La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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e-mail rédaction: [email protected] de la rédaction Al ine Rchard
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de revues et d'écrins la Recherche- BP654, chemin iatéra145390 Puiseaux.Tél. :02 38 33 42 89
Peut-onexpliquertoutl'Univers?
Les physiciens sont ambitieux. Ils prétendentqu'ils expliqueront, un jour, l'ensembledu monde avec une « théorie du tout » :quelques lois simples d'où découleraient
la matière, le temps, l'espace. Ils ont des raisonsd'y croire. Depuis Isaac Newton, qui proposaune même explication pour les mouvementsdes astres dans le ciel et pour la chute des
pommes, la physique n'a cessé de trouver
des causes communes à des phénomènesen apparence différents.Le défi n'a toutefoisjamais été aussi important qu'aujourd'hui.
En particulier, parce que les deux grandes
théories de la physique du xxe iècle, la
relativité générale et la mécanique quantique,sont en désaccord quant à la nature du monde.Lune décrit un espace-temps continu, courbé
au gré de la présence de matière;l'autre meten cause des notions telles que la localisation.Quelle que soit la théorie plus fondamentalequi les englobera, elle changera radicalement
notre façonde concevoir l'Univers
.Une révolution est en marche dans l'industrie
pharmaceutique: des cultures de cellules
vivantes commencent à remplacer les réacteurs
chimiques pourproduire des médicaments.Génétiquement modifiées, ces cellulesfabriquent des biomédicaments complexesà l'action thérapeutique très ciblée.
LA RECHERCHE
es titres, les intertitres, les textes de présentation et les légendes sont établis par la rédaction du magazine. la loi du 11 mars 1957 interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisationToute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur, ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article l.122-4 du Code de propriété
ntellectuelle). Toute copie doit avoir l'accord du Centre français du droit de copie (CFC, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris . Tél.: 01 44 07 47 70 . Fax : 01 46 34 67 19). l'éditeur s'autoriserefuser toute insertion qui semblerait contraire aux intérêts moraux ou matériels de la publication. Commission paritaire: 0914 K85863. ISSN 0029 -5671
N• 43 • liAI ZO U 1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 3
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6 Le saviez-vous ?SIX HISTOIRES DE PHYSIQUE FONDAMENTALE
s ZoomL'UNIFICATION DES FORCES
10 L'avis de l'expert MARC LACHIÈZE-REY«ON CHERCHE UNE DESCRIPTION UNIQUE DE LA NATURE>> 0
14 Les grandes étapes de la recherche é3DE LA POMME DE NEWTON AU BOSON DE HIGGS
4... ~ a v o i r ~
I. Le besoin d'une cause fondamentale
18 « Dieu avait-ille choix en créant l'Univers ? ,,par Bernard carr
22 La nature s'organise comme les poupées russespar Michel Bltbol
28 « Le boson de Higgs, la particule manquante ,,Entretien avec François Englert
32 Pourquoi il faut unifier les forcespar Étienne Klein
36 Six théories pour fonder la physiquepar Philippe Pajot
II. Les réponses des théoriciens40 Théorie des cordes : 4 raisons d'un succès
par Costas Bachas et Franck Danlnos
45 L'Univers comme un hologrammepar Mlchela Petrlnl
48 L'hypothèse des mondes parallèlespar Hélène Le Meur
52 Réinventer les lois de la gravitationpar Luc Blanchet et Françoise Combes
58 « Une bonne théorie doit être féconde ,,Entretien avec Peter Gallson
4 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IIIAI ZOU • N' 43
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* ébérence6 SOMMAIRE
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•
BiomédicamentsLa biotechnologie
au service
de notre santé
> Repère& P. 82
• Les biomédicamentsen 6 questions
> Initiative& P. 86
• Les cellulesde mammifères,génératricesde médicaments
• De la paillasseà la commercialisation
• Principes actifs dansles globules rouges
> S a v o i r - ~ a i r e P. 90
• Dans une usinede biomédicaments
> Acteur& P. 92
• Chasseursd'innovations
> Avenir P. 96
• " Soigner chacun
selon son patr imoinegénétique ,,
> Pour en &avoir plm P. 98
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•SurieWeb
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>l'actualité de la recherche, le blo9 des livreset l'agenda des manifestations scientifiques>les abonnements et les anciens numéros
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N°43 • MAl ZOU ) LES DOSSIERSDE LA RECHERCHE • 5
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Le saviez-vous?
rIl nya quequatre forcesfondamentales
..J
TOUS LES PHÉNOQ MÈNES CONNUS
SONT EXPLICABLESà l'aide de quatre forces
fondamentales :l'électromagnétisme, la forcenucléaire faible, la forcenucléaire forte et la
gravitation. L'interactionélectromagnétique,attractive ou répulsive, agitsur les objets portant
des charges électriques.L'interaction forte retientles quarks dans les protonset les neutrons, et permet
la cohésion du noyau.L'interaction faible est un e
interaction à courte portéeresponsable notamment
de la radioactivité B. Enfin,l'interaction gravitationnelle n'est qu'une forceattractive qui s'exerceentre les particules ou lesobjets dotés d'une masse.
Les théoriciens
proposent régulièrementdes théories avec denouvelles forces :une
cinquième force, qui semanifesterait comme une
déviation par rapport auxmesures prédites par lesinteractions connues,pourrait êt re le signe d'une
nouvelle physique. Maisaucune proposition n'a
résisté très longtemps et
nulle expérience n'a mis enévidence une nouvelleinteraction fondamentale. •
-
,. . . ..,
La gravztatzon
est séparée desautres forces
., j
-
LES DESCRIPTIONS DE L'ÉLEOROMAGNÉTISME
( ) ET DES DEUX INTERAOIONS NUCLÉAIRES sont"" partiellement unifiées au sein du Modèle standard
de la physique des particules. Celui-ci repose surles principes de la physique quantique. la gravitation est,elle, décrite par la relativité générale élaboréepar Einstein. Or, ces deux théories s'expriment dans
des formalismes mathématiques différents, a prioriirréconciliables, car ne reposant pas sur la mêmeconception du monde. Il s'agit presque de deuxdisciplines différentes qui manipulent des entitésfondamentales différentes. Ainsi, en relativité générale,on manipule la matière comme faite d'objets qui sontdes particules localisées, classiques. À l'inverse,en physique quantique, la matière est représentéepar une fonction d'onde, quelque chose de très différentqui oblige à abandonner, par exemple, la notionde position précise d'une particule. Autre exemple,en relativité générale le temps et l'espace sont
des entités qui ne sont pas absolues, alors qu'enphysique quantique on suppose que le temps estune grandeur bien définie.
6 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl Z011 • N• 43
,. Ily aurait1osoo universdifférentsdu nôtre
PLUSIEURS IDÉESDE LA PHYSIQUEmènent à l'hypo-
thèse que notre Universne serait qu'un exemplaireparmi un nombre colossald'univers. L'une d'ellesrésulte du caractère finide la vitesse de la lumière :seul un certain volumed'univers nous estaccessible. Au-delà, un
espace infini existe quicontiendrait, très loinde nous, d'autres univers.
Des physiciens pensentaussi qu'il y aurait en
permanence de grandesphases d'expansion créantune« mousse d'univers »,
de nombreux universchacun doté de constanteset de lois de la physiquedifférentes. En outre,la théorie des cordesn'est en fait pas une loi
unique, mais un corpuscontenant 10soo à 10 1000 loisphysiques différentes,qui chacune pourraits'appliquer dans l'un
de ces univers ..La gravitation quantique
à boucles, une autre despistes pour unifier lesinteractions fondamentales, conduit à l'existenced'enfants univers créés par
les trous noirs. Ce ne sontlà que quelques exemplesdes théories actuelles. •
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Les particulesn'existent pasvraiment
PARMI LESTHÉORIESENVISAGÉES pour
réconcilier ces soeurs
ennemies que sont la
mécanique quantique
et la relativité générale, la
théorie des cordes est
la plus connue et l'une
des plus anciennes. Selon
elle, les entités fondamen
tales de l'Univers ne sont
pas des particules, mais
de petites cordes vibrantes,
ouvertes ou fermées.
Ce que nous percevonscomme des particules
distinctes ne serait que
des cordes vibrant
selon différents modes.
Il existe plusieurs
théories des cordes, mais
toutes ont en commun
un univers avec dix
dimensions spatiales.
Si nous n'en percevons
que trois, c'est que les
autres sont repliées sur
elles-mêmes, si petites que
nous n'y avons pas accès.
Ces théories prédisent
aussi que certains modes
de vibration des cordes
devraient nous apparaître
comme des particules
<< supersymétriques >>,
partenaires des particules
ordinaires par certaines
symétries abstraites de lanature.Ces particules sont
activement recherchées
dans les accélérateurs. •
Le boson de Higgs donneraitleur masse aux particules
LA MEILLEURE DESCRIPTION ACTUELLE
DU MONDE DES PARTICULES est le Modèle
standard, qui réalise en partie l'unification de trois
des quatre interactions fondamentales, excluant la gravité.
Cependant, cette unification ne fonctionne que si les
particules n'ont pas de masse•.. Des physiciens ont proposé
une solution à ce paradoxe. Dans leur scénario, juste après
le Big Bang, les particules étaient sans masse. Lorsque
la température de l'Univers en expansion est passée
sous un seuil, un champ de force invisible baptisé« champ
de Higgs »s'est formé en même temps que le boson
de Higgs, particule qui lui est associée. L'interaction
des particules avec le champ de Higgs serait à l'origine
de l'apparition de la masse inertielle, qui mesure la
résistance à l'accélération . Le problème est que personne
n'a encore observé le boson de Higgs. Comme la théorie
ne prédit pas sa masse, les physiciens ont commencé
à explorer une gamme de masse étendue. Petit à petit,le filet se resserre et ils espèrent repérer sa trace parmi
toutes les données issues des collisions qui se déroulent
dans le grand collisionneurde hadrons du CERN, le LHC.
• Texte : Philippe Pajot
Illustrations : Paul Gendrot
, . . ..,
La gravztatzonaune intensitédérisoire
LORSQUE L'ONCALCULE l'intensité
relative des forces
entre deux protons situés
à une distance donnée, on
trouve 1pour l'interaction
nucléaire forte, 1/137 pour
l'interaction électro
magnétique, 1 0 -6
pour l'interaction nucléaire
faible et 10-39 pour
la gravitation.
Comment se fait-il alors
que la gravitation soit la
force dont la manifestation
est la plus évidenteà notre échelle ? D'une
part, les deux interactions
nucléaires sont à courte
portée : elles sont quasi
inexistantes pour des
distances plus grandes
que le diamètre d'un
noyau atomique. D'autre
part, la matière est globale
ment neutre du point de
vue électrique :la force
électromagnétique a peu
d'occasion de s'exercer
à grande distance.
La force gravitationnelle,
elle, n'es t qu'attractive et
cumulative avec la quantité
de matière. Bien qu'elle soit
la plus faible, elle mène
la danse aux grandes
échelles :nous la ressen
tons ;elle est la cause de la
forme des planèteset
desétoiles, et elle sculpte les
galaxies et leurs inter
actions dans l'Univers. •
N' 43 • MAl Z011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 7
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Zoom
8 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43
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• Texte : Philippe PajotInfographie : Bruno Bourgeois
L'UNIFICATION DES FORCES
N 43 • MAl ZOl l l LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 9
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Ilavis de l'expert
<<ON CHERCHE UNE DESCRIIL'unification des lois physiques, qui vise
à décrire le monde de façon cohérente,
est loin d'être achevée. Il faudra peut-être
remettre en question des théories établies.
LARECHERCHE.Pourquoi cherche
t-onàunifier les lois de laphysique?
MARC LACHIÎ!ZE-REY. La
physique fondamentale actuelle
est bardée de succès. Pourtant,
elle repose sur une dichotomie
entre, d'un côté, la physique
quantique, qui, en simplifiant,
décrit l'infiniment petit, et, de
l'autre, la relativité générale,
qui décrit la gravitation. Le fait
que ces deux théories s'expriment
dans des formalismes différents
est insatisfaisant du point de vue
intellectuel. Mais, surtout,
ces différences impliquent
deux conceptions du monde
irréconciliables. Ainsi, en relativité
générale, on manipu le la matière
comme faite d'objets classiques,
localisés, alors qu'en physique
L'expertMarc Lachièze-Rey, directeur
de recherche au CNRS, travaille
au laboratoire astroparticules
et cosmologie à l'université Paris-VIl .
Spécialiste de cosmologie et
de gravitation, ce théoricien
s'intéresse aussi à la philosophie .
Ses derniers travaux remettent
en question les propriétés usuelles
du temps et la nature de l'espace.
10 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl ZOU • N' 43
quantique la matière est
représentée par des entités,
des fonctions d'onde et des
champs quantiques, qui ne sont
pas des particules au sens
de corpuscules localisés.
Autre exemple, la relativité
générale es t incompatible avec
un temps et un espace absolus,
alors qu'en physique quant ique
on suppose que le temps est bien
défini. Ce n'est pas admissible,
car il n'y a qu'un monde !
Quelles unifications ont-elles été
réalisées?
M. L.-R. I:unification de la physique
passe par celle de ses interactions
fondamentales. Les physiciens ont
d'abord cherché une version
quantique de l'électromagnétisme.
Cette quantificat ion est apparuelorsque l'on a voulu rendre
compatibles la mécanique
quantique et la relativité
restreinte sous la forme
d'un formalisme général, baptisé
<<théorie de jauge » (un cas
particulier de théorie des champs),
et fondé sur un groupe
de symétries. Cette « électro
dynamique quantique » a connu
un grand succès à partir
des années 1920. Un peu plus tard,
en étudiant les interactions dans
les atomes et dans les noyaux,
les physiciens remarquèrent
une similitude entre certaines
interactions nucléaires et l'électro
magnétisme. Ne pourrait-on pas
quantifier aussi les interactions
nucléaires ?La bonne surprisec'est que, lorsqu'on s'est intéressé
de plus près à l'interaction
nucléaire faible, on s'est aperçu
que non seulement on arrivait à la
quantifier, de la même manière
que l'électromagnétisme,
mais que, de surcroît, on pouvait
les regrouper sous un formalisme
commun: du point de vue
de la physique fondamentale,
électromagnétisme et interaction
faible peuvent être considérés
comme deux aspects d'une même
interaction, que l'on a nommée
« électrofaible ». Celle-ci existait
sous sa forme unifiée
à une époque lointaine,
lorsque l'Univers était
très chaud; depuis elle s'est
scindée -par une brisure
de symétrie - en donnant
d'une part l'électromagnétisme
et d'autre part l'interactionfaible. Les physiciens considèrent
cette avancée théorique
et expérimentale comme une
vraie unification.
LeModèle standardde laphysique
des particules est-i lia poursuitede
cette unification?
M. L.-R. On a tenté de continuer
cette unification avec la troisième
interaction élémentaire qu'est
l'interaction nucléaire forte,ce qui a donné lieu à ce que l'on
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MARC LACHIËZE-REYcosmologiste
UNIQUE DE LA NATURE>>
appelle le Modèle standard.Malheureusement, cela ne marchepas aussi bien. Ce Modèlestandard fournit certes
un formalisme communà ces trois interactions, maisle formalisme de la théorie
des champs, qui le sous-tend, restemal justifié mathématiquement
et on a recours à quantitéd'astuces pour faire fonctionner
cette théorie. À un tel point quemême si elle donne des résultatsparfai tement vérifiés, la plupart
des physiciens considèrentque c'est une théorie effective :i l ne s'agirait pas d'une théoriefondamentale,mais d'une
manière d'exprimerune
théoriefondamentale , encore inconnue,dans nos expériences. >»
N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 11
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«ON CHERCHE UNE DESCRIPTION UNIQUE DE LA NATURE»
>» Le Modèle standard serait
donc bancal?M.L.-R. Bancal, le mot est tropfort. Il permet des prédictionsextrêmement bien vérifiéespar les expériences. Disons plutôtqu'il est insatisfaisant.Le formalisme mathématique
qui le sous-tend n'est pascomplètement justifiéaujourd'hui. Surtout, il contientune vingtaine de paramètresarbitraires qui interviennent
sans qu'on ait la moindre idéed'où ils viennent, ni pourquoiils ont les valeurs qu'ils ont :les masses des particulesélémentaires ; les constantesde couplage qui définissent lesintensités respectives desinteractions. De surcroît, dans saversion actuelle, sa cohérence
décrit si bien la réalité du monde,ni
à le rendre plus unifié.Les
<<théories de grande unification»,qui cherchent à faire du Modèlestandard une théorie unifiantvéritablement les troisinteractions fondamentales, nesont pas encore bien établies.
Pour la quatrième interaction, la
gravitation, la relativité générale
est-elle la cc bonne théorie , pour
la décrire?
M.L.-R. La description de lagravitation à l'aide de la relativitégénérale a été vérifiée à maintesreprises avec une grandeprécision. Mais, si l'on chercheune nouvelle théorie unifiée, ondoit être prêt à tout remettre en
cause, y compris cette théorie :la gravitation einsteinienne n'a
requiert l'existence dufameux boson deHiggs. Or, nous
ignorons encore si cedernier existe bien.Samise en évidenceattendue grâce auxexpériences sur leGrand collisionneur dehadrons du CERN
On ignore
encorel'origine desmasses desparticules
pas été vérifiée danstous les domaines.Ainsi, pour les très
petites séparations :nous sommesincapables de fairedes mesuressuffisammentprécises pour évaluer
confirmerait que nous sommessur la bonne voie, mais ne nousaiderait guère à comprendrepourquoi le Modèle standard
l'interactiongravitationnelle qui s'exerce entredes objets massifs distants demoins de quelques micromètres.À l'échelle des galaxies, les étoiles
Entre matière et géométrie
et le gaz interstellaire semblenttourner trop rapidementpar rappor t aux prédictionsdynamiques issues de la théorie.L'argument le plus populaireaujourd'hui évoque la présencede « matière noire » invisible :un moyen de sauver les apparencesen conservant la validitéde théorie de la relativité générale
à ces échelles. Mais on peut aussivoir ce résultat comme un testnégatif de la théorie dansce régime :plutôt que la présencede matière noire, la réponseau problème serait unemodification de la relativitégénérale pour une nouvellethéorie qui, à ces échelles,donnerai t des prédictionsdifférentes . C'est le sens
Leadre actuel dans connexions . Une connexion décrive l'espace·temps et physique unifiéelequel notre physique est ce qui décrit une les interactions offre une ne distinguera plus matière
décrit les interactions interaction en théorie piste remarquable pour la et géométrie : elles sefondamentales est celui des champs. Or la relativité recherche d'unification . fondraient en une nouvelledes théories de jauge. générale décrit aussi Elle suggère le rappro· entité. Nos concepts
Celles·ci se fondent sur la géométr ie de l'espace· chement entre les deux d'espace·temps, de matière,des symétries et sur une temps par une connexion. notions de géométrie et de de rayonnement tels que
géométrie précise : celle Le fait que le même type matière. D'où l'hypothèse, nous les connaissons
des espaces fibrés et des d'objet mathématique encore assez vague, qu'une deviendront caducs.
12 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43
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des approches que l'on regroupe
sous le terme de << gravité
modifiée ». Parmi les idées
explorées, certaines envisagent
la gravitation comme
une théorie émergente.
La gravitation ne serait donc pas
une loi fondamentale?
M.L.-R. Cette idée est motivée
par des réflexions sur les trous
noirs,en particulier le fait que
l'entropie d'un trou noir estproportionnelle à sa surface
et non à son volume.En 1994,
ce résultat concret a suggéré
au Néerlandais Gerard 't Hooft
sa conjecture holographique :
l'idée qu'un système physique
pourrait être décrit uniquement
du point de vue de sa surface
(comme un hologramme,qui
contient les informations
sur un objet en trois dimensions
alors qu'il n'en a que deux).Cette conjecture a pris de
l'importance après la découverte
d'une correspondance très
théorique entre un espace-temps
solution des équations de la
relativité générale et une théorie
de champ conforme à la surface
de cet espace-temps.Ce résultat
est toutefois le seul exemple
répertorié pour le moment
de la conjecture holographique.
Des physiciens se font les porte
parole de ces idées de description
thermodynamique de la
gravitation et d'holographie, etc.
C'est peut-être une mode, mais
c'est peut-être aussi un indice
vers une nouvelle manière
d'appréhender la gravitation:
la relativité générale pourrait être
« émergente » d'une théorie
plus fondamentale et encore
inconnue et l a conjectureholographique serait
la manifestation d'une propriété
L'avis de l'expert
fondamentale de la nature.
Tout cela reste spéculatif, mais
c'est une des voies originales
de la recherche d'une nouvelle
théorie fondamentale.
Comment travaillent les physi
ciens qui tentent d'unifier les
interadions fondamentales?
M.L.-R. Il est toujours utile
de se pencher sur l'histoire de
la physique. La théorie de Newton
s'est construite à parti rde la géométrie différentielle ;
la relativité générale à partir
de la géométrie riemannienne
(la géométrie des espaces
courbes) ; la physique quantique
à parti r de la géométrie des
espaces vectoriels et des espaces
d'opérateurs, liée à ce que l'on
appelle « géométrie non
commutative ». D'où l'idée qu'une
nouvelle physique passera par
une nouvelle géométrie,généralisée. Quelle géométrie ?
Peut-on la trouver dans l' arsenal
de ce que nous proposent
les mathématiciens ?
Parmi les pistes explorées,
la théorie des cordes est la plus
connue.Elle utilise des outils
mathématiques déjà éprouvés
(par exemple dans le Modèle
standard) en les généralisant
à un nombre de dimensions
plus élevé qui offrent une grande
richesse mathématique.
Les entités fondamentales
ne seraient pas des particules
ponctuelles (dimension zéro),
mais des cordes vibrantes
de dimension un .La géométrie
spatio-temporelle et la géométrie
de l'espace interne associé
aux particules seraient mêlées
dans celle d'un « fond »
géométrique, sorte d'espacetemps généralisé doté d'un grand
nombre de dimensions.
MARC LACHIÈZE-REY
Y a-t-il d'autres pistes d'uni
fication?M.L.-R. La théorie des cordes est
un courant majeur de la recherche
en physique théorique, mais
beaucoup estiment qu'elle a pris
une telle importance qu'elle
a étouffé les autres tentat ives
d'unification de la physique.
L'une d'elles se développe
néanmoins :la quantification
de la géométrie en vue d'obtenir
une« gravité quantique».Dans cette voie défrichée
notamment par Abbay Ashtekar,
de l'université de Pennsylvanie,
et Carlo Rovelli, de l'université
de la Méditerranée à Marseille,
des travaux récents ont permis
de construire des géométries
quantiques à trois dimensions.
La recherche actuelle (gravité
quantique à boucles, écumes et
réseaux de spins,etc.), très active,
tente d'établir leur dynamiquequantique. Cela constituerait un
«espace-temps quantique>>, un
état quantique gravitationnel de
l'Univers. Cette démarche fournit
déjà un support concret à
certaines idées de cosmologie
quantique tels le« pré-Big Bang,,
ou le« rebond cosmique>>. Bien
d'autres idées sont explorées : la
géométrie non commutative
d'Alain Connes,les twisteurs de
Roger Penrose, etc.Nul ne sait
encore quelle piste se révélera la
bonne, mais je suis persuadé
qu 'elle fera interveni r une
nouvelle géométrie qui
impliquera une nouvelle vision
de l'espace et de l'espace-temps.
• Propos recueillis
par Philippe Pajot
Retrouvez notre &élection
DE LIVRESET DE SITESWEB P. 76
N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 13
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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Les grandes étapes de
DE LA POMME DE NEWTON AU BOSON DE HIGGS
.....1687 .....1887 .....1913 .....1932 .....1964Isaac Newton Les expériences En se fondant sur Début dela Le mécanisme
publie les Principia d'Albert Abraham les travaux d'Ernest physique nucléaire BEHHGKou
où il expose la loi Michelson et Rutherford, qui avec la découverte << de Higgs » montre
de la gravitation d'Edward Morley avait découvert du neutron par que les bosons W
universelle. montrent que le noyau atomique James Chadwick. et Z, vecteurs
.....
1831
la vitesse de la en 1911, Niels Bohr Werner Heisenberg de l'interaction
lumière dans le élabore la théorie suggère que nucléaire faible,
Michael Faraday, vide ne dépend pas quantique desle noyau d'un atome ont une masse
cherchant à de sa direction de orbites atomiques.est composé de
à condition d'être
comprendre propagation et que.....1926 protons et
en présence
<< la nature de l'éther n'existe pas.de neutrons.
du boson de Higgs.
l'électricité »,.....1899
Erwin Schrodinger
.....1964écouvre propose une formu-.....1933
l'induction électro- Max Planck lation de la théorie Arno Penzias et
introduit le quantique. En 1927,Enrico Fermi
Robert Wilsonmagnétique. Dans
les années quiconcept de quanta Werner Heisenberg présente le premier découvrent,
d'énergie qui présente, indépen- modèle de l'inter-suivent, ses travaux presque par
permet d'expliquerdamment, action faible .n ait
accident, le fondexpérimentaux le rayonnement sa formalisation. appel à un e diffus cosmolo-l'amènent à forger
le concept dedes corps noirs. Il Paul Dirac apporte particule encore gique, rayon-
pose ains i les bases sa contribution imaginaire : nement électro-champ, qui sera au
de la mécanique en1930. le neutrino. magnétique préditfondement de
toutes lesquantique. par la théorie
entreprises.....1905
du Big Bang et
par la physiqued'unification Albert Einstein des particules.ultérieures. publie la théorie
.....1865 de la relativité .....1967restreinte. Sidney Coleman et
James Clerk Il montre que Jeffrey MandulaMaxwell développe la vitesse de publient un articleune théorie du la lumière est qui va permettrechamp unifiant la même dans d'introduirel'électricité et le
t;;
tous les réfé- la supersymétrie,magnétisme, et
>rentiels inertiels. une symétrie "'
"'émontre que la Cette théorie sera entre les fermionslumière doit être étendue aux et les bosons. ffi
décrite comme un référentiels non "'
.....1968champ électro- inertiels en 1915z,;
"'magnétique se sous le no m Gabriele Veneziano 0
;;;,
propageant dans de << théorie trouve une formule 1:!=>
::;un milieu matériel de la relativité mathématique qui :I :
t;:
indéfini, l'éther. générale». décrit l'interactionu.:
19
14 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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a recherche
nucléaire forte
entre les particules.
Ce qui permettra
à Michael Green et
John Schwarz de
développer la
théorie des cordes
en1984.
1 9 8 3 L'équipe de Carlo
Rubbia et de Simon
van der Meer, du
CERN , découvrent
expérimen
talement
les bosons W et Z,
qui transportent
l'interaction
nucléaire faible.
1 9 8 3 Mordehai Milgrom
propose la théorie
MOND (dynamique
de Newton
modifiée), adaptée
de la physique
classique et qui
permet d'expliquer
la différence entrela vitesse de la
matière dans des
galaxies spirales et
celle attendue selon
la physique
newtonienne.
1 9 8 8 À la suite des travaux
d ~ b h a y Ashtekar
sur les équations
de la théoriede la relativité
générale d'Einstein,
Lee Smolin et
Carlo Rovelli
élaborent la théorie
de la gravitation
quantique
à boucles, une
des principales
concurrentes
de la théorie
des cordes.
1 9 9 4 Le quark top est
découvertau Ferrnilab et
confirme a insi
définitivement
la théorie des
quarks élaborée
par Murray
Gell-Mann
en1964.
1 9 9 5 Edward Witten
propose la
théorieM, qui a
pour but d'unifier
les cinq théories
des supercordesen montrant
qu 'elles sont
• Bruno Scala
en réalité cinq le fonctionnement
façons de regarder des trous noirs.
la même chose. 2 0 0 8 1 9 9 8 LeGrand
Grâce aux travaux collisionneur de
de Leonard hadrons du CERN
Susskind et de (LHC) est mis
Gerard 't Hooft en service. L'un de
sur le principe ses objectifs est de
holographique, mettre en évidence
Juan Maldacena l'existence du
montre que la boson de Higgs,
théorie des cordes qui confirmeraitpermet d'expliquer l'exactitude du
en partie Modèle standard.
N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 15
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Le besoin d'une cal
10milliards
d'années est l'âge approximatifque doit avoir un Universobservable : plus jeune, la vien'a pas pu apparaître ; plusvieux, elle a déjà disparu.
