LA REPARATION DU PREJUDICE DU CLIENT PAR LE …
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LA REPARATION
DU PREJUDICE DU CLIENT
PAR LE GESTIONNAIRE
DE PORTEFEUILLE FAUTIF
Mémoire soutenu par
Anastasios SFYROERAS
Pour l’obtention du D.E.A. de Droit des affaires
Sous la direction de
M. le Professeur Michel STORCK
UNIVERSITE ROBERT SCHUMAN STRASBOURG III
1999-2000
1
TABLE DES ABREVIATIONS Bull. Bulletin.
CA Cour d’appel.
C. Cass. Cour de cassation.
Cass. civ. Cour de cassation, Chambre civile.
Cass. com. Cour de cassation, Chambre commerciale.
Cass. crim. Cour de cassation, Chambre criminelle.
Cass. soc. Cour de cassation, Chambre sociale.
CMF Conseil des Marchés Financiers.
COB Commission des Opérations de Bourse.
Contra Solution contraire.
D. Recueil Dalloz.
D. aff. Dalloz affaires.
DP Dalloz, recueil périodique et critique mensuelle.
Dr. Droit.
Ed. Edition.
Fasc. Fascicule.
G. Général.
Inf. rap. Information rapide.
JCP Juris- Classeur périodique (Semaine juridique).
Jur. Class. Juris- Classeur.
Loi MAF Loi du 2 juillet 1996 sur la modernisation des activités financières.
N° Numéro.
Obs. Observation.
P. Page.
Pan. Panorama..
RDBB Revue du droit bancaire et de la bourse.
Rev. Soc. Revue des sociétés.
RJDA Revue de la jurisprudence du droit des affaires.
RTD com. Revue trimestrielle du droit commercial.
S. Recueil Sirey.
Somm. Sommaire.
TGI Tribunal de Grande Instance.
2
PLAN SOMMAIRE.
Première Partie : La détermination du préjudice du client.
Titre I : L’exclusion du préjudice dû à l’aléa boursier.
Section I : L’obligation de moyen du gestionnaire quant à la réalisation de plus
values.
Section II : La réparation exceptionnelle par le gestionnaire du préjudice dû à
l’aléa boursier
Titre II : Le préjudice certain : le problème de la perte d’une chance.
Section I : La réparation par le gestionnaire de la chance perdue par son client
de bénéficier d’un événement favorable.
Section II : Les déviances dans la mise en œuvre de la théorie de la perte d’une
chance en matière de gestion de portefeuille.
Deuxième Partie : La limitation de la dette de réparation du gestionnaire de
portefeuille : le partage de responsabilité.
Titre I : Le concours de la faute d’un autre intermédiaire financier à la réalisation du
préjudice.
Section I : Le problème du partage de responsabilité en cas de non vérification
par le teneur de compte de la conformité des ordres au contrat de mandat.
Section II : La violation par un autre intermédiaire de son obligation
d’information et de conseil.
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Titre II : Le concours de la faute du client à la réalisation du préjudice.
Section I : L’ingérence du client.
Section II : Le silence du client après réception des avis d’opéré.
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INTRODUCTION
« Les clients tentent de tirer de l’aléa judiciaire ce que celui des marchés financiers ne
leur a pas donné »1.
Cette phrase de Henri Hovasse décrit parfaitement l’esprit qui anime les clients dans le
contentieux de responsabilité des intermédiaires financiers.
La bourse a connu les dernières décennies un développement considérable. Elle n’est
plus réservée, comme autrefois, à la couche aisée de la population2. Bonne évolution des
indices boursiers, multiplication des produits et des marchés pour satisfaire aussi bien les
investisseurs les plus prudents et patients que les plus spéculateurs et impatients., accessibilité
facile par l’utilisation des nouvelles technologies, tous les ingrédients sont présents pour que
les valeurs mobilières constituent un investissement attrayant tant pour l’épargne des
particuliers que pour les disponibilités des entreprises. Ces particuliers ou ces entreprises
recourent alors de plus en plus souvent à un investissement boursier en constituant un
portefeuille de valeurs mobilières.
Cependant, la gestion rationnelle d’un portefeuille de valeurs mobilières est une chose
d’expert. Elle nécessite un suivi quotidien des marchés mais aussi une connaissance des
techniques boursières3. Les investisseurs se trouvent donc face à un triple choix. La première
possibilité s’ adresse à ceux qui sont confiants à leurs capacités en matière boursière. Il s’agit
de gérer le portefeuille de manière personnelle. Ils passent alors seuls les ordres pour effectuer
des opérations dont ils assument la pleine responsabilité. Ils peuvent simplement recevoir des
conseils de manière accessoire par l’intermédiaire qui assure la tenue de leur compte.
1 H. Hovasse, note sous CA Paris, 14 mai 1992, Dr des sociétés, 1992, comm. n° 213. 2 B.Vignéron, « Quels récours pour les épargnants victimes des aléas de la Bourse ? », Dr. et patrimoine, 1997,
p.48. 3M.Storck, « Les sociétés de gestion de portefeuille », Jur. Class. Banque et crédit, fasc. 2210, n°1, p.3.
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La deuxième possibilité qui s’ouvre aux investisseurs quant à la gestion de leurs
portefeuille, consiste à continuer à gérer de manière personnelle leur portefeuille, tout en
ayant recours à un professionnel qui exerce la fonction de conseil de placement en valeurs
mobilières. Ce professionnel, n’effectue pas des actes de disposition pour le compte de son
client mais lui adresse simplement, contre rémunération, des conseils d’ achat ou de vente de
valeurs mobilières.
La dernière possibilité des investisseur, qui nous intéresse plus particulièrement dans
le cadre de ce mémoire consiste à avoir recours aux services d’un gestionnaire de portefeuille
de valeurs mobilières.
La gestion de portefeuille est selon l’ article 4 de la loi MAF du 2 juillet 1996, un
service d’investissement. Le contrat de gestion de portefeuille est un mandat aux termes
duquel, le client confie à un intermédiaire spécialisé le soin de gérer en son nom et pour son
compte son portefeuille d’instruments financiers. Le gestionnaire de portefeuille procède alors
au nom et pour le compte de son client à des actes de disposition sur les actifs de celui-ci.
La loi MAF a encadré l’activité de gestion de portefeuille. Elle est exercée par les
prestataires de service d’investissement et les établissements de crédit ayant reçu un agrément
spécial pour fournir des services d’investissement. L’article 21 interdit à toute personne autre
qu’un prestataire de services d’investissement d’assurer pour le compte de tiers la gestion de
portefeuille. L’article 15 de la loi précise que les entreprises qui exercent à titre principal la
gestion pour compte de tiers prennent le nom de sociétés de gestion de portefeuille.
La gestion de portefeuille est « individuelle » lorsque elle est exercé pour le compte
des particuliers ou des entreprises ou « collective » lorsque elle est exercée pour le compte
d’une OPCVM. Il faut dorénavant préciser qu’ en matière de gestion collective le préjudice du
client n’a pas soulevé de problème en jurisprudence.
La motivation de chaque investisseur en bourse qui confie son portefeuille à un
gestionnaire professionnel est de réaliser des plus values. Cependant, ces profits ne peuvent
jamais être certains. Si l’investissement boursier peut s’avérer profitable, il peut aussi générer
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des pertes. « Spéculer en bourse c’est toujours prendre des risques »4. Les pertes peuvent être
le résultat soit de la mauvaise situation économique des émetteurs des valeurs mobilières qui
composent le portefeuille, soit d’une crise plus générale des marchés boursiers. Concernant
ces crises, la réalité économique des dernières années montre que la bourse n’est jamais à
l’abri de turbulences qui font chuter les indices boursiers et qui créent un sentiment
d’insécurité aux investisseurs. On peut se rappeler de la crise asiatique, ou de la crise russe ou
encore plus récemment de la crise des valeurs de la nouvelle technologie. Ces turbulences,
compte tenu de la mondialisation de l’économie, par un effet de « domino », se généralisent et
affectent presque l’ensemble des places mondiales.
Mais les effets d’une crise boursières ne se limitent pas à la chute des indices des
marchés financiers. La crise boursière entraîne aussi une crise aux relations entre les
gestionnaires de portefeuille, et leurs clients, relations qui pourtant, en vertu du contrat de
mandat sont basées sur la confiance ! Les clients, mécontents, déçus et souvent ruinés, après
une crise boursière ont une réaction presque naturelle. Ils essayent de faire supporter au
gestionnaire les pertes qu’ils ont subi. Ils refusent donc presque systématiquement de combler
leur passif et ils tentent d’engager la responsabilité de leur mandataire.
Telle a été la situation après le krach boursier d’octobre 1987. Après ce krach on a
assisté à un développement considérable des contentieux qui opposaient les gestionnaires de
portefeuille à leurs clients, contentieux qui alimentent encore la jurisprudence mais qui lui ont
permis de tracer les lignes directrices de la responsabilité du mandataire.
La responsabilité du gestionnaire de portefeuille de valeurs mobilières est
nécessairement contractuelle car elle a sa source dans le contrat de mandat qui unit
juridiquement ce gestionnaire à son client. Le client, pour obtenir réparation, doit démontrer
la faute du gestionnaire, un préjudice ainsi que la relation de cause à effet entre la faute et ce
préjudice.
En examinant la jurisprudence en la matière, on se rend rapidement compte que le
point central dans le contentieux de responsabilité du gestionnaire de portefeuille est la faute.
4 Anne Leborgne, « Responsabilité civile et opérations sur le marché boursier », RTD com,1995, p. 263.
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Les efforts des clients et de leurs conseils se concentrent à la démonstration de la faute du
gestionnaire. Ils essayent de prouver que ce dernier a transgressé une des obligations qui lui
incombent en vertu du contrat de gestion de portefeuille. Il faut donc examiner brièvement
quelles sont ces obligations.
Les obligations du gestionnaire de portefeuille, sont en premier lieu celles qui
incombent à tout mandataire. Il s’agit principalement de l’obligation d’exécuter la mission
que le mandant lui a confié, c’est à dire de gérer le portefeuille de son client, de le conseiller,
ainsi que de rendre compte au mandant de la gestion qu’il effectue de son affaire. Compte
tenu de la spécificité des produits gérés et les risques que les marchés financiers présentent,
les obligations du gestionnaire de portefeuille ont été précisées par le législateur et les
autorités du marché, c’est à dire la COB et le CMF.
Premièrement, le gestionnaire de portefeuille de valeurs mobilières assume vis à vis de
son client un devoir d’information. Ce devoir d’information commence à peser sur le
gestionnaire avant la conclusion du mandat et se prolonge pendant son exécution.
Concernant l’obligation d’information pré contractuelle, son contenu varie en fonction
des marchés et en fonction du client. Plus précisément, en vertu de l’article 58-5° de la loi
MAF et de l’article 3-3-5 du Règlement général du CMF, le gestionnaire de portefeuille doit
informer son client sur les caractéristiques et les risques des produits financiers qu’il envisage
d’acquérir et des opérations qu’il envisage d’effectuer. Cette obligation d’information est
renforcée pour les marchés à terme par l’obligation faite au gestionnaire de remettre à son
client une note d’information spéciale pour ces marchés5. L’obligation d’information pré
contractuelle varie aussi en fonction des connaissance du client. Le gestionnaire est alors
allégé de son obligation si le mandant est un opérateur averti qui connaît les mécanismes
boursiers6.
L’obligation d’information du gestionnaire de portefeuille se prolonge pendant l’
exécution du mandat par l’envoi à son client des avis d’opéré après l’exécution de chaque
5 Article 3 Règlement 97-02 COB. 6 Voir en ce sens :Cass. com., 27 janvier 1998, Banque et droit, 1998, p. 31, obs. H. de Vauplane ; CA Paris, 7
mai 1999, Bull. Joly Bourse et produits financiers, 1999, p. 599, note L. Ruet.
8
opération ainsi que par l’envoi de manière périodique des documents qui retracent la situation
du portefeuille.
Le devoir d’information du gestionnaire de portefeuille se couple avec une obligation
de conseil7. Il s’agit de conseiller le client de manière positive ou négative pour l’orienter
dans sa prise de décision8. Ce devoir de conseil est important pour le choix du client quant
aux différentes types de produits qui vont composer son portefeuille et les opération que le
gestionnaire sera autorisé à effectuer.
Le gestionnaire de portefeuille de valeurs mobilières doit, enfin, gérer le patrimoine
boursier de son client avec diligence et loyauté, au mieux des intérêts de ce dernier.
Toutes ces obligations constituent pour les gestionnaires de portefeuille des sources de
responsabilité. La réaction des gestionnaires de portefeuille face à la multiplication des
sources de leur responsabilité était d’insérer au contrats de clauses limitatives ou élusives de
responsabilité. Par ces clauses, les gestionnaires n’acceptent leur responsabilité que dans
certains cas c’est à dire pour certaines types de faute. Ces clauses, conformément au droit
commun en présence d’un client « consommateur », peuvent être déclarées abusives
lorsqu’elles ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du client un déséquilibre
significatif entre les droits et obligations des parties au contrat9. En plus si elles sont valables
elles restent inopérantes en présence d’une faute lourde ou d’un dol du gestionnaire10.
Si la faute constitue, le plus souvent, le point central dans les contentieux de la
responsabilité du gestionnaire de portefeuille, le préjudice du client n’est pas un point
négligeable. La preuve d’un préjudice est une condition de l’engagement de la responsabilité
du gestionnaire conformément au droit commun des obligations11. La réparation de ce
préjudice par le gestionnaire de portefeuille fautif est la motivation principale si non unique
7 Article 58 loi MAF. 8 J. M. Bossin et G. de Lambilly, « Le mandat de gestion de portefeuille individuel et la responsabilité des
intermédiaire », Banque et droit, 1998, p. 5. 9 Article L 132-1 code de la consommation. 10 M.Storck, « Les sociétés de gestion de portefeuille », préc. n°142 et suiv. p. 29 et suiv. ; H. de Vauplane, J.-P.
Bornet, « Droit des marchés financiers », Litec, 1998, n° 962, p. 815. 11 Article 1149 code civil.
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du client qui engage la responsabilité de son mandataire. Une fois que la faute du gestionnaire
de portefeuille est prouvée, le client à droit à réparation de son préjudice, le principe étant
celui de la réparation intégrale12. Mais pour fixer le montant de la réparation, il faut
nécessairement déterminer quel est ce préjudice que le gestionnaire doit réparer dans son
intégralité13. C’est alors cette question de la détermination du préjudice du client qui nous
occupera dans une première partie.
Comme on a déjà évoqué précédemment, généralement tout se passe bien entre le
gestionnaire de portefeuille et son client jusqu’au moment où le portefeuille géré enregistre
des pertes. Les pertes sont alors le point de départ des « hostilités » qui finissent souvent à une
« bataille » judiciaire. L’étude de la jurisprudence nous montre que les clients demandent la
réparation par le gestionnaire de l’ensemble des pertes qu’ils ont subi. Mais faut-il mettre à la
charge du gestionnaire même fautif toutes ces pertes enregistrées sur les comptes du client ?
Les opérations boursières sont par nature des opération aléatoires. Les analystes
financiers essayent d’élaborer des méthodes pour évaluer avec certitude les risques des
marchés financiers14. Si toutes ces tentatives sont restées vaines, elles arrivent à une
conclusion commune. C’est que le risque zéro n’existe pas en matière boursière. L’aléa
boursier est toujours présent et les marchés boursiers ne sont jamais à l’abri d’une crise plus
ou moins importante. Pourtant, « les turbulences de la bourse et les perte qu’elles peuvent
entraîner pour le épargnants malheureux, ne sont pas, en elles mêmes des raisons
d’incriminer les intermédiaires financiers » 15et en ce qui nous intéresse, le gestionnaire de
portefeuille. Une fois que le client a été normalement informé sur les risques que présentent
les marchés boursiers, il doit supporter les conséquences de ces risques qu’il a décidé
d’encourir. Face alors à la tentative des clients de faire supporter par le gestionnaire de
portefeuille l’ensemble des pertes qu’ils ont subi, la jurisprudence décide de manière 12 Cass. civ., 30 juillet 1877, DP 1878. 1. 24. ; Cass. civ., 9 novembre 1953, D. 1954, p.5. 13 Il faut noter que le montant de la réparation peut aussi être fixé par une clause pénale qui figure dans le contrat
de gestion. Ces clauses elles sont soumises au règles du droit commun concernant les clauses pénales et elles ne
vont pas nous occuper car elles sont rares. Voir : M.Storck, « Les sociétés de gestion de portefeuille », préc.n°
147, p. 30. On ne va pas non plus s’intéresser au cas ou le montant de la réparation est fixé par les parties à
l’amiable. 14 M.Berthelot et C.Gildé, « Les risques de marché à la loupe », Banque magazine, n° 600, février 1999, p. 18. 15 B. Vignéron, « Quels recours pour les épargnants victimes des aléas de la Bourse ? », préc., p. 48.
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constante que les pertes dues à l’aléa boursier ne constituent pas un préjudice réparable par le
mandataire. La jurisprudence est arrivée à l’exclusion des pertes du client dues à l’aléa
boursier à travers la définition de la nature de l’obligation de gestion qui pèse sur le
gestionnaire de portefeuille. On verra que dés 1971, il a été décidé que cette obligation
constitue une obligation de moyen. La conséquence de cette qualification est que la seule
existence de pertes ne suffit pas pour que la responsabilité du gestionnaire soit engagée étant
donné qu’il n’ a aucune obligation de réaliser des profits par le gestion qu’il effectue du
portefeuille de son client. Pour que la responsabilité du gestionnaire soit engagée il faut que le
client démontre que son mandataire a commis une faute, l’existence de cette faute étant
appréciée par rapport au comportement d’un professionnel normalement diligent et prudent
placé dans les mêmes conditions de lieu et de temps. Le gestionnaire de portefeuille ne répond
que des pertes dues à sa faute, à l’exclusion des pertes dues à l’aléa boursier. La comparaison
des résultats qu’aurait obtenu le professionnel normalement diligent avec ceux obtenus par le
gestionnaire de portefeuille permet de déterminer les pertes qui sont dues à la faute de ce
dernier.
Si cependant, les pertes dues à l’aléa boursier sont en principe exclues du préjudice
réparable il y a des cas de figure où le client obtient la réparation de l’ensemble de son
préjudice même si objectivement il est dû totalement, ou pour partie, aux risques des marchés
boursiers.
Tel est le cas premièrement lorsque une clause contractuelle met à la charge du
gestionnaire de portefeuille une obligation de résultats quant à la réalisation de plus values.
