartier. CDEC de Québec, mars 2009
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Annexe 4 Synthèse de l’entrevue avec Pierre Maheux
Entrevue avec PIERRE MAHEUX, Ex-conseiller municipal à la Ville de Québec
29 MARS 2010, 14H
Que pensez-vous de la mobilisation dans Saint-Roch?
La mobilisation du quartier Saint-Roch s’étend sur 40 ans (c’est une particularité).
En 1989, sous le règne de Jean-Paul L’Allier, il y a eu plusieurs consultations (pour l’aménagement du quartier, pour le processus de revitalisation, consultation auprès des citoyens pour Espace Saint-Roch (Jardin Saint-Roch). La première action fut un espace vert.
Lors de l’enlèvement du toit du mail, il y a eu 39 mémoires qui ont été produits. Sous L’Allier on était à l’écoute des citoyens qui disaient non à des futurs boulevards.
Quelle a été la participation des autres paliers de gouvernement?
Implication forte du gouvernement provincial. Zone de priorité pour la haute technologie. Financement pour bâtiment neuf abritant ENAP-INRSS-TELUQ. Développement haute technologie + subvention aux affaires culturelles (Bordée + Méduse)
Quels ont été les organismes invités? Financiers, communautaires, associatifs, gens d’affaires. Quels sont ceux qui ont participé? Les organismes communautaires, peu de gens d’affaires. Présence d’un promoteur ayant 75% des places d’affaires, création de monopole.
Quelle est la source de financement de l’aménagement au centre-ville? La ville de Québec.
Quels ont été les enjeux prioritaires ? Amélioration de la qualité de vie et sécurité pour les résidents du quartier; Renaturalisation des berges = réussite de L’Allier; Parc Victoria, parc Point-aux-Lièvres, jardin Saint-Roch, rues embellies…
La différence entre conseiller et agent communautaire? Comme conseiller, tu peux influencer. Avec quel type d’acteurs aviez-vous plus de difficultés? Les gens d’affaires.
Comment les organisations voient la revitalisation? Au niveau des organisations, la revitalisation est bien acceptée. Leur frustration concerne les boutiques de linge trop luxueux. Quel est le rapport avec la ville? Ils ont écouté; concertation avec les acteurs; beaucoup de mécanismes de dialogue.
Au delà des critiques, comment gérer les conséquences? Pertinence des organisations (réponse à des besoins). Plusieurs organismes sont propriétaires de leur bâtisse. Les organismes ne font pas partie du problème.
Comment est la vie dans le quartier? Logement seul; La Mixité sociale; L’enlèvement du toit du mail, il n’y a personne qui l’a remise en question.
Quels sont les effets de la revitalisation? Effets positifs? Amélioration de la sécurité; qualité de vie (espaces verts, espaces de détente); embellissement; variété; mixité
Effets négatifs ? Tolérance (pas faire le lien étranger = danger); augmentation du prix du logement; roulement élevé; Pas d’amélioration matérielle, et beaucoup de gens ont dû déménager. Peu d’investissement social et communautaire
La revitalisation a-t-elle atteint son objectif ? Non, car elle n’est pas finie (surtout en matière de mixité et de développement). Les rues commerciales sont fragiles. De Langelier à Dorchester, il n’y pas de plainte des commerçants par rapport aux pauvres.
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Annexe 5 Synthèse de l’entrevue avec Jean Pearson
Entrevue avec JEAN PEARSON, président du Conseil de quartier Saint-Roch
31 MARS 2010, 14H
Votre point de vue général sur la revitalisation du quartier Saint-Roch? Artiste fondateur du complexe Méduse; ce sont les artistes qui ont lancé le bail du concept de revitalisation en s’implantant dans le quartier, en amenant des projets comme Méduse en éveillant la population sur la beauté de certains immeubles, comme la Fabrique. La Méduse est inusitée au Québec. Je suis impliqué depuis le début dans le quartier, dans les mouvements spontanés. Le conseil de quartier est un aboutissement.
Comment évaluez-vous la participation des artistes aujourd’hui? Les artistes sont autosuffisants en terme d’organisation, ils font bande à part; ne participent plus aux manifestations, à la dynamique sociale du Quartier Saint-Roch.
Quel est le rôle du Conseil de quartier? Le conseil n’est pas un comité de citoyens. Il a une accréditation. Il est limité dans ses interventions. Il a des devoirs précis et fonctionne suivant une Charte qui présente en annexe : la charte de la mixité sociale.