10500univers
existeraient selon la théorie M,qui tente de réunirdans un même cadre les quatreforces fondamentalesde la physique.
16 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl ZOll • N' 43
47ans
se sont écoulés depuis laproposition par trois physiciensd'un mécanisme expliquantl'origine de la massedes particules élémentaires.
114gigaéledronvoltsau minimum pour la massedu boson de Higgs. C'est lalimite déterminée par toutesles expériences de physiquedes particules menées jusqu'ici.
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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;e fondamentale
10·43secondeest le « emps de Planck »,la durée de vie de l'Univers
en deçà de laquelle la théorieactuelle de la gravitationest impuissante à rien décrire.
ourquoi notre Universest-il tel qu'il est? Existe-t-ilune raison fondamentaleou est-ce dû au hasard ?Certains scientifiquesrépondent à cetteinterrogation en invoquant
l'existence parallèle d'uneinfinité de mondes, chacun régi par des loisdifférentes. Notre Univers n'en seraitqu'un exemple particulier. v o i R P . 1 8 D'autresdoutent que l'on puisse un jour déterminerqu'une série de lois soit réellement la plusfondamentale. v o i R P. 22 Plus concrètement,des physiciens recherchent aujourd'hui
la dernière preuve expérimentale du Modèlestandard de la physique des particules,qui unifie les descriptions de trois des quatreforces fondamentales de l'Univers. v o i R P. 28
Et ils travaillent déjà à l'étape suivante :trouver une théorie qui inclut égalementla gravitation. v o i R P . 3 2 Plusieurs pistes
ont déjà été proposées. v o i R P. 36
> «Dieu avait-ille choix en créant l'Univers »? P.18
f ~ ~ ~ ~ ~ t ~ ~ ' . C ? . t 9 ~ ~ ~ ~ ~ E C ? . ~ ~ ~ ~ ~ ~ P l ? ~ P ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ 2 ~ f ~ ' ? . C ? ~ C ? ~ ~ ~ ! ! ! 9 9 ~ ~ ! ~ P ~ ' ! ( ~ ~ ! . ~ ' ! ' l . ~ ~ q ~ ~ ~ ~ ~ . P. 28
.. t q ~ t ? i .. ! l f ~ ~ ~ ~ i f i ~ t .. ! ~ ~ f i ? t ~ ~ ~ . . . . . . P. 32
.. ? ! ~ ~ ~ ~ C ? . t ~ ~ ~ P l ? ~ t f l ? ~ f J ~ t P ~ Y ~ i q ~ ~ · · · · · P. 36
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t,avoirt, )
«Dieu avait-ille choix
en créant l'Univers? »En posant cette question, Einstein se demandait si les particularités de
notre monde avaient une explication fondamentale. L'existence possibled'une infinité d'univers différents renouvelle aujourd'hui le débat.
elon la vision newto
nienne du monde, lecosmos fonctionne
telle une gigantesque
machine, insensible à
l'existence de la vie ou d'autre forme
de conscience. Les lois de la physi
que et les caractéristiques de l'Uni
vers ne dépendent pas du fait que
quelqu'un les observe ou non.
Une conception différente a
émergé depuis une cinquantaine
d'années.Son point d'ancrage est
que les caractéristiques de l'Uni
vers semblent très bien« ajustées ''
à notre existence.Cet ajustement,
très précis, concerne les constantes
fondamentales de la physique et
de nombreux paramètres cosmo
logiques. D'où cette idée selon
laquelle certaines caractéristiques
de l'Univers pourraient être liées à
la présence d'observateurs. Elle a
été qualifiée de << principe anthro
pique '' par le théoricien BrandonCarter, actuellement à l'Observa
toire de Paris-Meudon.
Ce principe se décline lui
même de deux grandes façons.
La première, qualifiée de «prin
cipe anthropique faible », soutient que les lois de la nature et
les constantes de la physique sont
fixées. Notre existence impose
alors des contraintes quant au
lieu et au moment depuis lesquels
nous observons l'Univers.
Pourquoi l'Univers a-t-il l'âge
qui le caractérise? L'approche
newtonienne, évoquée au début
de cet article, ne défend pas de
raison particulière. Tout a simple
ment commencé avec le Big Bang,
il y a à peine plus de 10 milliards
d'années.C'est un hasard que nous
l'observions à ce moment-là.
Mais une autre réponse à cette
question a été formulée en 1961
par Robert Dicke, de l'université de
Princeton.nnous rappelle qu'une
condition indispensable à l'appari
tion de la vie est la présence de car
bone.Celui-ci est produit à l'intérieur
des étoiles viaun processus nécessitant environ 10 milliards d'années,
période au terme de laquelle les
étoiles explosent en supernovae.
Le carbone et d'autres éléments
>Selon le« principe anthropique», notre existence impose
des contraintes sur les propriétés de l'Univers.
>Cette idée progresse chez les physiciens, de plus en plus
convaincus qu'il existerait une infinité d'univers différents.
>Nous serions alors simplement dans l'un des univers
régi par des lois physiques qui permettent l'apparition
de la vie.
18 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MA l Z011 • N' 43
Bernard carr
est professeur demathématiques et
d'astronomie à
l'université Queen
Mary de Londres.
chimiques se retrouvent alors libé
rés dans l'espace,où ils peuvent participer à la formation des planètes
et à l'apparition de lavie.
LA VIE NÉCESSITELA PRÉSENCE D'ÉTOILES
Il es t avéré, par ailleurs, que
l'Univers ne peut être beaucoup
plus vieux que 10 milliards d'an
nées, sans quoi la matière qui le
constitue se serait totalement
transformée en des vestiges
d'étoiles, tels des trous noirs, des
naines blanches ou encore des
étoiles à neutrons. Et, puisque
toute forme de vie nécessite la
présence d'étoiles, la vie peut uni
quement émerger dans un uni
vers âgé de 10 milliards d'années.
Celui-ci est nécessairement passé
par des âges différents, mais nous
n'aurions jamais pu y être.
Les tenants du principe anthro
pique« fort"•
pour leur part, vontplus loin. ils soutiennent que l' exis
tence d'observateurs pose des
contraintes sur les constantes phy
siques elles-mêmes. Bon nombre
de ces contraintes concernent les
« constantes de structure »,qui
décrivent l'intensité des quatre
interactions fondamentales de la
physique -les forces gravitation
nelle, électrique,faible et forte.
Beaucoup de physiciens ont
longtemps considéré le principeanthropique fort avec dédain,
car les raisonnements sur les
quels il était fondé étaient très
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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différents de la manière dont la
physique trad itionnelle rendait
compte de la valeur des constantes.Le fait que certaines personnes
affichant des croyances religieu
ses interprètent l'ajustement des
constantes comme une preuve de
l'existence d'un Créateur a sans
doute renforcé cette méfiance.
Toutefois, depuis une dizaine
d'années,le principe anthropique
dans son sens général-est devenu
plus populaire et mieux accepté.Ce
n'est pas tant parce que les argu
ments sont rad icalement diffé
rents. Le changement d'attitude
vient plutôt du fait que les cosme
logistes en sont venus à réaliser
que notre Univers ne pourrait être
qu'un exemple particulier d'un
vaste ensemble d'univers « parallèles ", formant ainsi un « mul
tivers ". Les mécanismes qui ont
donné naissance à notre Univers
auraient en effet très bien pu en
générer de multiples autres.
Les hypothèses relatives au
multivers n'ont pas été formulées
pour expliquer les ajustements
découlant du principe anthro
pique.nn'empêche que les deux
concepts semblent à présent inti
mement liés. L'existence possible
d'une multitude d'univers sou
lève la question de savoir pour
quoi nous vivons dans celui-ci
plutôt que dans un autre.Un vaste
ensemble d'univers autorise
toutes les possibilités et toutes lescombinaisons des constantes phy
siques :autre part, et uniquement
par hasard, celles-ci pourraient
très bien permettre l'apparition
de la vie. On peut aussi facilement
concéder que notre propre exis
tence induise des contraintes sur
l'Univers que nous observons.
Par ailleurs, force a été de consta
te r que le concept même d'uni
vers multiples réduit le principe
anthropique fort à un aspect du
principe anthropique faible. Rien
que pour cela, bon nombre de phy
siciens pourraient considérer >»
N• 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 19
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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6 a v o i r 6cc Dieu avait-ille choixen créant l'Univers? n
»>l'existence du multiverscomme l'explication la plus natu
relle à l'ajustement des constantes.
Car, s'il n'existe qu'un seul uni
vers, cet ajustement pourrait être
invoqué pour justifier l'existence
d'un« ajusteur >>c'est-à-dire d'une
divinité qui en soit l'origine. Cest
pourquoi le multivers a été décrit
comme « la dernière solution de
l'athée désespéré».
LES CONSTANTESPHYSIQUES ET LE HASARD
Afin d'évaluer l'interprétation
du principe anthropique via l' exis
tence du multivers, une question
essentielle es t de savoir si les
valeurs des constantes dépendent
des caractéristiques aléatoires de
l'Univers ou si ces valeurs peuvent
être prédites par une théorie phy
sique fondamentale .Ce problème
est étroitement lié à une célè
bre question posée par Einstein:
<< Dieu avait-ille choix lorsqu'il a
créé l'Univers ? »
Sila réponse est négative,le prin
cipe anthropique n 'a plus aucun
fondement et l'ajustement des
constantes relève d'une pure coïn
cidence. Si elle est positive, en
revanche, le principe anthropique
devient pertinent . Ce que nous
appelons << es lois de la nature »
devraient alors être considéréescomme autant de phénomènes
locaux. Et les tentatives visant à
prédire la valeur des constantes
seraient aussi << désespérées » que
celle de l'astronome Johannes
Kepler qui cherchait à prédire
l'espacement des planètes en se
fondant sur les propriétés géo
métriques de quelques polyèdres.
Ce projet n'avait aucune chance
d'aboutir,car il était fondé sur des
présupposés faux.Certes, la plupart des scientifi
ques préféreraient que les constan
tes soient déterminées par une
physique plus fondamentale. Maisdans quelle mesure cela serait-il
possible? Actuellement, l'un des
meilleurs candidats pour une théo
rie physique fondamentale est
la théorie M, formulée il y a une
quinzaine d'années. Cette théo
rie implique l'existence de onze
dimensions, où les quatre dimen
sions de l'espace-temps auxquelles
nous sommes habitués émergent
du repliement sur elles-mêmes des
dimensions supplémentaires (lire<< Théories des cordes : quatre rai
sons d'un succès»,p.40).
Contrairement au Modèle stan
dard de la physique des particules•,
qui n'englobe pas la force de gra
vité et qui contient près d'un e
trentaine de paramètres libres,
la théorie M avait suscité l'espoir
de pouvoir prédire la valeur des
constantes, avec pour seul postu
lat l'existence de ces onze dimen
sions. Mais des travaux récents
suggèrent que le nombre de solu
tions aux équations de la théo
rie M est en réalité considérable,
dépassant le chiffre astronomique
20 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43
de 10 soo ! Ces solutions correspon
dent à des états énergétiques pos
sibles du vide quantique•, qui for
meraient, selon Leonard Susskind,
de l'université Stanford,un<< pay
sage cosmique » incommensura
blement vaste e t varié.
Une caractéristique impor-
tante de ces états énergétiques
est qu'ils sont associés à un para
mètre qualifié de << constante
cosmologique». Cette constante,
notée << A», avait été introduite en
1916 par Einstein dans ses équa
tions de la relativité. Elle per
mettait de décrire un modèlecosmologique statique, immua
ble, conformément aux connais
sances de l'époque. Mais Einstein
s'est vu contraint de rejeter cette
possibilité après la découverte,
une quinzaine d'années plus tard,
de l'expansion de l'Univers.
Pendant des décennies, les cos
mologistes estimaient ainsi que la
constante Apossédait une valeur
nulle, sans toutefois comprendre
exactement pourquoi. Des phénomènes quantiques semblaient
en effet conduire àune valeur non
nulle - et même très grande - de
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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la constante A, même si les phy
siciens ne savaient pas comment
la calculer de manière formelle.
Mais la découverte,en1998, du fait
que l'expansion de l'Univers était
soumise à un mouvement accéléré a changé la donne.Cette accé
lération serait due à l'influence
d'une constante cosmologique
possédant une valeur 10 '20 fois
plus petite que celle prédite par la
mécanique quantique !
UNE VALEUR ÉLOIGNÉE
DE LA MOYENNE
Dans le cadre du paysage
cosmique et pour chaque univers
différent, la constante A devrait
prendre n'importe quelle valeur
comprise entre deux bornes, deux
nombres très grands, l'un positif,
l'autre négatif. Or la valeur obser
vée dans notre Univers est très
éloignée de lavaleur moyenne. Elle
se révèle ainsi, d'un point de vue
statistique, étonnamment petite.
Comme le Prix Nobel de
physique de 1979, Steven
Weinberg, l'a remarqué, la valeurde la constante A est contrainte
par le principe anthropique, car
les galaxies (et donc la vie) ne
pourraient exister si cette valeur
était beaucoup plus importante.
L'application de considérations
anthropiques à un multivers
possédant une large gamme
de valeurs pour la constante A
implique que la valeur que nous
observons dans notre Univers soit
nécessairementplus petite que lavaleur moyenne. Que cela nous
plaise ou non, le concept de pay
sage cosmique vient ainsi renfor
cer le principe anthropique.
Est-ce à dire que les caracté
ristiques de notre Univers
doivent être considérées comme
<< atypiques » ? Les tenants du
principe anthropique soutien-
nent que oui, en estimant que des
formes de vie similaires à la nôtre
ne sont susceptibles d'émerger
que dans une gamme restreinte
d'univers . D'autres formes de
vie seraient possibles au sein
)
LE BESOIN D'UNE CAUSE FONDAMENTALE
*Le Modèlestandard dela physiquedécrit l'ensembledes particulesélémentaires ainsique les trois forces-électromagnétique,forte et faible-qui régissentleurs interactions.*Le videquantiquecorrespond à un étatoù l'énergie est laplus basse possible.
*La secondprincipede la thermodynamiqueétablit l'irréversibilitédes phénomènes
physiques,lors des échangesthermiquesen particulier.
Cet article est laversionrevue et co rrigéepar son auteur du texteparu dans le n"433de La Recherche.
Temps
d'une gamme un peu plus large,
mais la vie ne pourrait pas appa
raître n'importe où.
En se fondant sur les principes
coperniciens, Lee Smolin, de l'insti
tu t Perimeter, au Canada, pense,aucontraire, que la majorité des uni
vers possèdent des propriétés sem
blables au nôtre, qui, ainsi, devrait
être considéré comme typique du
multivers. Selon ce théoricien, les
constantes physiques auraient
évolué jusqu'à prendre les valeurs
qu'on leur connaît actuellement,
au travers d'un processus appa
renté aux mutations et à la sélec
tion naturelle.Dans le cadre de ce
scénario, la présence de vie joue
rait un rôle totalement accessoire
et il n'y aurait pas de contraintes
de nature anthropique.
Si on lui préfère l'idée d'un ajus
tement lié à la présence d'obser
vateurs dans le multivers, l'inter
prétation du principe anthropique
n'en demeure pas moins problé
matique. Par quels mécanismes les
ajustements sont-ils déterminés?
Autrement dit, qu'est ce qui définitun observateur? Un seuil d'intelli
gence minimale est-il nécessaire?
Précisons ici que même si le mot
grec anthropos désigne bien l'être
humain, les arguments développés
dans le cadre des recherches sur
DES PARTICULESÉLÉMENTAIRES, tels les quarks, aux formesde vie les plus évoluées, des structures de plus en plus corn·plexes sont apparues au cours de l'histoire de l'Univers.Celui-ci obéirait plutôt à un<< principe de complexité>> qu'àun<< principe anthropique».
le principe anthropique n'ont pas
grand-chose à voir avec les êtres
humains en particulier. Brandon
Carter a lui-même admis que le
choix de ce terme n'était pas heu
reux. Les arguments anthropiquesne mettent pas nécessairement l'ac
cent sur le statut des êtres humains,
et ils n'ont pas vocation à confor
ter l'idée religieuse selon laquelle
l'Univers aurait été créé pour e seul
bénéfice des hommes.
L'ORGANISATION
AUGMENTE DANS L'UNIVERS
n serait plus raisonnable d'as
socier les contraintes de nature
anthropique à ce que le physi
cien Paul Davies, de l'université de
l ~ z o n a , qualifie de << principe de
vie». Jusqu'à une période récente,
la science envisageait l'existence
de la vie comme quelque chose
d'accessoire, plutôt que comme
une caractéristique fondamen-
tale de notre Univers. Au cours du
xrx• siècle,la second principe de la
thermodynamique•a par exemple
été utilisée pour affirmer que l'Univers subissait une<< mort lente»,
dès lors que la vie et toutes autres
formes d'organisation se détério
reraient, inexorablement.
Mais les progrès de la cosmo
logie ont conduit à une appro
che inverse. Selon la théorie du
Big Bang, en effet, l'histoire de
l'Univers révèle un degré d'or
ganisation croissant, plutôt que
décroissant. Ce que la physique
moderne est capable d'expliquersans enfreindre le second principe
de la thermodynamique.
La hiérarchie qui résulte de cette
histoire est parfois qualifiée de
<<pyramide de la complexité» [fig.1].
À mon sens, cette pyramide n'a pu
se former qu'en raison du principe
anthropique qui, partant, devrait
plutôt être interprété comme un
<<principe de complexité». La pré
sence d'observateurs deviendrait
alors accessoire, l'existence de
conscience reflétant juste une
forme particulière de complexité
au sommet de la pyramide.•
N" 43 • MAl Z011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 21
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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La nature s'organise cornLa recherche de lois vraiment fondamentales de la nature est vouéeà l'échec, selon les tenants de la vision cc émergente >>du monde.Pour eux, aucun niveau d'explication n'est plus important que les autres.
E
mars 2005, Robert
Laughlin, Prix Nobel
1998 pour ses travaux
de physique de la
matière condensée, a
lancé un débat passionné, décisifpour notre compréhension du
monde, qui ne cesse de s'amplifier
dans la communauté scientifique.
Dans un livre intitulé Un Univers
différent (Fayard, 2005), il soutient
que toutes les lois de la nature sont
''émergentes».Elles résultent d'un
comportement d'ensemble et sont
pratiquement indépendantes de
celles qui régissent les processus
individuels sous-jacents.
J:affirmation de Lau ghlin paraît
défier le bon sens, parce que si l'on
admet que des lois sont « émer
gentes», il faut bien qu'il y ait un
niveau d'organisation inférieur
d'où elles émergent. Et que, sauf à
amorcer une régression à l'infini,
on doit tenir l'un de ces niveaux
pour ultime et fondamental, les
lois qui le régissent ne pouvant
plus émerger de rien d'autre.
La thèse de Laughlin s'oppose enpremière analyse à une doctrine
née avec le projet de rationaliser la
connaissance :le réductionnisme. Le
réductionnisme consiste à rendre
compte de la grande variété des
phénomènes naturels par un petit
nombre d'entités« élémentaires>>
et de lois« fondamentales>> [fig.1].
Son but, annonçait le physicien
français Jean Perrin au début duxx•siècle, est d'" expliquer du visi-
ble compliqué par du visible simple»,
faisant de la simplicité une mar
que de vérité. !:atomisme grec de
l'Antiquité, fondé par Leucippe et
Démocrite, comptait déjà parmi
ses succès d'expliquer les phéno
mènes de raréfaction (état gazeux)
et de condensation (états liquide ou
solide), en admettant que la matière
soit faite de corpuscules séparés par
des distances plus ou moins grandes
dans le vide. Les propriétés visibles
de la matière étaient ainsi« rédui
tes >> à celles des atomes.
Mais ce n'était là qu'une esquisse.
Au XIX•siècle,un atomisme rénové
s'est montré capable d'unifier un
domaine plus vaste de phéno-
mènes chimiques et physiques.
Il a été utilisé en 1808 par l'An
glais John Dalton pour expliquer
que les substances chimiques secombinent en proportion variant
de manière discontinue.
Puis il a permis, à partir de 1850,
d'interpréter les phénomènes
>Pour certains physiciens, les lois de la nature sont indépen
dantes de celles qui régissent les processus sous-jacents.
>Ils appuient leur thèse notamment sur le fait que des parti
cules au comportement individuel aléatoire ont des compor
tements collectifs déterministes.>Cette vision interdit de considérer un ensemble de lois
comme réellement fondamental.
22 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE jMAl 2011 • N' 43
Michel Bitbolest philosophede la physiqueau Centrede recherche
en épistémologie
appliquée.
*La thermodynamiquese définit commela science
du rapport entre
la chaleur stockéeou échangéepar un systèmeet le travail des
forces exercées
sur lui.
thermodynamiques• comme
la pression des gaz ou le trans
fert de chaleur entre les corps.
Cette interprétation supposait
que la pression et la température
reflètent le comportement statistique d'une immense popu
lation de molécules, individuel
lement soumises aux lois de la
mécanique classique. Les succès
spectaculaires de l'atomisme se
révélaient pourtant ambivalents
pour la doctrine réductionniste.
Car ils faisaient ressortir la dis
tance entre une physico-chimie
atomiste et certains phénomènes
naturels comme la vie.
LA VIE CONTRE
LES PRINCIPES PHYSIQUES
Les êtres vivants apparaissaient
en effet défier les lois de la phy
sique, en particulier celles de la
thermodynamique.Leur compor
tement intentionnel, dirigé vers
un but, n'est-il pas étranger aux
lois causales ? Et leur développe
ment, qui les porte à une orga
nisation croissante, ne semblet-il pas en contradiction avec le
second principe de la thermo-
dynamique, qui impose aux sys
tèmes physiques une tendance à
l'ordre décroissant?
Au moins était-il clair que rien
n 'aurait permis d'anticiper les
phénomènes biologiques à partir
des seules lois physico-chimiques
connues. Mais si la stricte réduc
tion du vivant à la physique appa
raissait hors de portée, fallait-ilfaire intervenir un « principe
vital >> ? Refusant ce dilemme,
un groupe de biologistes et de
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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LE BESOIN D'UNE CAUSE FONDAMENTALE
e les poupées russes
philosophes britanniques pro
posa, autour des années 1920,
une << voie moyenne , entre le
réductionnisme et le vitalisme.
Cette voie neuve à l'époque n'était
autre que l'émergence, ici appli
quée aux êtres vivants. Tout en
posant que rien d'autre qu'une
base physico-chimique d'atomes
n'intervient dans le domaine
biologique, les émergentistes
britanniques soulignaient que
des systèmes complexes de rela
tions entre éléments de cette
base sont susceptibles de faire
surgir des propriétés et des lois
inédites.Les lois qui caractérisent
la vie ; et aussi des lois macro
scopiques intermédiaires, comme
celles qui régissent les fluides et
les solides. Cela était rendu vrai
semblable par l'idée d'une non
linéarité des processus complexes,
résumée dans le slogan : »>
N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 23
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6 a v o i r 6 ) .
La nature s'organisecomme les poupées russes
»> " Le tout est plus que lasomme des parties. " Du vieux
projet réductionniste on préservait ainsi le pouvoir unificateur,en accordant que le seul fondement du monde est constitué parles atomes et les loisde la physiquemicroscopique. Mais on atténuai tson pouvoir explicatif, puisqu'ondevait admettre l'impossibilitéde prédire, voire de déduire, lespropriétés et lois émergentes à
partir des propriétés et des loissous-jacentes.
CAPACITÉS MATHÉMATIQUES
INSUFFISANTES?
Le statut des propriétés et loisémergentes ne s'en trouvait pasélucidé pour autant. Si c'est en
principe qu'elles ne sont pas dérivables du niveau« élémentaire "•
alors il faut leur attribuer une
autonomie réelle par rapport àce dernier. Si c'est seulement en
raison de nos moyens mathématiques imparfaits qu'on ne parvient pas à les déduire (sauf àfaire appel à des techniques desimulations pas à pas par ordinateur), et qu'elles nous semblent àcause de cela inattendues, les propriétés et lois émergentes ne sontque des épiphénomènes. Dansle premier cas, on reconnaît aux
La « renormalisation »
propriétés et lois émergentes uneforme d'existence absolue (autantqu'aux propriétés et lois << élémentaires»). Dans le second cas,on ne leur concède qu'une formed'existence relative à nos moyensmathématiques.
Vers la même époque, autourde 1920, une réflexion sur les succès du réductionnisme en physique suscitait, paradoxalement,des doutes sur la possibilité de
savoir à quoi les phénomènes sontréduits. Évaluons la démarche dela physique statistique sans préjugé, demandent les physiciensautrichiens Franz Exner et ErwinSchrëidinger, et le mathématicienfrançais Émile Borel. À premièrevue, celle-ci repose sur la conviction que le mouvement des molécules obéit à des lois détermi-
nistes : celles de la mécanique
newtonienne, qui régit égalementle mouvement des corps matérielsmacroscopiques.
Mais on pourrait parfaitementse dispenser de cet acte de foi.En effet, tout ce que montre la
physique statistique, c'est queles lois de la thermodynamiquesont réductibles au comportementdésordonné de myriades de molécules. Qu'on suppose ou non ces
molécules régies individuellement
par des lois déterministes n'a
guère d'importance : a seule chosequi compte pour retrouver les loisde la thermodynamique macroscopique, ce sont les distributions
statistiques, qui pourraient aussibien résulter de processus microscopiques aléatoires.À la fin des années 1920, l'avè
nement de la mécanique quantique a montré le bien-fondé dece scepticisme. On a désormaisde bonnes raisons d'admettre
que non seulement les lois de lathermodynamique, mais aussiles lois de la mécanique classiqueelles-mêmes émergent des lois
quantiques.Or, les lois quantiquessont caractérisées par une formed'indéterminisme microscopique.Il suffit de penser aux relationsd'" incertitude " de Heisenberg•,ou au fait que les états quantiques ne permettent d'évaluer queles probabilités des valeurs desvariables qu'on mesure.
PLUSIEURS ENSEMBLES
DE LOIS ÉLÉMENTAIRES
Une leçon plus générale ressort de là: il y a une multiplicitéde lois élémentaires pouvant servir de base aux lois émergentes.Autrement dit, les lois émergentessont« multiréalisables »,ou« survenantes».Cela impose une cloisonétanche entre les divers niveauxde
lois, puisque la connaissance deslois émergentes ne renseigne presque pas sur les lois élémentaires.
La probabilité pour qu'une particule, interagissant avec d'autres ou
avec elle-même, aille d'un point à un autre se calcule en sommant,au
moyen d'une intégrale, toutes les potentialités pour cette particuleet pour les médiatrices d'interaction de se déplacer, d'être créées ou
annihilées. Cependant, au fur et à mesure que les itinéraires poten-
tiels des médiateurs d'interaction deviennent plus foisonnants en
événements de création-annihilation, l'énergie qu'ils portent aug-
mente, les intégrales divergent et on aboutit à des énergies, des
masses ou des charges infinies.
vers l'infini. Certaines de ces quantités auxiliaires sont appelées«masses nues» des particules sources de champs; on peut en effet
les assimileraux masses qu'auraient les particules dans la situationimaginaire où elles n'interagiraient pas avec elles-mêmes.
La stratégieemployée à partir des années 1940 pourévitercesvaleursinfinies est une technique mathématique appelée la« renormalisa-
tion». Elle consiste à compenser les quantités tendant vers l'infini en
les soustrayant de quantités auxiliaires qui tendent parallèlement
24 o LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 o N' 43
À a surprise de bien des physiciens, cettecurieuse méthode aabouti
à des prévisions admirablementcorroborées par l'expérience. Ainsi,
en 1947-1948, elle permit de rendre compte très précisément d'uneanomaliedu spectrede l'hydrogène appelée le« décalage de Lamb».
Elle est également devenue un guide pour la construction de nou-
velles branches de la théorie quantique des champs, comme la théo-
rie unifiée électrofaible formulée au tournant des années 1970, qui
a valu le prix Nobel1979 à ses créateurs Steven Weinberg, Seldon
Glashow etAbd us Salam.
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Durant les années 1980, StephenWolfram et d'autres spécialistesdesimulation de systèmes complexessur ordinateur ont porté ce constatà son comble. Ils sont parvenus àmontrer que les lois macroscopiques de l'hydrodynamique ou de
la thermodynamique, qu'on suppose fondées sur les lois microsco
piques de la mécanique classiqueou quantique, peuvent aussi bienémerger d'une base beaucoup plussimple. La base de substitution
choisie est un modèle d' << automates cellulaires »,fait d'une grillede << cellules » pouvant se trouverdans un nombre fini d'états (parexemple o ou 1) et changeant
d'état en fonction de l'état descellules voisines [fig. 2] .