Les gestionnaires de portefeuille connaissent bien que la crainte principale de leurs clients est
de voir leur capital investi en bourse partir en éclat après une crise boursière. Pour attirer donc
leur clientèle ils proposent dans les contrats de gestion une clause promettant un rendement
annuel garanti ou un meilleur rendement que l’évolution de certains indices boursiers. Quand
une telle clause figure dans le contrat qui unit les parties, le gestionnaire assume quant à la
réalisation de plus values une obligation de résultat. La conséquence de cette qualification de
la nature de l’obligation qui pèse sur le gestionnaire est que la seule preuve par le client que
les résultats promis par sont mandataire n’ont pas été atteints suffit à engager sa
responsabilité, la faute de ce dernier et le lien de causalité étant présumés. Il doit alors réparer
le préjudice subi par son client et lui procurer les résultats promis. La seule possibilité qui
reste au gestionnaire pour éviter l’engagement de sa responsabilité est de prouver,
11
conformément au droit commun de la responsabilité, que l’inexécution de son obligation est
due à une cause étrangère c’est à dire à un cas de force majeure ou à un cas fortuit. Le
problème donc qui se pose directement est de savoir si le gestionnaire peut être exonéré en
démontrant que les résultats qui ont été promis à son client n’ont pas été atteints à cause d’une
crise qui a affecté les marchés financiers. Autrement dit, il s’agit de savoir si une crise
boursière présente les caractéristiques de la force majeure. En l’absence de réponse
jurisprudentielle claire sur ce sujet on pourrait dire qu’aucune crise boursière n’est pas
totalement imprévisible. En plus, le client qui paye à son gestionnaire une rémunération plus
élevée pour bénéficier de la clause de résultat il le fait exactement pour se prémunir des
risques que présente une crise boursière. Le gestionnaire de portefeuille alors, quand il assume
en vertu d’une clause contractuelle une obligation de résultat il doit réparer l’ensemble du
préjudice subi par son client et cela même dans le cas où le fait que ce résultat n’a pas été
atteint est dû à l’aléa boursier.
Le cas où le gestionnaire de portefeuille assume une obligation de résultat en vertu
d’une clause contractuelle n’est pas l’unique dans lequel le client obtient pleine satisfaction.
Le gestionnaire de portefeuille est amené à réparer l’ensemble du préjudice subi par le client
même si objectivement il est dû en totalité, ou pour partie à l’aléa boursier, lorsque il a
commis une faute particulièrement grave.
Le gestionnaire de portefeuille commet une faute particulièrement grave
premièrement, lorsque il effectue des opérations en dépassement des termes de son mandat.
Les pouvoirs du gestionnaire sont définis par le contrat de gestion qui l’unit juridiquement à
son client. Ce contrat, obligatoirement écrit, détermine les objectifs de la gestion et confère au
mandataire les pouvoirs nécessaires pour effectuer une gestion prudente ou une gestion plus
dynamique par l’intervention à des marchés qui présentent un fort effet de levier. Lorsque le
gestionnaire portefeuille dépasse ses pouvoirs et effectue sans l’autorisation de son client des
opérations dans des marchés à haut risque, la jurisprudence qui raisonne en termes de
responsabilité et pas en termes de nullité , met à sa charge l’ensemble du préjudice subi par le
client sans examiner d’avantage la qualité de sa gestion.
La situation est la même en cas d’opérations effectuées par le gestionnaire après qu’il
soit révoqué par son client. En effet, commet tout mandant, le client peut révoquer le
gestionnaire de portefeuille à tout moment. Lorsque une telle révocation a eu lieu et le
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gestionnaire continue à réaliser des actes de disposition sur les titres qui composent le
portefeuille, il doit remettre à son client un portefeuille à la situation à la quelle il se trouvait
au moment de la révocation et supporter l’ensemble du préjudice subi par le client à cause de
ces opération. Ici non plus la qualité de la gestion effectuée par le gestionnaire après la
révocation n’est pas prise en compte.
Enfin, jusqu’à une certaine époque récente, le gestionnaire de portefeuille devait
supporter la totalité de pertes subies par son client lorsqu’il avait procédé à une substitution de
mandataire sans l’autorisation du mandant. On verra que tel n’est plus le cas actuellement. La
jurisprudence, en faisant une application exacte des règles du droit commun du mandat,
décide que le client ne peut engager la responsabilité du gestionnaire initial que si le
gestionnaire substituant a commis une faute dans sa gestion et il ne répond que des pertes
dues à cette faute du gestionnaire substituant.
Une fois le pertes dues à l’aléa boursier exclus, le préjudice subi par le client n’est pas
réparable de manière automatique. Pour qu’il soit réparable, il doit, conformément au droit
commun de la responsabilité, présenter le caractère de la certitude. Qu’il soit actuel ou futur,
le préjudice du client ne sera mis à la charge du gestionnaire de portefeuille que s’il est
certain, la réparation d’un préjudice éventuel ou hypothétique étant exclue.
Le problème de la certitude se pose lorsque le créancier d’une obligation inexécutée
invoque que son préjudice consiste à la perte d’une chance. La perte d’une chance est la
privation de la possibilité de bénéficier d’un évènement favorable. La théorie de la perte d’une
chance, ayant été développée surtout à propos de la responsabilité des médecins ou des
avocats, récemment elle a été mise en œuvre aussi dans le cadre de la responsabilité du
gestionnaire de portefeuille, les clients invoquant la perte d’une chance de limiter leurs pertes
ou de réaliser des plus values. La jurisprudence, depuis plus d’un siècle, a consacré le principe
de la réparation du préjudice qui consiste à la perte d’une chance. Cependant, elle a posé des
condition. Etant donné que le principe reste celui de la réparation du seul préjudice certain, le
client doit apporter la preuve que la chance perdue était réelle et sérieuse. Une fois que cet
obstacle surmonté, on se confronte au problème de l’évaluation de cette chance pour fixer le
montant de l’indemnisation. Cette évaluation étant assez complexe en matière de gestion de
portefeuille de valeurs mobilières compte tenu de la spécificité de ces produits et la
complexité des mécanismes boursiers, les juges, comme il font dans d’autres domaines, ils ont
13
recours aux services d’un expert. L’étude, enfin, de la jurisprudence nous montre qu’ en
matière de gestion de portefeuille la théorie de la perte d’un chance n’est pas toujours mise en
œuvre de manière très orthodoxe.
L’objectif du client qui engage la responsabilité de son mandataire chargé de gérer son
portefeuille de valeurs mobilières est d’obtenir réparation du préjudice qu’il a subi. Après
donc avoir déterminé le préjudice réparable du client, il faudra examiner si le gestionnaire
fautif aura à supporter la totalité de la charge de la réparation. On analysera dans une
deuxième partie que la dette de réparation du gestionnaire de portefeuille peut être limitée.
D’après le droit commun de la responsabilité, lorsque plusieurs fautes commises par
différentes personnes ont concouru à la réalisation d’un même dommage, il y a entre les
auteurs de ces fautes un partage de responsabilité.
En matière de responsabilité du gestionnaire de portefeuille, s’il s’avère que le
préjudice réparable du client est dû aussi bien à la faute du gestionnaire qu’a celle d’un autre
intermédiaire financier ou du client lui-même, un partage de responsabilité serait envisageable
de sorte que la dette de réparation du gestionnaire serait diminuée.
Plus précisément, la responsabilité pour le préjudice du client peut être partagée
premier lieu entre le gestionnaire de portefeuille et un autre intermédiaire financier. En effet,
le gestionnaire n’est pas le seul intermédiaire avec lequel le client est en relation. Pour investir
en bourse, il a nécessairement recours aux services d’un teneur de compte auprès duquel il a
ouvert son compte titres et qui souvent assure aussi la fonction d’exécution des ordres. Cet
intermédiaire assume vis à vis de son client des obligations, le non respect des quelles est
constitutif d’une faute. Si cette faute a concouru avec la faute du gestionnaire un partage de
responsabilité entre les deux intermédiaires sera prononcé.
En examinant la jurisprudence, on se rend compte que les fautes les plus courantes du
teneur de compte qui ont conduit à un partage sont de deux sortes :
La première hypothèse est celle dans laquelle le teneur de compte a transgressé son
obligation de vérifier la conformité des ordres du gestionnaire aux termes du contrat de
gestion. Cette obligation de vérification était mise à la charge du teneur de compte par
14
l’ancien règlement des agents de change mais elle a été supprimée en 1989 par le Règlement
général du CBV. En l’état actuel du droit, la non vérification des ordres ne constitue pas une
faute de la part du teneur de compte et donc elle ne peut pas conduire à un partage de
responsabilité avec le gestionnaire.
La seconde hypothèse dans laquelle un partage de responsabilité a été fréquemment
décidée est celle dans laquelle le teneur de compte n’a pas satisfait à son obligation
d’information et de conseil. En effet, la jurisprudence, dans un premier temps, et la loi
ensuite, chargent d’une obligation d’information et de conseil, non seulement le gestionnaire
de portefeuille mais chaque intermédiaire financier avec lequel le client est en relation. La
jurisprudence récente a d’ailleurs élargi l’obligation de conseil du teneur de compte qui va
jusqu’à un devoir d’alerter son client pour la gestion anormale effectuée par le gestionnaire de
son portefeuille de valeurs mobilières.
Dans le cas où un partage de responsabilité est décidé entre le gestionnaire de
portefeuille et le teneur de compte, en vertu de la règle de l’obligation in solidum, le client
pourra demander la réparation totale de son préjudice par l’un ou l’autre intermédiaire.
Cependant, en ce qui concerne la contribution finale à la dette, celui qui a acquitté la totalité
de la dette de réparation disposera une action récursoire contre l’autre pour les sommes payés
en trop. La dette finale du gestionnaire de portefeuille sera ainsi limitée à proportion de la
participation de sa faute à la réalisation du préjudice du client.
Si, mis à part le gestionnaire, un autre intermédiaire financier peut être à la source du
préjudice du client, ce préjudice peut être dû aussi à un agissement fautif du client lui même.
Cet agissement fautif du client peut premièrement consister à son silence après la
réception des avis d’opéré ou des relevés périodique que lui adresse le gestionnaire de son
portefeuille. La jurisprudence affirme qu’en principe le client n’est pas tenu de suivre
l’évolution de son compte et de réagir. Cependant, il peut commettre une faute lorsqu’il a
manqué de vigilance alors que son mandataire l’avait mis en garde ou lorsque il a gardé une
attitude passive alors que sur ces documents apparaissaient des anomalies flagrantes.
La faute du client peut aussi provenir de son immixtion dans la gestion menée par le
gestionnaire de portefeuille. Ce gestionnaire conserve en principe une certaine liberté quant
aux suites à donner aux instructions du client. Cependant, dans le cas où ces instructions sont
15
claires précises et urgentes il est tenu de les exécuter. L’immixtion du client qui a compromis
la gestion de son portefeuille peut être considérée comme fautive.
Dans l’hypothèse où la faute du client est démontrée, il y aura un partage de
responsabilité avec le gestionnaire de portefeuille fautif. Cependant, dans ce cas la règle de
l’obligation in solidum ne sera pas applicable. Le gestionnaire sera exonéré partiellement de
sa responsabilité et il ne devra réparation au client qu’à proportion de la contribution de sa
faute à la réalisation du préjudice. Sa dette de réparation sera alors directement allégée.
Pour aborder donc le problème du préjudice réparable du client par le gestionnaire de
portefeuille de valeurs mobilières fautif on va procéder de la manière suivante : On analysera
dans un premier temps la détermination du préjudice du client (première partie), pour
examiner ensuite la limitation de la dette de réparation du gestionnaire en cas de partage de
responsabilité (deuxième partie).
16
PREMIERE PARTIE
La détermination du préjudice du client
Le préjudice dont la réparation est demandée par le créancier d’une obligation
inexécutée peut être matériel, corporel ou moral. En matière de responsabilité du gestionnaire
de portefeuille de valeurs mobilières, le problème du préjudice corporel ou moral ne se pose
pas, le préjudice invoqué par le client étant uniquement un préjudice matériel. Ce préjudice
matériel, conformément à l’ article 1149 du code civil peut consister soit à la perte éprouvée
par le créancier d’une obligation inexécutée, soit à un gain manqué du fait de l’ inexécution de
l’obligation.
Le contentieux de la responsabilité du gestionnaire de portefeuille trouve généralement
sa source aux pertes enregistrées sur le compte des clients surtout à la suite des crises
boursières telles que le krach de l’octobre 1987 ou la crise qui a suivi la guerre du Golf en
1992. Un grand nombre des clients refusaient alors systématiquement de combler leur passif
ou ils engageaient directement la responsabilité de leurs gestionnaires. Le préjudice des
clients dans ces contentieux ne présentait aucune « surprise » : ils demandaient tout
simplement par leur mandataire de les indemniser pour la totalité des pertes qu’ils ont subi !
Le climat de l’époque se prêtait à des telles « revendications » : Réglementation de plus en
plus rigoureuse de l’activité de gestion de portefeuille, accroissement de sources de sa
responsabilité, tout était mis en œuvre pour créer aux investisseurs un sentiment de sécurité
pour qu’ils continuent à investir leur épargne en bourse en procurant ainsi le financement qui
assurera la prospérité des sociétés cotées.
Cependant, les opération boursières sont par nature des opérations aléatoires. Si elles
peuvent générer de profits de manière à satisfaire leur initiateur, elles peuvent aussi provoquer
des pertes. Il s’agit donc des opérations risquées. La jurisprudence, consciente de cette réalité
exclut alors, dans le cadre de la responsabilité du gestionnaire de portefeuille, la réparation
des pertes dues à l’aléa boursier (TITRE I)
17
Une fois que ces pertes exclues, le client n’obtient pas satisfaction que si il démontre
que son préjudice est certain. En règle générale, la certitude du préjudice du client en matière
de responsabilité du gestionnaire de portefeuille ne pose pas de problème si ce n’est que
lorsque ce dernier invoque que la faute de son mandataire l’a privé de la chance d’éviter les
pertes ou de réaliser des plus values. (TITRE II)
TITRE I : L’exclusion du préjudice dû à l’aléa boursier
Les dernières années on assiste à un accroissement étonnant des sources de
responsabilité des intermédiaires financiers. Les intermédiaires assument par exemple des
obligations d’information et de conseil même dans des cas où ils ne sont pas rémunérés pour
ces services. C’est par exemple le cas lorsque l’intermédiaire financier est uni à son client par
un contrat de simple tenue de compte16. Parallèlement, après le krach boursier de 1987, il y a
eu un développement du contentieux contre les intermédiaires financiers. Les clients, en
engageant la responsabilité des intermédiaires, ils essayent de faire supporter à ces derniers
les mauvais résultats du cours des actions qui composent leur portefeuille.
Le problème s’est posé particulièrement pour les gestionnaires de portefeuille qui
gèrent de manière autonome le patrimoine boursier de leurs clients. Ces derniers, mécontents
de mauvais résultats qui apparaissent sur leurs comptes, ils tentent à imputer sur la gestion
effectuée par leur mandataire les conséquences souvent catastrophiques des récessions
boursières.
Face à cette situation et devant le danger de voir les intermédiaires financiers
systématiquement condamnés à indemniser leurs clients, comme l’indique un auteur, se sont
développés en jurisprudence des « îlots de résistance »17. En l’occurrence il s’agit de
l’exclusion par la jurisprudence de la réparation du préjudice dû à l’aléa boursier en
16 Article 58 loi MAF. 17 A. Leborgne, « Responsabilité civile et opérations sur le marché boursier », préc., p. 276 et suiv.
18
considérant que le gestionnaire n’assume quant à la réalisation de plus values qu’une
obligation de moyen.(SECTION I)
Cependant, si les pertes dues à l’aléa boursier ne sont pas en principe réparables par le
gestionnaire de portefeuille, il y a aussi des hypothèses où le client obtient pleine satisfaction,
le gestionnaire de portefeuille étant amené à l’indemniser pour l’ensemble de son préjudice
même si objectivement il est dû totalement ou pour partie à l’aléa boursier.(SECTION II)
SECTION I : L’obligation de moyen du gestionnaire quant à la
réalisation de plus values.
Les interventions aux marchés boursiers sont par nature des interventions à risque. Le
degré de ce risque dépend de la nature du marché dans lequel les opérations sont effectuées.
Le marché à terme ou le marché à options sont ceux qui sont les plus dangereux à cause de
l’important effet de levier. Ces marchés « peuvent rapporter gros mais peuvent faire aussi
perdre beaucoup »18. De manière plus générale l’aléa est présent à tous les marchés boursiers.
A nos jours, et compte tenue de la mondialisation de l’économie, l’évolution des indices
boursiers est influencée par des facteurs économiques aussi bien que par des événements
politiques, nationaux et internationaux, de sorte que personne n’est en position de prévoir
cette évolution de manière certaine et précise. Les clients en décidant d’investir leur argent à
des valeurs mobilières, normalement ils ont été informés par chaque intermédiaire financier
avec lequel ils sont entrés en relation sur les risques inhérents aux marches boursiers19 et sont
censés les avoir accepté. Il serait donc fortement injuste de faire supporter par le gestionnaire
de portefeuille les pertes qui sont la conséquence directe de cet aléa qui affecte les marchés
boursier et qui sont détachées complètement de la gestion que ce gestionnaire a effectué du
portefeuille de son client. La jurisprudence a voulu alors décharger le gestionnaire de la
responsabilité concernant les pertes dues à l’aléa boursier et de faire supporter au client lui
même les risques de la spéculation.
18 CA Paris, 12 avril 1996, JCP, 1996, G., II, 22705, note Ph. Le Tourneau ; Banque et droit, 1996, p. 29, obs. H.
de Vauplane. 19 Article 58 loi MAF.
19
La jurisprudence est arrivé à l’exclusion de la réparation par le gestionnaire de
portefeuille des pertes du client dues à l’aléa boursier à travers la détermination de la nature
de l’obligation de gestion qui pèse sur le mandataire.
Le résultat recherché par le client qui confie la gestion de son portefeuille de valeurs
mobilières à un gestionnaire est de réaliser des profits. L’obligation principale donc qui est à
la charge du mandataire est de gérer au mieux le portefeuille de son client pour obtenir des
plus values. Face au problème de la détermination de la nature de cette obligation de gestion
du gestionnaire, et en l’absence de clause spéciale dans le contrat qui détermine la nature de
cette obligation, les juges se sont confrontés à une double choix.
La première option était de considérer que cette obligation de gestion en vue de
réaliser des plus values était une obligation de résultat. Dans un tel cas, le mandataire du
client serait tenu d’obtenir par sa gestion des profits satisfaisants et l’inexécution de son
obligation serait établie du seul fait que ces résultats n’ont pas été obtenues et ce, même si
c’est la conséquence de la mauvaise évolution des indices boursiers. Il s’agit donc de
soumettre le gestionnaire de portefeuille au régime de l’article 1147 du code civil qui
concerne l’obligation de résultat.
La seconde option à la quelle se sont confrontés les juges était de considérer que le
gestionnaire de portefeuille assume une obligation de moyen. Dans un tel cas, sa
responsabilité ne peut être engagée à cause de la simple existence de pertes ou la non
réalisation des plus values. Le gestionnaire n’ayant pas promis des bénéfices à son client ,il
n’est tenu que de mettre tout en œuvre dans sa gestion pour obtenir ces bénéfices. Par
conséquent, même si le résultat souhaitable par le client n’est pas réalisé, la responsabilité du
gestionnaire de son portefeuille ne peut être engagée que si la mandant apporte la preuve que
son mandataire a commis une faute dans la gestion qu’il a effectué, c’est à dire qu’il ne s’est
pas comporté en bon père de famille. Il s’agit alors de soumettre le gestionnaire de
portefeuille au régime de l’article 1137 du code civil qui concerne l’obligation de moyen.
La jurisprudence affirme de manière constante que l’obligation qui est à la charge du
gestionnaire quant à la gestion qu’il effectue du portefeuille de son client pour la réalisation
20
des plus values est une obligation de moyen20. Sa responsabilité ne peut être engagée que si il
a commis une faute dans sa gestion, les pertes subies par le client n’étant réparables que si
elles sont dues directement à cette faute du gestionnaire à l’exclusion, donc, de celles qui sont
dues à l’aléa boursier.