Quel rôle a joué le Conseil de quartier dans la revitalisation? Pour la revitalisation, le conseil a joué un rôle important car cela fait partie de son mandat de consulter les gens sur les grandes orientations du quartier Saint-Roch pour le développement. Pendant plusieurs années, le développement s’est fait à la pièce (UQ, destruction du toit, démolition des bretelles de l’autoroute). En 2006, le conseil a tenu un très grand exercice sur le plan directeur du quartier pour déterminer les grands enjeux des prochaines années sur plusieurs axes (communautaire, affaires, stationnement, circulation, environnement, propreté, sécurité).
Comment voyez-vous les changements de régime politique à la ville? Lors des changements de régime politique, on est plus attentif. Labeaume a une autre philosophie et une autre manière de travailler. On a été sous le régime L’Allier pendant 20 ans. Quand le maire m’inquiète, je me rabats sur les conseillers et je me rassure. Monsieur Labeaume, je ne pense pas qu’il soit contre les conseils de quartier. Financièrement, le quartier ne manquera pas de fonds pour poursuivre ses projets. L’argent vient autant du privé que du public. C’est un mouvement qui a été endossé par tellement de gouvernement, tout le monde est dans le coup.
Qui sont vos partenaires? La Ville; les citoyens; les groupes communautaires ; YMCA
Quels sont les effets négatifs de la revitalisation? Les gens démunis ont eu très peur et c’est encore le cas, des individus qui se sentent exclus. Il y a des interventions policières intimidantes Quels sont les effets positifs? Amélioration de la qualité de vie; augmentation de la sécurité; développement d’un sentiment de fierté;
Quelles sont les perspectives pour les prochaines années? Pour les 5-6 prochaines années : un nouveau centre sportif communautaire (une des demandes du quartier qui va se réaliser); partenariat avec le YMCA; améliorer l’environnement du quartier; diminuer la circulation automobile; logement social; le logement social doit être construit en fonction des besoins sur place et non dans le but d’attirer un ghetto comme ça c’est fait souvent. C’est correct d’avoir de l’habitation de luxe, un centre-ville avec une classe d’affaires correcte. Ce qui n’est pas correct c’est un ghetto. Il y a un rééquilibrage qui est en train de s’amorcer. On parle d’aller chercher de plus en plus de commerces qui vont répondre aux besoins de la clientèle du quartier. Développer les loisirs, plus d’enfants, plus de verdures, transport en commun moderne et adapté. Un centre-ville vivant. Il reste du travail pour au moins 25 ans.
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Annexe 6 Synthèse de l’entrevue avec Éric Boulay
Entrevue avec ÉRIC BOULAY, Coordonnateur de l’Auberivière
7AVRIL 2010, 15H M. Boulay, quelle est la mission de l’Auberivière? Maison d’accueil pour adultes en difficulté (refuge pour homme/femme, dégrisement, réinsertion sociale, soupe populaire, etc.). 5000 personnes différentes par année à l’Auberivière. Deux fois par année, on fait une corvée de ménage dans le quartier. La Ville de Québec fournit les gants, les balais, les sacs. Les personnes de la rue balaient la rue Saint-Joseph. On montre qu’on est capable de prendre notre place comme il faut, contrairement aux préjugés. Quel est son rôle dans la Revitalisation du quartier Saint-Roch? Ouverture en 2000 du centre de jour (Rendez-Vous Centre-Ville) suite à la démolition du toit du mail. Les gens qui sont dans le mail, ils vont aller où ? Ça touchait à l’organisation plus que la revitalisation en tant que telle. Avec quels autres organismes aviez-vous travaillé? Nous avions participé à la table « Rebâtir la rue Saint-Joseph » avec : Forum jeunesse, Archipel d’entraide, CLSC Basse-Ville, Conseil de quartier, Ville de Québec, Fonctionnaires de la Ville, président de la SIDAC (ancêtre de la SDC), Regroupement pour l’aide aux itinérants. Quels étaient leur perception? Au début, ils avaient des craintes. Mais de cette concertation, est né le désir d’avoir des lieux pour