Il ressort de cet itinéraire depensée que les lois émergen-
tes sont dans une large mesuredécouplées de leur base présumée.Les lois émergentes restent stables
LE BESOIN D'UNE CAUSE FONDAMENTALE
*Les relationsd'incertitudede Heisenbergindiquentnotammentque la précisionavec laquelle on
connaît la pos itiond'une particuleest inversementproportionnelleà celle sur sonimpulsion .
sous des variations considérablesde leur base. On dit qu'elles sont<< protégées » des vicissitudes decette base. Ce concept de protection des lois émergentes vis-àvis de la base est crucial. Il a servide guide aux auteurs, comme
Laughlin, qui soutiennent que
les lois dites << fondamentales >>,
celles qu 'on suppose pourtant
servir de base à toutes les autres(telles les lois de la gravitationet de l'électromagnétisme), sontaussi émergentes.
La protection des lois émer-
gentes vis-à-vis du détail de cequi se passe au niveau sous-jacentpermet d'expliquer plusieurs particularités surprenantes des lois fondamentales. Elle explique d'abord
leur remarquable exactitude. Unemoyenne sur un nombre astronomique de processus désordonnésaboutit en effet inévitablementà un comportement global lisse
et ordonné. C'est ce que Laughlinappelle la <<perfection émergeantde l'imperfection ». La protectionexplique ensuite les analogiesformelles entre certaines lois de
la matière condensée que l'on tientpour émergentes, et des lois de lamatière élémentaire qu'on suppose<<fondamentales» . Ainsi, l'analogie entre les << phonons »,modesquantifiés de vibration portés parle réseau d'atomes d'un cristal, etles<< photons», quanta d'énergieélectromagnétique supposés <<fondamentaux ».Ou bien l'analogieentre les trous dans les bandes
de valence de semi-conducteurs,qui se comportent comme desélectrons de charge positive, et lespositrons ou anti-électrons << ondamentaux » de Dirac.
THÉORIE QUANTIQUEDES CHAMPS ET ÉMERGENCE
La rigueur de ces analogies,dont la liste est loin d'être limitative, se révèle tellement remarquable qu'on peut difficilement
croire qu'elle ne traduit pas uneidentité de principe. Une identiténon pas dans le détail des processus sous-jacents, bien sûr ; maisdans la simple circonstance qu'ily a des processus sous-jacents,dont la résultante se manifeste
de manière constante au niveauémergent.
La thèse audacieuse du caractère émergent des lois de la naturea été confortée, ces vingt dernièresannées, par une connaissance
mieux assurée de l'une des théories physiques réputées les plusfondamentales : la théorie quantique des champs. Elle unifie la
théorie quantique et la théoriede la relativité restreinte, et rendraison avec une précision inouïedes interactions entre particules<<élémentaires ». À sa naissance,dans les années 1930, elle a pour
tant manifesté un grave défaut :l'apparition de termes infinis lorsdu calcul de l'auto-interaction desparticules jouant le rôle de sources de champs (par exemple, >»
N' 43 • MAl ZOll l LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 25
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6 a v o i r 6La nature s'organisecomme les poupées russes
>» lors du calcUl de l'interactionde chaque électron avec le champélectromagnétique émis par luimême). Une correction mathématique de ce défaut a donc été miseau point vers la fin des années
1940 sous le nom de « renormalisation » (lire « La renormalisation>> , p. 24) .
PAS DE THÉORIE VRAIMENT
FONDAMENTALE
Mais quel rapport peut bien
avoir la renormalisation, présentée au départ comme un simpleartifice de calcul, avec la questionconceptuelle de l'émergence deslois de la physique? Pour le comprendre, il faut être attentif à l'évolution récente des techniques derenormalisation.Àmesure de leurprogrès, on s'est mis à prendre ausérieux les seuils d'énergie qu'onse contentait jusque-là de fairetendre vers l'infini. Ne se peut-ilpas que ces seuils, maintenus àune valeur finie, aient le sens delimites effectives de validité dela théorie? Ne séparent-ils pasle domaine à basse énergie, où lathéorie est valide,d'un domaine àhaute énergie encore inexploré ?
S'il en va ainsi, on peut considérer le domaine à basse énergiecomme un niveau d'organisation
émergent: un niveau de constituants et de lois portéparunniveaud'organisation sous-jacent à hauteénergie dont il est partiellementindépendant , c'est-à-dire dont ilest « protégé >>. Cette hiérarchiede niveaux a des réalisations théoriques bien connues. Supposonsqu'on prenne la théorie quantiquedes champs standard pour base.En fixant un seuil d'énergie finiappelé« énergie de coupure>>, on
sait construire à partir d'elle des« théories de champs effectifs >>
représentant un ensemble de loisémergentes approximatives. Parextension, il est tentant d'admettre que la théorie quantique deschamps standard, qui peut aussifaire appel à des énergies de coupure dans ses procédés de renormalisation,représente elle-mêmeun système de lois physiques
émergentes. Mais cette fois leslois émergentes d 'un niveau sousjacent encore indéterminé.
Aucune théorie fondamentalene serait alors vraiment fondamentale. Toutes les lois acceptées à l'heure actuelle seraientémergentes. Deux conceptionsdu futur s'opposent à partir de là.La première, inspirée par le programme réductionniste, consisteà croire qu'on finira par édifier
Cet article est la versionrevue et corrigée
parson auteur du texteparu dans le n 405de La Recherche.
L'ÉVOLUTION DE CET AUTOMATE CELLULAIRE repose sur une règle simple: chaque cellule cubique estcolorée si, à l'étape précédente, exactement deux de ses 26 voisins (par les faces, les arêtes et les som·mets) sont colorés. Ce type de dispositif permet de retrouver un grand nombre de comportements obser·vés dans la nature. Les règles utilisées sont-elles pour autant des lois fondamentales?
. 26 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N 43
une théorie unifiée fondamentale,qu'on identifiera les particulesélémentaires dont tout le resteest fait, qu'on parviendra à énoncer des lois ultimes de la nature .
Peut-être les lois de la théoriedes supercordes, de la gravitationquantique à boucles ou de l'unede ses héritières.
La seconde conception envisageau contraire la possibilité qu'iln'yait aucun niveau fondamental àatteindre,ni lois ultimes à formu-1er ni éléments au sens strict ;quetous les niveaux soient émergents,que la structure de toutes les loisdérive de leur << protection » vis
à-vis d'un milieu sous-jacent, etque les particules de n'importequel type soient décomposablesà condition d'accélérer suffisamment les particules qui serventà les sonder. La première optiona pour elle le bon sens et l'héritage de la pensée atomiste, maisc'est à elle que revient la chargede la preuve. La seconde optionest vertigineuse, mais elle peut seprévaloir du simple fait de l'inachèvement persistant de la physique, de son allure de « poupéesrusses >> imbriquées et indéfiniment hiérarchisées.
DEUX COMMUNAUTÉS
DE PHYSICIENS S'OPPOSENT
Au-delà de leur valeur intrinsèque, ces deux options on t
aussi un grand pouvoir polémique en raison de l'appui que cha
cune d'entre elles apporte auxdemandes de fonds (publics ouprivés) de deux communautés dis tinctes de physiciens. La premièreoption conforte les intérêts professionnels des spécialistes dephysique des particules et deshautes énergies. Car les créditspublics gigantesques consacrésà leur discipline sont justifiés parle caractère supposé plus fondamental, plus élémentaire et plus
« ultime >> de son objet, à partirduquel on pense pouvoir reconstruire tout le reste. Au contraire,la seconde option sert les intérêts
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de la communauté des spécia
listes de physique macroscopi
que de la matière condensée,
dont fait partie Laughlin.
Car s'il n'existe ni vrai fon
dement ni entités authenti
quement élémentaires, les
études menées à un niveau
intermédiaire ont exactement
autant d'importance que cel
les qui concernent le niveau
tenu {à l'heure actuelle) pour
fondamental.
Pour ma part,je vais choisir
mon camp dans ce débat brû
lant, en concentrant mon
attention sur la secondeoption. Ce choix-là n'est lié à
aucun intérê t professionnel
de physicien, mais à un
désir de philosophe : celui de
mieux comprendre une pos
sibilité intellectuelle inédite.
J'essaierai donc de défendre
l'option du << sans fond » contre
deux objections.
UNIFIER LES LOIS
RESTE POSSIBLE
La première objection cou
ramment faite à l'option d'une
cascade de lois sans fonde
ment est qu'elle annule tout
le bénéfice historique des
approches réductionnistes.
Mais, en vérité, il n'en va pas
ainsi. La possibilité d'unifier
un grand nombre de lois en
les considérant comme por
tées par une même « base » est
préservée ici. Car elle est indif
férente au caractère« ultime »
ou non des lois de cette base,
et au statut «élémentaire » ou
non de ses constituants.
Loption du « sans fond »
a même un avantage sur ce
point.En elle,la question de la
base ne se pose plus en termes
d'existence, mais en termes
de méthode. On n'a plus à se
préoccuper de ce qu'est la baseultime et réelle (ce qui a toutes
les chances de rester indéci
dable), mais seulement de
savoir quelle représentat ion
d'une base intermédiaire
remplit le mieux sa fonction
unificatrice. Les démarches
de la réduction et de l'émer
gence des lois sont ainsi
rendues coopératives dans
une dynamique de recher
che, plutôt que conflictuelles
dans une prise de position
dogmatique.
La seconde objection contre
la thèse des lois toutes émer
gentes est aussi la plus lan
cinante . C'est celle, sou
vent évoquée, du bon sens :
comment l'édifice du monde
peut-il tenir sans fonda tions légales absolues, et
sans « briques » ultimes? La
réponse est déjà contenue,
pour qui sait la lire, dans le
détail de la thèse des lois émer
gentes.Elle revient à transfor
mer, une fois encore,les ques
tions d'existence en questions
de méthode. Selon la thèse des
lois émergentes, ne l'oublions
pas, il n'y a même plus lieu
d'opposer un niveau de base,absolu, à des niveaux supé
rieurs, relatifs et épiphénomé
naux. Car toutes les détermi
nations et toutes les lois sont
relatives à des moyens d'accès
expérimental ou àun domaine
d'énergie exploré.
En allant au bout de ce juge
ment, dire qu'on peut trou
ver pour n'importe quelle loi
une base d'où elle émerge ne
signifie pas que la nature est
un puits sans fond dans l'ab
solu. Cela signifie seulement :
(a) que le cours des recher
ches relativement auxquel
les chaque niveau d'organi
sation est défini n 'a pas de
point d'arrêt prévisible; et {b)
que cela n'a de toute manière
pas de sens de parler de la
nature indépendamment
des recherches qu 'on peut yconduire. Ici, le seul « fonde
ment »,d'ailleurs mobile, de
l'édifice légal des sciences est
la pratique de la recherche. •
N' 43 • MA l 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 27
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FRANÇOIS ENGLERT
« Le boson de Higgs, laparticule manquante»Plusieurs milliers de physiciens guettent aujourd'hui sa formationdans le Grand collisionneur du CERN. Pourquoi le « boson scalaire >>
est-il devenu la clé de voûte de la physique des particules ?
LA RECHERCHE. Le principal objectif du LHC estl'observation d'une particule dont vous êtes le
co-inventeur. En quoi cette particule est-elle si
importante pour les physiciens?
FRANÇOIS ENGLERT. rhypothèse de son existence est ancienne. Elle a été proposée dans lesannées 1960 par Robert Brout et moi-même, puispe u après, et indépendamment, par le physicien écossais Peter Higgs, dans le contexte d'un
mécanisme permettant d'unifier dans un même
schème théorique des phénomènes apparem-ment distincts. La particule est souvent dénommée « boson de Higgs » - en référence à ce dernier - et aussi << boson scalaire BSS » (BSS pour
brisure spontanée de symétrie) - en anglais SBS
scalar boson. Cette particule a une grande importance pour la physique, car elle est au confluentde plusieurs enjeux concernant la compréhension des lois régissant la structure de la matière.D'abord, le mécanisme permettrai t, s'il étai t pleinement vérifié, d'unifier des forces qui peuventagir à très grande distance à d'autres uniquement
perceptibles à l'échelle subatomique et induiraitainsi une vision plus unifiée des lois de la nature.Ensuite il permettrait de répondre à une question,apparemment simple, mais toujours inexpliquée :comment les particules élémentaires acquièrent-
FrançoisEnglertest professeur
de physique
à l'Université libre
de Bruxelles .
>Dans les années 1960, les physiciens veulent décrire
l'interaction nucléaire faible par analogie avec la force
électromagnétique .
>Ils y parviennent en imaginant l'existence d'une particule
massive, qui donnerait leur masse à toutes les autres.>Si le Grand collisionneurde hadrons du CERN ne l'observe pas,
il faudra corriger le Modèle standard de la physique.
28 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43
elles la masse qui les caractérise ? Enfin, la particule, dont la détection confirmerait la validitédu mécanisme, est aussi la pièce manquante duModèle standard de la physique des particules -cette théorie qui décrit l'ensemble des particulesélémentaires connues et les forces qui les relient.Sa découverte constituerait ainsi le parachèvementd'un vaste corpus de résultats théoriques et expérimentaux obtenus depuis des décennies dans plusieurs grandes branches de la physique.
Quel cheminement vous a conduit à ce domaine?P. E. J'ai effectué des études d 'ingénieur avantde me consacrer à la physique théorique et decommencer, au milieu des années 1950, une thèsede doctorat en mécanique statistique à l'Université libre de Bruxelles. Durant cette période, j'aitravaillé sous la direction du physicien françaisPierre Aigrain*.C'est lui qui,après ma soutenancede thèse,m'a recommandé auprès de Robert Brout,jeune professeur à l'université Cornell, aux ÉtatsUnis, qui cherchait un collaborateur. En 1959, jel'ai donc rejoint pour continuer à travailler dans le
domaine de la mécanique statistique. Mais, peu àpeu, nous avons bifurqué vers un autre domaine :la<< théorie des champs »,qui applique les conceptsde la physique quant ique aux particules élémentaires.Selon cette théorie, les particules sont transportées par des << champs » qui transmettent desforces à d'autres particules.Un revirement dans vos activités de recherche ..
P. E. Ce n'est pas un revirement. Robert Brout etmoi considérons la physique comme une tentatived'intelligibilité rationnelle de l'Univers quine sauraitêtre cloisonnée en domaines séparés. En fait, c'estde notre expérience en mécanique statistique quesont nés une intuition et, ensuite, l'espoirde résoudreun problème majeur qui préoccupait les physiciensde l'époque. Pour le comprendre, rappelons que l'on
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interactions fondamentales : es for
s électromagnétiques, propres aux phénomènes
, magnétiques et lumineux; les forces
, qui décrivent l'attraction univer
; les interactions « fortes », respones de la cohésion des noyaux atomiques ;et les
<< aibles »,qui provoquent des désinté
.Les deux premières, dites <<à
», agissent sur des objets quelle que
<<Du tout mécanique au tout
>>, p.66) et de la relativité géné
ale d'Einstein, établies sous leur forme actuelle au
du xx•siècle.Les deux dernières forces sont
à courte portée, car elles
'exercent sur des objets séparés par des distances
'excédant pas la dimension des noyaux.
En 1g6o,la nature des forces àcourte portée appa
t bien différente de celle des forces à longue
à l'échelle macroscopique.
*Pierre Algraln(1924
-2002),
physicien français,
aété pionnierdans la physiquedu solide et des
semi-conducteurs .
Les interact ions faibles et électromagnétiques pré
sentaient tout de même des analogies, raison pour
laquelle les théoriciens ont cherché à établir un rap
prochement. Puisque la force électromagnétique
est transmise par les photons-particules de massenulle faisant partie d'une famille dite des <<bosons
de jauge » - , ils se sont demandé si l'interaction
faible n'était pas communiquée, elle aussi, par des
bosons de jauge. Selon les lois de la mécanique
quantique, ceux-ci devraient être massifs pour
transmettre une interactionàcourte portée.Mais la
nature même des champs de jauge semblait garantir
leur caractère nonmassif. Par ailleurs,les physiciens
ne parvenaient pas à établir une théor ie de la force
faible transmise par des particules massives. Leurs
calculs conduisaient à des aberrations mathéma
tiques qui n 'avaient aucun sens d'un point de vue
physique. Nous avons alors réalisé que le concept
de <<brisure spontanéede symétrie »,bien connu en
mécanique statistique, pouvait être appliqué »>
N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 29
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«< Le boson de Higgs, la particule manquante n
»> à la théorie quantique des champs de jaugeet, ce faisant, permettre d'avancer dans la compré
hens ion des forces à courte portée.Que recouvre ce concept de cc brisure spontanée
de symétrie ,, ?F.E.Considérons cette analogie: une table ronde
est dressée de telle sorte que chaque verre se situeà égale distance entre les assiettes. Supposons lesconvives ambidextres :ils n'ont aucune raison de sesaisir d'un verre, plutô t que d'un autre . L'ensembleforme un système parfaitement symétrique.Pourtant, si un e personne choisit de prendre leverre placé à sa droite, les autres devront faire demême pour disposer de leur propre verre.Ce résulta t est le fruit du hasard. Et c'est exactement cequi se produit dans les phénomènes physiques debrisure spontanée de symétrie.Ils se manifestent
notamment dans les ferromagnétiques tels que lefer ou le nickel. Ces matériaux sont constitués depetits aimants microscopiques qui ont tendance às'aligner parallèlement lesuns aux autres.À haute
température, ils s'orienten t toutefois dans toutes
les directions de l'espace sous l'effet de l'agitat ionthermique. Lorsque la température diminue audessous d'une valeur seuil, les aimants s'alignent
dans la même direction et le matériau devientaimanté. Si le matériau est suffisamment grand
pour que les effets de surface soient négligeables et
si celui-cin'est soumis à aucun champ magnétiqueextérieur, il est impossible de déterminer quellesera cette direction : il suffit que deux aimants
microscopiques interagissent et s'alignent pour
que tous les autres fassent de même. Et la brisurede symétrie est bien spontanée, car indépendante
de toute considération énergétique.Cela aftederait aussi les forces fondamentales?
F. E. C'est l'intuition que nous avons eue avec
Robert Brout lorsque nous travaillions aux ÉtatsUnis. Nous avons été inspirés pa r le travail de
Yoichiro Nambu (Prix Nobel de physique en 2008},
en 1960, qui introduisait la not ion de brisure spontanée de symétrie en théorie des champs. Aprèsmon séjour postdoctoral, je suis retourné, fin 1961,à l'Université libre de Bruxelles, où je suis devenuprofesseur. Robert Brout m'y a rejoint. Nous avonsalors mis plusieurs années pour élaborer un modèleexpliquant comment une brisure spontanée desymétrie aurait façonné la structure des forces àcourte portée.Labrisure de symétrie postulée- sem
blable à celle qui produit l 'aimanta tion des corpsferromagnétiques- agissait ici sur l'espace même.Dans notre modèle, ce qui joue le rôle de l'aimantation d'un corps ferromagnétique, c'est un champ
30 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43
*La polarisationest une propriétédes ondes
vectorielles,telles que la lumière,
qui est ca radé riséenotamment par
une certaine directionde l'espace.
scalaire BSS qui fournit la dynamique nécessaire àcette brisure de symétrie en envahissant l'espace
vide de particules. Il transporte le boson scalaireBSS, qui pourrait être observé expérimentalementet confirmer ainsi le schéma théorique.Quelles sont le s caractéristiques de cette
particule?
F.E.C'estun boson, lui aussi massif. Contrairementaux bosons de jauge, celui-ci est qualifié de << scalaire »,ce qui signifie que le champ qui les transportene comporte pas de directions de polarisation•.Deplus sa charge électrique et son spin (une propriétéquant ique fondamentale} ont une valeur nulle. Parbrisure spontanée de symétrie, ce champ scalaireBSS qui transporte ce boson scalaire BSS structurerait le vide et emplirait tout l'espace. Les particulessensibles à ce maillage seraient ralenties en letraversant.Et plus elles sont ralenties, plus leur massedevient importan te.Le mécanisme dit de « BroutEnglert-Higgs » BEH} transforme ainsi des bosons dejauge sans masse en bosons de jauge massifs.Les for-cesà longue portée qu'elles transmettaient se transforment ainsi en forces à faible portée.De plus cesbosons de jauge massifs conservent certaines propriétés des bosons de jauge de masse nulle qui per
mettent d'éliminer les aberrations mathématiques,ce qui a permis de construire une théorie cohérentede forces fondamentales à courte portée.
Mais l'acquisition de la masse n'est pas limitéeaux bosons de jauge.Elle peut s'appliquer à la plupart des particules constitutives de la matière.Leurs masses, diverses , s'expliqueraient doncpar leurs interactions d'intensité variable avec lechamp scalaire BSS baignant tout l'espace.Connaissiez-vous le travail de Peter Higgs ?
F. E. Notre mécanisme décrivant comment une
brisure spontanée de symétrie transformerait une
force à longue portée en une force à courte portéea été publié en 1964. Quelques semaines plus tard,Higgs publiait deux articles où il aboutissait auxmêmes résultats, mais par une approche mathématique différente.Nous ne nous connaissions pas et
nos travaux ont été réalisés de manière indépendante.n st vrai que notre publication précède cellede Higgs, mais il s'agit bien d'une codécouverte.Certes, le terme de boson de Higgs reste encore plusfréquemment utilisé que celui de boson scalaireBSSou encore de boson BEH. Mais Higgs n'en est pasresponsable: j'explique cela par le fait que Brout et
moi, à l'époque,étantnovices dans le domaine de lathéorie des champs, étions très isolés, en Belgique,de la communauté des physiciens spécialisés dansce type de recherches.
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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LE BESOIN D'UNE CAUSE FONDAMENTALE
Comment vos travaux ont-ils ét é accueillis
en1964?F.E. Convaincus d'avoir fait une découverte impor
tante,je me rappelle notre déception devant le peu
d'intérêt suscité par sa publication. Pour qu'elle
attire toute l'attention, il a fallu attendre plusieursavancées théoriques et expérimentales corroborantnotre hypothèse. En 1967,tout d'abord, 11\méricainSteven Weinberg formulait une théorie unifiant
les forces faibles et électromagnétiques - résulta t récompensé par le prix Nobel de physique en
1979 . En 1972, cette théorie << électrofaible » devenait cohérente sur le plan mathématique et, donc,totalement opérationnelle, grâce aux travaux desNéerlandais Gerardus 't Hooft et Martinus Veltman,eux aussi primés par un Nobel de physique en1999.Puis,en 1983, les deux bosons de jauge médiateurs
de l'interaction faible étaient observés à l'aided'un accélérateur de particules du CERN. lls sontde deux types : « W » et « Z >> qui, selon le principed'équivalence entre la masse et l'énergie,« pèsent >>
8o milliards d'électronvolts et 91 milliards d'électronvolts- soit cent fois plus, environ, que les protons des noyaux (lire« Deux Wet un Zpour décrirel'interaction faible >> p. 62) . En 1983 également, leCERN entamait la construction du LEP (de l'acronymeanglais pour Grand collisionneur électron -positron),accélérateur de particules faisant s'entrechoquer
des électrons et leurs équivalents d'antimatière.L'un des objectifs de cette machine entrée en service en 1989 éta it la détection du boson scalaire SSB.
Puis elle a fini par être démantelée en 2000, alorsque certains signaux suggéraient une découverte
Cet entretien est la
version revue et corrigéepar François Englert de
celui paru dans le n' 419de La Recherche .
possible. Par la suite, le Tevatron, un collisionneurde protons et d'ant iprotons du Fermilab, aux ÉtatsUnis, a pris la relève dans la traque au boson scalaire.Toujours sans succès!Pourquoi la traque est-elle aussi longue ?
F. E. Le Modèle standard ne fournit que des indications très vagues sur la masse possible du bosonscalaire. Les accélérateurs de particules doiventdonc balayer des gammes d'énergie très larges, ce
qui est laborieux sur le plan de l'analyse des résultats et prend du temps. Mais la difficulté principaleest que cette particule semble être très lourde. Pourespérer la détecter, i l faut atteindre des niveauxd'énergie très élevés. Grâce au LEP et au Tevatron,on sait que sa masse est supérieure à 114 milliardsd'électronvolts. Et des considérations théoriquessuggèrent qu'elle ne dépasse pas 180 milliards
d'électronvolts. Or, le LHC, accélérateur du CERN,
est entré en service depuis la fin 2009. À terme,d'ici deux ou trois ans, i l fera s'entrechoquer desfaisceaux de protons à un e énergie allant jusqu'à
plusieurs milliers de milliards d'électronvolts.Quarante millions de collisions par seconde produiront autant de particules. C'est parmi elles que lesdétecteurs du LHC chercheront la « signature >> duboson scalaire.Ils devraient aussi fournir des indications sur sa stabilité et ses interactions. Si cetteparticule existe, le LHC en apportera la preuve.
Et sinon?F. E. Dans son principe, lemécanisme BEH fondé
sur le concept de brisure de symétrie ne serait pasremis en cause, car i l a été vérifié par l'observationdes bosons Zet W et de leurs interactions.Il devraitnéanmoins être plus complexe, et le boson scalairene serait plus un e particule élémentaire, mais un
objet composite constitué d'éléments encore indéterminés. En revanche, et plus généralement, l'absence de découverte du boson impliquerait un e
correction du Modèle standard de la physique
des particules. Beaucoup de physiciens estiment
déjà qu'il faudrait lui intégrer l'hypothèse « supersymétrique »,qui multiplie par deux le nombre departicules élémentaires connues. Mais cette révision devrait aller bien au-delà si le boson n' est pasdécouvert au LHC.
En 2004, vous avez obtenu le prixWoH avec RobertBrout et Peter Higgs, distinction considéréecomme l'antichambre du Nobel .. Vous attendezvous à recevoir bientôt cette consécration?
F. E. Auvu du traitement médiatique réservé cesderniers mois au boson scalaire et au LHC, nousserions certains, avec Brout et Higgs, d'obtenir un
Nobel siles journalistes faisaient partie du comité !Pour le reste, c'est l'avenir et les prochains résultats du LHC qui le diront.• Propos recueillis par Franck Daninos
N' 43 • MAl Z011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 31
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Pourquoi il faut unifierLes théories physiques actuelles sont impuissantes à décrire l'Universquand il est très chaud et très dense. Pour y parvenir, il faudraadmettre que l'espace-temps est plus complexe que nous le pensions.
' unification est au cœurde la démarche scientifique. Depuis l'avènement de la physiquemoderne, ceux que
l'histoire a retenus comme degrands physiciens ont tous étéà l'origine d'unifications qui ontchangé le visage et la puissancede la physique: Galilée réconciliant les mondes sublunaire et
supralunaire et leur imposant
une unité législative; Newton
décrivant à l'aide d'une théorieunique les mouvements ter
restres et célestes; Maxwell unifiant l'électricité et le magné
tisme; Einstein mêlantl'espace etle temps dans le concept uniqued'espace-temps ..
Aujourd'hui, un commando
d'avant-garde de la recherchepure cherche à poursuivre cettedémarche aussi loin que possible.Les physiciens qui le constituenttentent d'unifier en un seul et
même corpus théorique la gravitation avec les trois autres
interactions fondamentales, laforce électromagnétique et lesdeux interactions nucléaires,
la « faible » et la << forte », qui,elles, ont déjà été unifiées, il y a
plusieurs décennies, au sein de ce
qu'on appelle la« théorie quantique des champs"·
Les premiers modèles de bigbang qui visaient à décrire l'histoire de l'Univers ne tenaient
compte que d'une seule force de
la nature, la gravitation, décrite àl'aide du formalisme de la relativité générale. Toujours attractiveet de portée infinie, cette interaction domine à grande échelle.Mais, lorsque l'on remonte le coursdu temps, la taille de l'Universobservable se réduit progressivement. La matière finit par rencontrer des conditions physiquestrès spéciales, à très haute température et à très haute densité, quela relativité générale est incapablede décrire seule. Les autres interactions fondamentales doiventalors être prises en considération.En d'autres termes, la relativitégénérale ne donne accès qu'aux« périodes tardives »,si l'on peutdire, de l'Univers primordial.
Comment comprendre ce qui a
pu se passer plus tôt? En tentantde construire un formalisme susceptible d'affronter les conditionsphysiques du« mur de Planck»,un
moment particulierde l'histoire de
>La relativité générale, qui décrit la gravitation, est incom-
patible avec le modèle quantique, qui regroupe les trois autres
interactions fondamentales.