Cette position de la jurisprudence n’est pas surprenante. Traditionnellement, le
caractère aléatoire ou non du résultat recherché par un contrat constitue un critère primordial
pour la distinction entre obligation de moyen et obligation de résultat21. Lorsque l’exécution
d’une obligation comporte une grande partie de risque quant à la réalisation du résultat
souhaité, le débiteur de cette obligation ne peut pas être tenu comme responsable si ce résultat
ne se réalise pas. C’est le cas pour la responsabilité du médecin en cas de non guérison du
patient, ou de la responsabilité de l’avocat en cas de perte d’un procès. C’est dans ce cadre
que s’inscrit aussi la responsabilité du gestionnaire de portefeuille à cause de l’existence de
l’aléa boursier. Comme tout mandataire22 il ne répond que des fautes commises dans sa
gestion. Il n’est tenu qu’à la réparation du préjudice du client dû à cette faute et pas du
préjudice qui est causé par les fluctuations des marchés boursiers.
Une fois que la nature de l’obligation du gestionnaire quant à la gestion qu’il effectue
du portefeuille de son client déterminée comme obligation de moyen, il reste à savoir
comment examiner si le gestionnaire de portefeuille a satisfait ou non à son obligation de
moyen.
L’ article 1137 du code civil ,pour déterminer si le débiteur d’une obligation de moyen
a commis une faute, nous amène à comparer son comportement avec celui d’un bon père de
famille. Il s’agit donc de comparer de manière abstraite le comportement du débiteur avec
20Cass. com., 12 juillet 1971, D. 1972, p. 153, note C. Galvada ; RTD Com.,1972, p.144, obs. M. Cabrillac ; CA
Paris, 25 novembre 1988, D. 1990, p.9, note M. Storck ; CA Paris, 11 mars 1992, JCP, éd.E, 1992, pan. p. 525 ;
CA Paris, 23 septembre 1993, D. 1994, somm. p. 213, obs. Ph. Delebeque ; CA Paris, 12 avril 1996, préc. ; CA
Paris, 7 avril 1999, Epoux Lévy c./ Société Louxor Capital Market, et autre, Bull. Joly Bourse et produits
financiers, 1999, p.464, note I. Riassetto ; Aussi, M. Storck, «Les sociétés de gestion de portefeuille », préc., n°
131 et suiv.p.27 et 28. 21G. Viney, P. Jourdain, «Les conditions de la responsabilité », L.G.D.J., 2ème éd., 1998, n° 541, p.460 ; F. Terré,
Ph. Simler, Yves Lequette, « Les obligations », Précis Dalloz, 7ème éd., 1999, 560, p. 529. 22Article 1992 code civil.
21
celui qu’aurait eu un autre débiteur normalement diligent et prudent placé sous les mêmes
conditions de lieu et de temps.
Concernant le gestionnaire de portefeuille, pour déterminer s’il a commis une faute
dans sa gestion, il faut examiner « s’il a rempli la mission qui lui a été confiée par ses clients
en mettant en œuvre tous les moyens nécessaires à servir au mieux leurs intérêts »23. Pour
conclure à l’existence d’une faute, les juges apprécient le comportement du gestionnaire par
rapport à ce d’un professionnel avisé.(compte tenu des difficultés techniques concernant le
fonctionnement des marchés boursier, les juges ont le plus souvent recours à un expert). Le
gestionnaire a l’obligation de placer les fonds de son client comme le ferrait un bon
professionnel placé dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, suivant les usages
bancaires et boursiers de la place24, sa gestion étant appréciée dans son ensemble25. Le
gestionnaire doit gérer le portefeuille de son client en bon père de famille26, qu’il soit chargé
par le contrat d’opérer une gestion « prudente » ou une gestion « dynamique » ou
« spéculative » par l’intervention sur des marchés qui présentent un fort effet de levier27. S’il
ressort de la comparaison avec le comportement du professionnel avisé que le gestionnaire de
portefeuille n’a pas commis de faute dans sa gestion, la jurisprudence a clairement affirmé
que la seule existence des pertes ne suffit pas à engager le responsabilité du gestionnaire28.
Les pertes enregistrées sur les comptes du client ne sont que la conséquence de la mauvaise
évolution des indices boursiers, ces pertes ne constituent pas un préjudice réparable par le
gestionnaire non fautif. Un exemple très clair nous est fourni sur ce sujet par l’arrêt de la Cour
23H. de Vauplane, « La responsabilité civile des intermédiaires », RDBB, 1999, p.228. 24 C. Gavalda, note sous arrêt 12 juillet 1971, préc. 25 CA Paris, 29 juin 1983, D. 1983, inf. rap., p. 349. 26 L’article 2000 du code civil consacre l’obligation de tout mandataire d’agir avec prudence. Concernant les
intermédiaires financiers, l’article 58 2°de la loi MAF énonce des règles de bonne conduite dans l’ exercice de
leur activité parmi lesquelles on trouve l’obligation d’agir avec diligence au mieux des intérêts de leurs clients. 27 On n’est pas d’accord avec la distinction que font certains auteurs entre gestion « spéculative » et gestion « en
bon père de famille ».( Ph. Le Tourneau, note sous CA Paris, 12 avril 1996, préc., H. de Vauplane, obs. sur CA
Versailles, 30 mai 1996 et CA Paris, 12 avril 1996, Banque et droit 1996, p.29). Le contrat prévoit soit une
gestion « prudente » soit une gestion « spéculative » (ou « dynamique »). Que la gestion soit prudente ou
spéculative il faut qu’elle soit faite en bon père de famille. La gestion spéculative n’est pas faite en bon père de
famille si elle est « effrénée » et « téméraire ».( Cass. com., 1er février 1994, RJDA, 1995, n° 33) 28 CA Paris 12 avril 1996, préc. ;CA Paris, 14 décembre 1998, Joly Bourse et produits financiers, 1999, p. 153,
note L. Ruet.
22
d’appel de Paris du 23 septembre 199729 où la Cour a réaffirmé le principe de l’obligation de
moyen qui pèse sur le gestionnaire et a confirmé le caractère non réparable du préjudice
résultant de l’aléa boursier. Plus précisément, en l’espèce, le client mécontent des pertes
enregistrées sur son compte suite au krach de 1987, essaye de faire supporter ces pertes au
gestionnaire de son portefeuille. La Cour d’appel ne satisfait pas les prétentions du client et
affirme que le gestionnaire chargé d’un mandat de gestion « n’était pas tenu d’une obligation
de résultat et il n’est pas établie que sa gestion a été maladroite, objectivement anormale ou
aberrant au regard de la gestion que le mandant pouvait attendre sur le marché à terme ;
qu’en effet, l’essentiel des pertes a été enregistrée en raison du krach du mois d’octobre 1987
dont les effets , tout particulièrement brutaux, sur le marché ne peuvent être imputés au
gestionnaire ».
Par conséquent, s’il s’avéré de la comparaison avec le professionnel diligent que le
gestionnaire de portefeuille n’ a pas commis de faute dans sa gestion, cette absence de faute
ne permet pas l’engagement de sa responsabilité. Si par contre il s’avère qu’il a commis une
faute il ne doit réparer que le préjudice qui est uni à cette faute par une relation de cause à
effet, à l’exclusion, donc, des pertes dues à l’aléa boursier.
Dans le cas où la faute du gestionnaire de portefeuille est prouvée, la comparaison des
résultats obtenus par le gestionnaire en question avec ceux qu’aurait obtenu le professionnel
avisé, va permettre de déterminer la quote part du préjudice du client qui est du à la faute du
gestionnaire et qui mérite réparation et celle due à l’aléa boursier et qui restera à la charge du
client. C’est dans ce sens que s’est prononcée la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 29
juin 1983 où elle a énoncé que« pour calculer le montant des pertes résultant d’une mauvaise
gestion, il convient de comparer les résultats obtenus par la société de gestion avec ceux
obtenus si la gestion avait été celle d’un mandataire normalement diligent et compétent30 ».
Le gestionnaire de portefeuille de valeurs mobilières n’a pas l’obligation de réaliser
des plus values par sa gestion. Ces plus values sont l’objectif de tous ceux qui investissent en
bourse mais leur réalisation est aléatoire. Le gestionnaire doit simplement utiliser au mieux de
l’intérêt de son client tous les moyens dont il dispose pour que des plus values soient
29 CA Paris, 23 septembre 1997, Bull. Joly Bourse et produits financiers, 1998, p. 15, note F. Peltier. 30 CA Paris, 29 juin 1983, D., 1983, inf. rap., p. 349.
23
réalisées. Il ne peut pas être tenu responsable pour des pertes dues à des facteurs qu’il ne peut
pas maîtriser. Les pertes dues à l’aléa boursier restent ,par conséquent, à la charge du client
qui en décidant d’investir en bourse il assume les risque inhérentes à ces opérations. En cas de
contentieux alors, les prétentions des clients qui, en règle générale, « tentent leur chance » et
demandent une indemnisation pour la totalité des pertes qu’ils ont subi ne sont pas satisfaites
par la jurisprudence. Pourtant, s’il en est ainsi dans la majorité des cas, certaine décisions
jurisprudentielles mettent à la charge du gestionnaire la totalité des pertes subies par le client
même si objectivement elles sont dues totalement, ou pour partie, à l’aléa boursier.
SECTION II : La réparation exceptionnelle par le gestionnaire du
préjudice résultant de l’aléa boursier.
Si en principe le préjudice du client qui est dû à la mauvaise évolution des indices
boursiers constitue un préjudice qui n’est pas réparable par le gestionnaire de portefeuille,
l’étude de la jurisprudence nous montre qu’il y a des cas où le mandataire est amené à réparer
l’ensemble du préjudice du client.
On peut distinguer deux cas de figure où le client obtient pleine satisfaction : Le
premier cas se présente lorsque le gestionnaire assume en vertu d’une clause contractuelle une
obligation de résultat et le deuxième, lorsque il commet certaines fautes d’une gravité
particulière.
§1. : En présence d’ une clause contractuelle mettant à la charge du
gestionnaire une obligation de résultat quant à la réalisation de plus
values.
Comme il a été analysé précédemment, le préjudice résultant de l’aléa boursier ne
constitue pas un préjudice réparable par le gestionnaire de portefeuille, car l’intervention sur
le marché boursier est une opération qui présente des risques, le gestionnaire, n’assumant
quant à la réalisation de plus values qu’une obligation de moyen. Tel est le cas lorsque le
contrat qui unit juridiquement le gestionnaire de portefeuille à son client ne précise pas la
24
nature de l’obligation qui pèse sur l’intermédiaire. Or, il se peut que cette nature soit précisée
par une stipulation contractuelle. Plus précisément, il se peut que le contrat de mandat de
gestion de portefeuille prévoit que le gestionnaire de portefeuille assume quant à la réalisation
de plus values une obligation de résultat. Il s’agit du cas de figure dans lequel, le contrat qui
unit les parties contient certaines clauses par lesquelles le gestionnaire assure à son client un
certain rendement dans une période donnée ou assure un meilleur rendement que l’évolution
de certains indices boursiers. Si une telle clause figure dans le contrat l’obligation du
gestionnaire quant à la réalisation des plus values n’est plus une obligation de moyen mais
une obligation de résultat car le mandataire a effectivement promis un certain résultat.
Sur ce point la jurisprudence est sans équivoque. Presque tous les arrêt qui consacrent
le principe de l’obligation de moyen du gestionnaire de portefeuille quant à la gestion qu’il
effectue du portefeuille de son client pour la réalisation de plus values, réservent le cas où les
parties, par une clause contractuelle en ont décidé autrement. On peut citer l’ exemple de l’
arrêt de la Cour d’ appel de Paris du 18 mars 1997 dans lequel les termes utilisés par la Cour
sont très clairs31. En l’ espèce, le client a voulu engager la responsabilité du gestionnaire de
son portefeuille en invoquant que ce dernier ne s’ est pas comporté de manière normalement
diligente en effectuent des placements présentant un degré très important de risque. La Cour,
après avoir vérifié l’étendu de pouvoirs dévolus au gestionnaire par le contrat qui unissait les
parties, a énoncé que : « …s’il disposait des pouvoirs les plus étendus, l’obligation du
gestionnaire demeurait en tout état de cause une obligation de moyens, aucun engagement
n’ayant été souscrit par lui de garantir la bonne fin des opérations initiées et notamment
pas celui de procurer à son mandant une évolution du portefeuille meilleure que celle d’ un
portefeuille composé de valeurs servant au calcul de tel ou tel indice déterminé. ». On peut
se référer aussi à un autre exemple plus récent. Il s’agit de l’arrêt de la même juridiction du 16
mars 1999 qui a rappelé que l’ obligation du gestionnaire est une obligation de moyen « faute
de clauses particulières prévoyant par exemple un rendement garanti »32
Il est donc clair que place est laissée à la volonté des parties qui peuvent prévoir que le
gestionnaire assumera une obligation de résultat quant à la réalisation des plus values.
31 CA Paris, 18 mars 1997, RDBB, 1998, p. 147, obs. M. Germain, M.-A. Frison Roche. 32 CA Paris, 16 mars 1999, Lévy c./Boucher, Bull.Joly Bourse et produits financiers, 1999, p.362, note L. Ruet.
25
Après avoir analysé qu’une clause contractuelle peut mettre à la charge du
gestionnaire une obligation de résultat quant à la réalisation par sa gestion de plus values, il
convient à présent d’examiner la conséquence de l’ existence d’une telle clause sur la
détermination du préjudice réparable par le gestionnaire de portefeuille en cas d’ engagement
de sa responsabilité.
Comme il a été dit précédemment, quand une telle clause existe, le mandataire
assume quant à la réalisation de plus values une obligation de résultat. La conséquence directe
de cette nature de l’ obligation du gestionnaire est que conformément au droit commun de la
responsabilité contractuelle et plus précisément aux termes de l’ article 1147 du code civil, la
seule preuve par le client que le résultat promis par le gestionnaire n’ a pas été atteint, ainsi
que la preuve d’ un dommage suffit à engager sa responsabilité pour inexécution de son
obligation contractuelle, la faute du gestionnaire ainsi que le lien de causalité étant présumés.
Le gestionnaire ne peut s’ exonérer qu’ en prouvant que cette inexécution est due à une cause
étrangère c’est à dire un cas de force majeure ou un cas fortuit33. Le dommage peut consister
tout simplement à la non réalisation des profits promis par le gestionnaire de portefeuille. Le
gestionnaire doit donc réparer l’ ensemble du préjudice subi par le client, même si tout ou
partie de ce préjudice est dû à l’aléa boursier dont le gestionnaire n’ a pas la maîtrise.
Mais peut-il invoquer cet aléa boursier en tant que cause étrangère et plus précisément
comme un cas de force majeure qui justifie l’ inexécution de son obligation de résultat de
réaliser des plus values ?
Prenons par exemple le cas d’un gestionnaire de portefeuille qui s’est engagé par une
clause du contrat à assurer à son client un rendement annuel de 10%. Imaginons alors que
survient un krach, comme celui de l’octobre 1987 qui a bouleversé les marchés boursiers, et
les comptes du client enregistrent de fortes pertes. Le gestionnaire doit il réparer le préjudice
du client qui est constitué par les pertes qu’il a subi et la plus value annuelle de 10%, ou peut-
il être exonéré de sa responsabilité ? Une réponse positive suppose que le krach puisse être
considéré comme un cas de force majeur.
Pour qu’un évènement soit considéré comme un évènement de force majeur il faut
qu’il présente trois caractéristiques : il faut qu’il soit extérieur à la personne du débiteur de
33 Article 1148 code civil.
26
l’obligation, il faut qu’il rende l’exécution impossible mais aussi qu’ il présente un caractère
imprévisible et irrésistible pour le débiteur34. Le caractère qui pourrait poser problème en
matière de krach boursier, serait l’imprévisibilité.
La jurisprudence, en se prononçant sur la responsabilité d’un gestionnaire de
portefeuille qui n’assumait qu’une obligation de moyen et en recherchant si il a commis une
faute, a énoncé qu’un krach comme celui de 1987 était totalement imprévisible35. En absence
d’exemple jurisprudentiel qui tranche la question, et en raisonnant par analogie, on pourrait
supposer qu’en présence d’un gestionnaire qui assume une obligation de résultat, la solution
serait la même. Par conséquent, le gestionnaire serait exonéré de sa responsabilité et il
n’aurait à réparer ni les pertes, ni les plus values manqués du client.
Cependant, à notre avis une telle solution serait discutable. Premièrement, on pourrait
se demander si tous les krachs, ou, dans le cas où le phénomène n’a pas l’ampleur d’ un krach,
toutes les crises boursières, sont totalement imprévisibles. Il faut noter par exemple que durant
les premiers mois de l’an 2000 plusieurs analystes avaient souligné la surévaluation des action
des entreprises de la nouvelle économie et avaient estimé qu’une crise boursière était
imminente, malgré que le moment exact ou l’ampleur de la crise ne pouvaient pas être prévus.
Cette crise a finalement eu lieu. Il y a donc des éléments de fait qui doivent certainement être
pris en compte par les juges.
Ensuite, la jurisprudence, pour décider du caractère prévisible ou non d’un événement,
s’attache à des critères accessoires d’anormalité, de soudaineté, de rareté36. A notre avis, une
crise boursière peut être soudaine ou anormale mais la réalité des dernières années prouve
qu’elle n’est pas rare. En effet, si une crise boursière est totalement imprévisible quant au
moment exacte auquel elle va survenir ou quant à son ampleur, elle reste prévisible quant à
son principe, c’est à dire que le gestionnaire qui a accepter d’assumer une obligation de
résultat, aurait pu prévoir que les marchés boursiers sont par principe
34 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, « Les obligations », préc., n°557, p.522 et suiv. 35 Cass. com., 16 février 1999, Epx Martin Ruiz c./ Société CDC Bourse, Dr. des sociétés, 1999, comm. n° 63,
obs. H. Hovasse ; RDBB 1999, p.101, obs. M. Germain et M.A. Frison Roche. 36 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, « Les obligations », préc., n°557, p. 522 et suiv. Voir aussi, Cass. civ.,21
janvier 1918, D.1918.1.9. ; Cass. 1ère civ., 7 mars 1966, JCP, G, 1966, II, 14878, note J. Mazeaud.
27
Enfin, quand le gestionnaire de portefeuille, assume par une clause contractuelle une
obligation de résultat, il perçoit une rémunération plus élevée que celle qu’il aurait perçu si
cette clause n’existait pas. En d’autres termes, la rémunération perçue par le gestionnaire
constitue la contrepartie du risque pris, y compris celui résultant d’un éventuel krach boursier.
Le client qui accepte alors de payer une telle rémunération, cherche à mettre son patrimoine
boursier à l’abri d’évènements défavorables tels qu’une crise boursière. Il serait donc injuste
de considérer ces évènements totalement imprévisibles et décharger le gestionnaire de
l’obligation de réparer le préjudice subi par son client.
En attendant donc les décisions de la jurisprudence, il serait à notre avis opportun de
considérer que quand une clause contractuelle charge le gestionnaire de portefeuille d’ une
obligation de moyen quant à la réalisation de plus values, celui-ci doit répondre de l’
ensemble du préjudice subit par le client et lui procurer par voie de réparation le résultat
promis, même si une partie des pertes subie par le client est due à l’aléa boursier contre lequel
il n’ était pas en situation de réagir.