les travailleurs de rue et où les gens pourraient continuer de se socialiser. Quel est votre point de vue par rapport à la revitalisation? Contrairement à bien des organismes, je suis pour la revitalisation. À l’époque, il y avait la guerre des Motards, et il y avait des bombes qui sautaient. C’était un quartier dangereux, surtout le soir. Maintenant, c’est un lieu où il fait bon vivre. Quels effets attribuez-vous à la revitalisation? Les loyers ont augmenté, mais ils ont augmenté partout! C’est juste une partie de Saint-Joseph et Charest qui a été plus revampée. Pour revitaliser un quartier, tu ne peux pas seulement penser aux gens en place localement, c’est un centre-ville, tu dois penser à amener des touristes. Plusieurs commerçants qui étaient là avant la revitalisation sont bien contents, mais il y a de nouveaux commerçants qui ont de la misère à prendre leur place (Hugo Boss). Les commerces de haute gamme, ce sont eux les pires, car ils vont faire faillite. La revitalisation a-t-elle atteint son but? On n’a pas voulu tasser les gens, on a voulu revitaliser, dynamiser le quartier. On a travaillé avec les gens pour revitaliser. Ils ont été inclus dans le projet. Les gens sont encore là, il y a encore des gens avec de la misère. Il y en a autant qu’avant. Ailleurs, les revitalisations ont eu des effets dévastateurs, pas à Saint-Roch. Il n’y a pas eu tant d’expropriation. Ça s’est fait mieux qu’à bien d’autres endroits. Nos gens ont autant de préjugés envers les commerçants (réciproque). C’est loin d’être un échec, la revitalisation, c’est agréable de s’y promener. Je ne vois pas d’autres façons, que de revamper un milieu. Le toit du mail créait un ghetto (vente de drogue). Si on tasse les gens dans un milieu, on leur envoie un message. Il y a des services pour les gens encore plus, il y a plus de moyens pour rejoindre les gens (ex. r-v centre-ville), l’achalandage a augmenté. Est-ce qu’il y a des acteurs qui se sentent dérangés? Ceux qui se plaignent sont ceux qui ne rejoignent pas les besoins du quartier. Beenox : ça ne lui dérange pas la présence d’itinérants. Pensez-vous qu’il y a trop d’organismes sociaux? Non, c’est important. Ils maintiennent l’ordre social, jouent un rôle d’éducation. On est la cohésion entre les commerçants, les citoyens et les exclus. Tous les centres-villes sont colorés! D’ailleurs, les acteurs concertés ont moins de préjugés les uns envers les autres (meilleure communication), c’est plutôt les commerçants et organismes qui n’ont pas été inclus dans le processus qui, eux, ne comprennent pas tout. Comment voyez-vous le quartier Saint-Roch maintenant? Présentement, ça va bien. L’administration L’Allier a délégué beaucoup de ressources pour la qualité de vie et l’animation urbaine. Je n’ai pas encore travaillé avec l’Administration Labeaume, j’ai envoyé des lettres et je n’ai rien reçu. Il y a beaucoup de préjugés dans Saint-Roch. Tant que tu ne fais pas partie du processus, c’est facile d’avoir des préjugés (rumeurs, médias). En quoi un commerce peut tasser des gens (les commerces sont à l’intérieur et les gens sont à l’extérieur). Les chicanes de
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couple ne doivent pas être là. Oui, il faut continuer la concertation et une grande sensibilisation est encore à faire. Sensibiliser les gens qui ont des préjugés au niveau des itinérants (ex. commerçants). Comment voyez-vous Saint-Roch dans le futur? L’enjeu c’est de maintenir l’intérêt politique et des acteurs du milieu. Le quartier a connu des hauts et des bas et s’est toujours relevé. Est-ce qu’il va avoir autant de souci de se préoccuper des pauvres avec l’administration Labeaume? Je ne sais pas! S’il n’y avait pas eu de revitalisation, les Motards seraient revenus. La mixité, ce n’est pas encore fait. On a une belle diversité, mais de là à arriver à la mixité, il y a encore du travail à faire, et c’est réalisable par la volonté des acteurs. Le travail de concertation doit rester, c’est le gardien de la cohésion sociale. L’équilibre est fragile.