>Il existe pourtant des situations dans lesquelles on doit
prendre en compte ces quatre forces simultanément.>Plusieurs tentatives pour quantifier la gravitation ont étéentreprises. On ne sait pas si l'une d'elles aboutira.
32 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43
Étienne Kleindirige le
laboratoire de
recherche sur les
sciences de la
matière du CEA.
l'Univers, une phase par laquelleil est passé il y a 13,7 milliardsd'années et qui se caractérise parle fait que les théories physiquesactuelles sont impuissantes à
décrire ce qui s'est passé avantlui. L'énergie de Planck vaut 10'9
gigaélectronvolts, soit dix milliards de milliards de fois l'énergiede masse d'un proton. La longueurde Planck est égale à quelque 10-3s
mètre, soit dix-sept ordresde grandeur de moins que la taille d'unquark ou d'un électron.
UN UNIVERS
NERVEUX ET SEC
Quant au temps de Planck, ilvaut à peu près 10-43 seconde. Àcette époque, l'Univers était nerveux et sec, minuscule et gorgéd'énergie, et son espace-tempsavait une structure « bizarre >>.
Le défi principal que doiventrelever les chercheurs tient aufait que les interactions électromagnétique et nucléaires sontaujourd'hui décrites à l'aide des
mêmes concepts mathématiquesgrâce au formalisme de la physique quantique, dont les principesne s'accordent justement pas avec
ceux de la .. relativité générale !
Comment élaborer une
« théorie quantique de la gravitation >>,c'est-à-dire des équations qui unifieraient en un seulet même cadre théorique la physique quantique et la théorie de
la relativité générale, ce qui permettrait de décrire ensemble
les quatre forces? L'affaire s'annonce fort délicate, pour une raison simple: l'espace-temps de la
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LE BESOIN D'UNE CAUSE FONDAMENTALE
les forces
physique quantique est rigide,
plat, complètement découplé de
la matière qu'il contient, tandis
que celui de la relativité géné
rale est souple, courbé et dynamique, en interaction constante
avec la matière et l'énergie qui se
trouvent en son sein.
DES PARTICULES
À UNE DIMENSION
La solution pourrait-elle s'obte
nir en appliquant les procédures
de la physique quantique à la re la
tivité générale ? Ou bien en les
greffant l'une à l'autre? Ou bien
encore en mettant sur pied unenouvelle théorie qui dépasse, en les
incluant, la physique quantique et
la relativité générale? Toutes ces
pistes ont bien sûr été envisagées
durant les années 1970.
Comme la physique quantique
et la relativité générale envisagent
toutes deux un espace-temps
continu, c'est-à-dire lisse, sans
discontinuités, les physiciens ont
conservé cette hypothèse. Mais
toutes leurs tentatives se sont
révélées infructueuses ou pro
blématiques. Constatant l'im
passe, la plupart des chercheurs
en ont conclu que la quantifi
cation de la relativité générale
obligeait à recourir à des postu
lats ou à des principes radicale
ment nouveaux, inclus ni dansla physique quantique ni dans la
relativité générale : dimensions
supplémentaires d'espace-temps,
nouvelles particules, nouvelles
symétries, nouvelles structures
mathématiques ..
La démarche la plus suivie pour
franchir le murde
Planck est cellede la « théorie des supercordes ».
Ce programme de recherche part
d'un postulat très simple, quasi
lapidaire, mais dont les consé
quences sont spectaculaires :
n'importe quelle particule élé
mentaire, que les physiciens consi
déraient jusqu'alors comme un
point matériel de taille nulle, n'est
en réalité qu'une corde vibrante
obéissant aux lois de la relativité
restreinte et de la physique quantique. En d'autres termes, si l'on
pouvait regarder une particule
élémentaire avec une loupe »>
N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 33
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Pourquoi il faut unifier les forces
>» extrêmement puissante, on
découvrirait qu'il s'agit d'un objet
unidimensionnel, une sorte de fi l
(s'il a des extrémités) ou de boucle
(s'il n'en a pas).
Cette théorie propose égale
ment une modification de la repré
sentationde l'espace-temps :celui
ci est considéré comme une arène
donnée a priori (c'est le cas dans la
théorie de la relativité restreinte,
mais pas dans celle de la relativité
générale), mais avec un nombre
de dimensions qui devient stric
tement supérieur à quatre. Plus
exactement, la théorie précise que
l'espace-temps serait doté de six,
sept ou vingt-deux dimensions de
plus que ce qui est habituellement
considéré.
UNE THÉORIE
QUI ENGLOBE LES AUTRES
La théorie des supercordes a
ceci de spectaculaire qu'elle s'est
révélée capable de faire apparaître, à partir de ses principes les
plus fondamentaux, les théories
physiques dont les physiciens
se servent pour décrire les phé
nomènes qui se déroulent aux
échelles spatiales auxquelles ils
ont expérimentalement accès. La
théorie des supercordes engendre
notamment la théorie de la rela
tivité générale et la théorie quan
tique des champs, qui résulte du
mariage entre la physique quantique e t la théorie de la relativité
restreinte, et constitue le forma
lisme à la base du Modèle standard
de la physique des particules. De
fait, elle« contient>> ou« englobe >>
les théories physiques connues
par ailleurs. Reste que personne
ne sait encore si cette théorie est
la « bonne ,, : elle n'a pour l'ins
tantproduit aucun effet vérifiable
qui permettrait de la confronter
aux données de l'expérience, à la
réalité physique, tant la taille des
supercordes est petite par rap
port aux dimensions spatiales
auxquelles nous avons expéri
mentalement accès.
Quelques chercheurs ont réagitrès différemment à l'échec des
tentatives précédentes que nous
avons évoquées, notamment les
fondateurs de la << théorie de la
gravitation quantique à boucles >>,
qui se sont demandé si l'hypo
thèse de continuité de l'espace
temps ne serait pas la cause de
cet échec. Que donneraient, se
demandèrent-ils, les travaux déjà
menés si l'on ne supposait plus
que l'espace-temps est continu?
Ils ont commencé par mettre au
point une méthode permettant de
faire des calculs sans supposer que
l'espace est lisse, en prenant bien
soin de ne faire aucune hypothèse
qui aille au-delà des principes déjà
contenus dans les formalismes
respectifs de la physique quan
tique et de la relativité générale.En
particulier, ils ont conservé deux
des principes clés de la théoried'Einstein, qui concernent la struc
ture de l'espace-temps.
Le premier est que la théorie doit
pouvoir être formulée sans réfé
rence aucune à un cadre spatio
temporel donné a priori, à un
arrière-fond préexistant. C'est
ce que les physiciens appellent
d'ailleurs l'<< indépendance de
fond,,: l'espace-temps lui-même
doit être considéré non pas comme
une arène fixée indépendante
de ce qui s'y joue, mais comme
un authentique objet physique
dont la structure et la géométrie
dépendent des effets qu'ont sur lui
la matière et l'énergie. Le second
principe concerne les coordonnées
d'un événement dans l'espace
temps: pour les définir, on doit
pouvoir utiliser n'importe quel
système de coordonnées, autre
ment dit n'importe quel référen
tiel dans l'espace-temps, sans que
le choix effectué change la forme
des équations de la théorie.
Combinant ces deux principes
34 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43
avec les techniques de calcul de la
physique quantique,les chercheurs
sont parvenus à élaborer un lan
gage mathématique permet tant
de déterminer si l'espace-temps
est continu, lisse ou discontinu,granulaire, c'est-à-dire constitué
d'entités insécables, de taille non
nulle. La conclusion à laquelle ils
sont arrivés est que l'espace-temps
n'est pas continu, mais granulaire :
il ressemble à un morceau d'étoffe
tissé de fibres distinctes, séparées
les unes des autres.
AIRES ET VOLUMES
SONT QUANTIFIÉS
Cette discrétisation de l'espace
constitue la base de la théorie de
la gravité quantique<< à boucles»,
ainsi appelée car elle débouche sur
l'idée que l'espace-temps serait
structuré en boucles minuscu
les aux très petites échelles. Elle
implique que les aires et les
volumes sont eux-mêmes<< quan
tifiés >>,au sens où ils ne peuvent
prendre que des valeurs particuliè
res, correspondant à des multiplesentiers de quanta élémentaires de
surface ou de volume.
Mais cette théorie pose elle
aussi de redoutables problèmes
techniques qui interdisent là
encore,jusqu'à preuve du contraire,
de la considérercomme<< labonne>>.
La théorie de la gravité quantique
à boucles n'est d'ailleurs pas can
didate à devenir une << théorie du
tout ,,. Dans un premier temps, elle
ambitionne d'élaborer un cadrequantique permettant d'inclure la
gravitation, et non pas d'être une
théorie unifiée des quatre inter
actions fondamentales.
Les perspectives unitaires de
la physique contemporaine sont
donc multiples et toutes en attente
de tests cruciaux. Laquelle débou
chera? L'heureuse élue sera-t-elle
capable, tel un super-acide, de dis
soudre tout ce qui fait écran entre
notre intelligence et la structure
profonde de l'Univers? Personne,
à vrai dire, ne sait répondre à ces
questions. •
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Rech
EXPOSITION DE
PHOTOGRAPHIESSCIENTIFIQUES
SUR LE THÈME
ESPÈCES RARES,
PLANTES EN DANGERÀ L'OCCASION DU« FORUM SCIENCE,
RECHERCHE ET SOCIÉTÉ»
LE JEUDI 16 JUIN 2011
EN PARTENARIAT AVEC
LV MH RECHERCHE
PARFUMS &COSMETIQUES
SCIENCE, RECHERCHE ET SOCIÉTÉ AVEC LE SOUTIEN DE
16 JUIN 2011 - COLLÈGE DE FRANCE, PARIS SËME
LIBRE - WWW.FORUM-SRS.COM . • CENTRAL-<©>
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6 a v o i r 6
Les réponses des thé
10·33centimètreest la longueur d'une corde,élément de base de la théoriedu même nom . Ses modesde vibration sont perçuscomme autant de particules.
1quarkne peut jamais être observéseul. Plus on essaie d'allongerla liaison forte qui unitdeux quarks, plus celle-cidevient intense.
38 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl ZOU • N' 43
46milliardsd'années-lumière de diamètrepour l'Univers observable.La valeur finie de la vitessede la lumière nous interditde savoir ce qu'il y a au-delà.
(1 o1oy15mètresau moins sépareraientdeux zones identiquesde l'Univers . Cette distancepermet de les considérer commedes univers indépendants.
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• •
23pour centde matière noire dans l'Univers,si l'on considère que la théoriede la relativité générale décritcorrectement la gravitationà toutes les échelles.
a théorie des cordes estl'une des pistes les plusprometteuses pour réunirdans un même cadre explicatifles quatre interactionsfondamentales de l'Univers.
Elle n'a pas, pour l'instant,passé de tests expérimentaux,
mais sa cohérence est indéniable .... voiRP.40
Elle sert d'ailleurs de point de départ à desconjectures hardies, telle celle qui apparentenotre Univers à un hologramme .... voiR P. 45
Et elle appuie l'idée qu'il existe une infinité
d'univers différents du nôtre....voiRP.48
Par ailleurs, de plus en plus de physicienspensent qu'il faudrait modifier la théoriede la relativité générale pour rendre
compte de certains comportementsgravitationnels à grande échelle ....voiR P. 52
Quelle théorie l'emportera? Impossibleà dire. Une seule chose est sûre : notre
façon d'expliquer le monde va changerprofondément ....voiR P. 58
> Théorie des cordes: 4 raisons d'un succès P. 40
.. ~ ~ l ! ~ i . Y . ~ ~ ~ .. ~ t ? ! C ? 9 T C 1 . ~ ' ! l . . . . . P. 45
.... ~ ' . ~ Y P C ? ~ ~ ~ ~ ~ ~ ...~ C ? ~ ~ ~ ~ P C l . ~ C l . ! ! ~ l ~ ~ . . . . . . P. 48
~ ! l : ~ ( r l : " ' ( ~ ~ ~ ~ t ! ~ ~ ! ' ? ~ ~ !Cl. 9 ~ { 1 . " ' ( Ï . ~ { l . ~ ~ ' ? ~ . P. 52
.... ~ f ! ~ ~ ~ 9 ~ ~ ~ ~ ~ 9 ~ ~ ...~ 9 i ~ ~ ~ ~ ~ f ~ ~ 9 ~ ~ ~ · · · · · · · · P. 58
N• 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 39
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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Théorie des cordes •• 4
Les particules ne sont que les vibrations d'une corde minuscule.C'est le fondement d'une des approches les plus avancées pour donnerun cadre théorique commun à toute la physique.
our ses supporteurs,
la théorie des cordes
est une révolution .
Elle constitue un
grand pas dans la
quête de l'unification des lois dela nature. Grâce à elle, les physi
ciens disposeraient d'une théorie
capable de décrire les briques les
plus élémentaires de la matière,
ainsi que les lois qui régissent
leurs interactions.
Ses détracteurs, au contraire, n'y
voient qu'un domaine de la phy
sique mathématique : un << bel »
édifice, certes, mais qui ne saurait
être falsifié empiriquement .Il
estvrai que cette théorie est toujours
dans l'attente d'une confirma
tion expérimentale. Personne n'a
jamais vu les « cordes » en ques
tion. Et au regard de leur taille sup
posée (10-n centimètre), il est pro
bable que cela n'arrive jamais ..
Le débat prend des allures philo
sophiques, parfois même socio
logiques et culturelles.
La théorie des cordes peut né an
moins se targuer de quelques réussites remarquables. Les problèmes
qu 'elle a surmontés successive
ment lui ont permis d'échapper au
panthéon des concepts farfelus .
Pas de preuves directes, donc,
mais plusieurs résultats théo-
riques, dont l'intérêt semble indé
niable au vu du grand nombre
de physiciens qui ont rejoint cedomaine de recherche et participent encore à son évolution.
Retenons-en quatre.
1. Elle fournitune descriptionquantique dela gravité
La physique moderne repose sur
deux grands édifices théoriques :
la mécanique quantique et le principe de relativité. La mécanique
quantique est un ensemble de lois
régissant le comportement de la
matière au niveau atomique et
subatomique. À cette échelle, les
phénomènes physiques n'ont plus
grand-chose à voir avec ceux dont
nous sommes coutumiers.
Prenons l'exemple d'un postu
lat de la mécanique quantique :le
«principe d'incertitude».Celui-ci
nous dit qu'il est impossible dedéfinir simultanément la posi
tion et la vitesse d'une particule.
Au point que celles-ci ne peu
vent être décrites qu'en termes
>La théorie des cordes, issue de travaux sur l'interaction nu-cléaire forte, donne une description quantique de la gravitation.>Elle permet aussi de retrouver le Modèle standard de la phy
sique des particules et son extension, la« supersymétrie ».
>Des astrophysiciens l'ont utilisée avec succès pour décrireles trous noirs, ce qui appuie l'idée que c'est une théorie
universelle.
40 • LES OOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43
CostasBachasest directeur
de rechercheau département
de physiquede l'École normalesupérieure.
FranckDaninosest journaliste.
de probabilités.Cette propriété se
comprend en admettant que les
particules soient continuellement
soumises à des vibrations que les
physiciens nomment « fluctua
tions quantiques».
LE MODÈLE STANDARD
DE LA PHYSIQUE
Il n'empêche que la mécanique
quantique prédit avec une pré
cision remarquable le compor
tement des noyaux atomiques,
des électrons ou des photons.
Combinée au principe de la rela
tivité restreinte d'Einstein (selon
lequel aucun signal ne peut sepropager plus vite que la lumière)
elle permet de réunir dans un
cadre unifié l'ensemble des par
ticules élémentaires, ainsi que
trois des quatre forces fondamen
tales : la « forte »,la « faible » et
l'« électromagnétique». Dans cecadre appelé « Modèle standard
de la physique», chacune de ces
forces est transmise par un type
de particule. C'est le photon, par
exemple, qui sert de médiateur àl'interaction électromagnétique.
La généralisation du prin-
cipe de la relativité a permis à
Einstein de décrire la quatrième
force fondamentale : la gravité.
Contrairement aux trois autres,
elle est la seule qui subsiste à
l'échelle cosmique. C'est pour
quoi elle régit le mouvement
des planètes, des étoiles et des
galaxies. Avec une exactitude
maintes fois vérifiée, la relativité
générale montre que cette force
résulte d'une déformation de la
géométrie de l'espace-temps au
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LES RÉPONSES DES THÉORICIENS
sons d'un succèsvoisinage d'un objet. Plus celuici est massif, plus la déformation
est grande et se ressent à grande
distance.
Comment la gravité
se comporte-t-elle à
très petite échelle ?
Qu'obtient-on
si on combine
les équations
de la relati
vité géné
rale avec
celles de la
mécanique
quantique?
L'infini! Des
solutions
mathéma
tiques qui
n'ont aucun
sens physique !
À une distance
subatomiqueappelée '' échelle
de Planck »,la rela
tivité générale perd
ainsi toute capacité
prédictive.
On peut s'en faire
une idée sans avoir
recours aux mathéma
tiques . Car la relativité
générale et la mécanique
quantique proposent deux
descriptions contradictoires dela réalité physique : l'une, une
géométrie lisse et localisée de
l'espace-temps; l'autre, une agi
tation perpétuelle régie par le
principe d'incertitude. Pour la plu
part des physiciens, cette incom
patibilité suggère que la relati
vité générale ne serait pas si ..
« générale » que cela. Une autre
théorie, sous-jacente, resterait
donc à déterminer.
La théorie des cordes ne s'est pas
toutde suite présentée comme une
candidate. Elle a pris naissance à
la fin des années 1960 avec les
Cette formegéométriqueévoque l'espaceà dix dimensionsdans lequel sedéploie la théoriedes cordes.Les dimensions
imperceptiblesseraientenrouléesles unes sur
les autres,à des échellestrèspetites.
travaux
de Gabriele
Veneziano, alors à l 'institut
Weizmann, en Israël. Ce dernier
cherchait à comprendre la nature
de l'interaction forte, interaction
dont l'intensité se fait d'autant
plus sentir entre deux particules
que celles-ci s'éloignent l'une de
l'autre. Un peu comme si elles
étaient reliées par une« corde»,
dont la tension déterminerait l'in
tensité de l'interaction.
Ce qui permit d'interpréter la
théorie des cordes de Veneziano
comme
une théo
rie de la gra-
vité quantique
fut une prédiction inattendue,
et même plutôt embarrassante.
Comme pour les trois forces non
gravitationnelles, les physiciens
supposent l'existence d'une par
ticule médiatrice de la gravité :le
«graviton». Pour rendre compte
des propriétés de cette force, i l 1:::doit transmettre une interaction
attractive, avoir une portée inti-
nie et exister en nombre illimité.
Dans le langage quantique, cela
gsignifie que la masse du graviton
doit être nulle et que la valeur
d'un paramètre quantique fonda-
mental, appelé « spin », >»
N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 41
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Théorie des cordes :4 raisons d'un succès
»> soit égale à 2. Or, la théo
rie des cordes prévoit l'existenced'une particule présentant exactement ces caractéristiques. Et
cette prédiction n'a de sens que sila théorie des cordes ne décrit pasuniquement l'interaction forte.
FAIRE DISPARAÎTRELES INFINIS
C'est ainsi que, vers le milieudes années 1970, Joël Scherk, del'École normale supérieure, JohnSchwarz, de l'Institut de technologie de Californie, et TamiakiYoneya, de l'université Hokkaido,au Japon, ont reformulé la théoriedes cordes comme une théorie de
la gravitation quantique. Avecl'aide d'un petit groupe de physiciens, ils l'ont modifiée jusqu'àréussir à faire disparaître lesquantités infinies dans les équa
tions combinant la relativitégénérale et la mécanique quantique. Mais, pour cela, plusieursrévisions radicales sur nos représentations de la réalité physiqueont été nécessaires.
En premier lieu, ces physicienssont partis de l'hypothèse selonlaquelle un objet élémentaire necorrespond pas nécessairementà un point. Ce que nous appelons<<particule » serait la manifesta
tion de petits filaments d'énergieen vibration : des « cordes », quipeuvent être soit ouvertes, soitfermées. La trajectoire d'une cordefermée présente ainsi une formetubulaire et ses interactions formeraient un réseau de tubes
intersectés [fig. 1].Il n'y aurait donc plus une
multitude de particules, mais
un seul objet élémentai re: une
corde vibrante régie par les loisde la mécanique quantique. De
la même manière qu'une cordede violon produit différentes
notes de musique, les modes de
vibration des cordes quantiquesdonneraient lieu à des particules de nature diverse (électron,photon, etc.} et aux caractéristiques variables (la masse, la
charge ..}. Et si elles apparaissentcomme des points lorsqu'on les«observe» dans les accélérateursde particules, c'est parce qu'ellesseraient extrêmement petites :un
milliard de milliards de fois plusqu'un proton.
Ce n'est pas tout. Car la théoriedevient cohérente seulement siles cordes n'évoluent plus dans un
espace-temps à quatre dimensions,mais à dix !Les dimensions «supplémentaires » seraient compactées, enroulées sur elles-mêmesà des échelles infinitésimales oùla gravité quantique se manifesterait. Pour illustrer cette notion,prenons l'exemple d'un tuyau
d'arrosage. Vu de loin, il apparaîtcomme un fil à une dimension.De près, il en occupe deux: l'uneest constituée par les sections de
cercle ;la seconde par le tuyau quis'étend d'une extrémité à l'autre.L'hypothèse d'un espace-temps à
SELON LE MODÈLE STAN-DARD DE LA PHYSIQUE
DES PARTICULES, ces der·nières sont des points (enhaut). Leurs trajectoiressont des droites, qui secroisent quand deux par·ticules interagissent. Parexemple, un électron etun positron forment un Positronphoton, qui se dissocielui·même en un quark etun antiquark. En théoriedes cordes, les particulessont des modes de vibra ·tion d'une corde fermée :leurs trajectoires formentdes tubes, qui fusionnentlors des interactions.
42 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N 43
dix dimensions est parfois l'objetde moqueries par les détracteursde la théorie des cordes. Celle-ci
aurait « perdu pied » avec la réalité que nous connaissons. Maison peut aussi retourner l'argument. Pour quelle raison, en effet,l'espace-temps aurait-il quatredimensions? Pourquoi pas trois,ou cinq? D'une certaine manière,ce nombre s'impose à nous defaçon arbitraire. Ce n'est pas le casavec la théorie des cordes.Pour lapremière fois, un calcul permettrait de déterminer le nombre de
dimensions sans a priori.
2. Elle rend possiblel'unification desforces de la physique
Son développement coïncideavec celui d'une autre activitéde recherche particulièrementambitieuse :réunir, dans un cadreunique, toutes les forces fondamentales.Ces deux activités n'ontpas tardé à se rejoindre. En 1974
- année où la théorie des cordesa été proposée pour la gravitéquantique -, Sheldon Glashowet Howard Georgi, de l'université Harvard, supposaient l'existence d'une « grande force unifiée ». Elle se serait différenciée
Quark
Théoriedes cordes
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peu après le Big Bang. Pour étayer
cette hypothèse, les physiciens
ont calculé les variations de l'in
tensité des forces en fonction de
l'énergie. Et effectivement, dans
les conditions supposées de l'Univers primordial, l'intensité des
trois forces non gravitationnel
les semble avoir la même valeur
pour une énergie dite de « grande
unification ».
DEUX FOIS PLUS DE
PARTICULES ÉLÉMENTAIRES
Or, cette convergence est encore
plus frappante lorsque les calculs
prennent en compte une théorie
qui a été développée par les phy
siciens des cordes avant d'être
reprise, dans d'autres cadres, par
d'autres physiciens: la « super
symétrie» [fig. 2] . Il s'agit d'une
opération qui transforme toutes
les particules du Modèle standard
en d'autres possédant la même
charge, mais un spin différent
et une masse plus élevée. Cette
théorie multiplie donc par deux
le nombre de particules élémentaires. Elle n' a toujours pas été
testée , parce que l'énergie des
équivalents supersymétriques est
très grande. Pour cela, les physi
ciens sont dans l'at tente des résul
tats du nouveau collisionneur du
CERN, le LHC, qui a commencé à
fonctionnerfin 2009 et qui monte
progressivement en puissance.
La supersymétrie est incluse
dans les formalismes de la théo
rie des cordes, renommée pour
cette raison « théorie des super
cordes"· Celle-ci apporte donc un
argument supplémentaire à l'hy
pothèse de Georgi et de Glashow.
Mais elle va plus loin, car elle pré
voit que l'intensi té de la force gra
vitationnelle rejoint celle des trois
autres forces à une valeur proche
de l'énergie de grande unifica
tion. Les quatre forces auraient
ainsi une origine commune. Par
ailleurs, rappelons que la théorie
des cordes est, par essence, une
théorie unifiée. Son postulat est
que les forces et les particules
LES RÉPONSES DES THÉORICIENS
Intensité
Barrière supersymétrique
Force électromagnétique E' . (G V)nerg1e e
101 105 1010 1015
LES INTENSITÉS DES INTERACTIONS forte, faible et électro-magnétique varient avec l'énergie des phénomènes. Si l'onprend en compte la supersymétrie, comme le fait la théoriedes cordes, les trois forces fusionnent en une seule à hauteénergie. Cette situation aurait prévalu très brièvement aprèsle Big Bang.
proviennent toutes d'un objet
élémentaire : une corde infinité
simale en vibration.
C'est la raison pour laquelle la
théorie des cordes es t qualifiée
de<< théorie du Tout». Il est vrai
qu'elle est la seule à fournir uncadre unique pour les quatre for
ces fondamentales. Si elle est cor
recte, elle pourrait donc mettre
un terme à la description de la
matière comme une succession de
poupées russes imbriquées.
3. Elle permettraitd'avancer dansla compréhension
de phénomènesastrophysiques
Elle a attiré pour de bon l'at
tention des physiciens en 1984,
lorsque John Schwarz et Michael
Green, alors à l'université de
Londres, sont parvenus à résoudre
les incohérences mathématiques
qui résultaient de la combinai
son entre la gravité quantique
et le Modèle standard. C'est à cemoment que beaucoup de voca
tions sont apparues. Parmi les
nouveaux arrivants se trouvaient
bon nombre d'astrophysiciens et
autres spécialistes de la relativité
générale.Ce n'était pas très éton
nant au regard des promesses de
la théorie des cordes de décrire
la physique de l'infiniment petit
à l'infiniment grand. Ces phy
siciens ont donné une nouvelle
impulsion à l'origine d'une troi
sième réussite notable : mieux
comprendre les propriétés des
trous noirs.
CE QUI SE PASSE
DANS UN TROU NOIR
Ceux-ci résultent de l'effondre
ment des étoiles massives à la fin
de leur vie. Leur force d'at traction
est tellement grande que rien, pas
même la lumière, ne peut échap
per de leur cœur. Leur géométrie
spatio-temporelle n 'est définie
que par la masse, leur vitesse de
rotation et la charge électrique.
La relativité générale ne dispose
donc d'aucun moyen pour obte
nir des informations relatives à
l'intérieur d'un trou noir.
Vers le milieu des années 1970,
le cosmologiste StephenHawking, alors à l'université de
Cambridge, démontrait que les
lois de la mécanique quantique
impliquent l'existence d'un phé
nomène appelé « évaporation
des trous noirs ». En dépit de
leurs noms, ces derniers émettent
donc, à leur surface,un rayonne
ment d'origine quantique.
Ce phénomène soulevait un
problème théorique important,
car le calcul de Hawking mo ntrait qu'après l'évaporation totale
d'un trou noir des informations
comme le type et le nombre de
particules qui ont conduit à sa
formation étaient définitive
ment perdues. Or, cette prédic
tion viole un principe fondamen
ta l de la mécanique quantique :
la conservation de la quantité
d'informations.
Appelée << entropie >>, cette
quantité est définie comme le
logarithme du nombre d'états
microscopiques d'un sys
tème pour lequel certains »>
N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 43
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< S a v o i r < SThéorie des cordes :4 raisons d'un succès
>» paramètres macroscopiques
sont supposés connus. Une théo
rie de la gravitation quantique
devrait être capable d'exhiber
les différents états possibles d'un
trou noir à partir de sa masse, sa
charge et sa vitesse de rotation.
Et, ce faisant, trouver la faille
dans le calcul de Hawking.
C'est précisément ce qu'Andrew
Strominger et Cumrun Vafa, de
l'université Harvard, on t réa
lisé en 1996 pour un type par
ticulier de trous noirs chargés.