Même en absence d’une clause de garantie de rendement, le gestionnaire de
portefeuille peut être amené à indemniser son client pour l’ensemble du préjudice que ce
dernier a subi, s’ il a commis une faute particulièrement grave.
§2 En cas de faute particulièrement grave du gestionnaire.
Mis à part le cas où dans le contrat de mandat de gestion de portefeuille figure une
clause de résultat, l’étude de la jurisprudence montre qu’ il y a des cas de figure où les juges
mettent à la charge du gestionnaire de portefeuille l’ensemble du préjudice subi par leur
client, même si il est dû en totalité ou en partie à l’aléa boursier. Plus précisément, les juges
donnent pleine satisfaction au client ,lorsque le gestionnaire a commis une « faute
particulièrement grave »37.Le gestionnaire de portefeuille commet une telle faute lorsqu’il
effectue des opérations en dépassement de ses pouvoirs ou après qu’il soit révoqué par son
37M.Storck, « Les sociétés de gestion de portefeuille », préc., n°150, p.30.
28
mandant, ou enfin lorsqu’il s’est substitué à un autre mandataire sans l’autorisation expresse
du client.
I : Le dépassement par le gestionnaire des termes de son
mandat.
Le contrat qui unit le gestionnaire de portefeuille à son client est un contrat de mandat,
soumis au régime du droit commun. Par ce contrat, le mandant confère au mandataire tous les
pouvoirs nécessaires pour faire face à la mission qui lui est confiée. Le mandataire agit en tant
que représentant du mandant, c’est à dire au nom et pour le compte de ce dernier. Les actes
accomplis par le mandataire n’engagent que le seul mandant. Les pouvoirs que confèrent le
mandant au mandataire sont définis dans le contrat qui établi leur relation juridique.
En matière de gestion de portefeuille, « le client donne pouvoir au gestionnaire
d’accomplir des actes juridiques d’administration et de disposition portant sur les valeurs
mobilières, les titres financiers, les espèces composant le portefeuille »38. Dans ce domaine, le
législateur, dans un souci de protection du client, considéré comme ’’partie faible’’ au contrat,
et pour que les pouvoirs conférés au gestionnaire soient clairement définis, exige la
conclusion d’une convention écrite39. Cette exigence on la retrouve dans l’article 21 du
règlement 96-03 de la COB.
Cette convention écrite doit comporter certaines mentions obligatoires. L’article 11 du
règlement 96-02 de la COB précise que parmi d’ autres, le contrat de mandat doit mentionner
les objectifs de la gestion et les catégories d’instrument financiers que peut comporter le
portefeuille. Le contrat, délimite les pouvoirs du gestionnaire et démontre les risques que le
client a voulu assumer. En règle générale, le client se trouve face à un double choix auquel on
s’est référé brièvement auparavant. Premièrement, le client peut décider de confier le pouvoir
nécessaire au gestionnaire pour qu’il effectue une gestion dite « prudente ».Il s’ agit d’ une
gestion qui consiste à investir sur certains produits et sur certains marchés qui ne génèrent pas
38M.Storck, « Les sociétés de gestion de portefeuille », préc., n°3, p.4. 39 Article 64 loi MAF.
29
de profits spectaculaires mais présentent en revanche moins de risques quant à la réalisation
des pertes. En deuxième lieu, le client peut opter pour une gestion plus spéculative. Cette
gestion peut générer de grands profits mais aussi des pertes considérables. On parle de gestion
« dynamique ».Les produits qui vont composer le portefeuille du client et les marchés dans
lesquels le gestionnaire pourra effectuer des opérations pour le compte de son mandataire sont
déterminés en fonction des objectifs de gestion choisi par ce dernier.
Le législateur et les autorités du marché imposent au gestionnaire de portefeuille une
obligation d’information et de conseil pré contractuelle pour que le choix du client entre une
gestion prudente ou dynamique soit fait d’une manière éclairé. Le gestionnaire doit alors
informer le client sur le fonctionnement des différents marchés et spécialement sur les risques
que chacun d’eux présente40.
On voit donc que le client, en optant dans le contrat de mandat de gestion de
portefeuille de valeurs mobilières pour une gestion dynamique ou pour une gestion prudente,
détermine les risques inhérents aux marché ou aux produits qu’il entend assumer. Par
conséquent, la définition des objectifs de gestion dans le contrat signé entre le client et l’
intermédiaire financier limite la liberté de gestion de ce dernier.
Là où commencent les difficultés, c’ est lorsque le gestionnaire de portefeuille a
dépassé les pouvoirs qui lui sont conférés par le contrat de mandat et effectue un mode de
gestion autre que celui décidé par le client. L’hypothèse la plus courante et qui donne souvent
lieu à des contentieux se présente lorsque le gestionnaire a procédé à une gestion spéculative,
par exemple en intervenant aux marchés à terme ou aux marchés à options, qui a généré de
pertes importantes pour le client alors que le contrat n’autorisait qu’ une gestion prudente. Le
dépassement de mandat s’accompagne souvent d’une violation de l’obligation d’information
du gestionnaire sur les risques que présentent les marchés sur lesquels il a effectué les
opérations litigieuses. Le problème juridique qui se pose dans ce cas de figure est le suivant :
faut-il appliquer encore dans ce cas le principe de non réparation des pertes résultant de l’ aléa
boursier et les laisser à la charge du client bien qu’il n’ avait pas choisi d’ assumer ces
risques ?
40 Article 58 loi MAF et 3-3-5 Règlement général CMF.
30
En droit commun du mandat, lorsque le mandataire dépasse ses pouvoirs,
conformément à l’article 1998 al.2 du code civil, l’effet de représentation ne s’opère pas.
L’acte accompli par le mandataire en dépassement de ses pouvoirs de son mandat est entaché
de nullité41. Cette nullité est relative42, le mandant pouvant ratifier l’acte. Cependant, la
jurisprudence va plus loin : elle estime que la sanction du dépassement des pouvoirs doit être
l’inexistence de l’ acte accompli, ce qui techniquement, se présente comme une nullité
absolue43. Etant donné qu’il s’agit d’une nullité, il n’y a pas lieu de réparation d’un préjudice
mais remise en état des choses pour effacer les conséquences de l’ acte nul. Donc, le mandant
n’ a pas à démontrer un préjudice.
En matière de mandat de gestion de portefeuille, en cas de dépassement par le
gestionnaire de ses pouvoirs, la jurisprudence raisonne en termes de responsabilité et pas en
termes de nullité, ce qui est « moins orthodoxe »44. Le dépassement par le gestionnaire de ses
pouvoirs est constitutif d’ une faute contractuelle indiscutable qui oblige le gestionnaire de
réparer le préjudice causé au client par les opérations en question45.
Dans un tel cas de dépassement de termes du mandat par le gestionnaire de
portefeuille, celui-ci doit réparer l’ ensemble du préjudice subi par le client par les opérations
litigieuses et cela sans s’interroger d’avantage sur la qualité de sa gestion46. Il doit donc
réparation intégrale au client même si la totalité ou une partie de son préjudice est due à l’aléa
boursier.
Cette solution s’explique par le fait que le gestionnaire a fait supporter à son client des
risques que ce dernier n’avait pas l’intention d’encourir en vertu du contrat de gestion. C’est
41 A. Benabent, « Les contrats spéciaux », Montchrestien, 4ème éd.,1999, n°674, p.385. 42 Cass. civ. 1ère , 25 mai 1992, JCP, G, 1992, IV, 2118. 43 J.Huet, « Les principaux contrats spéciaux », LGDJ, 1996, n°31211. 44 M.Germain, «Responsabilité du gestionnaire en cas de mandat individuel », Banque et droit, 2000, p. 14. 45 Illustrations : Cass.civ., 9 février 1983, D., 1983, I.R., p.472 ; Cass.com, 13 juin 1995, bull.civ, IV, n°173, D.,
1996, p.71, note I.Najar; JCP, G, 1995, II, n°22501, note M.Storck, Bull. Joly Bourse et produits financiers,
1995, p. 392, note H.de Vauplane ;CA Paris, 14 décembre 1998, préc. On peut citer aussi l’arrêt de la Cour d’
appel d’Angers du 25 juin 1995 (Juris-Data n°053421) où la Cour énonce clairement que le gestionnaire d’un
portefeuille commet une faute et n’ agit pas en bon père de famille lorsqu’ il réalise, sans l’accord exprès du
mandant des opérations sur des titres sensibles, fragiles et spéculatifs. 46J.J. Essombé Moussio, «La responsabilité des gestionnaires de portefeuille », Dr. et patrimoine, 1996, p. 39.
31
par la faute du gestionnaire que le client a encouru ces risques et a subi les pertes inhérentes à
une gestion fortement spéculative à laquelle il n’a pas consenti. A l’origine de la prise de
risques il y a une faute du gestionnaire. J.-M.Bossin et G. de Lambilly soulignent que « le
gestionnaire n’ a pas à supporter les pertes qui sont la conséquence des objectifs choisis dans
le contrat de mandat en connaissance de risques par le client »47. A contrario, nous pouvons
ajouter que le client ne doit supporter que les conséquences des risques qu’il a, lui, décidé
d’encourir. Le gestionnaire doit, donc, supporter l’ ensemble du préjudice subi par le client
même si objectivement il est du à l’aléa boursier.
Pour illustrer ces propos, on peut se référer à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 27
juin 199848. En l’espèce, la Cour, après avoir conclu à l’existence d’un mandat de gestion de
portefeuille en l’absence de convention écrite, a considéré que le gestionnaire a commis une
faute en procédant à des opérations spéculatives (reports sur le marché à règlement mensuel,
achats et ventes d’options négociables), sans autorisation expresse du client et sans avoir
remis au client la note d’information propre au MONEP. Concernant le préjudice subi par le
client, ce dernier demande le remboursement du montant des pertes enregistrées sur son
compte ainsi qu’une somme correspondante à la perte d’une chance de valoriser son
portefeuille en proportion de l’évolution de l’indice CAC 40. La Cour a rejeté les prétention
basées sur la perte d’une chance (on examinera ce point ultérieurement) mais elle a mis à la
charge du gestionnaire l’ensemble des pertes subies par le client et cela, sans s’interroger
d’avantage sur la qualité de la gestion effectuée par l’intermédiaire. Par conséquent ces pertes
sont assumées par le gestionnaire qui a dépassé ses pouvoirs même si elles sont dues en
totalité ou en partie aux mauvaises évolutions des marchés.
On peut citer aussi l’exemple de l’arrêt du 13 juin 199549. La mise initiale du client
était de l’ordre de 2.000.000. de francs. Après les opérations effectuées par le gestionnaire en
dépassement de ses pouvoirs le client récupère seulement 800.000. Le préjudice du client est
alors fixé à 1.000.000. La réparation correspond alors pratiquement à la totalité des pertes
47 J. M. Bossin et G. de Lambilly, « Le mandat de gestion de portefeuille individuel et la responsabilité des
intermédiaires », préc., p.7. 48 CA Paris, 27 juin 1998, de Blegiers c./société Transbourse, Bull. Joly Bourse et produits financier, 1998, p.
245, note J.J. Essombè Moussio. 49Cass. com., 13 juin 1995, préc.
32
générées par les opérations litigieuses, sans prendre en considération la qualité de la gestion
du gestionnaire.
II : Opérations effectuées après révocation du gestionnaire par le client.
Selon l’ article 2003 du code civil, une des manières dont le mandat prend fin est la
révocation du mandataire par le mandant. Le mandant est libre de révoquer le mandataire à
tout moment et de mettre fin à leur relation juridique. Plus précisément, l’article 2004 du code
civil qui traite de la révocation, prévoit que « le mandant peut révoquer sa procuration quand
bon lui semble, et contraindre, s’il y a lieu, le mandataire à lui remettre, soit l’écrit sous
seing privé qui la contient, soit l’original de la procuration, si elle a été délivrée en brevet,
soit l’expédition, s’il en a été gardé minute ».
Mise à part la révocation par le mandant, le mandat peut prendre fin aussi par la
renonciation du mandataire50. La liberté de rompre le rapport contractuel bénéficie également
au mandataire sous réserve d’indemnisation du mandant si la renonciation du mandataire lui
est préjudiciable.
Ces dispositions du code civil sont naturellement applicables au mandat de gestion de
portefeuille de valeurs mobilières. Le règlement 96-02 de la COB réaffirme le principe de la
libre révocabilité du mandat et précise les conditions de sa mise en œuvre par le gestionnaire
de portefeuille et son client. Après la révocation du contrat de mandat, le gestionnaire de
portefeuille est tenu de dénouer les opérations en suspens sur des instruments financiers à
terme ou à règlement différé sauf opposition expresse du mandant51. Mises à part ces
opérations en suspens, le gestionnaire de portefeuille ne peut pas effectuer d’autres opérations
sur le portefeuille de son client, ses pouvoirs ayant été révoqués.
50 Article 2003 code civil. 51 Instruction COB prise en application de l’ article 11 dernier alinéa de son règlement n° 96-02 : Bull. COB, n°
309, janvier 1997, p. 46 ; M.Storck, « Les sociétés de gestion de portefeuille », préc., n° 157, p. 31.
33
Si, pourtant, le gestionnaire effectue de telles opérations, selon la jurisprudence, il doit
supporter la « pleine responsabilité du préjudice »52. Le gestionnaire doit effectivement
restituer le portefeuille du client à la situation qu’il se trouvait au moment de la révocation du
mandat. Il doit donc réparation pour l’ensemble du préjudice subi par le client sans
s’interroger d’avantage sur l’opportunité des opérations effectuées après la révocation du
mandat. Il supportera, alors, les pertes engendrées par ces opérations même si elles sont dues
à l’aléa boursier53.
III : Substitution de mandataire non autorisée par le client.
La substitution de mandataire est parfois indispensable pour parvenir à une meilleure
efficacité de gestion dans l’intérêt du client. C’est la raison pour laquelle les gestionnaires de
portefeuille y ont fréquemment recours. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que le contrat
de mandat est un contrat intuitu personae, c’est à dire un contrat où la personne du mandataire
est importante pour le mandant. C’est la raison pour laquelle l’autorisation du mandant est
nécessaire pour qu’une substitution de mandataire soit effectuée.
Les problèmes commencent lorsque le gestionnaire initial n’a pas demandé
l’autorisation du mandant et ce dernier ,mécontent de la gestion de son portefeuille, essaye de
faire supporter les pertes au gestionnaire avec lequel il a initialement contracté.
En droit commun du mandat, lorsque le mandataire initial a demandé l’autorisation du
mandant pour procéder à une substitution, il est déchargé de la responsabilité concernant les
fautes commises par le mandataire substituant54. Cette solution s’applique également dans le
cadre d’un mandat de gestion de portefeuille.
Les choses se compliquent lorsque le mandataire n’a pas demandé l’autorisation du
mandant. La solution dans une telle situation est donnée par l’article 1994 du code civil. Cette
article énonce que « le mandataire répond à celui qu’il s’est substitué dans la gestion : 1° 52 Cass. com., 15 octobre 1996, RJDA, 1997, n° 367. 53 Illustration : CA Paris, 1O mai 1994, RJDA, 1995, n° 32, p. 29. 54 Article 1998 code civil, a contrario.
34
quand il n’a pas reçu le pouvoir de se substituer quelqu’un, 2° quand un pouvoir lui a été
conféré sans désignation d’une personne, et que celle dont il a fait était notoirement
incapable . Dans tous les cas, le mandant peut agir directement contre la personne que le
mandataire s’est substitué.». Il ressort de cet article que la substitution non autorisée par le
mandant n’est pas interdite. Elle a pour seul effet de rendre le mandataire initial responsable
du fait de celui qu’il s’est substitué, contre lequel le mandant peut agir directement, mais la
responsabilité du mandataire substitué ne peut être engagée que s' il a commis une faute.
En matière de substitution de gestionnaire de portefeuille de valeurs mobilières, la
solution semblait ne pas être la même jusqu’à une certaine époque. En effet, l’article 11 du
Règlement 96-01 de la COB prévoit que le mandataire ne peut déléguer une partie de la
gestion de portefeuille sans avoir obtenu l’accord préalable exprès du mandant. Telle était
aussi la position de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 9 avril 199655 , a énoncé
clairement que la substitution du gestionnaire est interdite si elle n’a pas été autorisée par le
client. La cour justifie cette solution par le fort intuitu personae que présente le contrat de
gestion de portefeuille, « dans lequel la personnalité du mandataire choisi constitue un
élément essentiel ».
Concernant le préjudice réparable du client, cette solution avait la conséquence
suivante : dans le cas où le gestionnaire de portefeuille avait procédé à une substitution du
mandataire sans autorisation préalable du client, ce dernier pouvait engager sa responsabilité
et demander une remise en l’état de son portefeuille à la situation où il se trouvait avant la
substitution du gestionnaire. Par conséquent, le gestionnaire initial supportait l’ensemble du
préjudice subi par le client et il importait peu que le gestionnaire substitué n’avait pas commis
de faute dans sa gestion et que les pertes ou les moins values enregistrées étaient dues à l’aléa
boursier.
Cependant, cette solution semble aujourd’hui être remise en cause par la Cour de
cassation. En effet , dans un arrêt du 2 décembre 199756, la Cour a fait une application à la
55 Cass. com, 9 avril 1996, D. aff. 1996, p. 671. Voir aussi : CA Metz , 26 novembre 1962 : Dr. sociétés, 1993,
comm. n° 130, obs. H. Hovasse. 56 Cass. com., 2 décembre 1997 : JCP, G., 1998, n° 10160, p. 1766, note M. Storck ; RDBB, 1998, n° 67, p. 79,
note H. Hovasse ; Dr. sociétés, 1998, n° 49, p. 17, note H. Hovasse ; Joly Bourse et produits financiers, 1998, p.
147, note P. Le Cannu.
35
lettre de l’article 1994 dans le cadre d’un mandat de gestion de portefeuille et a affirmé que la
substitution de gestionnaire non autorisée n’est pas interdite, mais elle a pour seul effet de
rendre le gestionnaire responsable de la gestion de celui qu’il s’est substitué57. En
conséquence, en l’état actuel de la jurisprudence, si la substitution n’ a pas été autorisée, le
client peut engager la responsabilité du gestionnaire initial, mais seulement dans le cas où le
nouveau mandataire a commis une faute dans la gestion qu’il a effectué. Il ne peut obtenir
réparation que pour le préjudice qui est dû à cette faute. Le principe de l’exclusion des pertes
dues à l’aléa boursier s’applique donc normalement.
Une fois les pertes dues à l’aléa boursier exclues, la réparation du préjudice n’est pas
automatique. Pour que le préjudice du client soit réparable, il faut qu’il présente certains
caractères.
TITRE II : Le préjudice certain : Le problème de la perte d’une
chance
« Tous les dommages que suscite la vie en société ne donnent pas lieu à
réparation ».58
En droit commun de la responsabilité contractuelle, le préjudice, pour qu’il soit
réparable, doit présenter certains caractères. Il doit être certain, direct et prévisible.