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Annexe 7 Synthèse de l’entrevue avec Marcel Landry
Entrevue avec MARCEL LANDRY, Citoyen du Quartier Saint-Roch
15 AVRIL 2010, 14H M. Landry, comment aviez-vous vécu la revitalisation du Quartier Saint-Roch? En 1981, j’ai décidé de venir m’installer dans le quartier Saint-Roch. À cette époque, le quartier était mort. De 1981 à 1989, on n’a rien fait dans le quartier sinon des petits services à gauche et à droite. En 1988, quand le Rassemblement populaire a présenté L’Allier à la mairie, j’ai décidé de m’impliquer. On s’est rendu compte que le quartier était pire qu’on croyait. On voyait la démolition de maison, la pauvreté, la fermeture du mail. En m’impliquant dans la campagne de L’Allier, on a beaucoup discuté et j’ai découvert des groupes communautaires que je ne connaissais pas. En 1991, je me suis impliqué dans un projet appelé L’îlot Fleurie. Première intervention citoyenne avec des artistes en art visuel. Qu’est-ce qui vous a motivé dans le processus? Ma motivation pour venir m’installer à Saint-Roch était pour me reloger pas trop cher. Je ne suis pas venu dans l’idée de m’impliquer. J’ai été à l’origine du conseil de quartier (le 2e à Québec). J’ai occupé la présidence pendant 2 mandats. Comment s’est déroulé le processus de revitalisation? Il y avait le Comité sur la sécurité urbaine; le Comité sur la revitalisation de la rivière Saint-Charles et l’Observatoire sur la démocratie. La revitalisation a été radicale. Ça s’est fait avec beaucoup de difficultés. Pour certains, ça a très mal amorcé avec le jardin Saint-Roch. Les gens voulaient un vrai parc pour les enfants, pour l’activité physique. Mais ce ne fut pas le cas. Donc ça a été boudé, dénoncé par plusieurs personnes, mais pas ouvertement. Quels ont été les projets mis de l’avant? Un beau jour, il y a eu des projets de gros édifices de plusieurs étages. L’idée de Pelletier, c’était un grand boulevard bord en bord de la ville. Une urbaniste, Louise Quesnel, a réveillé L’Allier sur la non-recevabilité du projet. C’était plus l’accès au logement et la lutte à la pauvreté qui étaient les préoccupations des citoyens. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué? Ce qui m’a le plus marqué, c’est la découverte des gens qui se sont impliqués pour peu de chose. Des personnes qui n’avaient jamais rien fait se sont impliquées dans l’Îlot Fleurie. Un jardin communautaire est devenu une merveille de l’aménagement. La Ville était contre le projet au début. C’est le conseiller municipal Jacques Fiset qui a convaincu L’Allier. En 1997, la Ville a démoli l’Îlot Fleurie avec l’accord des citoyens. Il n’y a jamais eu de vandalisme dans le jardin communautaire situé en plein centre de Saint-Roch. Peu longtemps après, la Ville a commencé à mettre des fleurs dans le quartier. Avant, c’était impossible, car le monde vandalisait. C’est le leadership de certaines personnes qui a fait en sorte que les gens se sont ralliés derrière l’idée de revitalisation. À Saint-Roch, il y a eu des mouvements de mobilisation très grande avec Monseigneur Lavoie. À cette époque-là, Saint-Roch était stable. Qu’est-ce qui faisait en sorte que les gens embarquaient? On a vécu la détérioration du mail. Les commerces fermaient. Alors, on s’est dit, on va enlever le mail, ça va enlever les itinérants du même coup. Le Conseil de quartier a demandé une consultation pour l’enlèvement du mail. Pendant 3 soirs, il y a eu consultation et une bonne partie des organismes était contre. Au Conseil de quartier, on ne croyait pas qu’en démolissant c’était pour être mieux. On a alors créé Rendez-vous Centre-ville. Les itinérants n’ont pas été obligés de s’exiler. Mais la mixité n’a pas changé, au grand déplaisir de certains commerçants qui font pluie et bon temps pour démoniser les organismes. Quelles ont été les difficultés de la revitalisation? Les commerçants contribuent à ce que le quartier ne se revitalise pas (GM Développement). Pour eux, le développement, c’est le commerce de luxe. De Langelier à Dorchester, les commerçants n’ont pas eu d’aide et ils se sont développés. Les gens savent faire du commerce là-bas. Les commerçants qui ne font pas d’argent, ce sont eux qui critiquent le plus. GM Développement a réussi à chasser Point de repère sous la pression de Benjo. Quels sont les effets positifs que vous voyez? Maintenant, les gens ordinaires sont plus fiers, il y a des fleurs, le quartier est beau Le quartier est devenu sécuritaire.
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Que pensez-vous des promoteurs privés? La présence de l’ENAP, de l’INRS, c’est bien, mais ils devraient être plus impliqués dans le quartier, plus innovateurs et ouvrir leur porte, être plus audacieux. Il faut qu’ils fassent profiter le quartier de leur présence. Pour GM, sa sécurité, c’est d’avoir des commerces de luxe. Donc, on achète des gens, on leur donne un prix et on les tasse. Le Nouvo Saint-Roch, je combats ça. Le Nouvo, ça veut dire qu’il faut oublier l’autre? Au Conseil de quartier, on n’utilise pas. C’est Campeau qui utilise ça dans tous ses édifices. C’est nier qu’il n’y avait pas de Saint-Roch. Je ne connais pas beaucoup d’exemple dans le monde où on fait ça. Partout, on utilise les vieux noms. C’est nier les valeurs, c’est nier ce qu’est Saint-Roch. Campeau veut écraser la mobilisation citoyenne, ça l’emmerde royalement. Moi ça me fait penser à Rapaille. Comment voyez-vous le Saint-Roch du futur? On aimerait avoir des commerces plus appropriés sur Saint-Joseph. La mixité de commerce. Ce que je trouve malheureux, les artistes, on ne les voit pas. Ça ne transpire pas dans le quartier.