Leur modèle microscopique
contient des cordes ainsi que
d'autres objets plus étendus et
plus lourds {appelés « branes »)
prévus par la théorie des cor
des. Il montre que l'évaporation
d'un trou noir de ce type neconduit pas nécessairementà une
perte d'information. Ce résultat a
fait naît re l'espoir de comprendre
un jour d'autres phénomènes
cosmiques, et en particulier ceux
qui sont liés aux tout premiers
instants de l'Univers.
4. Elle donne uneréponse originalesur la naturede l'espace-temps
Au milieu des années 1990, cinq
versions de la théorie des cordes
coexistaient. Laquelle choisir ?
Aucun argument mathémati-
que ne permettait de trancher.
Un problème pour une théorie à
visée unificatrice.
Le dilemme a été résolu grâce,
notamment, à Edward Witten, de
l'Institut des études avancées de
Princeton, Chris Hull, de l'univer
sité de Londres, et Paul Townsend,de l'université de Cambridge.
Ils on t démontré que les cinq
théories n 'étaient que différen
tes facettes d'un même cadre
44 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MA l ZOU • N°43
Cet article es t a version
revue et co rrigée
par ses auteurs du exteparudans le n•411
de aRecherche.
sous-jacent, baptisé« théorie M ».
Les cinq théories entretiendraient
une relation de << dualité »les unes
par rapport aux autres. Toutes
aussi pertinentes, mais plus ou
moins adaptées selon les paramètres considérés {intensité de
l'interaction entre les cordes,
mode de compaction, etc.).
Cette relation rappelle celle qui
décrit la nature de la lumière :soit
comme une onde, soit comme
une particule {le photon). ll s'agit
de deux représentations complé
mentaires d'une même réalité,
plus ou moins commodes selon la
taille du quantum d'énergie pris
en compte.
DE DIX ÀQUATRE
DIMENSIONS
En 1998, Juan Maldacena, alors
à l'université Harvard, est allé
plus loin dans la démonstration
du caractère «dual »de la théorie
des cordes. S'inspirant des tra
vaux du physicien néerlandais
Gerard 't Hooft, de l'université
d'utrecht, Maldacena a montréqu'une théorie des cordes à dix
dimensions contient la même
quantité d'informations qu'une
théorie présentant des caractéris
tiques analogues au Modèle stan
dard dans quatre dimensions {lire
« L'Universholographique >>,p.45).
La première décrirait des phéno
mènes qui se manifestent dans un
espace-temps replié; la seconde
serait pertinente à la surface du
même espace-temps.
Telle pourrait donc être la rela
tion qui lie la réalité décrite par
la théorie des cordes avec celle
que nous connaissons. Une ana
logie tirée de la vie courante aide
à mieux comprendre sa nature :
l'hologramme, où les détails d'une
image en deux dimensions sont
agrandis et reconstitués en trois
dimensions. C'est pourquoi l'hy
pothèse de Maldacena est aussidénommée « principe hologra
phique ».noffre une vision nou
velle et originale de la nature de
l'espace-temps. •
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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LES RÉPONSES DES THÉORICIENS
L'Univers comme
un hologrammeLa théorie de la gravitation dans un espace est équivalente à une théoriecomplètement différente sur le bord de celui-ci. Cette correspondancefournit une nouvelle façon d'aborder l'unification des forces fondamentales.
algré les effortsdes théoriciens,toutes les tenta-
tives de combine r mécanique
quantique avec gravitation on t
pour l'instant échoué : ces deux
théories restent incompatibles .Dans la pratique, une telle opposition n'est pas gênante, car leschamps d'application des deux
théories diffèrent. À la relativité
générale la description des objetsmassifs et gros, telles les planètes et les étoiles, et à la mécanique quan tique celle des particulesélémentaires.
Cependant, il est des situationsoù l'on doit tenir compte des effetsquantiques et de la gravitation :lorsqu'une masse importante es tconcentrée dans une toute petiterégion. Le Big Bang ou les trous
noirs sont de telles situations, où
une description unifiée s'imposerait (lire << Pourquoi il faut unifierles forces », p. 32). C'es t en analysant certaines propriétés des trousnoirs qu'une idée ouvrant une voievers la réconciliation a vu le jour.
LA SURFACE
DES TROUS NOIRS
Au début des années 1990, afinde résoudre certains paradoxes
sur la physique des trous noirs,le Néerlandais Gerard 't Hooft et
lJ\méricain Leonard Susskind ont
proposéune conjecture au développement inattendu.Ayant constaté
Miche laPetriniest professeur
à l'Université
Pierre-et-Marie
Curie à Paris.
que l'information contenue dansun
trou noir était codée à sa surface -résultat concret et bien établi - , ilson t supposé que toute l'information sur une théorie gravitationnelle dans un volume d'espace
puisse être décrite par une théoriequantique ordinaire, sans gravitation,définie sur la surface qui enveloppe le volume considéré. Cettehypothèse a été baptisée conjecture
holographique, par analogie avecun hologramme optique, un objetque l'on voit en trois dimensionsalors que l'information est codéesur un film en deux dimensions.
Cette idée aurait pu rester une
curiosité théorique. Mais, en 1997,Juan Maldacena, de l'Institut desétudes avancées de Princeton, auxÉtats Unis, a proposé une correspondance mettanten œuvre le principeholographique. De manière étonnante,cette correspondance permet,dans des cas spécifiques, de réaliserdes calculs jusqu'alors infaisables,notamment surla manière dont les
quarks sont confinés à l'intérieurdes protons et des neutrons.Avant d'aller plus loin, rappe
lons des éléments de base concernant ces particules. D'abord, »>
N' 43 • MA l 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 45
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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L'Univers comme un hologramme
L'espace anti de Sitter
COMMENT OBTENIRUN ESPACE ANTI DE SITTER? Partonsd'un espace hyperbolique, soit un espace qui ne satisfait
pas le quatrième postulat de la géométrie euclidienne: enun point Mon peut tracer une infinité de droites parallèles
(d1, d
2, d
3) à une droite donnée O Alors que la sphère a une cour-
bure positive, l'espace hyperbolique a une courbure négative.
Ajoutons à l'espace hyperbolique une dimension temporelle :onobtientun espace anti de Sitter. Lesespaces anti de Sitter ont despropriétés particulières.Àiadifférence de l'espace plat, ils ont
un bord . La correspondance entre ce qui se passe au bordet à l'intérieur est la clé de la dualité holographique.
»> les interactions entre les
quarks sont essentiellement
régies par l'interaction nucléaire
forte (ils portent aussi des char
ges électriques, mais leurs effets
sont négligeables à ces échelles).
Ensuite, la meilleure description
de cette interaction dont nous dis
posions aujourd'hui, dans le cadre
du Modèle standard de la physique
des particules, est une théorie baptisée" chromodynamique quanti
que " (désignée par QCD, son sigle
anglais). Elle décrit l'interaction
forte par des échanges de particu
les nommées des« gluons».
Contrairement à ce qui se passe
dans un atome et dans un noyau,
où l'on peut séparer électrons, neu
trons et protons,on ne voit jamais
de quarks isolés. Si l'on tente de
séparer deux quarks, l'énergie
que l'on doit fournir croît en proportion de leur séparation. Pour
expliquerce confinement, on ima
gine que les quarks sont liés par
une« corde "• une sorte de tube
de flux dû aux gluons. rénergie de
la corde augmente avec la sépara
tion. Quand elle atteint un certain
seuil, l'énergie est transformée
en une paire de quark et d'anti
quark, selon le principe d'équiva
lence entre la masse et l'énergie
énoncé par Einstein. La corde se
brise alors et de nouveaux tubes
se forment entre les nouveaux
quarks. Ce mécanisme a été testé àl'aide de simulations numériques,
mais il n'en existe pas encore de
preuve théorique formelle, car les
techniques mathématiques de la
QCD sont t rop compliquées.
En1974,dans le cadre de la QCD,Gerard 't Hooft avait proposé que,
sous certaines hypothèses (en pre
nant un grand nombre de quarks
et pas seulement les trois familles
du Modèle standard), les particu
les soumises à l'interaction forte,les hadrons, soient considérées
comme des vibrations d'une corde
qui a pour extrémités les quarks.
Cependant, la nature de cette
>Toute l'information d'une théorie gravitationnelleapplicabledans un volume d'espace pourrait être décrite par une théorie
quantique définie sur le bord de cet espace.
> La théorie des cordes fournit un exemple particulier de cette
correspondance entre un espace et son bord.>Cette dualité permet d'envisager d'une nouvelle manière
l'unification de la gravitation avec les autres forces.
46 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IMAI ZOU • N°43
corde de QCD est restée ambiguë
pendant deux décennies, jusqu'à
ce que la théorie des cordes lui
donne un nouveau statut.
Dans la théorie des cordes, les
particules sont remplacées par deminuscules cordes vibrantes. À
l'instar d'une corde de violon qui
vibre suivant différents modes
engendrant différentes notes, les
cordes vibrent selon des modes qui
correspondent aux particules élé
mentaires. ll s'agit d'une théorie en
constructionet loin d'être complè
tement comprise. Mais qu'elle soit
ou non la théorie fondamentale
de la nature, elle a permis d'éla-
borer des méthodes applicables à
d'autres domaines de la physique,
notamment au travers de la corres
pondance holographique.
L'ESPACE
ET SON BORD
Les solutions de la théorie des
cordes sont nombreuses. rune
d'elle prévoit l'existence d'un uni
vers dans lequel les dimensions
observables forment un espaceant i de Sitter. ll s'agit d 'une solu
tion particulière des équations
de la relativité générale que l'on
retrouve comme solution de la
théorie des cordes (lire (( respace
anti de Sitter "• ci-dessus). Lathéorie qui s'applique dans cet
espace (a priori de dimension quel
conque) contient la gravitation
et d'autres types de particules,
mais elle ne ressemble en rien
à ce qu'on observe dans notreUnivers. r espace anti de Sitter a en
outre un bord, qui est lui-même un
espace, mais avec une dimension
de moins que l'espace complet.
Ce qu'a montré JuanMaldacena
en 1997, c'est justement que la
théorie définie sur le bord d'un
espace anti de Sitter est de toute
autre nature que celle qui est à
l'intérieur. Cette théorie sur le
bord est une théorie quantique
des champs. Mais il a aussi déc ou
vert que, malgré leurs différences,
les deux théories (dans l'espace et
sur son bord) sont équivalentes.
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Autrement dit, elles contiennentles mêmes informations, décritesen ermes d'objets physiques totalement différents. Cette correspondance entre un espace et la
surface qui le borde évoque un
hologramme [fig.t] .De même quedans un hologramme toute l'information sur l'image tridimensionnelle est contenue dans la plaqueholographique à deux dimensions,de même toute l'information surla théorie gravitationnelle contenue à l'intérieur de l'espace an i deSitter est contenue dans la théoriedes champs sur son bord.
DES MODÈLES
TRÈS SIMPLIFIÉS
Dans certains cas, la théorie
définie sur le bord est même une
« théorie des champs conforme "(une théorie quantique avec certaines symétries), très proche dela QCD :elle contient les analoguesdes quarks et des gluons. Si l'onconsidère une corde fondamentale qui s'étend dans l'espace anti
de Sitter et dont les extrémités sontfixées au bord, avec la théorie deschamps sur le bord, on peut interpréter ces extrémités comme une
paire de quark e t d'antiquark; lereste de la corde correspond au
tube de flux de gluons liant les deuxquarks.répaisseur du tube de fluxest alors déterminée par la profondeur à laquelle la corde se trouve àl'intérieur de l'espace anti de Sitter.Grâce àcette dualité, on peut inter
préter la corde QCD comme une
corde fondamentale de la théoriedescordes. C'est une première réalisation concrète de l'idée émise pa rGerard 't Hooft en 1974
Depuis sa découverte, la dualitéholographique a permis d'utiliser la théorie gravitationnelle àl'intérieur d'un espace anti deSitter pour explorer certaines propriétés quantiques des théories
des particules. Ainsi, lorsque lesinteractions entre particules sontfortes et que les techniques de
calcul standard de la théorie deschamps ne s'appliquent plus, on
LES RÉPONSES DES THÉORICIENS
peut utiliser cette correspondanceentre les deux théories.Des calculsdifficiles sur le bord sont alors remplacés par des calculs plus facilesdans l'espace anti de Sitter.
Il convient de rester prudent.Même si elles ont plusieurs caractéristiques communes avec la
QCD ou, plus généralement, avecle Modèle standard, les théoriesdes champs que l'on peut défini r sur le bord de l'espace anti deSitter sont des modèles simplifiés.Ils sont même assez éloignés dumonde réel.
Ces modèles simplifiés onttout
de même permis d'analyser plusaisément certaines propriétés dumonde réel dans quelques casconcrets.Ainsi, récemment, dansle Collisionneur d'ions relativistes, le RHIC, situé à Brookhaven,aux États-Unis, les expériencesde collisions de noyaux d'or à trèsgrande énergie ont permis d'explorer un e nouvelle phase de la
matière. Selon la QCD, quarks et
gluons, qui aux basses énergies
sont confinés dans les hadrons,deviennent à très haute énergiedes particules libres qui interagissent très faiblement :elles forment
.s ::, . •:, : .:. .:;• • •.....•1. • ••••;-·:'
LESQUARKS(pointscolorés)évoluantàlasurfaced'unespaceanti de Sitter (figurée ici par une sphère) correspondentà desparticules soumises à la gravité situées à l'intérieur de l'es·pace, telles celles qui forment ici une fleur. Certains calculssont plus faciles à réaliser dans l'espace que sur son bord.
une sorte de gaz, un plasma dequarks et de gluons. Or les résultats du RHIC contredisent cetteprédiction et indiquent que,mêmeà haute énergie, les interactionsentre quarks et gluons restent
fortes : expérimentalement, le
« plasma » se comporterait plutôtcomme un liquide.
GRAVITÉ QUANTIQUE
ET THÉORIE DE CHAMP
Comment réconcilier théorie
et expérience ? Les simulationsnumériques de QCD, habituellementutilisées pour étudier les particules en interaction forte, sontmalheureusement inapplicablesdans ce cas. En utilisant des calculsfaits à l'aide de la théor ie gravitationnelle duale (celle de l'espaceanti de Sitter), Guiseppe Policastro,de l'École normale supérieure, et
ses collègues ont réussi à retrouver des résultats en accord avec lesdonnées expérimentales.Plus surprenant encore, d'autres commencent àutiliser les outils théoriques
de la dualité holographique dansdes domaines très différents dela physique. Par exemple, ceux-ciont été appliqués, en physique dusolide, à l'étude de supraconducteurs à haute température, danslesquels les calculs de mécaniquestatistique réalisés habituelle-
ment ne s'appliquent pas.À ce jour, la correspondance
entre espaces anti de Sitter et théories des champs conformes est le
seul exemple concret de la conjecture holographique. La gravitéquantique dans les espaces anti deSitter est décrite en termes d'unethéorie de champ, qui es t donccompatible avec les propriétés dela mécanique quantique. Certainsy voient une coïncidence, car on
est loin d'avoir des constructionssimilaires pour des modèles réalis- ates de notre Univers. D'autres phy-
siciens pensent que ces construc-tions, qui nous fourniraient une
théorie assez simple de la gravitéquantique, n'attendent que nos 1:2efforts pour les découvrir. •
N' 43 • MA l Z011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 47
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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L'hypothèse
des mondes parallèlesPlusieurs théories physiques, construites sur des bases différentes,convergent vers un scénario qui relevait, il y a peu, de la science-fiction :notre Univers n'est qu'un exemplaire parmi une multitude d'autres.
uste un parmi tant
d'autres! Notre Univers,
pourtant immense, ne
serait qu'une infime
partie d'une structure
cosmique bien plus vaste, un
simple échantillon d'une multi
tude de mondes. La littérature et
le cinéma n'ont cessé d'explorer
cette idée. Et pas seulement la
science-fiction. Par exemple, dans
le film en deux volets Smoking/
No Smoking du réalisateur français Alain Resnais, le début de
l'histoire repose sur la décision de
l'un des personnages de fumer ou
pas. Chaque volet du film propose
ensuite six fins possibles à cha
cun de ces débuts. Douze scénarios
dans douze univers différents, tous
aussi réels les uns que les autres !
La notion d'univers multiples
pousse cette idée à l'infini: tous
les scénarios ont lieu. Celui d'un
monde doté de galaxies, d'étoileset d'une Terre, dans lequel vous
commencez à lire cet article. Celui
du même monde, dans lequel vous
avez déjà fini votre lecture. Mais
aussi celui d'un monde sans étoile,
ni planète, ni lecteur. Et une infi
nité d'autres encore.
La proposition est vertigineuse,
mais est-elle scientifique? ridée
d'une multitude de mondes n'est
pas nouvelle {lire '' Les univers
multiples au fil du temps», p.so).
Anaximandre de Milet, penseur
grec, la défendait déjà il y a vingt
six siècles. Elle a même valu le
bûcher à Rome, en 16oo, au philo
sophe i talien Giordano Bruno, quiavec ses « infinités de mondes »
bousculait une vision du monde
centrée sur not re Terre. Mais il y a
seulement trente ans, les théories
décrivant d'autres univers que le
nôtre étaient considérées comme
de la métaphysique.
Aujourd'hui, bien que l'hypo
thèse demeure spéculative et
controversée, elle a gagné le champ
scientifique.Elle paraît même très
stimulante, à en croire le nombrede scientifiques de renom qui
s'y intéressent. rouvrage qui fait
référence sur le sujet Universe or
Multiverse, publié sous la direction
> L'idée que le monde dans lequel nous vivons appartiendrait
à un paysage beaucoup plus vaste est entrée dans le champ
scientifique au milieu du xx• siècle.
>Des théories cosmologiques aboutissent à l'existence
d'autres mondes séparés du nôtre.> Les théories fondamentales, théorie des cordes ou méca-
nique quantique, sont compatibles avec cette hypothèse.
48 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl Z011 • N' 43
Hélène
Le Meurest journalisteà La Recherche.
du cosmologiste Bernard Carr de
l'université QueenMary à Londres,
en témoigne. Tout autant que les
colloques autour de cette question
qui se multiplient.
Ces dernières années, ils sont
même devenus pour certains physi
ciens théoriciens, comme Thibault
Damour de l'Institut des hautes
études scientifiques, « un outil de
travail dont on ne peut plus Jaire
l'économie". D'autres s'y opposent
fortement, considérant que l'hypothèse ne peut de toute manière être
testée, à l'instar du Prix Nobel de
physique 2004, David Gross.
PLUSIEURS FAÇONSDE CRÉER DES UNIVERS
Toujours est-il que différentes
théories, en cherchant à décrire
l'Univers et les forces qui le gou
vernent, conduisent à l'exis
tence d'univers multiples. Ils
ne sont donc pas tous de mêmenature. Et les visions diffèrent
sur la manière dont émergent ces
univers multiples.
Le multivers, appellation choisie
par opposition à univers, recouvre
donc différents types de multi
mondes. Ce qui entretient parfois
une certaine confusion, reconnaît
Max Tegmark, du MIT, qui a pro
posé une classification des multi
vers pour clarifier les choses.Nous
retiendrons les quatre catégories
le plus évoquées.
Le premier type, le plus élé
mentaire, découle directement
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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de l'application de la relativité
générale d'Einstein au cosmos.
L'Univers désigne tout ce qui
nous entoure. Mais, la vitesse
de la lumière étant finie, notre
capacité d'observation est limitée . Seul un certain volume nous
est accessible. Dans le modèle
du Big Bang, en tenant compte
de la distance parcourue depuis
13,7 milliards d'années pendant
que l'Univers s'agrandissait, ce
volume correspond actuellement
à une sphère centrée sur laTerre et
dont le rayon est d'environ 46 mil
liards d'années-lumière [fig.1] .
Or , la relativité générale nous
dit aussi qu'au-delà de cet hori
zon un espace infini peut exister.
LES RÉPONSES DES THÉORICIENS
En tout cas,dans la configuration
d'un espace à courbure nulle, qui
est la géométrie la plus simple
en accord avec les observations,
actuellement.
UNE RÉPARTITION INÉGALE
DE LA MATIÈRE
Lemultivers dans ce cas désigne
l'ensemble de cet espace infini
où les zones situées au-delà du
volume qui nous est accessible
abritent de nouveaux univers :
d'autres volumes de même
format, juxtaposés les uns aux
autres. Suivant cette vision, nous
humains, nous trouvons simple
ment dans une partie du multivers
où sont réunies les conditions très
particulières nécessaires au long
processus qui conduit à l'émer
gence de la vie. Dans ce multi
vers élémentaire, les lois de la
physique sont les mêmes d'une
sphère à l'autre, mais les conditions y diffèrent selon la manière
dont les mécanismes à l'œuvre
lors du Big Bang ont réparti la
matière.Selon Max Tegmark, des
univers jumeaux, copies à l'iden
tique, peuvent exister, mais pas
à moins de (1010) 11s mètres l'un de
l'autre. Peu de chances donc de
rencontrer son double.Le premier
des multivers consiste donc en une
simple juxtaposition d'univers.
La deuxième catégorie est
plus complexe. Elle émane >»
N°43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 49
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( .... ~ a v o i r ~L'hypothèse des mondes parallèles
»> du modèle cosmologique leplus en vogue aujourd'hui pour
décrire l'évolution du tout jeuneUnivers, l'inflation cosmique.
UNE INFINITÉDE BIG BANG
C'est dans les années 1980 quele cosmologiste d'origine russeAndrei Linde, aujourd 'hui à l'université Stanford, a mis au pointun modèle détaillé d'inflation.Selon cette théorie, notre Universa connu une gigantesque phased'expansion, juste après le BigBang : à w ·3s seconde, la taille
du tout jeune Univers extrêmement chaud et dense aurait brusquement été multipliée par un
facteur ws o. Cette accélération
démesurée permet d'expliquerpourquoi l'Univers est si homogène à grande échelle et également de rendre compte de l'apparition des grandes structures
cosmologiques, comme les amasde galaxies, telles qu'elles sont
aujourd'hui observées.Mais la théorie de Linde va
encore plus loin :elle suppose quel'espace-temps est en perpétuelleinflation. C'est l'inflation éternelle.Plus précisément, certaines régionscontinuent à connaître une phased'inflation conduisant à autant
de bulles distinctes et donnant
lieu à une infinité de big bang.Chaque big bang crée un univers.L'hypothèse est très spéculative.Mais il s' agit là d'un multivers bien
plus divers que le précédent.Depuis quelques années, ce« multivers-bulle >> s'est vu renforcé par le développement de lathéorie des cordes, qui cherche,elle, à décrire toutes les inter-
actions fondamentales de la physique :électromagnétisme, forcesnucléaires et, surtout, gravitation(lire <<Théorie des cordes :4 raisonsd'un succès »,p. 40 . Cette théorie
Les univers multiples au fi l du temps
en quête d'unification des lois dela nature, où toutes les particulesapparaissent comme des modes devibration d'une corde élémentaire,à l'instar d'une corde de violon qui
peut générer toutes les notes dela gamme, est encore loin d'avoiratte int son but. Pour l'instant, aulieu de mener à une seule théorie,elle a conduit à 10soo, voire 10100 0
,
théories différentes !
Ainsi lorsque l'inflation éternelle est pensée dans le cadre dela théorie des cordes, la diversitédu multivers-bulle explose. C'estcette version que défend LéonardSusskind, l'un des pères de la théorie des cordes, lui aussi professeurà Stanford. Ce multivers est une
structure gigogne composée d'uneinfinité d'univers-bulles, dotéschacun de ses propres lois de laphysique, et abritant chacun uneinfinité d'univers élémentaires.Làencore, dans cet insondable paysage, nous nous trouverions simplement dans un îlot, particulièrement bien adapté à la vie.
Mais ce type de multivers esttrès critiqué par Lee Smolin, del'institut Perimeter au Canada.Celui-ci est connu pour sa sévéritéà l'égard de la prédominance dela théorie des cordes en physiquethéorique. Selon lui, aucune prédiction ne permet de la tester etelle échappe à toute expérience,le niveau des énergies en jeu
dans ces phénomènes étant tout
VIE SIÈCLE AV. J.·C. Première cosmologie non mythologique : des
mondes apparaissent quand d'autres disparaissent (Anaximandre,
penseur grec).
1110. Multitudedes mondes possibles parmi lesquels notre Univers
est le meilleur (Gottfried Wilhelm Leibniz, philosophe et mathé-
maticien allemand).
VE·IVE SIÈCLE AV. J.·C. Les atomes et les mondes sont en nombre
illimité (Démocrite, philosophe grec).
1440. Pluralité des mondes dont les habitantssedistingueraientpar leur
caractère propre (Nicolas de Cues, philosophe etthéologien allemand).
1552.11 existe plusieurs mondes et, selon le cycle du temps, il tombe des
véritésdanslesmondesdisposéssuivantunestructuretriangulaireautour
des idées platoniciennes (François Rabelais, humaniste français).
1584. Des mondes infinis distincts les uns des autres (Giordano
Bruno, philosophe italien).
1686. Conversations galantes à propos de la pluralité des mondes
(Bernard le Bouyer de Fontenelle, philosophe français).
50 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl ZOll • N' 43
1957. Les mondes parallèles entrent dans le champ de la physique
par l'intermédiaire de la mécanique quantique (Hugh Everett,
physicien américain).
1977. Mondes multiples réels et coexistants, créés par l'usage de
symboles (Nelson Goodman, philosophe am éricain).
1982.1ntroduction de multivers dans le domaine de la cosmologie
avec le scénario d'une inflation éternelle (Andrei Linde, physicien
américain d'origine russe).
1986. Tout ce qui pourrait se produire dans notre monde se
produit réellement dans un autre monde (David Lewis, philo-
sophe américain).
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simplement hors de notre portée.
Pour autant, sa théorie l'a amené
à proposer une autre approche en
1992 : l'hypothèse de la << sélec
tion naturelle cosmologique »,
qui conduit à un troisième typed'univers multiple.
Lee Smolin est l'un des inven
teurs de la << gravité quantique à
boucles », théorie quantique de
la gravitation. Or celle-ci ne pré
dit pas de singularité centrale des
trous noirs, ce lieu où la densité
et la courbure de l'espace-temps
deviennent infinies.Dans ce cas,
très proche du centre, la gravité
devient répulsive. Tout se passe
comme si la matière se contrac
tait vers le centre pour rebon
dir dans un e nouvelle phase
d'expansion.
LA SÉLECTION NATURELLE
DES LOIS PHYSIQUES
Un nouvel univers en expansion
naîtrait ainsi à l'intérieur même
du trou noir. Et chaque trou noir
formé engendrerait lui-même un
univers. Notre monde aurait aumoins 10 '8 enfants-univers créés
par ses trous noirs. Dans ce mul
tivers imbriqué, très inspiré de
l'évolution darwinienne biolo
gique, chaque univers transmet
à sa descendance ses propres lois
de la physique, légèrement modi
fiées par les fluctuations quan
tiques au moment du « rebond »
dans le trou noir,évitant ainsi une
simple réplication à l'identique.
Un te l mécanisme évolutif
favoriserait les lois qui maxi
misent la production de trous
noirs, c'est-à-dire la procréa
tion. Séduisant, ce modèle n'en
demeure pas moins embryon
naire.Il reste en particulier à pré
ciser le mécanisme de la trans
mission des lois de la physique.
Mais, d'après son auteur, il a le
mérite d'établir des prédictions
testables. Il fixe, entre autres, la
masse limite supérieure d'une
étoile à neutrons, étape inter
médiaire entre l'explosion de
supernova d'une étoile massive
LES RÉPONSES DES THÉORICIENS
DEPUIS LA TERRE, nous ne pouvons observer qu'une partie limitée de l'Univers.Dans le cadre du modèledu Big Bang, la lumière la plus lointaine qui nous arrive est celle du fond diffus cosmologique, premierrayonnement émis il y a un peu moins de 13,7 milliards d'années. Mais l'Univers étant en expansion,cet horizon cosmique se situe à environ 46 milliards d'années·lumière.
Cet article est la version
revue et corrigéepar son auteu rdu texteparu dans le n• 433de La Recherche.
et la formation d'un trou noir,
autour de 1,6 masse solaire.Enfin,la dernière catégorie d'uni
vers parallèles nous vient d'un
tout autre horizon.Les précédents
découlaient de théories décrivant
la gravitation,force à l'œuvre aux
plus grandes échelles de l'Univers.