Concernant la prévisibilité, le débiteur d’une obligation inexécutée ne doit réparer que le
préjudice qu’il a prévu ou qu’il aurait pu prévoir lors de la conclusion du contrat que
l’inexécution de son obligation aurait provoqué au créancier59. Le caractère prévisible du 57 Il faut noter que les commentateurs emettent des critiques car en l’espèce il ne s’agissait pas d’une substitution
de mandataire mais d’un nouveau contrat car le gestionnaire initial n’avait plus l’autorisation nécessaire pour
exercer cette proffession. Cepandant, en ce qui concerne la substitution du gesstionaire de portefeuille, la Cour a
affirmé de maniére générale l’application de l’article 1994 du code civil. 58F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, « Les obligations », préc., n°667, p. 630. 59 Article 1150 code civil.
36
préjudice n’a pas posé de problème particulier en matière de responsabilité du gestionnaire de
portefeuille de valeurs mobilières.
Le caractères direct du préjudice se réfère au lien de causalité entre l’inexécution par
le débiteur de son obligation et le préjudice subi par le créancier. En matière de gestion de
portefeuille de valeurs mobilières, on a analysé ce problème à propos de l’exclusion des pertes
dues à l’aléa boursier et on le développera également à propos du partage de la responsabilité
entre le gestionnaire et son client ou un autre intermédiaire financier.
En ce qui concerne maintenant le caractère certain, pour que le préjudice subi par le
créancier d’ une obligation inexécutée soit réparable il faut qu’il présente le caractère de la
certitude. Cette exigence est présente qu’il s’agisse de la responsabilité contractuelle ou de le
responsabilité délictuelle. Il est de jurisprudence constante que le préjudice purement
« hypothétique »ou « éventuel » n’engage pas la responsabilité de son auteur et donc ne donne
pas lieu à réparation60.
Le préjudice certain, et par conséquent réparable, peut revêtir deux caractères qui se
référent au moment de sa réalisation dans le temps. En premier lieu, ce préjudice peut être un
préjudice actuel. On parle de préjudice actuel si il a été déjà réalisé au moment où le juge
statue. Ce préjudice, quand il est prouvé, ne présente pas de difficultés quant à sa certitude et
il donne droit à réparation. Cependant, la jurisprudence n’en est pas resté là. Elle considère
que constitue un préjudice qui engage la responsabilité de son auteur le préjudice qui ne s’est
pas encore réalisé au moment où le juge statue mais que sa réalisation est certaine dans
l’avenir. On parle alors de préjudice futur. Le préjudice futur mérite réparation s’il est
susceptible d’une évaluation immédiate au moment où le juge se prononce61.
60 Voir notamment : Cass. com., 19 juillet 1971, D.,1972, somm., p. 62 ; Cass. civ .2ème , 14 février 1985, JCP, G,
1985, IV, p.156. 61 Pour le préjudice futur, la jurisprudence a posé le principe de sa réparation dés 1932 (C.Cass., 1er juin 1932, S.,
1933, I, p. 49, note H.Mazeaud). La Cour a affirmé que : « s’il n’ est pas possible d’allouer de dommages et
intérêts en réparation d’ un préjudice purement éventuel, il en est autrement lorsque le préjudice, bien que futur
apparaît aux juges du fait comme la prolongation certaine et directe d’un état de choses de choses actuel et
comme étant susceptible d’une estimation immédiate ».
37
En matière de contrat de gestion de portefeuille de valeurs mobilières il n’y a pas
d’exception au principe de la réparation du seul préjudice certain causé au client par le
gestionnaire fautif. En examinant la jurisprudence on constate que le préjudice pour lequel le
client demande réparation par l’intermédiaire est exclusivement un préjudice actuel. Ce fait
s’explique par les circonstances sous lesquelles le client engage la responsabilité du
gestionnaire de son portefeuille. En règle général il engage une procédure dans le cas où son
compte présente des pertes qu’il essaye de faire imputer à une faute du gestionnaire. Le
préjudice est donc déjà réalisé au moment ou le juges statue. Ce préjudice actuel comme on a
énoncé précédemment peut consister aux pertes enregistrées ou à la manque à gagner. L’arrêt
de la Cour d’Appel de Paris du 27 Janvier 1998 nous procure un exemple significatif de la
variété de pertes subies par le client ainsi que de la manque à gagner qui sont imputables aux
fautes du gestionnaire de portefeuille62. En l’ espèce, la Cour a considéré que constituent un
préjudice actuel, certain et par conséquent réparable les pertes enregistrées sur le compte du
client consécutives aux interventions réalisées sur le marché à règlement mensuel et sur le
MONEP ainsi que les frais liées à ces opérations car elles n’étaient pas autorisées par le
mandataire, les commissions perçues en trop par la rotation inutile du portefeuille du client
appelée pratique du « moulinage ».Dans cette même espèce, la Cour a aussi condamné le
gestionnaire à indemniser le mandataire pour le manque à gagner subi par ce dernier et qui a
consisté à la pertes de dividendes résultant de la dépréciation de son portefeuille imputable à
la société de bourse.
En résumant ce qui précède on peut dire que le principe qui régie le droit de la
responsabilité est que seul mérite réparation le préjudice certain, qu’il soit actuel ou futur, la
réparation du préjudice hypothétique étant exclue. Cependant, la « frontière » entre le
préjudice certain et le préjudice hypothétique n’ est pas toujours facile à tracer. Le problème
de la distinction entre ces deux types de préjudice se manifeste lorsque le demandeur à une
action en responsabilité invoque comme préjudice la perte d’une chance. La perte d’une
chance peut se définir comme « la disparition de la probabilité d’un évènement favorable »63.
La théorie de la perte d’une chance a donné lieu à des débats doctrinaux vifs. Le problème qui
s’est posé était de savoir si la perte de la possibilité de bénéficier d’un évènement favorable
mérite d’être réparée par la personne à la faute de laquelle cette perte est due. La difficulté
62 CA Paris, 27 janvier 1998, de Blegiers c/Société Transbourse, préc. 63 Cass. crim., 6 juin 1990, sect. B, n°224 , RT, 1991, p. 121, obs. P. Jourdain.
38
vient du fait que le préjudice qui peut consister à la perte d’un chance est par sa nature un
préjudice aléatoire. L’aléa qui affecte ce préjudice vient du fait que la réalisation de
l’évènement favorable pour la victime n’est pas certaine car dans le cas contraire il s’ agirait
d’ un préjudice certain mais futur qui, comme on a vu précédemment, constitue un préjudice
réparable. Le dommage est aléatoire car « par définition la chance ne se réalise pas
toujours »64. Faut il donc réparer un tel préjudice compte tenu du principe général de la
réparation du seul préjudice certain ? En d’autres termes faut-il ou pas considérer que la
chance a un prix ? Dans l’affirmative sa perte doit donner lieu à réparation.
La jurisprudence, depuis plus d’un siècle, a posé le principe de la réparation de la perte
d’une chance. La manifestation jurisprudentielle la plus ancienne remonte à un arrêt de la
Cour de cassation du 17 juillet 188965. Dans cet arrêt la Cour a considéré que la faute d’un
officier ministériel qui a privé son client de la possibilité de poursuivre une procédure, a
provoqué pour ce dernier un préjudice qui réside dans la perte d’une chance de gagner un
procès et cette perte constitue un préjudice indemnisable.
Depuis cet arrêt la théorie de la perte d’une chance a trouvé application dans de
nombreux domaines, à propos de différents cas de responsabilité, notamment à propos de la
responsabilité médicale. Elle est mise en œuvre notamment pour indemniser la victime quand
le lien de causalité entre la faute et le préjudice final subi par la victime n’est pas certain.
C’est la cas par exemple quand on ne peut pas établir avec certitude que si le médecin n’aurait
pas commis de faute le patient aurait guéri. Elle a été invoquée aussi à propos de la
responsabilité des intermédiaires financiers et plus précisément à propos de celle du
gestionnaire de portefeuille de valeurs mobilières.
Dans le cadre de la responsabilité du gestionnaire de portefeuille de valeurs
mobilières, le préjudice qui consiste en la perte d’une chance est invoqué par les clients dans
la même logique qui gouverne ces contentieux et à la quelle on s’est référé à plusieurs reprises
auparavant : il s’agit de faire supporter par le gestionnaire de portefeuille les pertes
enregistrées sur le compte de leurs clients. Ces derniers invoquent donc que les agissement
fautifs de leurs mandataires leur ont causé un préjudice qui consiste en la perte d’une chance
64G. Viney, P. Jourdain, «Les conditions de la responsabilité », préc., n° 281, p. 78. 65 C.Cass., 17 juillet 1889, S., 1881.1.399.
39
de multiplier leurs gains financiers par la spéculation boursière ou de limiter leurs pertes. On
verra dans un premier temps que la jurisprudence, en matière de responsabilité du
gestionnaire de portefeuille, a consacré la réparation de préjudice du client qui a perdu la
chance de bénéficier d’un évènement favorable. Cependant on constatera que la manière dont
la théorie de la perte d’une chance est mise en œuvre en matière de responsabilité du
gestionnaire de portefeuille de valeurs mobilières n’est pas toujours orthodoxe.
SECTION I : La réparation par le gestionnaire de portefeuille de la
chance perdue par son client de bénéficier d’un évènement
favorable.
Comme on a évoqué précédemment, dés 1889, la jurisprudence a considéré que la
chance a une certaine valeur et par conséquent sa perte constitue un préjudice réparable par l’
auteur de la faute à la quelle cette perte est due. Concernant la responsabilité des
intermédiaires financiers le premier arrêt qui consacre la réparation de la chance perdue
remonte, à notre connaissance, à 1932 et concernait la responsabilité d’un agent de change
pour l’exécution tardive d’un ordre de bourse66.Plus tard, la réparation de la chance perdue a
été consacrée aussi dans le cadre de la responsabilité du gestionnaires de portefeuille67.
L’acceptation du principe de la réparation par le gestionnaire de portefeuille du
dommage provoqué par sa faute à son mandataire et qui consiste à la perte d’une chance de
bénéficier d’un évènement favorable pose essentiellement deux problèmes qu’on rencontre de
manière plus générale à tous les cas de responsabilité où la théorie de la perte d’une chance
est mise en œuvre et qu’on examinera à partir de la jurisprudence concernant la gestion de
portefeuille de valeurs mobilières. Le premier problème concerne les conditions aux quelles la
jurisprudence subordonne la mise en œuvre de la théorie de la perte d’une chance et plus
précisément les caractères que la chance perdue doit présenter pour qu’elle soit prise en
compte. Le deuxième problème réside à évaluation de cette chance pour fixer le montant de
l’indemnisation, une fois considéré que sa perte constitue un préjudice réparable. 66 C.Cass., 26 mai 1932, S.32.1.387. Voir également : Cass. com., 10 decembre 1996, Bull. Joly bourse et
produits financiers, 1997, p. 205, note H. de Vauplane. 67 CA Paris, 12 avril 1996, préc.
40
§1 : Les caractères de la chance perdue : l’exigence d’une
chance réelle et sérieuse.
La réparation de la perte d’une chance ne constitue pas une exception au principe de la
réparation du seul préjudice certain. La Cour de cassation dans son arrêt du 21 février 1977 a
énoncé par une formule sans équivoque que « l’élément de préjudice constitué par le perte
d’une chance peut présenter en lui même un caractère direct et certain chaque fois qu’est
constatée la disparition de la possibilité d’un évènement favorable encore que par définition
la réalisation d’une chance ne soit jamais certaine »68. En d’autres termes, la disparition
d’une chance de profiter d’un évènement favorable constitue un préjudice certain et cela
même si la réalisation de cette chance, c’est à dire la réalisation de l’évènement favorable
reste par nature aléatoire. Par conséquent, le principe de la réparation du préjudice certain
reste intact.
Cependant la jurisprudence ,en acceptant le principe de la réparation de la chance
perdue dans un souci de meilleure protection de la victime d’un tel dommage a ouvert la voie
pour l’indemnisation de tous les espoirs de profit que la victime avait et qui ont été perdus par
la faute de la personne dont la responsabilité est engagée. C’est la raison pour laquelle la
jurisprudence a développé des « garde-fous »69. Elle a posé des conditions tenantes aux
caractères de la chance perdue et considère qu’une chance ne mérite réparation que si elle est
réelle et sérieuse70.
Examinons à présent la signification des ces caractères que doit présenter la chance
perdue pour qu’elle soit réparable. Le caractère réel se réfère à l’existence même de la chance
perdue. Pour que la perte d’une chance constitue un préjudice réparable il faut que cette
chance a réellement existé. Il faut que l’intéressé bénéficiait réellement d’une possibilité de
bénéficier d’un évènement qui lui serait favorable et que cette possibilité ait été 68 Cass.crim., 23 févr.1977, Bull.crim., n°73, p.169. 69G. Viney, P. Jourdain, «Les conditions de la responsabilité », préc., n°282, p.79. 70 Voir notamment : Cass. civ.1ère, 1er avril 1965, bull.civ., II, p.230; Cass. civ.2ème , 9 novembre 1983, JCP, G,
1983, II, 20360, 1ère espèce, note Y.Chartier; Cass. soc., 29 février 1996, bull.civ., V, n°79.
41
définitivement perdue. Il doit, donc, rapporter la preuve que cette chance a réellement existé.
Cependant, la preuve de l’existence de la chance n’est pas suffisante. Il faut également que la
chance perdu ait été sérieuse. L’exigence de la preuve d’une chance sérieuse est destinée à
éviter la réparation d’une chance trop hypothétique. L’intéressé doit, par conséquent,
démontrer que il y avait des probabilités sérieuses que l’évènement favorable à son égard
serait réalisé si la faute du défendeur ne serait pas intervenue.
Dans le domaine de la responsabilité du gestionnaire de portefeuille de valeurs
mobilières, le caractère réel et sérieux de la chance perdu n’a pas donné lieu à des
contestations spéciales. Cependant, les tribunaux ,en ayant à différentes reprises condamné les
gestionnaires de portefeuille fautifs à indemniser leurs mandataires pour les chances perdues
ils ont implicitement consacré le caractère réel et sérieux de ces chances. Une étude, donc ,de
la jurisprudence relative à la gestion de portefeuille de valeurs mobilières va nous permettre
de constater les chances perdues qui ont été considérés par les juges comme réelles et
sérieuses en la matière et donc réparables par le mandataire fautif.
Le premier cas de jurisprudence auquel qu’on peut se référer et dans lequel la théorie
de la perte d’une chance a été mise en œuvre vient de l’arrêt de la Cour d’ appel de Paris du
12 avril 199671..En l’espèce, le contrat de gestion de portefeuille qui unissait le gestionnaire à
son client, prévoyait une gestion spéculative. La Cour a retenu la faute du gestionnaire qui
consistait à « une manque de logique dans la gestion par un professionnel dilettante et peu
surveillé par son employeur » et « dans le manque d’ information personnalisée et de suivi de
gestion ».Ces fautes ont provoqué selon la Cour un préjudice au client qui consiste à la « perte
d’une chance de trouver un équilibre mieux suivi ».
La perte d’une chance en tant que préjudice réparable par le mandataire a été
consacrée aussi par la même juridiction dans son arrêt du 4 mars 199772.En l’espèce, le
contrat de gestion de portefeuille prévoyait que la société de Bourse devait adresser un avis
écrit au client dés que la position du compte présentait une perte d’au moins 20%. Cet avis n’a
pas été adressé au client qu’il a reçu par son mandataire un simple avertissement oral. Les
71 CA Paris, 12 avril 1996, préc. 72 CA Paris 4 mars 1997, Uni Europe c./Bouznah , RDBB, 1998, p.16, note M.Germain et M.A. Frison-Roche.
42
juges ont considéré que le préjudice subi par le client consiste « à la perte d’une chance de
trouver un meilleur placement ».
Dans les deux cas d’espèce qu’on vient d’exposer la Cour d’ appel de Paris a
considéré que la chance pour le client « de trouver un meilleur équilibre » ou de « trouver un
meilleur placement » constituent des chances réelles. En plus elle a considéré que le
probabilités pour le client de trouver effectivement ce meilleur équilibre ou ce meilleur
placement étaient fortes de sorte que la chance était sérieuse. Par conséquent la perte de cette
chance réelle due à la faute du gestionnaire constitue un préjudice réparable par ce dernier.
L’absence du caractère réel de la chance perdu par le client a motivé la Cour d’ appel
de Paris pour rejeter dans une autre espèce les prétentions du client. Il s’agit de l’arrêt du 27
juin 199873. Dans cette espèce qu’on a déjà analysé précédemment, le client prétendait que les
agissement du gestionnaire reconnus fautifs par la Cour, lui ont causé un préjudice consistant
à des pertes enregistrées sur son compte mais aussi à la perte d’une chance de valoriser son
portefeuille en fonction de l’évolution de l’indice CAC 40. La Cour a exclu du préjudice
réparable la perte d’une chance sous le motif que le portefeuille du client était constitué en
gage et le client n’a pas démontré qu’en vertu de la convention qu’il avait passé avec les
créanciers gagistes il avait encore la possibilité de disposer des titres nantis. Par conséquent, il
ne pouvait pas réaliser des plus values et donc la chance invoquée n’était pas réelle.
Une fois que la chance perdue par le client soit considérée comme réelle et sérieuse
méritant réparation, le problème qui se pose est de fixer l’indemnisation qui va être accordée
au client. Pour que cette indemnisation soit fixée, il faut que la chance perdue soit évaluée.
§2 :L’évaluation de la chance perdue.
L’objectif du client qui engage la responsabilité du gestionnaire de portefeuille est
d’obtenir la réparation du préjudice qu’il a subi. Les tribunaux donc, après avoir constaté que
la faute du gestionnaire a provoqué pour leurs clients la perte d’une chance de bénéficier d’un
73 CA Paris, 27 juin 1998, de Blegiers c/société Transbourse, préc.
43
évènement favorable, se confrontent au problème de l’évaluation de la chance perdue pour
fixer le montant de la réparation qui sera accordée.
La réparation qui sera accordée à la victime ne correspond pas à la totalité de ce que la
chance aurait procurée à la victime si elle serait réalisée74. Cependant, on ne peut pas parler
d’indemnisation partielle du préjudice final, c’est à dire, de ce qu’aurait procuré la chance à la
victime si elle serait réalisée. La réparation du préjudice spécifique qui consiste à la perte
d’une chance est intégrale mais « comme les juges doivent tenir compte de tous les éléments
du dommage, ils ne peuvent éviter de prendre en considération l’aléa qui affecte la
réalisation de la chance perdue »75. Par conséquent, l’indemnisation sera calculée « en
fonction de probabilités de réalisation de l’évènement favorable à la victime »76.La Cour de
Cassation a d’ailleurs à plusieurs reprises affirmé le principe que la réparation ne saurait
excéder les chances perdues77.
De manière générale et plus spécialement dans le domaine de la responsabilité du
gestionnaire de portefeuille, on se rend compte de la difficulté que présente l’évaluation de la
chance perdue. Les chances « de trouver un meilleur placement »78. ou de « trouver un
équilibre dans une gestion mieux suivie»79 sont extrêmement complexes quant à leur
évaluation. Leur perte ne peut être compensée que par une indemnisation forfaitaire pour la
fixation de laquelle les juges ont recours à des experts en matière boursière. La fixation du
montant de l’indemnisation devient alors « assez arbitraire »80.
74 Cependant, voir : Cour d’appel de Versailles, 21 septembre 1999, Bull. Joly Bourse et produits financiers,
2OOO, p. 51, note L. Ruet : Dans cet arrêt la Cour a obligé le teneur de compte qui n’a pas appelé son client à la
couverture de réparer l’ensemble des pertes enregistrées sur son compte et cela malgré qu’elle avait constaté
auparavant que le préjudice consistait à la perte d’une chance d’eviter les pertes finalement réalisées. C’est la
raison pour laquelle cet arrêt a reçu les critiques du commentateur. 75G. Viney, P. Jourdain, «Les conditions de la responsabilité », préc., n° 284, p. 84. 76 Jacques Boré, « L’indemnisation pour les chances perdues : une forme d’appreciation quantitative de la
causalité d’un fait dommageable », JCP, 1974, I, 2620, p. 16. 77 Voir notamment : Cass. crim., 12 février 1953, JCP, G, 1953, II, 7335; Cass. com., 22 mars 1955, JCP, G,
1955, II, 8686, note Rodière; Cass. civ.1ère, 9 mai 1973, JCP 1974, II, 7643. 78 CA Paris, 4 mars 1997, Uni Europe c./Bouznah, préc. 79 CA Paris, 12 avril 1996, préc. 80 M.Germain et M. A. Frison Roche, obs sur CA Paris, 12 avril 1996, préc.
44
SECTION II : Les déviances dans la mise en œuvre de la théorie de
la perte d’une chance en matière de gestion de portefeuille.
L’étude de la jurisprudence rare qui applique la théorie de la perte d’une chance en
matière de responsabilité du gestionnaire de portefeuille de valeurs mobilières nous laisse des
interrogations sur la manière dont cette théorie est mise en œuvre. Ces interrogations viennent
surtout de la manière dont la Cour d’ appel de Paris a fait application de cette théorie dans son
arrêt du 12 avril 1996 auquel on s’ est référé à plusieurs reprises auparavant81.
Pour démontrer notre raisonnement il faut reprendre les points essentiels de cet arrêt.
En l’espèce, les fautes reprochées au gestionnaire par son client et retenues par la Cour étaient
de deux sortes. La première faute du gestionnaire consistait en « un manque de logique dans
la gestion par un professionnel dilettante et peu surveillé par son employeur ». La seconde
faute du gestionnaire consistait en « un manque d’information personnalisée et de suivi,
aucune estimation périodique du portefeuille n’ayant été établie ».
Le client prétend que les faute du gestionnaire qu’on vient d’exposer lui ont causé un
préjudice qui se compose des pertes enregistrées sur son compte ainsi que des manques à
gagner. La Cour d’appel, contrairement à ces prétentions du client, estime que le préjudice
subi par le client et dû aux fautes du gestionnaire consiste en la perte d’une chance de trouver
un équilibre dans une gestion mieux suivie ,préjudice qui doit être réparé par l’allocation de
dommages et intérêts forfaitaires et fixe ces dommages et intérêts à 50.000 Francs.
La critique au raisonnement de la Cour vient, à notre avis du fait qu’elle n’a pas
distingué les préjudices qui correspondent à chaque faute commise par le gestionnaire de
portefeuille. Plus précisément, commençons par la seconde faute que le mandataire a
commis : cette faute consiste en une violation de l’obligation d’information. En l’espèce,
comme elle a relevé à juste titre la Cour, le gestionnaire n’ a pas violé son obligation
d’information pré contractuelle (car le client était un opérateur averti) mais son obligation d’
information pendant l’ exécution du contrat qui ne s’épuise pas par l’ envoi de relevés mais
81 CA Paris, 12 avril 1996, préc.
45
elle doit être assortie d’une information personnalisée sur le portefeuille. En ce qui concerne
le préjudice que cette faute a fait subir au client, comme on a déjà mentionné, la théorie de la
perte d’une chance est souvent mise en œuvre pour assurer une indemnisation à la victime en
palliant à l’absence de certitude concernant le lien de causalité entre la faute et le dommage.
Plus précisément, en l’espèce, on ne pourrait pas affirmer avec certitude que si l’information
personnalisée serait établie par le gestionnaire et adressée au client, ce dernier aurait pu réagir
pour limiter les pertes qui ont été finalement enregistrées. C’est donc à juste titre que la Cour
fait application de la théorie de la perte d’une chance et considère que le préjudice subi par le
client consiste à la perte d’une chance de trouver un équilibre dans une gestion mieux suivie.
Le problème vient, à notre avis, du fait que la Cour considère que ce même préjudice a été
causé aussi par l’autre faute du gestionnaire, c’est à dire la faute de gestion.
La première faute reprochée au gestionnaire de portefeuille en cause est une faute de
gestion, celui-ci ayant procédé à une gestion sans logique. La Cour, ayant réaffirmé que
l’obligation qui pèse sur le gestionnaire est une obligation de moyen, pour conclure à la faute
du gestionnaire elle doit avoir comparé la gestion effectuée par le gestionnaire en question
avec celle qu’aurait effectué « un bon de famille » c’est à dire un gestionnaire normalement
diligent placé sous les mêmes conditions. Cependant, une fois que la faute établie, pour
déterminer le préjudice réparable subi par le client, il fallait comparer les résultats qu’aurait
obtenu le gestionnaire de portefeuille diligent avec ceux obtenus par le gestionnaire en
question. La différence entre ces deux résultats devait déterminer les pertes dues à la faute du
gestionnaire et qui constituent le préjudice réparable. Ce préjudice est certain, direct, actuel
mais surtout il est distinct de la perte d’une chance de trouver un équilibre dans une gestion
mieux suivie et qui est due à la manque d’information personnalisée pendant l’exécution du
contrat. En l’espèce la Cour n’ a pas opéré cette distinction et a conclu que le seul préjudice
subi par le client par les deux fautes consiste en la perte d’une chance.
Pour clarifier donc les choses concernant la mise en œuvre de la théorie de la perte
d’une chance, à notre avis quand le gestionnaire de portefeuille a commis une faute de
gestion, les pertes dues à cette faute peuvent être chiffrées par la comparaison entre les
résultats qu’aurait obtenu un professionnel normalement diligent et ceux qu’a obtenu le
gestionnaire en question. Le recours à la théorie de la pertes d’une chance n’est nécessaires
que si, mise à part le préjudice que démontre cette comparaison, par la faute de gestion du
46
gestionnaire le client s’est privé d’une chance de bénéficier d’un événement favorable. Il
s’agit donc de deux préjudices distincts.
Une fois que le préjudice réparable du client soit déterminé, le gestionnaire de
portefeuille fautif doit, en principe, supporter la totalité de la charge de la réparation.
Cependant, sa dette de réparation peut être limitée, si il s’avère que la faute d’un autre
intermédiaire financier où celle du client lui même ont concouru avec celle du gestionnaire à
la réalisation du préjudice. Il y aura alors un partage de la responsabilité.
47
PARTIE II
La limitation de la dette de réparation du gestionnaire : le partage
de responsabilité.
« Plus il y a, pour la victime d’un dommage, de possibilités de s’en prendre à des
responsables, mieux la réparation de son dommage est assurée »82.
En droit commun de la responsabilité, lorsque plusieurs causes ont concouru à la
réalisation d’un même préjudice, cette pluralité de causes est prise en compte pour permettre
un partage de la responsabilité, l’auteur de chacune ayant la possibilité d’invoquer les autres
pour faire diminuer sa part. Chacun des auteurs de ces causes devait alors être exonéré
partiellement de sa responsabilité vis à vis de la victime pour la réparation de son préjudice.
Cependant, cette exonération partielle se heurte à la règle de l’obligation in solidum. D’après
cette règle, l’auteur de l’une des causes d’un dommage est tenu à la réparation intégrale de
celui-ci vis à vis de la victime, sous la seule réserve d’un recours ultérieur contre les autres
coauteurs83. La règle de l’obligation in solidum qui est fondée sur l’idée d’une garantie
donnée à la victime, ne joue pas lorsque la faute qui a contribuée avec celle d’un tiers à la
réalisation du préjudice vient de la victime elle même. Dans un tel cas il y a exonération
partielle de l’auteur de la faute qui ne doit réparation à la victime qu’à proportion de la
contribution de sa faute à la réalisation du dommage.
En matière de gestion de portefeuille, le gestionnaire qui gère de manière
discrétionnaire de portefeuille de son client constitue la cible préféré des clients pour la
réparation de leur préjudice. Cependant, il peut être allégé de sa dette de réparation s’il est
démontré que sa faute n’est pas la seule qui a occasionné le préjudice subi par le client.
82F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, « Les obligations », préc., n° 775, p. 713. 83G. Viney, P. Jourdain, «Les conditions de la responsabilité », préc., n° 4O5, p. 253.
48
Il peut s’avérer que les pertes ou les manques à gagner qui constituent le préjudice du
client trouvent leur source à la faute du gestionnaire de portefeuille mais aussi à celle
commise par un autre intermédiaire financier. En effet, l’investisseur qui décide d’effectuer
des opérations sur les marchés boursiers et qui confie la gestion de portefeuille à un
mandataire, il doit faire appel aussi à des autres intermédiaires qui assurent les fonctions de
tenue de compte et celle de l’exécution des ordres de bourse émanant du gestionnaire pour le
compte de son client. La loi, la réglementation des autorités du marché et le contrat qui les
unit à leur client mettent à la charge de ces intermédiaires financiers des obligations précises,
le non respect desquelles est constitutif d’une faute. Si cette faute a contribué avec la faute du
gestionnaire de portefeuille à la réalisation du préjudice du client, il y aura un partage de
responsabilité entre les différents intermédiaires.( TITRE I)
Cependant, si la faute qui a contribué avec la faute du gestionnaire à la réalisation du
préjudice, peut être celle d’un autre intermédiaire financier, elle peut aussi être celle du client
lui même. Le comportement du client peut en effet être caractérisé comme fautif lorsque il
prenait pendant l’exécution du contrat des initiatives qui ont compromis la gestion effectuée
par le gestionnaire ou lorsqu’il n’a pas montré la vigilance que les opération boursières
exigent. Si la faute du client est démontrée par le gestionnaire de portefeuille il y aura un
partage de responsabilité, le mandataire sera partiellement exonéré de sa responsabilité et il ne
devra réparer que partiellement le préjudice subi par le client. (TITRE II)
TITRE I : Le concours de la faute d’un autre intermédiaire
financier à la réalisation du préjudice.
Le gestionnaire de portefeuille ne peut pas à lui seul assurer l’ ensemble des opérations
nécessaires à l’investissement du patrimoine de son client en valeurs mobilières.
L’intervention de certains autres intermédiaires est nécessaire pour assurer le dénouement des
opération. En premier lieu, le client est uni par une convention à un intermédiaire financier
49
chargé de l’exécution des ordres émanant du gestionnaire de portefeuille. Le règlement
général du CMF définit la fonction d’exécution des ordres dans son article 2-1-4. Cet article
énonce que « exerce une activité d’exécution des ordres pour compte de tiers tout prestataire
habilité qui, en qualité de courtier, mandataire ou commissionnaire, agit pour le compte d’un
donneur d’ordres en vue de réaliser une transaction sur instruments financiers ». Le
prestataire de service d’investissement qui assure la fonction d’exécution des ordres s’appelle
négociateur.
Le client qui désire investir en bourse doit avoir recours aussi à un autre intermédiaire
qui assure la tenue de compte-consérvation. Dans le cadre de la tenue de compte-
conservation, l’intermédiaire doit prendre en charge les flux liés aux opérations réalisées par
son client, c’est à dire livrer les titres vendus ou effectuer le règlement des titres achetés
(tenue de compte) et assurer le conservation dans ses livres des titres issus des négociations
effectuées sur les marchés (conservation).
La fonction de l’exécution des ordres et celle de la tenue de compte-conservation sont
souvent exercées par le même intermédiaire financier. Le schémas est donc le suivant, le
client ouvre auprès d’un prestataire de service d’investissement un compte, ce prestataire étant
chargée de la tenue de compte ainsi que de l’exécution des ordres. Par ailleurs, le client
conclu avec un gestionnaire un mandat de gestion de portefeuille, ce dernier transmettant
directement à la société de bourse les ordres qui correspondent à ses choix de gestion pour
qu’elle assure leur exécution. Si les deux intermédiaires commettent des fautes à l’exécution
de leurs fonction et il s’avère que ces fautes ont contribué à la réalisation du même préjudice
subi par le client, ils seront tenus in solidum de réparer ce préjudice, le fait que leurs
obligations émanent des contrats différents n’ayant pas d’importance84. Le client peut alors
demander au gestionnaire de portefeuille aussi bien qu’à l’autre intermédiaire financier la
totalité de la réparation. Cependant, dans un tel cas, le gestionnaire de portefeuille disposera
d’une action récursoire contre l’autre intermédiaire pour les sommes payés en trop, de sorte
que sa contribution finale à la dette sera limité.
En examinant la jurisprudence en la matière, on se rend compte que le partage de
responsabilité est ordonné le plus souvent quand le teneur de compte n’a pas vérifié si les
84 Cass. civ. 1ère, 18 mars 1995, JCP, G, 1995, IV, n° 1316.
50
ordres du gestionnaire étaient conformes aux pouvoirs qui ont été conférés à ce dernier par le
contrat de mandat ou quand il n’ a pas satisfait à son obligation d’information et de conseil vis
à vis de son client.
SECTION I : Le problème du partage de responsabilité en cas de
non vérification par le teneur de compte de la conformité des
ordres au contrat de mandat.
Un des cas les plus fréquent de partage de responsabilité entre le gestionnaire de
portefeuille et le teneur de compte qu’on rencontrait jusqu’à une époque récente en
jurisprudence était celui où le teneur de compte omettait de vérifier les ordres que lui donnait
le gestionnaire de portefeuille par rapport au termes du mandat de gestion, ordres qui s’
avéraient ensuite incompatibles avec le contrat de mandat.
L’obligation de vérifier le ordres par rapport au termes du contrat était mise à la charge
du teneur de compte par l’article 220 du règlement de la Compagnie des agents de change.
Quand il ne satisfait donc pas à cette obligation et il exécutait les ordres du gestionnaire de
portefeuille, données en dépassement de son mandat, les tribunaux ordonnaient un partage de
responsabilité entre les deux intermédiaires financiers en considérant que leurs fautes se
trouvaient à l’origine du préjudice subi par le client.
Un premier exemple nous est fourni par l’ arrêt de la Cour d’ appel de Paris du 3
décembre 199185. En l’espèce, la Cour constate la faute du gestionnaire qui, contrairement au
termes du contrat de mandat, avait engagé les capitaux qui lui étaient confiés dans des
opérations de spéculation à découvert. Elle reproche aussi à la société de bourse dépositaire de
ne pas s’être assurée que les opérations litigieuses dont l’ exécution était demandée par le
gestionnaire étaient conformes au mandat. Après donc avoir conclu que la faute de chaque
intermédiaire a concouru à la réalisation du préjudice finalement subi par le client, la Cour a
prononcé la condamnation in solidum du gestionnaire de portefeuille et de la société de bourse
dépositaire. La même logique a été mise en œuvre par la Cour de cassation dans son arrêt du
85 CA Paris, 3 décembre 1991, Seroussi c./ Rouvroy et Sté Scheicher Prince, JCP, éd. E, 1992, I, n°22.
51
13 juin 199586 qu’on a vu précédemment à propos de la portée de l’envoi des avis d’opéré.
Dans cette espèce aussi , la juridiction suprême, a considéré que le teneur de compte qui n’ a
pas vérifié si les ordres du remisier/gestionnaire pour effectuer des opérations sur le MATIF
et le MONEP étaient compatibles avec les pouvoirs conférés à ce dernier par le contrat de
mandat, engage sa responsabilité in solidum avec ce gestionnaire.87
Cependant les choses ont changé depuis. Cette obligation de vérification des ordres du
gestionnaire par rapport au contrat de mandat, mise à la charge du teneur de compte a paru
très lourde aux yeux des autorités. Le Règlement général du CBV qui a remplacé le règlement
de la compagnie des agents de change en 1989 , n’imposait plus au teneur de compte cette
obligation. Au contraire, il disposait dans son article 2.4.4. que « la société de bourse n’a pas
connaissance des termes du mandat qui lie le titulaire du compte à la société de gestionnaire
de portefeuille. Elle ne peut en aucun cas être tenue pour responsable de la non conformité
aux termes du mandat des ordres qu’elle reçoit et elle exécute. ». Cette obligation de
contrôle de conformité des ordres n’ a pas été reprise non plus dans le nouveau Règlement
général du CMF qui dispose dans son article 3-3-4 que « lorsque le prestataire habilité teneur
de compte est informé par son client que ce dernier a confié la gestion de son portefeuille
dans le cadre d’un mandat, il lui fait remplir une attestation, signée du mandant et du
mandataire, conforme à un modèle établi par une décision du conseil. Le prestataire habilité
n’est pas tenu d’avoir connaissance des termes du mandat. ». Par conséquent, en l’état
actuel du droit, un partage de responsabilité entre le gestionnaire de portefeuille qui a dépassé
ses pouvoirs et le teneur de compte qui a exécuté les ordres sans vérifier les termes du mandat
n’est pas concevable.
Cependant, certains auteurs, déjà avant le nouveau règlement général du CMF, après
avoir critiqué la disparition de l’obligation de vérification à la charge du teneur de compte88,
ont exprimé le souhait que cette obligation continue à s’imposer à ce dernier « sous couvert de
l’obligation générale de prudence dans la conduite des opération »89.
86 Cass. com., 13 juin 1995, préc. 87 Voir aussi : CA Paris, 25 mai 1993, Dr. des sociétés, 1993, comm. n° 173, obs. H. Hovasse. 88 H. Hovasse, note sous arrêt CA Pau, 14 janvier 1993, Dr. des sociétés, 1994, comm. n° 21. 89 M. Storck, note sous arrêt 13 juin 1995, préc.
52
La jurisprudence ne semble pas pour le moment suivre cette logique. La Cour d’ appel
de Paris, dans un arrêt du 14 décembre 199890, fait une application exacte de l’article 2-2-4 du
règlement du CBV qui était en vigueur à l’époque des faits et considère que la société de
bourse ne commet pas une faute en ne contrôlant pas la conformité des ordres qu’elle a reçu
par le gestionnaire par rapport au contrat de mandat. Par conséquent, le gestionnaire qui a
dépassé ses pouvoirs est le seul responsable du préjudice que ce dépassement à causé. La
dette de réparation de ce préjudice ne pèse, donc que sur lui.
SECTION II :La violation par un autre intermédiaire financier de
son obligation d’information et de conseil.
Comme on a déjà vu précédemment la jurisprudence91, dans un premier temps, le
législateur et les autorités du marché ensuite, on imposé à tous les intermédiaires financiers
une obligation générale et pré contractuelle d’information sur le fonctionnement des marchés,
sur les caractéristiques des instruments financiers ainsi que sur les risques que les opérations
susceptibles d’ être traitées présentent92. Cette information s’impose d’ailleurs en vertu de
l’article L 111 de code de la consommation à tous le prestataires de service qui doivent
informer leurs clients-« consommateurs » sur les caractéristiques des services qu’ils
proposent. En particulier, concernant les opérations sur les marchés à risque il faut la remise
d’une note d’information spéciale93. Cette obligation d’information se poursuit aussi en cours
des relations contractuelles, l’intermédiaire devant informer le client sur toute opération
inhabituelle pour qu’il puisse comprendre sa portée94.