Celui-ci nous vient de la mécani
que quantique, cadre théorique
qui explique le monde de l'infi
niment petit. Longtemps consi
déré comme farfelu, c'est en fait
le premier multivers scientifiqued'un point de vue historique. En
1957, le physicien américain Hugh
Everett, alors à Princeton, propose
une interprétation iconoclaste de
la théorie quantique . Il pousse
jusqu'au boutle principe de super
position des états de la matière
que requiert cette théorie. Selon
ce principe,un système quantique
peut être dans plusieurs états à la
fois. Les mesures de ce système
peuvent conduire à des résultats
différents . Pour Everett, ce prin
cipe n'est pas juste vrai à l'échelle
microscopique, i l l'es t aussi à
l'échelle macroscopique. Les dif
férents résultats de mesure possibles coexistent comme autant de
réalités parallèles : tous les mon
des existent! Celui où l'on fume
et celui où l'on ne fume pas. Et
ils se ramifient sans cesse en de
nouveaux mondes. Pourquoi n 'en
observons-nous alors qu'un seul?
Simplement parce que nous ne
pouvons voir que celui dans lequel
nous nous trouvons.
Si étonnante soit-elle, l'interpré
tation d'Everett est aujourd'huiconsidérée de plus en plus sérieu
sement par certains physiciens.
Pour Thibault Damour : « C'est
même celle qui s'impose désor-
mais. " Et dans la classification
du cosmologiste Max Tegmark,
les univers d'Everett se placent
au même niveau que le multivers
bulle inflationnaire. Ils ajoutent,
selon lui, simplement davantage
encore de copies impossibles à
distinguer.Ce qui paraissait pure
ment métaphysique, il y a peu,
semble donc gagner ses lettres de
noblesse scientifiques. •
N' 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 51
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<Savoir<S )
Réinventer les lois
de la gravitationLa théorie de la relativité générale est l'un des succès de la physiquedu xxe siècle. Mais des astrophysiciens pensent qu'ilfaudraitla modifier pour mieux rendre compte des observations cosmologiques.
u cours de la der
nière décennie,
notre vision de
l'Univers a connu
un profond boule
versement. ll résulte des progrès
de la cosmologie observation
nene qui ont permis de détermi
ner avec précision tous les para
mètres de l'Univers -tels que son
âge, sa structure et, surtout, son
contenu.Ces avancées conduisent
à une conclusion surprenante quia considérablement obscurci le
ciel de la cosmologie et de la phy
sique fondamentale : le modèle
actuel de l'Univers requiert l'exis
tence d'entités invisibles emplis
sant tout le cosmos.
PAS ASSEZ DE MATIÈRE
DANS L'UNIVERS
Dans ce modèle, la relativité
générale- tout comme sa formu
lation à des vitesses faibles devantcelle de lalumière,la théorie new
tonienne de la gravitation-décrit
correctement la dynamique des
galaxies. Mais à condition que les
galaxies contiennent une grande
quantité de<< matière noire», de
nature inconnue et encore jamais
observée de manière directe. Par
ailleurs, une autre entité énigma
tique, baptisée« énergie noire»,
est également nécessaire pour
expliquer l'expansion accélérée
de l'Univers depuis le Big Bang.
La matière visible e t ordinaire ne
rend désormais plus compte que
d'à peine 5% de la matière et de
l'énergie totales présentes dans
l'Univers [fig . t] .
Comment incorporer cette
matière noire et cette éner
gie noire au sein des lois de la
physique ? Deux solutions sont
possibles. La première, qui est au
cœur du modèle cosmologique
actuel, repose ainsi sur l'addi
tion de composants inconnus,
dans le cadre de la relativité
générale et de la dynamique newtonienne
comme théories
de la gravi
t a t ion .
52 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE jMAl 2011 • N' 43
Luc Blanchetest directeurde recherche
à l'Institutd'astrophysiquede Paris.
FrançoiseComllesest astronomeà l'Observatoirede Paris.
La seconde implique une révision
profonde de ces théories. Telle
es t l'approche adoptée par un
nombre de plus en plus important
de physiciens
Une telle révision a déjà eu
lieu au xrx· siècle: pour expli
quer la précession
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anormale de Mercure, Urbain
Le Verrier postulait l'existence de
Vulcain, objet invisible gravitant
entre le Soleil et Mercure. Mais la
bonne solution a été trouvée en
modifiant la loi de Newton et en
la prolongeant dans une théorie
plus fondamentale, la relativité
générale,confirmée par des obser
vations en 1919 .
Une quinzaine d'années plus
tard,les observations ont conduit
à nouveau à postuler l'existence
d'une matière manquante dans
l'Univers . En 1933, l'astronome
suisse Fritz Zwicky constatait
que plusieurs galaxies situées
dans l'amas de Coma se dépla
çaient beaucoup plus vite que
prévu par les lois de la gravi
tation newtonienne . Ces lois
étaient toujours utilisées par les
cosmologistes, car, dans un amas
de galaxies, elles ne
LES RÉPONSES DES THÉORICIENS
>Les observations cosmologiques des dernières décennies
indiquentque la matière ordinaire occuperait une place infime
dans l'Univers.
>Des physiciens réfutent cette interprétation, qui fait intervenir
de la matière et de l'énergie noires, de nature indéterminée.> Ils proposent de nouvelles théories dans lesquelles la gravi-
tation s'exercerait différemment selon les échelles.
sont pas contredites par la relati
vité générale, et leur utilisation,
plus commode, reste pertinente
dans de nombreuses situations.
Pour expliquer cette observa
tion à l'aune de la gravitation new
tonienne, la masse des galaxies
devait être cent fois plus impor
tante que la valeur déterminée à
parti r de la matière visible. Cette
matière manquante a été quali
fiée de << noire >> , faute de mieux.
Par la suite, d'autres as tronomes
ont découvert l'existence d'un gaz
très chaud émettant des rayons X
qui représente en fait l'essentiel
de la matière visible dans les
amas de galaxies. Mais pasassez pour expliquer
les observations
de Zwicky.La
matière
no ire
Les fluctua-
tions du fond dif-fus cosmologique,
premier rayonnement
librement émis dans l'Uni-vers, renseignent notamment sur
les proportions relatives de matière ordi-naire et de matière noire {id une simulation des
observations du satellite Planc1r).
restait encore dominante - six
fois plus importante, environ,que
la matière ordinaire.
Zwicky ne parvint pas à
convaincre ses collègues de l'im
portance desa
découverte. Ellefut d'ailleurs oubliée des décen
nies durant. Cependant, à partir
des années 1970,des observations
concernant la rotation des galaxies
spirales ont mis en évidence l' exis
tence d'une grande quantité de
matière manquante, non plus
seulement au niveau d'un amas
de galaxies, mais des galaxies
individuelles.Là encore, ces obser
vations contredisaient les lois de
la gravitation newtonienne, quine restaient valides que si l'on
estimait que les galaxies étaient
entourées de gigantesques halos
de matière invisible.
LA MATIÈRE NOIRE
EST RÉVÉLÉE
Plusieurs autres éléments sont
venus corroborer son existence.
Depuis une dizaine d'années, par
exemple, les << lentilles gravita
tionnelles » permettent de carto
graphier la matière noire au voi
sinage des grandes structures
galactiques. Les galaxies les plus
éloignées émettent en effet des
rayons lumineux qui, dans la ligne
de visée, sont déviés par la matière,
noire ou ordinaire, avant d'être §détectés par les télescopes (Lire «La
matière noire dévoilée par les len-
tilles gravitationnelles »,p.54).En
analysant la déviation des rayons, gon peut ainsi repérer la matière
noire dans l'Univers. gL'existence de la matière
noire est également étayée >»
N' 43 • MAl ZOl l l LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 53
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6 a v o i r 6Réinventer les lois de la gravitation
>» par les fluctuations du fonddiffus cosmologique, rayonne
ment « fossile » dont la température est de 3 kelvins, émis 380 ooo
ans après le Big Bang.Ces observations constituent
les fondements d'un modèle del'Univers où la matière ordinairen'occupe qu'une place minime.La matière noire serait constituée de particules inconnues - sice n'est qu'elles sont froides et
n'interagiraient pas ou très peuavec la matière ordinaire.BaptiséCDM, sigle anglais de « Matièrenoire froide », ce modèle domineactuellement le champ de la
cosmologie.Fondé sur la relativité géné
rale, ainsi que sur tous les acquisde la physique des particules,i l rencontre de fait un grand
nombre de succès dans sa description de l'Universà grande échelle.L'énergie noire explique l'expansion accélérée. La matière noirejoue, elle aussi, un rôle essentiel,car c'est elle qui aurait façonnél'Univers dès ses premiers instants en entraînant la matièreordinaire dans un effondrementgravitationnel. Sans la matière
51 L'ON DÉCRIT LA GRAVITATION à l'aide de la relativité géné-rale, les mesures cosmologiques indiquent que la matièreordinaire emplit à peine 5% de l'Univers. Ce dernier seraitmajoritairement composé de matière noire (23 %} et d'éner-gie noire (72%} dont la nature est inconnue.
noire, es simulations numériquesse révèlent ainsi incapables dereproduire et d'expliquer la formation des grandes structures del'Univers actuel.
Le modèle CDM présente toutefois plusieurs faiblesses à l'échellegalactique, mises en lumière par
ces mêmes simulations. Selonelles, en effet, la matière noirese concentre beaucoup trop à
La matière noire dévoilée par les lentilles gravitationnelles
l 'intérieur des galaxies . Aupoint que la Voie lactée devraitêtre largement dominée par lamatière noire. Or les observations indiquent le contraire. Les
simulations prédisent aussi unecertaine taille pour les disquesdes galaxies spirales, qui est dix
fois moins importante que la
taille observée en réalité. D'autrepart, le modèle CDM prédit centfois trop de satellites gravitantautour d'une galaxie comme laVoie Lactée.
Confrontés à cette liste, non
exhaustive, des problèmes dumodèle CDM, ses partisans n'en
démordent pas et prétendent queces « anomalies » seront tôt ou tardexpliquées. Elles se résorberontlorsqu'une série de phénomènescomplexes pourront être intégrésaux simulations numériques, telsque l'effet des supernovae• sur lamatière noire ou les modalitésdes
interactions entre la matière noireet la matière ordinaire.
Une seconde solution existenéanmoins.Les cosmologistes neferaient-ils pas en réalité fausseroute en cherchant à extrapolerles lois de la relativité généraleet de la gravitation newtonienneà l'échelle de l'Univers? C'estce que prétend depuis plus de
UNE LENTILLE GRAVITATIONNELLE est un objet massif qui exerce
un fort champ gravitationnel et dévie les rayons lumineux passant
à proximité.les cosmologistes les utilisent pour repérer la matièrenoire au sein des grandes structures de l'Univers, comme dans l'amas
LE PLUS PETIT AMAS (à droite) semble avoir traversé le gros
(à gauche) comme un boulet. la pointe de couleur rouge, à
droite, montre l'onde de choc qui permet de mesurer la vitessede la collision (environ 4 700 kilomètres par seconde). Tous
de galaxies- dit du<< Boulet»- repré
senté sur la photographie ci-contre.
L'AMAS DU BOULET est en fait consti
tué de deux amas en collision. À la
photographie optique de l'ensemble
est superposée, en rouge, l'émis
sion de rayons Xdu gaz chaud qui
se trouve dans chaque galaxie; et,
;Q en bleu, la masse totale projetée sur
le ciel qu'observent les astronomes.
la distribution de cette masse cor·
respond à la masse cumulée desdeux amas reconstruite par lentilles
gravitationnelles.
54 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE I IIAI ZOU • N' 43
les composants de l'amas ne réa·
gissent pas de la même manière.
les galaxies et la matière noires'interpénètrent sans quasimentinteragir. le gaz chaud est, quant àlui, toujours freiné, si bien que les
composantes gazeuses des deux
amas sont plus rapprochées que
les deux centres de masse. la dif
férence de comportement entre les
galaxies, les gaz chauds et la matièrenoire permet de séparer ces diffé
rents constituants et, partant, de
cartographier la matière noire.
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vingt-cinq ans l'astrophysicien
Mordehaï Milgrom, de l'institut
Weizmann, en Israël. Au début
des années 1980, il cherchait à
expliquer l'origine des fortes
concentrations apparentes dematière noire au voisinage des
galaxies.Ses travaux l'ont conduit
à constater que la dynamique
« anormale » des galaxies pouvait
très bien s'expliquer, non pas en
postulant l'existence de la matière
noire, mais en modifiant les lois
de la gravitation.
UN CHAMPGRAVITATIONNEL LIMITÉ
L'intensité de la force de gra
vité évoluerait d'une manière dif
férente de ce que Newton avait
établi. Elle ne diminuerait pas
de façon proportionnelle à l'in
verse du carré de la distance sépa
rant deux objets massifs. Selon
Milgrom, il existerait en fait un
champ gravitationnel limite,noté
•• a.» (établià1,2x10 -10 ms--:z),autre
ment dit une accélération, délimi
tant deux régimes distincts.Dans le régime des grandes
accélérations, supérieures à a.
-celui auquel nous sommes habi
tués, vérifié sur Terre et dans le
système solaire - ,la loi de Newton
demeurerait exacte. Mais dans
le régime des faibles accéléra
tions, inférieures à a•• cette loi ne
serait plus valable. Elle devrait
être remplacée par une formule
établie en1983par Milgrom-bap
tisée MOND, acronyme anglais
de « dynamique newtonienne
modifiée ».Dans le cadre de cette
formule, qui relie l'intensité de
la force de gravité à la masse et
à l'accélération limite, a•• celle-ci
est considérée comme une nou
velle constante fondamentale de
la physique.
La formule deMilgrom n'est pas
une théorie physique à propre
ment parler.Ce n'est qu'une équation empirique, une « recette »
ad hoc très controversée au
moment de sa formulation, qui
ne rentre pas dans le cadre des
*Une supernovacorrespondà l'ensembledes phénomènesqui résultentde l'explosiond'une étoile .
*Une métriqueest une fonctionmathématiquequi définit les
distances séparantles différentsévénements dans
l'espace-temps .*Un champscalaire est unefonction qui associeun nombre à chaque
point de l'espace-temps.*Un champvedoriel est une
fonction qui associeun vecteur, pointant
dans une directionspécifique, à chaque
point de l'espace
temps.
LES RÉPONSES DES THÉORICIENS
lois physiques les mieux établies.
Pour que cette formule constitue
une alternative crédible à la gra
vitation newtonienne, la relativité générale devait elle-même
être remaniée.
Modifier les équations de cette
théorie n'est toutefois pas une
chose aisée. La seule possibi
lité est d'ajouter de nouveaux
champs associés à la force gra
vitationnelle. Les théoriciens
Jacob Bekenstein, de l'univer
sité hébraïque de Jérusalem, et
Robert Sanders,de l'université de
Groningue, aux Pays-Bas, y sont
parvenus entre 2004 et 2005, au
prix de nombreuses années de
recherches.
LA RELATIVITÉ GÉNÉRALESANS MATIÈRE NOIRE
Baptisée TeVeS, pour Tensor
Vector Scalar Theory, cette
théorie conserve la métrique•
de l'espace-temps propre à la
relativité générale. Mais elleadjoint deux nouveaux champs
- l'un scalaire*, l'autre vecto
riel* - , répondant à une série
d'équations.TeV S est le premier
exemple d'une théorie relativiste
décrivant la gravitation newto
nienne modifiée dans un Univers
sans matière noire. Elle a donnéun nouvel élan et de nouvelles
justifications à cette approche,
recrutant ainsi de nouveaux
partisans.
Plusieurs succès sont à mettre
au crédit de MOND et de son
extension relativiste. Leurs for
malismes reproduisent très bien
la dynamique de rotation des
galaxies, des plus grandes, peu
concernées par le problème de
la masse manquante, aux plus
petites, qui semblent entière
ment dominées par la matière
noire.En 2008, à l'Observatoire de
Paris,Olivier Tiret etl'une d'entre
nous (Françoise Combes) ont corn
paré les résultats des simulations
numériques réalisées à partir
du modèle CDM et du forma
lisme de MOND, concernant la
formation des galaxies. À quel
ques différences près, les deuxmodèles reproduisent les mêmes
formes et le même nombre de
galaxies embryonnaires. D'une
manière plus générale, »>
N• 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 55
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
http://slidepdf.com/reader/full/la-recherche-la-theorie-du-tout-physiquesciencegravitationtheorie-des-cosmologie 55/97
Réinventer les lois de la gravitation
>»
ces simulations indiquentque M ON D- et donc TeVes
reproduit toutes les observations astrophysiques relativesaux galaxies individuelles.
MOND rencontre toutefois
ses limites à une l'échelle plusgrande des amas de galaxies.Dans cet environnement, MOND
rend compte d'une partie de la<<masse manquante ••, mais pasde sa totalité. Ses défenseurs
pensent que ce problème pourrait être résolu de deux manières. L'une fait appel à des particules de matière ordinaire,
dénommées « neutrinos )), trèsnombreuses dans l'Univers. Leurmasse a longtemps été supposée nulle, mais elle serait en
fait de l'ordre de l'électronvolt•.Les expériences en cours su r
la masse exacte des neutrinos
devraient bientôt confirmer
ou infirmer cette hypothèse, etce faisant, indiquer si ces particules constituent la part dematière noire que MOND es t
toujours incapable d'expliquer.L'autre issue possible est fondéesur l'existence hypothétique de« baryons• noirs ,, ,des particuleselles aussi de matière ordinaire,certes, mais qui ne rayonnent
pas et demeurent du coup indétectables via nos télescopes.À côté des modèles CDM et de la
gravitation modifiée de Milgrom,une troisième solution au problème de la matière noire est pro
posée et affinée depuis 2007 parl'un d'entre nous (Luc Blanchet)et Alexandre Le Tiec, de l'Institutd'astrophysique de Paris. Elle estconnue sous le nom de « matièremodifiée ••. Cette théorie suppose que la matière noire es t
dotée de propriétés différentes àcelles prévues par le modèle CDM.
Elle explique aussi la phénoménologie de MOND, sans modifiertoutefois la relativité générale qui
reste valable avec sa limite newtonienne classique.
Cette nouvelle approche es t
fondée sur une analogie avec
56 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43
*L'électronvolt estune unité de masse
en physique desparticules fondéesur le principed'équivalence entrela masse et l'énergie.
*Les baryonsreprésentent une
famille de particulescomposites, dontl'assemblage formeles atomes, ainsi quela quasi·totalité de la
matière ordinaire .
Cet article est la versionrevue et corrigéepar ses auteurs du texteparu dans le n 435de la Recherche.
la physique des dipôles électrostatiques. Dans un matériau isolant, les atomes se comportentcomme des dipôles électriques,qui se polarisent en présence d'un
champ électrique extérieur. Ilsdeviennent eux-mêmes la sourced'un nouveau champ électrique.Le champ total correspond alorsà la somme du champ extérieuret du champ induit par la polarisation des atomes. MOND apparaît comme une sorte d'analoguegravitationnel au phénomène de
polarisation.Dans le cas gravitationnel, la polarisation entraînerait, localement, l'augmentationde la force de gravitation.
L'HYPOTHÈSE
DE LA MASSE NÉGATIVE
Se pourrait-il que la matièrenoire soit constituée d'un
ensemble de « dipôles gravitationnels ,, polarisés dans lechamp de gravitation? En poursuivant l'analogie avec l'électrostatique, le dipôle gravitation
nel devrait alors être constituéd'une masse « positive )) et d'unemasse « négative •• . L'existencede masses négatives est difficilement réconciliable avec larelativité générale. À l'échellemacroscopique, il est néanmoinspossible d'élaborer un modèlede matière noire dipolaire dontle comportement est régi par larelativité générale. Des calculsrécents ont ainsi révélé que ce
modèle reproduisait les observations relatives à la répartitionde la matière noire à l'échelle des
galaxies et que ses prédictionsétaient en accord avec les fluctuations du fond diffus cosmologique à grande échelle.
Seules de nouvelles observations sur les composantes noiresde l'Univers, comme celles queréalisera bientôt le satellite européen Euclid et son homologue
américain, JD EM, permettront de
trancher entre tous ces modèlesexplorant les aspects méconnusde la force de gravité. •
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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N" 439 mars 201 oDossier : L'émergence de la conscienceÉvénement : a matière noire au boutdu tunnel.
N" 440 avrii201DDossier : Cancer, la révolutionÉvénement :une hormone fait sortirdes autistes de l'isolement.
No 441 mai 2010SPÉCIAL :40 ANS de scienœ
Événement :cycle solaire, enfinça redémarre !
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7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
http://slidepdf.com/reader/full/la-recherche-la-theorie-du-tout-physiquesciencegravitationtheorie-des-cosmologie 57/97
~ a v o i r ~PETER GALISON
«Une bonne théorie
doit être féconde»Les différents modèles proposés pour tenter d'unifier la physiquesont aujourd'hui tous spéculatifs :comment savoir lesquels ontdes chances d'aboutir?
LA RECHERCHE.Les théories qui tentent d'unifier
les forces sont très spéculatives. Qu'est-ce qu'une
théorie vraie aujourd'hui?
PETER GALISON. Je crois qu'il faut distinguer
vérité ultime et productivité. La productivité d'une
théorie me semble un critère d'évaluation de perti
nence plus intéressant. ll faut du recul pour aborder
la question de la véracité :la théorie sera-t-elle reje
tée dans dix, vingt ou cinquante ans? Sera-t-elle
remplacée par une autre ? Comment pourrai t-on
le savoir?La
notion de fécondité est plus immédiate. Prenons l'exemple de la théorie de Newton,
remplacée par les équations d'Einstein. Au sens
strict, elle est fausse, mais elle reste productive. On
l'applique toujours dans beaucoup de domaines.nserait ridicule de la jeter à la poubelle.
Le prisme de la productivité serait un moyen de
sortir du paradoxe actuel, où les théories que l'on
sait étudier on t été réfutées, tandis que les autres
ne peuvent pas être vérifiées.
P. G. Oui, mettre la réfutabilité ou la vérifica
tion d'une théorie au centre du débat me semble
une mauvaise idée. Mieux vaut se demander sila théorie ouvre de nouvelles voies, si elle crée
des connexions entre domaines ou encore si
elle fournit des concepts qui font progresser nos
connaissances.
Peter Galisonest professeur
d'histoiredes sciences à
l'université Harvard.
Il est spécialiste
de l'histoirede la physique.
*La théoriedes champs un ifie la
théorie quantique et
la relativité restreinte .*Le concept depaysage désignela multitude deversions poss ibles dela théorie des cordes.
>Les physiciens doivent s'intéresseraux capacités des théories
à engendrer de nouveaux concepts, plus qu'à leur validité.
> Ainsi,la théorie des cordes reste spéculative, mais elle a déjà
changé la façon dont les physiciens voient le monde.
> La physique continue d'évoluer en établissant des connexionsavec d'autres disciplines et avec des approches radicalement
nouvelles.
SB • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N• 43
La théorie des cordes a-t-elle été productive?
P. G. Très productive. Elle a généré des concepts
et une nouvelle façon de voir. Elle a mené à une
compréhension bien plus profonde des fonde
ments de la théorie des champs•.Le calcul de l'en
tropie des trous noirs a aussi été important (lire
<<Théorie des cordes :4 raisons d'un succès>>, p.40 .
Il éclairait un domaine à la frontière entre la phy
sique des particules et la théorie de la gravitation.
La façon dont cette théorie a profondément changé
le rapport entre la physiqueet
les mathématiquesme paraît plus remarquable encore. Dans le passé,
d'autres avancées en physique ont lancé des rai
sonnements mathématiques, mais elles ne cancer
naient pas des quest ions centrales pour cette dis
cipline. Or les théories des cordes impliquent des
interactions avec des domaines comme la topo
logie géométrique et algébrique qui, eux, sont au
cœur des mathématiques.
Pouvez-vous nous donner un exemple concret?
P. G. Dans les années 1980, des physiciens des
cordes on t découvert les symétries miroirs. Ils
ont montré que la même théorie des cordes pouvait se réaliser sur deux espaces aux caractéris
tiques mathématiques très différentes. De telles
connexions entre les deux espaces étaient ina ten
dues. Et, grâce à elles, on pouvait résoudre dans un
espace des problèmes quasi insolubles dans l'autre.
Ce petit groupe de physiciens a ainsi apporté des
réponses à des questions de géométrie énuméra
tive - comme compter des courbes dans certains
espaces -, que les mathématiciens se posaient
depuis des décennies.La facilité déconcertante avec
laquelle les physiciens calculaient ces nombres a
poussé les mathématiciens à s'y intéresser. Au
départ,les deux communautés ne se comprenaient
pas .Pour les mathématiciens, les concepts des phy
siciens sont mal définis, pas assez rigoureux. Pour
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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les physiciens, les mathématiciens ne comprennent
pas le pouvoir de leurs intuitions.Mais la nécessité
d'inventer des outils pour expliquer ces concepts les
a conduits à collaborer. Edward Witten a ainsi été
le premier physicien à recevoir la médaille Fields,
la plus haute distinction en mathématiques.
Laphysique est-elle en crise ?
P.G. En crise non, en évolution profonde certai-
nement. Chaque fois que j'entends une phrase du
type :"Ce n'est pas de la physique ", à propos de
travaux sérieux, je tends l'oreille. Cela traduit, en
général, un changement important et profond.
Aujourd'hui, certains théoriciens des cordes ne
reconnaissent pas la physique dans le concept de
<<paysage , •, d'autres physiciens ne voient dans
les nanosciences qu'un creuset technologique,
mais pas une voie de recherche fondamentale. Je
crois que l'on est dans une période de restructura-
tion de la physique.Depuis vingt ans, les rapports
entre les divers domaines évoluent :des théori-
ciens travaillent désormais dans des départements
de physique appliquée , d 'astrophysique , »>
N' 43 • MAl Z011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 59
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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' ' Une bonne théorie doitêtre féconde n
» > voire de biologie. Au -delà du discours, de nouvelles connexions on t vu le jour à la frontière des
disciplines. C'est particulièrement vrai en nanc
sciences, en biophysique et en théorie des cordes.
La façon même d'appréhenderles problèmes n'a
t-elle pa s toujours évolué ?
P. G. I:histoire montre que cette évolution estmême
nécessaire. Kepler cherchait à expliquer le nombre
de planètes existantes.Newton n'apas résolu ce pro
blème, il en a inventé un autre.Il a trouvé une théo
rie qui explique à la fois les marées, la position des
lunes de Jupiter, etc. Ce faisant, il a changé la façon
de faire de la physique. Du poin t de vue de Descartes,le travail de Newton, qui réintroduisait la notion de
forces occultes, non locales, était un désastre. Si on
avaitlaissé les cartésiens décider,la physique n'aurait
pas avancé.Même chose quand Ludwig Boltzmann
propose sa théorie fondée sur des probabilités. Pour
d'excellents physiciens comme MaxPlanck,nonseu
lement c'était faux, mais c'était une incompréhen
sion totale de ce qu'il fallait faire en physique : ces
prédictions non déterministes lui paraissaient une
hérésie.Quant à la héorie générale de la gravitation
d'Einstein, les critiques ont fusé. Là encore,«la phy
sique ne devait pas être aussi mathématique"· En
dépit d'un fort conservatisme, la physique n'est pas
une enti té stable, et c'est heureux!
Parler d'une cc théorie du tout, a-t-il un sens?
P. G. Le concept d'une théorie qui expliquerait le
monde, de l'infiniment pe tit à l'infiniment grand,
semble bien dépassé. Et plus encore, l'image de la
pyramide au sommet de laquelle la «théorie du
tout »,reconnue de tous, domine les autres domaines
a fait long feu.Ce n'est pas pourautant que la héorie
des cordes est inutile ou devrait être abandonnée.
Pensez-vous, comme Lee Smolin,que le systèmeacadémiquene favorise pa s les idées révolution
naires et ne prend pa s assez de risque?
P. G. Peut-être suis-je trop optimiste? Mais
quelqu'un d'aussi créatif que Juan Maldacena a
été recruté à Harvard, avant de partir à l'Institut
des études avancées de Princeton. Bien sûr, il y a
toujours des idées trop innovantes pour être recon
nues.Je salue donc l'objectif de l'institutPerimeter,
où travaille Lee Smolin, qui favorise les recherches
aux frontières les moins explorées. Mais je pense
que c'est aussi possible ailleurs. Les directeurs du
Fermilab, le grand accélérateur de particules près deChicago, veilla ient toujours à privilégier une expé
rience à risque, que n'aurait pas retenue la procé
dure conventionnelle de sélection des projets. La
60 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl Z011 • N°43
Ce t entretien est la
vers ion revueet corrigéepar Pe ter Ga lison deceluiparu dans le n• 411
de LaRecherche.
gestion des grands équipements comme le CERN,
où des milliards d'euros sont en eu et les ressources
limitées, exige néanmoins des systèmes de contrôle.
La difficulté est de parvenir à ménager un espace
pour explorer les questions les moins évidentes.
Dans les années 1980, la théorie des cordes étaitpleine de promesses. Quellessont les motivations
des cc cordistes, aujourd'hui?
P. G. Beaucoup sont toujours fascinés par les
structures qui émergent de cette théorie, qui leur
semblen t ouvrir d'énormes possibilités en dépit du
manque de preuves. La façon dont les défenseurs
des cordes comme ceux qui les contestent s'ap
proprient l'exemple d'Einstein est intéressante.
Les premiers se reconnais sent dans la situationdu
jeune Einstein quand, entre 1905et 1915, il dévelop
pait la théorie générale de la gravité, sans appui
expérimental. Ils pensent posséder une théorie
capable de révolutionner la physique.
Les autres les voient plutôt dans la position du
vieil Einstein, entre 1940 et la fin de sa vie . Au
moment où il cherchait cette théorie de force uni
fiée qui n'a pas laissé beaucoup de traces. S'il avait
prêté plus d'attention à ce qui se passait autour de
lui, il aurait pu contribuer à un e physique émer
gente. Mais cela ne l'intéressait pas.Deux visions
de l'histoire, deux visions d'Einstein!
Faut-il se méfier de la beauté d'une théorie?
P. G. En science comme ailleurs, les critères de
beauté évoluent. Appréhender une théorie d'un
point de vue esthétique s'apprend. Le Modèle stan
dard de la physique des particules paraît très beau
aux physiciens, parce qu'ils comprennent la diver
sité des phénomènes qu'il décrit. Mais, entre 1967
et 1971,personne ne mettaiten avant cet aspect.Pour
beaucoup, la théorie d'Einstein n'avait au départ
rien de beau. Aujourd'hui, c'est l'une des créations
les plus belles de la science. Que dira-t-on de la théo
rie des cordes dans cent ans ?Si elle continue à pro
duire de nouvelles choses en mathématiques, ou
ailleurs, on la verra peut-être comme une théoried'une beauté remarquable.Si ce n'es t pas le cas, elle
restera une bizarrerie.
Il n'y a donc pas de réponse générale. La beauté
peut être décisive, mais dans un sens comme dans
l'autre . Paul Dirac, pa r exemple, a toujours été
convaincu que le succès de son équation qui gou
verne l'électrodynamique quantique, si centrale en
physique moderne, était lié pour une grandepart à
sa beauté. Tout y était symétrique.Il a ensuite tenté
de généraliser ses idées de beauté.Et il est passé à
côté des t ravaux de Richard FeyrLman parce qu 'il ne
les trouvai t pas esthétiques.Avec le recul, il aura it
dû se méfier de la beauté en 1947. Mais s'il l'avait
fait en 1925 , aurait-il trouvé son équation?
• Propos recueillis par Hélène Le Meur
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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0 HISTOIRE DES SCIENCES Deux W et un Z pour décrire l'interaction faible
$ DOCUMENT Du tout mécanique au tout électromagnétique
8 EN SAVOIR PLUS Lesmeilleurs livres et sites Web
*
n physique, que vaut
une théorie sans confirmation
expérimentale ? Le cadre
quantique commun imaginépour décrire l'électromagnétisme
et l'interaction nucléaire faible
a ainsi acquis véritablement ses
lettres de noblesse au début des
années tg8o, grâce à l'observation des bosons Z
et W dans un collisionneur du CERN. ... voiR P. 62
D'autres propositions, fondées sur la mécaniquede toutes les forces connues, comme le voulait
James Clerk Maxwell à la fin du XIXe siècle,
ou la théorie du tout électromagnétique
qu'Einstein tenta d'élaborer ont,
elles, fait avancer la physique par leurs
insuffisances . ...voiR P. 66
z UN BOSON z, à peine formé, s'est désintégré en un électron et un positron qui partentel à l'opposé l'un de l'autre (en jaune}. Cette représentation très colorée est issue de la@) reconstitution d'un enregistrementdu détecteur UA1, installé au CERN entre 1981 et 1993.
N' 43 • l iA I ZOU 1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 61
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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*r é ~ é r e n c e < \
DEUX WET
UN ZPOUR DÉCRIRE
L'INTERACTION FAIBLEÀ la fin des années 1970, les physiciens du CERN font un parien transformant leur tout nouvel accélérateur en collisionneur proton-antiproton. À la clé, trois nouvelles particules et un prix Nobel.
cette théorie, parmi les quatre interactions fondamen
tales de la physique, deux sont en réalité les deux facet
tes d'une seule et même force : l'interaction électro-magnétique et l'interaction dite «faible "• impliquée
dans certains processus de désintégration radioactive.
Mais la théorie postule pour cela l'existence de trois nouN
ël1982. Une poignée de chercheurs du
département de physique des particules
élémentaires du Commissariatà l'énergieatomique {CEA), à Saclay, sont bien t rop
occupés pour préparer le réveillon. ls par
ticipent tous à l'expérience UAl, alors en cours au Centre
européen de recherche nucléaire {CERN), à
Genève, dont ils analysentla montagne de don- Par MathieuGrousson es t
nées engrangées durant l'automne. Quelques
velles particules, les bosons intermédiaires,
dits «W+ ,W-» et «Z».
jours avant la Saint-Sylvestre, leur acharne-journaliste scientifique.
La découverte des bosonsW+, W-et,quelques
mois plus tard, celle du boson Z marquent
ment est récompensé. ls mettent enfin la main
sur ce qu'ils cherchent :"Nous avons débusqué les 5pre-
miers bosons W+ etW- de l'histoire "• se souvient Daniel
Denegri, l'un des responsables de cette équipe.
La détection de ces particules élémentaires suscite
immédiatement l'enthousiasme. Et pour cause, c'est la
confirmation expérimentale de la théorie électrofaible,
imaginée à la fin des années 1960 par les physiciens
Sheldon Glashow,Abdus Salam et Steven Weinberg.Selon
62 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IIIAI ZOU • N°43
donc une étape clé en physique des particu
les.La preuve :dès 1984, en un laps de temps exception
nellement court, Carlo Rubbiaet Simonvan der Meer, les
deux physiciens du CERN à l'origine de cette aventure,
partagent le prix Nobel de physique.
AUJOURD'HUI, LA THÉORIE ÉLECTROFAIBLE est
l'un des deux piliers incontestables du Modèle dit« stan
dard ",qui décrit comment les particules élémentaires de
matière, quarks et leptons, interagissent en échangeant
des bosons intermédiaires. Mais dans le courant des
années 1970, la théorie des particules est en chantier.Et
c'est au tour des expérimentateurs d'y mettre de l'ordre.
Ces derniers sont néanmoins confrontésà un problème
de taille. En effet, le seul moyen de valider expérimenta
lement la théorie électrofaible est de mettre en évidencel'existence des bosons WetZ.Or, comme nombre de par
ticules élémentaires, les bosons intermédiaires sont par
ticulièrement instables :leur durée de vie ne dépasse pas
un dixième de millionième de milliardième de milliar
dième de seconde ! Pour espérer les détecter, il faut donc
commencer par les produire dans des conditions qui per
mettent de traquer les produits de leur décomposition.
En physique des particules, ce schéma est classique.
Mis en œuvre dans un accélérateur, il consiste à commu
niquer à des particules incidentes une énorme quantité
d'énergie cinétique, avant de les projeter sur une cible
fixe. Dans la collision entre ces particules et les atomesde la cible, en vertu de l'équivalence entre masse et
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énergie, cette énergie cinétique se matérialise sous la
forme de nouvelles particules.
Au milieu des années 1970, les deux accélérateurs les
plus puissants en service sont le Supersynchrotron à pro
tons {SPS}du CERN et l'accélérateur du Fermilab,à Chicago.
Sous l'effet combiné d'un champ électrique et d'un champ
magnétique, ils communiquentà des protons une énergie
d'environ400 gigaélectronvolts. Pour autant, projetées sur
ciblefixe {dont l'énergie ciné tique est nulle}, ces particules
ne permettent de recueillir, in fine, qu'une trentaine de
HISTOIRE DES SCIENCES
gigaélectronvolts (GeV} pour en produire de nouvelles.Or,
selon des mesures indirectes et les modèles théoriques en
vigueur,la masse des WetZ doit être supérieure à 6o GeV.
Autrement dit, les physiciens n'ont pas la moindre chance
de les dénicher avec les machines existantes.
Pour cette raison, en 1976, Carlo Rubbia propose une
idée radicale :transformer e SPS du CERN,un accélérateur
annulaire de 7 kilomètres de circonférence,enun collision
neur proton antiproton.Le principe ?Ces deux particules
étant de charge électrique opposée, deux faisceaux, » >
N' 43 • l iAI ZOU 1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 63
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*r é ~ é r e n c e 6
DEUX W ET UN ZPOUR DÉCRIRE L'INTERACTION FAIBLE
>» l'un de protons et l'autre d'antiprotons, pourraienttourner en sens inverse dans l'anneau de l'accélérateur
sous l'effet du même champ magnétique, avant d'entrer
en collision frontale .Ainsi, c'est l'intégralité de l'énergie
de deux particules incidentes qui pourrait être transfor
mée en matière, soit,d'après les calculs,540 GeV.De quoi
mettre les W et Z à portée de main.
SAUF QUE LE SPS VIENT À PEINE D'ENTRER ENSERVICE. La direction du CERN a donc un peu de mal
à accepter l'idée que son nouvel instrument soit « bri
colé» en vue d'une expérience qui,de l'avis de la majorité
des experts, n'a que très peu de chances de fonctionner."Pour Bo% des spécialistes des machines, l'idée de Rubbia
était une folie "• se souvient Daniel Denegri. De plus, à
l'époque, le LEP, un collisionneur d'électrons de 27 kilo
mètres de circonférence, finalement décidé en 1981 et
inauguré en 1989, est déjà en discussion.La direction du
CERN n'a donc pas très envie de se '' disperser ».
Comme l'explique DanielDenegri ,« 'ac-
en œuvre un faisceau d'antiprotons aussi homogène etfocalisé. Concrètement, on obtient ces antiparticules en
projetant des protons sur une cible fixe .Les antiprotons
sont alors émis dans toutes les directions, la difficulté
consistant à réduire les mouvements aléatoires dont ils
sont initialement animés lesuns par rapport aux autres,
afin de les rassembler en un faisceau concentré.
Pour ce faire, le physicien néerlandais imagine une
méthode appelée «refroidissement stochastique ».
Appliquée dans un petit anneau accumulateur d'anti-
protons, elle consiste à mesurer la forme du faisceau en
différents points de l'anneau et à modifier les champs
électrique et magnétique afin de réduire la distribution de vitesse des antiprotons qui composent ce fais
ceau. Courant 1978, l'expérience de van der Meer est
un succès. Et, dans la foulée, le conseil du CERN adopte
l'ensemble du projet.
Une fois la décision prise, un autre défi de taille attend
les physiciens : construire les deux détecteurs capables
de recueillir les débris des collisions entre
ceptation du projet doit énormément
à la force de conviction de Rubbia, qui
n'a d'égale que ses capacités intellectuelles hors du commun"· Un avis par
tagé par Pierre Darriulat, un des respon
sables de l'expérience UA2 {qui avec UA1
a codécouvert les bosons intermédiaires)
qui,dans un article publié en 2008 à l'oc
casion des vingt-cinq ans de la découverte,
écrit : «L'un des plus grands mérites de
Carlo Rubbia est d'avoir poussé son idée
de collisionneur proton-antiproton avec
PourBo%protons et antiprotons, parmi lesquels ils
espèrent découvrir les précieux bosons.
De tels détecteurs doivent atteindre une
taille colossale.En effet, l'énergie en jeu
dans les collisions étant gigantesque,les
instruments doivent avoir des dimen
sions suffisantes pour détecter des par
ticules jusqu'à plusieurs mètres du lieu
de la collision.De plus, pour ne passer à
des spécialistesdes accélérateurs,l'idée de CarloRubbia était
une folie
une inlassable détermination dans un climat défavorable." Il faut ajouter que Rubbia disposait d'un argu
ment de poids :bien qu'européen,en cas de refus duCERN,
il n 'aurait pas manqué de vendre son idée au Fermilab .«Cette menace était claire et a beaucoup compté lorsque
la décision a été prise au CERN "•poursuit le physicien.
Un autre argument a présidé à la décision finale :la
réussite d'une expérience préliminaire baptisée ICE {de
l'acronyme anglais pour «expérience de refroidissement
initial»), mise en œuvre au CERN par l'autre grand arti
san du projet proton-antiproton, Simon van der Meer.
Celle-ci consiste à démontrer la possibilité de contrôler
des faisceaux d'antiprotons, sans lesquels l'aventure
s'arrêterait net.
En effet, s'il est facile d'obtenir un faisceau de pro
tons, des particules présentes dans les noyaux de tousles atomes, c'est une tout autre affaire que de mettre
64 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IMAI ZOU • N°43
côté d'aucune particule, il faut les cap
turer dans toutes les directions de l'es-
pace :une première.
RÉSULTAT, LE PREMIER DÉTECTEUR, UAl, pèse
2ooo tonnes et mesure 10 mètres de long pour 6 mètres
de hauteur. D'un coût total de 30 millions de francssuisses, investissement sans précédent dans la disci
pline, il aura impliqué 130 physiciens de 12laboratoires à
travers le monde.
Et un seul détecteur ne suffit pas.Car, en physique des
particules, pour être validé, le résultat d'une expérience
doit être confirmé par au moins deux équipes indépen
dantes, donc par deux détecteurs différents . D'où la
construction d'un instrument plus modeste en taille,UA2,
qui nécessite tout de même le travail conjoint de 6o phy
siciens de 6laboratoires.Et dont les performances ne sont
pas loin d'égaler celles de son partenaire et concurrent.
Michel Spire, actuel prés ident du conseil du CERN et
ancien coresponsable de UA1, rappelle l'enthousiasme
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du projet :"Dans cette aventure, tous les aspects
t nécessité des innovations technologiques: la mise
œuvre de l'idée de Rubbia de provoquer des collisions
des protons et des antiprotons circulant en sens
dans le même anneau. La méthode de refroi
imaginée par van der Meer. Les détecteurs,
de détecter les centaines de particules engen
lors d'une collision. " Sans oublier les moyens
s inouïs,nécessaires afin d'identi fier quelsur quelques milliards. La
des bosons intermédiai res a aussi déclenché des
géantes en physique des particules, alors
une expérience ne rassemblait qu'une dizaine
. «Je me souviens aussi d'une ambiance
, avec une motivation formidable allant
physiciens jusqu 'au x techniciens et câbleurs tra
sur les installations!», ajoute le physicien.
L'enregistrement des premières données
HISTOIRE DES SCIENCES
vu leur probabilité de matérialisa tion, l'expérience n'a
pas encore duré assez longtemps. ll faut donc attendre
fin 1982 pour qu'ils se manifesten t enfin. "C'était le 30ou le 31 décembre, se souvient Daniel Denegri. Dès que,
avec Michel Spiro, nous avons été convaincus qu'il s'agis
sai t bien des 5 premiers W, j'ai téléphoné à Carlo Rubbia.
Nous sommes convenus de présenter ces résultats lors
d'une réunion du groupeUAl, dès la réouverture du CERN,
début anvier. Cette présentation a été l'un des plus beaux
moments de ma vie. "
QUELQUES SEMAINES PLUS TARD, la collaboration
UA2 confirme l'annonce faite par UAl :lesW+ et W- sont
désormais une réalité pour les physiciens.Puis en mai, c'est
au tour du Z,une particule dont la probabilité de productionest encore plus faible, d'être pris au piège des expérimenta
teurs."C'était une nuit, durant le mois de mai, se rappelle
Marie-Noëlle Minard, aujourd'hui au laboratoire d'Annecy
le-Vieux de physique des particules et ancien membre de
la collaborationUA! .J'étais auCERNen train d'analyser des
données quand j'ai repéré un candidat. J'ai appelé Carlo
Rubbiaà7heures du matin pour le lui annoncer!" Encore
une fois UAl devance UA2 d'à peine quelques semaines.
Et les résultats des deux collaborations sont publiés dans
la foulée l'un de l'autre. «Nous avons écrit notre article
le 5 juin, lejour de la finale de Roland-Garros gagnée par
Yannick Noah!», poursuit la chercheuse.
L'expérience est donc un énorme succès.Non seulement
elle confirme sans le moindre doute possible la validité de
la théorie électrofaible, mais elle assied l'approche théo
rique qui sous-tend tout le Modèle standard de la phy
sique des particules. Pour Michel Spiro :"La découverte
des W et du Z a été un moment trèsfort de la physique des
particules. Le couronnement d'une période commencée
à la fin des années 1960 par les théoriciens lancés dans
l'élaboration d'une théorie des interact ions ondamenta
les entre particules élémentaires." Et Daniel Denegri de
renchérir :"Depuis cette aventure, je ne crois pas avoirconnu de moment professionnel plus intense. "
De l'avis de nombreux spécialistes, seule la découverte
du boson de Higgs aura la même saveur. Cette particule
prédite par le Modèle standard est censée conférer leur
masse aux W et auZet, par conséquent, à toutes les autres
particules. Pour tenter de le débusquer, les physiciens,
comme trente ans auparavant, ont à nouveau dû franchir
un palier dans le gigantisme. Ainsi,les collaborations qui
s'affairent autour du LHC, le nouvel accélérateur
en décembre 1981. Présentées l'été sui
à Paris, elles sont encourageantes, sans
e toutefois la moindre trace des bosons
ntermédiaires ait été détectée. Et pour cause :
Cet article est la versionsurpuissant du CERN, comptent plusieurs mil
liers de scientifiques. Et si le Higgs se matéria
lise, il couronnera l'aventure expérimentale de
la théorie électrofaible.•
revue et corrigée
par son auteur du texteparu dans le n' 441de La Recherche.
N• 43 • l iAI ZOU 1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 65
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*r é ~ é r e n c e < \ ,
DUTOUT
METOUT ELECTRG
Pl. XlV.
DEUX CYLINDRES magnétisés transversalement créent un champ (en bleu).Cette illustration est tiréed'un traité de James Clerk Maxwell, qui reconnut le caractère commun du magnétisme et de l'électricité .
66 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IMAI ZOU • N 43
1ÉTABLIR LES LOISDES FORCESÀ DISTANCEPAR James Clerk MaxwellExtrait d'une conférence de 1873 ;in The Scientific Letters and Papersof James Clerk Maxwell , P M. Hartman,Cambrige University Press, 1990,traduit par Françoise Bali bar.
P.69
2LA THÉORIEDE MAXWELLPAR Henri PoincaréExtrait de La Science et l'Hypothèse,
Paris, Flammarion , 1902.
~ P . 71
3VERS LES LOISULTIMES DELA PHYSIQUEPAR Steven WeinbergExtrait de R. P Feynman etS. Weinberg, Elementary Particlesand the Laws of Physics,Cambridge University Press, 1987,
traduit par Franço ise Balibar.~ P . 7J
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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DOCUMENT
AU
finner qu'il est possible de fonder la phy
sique sur une théorie unique sous-jacente,
fondamentale, dont toutes les autres et tous
les énoncés qu'elles produisent pourraient
être déduits, repose sur deux hypothèses.
remière hypothèse :l'unité de la nature (dont la physique
st étymologiquement!'étude}.Secondehypothèse :l'unité
es mathématiques, constitutives de la physique. ll n'est
as sûr que les deux hypothèses soient indépendantes.En
cas, il suffirait que l'une d'entre elles soit contreditese qui consiste à chercher une théorie
de la physique perde tout son sens.
À ses débuts, la physique, celle inaugurée par Galilée,
e s'est pas posé la question de son unité laquelle allait
soi.Comment imaginer, dansun monde qui se voulait
le monothéisme, que la nature, facilement
eu, puisse ne pas être une? Dans ces condi
ion des mathématiques, dans l'étude de
courbe expérimentale à une allure fonctionnelle (dont on
aurait toute une variété en stock}.Les relations qu'établit
la physique mathématique ontun caractère de nécessité
absolue qui leur vient de ce qu'elles dérivent de façon
contraignante d'un certain nombre de principes qui appa
raissent comme plus fondamentaux que ces lois elles
mêmes.De là l'idée qu'il existe des principes ultimes,dont
la recherche s'apparenterait à l'exploration de couches de
plusen plus profondes,un peu à la manière dont Heinrich
Schliemann est censé avoir découvert les ruines de Troie,enfouies sous les décombres de neufvilles superposées.
DE FAÇON MÉTAPHORIQUE, on peut dire que la pre
mière couche, celle qu'ont explorée Galilée, Newton et
leurs successeurs, est celle du mouvement d'un corps
matériel, dont l'étude fondée sur le principe physico
mathématique de relativité apparaissait, et est longtemps
apparue, comme une description du monde." Venons-en à
mathématiques dont le statut excep
l au sein de la connaissance n'a jamais
de doute, ne pouvait que renforcer l'idée
icite de l'unité du discours sur la nature.
FrançoiseBalibar
la physique, telle qu'elle se présentaità l'époque
[19001écrit Einstein dans son autobiographie
de 1947. En dépit des succès engendrés dans
beaucoup de domaines, il régnait en matièrede principes un dogmatisme figé: au commencement (sijamais ily en eut un), Dieu avait créé
Ces banalités épistémologiques ne disent
de l'essentiel. À savoir que si les mathé
est physicienneet philosophedes sciences.
es jouent un rôle déterminant dans la recherche
'une théorie physique unitaire, c'est parce que la mathé
de la physique ne consiste pas en 'introduction
valeurs numériques dans un discours qui se propose
décrire la nature. Les mathématiques ont en physique
e de construction qu'elles n'ont dans aucune autre
on à allure mathématique.Certes, les lois qu'énonce
ique prennent en général la forme de fonctionsil ne s'agit pas alors d'ajuster une
les lois de Newton, ainsi que les masses et lesforces qui leur
sont nécessaires. C'est tout; le reste est obtenu par déduc
tion, grâce à la mise au pointde méthodes mathématiquesappropriées[ ..]La construction d'une mécanique des masses discrètes, prise comme base de la physique tout entière,
fut l'œuvre du XIX' siècle.Ce qui fit la plus forte impressionsur l'étudiant [que j'étais], ce furent ses accomplissementsdans des domaines qui n'avaient apparemment rien à voir
avec elle », et singulièrement (( la théorie mécanique de
la lumière où celle-d était conçue comme un mouvementondulatoire affectant un éther élastique quasi rigide"· >»
N' 43 • liAI 10111ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 67
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!
1
* ébérence6
»> C'était l'époque du<< tout mécanique», comme on a
dit plus tard, une '' Theory OfEverything " (TOE, pronon
cer<<
tout ») avant la lettre, reposant sur les principes dela mécanique, les lois de Newton.
LA THÉORIE DE LA LUMIÈRE dont parle Einstein, c'est
à-dire la théor ie électromagnétique de Maxwell, a ouvert
un nouveau champ à l'étude de la nature. Avec l'introduc
tion, à côté des concepts de la mécanique, du concept de
champ, continu, porteur d'énergie mais sans support maté
riel, elle a obligé, toujours selon Einstein, '' les physiciensà renoncer, lentement etaprès bien des hésitations, en leur
d'une tentative, un peu oubliée aujourd'hui mais qui en
a séduit plus d'un, à laquelle on a donné le nom de <<tout
électromagnétique »,consistant à tout expliqueren ermesde champs. C'est ainsi qu'en 1912-1913, Gustav Mie avait
tenté de rendre compte de l'existence de l'électron {alors
considéré comme une particule; c'était avant la théorie
quantique) à l'aide d'une généralisation non linéaire des
équations de Maxwell faisant apparaître des zones de très
fortes concentrations de l'énergie du champ, susceptibles
de représenter l'électron. Cette théorie a connu un regain
de popularité dans les années 1920 sous la houlette de
Hermann Weyl, au moment où l'on cherchait à inclure
foi en la possibilité de fonder l'ensemble de
la physiquesur la mécanique de Newton"·
Quela ransition ait été longue, c'estce quemontre l'attitude de Maxwell lui-même,
pourtant grand << unificateur » puisqu'il
a commencé pa r unifier l'électricité et
le magnétisme en une théorie électro
magnétique à laquelle il a rattaché la
théorie de la lumière et qu'il compare son
unification avec les travaux de Newton,
La théorieélectromagné-tique de Maxwellest fondée
l'électromagnétisme au sein de la théo
rie de la relativité générale, elle-même
une théorie du champ.
À PLUSIEURS REPRISES, EINSTEINest revenu sur cette idée d'un tout élec
tromagnétique (sans toutefois accep
ter la théorie de Mie). Elle lui apparais
sait comme une alternative possible
et ardemment souhaitée à la théorie
quantique qu'il a toujours jugée << non
satisfaisante »,raison pour laquelle il
sur une analogiede nature
comme ille raconte dans les extraits de " •mecanzquela conférence de 1873 présentés ici.
Maxwell a fondé sa théorie sur ce qu'il
appelle un e <<véritable » analogie de nature mécanique.
Certes, Maxwell ne dit jamais que l'électromagnétisme
<<est» d'origine mécanique. On peut se demander toute
fois si l'objectif de Maxwell, en faisant le détour par la for
mulation lagrangienne de la mécanique, comme l'expli
que Poincaré dans le second texte, n'était pas de préserver
le statut fondateur de la mécanique, considérée comme
théorie unificatrice, sous-jacente, garante de l'unité de la
physique. D'où le rôle attribué par lui à l'éther, éther sur la
base duquel il entrevoyait la possibilité d'une troisième
unification, d'ordre supérieur, englobant forces électro
magnétiques et force de gravitation.
Jamais Maxwell,n' a accepté ce qu'Einstein appelleune<<dualité » (la dualité des particules et des champs), état
'' peu satisfaisant », au dire d'Einstein, car '' l'ensemblemanque d'une base unique"· En 1905, cet état peu satis
faisant sera rendu en partie plus supportable avecla héo
rie de la relativité restreinte.<< En partie »,car la relati
vité restrein te, si elle a fait entrer la théorie de la lumière
sous la juridiction du principe de relativité (jusqu'alors
réservéau mouvement de la matière),n'a pu le faire qu'en
dégageant le concept de champ de toute référence à un
support matériel (suppression de l'éther), accentuant la
dualité ontologique entre champs et particules.
Lemême désir d'unification, contrariépar la découvertede la dualité des champs et des particules, est à l'origine
s'est tant acharné à chercher une théo
rie unitaire généralisant sa théorie de la relativité. Les
théories unifiées qu'Einstein a poursuivies comme un
rêve n'ont plus aujourd'hui qu'un intérêt historique.Ne
serait-ce qu'en raison de la découverte des interactions
nucléaires, faible et forte, dont il n'avait pas idée, et qui
rendent d'avance incomplètes ses tentatives en vue d'uni
fier l'interaction électromagnétique et la gravitation.
Mais ce qui reste d'actualité dans les idées d'Einstein
(et de Hermann Weyl), c'est l'importance des principes
d'invariance, ainsique nous l'explique Steven Weinberg
dans le troisième texte de cette sélection. '' C'estEinstein, écrit Eugen Wigner, en 1979, dans Symetries
and Reflections, après avoir rappelé la part prise parPoincaré dans l'appréciation du rôle des symétr ies, quia reconnu l'importance et l'universalité de ces principes.Ses articles fondateurs de la relativité restreinte marquentun renversement de tendance: jusqu'alors les principesd'invariance étaient déduits des lois du mouvement. Le
travail d'Einstein a donné aux anciens principes d'inva-
riance uneassise si solide qu'il faut aujourd'huiJaire un
effort pour se remémorer qu'ils sont fondés seulementsur l'expérience. Il semble naturel aujourd'hui d'utiliserles lois d'invariance pour à la fois déduire les lois de la
nature et tester leur validité, plutôt que de déduire les
lois d'invariance de ce que nous pensons être les lois dela nature. " •
.• LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IIIAI ZOU.•. 43 .
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DOCUMENT
...
ETABLIR LES LOIS...