90 CA Paris, 14 décembre 1998, Epoux Koger c./ Sté Didier Philippe et autre, Bull. Joly Bourse et produits
financiers, 1999, p.153, note L. Ruet. 91 Cass. com., 5 novembre 1991, Buon, Bull. Joly Bourse et produits financiers, 1993, p. 292, note F. Peltier ,
RJDA, 1992/1, n° 68; RTD com., 1992, p. 436, n° 22 ; Cass. com., 18 mai 1993, D., 1994, p. 142, note I. Najjar. 92 Article 58 loi MAF, article 3-3-5 Règlement général CMF. 93 Article3 Règlement 97-02 de la COB. 94 Article 3-3-7 Règlement général CMF.
53
En ce qui concerne l’obligation de conseil, la loi MAF95 impose à tout intermédiaire
financier de s’enquérir de la situation financière de son client, de son expérience en matière
d’investissement et de ses objectifs en ce qui concerne les services demandés.
Ces obligation d’information et de conseil sont à la charge de tout intermédiaire
financier et la violation de cette obligation est constitutive d’une faute. Par conséquent si cette
faute a contribuée avec la faute du gestionnaire à la réalisation du préjudice subi par le client,
les deux intermédiaires peuvent être tenus in solidum à réparer ce dommage.
Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt de la Cour de cassation du 13 Juin 199596
auquel on a fait à plusieurs reprises référence auparavant, la Cour, mise à part la violation par
le teneur de compte de son obligation de vérifier que les ordres provenant du gestionnaire de
portefeuille étaient conformes au contrat de mandat, pour retenir la responsabilité in solidum
des deux intermédiaires, elle avait reproché tant au gestionnaire qu’au teneur de compte la
violation de l’obligation d’information dont ils étaient chargés. Plus précisément, ils n’ont pas
informé leur client sur les risques que présentent les opérations sur le MONEP cette faute
(entre autres) ayant contribué à la réalisation du préjudice finalement subi par ce dernier.
Cependant en présence d’un gestionnaire de portefeuille, un arrêt de la Cour d’appel
de Paris97 semble limiter la portée de l’obligation d’information et de conseil qui pèse sur le
teneur de compte. Les faits sont assez classiques, le compte du client a enregistré des pertes et
ce dernier tend d’engager la responsabilité du gestionnaire mais aussi du teneur de comptes
pour violation de son obligation de conseil en n’appellent pas son client de reconstituer sa
couverture. La Cour ne retient pas la faute du teneur de compte et affirme que « le teneur de
compte, simple dépositaire des titres, sans mandat de gestion, n’ était pas tenu à aucun
devoir de conseil, celui-ci incombant au gestionnaire, seul initiateur des opérations aux
termes de son mandat ». Le teneur de compte n’ avait qu’une obligation d’information qui a
été remplie de manière correcte par l’envoi de relevés de compte détaillés à son client. Le
teneur de compte n’a pas commis donc des manquement à ses obligations, les manquements
du gestionnaire ayant seuls provoqué les pertes subis par le client. 95 Article 58 loi MAF. 96 Cass. com., 13 Juin 1995, préc. 97 CA Versailles, 18 juin 1999, Flick c./ SA Wargny et autres, Bull. Joly Bourse et produits financiers, 1999, p.
611, note S. Noémie.
54
Cette démarche de la Cour d’appel de Versailles que réduit à néant la portée de
l’obligation de conseil à la charge du teneur de compte et accroît la portée de celle qui pèse
sur le gestionnaire, pourrait laisser croire qu’un partage de responsabilité pour le préjudice
causé au client devient assez improbable, le gestionnaire étant amené à supporter l’ensemble
de la dette de réparation.
Cependant, la Cour d’appel de Paris adopte une toute autre démarche qui va vers
l’extension de la portée de l’obligation du teneur de compte en présence d’un gestionnaire de
portefeuille. Cette démarche apparaît clairement dans son arrêt du 19 mars 199998. Les faits
sont identiques qu’avant, à la différence que le gestionnaire n’était pas un professionnel mais
le fils de la cliente. Après une gestion désastreuse effectuée par ce dernier qui avait ordonné
des opérations sur le MONEP et le MATIF, la cliente évoque la violation par le teneur de
compte de son obligation d’ information et de conseil pour lui faire supporter les pertes
subies. La Cour a considéré que le teneur de compte avait satisfait à son obligation
d’information en envoyant régulièrement à sa cliente les relevés de compte ainsi que les avis
d’opéré. Par contre, concernant l’obligation de conseil, la Cour a énoncé que dés lors qu’il
s’est avéré que gestionnaire n’avait aucune compétence en matière boursière, « il appartenait
à la société de bourse( qui faut il le rappeler est un professionnel qui perçoit à ce titre des
commissions de courtage importantes) d’attirer l’attention du titulaire du compte sur les
risques résultant de la gestion hasardeuse dont s’agit du portefeuille, ce qui eut permis
d’éviter au moins partiellement l’appauvrissement du patrimoine du titulaire du compte ».
En l’espèce la Cour n’a pas fait référence à un quelconque partage de responsabilité, la cliente
n’ayant engagé que la responsabilité du teneur de compte qui a été condamné à payer une
somme forfaitaire pour compenser l’appauvrissement partiel que son omission a provoqué à la
cliente.
Cet arrêt a été suivi par les juges du fond dans un arrêt du TGI de Paris du 17
novembre 199999 où le tribunal reproche au teneur de compte de ne pas avoir déconseillé au
client de s’en remettre à un mandataire, simple particulier, et non professionnel des marchés
98 CA Paris, 19 mars 1999, Bull. Joly Bourse et produits financier, 1999, p. 361, note S. Noémie. 99 TGI Paris, 17 novembre 1999, Mme Bernard, inédit, cité par L. Ruet , note sous arrêt CA Versailles, 21
septembre 1999, Bull. Joly bourse et produits financiers, 2000, p. 51.
55
financiers mais aussi de ne pas avoir critiqué auprès du client la gestion désastreuse effectuée
par le mandataire.
Ces solutions qui sont transposables même en présence d’un gestionnaire de
portefeuille professionnel opèrent une extension considérable de la portée de l’obligation de
conseil à la charge du teneur de comptes. Plus particulièrement, ils mettent à la charge de
celui-ci une véritable obligation de contrôle quant à la gestion effectuée par le gestionnaire et
une obligation d’avertir son client si cette gestion est hasardeuse. Par conséquent, si ce
contrôle ou cette mise en garde ne sont pas effectuées, il sera tenu responsable in solidum
avec le gestionnaire fautif car leurs manquements contractuels seront à l’origine du préjudice
que le client aurait subi.
TITRE II : Le concours de la faute du client à la réalisation du préjudice
L’investisseur qui a confié la gestion de son portefeuille de valeurs mobilières à un
mandataire peut ne pas être totalement étranger au préjudice que lui même a subi.
Si le préjudice du client est dû à la faute du gestionnaire de portefeuille mais
également à la faute du client lui même, un partage de responsabilité aura lieu. Dans un tel cas
de figure, l’application de la règle de l’obligation in solidum sera exclu, cette exclusion étant
justifiée comme une sanction de la victime qui a commis une faute100. Le gestionnaire de
portefeuille sera alors partiellement exonéré de sa responsabilité et ne devra réparation au
client qu’en proportion de la participation de sa faute au préjudice final subi par le client
La faute du client susceptible d’entraîner un partage de responsabilité avec le
gestionnaire peut consister à l’ingérence du client dans la gestion effectuée par son mandataire
de sorte que cette gestion a été compromise. (SECTION I)
100 G. Viney, P. Jourdain, «Les conditions de la responsabilité », préc. n° 426, p. 285.
56
Cette faute peut aussi consister à la négligence que le client à montré par rapport à la
gestion de son patrimoine boursier.(SECTION II)
SECTION I : L’ingérence du client.
La complexité du fonctionnement des marchés financiers ainsi que la variété des
produits financiers disponibles, font que la gestion rationnelle d’un portefeuille nécessite l’
intervention d’un expert. C’est la raison pour laquelle les particuliers pour leur épargne ou les
entreprises pour leurs disponibilités confient la gestion de leur portefeuille à un mandataire.
Le mandataire, comme on a répété à plusieurs reprises, est chargé d’opérer une gestion
au mieux des intérêts de ses client101 et dans le cadre des pouvoirs qui lui sont confiés en vertu
du contrat de gestion de portefeuille que les parties ont conclu dès leur mise en relation.
Cependant, le client qui a eu recours aux services d’ un gestionnaire de portefeuille ne
se met pas totalement à l’écart de la gestion de son patrimoine boursier. Le pouvoir de gestion
du mandataire est limité par la possibilité du client de donner des instructions quant à la
gestion de son portefeuille et ce, pendant l’ exécution du contrat102. Le problème juridique qui
se pose est alors de savoir jusqu’ à quel point les instructions adressées par le client au
gestionnaire de portefeuille sont contraignantes pour ce dernier. Cette question s’est posée en
jurisprudence surtout à propos des ordres ponctuelles émanant du client et qui concernent
l’achat ou la vente de certaines valeurs mobilières.
L’exécution des ordres du client est une des obligations principales du mandataire en
droit commun du mandat. Le mandataire doit donc respecter les instructions précises données
par le mandant103.
Concernant le contrat de gestion de portefeuille de valeurs mobilières, il faut
dorénavant énoncer que si le contrat qui unit juridiquement le client à l’intermédiaire financier 101 Article 58 loi MAF et 3-3-1 Règlement général CMF 102 M.Storck, « Les sociétés de gestion de portefeuille », préc., n° 69 et suiv., p. 16-17. 103 Ph. Petel, « Les obligations du mandataire », thèse, LITEC, 1988, p.28.
57
réserve au client un pouvoir de décision dans la gestion de son portefeuille, ce contrat est
qualifié de convention de compte assistée ou de simple tenue de compte104. Tel sera le cas
aussi si l’ingérence du client à la gestion opérée par le gestionnaire est systématique105.
Cependant, le client a toujours la possibilité d’ adresser à son mandataire des instructions.
Pourtant, le gestionnaire doit conserver une liberté quant aux suites à donner aux indications
de son client. Plus précisément, il doit conserver un pouvoir d’appréciation ou de discussion
quant à l’exécution des ordres ponctuels que lui adresse le mandant106.
Ce principe de liberté du gestionnaire de portefeuille a été posé par la Cour de
cassation dans son arrêt du 12 juillet 1971107. En l’espèce, le client entendait engager la
responsabilité de son mandataire pour ne pas avoir suivi ses instructions quant à l’ achat de
valeurs américaines et allemandes, instructions qui s’est avéré que si elles étaient exécutées
elles seraient profitables pour le client. Le client demandait alors réparation de son préjudice
consistant à une manque à gagner. Cependant, la Cour de Cassation refuse d’engager la
responsabilité du gestionnaire en précisant que « les choix de la banque s’appuyaient sur un
raisonnement logique et que si ses prévisions ont été partiellement infirmées, elle n’avait pas
garanti que les plus values recherchées seraient nécessairement obtenues ». Le gestionnaire
conserve, donc, un pouvoir d’ appréciation ou de discussion quant à l’exécution des
instructions reçues par son client et même si son choix s’avère moins profitable pour ce
dernier, la responsabilité du mandataire ne peut pas être engagée. Par conséquent, les pertes
ou le manque à gagner subis par le client du fait de l’ inexécution de ses instructions ne
constituent pas une préjudice réparable par le gestionnaire de portefeuille, car la seul
« désobéissance » de ce dernier à ces instructions ne constitue pas une faute de gestion.
Cependant, la Cour de cassation semble avoir posée une condition pour que le
comportement du gestionnaire qui a passé outre les instructions de son client ne soit pas
caractérisé comme fautif. Le gestionnaire de portefeuille peut ne pas exécuter les ordres de
son client et préférer un autre choix sans que sa responsabilité soit engagée, à condition que ce
104 Voir : CA Paris 3 décembre 1986, D., 1987, inf. rap., p. 302. Voir également : CA Colmar, 3 juin 1982,
Banque, 1982, p. 1262, note L.-M. Martin. 105 M.Storck, « Les sociétés de gestion de portefeuille », préc., n°69, p. 16 qui cite CA Paris, 25 novembre 1988,
Juris-Data, n° 025983. 106 M.Storck, « Les sociétés de gestion de portefeuille », préc., n° 70, p. 16. 107 Cass. com.12 juillet 1971, préc.
58
choix du gestionnaire « s’appuie sur un raisonnement logique »108. Le gestionnaire de
portefeuille ne commet, donc, une faute que si son choix de ne pas exécuter les ordres de son
client est un choix justifié109. Par contre si il passe outre ces ordres sans justification valable,
il commet une faute de gestion et il doit à son mandant réparation pour les pertes ou les
manques à gagner que la non exécution des ordres lui a causé.
Si on voulait porter une appréciation sur la liberté laissée au gestionnaire quant à la
gestion du portefeuille qui lui est confié, on pourrait dire qu’elle est la contrepartie de sa
responsabilité. Le gestionnaire assume la responsabilité de la gestion qu’il effectue du
portefeuille de son client (mais pas quant aux résultats car il n’a qu’une obligation de moyen
comme on a analysé en première partie). Il doit disposer donc d’une liberté étendue car il met
en œuvre une stratégie d’ ensemble dont l’ équilibre serait menacé si le mandant pouvait à
tout moment intervenir de façon intempestive110.
Cependant, si le client ne doit pas s’immiscer à la gestion de son portefeuille confiée
au professionnel, il ne faut pas perdre de vue qu’il reste toujours le maître de son patrimoine
boursier. Il est alors en droit de se procurer des liquidités et de passer un ordre de vente de
titres figurant sur le compte géré. Si les ordres du client sont claires et précises, il doit les
exécuter sans que sa responsabilité puisse être engagée.111
Ce principe a été posé par la Cour de cassation dans son arrêt du 19 mars 1996112. En
l’espèce, le client avait donné des instructions au gestionnaire de son portefeuille de vendre
certains titres. Ces instructions ont été renouvelées à deux reprises et soulignaient l’
urgence(« …vendre au plus tôt »). Le mandataire a exécuté les ordres de son client. Or, peu
de temps après, ces instructions s’ avèrent mal avisées car est intervenue une crise boursière
due à la guerre du Golf. Le client cherche alors à faire supporter la charge de ces pertes à son
mandataire. Débouté de sa demande par la Cour d’ appel de Paris, il forme un pourvoi en
cassation aux termes duquel la responsabilité du gestionnaire devait être engagée car il a
108 Cass. com. 12 juillet 1971, préc. 109 L. Ruet, note sous arrêt Cass. 1ère civ., 19 mars 1996, Joly Bourse et produits financiers, 1996, p.510. 110 J.-F. Crédot et P. Bouteiller : « La responsabilité des banques en matière de conservation, de gestion et de
placement de valeurs mobilières », Banque, 1988, p. 620. 111 J. J. Essombé Moussio, « La responsabilité des gestionnaires de portefeuille », préc., p. 39. 112 Cass. com. 19 mars 1996, préc.
59
commis une faute de gestion en exécutant les ordres de son client parce qu’il avait la liberté
de refuser de le faire si il estimait qu’ils étaient contraires aux intérêts de ce dernier. D’ autre
part, le client soutient dans le pourvoi qu’en ne le conseillant pas sur l’opportunité de l’ordre,
le gestionnaire de portefeuille n’avait pas satisfait à son obligation de conseil.
La Cour de cassation n’accepte pas ces prétentions. Elle approuve le démarche de la
Cour d’ appel qui avait considéré que le gestionnaire n’ engage pas sa responsabilité, la vente
de titres « résultant d’un ordre manuscrit que les termes claires et précis de cette lettre ne
permettaient pas au mandataire de se dérober des instructions reçues ni même de discuter
avec son mandant, l’urgence étant soulignée par ce dernier ».
Cette position de la Cour de cassation a été confirmée par un autre arrêt de la chambre
commerciale de la Cour de cassation du 16 février 1999113. En l’ espèce ,le client avait
adressé un ordre au gestionnaire de son portefeuille de vendre certains titres pour qu’il puisse
se procurer des liquidités pour payer des droits de succession. Le gestionnaire décide d’étaler
les ventes dans trois mois. Or, entre temps intervient le krach boursier de 1987. Le client
cherche à faire supporter les pertes au gestionnaire. La Cour de cassation confirme l’ arrêt de
la Cour d’ appel qui avait débouté le client en considérant que le gestionnaire était tenu
d’exécuter les ordres de son client en ajoutant que le fait d’avoir étalé les ventes en trois mois
ne constitue pas une faute de gestion, le krach de 1987 étant imprévisible.
On a vu donc que le gestionnaire qui reçoit de son client des ordres claires, précises et
urgentes est tenu de les exécuter et le fait de les exécuter ne constitue pas une faute de gestion.
Une ingérence du client à la gestion de son portefeuille est alors concevable.
Cependant, s’il s’ avère que les pertes dues à un faute du gestionnaire et à l’ ingérence
du client, il y aura partage de responsabilité. Cette solution ressort de l’arrêt de la Cour
d’appel de Paris du 30 mai 1994114. Dans cette espèce, le gestionnaire de portefeuille fautif
n’a pas réussi à prouver l’ingérence du client. Cependant, la Cour a laissé entendre qu’en cas
d’ingérence du client qui a contribué à la réalisation du préjudice, un partage de responsabilité
pourrait être prononcé. Dans un tel cas le gestionnaire de portefeuille serait partiellement 113 Cass. com., 16 février 1999, Epx Martin Ruiz c./ Société CDC Bourse, Dr. des sociétés, 1999, comm. n° 63,
note H. Hovasse ; RDBB, 1999, p. 101, obs. M. Germain et M.A. Frison Roche. 114 CA Paris, 30 mai 1994, Dr. des sociétés, 1995, comm. n° 46, note H. Hovasse.
60
exonéré et ne devrait réparation à son client qu’a proportion de la participation de sa faute à la
réalisation du préjudice.
SECTION II : Le silence du client après réception des avis d’opéré.
L’objet de tout contrat de mandat est de gérer l’affaire d’autrui et à cette fin le
représenter115. Le mandant qui a laissé le sort de son affaire entre les mains du mandataire a
grand intérêt à être informé de la gestion que ce dernier en fait. Une des obligations
principales, donc, de tout mandataire est de rendre compte au mandant de sa gestion. Plus
précisément, l’article 1993 du code civil dispose que « tout mandataire est tenu de rendre
compte de sa gestion et de faire raison au mandant de tout ce qu’il a reçu en vertu de sa
procuration ».
Cette obligation de rendre compte s’applique tout naturellement aussi au gestionnaire
de portefeuille de valeurs mobilières en tant que mandataire quant à la gestion qu’il effectue
du patrimoine boursier de son client. En règle générale, la forme et la périodicité de
l’information adressée au client sont prévues par des clauses du contrat qui unit juridiquement
les parties. En l’absence de clauses plus favorables pour le client, la COB116 a fixé de règles
impératives portant sur la périodicité et le contenu des rééditions des comptes117.
Habituellement, le gestionnaire de portefeuille adresse à son mandant des avis d’opéré
pour chacune des opérations exécutées, ainsi que des relevés périodiques qui retracent la
situation des comptes du client.
Dans le cadre du contentieux de la responsabilité du gestionnaire de portefeuille, s’est
posé le problème de la portée de l’envoi de ces avis d’opéré et des relevés de compte.
Les « scénarios » sont assez classiques. Le premier est le suivant : le gestionnaire, en
dépassant ses pouvoirs qui sont définis dans le contrat de gestion effectue des opérations sur 115 J.Huet, « Les principaux contrats spéciaux », préc., n°31000, p. 939. 116 Instruction COB prise en application de l’ article 11 dernier alinéa de son règlement n° 96-02, Bull. COB,
n°309, janvier 1997, p.45. 117M.Storck, « Les sociétés de gestion de portefeuille », préc., n° 90, p.20.
61
les marchés à haut risques, tels que le marché à terme. Ces opérations, selon l’article 11 du
règlement 96-02 de la COB nécessitent une autorisation expresse du client par le contrat de
mandat. Le client, mécontent des pertes enregistrées sur son compte engage la responsabilité
du gestionnaire pour avoir dépassé ses pouvoirs et refuse de combler son passif. Le
gestionnaire qui avait envoyé des avis d’opéré pour toutes ces opérations à risque à son client,
se défend en soutenant que le client ,en ne réagissant pas après leur réception, a tacitement
approuvé ces opération effectuées par le gestionnaire en dépassement de ses pouvoirs (comme
c’est le cas en droit commun du mandat : article 1998 du code civil qui énonce : « Le mandant
est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir
qui lui a été donné. Il n’est tenu de ce qui a pu être fait au delà, qu’autant qu’il l’a ratifié
expressément ou tacitement »).
Le deuxième scénario est assez proche : toujours dans la même configuration de
dépassement par le gestionnaire de ses pouvoirs, ce dernier essaye d’obtenir un partage de la
responsabilité avec son client en soutenant que le silence de ce dernier après la réception des
avis d’opéré constitue une faute contractuelle qui a concouru à la réalisation des pertes
enregistrées sur les comptes du mandant.
Pour clarifier donc les choses quant à la portée de l’envoi de l’avis d’opéré
l’intervention de la jurisprudence était nécessaire.
La solution de principe a été donnée par la Cour de cassation dans son arrêt du 1er
février 1994118. Dans cet arrêt, la juridiction suprême a cassé l’arrêt de la Cour d’appel qui
avait retenu que le client avait commis une faute en ne réagissant pas à la réception d’avis
d’opération portant sur des montants anormaux et qui avait décidé le partage de la
responsabilité entre le client et la société de bourse. La Cour de cassation énonce que le client
« avait donné un mandat de gestion à la société de bourse, et qu’il n’était, dés lors, pas tenu
d’assurer la surveillance de l’évolution de son compte ». Par conséquent, contrairement à la
règle de principe pour les relevés de comptes bancaires et les avis d’exécution de simple ordre
118 Cass.com., 1er février 1994, Rev. des sociétés, 1994, p. 758, note F. Grua, D.,1994., p.424, note C.
Ducouloux-Favard et somm. p.198, obs. I. Bon Garcin, Dr. des sociétés, 1994, comm. n° 103, note H. Hovasse,
JCP, 1994, éd. E., I, p. 399, obs. A. Viandier et pan. 5000 ; Bull. Joly Bourse et produits financiers, 1994, p. 131,
obs. J. J. Essombé Moussio.
62
de bourse119, en présence d’un contrat de gestion de valeurs mobilières, l’absence de réaction
du client après réception de l’avis d’opéré ne constitue pas une faute qui pourrait conduire à
un partage de responsabilité avec le gestionnaire.
Si on devait porter une appréciation sur cette solution on pourrait dire qu’elle est
opportune. En effet, le client en ayant recours au service d’une gestionnaire, a la volonté de se
décharger de la gestion de son patrimoine boursier. Il entend donc se décharger aussi « du
suivi des opérations effectuées sur son compte, son intérêt portant essentiellement sur le
résultat global dudit compte »120.
La portée du silence du client après réception de l’avis d’opéré a été précisée ensuite
par le Cour de cassation dans un arrêt du 13 Juin 1995121. Dans cet arrêt, la Cour énonce que
« la réception sans protestation ni réserve des avis d’opéré ne fait que présumer l’existence
et l’exécution des opérations qu’ils indiquent et n’empêchent pas le client de reprocher à
celui qui a effectué ces opérations d’avoir excédé les limites de son mandat ». Par conséquent,
le silence du client après réception des avis d’opéré constitue une présomption simple que le
mandataire n’a pas commis de faute dans sa gestion122, présomption qui peut être combattue si
la preuve d’une telle faute est apportée par le client123.
En résumant les principes posés par la Cour de cassation qu’on vient d’exposer on
peut dire que, même si le client a gardé le silence après qu’il a reçu des avis opéré, il peut
119 Voir sur ce sujet : CA Paris, 28 fevrier 1994, Bull. Joly Bourse et produits financiers, 1994, p.287, note H. de
Vauplane, Banque et droit, 1994, p.20, obs. F. Peltier; D., 1994, p. 365, note C. Ducouloux Favard ; CA
Versailles, 30 mai 1996, JCP ,éd.E, 1996, pan. 870 ; CA Paris, 25 avril 1997, Le Guen c./Crédit Lyonnais, Juris-
Data 020750. 120 J.J. Essombé Moussio, « La responsabilité des gestionnaires de portefeuille », préc., p.40. 121 Cass. com., 13 juin 1995,préc. 122 Voir : M.Storck, « Le silence du client après réception d’un avis d’opéré portant sur des opérations de
bourse », RDBB, 1992, p. 12, spéc. p. 13 ; Cass. com., 24 fevrier 1998, Banque et droit, 1998, p. 30, obs. H. de
Vauplane. 123 Cette solution semble ne pas s’appliquer en l’absence de contrat de gestion p.ex. en présence d’un contrat de
simple exécution d’ordres ou d’un contrat de tenue de compte :Voir en ce sens Cass. com., 6 avril 1999, Teste
c./Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes, RDBB, 1999, n° 73, p. 147, obs. M. Germain et M. A.
Frison Roche. Cependant, contra : Cass. com., 26 mars 1996, Bull. Joly Bourse et produits financiers, 1996, p.
514, note L.Ruet.
63
engager la responsabilité du gestionnaire qui a dépassé les pouvoirs qui lui ont été conférés
par le contrat de mandat, et en plus, cette absence de protestation du client ne constitue pas
une faute de ce dernier susceptible de conduire à un partage de responsabilité avec son
mandataire, étant donné qu’il n’est pas tenu de surveiller l’évolution de ses comptes.
Cependant, la jurisprudence n’a pas exclu totalement la possibilité de caractériser le
silence du client après réception des avis d’opéré comme fautif, pouvant ainsi conduire à un
partage de responsabilité entre le gestionnaire de portefeuille et son client. Déjà avant l’arrêt
du 1er février 1994, lors de l’évaluation du préjudice causé par la faute d’un intermédiaire, les
juges du fond prenaient en considération la légèreté du client qui n’a pas émis de protestation
ni de réserve après la réception des premiers avis d’opéré et pendant le délai prévu par le
contrat ou pendant les délais prévus par les usages boursiers, le silence du client constituant
une faute contractuelle124. L’arrêt du 1er février 1994, dans lequel la Cour de cassation affirme
le principe que le silence du client ne constitue pas une faute contractuelle, a posé aussi des
limites à ce principe. Il a précise que le silence du client n’est pas constitutif d’une faute
« sauf anomalies flagrantes ou mise en garde du client par le gestionnaire ». Si le
gestionnaire avait pris le soin de mettre en garde125 son client quant à la situation de son
portefeuille géré ou si les avis d’opéré révèlent l’existence des anomalies flagrantes quant à la
gestion effectuée par le mandataire, le silence du client après réception des avis d’opéré
constitue une faute contractuelle. Dans une telle situation,(il n’existe pas à notre connaissance
un exemple jurisprudentiel qui illustre cette situation) un partage de responsabilité entre le
gestionnaire et le client serait envisageable126. Plus précisément, les juges vont rechercher à
quelle proportion l’absence de vigilance du client a concouru à la réalisation du préjudice
finalement subi par ce dernier et il prononceront un partage de responsabilité avec la
gestionnaire de portefeuille en limitant ainsi la dette de réparation de ce dernier.127
124 M.Storck, « Les sociétés de gestion de portefeuille », préc. n° 152, p. 31, qui cite CA Paris, 13 octobre 1987,
Perot c./Banque populaire fédérale de développement, Juris-Data n° 026002. 125 Il faut souligner que si la situation du portefeuille du client présente des risques et le gestionnaire ne le met
pas en garde il engage sa responsabilité pour violation de son obligation de conseil : A. Leborgne,
«Responsabilité civile et opérations sur le marché boursier », préc., p. 267. 126 .B.Vigneron, « Quels recours, pour les épargnants victimes des aléas de la bourse ? », préc., p. 55 et 56. 127 Pour une application du partage de la responsabilité entre un client et l’intermédiaire financier en l’absence de
contrat de gestion de portefeuille. Voir en ce sens : CA Paris, 28 février 1994, Bull. Joly Bourse et produits
financiers 1997, p. 287, note H. de Vauplane.
64
Cependant, même dans le cas où le client n’a pas réagit à la réception des avis d’opéré
malgré la mise en garde par le gestionnaire ou la constatation d’anomalies flagrantes, le
partage de la responsabilité n’est pas certain. Pour que le silence du client soit considéré
comme fautif, il faut que ce dernier dispose à la réception des avis d’opéré d’informations
suffisantes pour comprendre la portée des opérations effectuées sur son compte128. Cette
solution ressort du même arrêt de la Cour de cassation du 13 Juin 1995129 qui a précisé la
portée de l’envoi de l’avis d’opéré. En l’espèce, la Cour n’a pas retenu la faute du client qui
pourtant a reçu des mises en garde pour reconstituer sa couverture mais n’ avait pas reçu par
l’intermédiaire financier l’information pré contractuelle obligatoire sur le fonctionnement et
les risques que représentent les marchés à terme. Elle a donc considéré, même si elle ne l’ a
pas énoncé explicitement, que le client n’était pas en situation de comprendre les opérations
retracées sur les avis d’opéré. Son silence n’était pas, par conséquent constitutif d’une faute
contractuelle susceptible de conduire à un partage de responsabilité entre le gestionnaire de
portefeuille et son client130.
Pour que le client puisse comprendre la portée des opérations effectuées par le
gestionnaire en dépassement des termes de son mandat, il faut que le client ait bénéficié de l’
information pré contractuelle sur les risques inhérent au marchés boursiers (surtout aux
marchés à terme) qui s’impose, comme on a déjà mentionné à plusieurs reprises, à tous les
intermédiaires financiers quelle que soit la nature du contrat qui les unit à leurs clients131. Or
si cette information n’est pas adressée au client il n’est pas en situation d’ avoir une
appréciation éclairée sur les opérations transcrites sur les avis d’opéré et son silence ne peut
pas être considéré comme fautif. Le partage de responsabilité ne serait donc pas envisageable.
128 M.Storck, note sous Cass. com., 13 juin 1995, préc. 129 Cass. com., 13 juin 1995, préc. 130 A titre d’ exemple on peut citer aussi l’arrêt de la Cour d’ appel de Versailles du 21 septembre 1999, Bull.
Joly Bourse et produits financiers, 2000, p. 51, note L. Ruet: en l’espèce il ne s’agissait pas d’ un contrat de
gestion de portefeuille mais d’une convention de tenue de compte, pourtant, ce qui est important, c’ est que la
Cour parle d’ acceptation « éclairée » des avis d’ opéré et sanctionne l’intermédiaire financier qui n’ a pas éclairé
sa cliente profane sur le fonctionnement et les risques des marchés à terme. 131 Article 58 loi MAF, article 3-3-5 Règlement Général CMF.
65
CONCLUSION
Les professionnels de la place ne cessent de répéter que le cadre dans lequel s’exerce
aujourd’hui l’intermédiation financière devient de plus en plus contraignant. Le législateur,
les autorités du marché, conscients que l’efficience du marché boursier passe par l’existence
de règles de « jeu » claires, mettent à la charge des intermédiaires financiers des obligations
lourdes et détaillées. L’objectif principal est de créer un climat de sécurité pour attirer à la
bourse aussi bien de capitaux français que étrangers et assurer ainsi le développement de
l’économie.
La jurisprudence n’est pas étrangère à ce mouvement. C’est elle qui avant le
législateur s’est montrée la plus protectrice pour les investisseurs en interprétant de manière
extensive les obligations pesant sur les intermédiaires de sorte qu’elle créait à ces
professionnels de la bourse le sentiment d’injustice. Cependant dans le contentieux du
gestionnaire de portefeuille la jurisprudence s’est montrée méfiante vis à vis des prétentions
excessives des clients. Elle ne fait qu’appliquer les principes connus du droit commun de la
responsabilité et ne leur accorde réparation que pour le préjudice occasionné par la faute de
leur mandataire.
66
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-Leborgne A. : « Responsabilité civile et opérations sur le marché boursier », RTD
com., 1995, p. 261.
-Petit B. : « Responsabilité du banquier dépositaire des titres », RDBB, 1999, p.
83.
-Piniot M.-C. : « Opérations de bourse, responsabilité des intervenants », RJDA,
1995, p. 3.
- Storck M. : « L’activité de gestion de portefeuille », RDBB, 1990, p. 191.
: « Le silence du client après réception d’un avis d’opéré portant sur des
opérations de bourse », RDBB, 1992, p. 12, spéc. p.13.
-de Vauplane H. : « La responsabilité civile des intermédiaires », RDBB, 1999, p. 228.
-Vigneron B. : « Quels recours pour les épargnants victimes des aléas de la
Bourse ? », Dr. et patrimoine, 1997, p. 48.
NOTES ET OBSERVATIONS
-Cabrillac M. : note sous Cass. com., 12 juillet 1971, RTD com., 1972, p. 144.
69
-Essombè Moussio J.-J. :note sous CA Paris, 27 juin 1998, Bull. Joly Bourse et produits
financiers, 1998, p. 245.
-Gavalda C. :note sous Cass. com.,12 juillet 1971, D., 1972, p. 153.
-Germain M. et Frison-Roche M.- A.: obs. sur CA Paris, 4 mars 1997, RDBB, 1998, p. 16.
: obs. sur CA Paris, 18 mars 1997, RDBB, 1998, p. 147.
: obs. sur Cass. com., 16 février 1999 et 23 février 1999,
RDBB, 1999, p. 1O1.
-Hovasse H. : note sous CA Paris, 14 mai 1992, Dr. des sociétés, 1992, comm. n°
213.
: note sous Cass. com., 1er février 1994, Dr. des sociétés, 1994, comm.
n° 103.
: note sous CA Paris, 30 mai 1994, Dr. des sociétés, 1995, comm. n° 46.
: note sous Cass. com., 2 décembre 1997, Dr. des sociétés, 1998,
comm. n° 49.
:note sous Cass. com., 16 février 1999, Dr. des sociétés, 1999, comm.
n° 63.
-Le Cannu P. : note sous Cass. com., 2 décembre 1997, Bull. Joly Bourse et produits
financiers, 1998, p. 146.
-Le Tourneau Ph. : note sous CA Paris, 12 avril 1996, JCP, G, 1996, II, 22705, p. 389.
-Najjar I. :note sous Cass. com., 13 juin 1995, D., 1996, p. 71.
70
-Noémie S. : note sous CA Paris, 19 mars 1999, Bull. Joly Bourse et produits
financiers, 1999, p. 369.
: note sous CA Versailles, 18 juin 1999, Bull. Joly Bourse et produits
financiers, 1999, p. 611.
-Peltier Ph. : note sous CA Paris, 23 septembre 1997, Bull. Joly Bourse et produits
financiers, 1998, p. 15.
-Riassetto I. : note sous CA Paris, 7 avril 1999, Bull. Joly Bourse et produits
financiers, 1999, p. 464.
-Ruet L. : note sous Cass. civ. 1ère, 19 mars 1996, Bull. Joly Bourse et produits
financiers, 1996, p. 507.
: note sous Cass. com., 26 mars 1996, Bull. Joly Bourse et produits
financiers, 1996, p. 514.
: note sous CA Paris, 14 décembre 1998, Bull. Joly Bourse et produits
financiers, 1999, p. 153.
: note sous CA Paris, 7 mai 1999, Bull. Joly Bourse et produits
financiers, 1999, p. 599.
: note sous CA Versailles, 21 septembre 1999, Bull. Joly Bourse et
produits financiers, 2000, p. 51.
-Storck M. : note sous Cass. com., 13 juin 1995, JCP, G, 1995, II, 22501, p. 377.
: note sous Cass. com., 2 décembre 1997, JCP, G,1998, II, 10160, p.
1766.
-de Vauplane H. : obs. sur CA Paris, 12 avril 1996, Banque et droit ,1996, p. 28.
71
: note sous CA Paris, 10 décembre 1996, Bull. Joly bourse et produits
financiers, 1997, p. 205.
: note sous CA Paris, 18 mars 1997, Bull. Joly Bourse et produits
financiers, 1997, p. 373.
: obs. sur Cass. com., 24 février 1998, Banque et droit, 1998, p. 30.
Viandier A. : obs. sur Cass. com., 1er février 1994, JCP, éd. E., 1994, I, p. 399.
72
TABLE DES MATIERES
Table des abréviations………………………………………………………………………….1
Plan sommaire………………………………………………………………………………….2
Introduction…………………………………………………………………………………….4
Première Partie : La détermination du préjudice du client………………………………….16
Titre I : L’exclusion du préjudice dû à l’aléa boursier……………………………….17
Section I : L’obligation de moyen du gestionnaire quant à la réalisation de plus
values………………………………………………………………………….18
Section II : La réparation exceptionnelle par le gestionnaire du préjudice dû à
l’aléa boursier…………………………………………………………………23
§1. : En présence d’une clause contractuelle mettant à la charge du
gestionnaire une obligation de résultat quant à la réalisation de plus
values………………………………………………………………….23
§2. : En cas de faute particulièrement grave du gestionnaire…………27
I : Le dépassement par le gestionnaire
des termes de son mandat…………………………………..28
II : Opérations effectuées après révocation du gestionnaire par le
client…………………………………………………………..32
III : Substitution de mandataire non autorisée
par le client………………………………………………33
73
Titre II : Le préjudice certain : le problème de la perte d’une chance………………35
Section I : La réparation par le gestionnaire de la chance perdue par son client
de bénéficier d’un événement favorable………………………………………39
§1 : Les caractères de la chance perdue : l’exigence d’une chance réelle
et sérieuse……………………………………………………………..40
§2 : L’évaluation de la chance perdue………………………………..42
Section II : Les déviances dans la mise en œuvre de la théorie de la perte d’une
chance en matière de gestion de portefeuille…………………………………44
Deuxième Partie : La limitation de la dette de réparation du gestionnaire de portefeuille : le
partage de responsabilité……………………………………………………………………...47
Titre I : Le concours de la faute d’un autre intermédiaire financier à la réalisation du
préjudice………………………………………………………………………………48
Section I : Le problème du partage de responsabilité en cas de non vérification
par le teneur de compte de la conformité des ordres au contrat de mandat…...50
Section II : La violation par un autre intermédiaire de son obligation
d’information et de conseil……………………………………………………52
Titre II : Le concours de la faute du client à la réalisation du préjudice…………….55
Section I : L’ingérence du client……………………………………………..56
Section II : Le silence du client après réception des avis d’opéré……………60
Conclusion……………………………………………………………………………………65
74
Bibliographie………………………………………………………………………………….66
Table des matières…………………………………………………………………………….72