DES FORCES A DISTANCE
wton a établi que la force qui Par James Principia, adopta un point de vue tout à fait
agit sur chacun des corps céles- Clerk Maxwell différent.Pour lui,de même que nous inférons
tes dépend de la distance et de 1831-1879 d'expériences réalisées en Europe la manière
la position des autres corps et dontse comportent les corpsen Amérique,de
qu'elle est dirigée vers ces corps- en sorte même de ce que nous observons que tous les corps connus
qu'elle peut être décrite comme une force d'attraction. gravitent les uns vers les autres,nous sommes en droit
u moment de son énonciation, cette théorie nouvelle d'affirmer que la gravitation est une propriété essentielle
rencontra l'opposition farouche des philosophes contem- de la matière[..].Or, lorsque la philosophie de Newtonpo rains les plus modernes. Ils y voyaient en effet un se répandit sur toute l'Europe,c'est l'opinion de Cotes,et
retour à la méthode hautement discréditée qui consiste non celle de Newton, qui prévalut. Jusqu'à ce qu'enfin
à tout expliquer par des causes occultes, et autres ver- Boscovichproposeunethéoriedanslaquelleonsupposait
us attractives. que les corps étaient constitués d'un
Newton lui-même, animé par cet grand nombre de points mathémati-
espritde modération qui caractérise l'en- ques munis d'un pouvoir d'attraction ou
semble de ses spéculations, a répondu de répulsion à l'égard des autres points,
qu'il n'avait nullement la prétention de pouvoir régi par des lois fixes mais pre-
ouloir expliquer par quel mécanisme nant des formes différentes selon ladis -
es corps célestes agissent les uns sur tance.Boscovich et ses adeptes n'expli-
es autres. Il n'avait fait que déterminer quent pas comment un ensemble dea direction et la grandeur de la force points mathémat iques,une fois mis en
ag issant sur chaque corps, déduites de branle, peut entretenirces mouvements
a connaissance de leurs positions res- jusqu'aumoment où on les fait cesser.
ectives .Telestceenquoiconsistelepas Je prends le risque d'affirmer qu 'une
ccompli par Newton.Expliquer la cause telle explication ne pourra jamais être
e cette action représenterait, selon lui, produite tant qu'on se contentera d'at-
n nouveau pas qu'il n'avait pas tenté tribuer à des points mathématiques des
'accomplir dans ses Principia . [. ..] pouvoirs d'attraction et de répulsion,
Loin de considérer la loi de la gra- aussi sophistiqués soient-ils.
ation finale des phénomènes
uxquels il s'intéressait, Newton pensait que si cette
pouvait être expliquée comme résultant de l'actione quelque chose qui serait situé dans l'espace entreles
eux corps,cette explication représenterait une nouvelle
tape qu'il était prêt à accueillir avec bienveillance dans
otre connaissance des choses.
Newton a tenté de franchirce pas mais il s'est aperçu
u'ilne pouvait y parvenir,faute de disposer des moyens
onvenables.Inutile de dire qu'aujourd'hui encore,alors
ue nous disposons d 'une réserve de méthodes scienti
us vaste,l'entreprise n'a été que rarement
entée; elle n'a jamais été menée à bien.
Or, Roger Cotes, l'un des disciples les plus brillants
e Newton, qui établit pour lui la seconde édition des
SI L'ON ENVISAGE L'HISTOIRE de la science du point
de vue de son étendue etde ses frontières,laissant provisoirement de côté le développementde ses idées, on voit
qu'il était important que l'immense progrès accompli par
Newton soit étendu à toutes les branchesde la science où
c'est possible ;cela ne pouvait être réalisé qu'en étudiant
les effets des diverses forces entre corps séparés par une
certaine distance, sans chercher à expliquer comment les
forces se transmettent.À cet égard, les hommes les mieux
adaptés à la réalisation de la première partie de ce pro
gramme étaient ceux pour qui la seconde partie n'avait
aucun caractère de nécessité.Raison pour laquelle ceux
qui,au cours du siècle dernier et dans la première partiede
celui-ci, ont étudié avectant de succès les lois de l' électri
cité et du magnétisme, Cavendish,Coulomb,Poisson, >»
N• 43 • liAI ZOU 1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 69
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*r é ~ é r e n c e 6
>» on t délibérément ignoré les notions d '<< effluve
magnétique »et d'<< tmosphères électriques »proposées
au XVII• siècle, se consacrant exclusivement à la détermination des lois selon lesquelles les parties des corps
électrisés ou magnétisés s 'atti rent ou se repoussent les
unes les autres. C'est ainsi que les véritables lois de ces
actions ont été découvertes, par des hommes qui n 'ont
jamais douté que l'action s'exerce à distance,sans qu 'in
tervienne un quelconque milieu - qui, s'il avait été mis
en évidence, aurait été considéré comme une complica
tion,plus que comme une explication,de ce phénomène
indubitable qu'est l'attraction.[ ..]
La question qui vient naturel lement à l'esprit est alors
la suivante : est-il possible de déterminer la vitesse de
cette transmission de la force magnétique d'un point àun
autre? Par tant des résultats obtenus par le Prof. W. Weber,
collaborateur de Gauss, il est possible de déterminer la
vitesse de transmission de la force magnétique ; le calcul
donne 314000000 mètres (ou 19 miles) par seconde.
Or, la vitesse de la lumière telle qu'elle est donnée par
les mesures directes de Foucault est de 298 millions de
mètres par seconde. Les mesures à la fois de la vitesse
de la lumière et des grandeurs dont dépend la vitesse de
transmission de la force magnétique sont des mesures
très délicates à réaliser [ ..]. La conclusion qui s'impose
est que indépendamment de ce qu 'est la lumière et dece que l'électricité et le magnétisme peuvent être, l'un
et l'autre phénomène dépendent de la même chose ; la
lumière est en réalité un phénomène électromagnétique
et les ondes de lumière sont de petites perturbations
magnétiques oscillantes.
La théorie de la lumière débouche directement sur
l'explication des phénomènes de polarisation.Elle est en
tout point en accord avec la théorie ondulatoire, à ceci
près que là où la théorie ordinaire voit une rotation des
molécules d'éther, notre théorie voit une force magné
tique dirigée selon l'axe de rotation.
James Clerk Maxwell en quelques dates
En conséquence, nous ne cherchons pas à remplir
l'espace d'une superposition de trois ou quatre éthers,
chacun chargé d'assurer telle ou telle fonction ; nouscherchons plutôt à comprendre en quoi l'éther que le
phénomène de la lumière nous a contraints à admettre
est susceptible d'autres modalités d'action dont les phé
nomènes lumineux et électromagnétiques sont des
manifestations.
MAIS IL NE FAUT PAS considérer l'éther comme une
forme de vapeur aux tourbillons aériens, impuissants à
modifier quoi que ce soit. L'éther,même lorsqu'il n'a pour
fonction que de transmettre les rayons du soleil, doit
supporter des forces considérables.La force magnétique
ordinaire terrestre, sous nos latitudes,est équivalente à
la pression qu 'exerce un huitième de << grain weight »
(poids d'une masse de o,o6 g) réparti sur une superfi
cie d'un pied carré(== gao cm 2) :certains des aimants de
M.Joule peuvent produire une force magnétique équi-
valente à la pression exercée par 200 livres avoir-du
poids [poids d'une masse de 450 g] sur une superficie
de 0 ,1 inch carré(== o, 65 cm 2) . L'éther exerce et supporte
des forces tout à fait considérables .
J'ai déjà indiqué que quasiment aucun progrès n'avait
été enregistré dans l'explication de l'attraction de la gra
vitation. Si pourtant on cherche à en rendre compte ens'inspirant du modèle de ce qui a été fait pour le magné
tisme, il faut admettre de remplacer les tensions par
des pressions s'exerçant, en chaque point d'une ligne
de force,dans la direction perpendiculaire ; par ailleurs,
là où nous nous trouvons,l'éther supporte une pression
verticale de plus de 37 ooo tonnes par inch carré. La force
de l'acier n 'est rien en comparaison.Je ne présente pas
cela comme un fait, mais bien plutôt comme un exem
ple du genre de résultats auxquels devrait conduire une
théorie qui nécessite d'être vérifiée avant que l'on puisse
y croire.•
> 13 juin 1831 : naît à Édimbourg, Écosse.
> 1850: après trois ans à l'universitéd'Édimbourg, commence ses travaux
> 1861 : élu à la Royal Society ;
réalise la première photographie en couleurs.> 1864 : présente ses 20 équations
sur la couleur.> 1854 : diplômé en mathématiques,commence ses travaux sur l'électromagnétisme.> 1856 : publie son premier article surle magnétisme.> 1860 : récompensé de la médailleRumford de la Royal Society pour ses travauxsur la couleur.
70 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IIIAI ZOU • N• 43
décrivant l'électromagnétismeà la Royal Society.
> 1867 :formule la théorie cinétique des gaz.> 1873 : publication du Traité sur l'électricité
et le magnétisme dans lequel il réécrit
sa théorie de l'électromagnétismesous formede 8 équations.> 5 novembre 1879 : décède à Cambridge.
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DOCUMENT
--LA THEORIE DE MAXWELL
Cest, on le sait, Maxwell qui a rat ta- Par Henri pas, et qu'on n'y cherche pas le fond des choses,
ché par un lien étroit deux parties Poincaré être toutes deux d'utiles instruments de recher-
de la physique, jusque- là complè- 1854·1912 ches, et peut-être la lecture de Maxwell serait-elle
tement étrangères l'une à l'autre, moins suggestive s'il ne nous avait pas ouvert
l'optique et l'électricité.En se fondant ainsi tant de voies nouvelles divergentes.
dans un ensemble plus vaste, dans une harmonie supé- Mais l'idée fondamentale se trouve de la sorte un peu
rieure, l'optique de Fresnel n 'a pas cessé d'être vivante. masquée.Elle l'est si bien, que dans la plupart des ouvra-
Ses diverses parties subsistent, et leurs rapports mutuels ges de vulgarisation, elle est le seul point qui soit complè-
sont toujours les mêmes. Seulement, le langage dont tement laissé de côté.
nousnousservonspourlesexprimerachangé ,etd'autre Je crois donc devoir, pour en mieux faire ressortir
part,Maxwell nous a révélé d'autres rapports, jusqu'à lui l'importance, expliquer en quoi consiste cette idée fon-insoupçonnés, entre les différentes parties de l'optique damentale. Mais pour cela une courte digression est
et le domaine de l'électricité. [. ..] nécessaire.
Maxwell ne donne pas une explication mécanique de
l'électricité et du magnétisme ;il se borne à démontrer
que cette explication est possible.
Il montre également que les phé
nomènes optiques ne sont qu'un cas
particulier des phénomènes électro
magnétiques.De toute théorie de l'élec
tricité, on pourra donc déduire immédia
tement une théorie de la lumière.
LA RÉCIPROQUE N'EST MALHEUREUSEMENT PAS VRAIE; d'une expli
cation complète de la lumière, il n'est
pas toujours aisé de tirer une explication
complète des phénomènes électriques.
Cela n'est pas facile, en particulier, si
l'on veut partir de la théorie de Fresnel;
cela ne serait sans doute pas impossi
ble ;mais on n'en arrive pas moins à se
demander si l'on ne va pas être forcé
de renoncer à d'admirables résultatsque l'on croyait définitivement acquis.Cela semble un
pas en arrière ; et beaucoup de bons esprits ne veulent
pas s'y résigner.
Quand le lecteur aura consenti à borner ses espérances,
il se heurtera encore à d'autres difficultés, le savant
anglais ne cherche pas à construire un édifice unique,
définitif et bien ordonné, il semble plutôt qu'il élève un
grand nombre de constructions provisoires et indépen
dantes, entre lesquelles les communications sont diffi-
ciles et quelquefois impossibles.
On ne doit donc pas se flatter d'éviter toute contra
diction ;mais il faut en prendre son parti. Deux théoriescontradictoires peuvent en effet pourvu qu'on ne les mêle
DE L'EXPLICATION MÉCANIQUE DES PHÉNOMÈ-NES PHYSIQUES. Dans tout phénomène physique, il
y a un certain nombre de paramètres
que l'expérience atteint et qu'elle per
me t de mesurer. Je les appellerai les
paramètres q. L'observation nous fait
connaître ensuite les lois des varia-
tians de ces paramètres et ces lois peu
vent généralement se mettre sous
la forme d'équations différentielles
qui lient entre eux les paramètres q
et le temps.
Que faut-il faire pour donner une
interprétation mécanique d'un pareil
phénomène?On cherchera à l'expliquer
soit par les mouvements de la matière
ordinaire, soit par ceux d'un ou de plu
sieurs fluides hypothétiques.Ces fluides
seront considérés comme formés d'un
très grand nombre de molécules isoléesm. Quand dirons-nous que nous avons une explication
mécanique complète du phénomène ?Ce sera d'une part
quand nous connaîtrons les équations différentielles
auxquelles satisfont les coordonnées de ces molécules
hypothétiques m,équations qui d'ailleurs devront être
conformes aux principes de la dynamique ; et d'autre
part quand nous connaîtrons les relations qui définis
sent les coordonnées des molécules m en fonction des
paramètres q, accessibles à l'expérience.[. ..]
Que nous enseigne le principe de moindre action? Il
nous enseigne que pour passer de la situation initiale
qu'il occupe à l'instant t0 à la s ituation finale qu 'il occupeà l'instant t,, le système doit prendre un chemin tel »>
N°43 • lU I ZOU 1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 71
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* r é ~ é r e n c e 6
>» que dans l'intervalle de temps qui s'écoule entre les
deux instants t0
et t, la valeur moyenne de l'« action »
(c'est-à-dire de la différence entre les deux énergies, T[énergie cinétique] et U [énergie potentielle]) soit aussi
petite que possible.
Si l'on connaît les deux fonctions T et U, ce principe
suffit pour déterminer les équations du mouvement
[ces équations, obtenues à partir de l'expression du
Lagrangien de ce système, faisant intervenir la diffé
rence entre les fonctions Tet U, sont appelées équa
tions de Lagrange]. Dans ces équations, les variables
indépendantes sont les coordonnées des molécules
hypothétiques m; mais je suppose maintenant que l'on
prenne pour variables les paramètres q directement
accessibles à l'expérience.Les deux parties de l'énergiedevront alors s'exprimer en fonction des paramètres
q et de leurs dérivées ; ce sera évidemment sous cette
forme qu 'elles apparaîtront à l'expérimentateur. Cela
posé, le système ira toujours d'une situation à une autre
par un chemin tel que l'action moyenne soit minima.
Peu importe que T et U soient maintenant exprimés à
l'aide des paramètres q et de leurs dérivées,le principe
de moindre action reste toujours vrai.[Peu importe éga
lement le choix des quantités mesurées auxquelles on
fait jouer le rôle des paramètres q; il suffit qu 'on puisse
le faireen
accord avec le principe de moindre action,pour qu'une explication mécanique soit possible, sans
que l'on ait à préciser en quoi consiste le système des
masses m.][. .]MAXWELL S'EST DEMANDÉ s'il pouvait faire le
choix des deux énergies T et U,de façon que les phéno
mènes électriques satisfassent au principe de moindre
action. L'expérience montre que l'énergie d'un champ
électromagnétique se décompose en deux parties,
l'énergie électrostatique et l'énergie électrodynamique.
Maxwell a reconnu que si l'on regarde la première
Henri Poincaré en quelques dates
> 29 avril1854 : naît à Nancy.
comme représentant l'énergie potentielle U,la seconde
comme représentant l'énergie cinétique T; si d 'autre
part, les charges électrostatiques des conducteurs sontconsidérées comme des paramètres q et les intensités
de courants comme les dérivées d'autres paramètres
q;dans ces conditions, dis-je, Maxwell a reconnu que
les phénomènes électriques satisfont au principe de
moindre action. Il était certain dès lors de la possibi-
lité d'une explication mécanique.[.. ] Si donc un phéno
mène comporte une explication mécanique complète, l
en comportera une infinité d'autres qui rendront égale
ment bien compte de toutes les particularités révélées
par l'expérience. [. ..]
Il est maintenant facile de comprendre quelle est l'idée
fondamentale de Maxwell.Pour démontrer la possibilité d'une explication
mécanique de l'électricité,nous n'avons pas à nous pré
occuper de trouver cette explication elle-même, l nous
suffit de connaître l'expression des deux fonctions T
[énergie cinétique] et U [énergie potentielle],qui sont les
deux parties de l'énergie,de former avec ces deux fonc
tions les équations de Lagrange et de comparer ensuite
ces équations avec les lois expérimentales.
Entre toutes ces explications possibles,comment faire
un choix pour lequel le secours de l'expérience nous fait
défaut? Un jour viendrapeut
-être où les physiciens sedésintéresseront de ces questions, inaccessibles aux
méthodes positives, et les abandonneront aux 11léta
physiciens .Ce jour n'est pas venu ;l'homme ne se rési-
gne pas si aisément à ignorer éternellement le fond des
choses.Notre choix ne peut donc être guidé que par des
considérations où la part de l'appréciation personnelle
est très grande ; l y a cependant des solutions que tout
le monde rejettera à cause de leur bizarrerie et d'autres
que tout le monde préférera à cause de leur simplicité.
En ce qui concerne l'électricité et le magnétisme ,
Maxwell s'abst ient de faire aucun choix.•
de mathématiques organisé par le roi
> 1880 : publie Sur les courbes définies
par une équation différentielle dans lequel
il propose une nouvelle nomenclature
relative aux équations différentielles.
de Suède et de Norvège pour sa contribution
au problème des trois corps.
> 1895 : publie le premier des six articles qui
posent les bases de la topologie algébrique.
> 1901 : premier lauréat de la médaille
Sylvester de la Royal Society.
> 1881 : devient professeur à la Sorbonne;
obtient ses premiers résultats marquants en
mathématiques ; s'intéresse à l'application
des mathématiques pour la physique.
> 1887 : élu membre de l'Académie des sciences.
> 1888: remporte le premier prix du concours
72 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IIIAI ZOU • N' 43
> 1905 :publie« Sur la dynamique de
l'électron», dont les résultats se rapprochent
de ceux de la théorie de la relativité restreinte.
> 17 juillet 1912 : meurt à Paris.
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DOCUMENT
VERS LES LOIS ULTIMESDE LA PHYSIQUE
'est-cequidansla physique actuellepermet d'imaginer la forme queprendra la théorie ultime sousjacente, celle, encore à découvrir,
ParStevenWeinberg,
né en 1933
À l'instar des explorateurs espagnols qui,partisà la recherche des sept cités d'or de Cibola,ne lesont pas trouvées mais ontt rouvé des tas d'autres
sur laquelle repose la physique?Tout d'abord, que faut-il entendre par théorie ultime
sous-jacente? Au cours des derniers siècles, le système
d'explications enchaînées qu'a construit la science aparcouru l'échelle des ordres de grandeur vers le bas,des objets de la vie courante jusqu'à un monde de plusen plus microscopique. À des questions éternelles telles que :pourquoi leciel est-il bleu? Pourquoi l'eau mouillet-elle? on a d'abord répondu en invoquant les propriétés des atomes et dela lumière ; puis ces propriétés ellesmêmes ont été expliquées en termes
de particules élémentaires: quarks,leptons, bosons de jauge et quelquesautres. Simultanément se faisait jourune tendance à toujours plus de simplicité . Non pas qu'au fil du temps ,les mathématiques impliquées soientdevenues de plus en plus faciles, ou quele nombre des particules élémentairessupposées ait diminué d'une année sur
l'autre ;mais plutôt parce que les principes ont acquis une plus grande cohérence logique ; ils apparaissent comme porteurs d'une
inévitabilité de plus en plus marquée. Mon collègue à
l'Université du Texas, John Wheeler, prétend que le jouroù nous découvrirons enfin les lois ultimes,nous seronsétonnés de ne pas y avoir pensé plus tôt, tant elles nousparaîtront évidentes.Quoi qu'il en soit,nous en sommeslà,à la recherche d'un ensemble de principes physiquessimples, porteurs d'un degré d'inévitabilité maximum,dont tout ce que nous savons en physique puisse en
principe être déduit.
JE NE SAIS PAS si nous y arriverons ; en réalité, je nesuis même pas certain de l'existence de quelque chosequ'on pourrait appeler l' « ensemble des lois simples et
ultimes de la physique >>. En revanche,je suis certain quechercher ces lois ultimes ne peut qu'être une bonne chose.
choses fort utiles, le Texas par exemple.Je dois aussi dire ce que ne sont pas, à mon sens, les
lois ultimes sous-jacentes de la physique. Il ne peut en
aucun cas s'agir d'une version ultime de la physique des
particules élémentaires, qui menacerait de remplacerun jour les autres branches de la physique. L'exemplede la thermodynamique est à cet égard éclairant. Les
molécules d'eau sont aujourd'hui bienconnues. Imaginons qu'unjour,dans un
futur lointain, tout ce qu 'il y a à savoirsur les molécules d'eau soit connu et
que, grâce aux progrès accomplis dansle domaine des ordinateurs, l soit possible de calculer la trajectoire de chacunedes molécules d'eau contenues dans un
verre . (Cela n 'arrivera probablement
jamais, mais faisons comme si c'était
déjà arrivé.)À supposer qu 'il soit possible de prédire le comportement de chaque molécule dans unverre d'eau, il fautbien voir que ce n 'est pas dans la montagne de listings débités par les ordinateurs que se trouvent les grandeurs relatives à l'eau vraiment intéressantes, latempérature et l'entropie par exemple.
Ces grandeurs doivent être traitées dans les termes quileur sont propres ;et la science de la thermodynamique
est là pour ça- elle traite de la chaleur sans la réduire àchaque instant à des propriétés moléculaires.Personnene doute aujourd'hui que si la thermodynamique estce qu 'elle est c'est, ultimement, en raison des propriétés de la matière au niveau microscopique ; la thermodynamique dérive, en un sens particulier, de principesplus fondamentaux- ce qui n 'empêche pas qu'elle soit,ait toujours été et reste à jamais, une science ayant sapropre légitimité [. . ].
Je ne suis pas non plus en train de dire que la physiquedes particules élémentaires est plus importante que lesautres branches de la physique Je dis simplement que,en
raison de l'intérêt qui y est porté aux lois sous-jacentes,la physique des particules élémentaires est d'une »>
N• 43 • MA l 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 73
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*r é ~ é r e n c e ~
>» importance particulière, même si elle ne brille pasnécessairement par son utilité pratique immédiate. Il est
bon que cela soit dit de temps en temps, en particulierlorsque les physiciens des particules élémentaires sontà la recherche de financements a ssurant la poursuite deleurs expériences. [. ..]
LA MÉCANIQUE QUANTIQUE SURVIVRA-T-ELLE au
sein d'une théorie ul time de la physique à venir? Pourma
part, je pense que oui,en partie à cause de son incomparable succès dans les soixante dernières années, mais surtouten raison de l'impression d'inévitabilité qu'elle dégage.Une chose mérite d'être remarquée.Alors que la littératurescientifique abonde en récits des efforts entrepris en vuede tester de façon quantitative telle ou telle théorie bienétablie, comme la relativité générale ou
la théorie des interactions électrofaibles,ou la théorie des interactions fortes, on
ne trouve nulle part mention de tenta
tives visant à tester quantitativementla mécanique quantique. On peut comprendre pourquoi. Pour évaluer quant itativement la validité d'une théorie, ilfaut disposer d'une théorie plus généraledont la théorie que l'on veut tester soit
un cas particulier.Sachant ce que préditla théorie plus générale, il est alors possible de voir si les observations sont en
accord avec ces prédictions généralesou avec les prédictions particulières dela théorie restreinte à laquelle on s'intéresse. Et en effet, il est possible de fabriquer des généralisations de la théorie dela relativité générale ou des généralisations de la théorieélectrofaible.Ces généralisations ne sont pas bien belles
raison, entre autres, pour laquelle nous faisons confianceà la relativité générale et à la théorie des interactions élec
trofaible; néanmoins, ces généralisations sont utiles entant qu'hommes de paille faciles à abattre lorsque l'oncherche à tester la validité de la relativité générale ou dela théorie des interactions faibles.
À ma connaissance, il n'existe pas de généralisationde la mécanique quantique, un tant soit peu sérieuse.Jeveux dire qu'il n 'existe pas à ma connaissance de théoriecohérente englobant la théorie quantique en tant que casparticulier. En général, lorsqu'on essaie de généraliser lamécanique quantique, on aboutit à une ''théorie » où lasomme des probabilités n'est pas égale à 1, ou avec desp r o b a b i l i t é s négatives . Je pense qu'il conviendrait degénéraliser la mécanique quantique, même sans y croire,
@; de façon à ce que les expérimentateurs aient quelque
74 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl ZOU • N°43
chose à abattre. Si ce n'est pas possible, alors il faut serésoudre à considérer que la mécanique quantique se
situe très haut sur l'échelle de l'inévitabilité.Le problème est que la mécanique quantique ne suf
fit pas. Ce n'est pas, en elle-même, une théorie dynamique. C'est une scène vide à laquelle il faut ajouter desacteurs, c'est-à-dire qu'il faut spécifier l'espace de configuration, espace complexe de dimension infinie, ainsique les règles dynamiques indiquant de quelle façon le
vecteur d'é tat effectue une rotation dans cet espace au
cours du temps .
BEAUCOUP D'ENTRE NOUS en sont venus à penserque finalement ce qui manque à la mécanique quantique c'est un principe,ou plusieurs principes, de symétrie.
Un principe de symétrie est un énoncéindiquan t qu'il existe certaines façonsde changer la manière dont on regardela nature qui, bien que modifiant ladirection du vecteur d'état, ne changentpas les règles selon lesquelles ce vecteur d'état tourne au cours du temps.À l'ensemble de tous ces changementsde points de vue, on donne le nom degroupe de symétrie de la nature . Il est
de plus en plus évident que le groupede symétrie de la nature constitue lachose la plus profonde que nous savonsd'elle aujourd'hui. Je voudrais faire iciune suggestion, dont je ne suis pas
totalement assuré mais qui constitueau moins une éventualité possible : ilse pourrait que spécifier le groupe de
symétr ie de la nature soit la seule chose qu'il soit nécessaire de dire à propos du monde physique- en dehors desprincipes de la mécanique quantique, évidemment.
Il va de soi que le groupe des symétr ies de l'espace et
du temps constitue un paradigme des symétries de lanature. Les symétries de l'espace et du temps s tipulentque les lois de la nature sont indifférentes à l'orientationdu« laboratoire >>, à sa position dans l'espace, à la manièredont y sont réglées les zéros des horloges ainsi qu'à lavitesse à laquelle ce laboratoire se déplace. [. ..]
Il existe beaucoup de symétries qui n 'ont rien à voiravec l'espace et le temps; elles sont dites internes. La
conservation de la charge électrique résulte d 'une symétrie de ce type, à laquelle les physiciens ont donné le
nom d'invariance de jauge.Soit dit en passant, certainesde ces symétries peuvent être brisées. Par symétriebrisée, on entend une symétrie qui, bien que vraieau niveau des équations fondamentales ultimes, ne
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VERS LES LOIS ULTIMES DE LA PHYSIQUE DOCUMENT
vaut pas pour les équations correspondant à des éta ts
physiques observables. J'ai moi-même beaucoup
travaillé sur ces symétries brisées, mais ce n'est pas cedont je parlerai ici.
Il est clair qu'un principe de symétrie est également un
principe de simplicité. Après tout, si les lois de la nature
dépendaient de l'orientation du laboratoire, comme on
le pensait du temps d'Aristote, elles devraient bien évi
demment faire référence à l'orientation du laboratoire
par rapport à autre chose et ce serait plus compliqué
trop compliqué peut-être. Ne pas avoir à tenir compte de
l'orientationdu laboratoire rend les lois de la nature plus
simples. Néanmoins, on pourrait penser a priori que le
nombre des théories compliquées qui sont compatibles
avec toutes les symétrieset avec la mécanique quantiqueest encore énorme, en dépit de l'existence d'un grand
nombre de principes de symétrie simplificateurs.
JE PENSE QUE LA SITUATION n'est pas aussi
désespérée - et ce, pour deux raisons. La première est
que l'une de ces symétries semble être presque incom
patible avec la mécanique quantique. Il s'agit de l'inva
riance de Lorentz qui est l'un des éléments de la théorie
de la relativité restreinte développée par Einsteinen 1905 :
cette invariance exige que les lois de la nature ne dépen
dent pas de l'état de mouvement du laboratoire, pour
autant que ce mouvement soit uniforme et soit décrit
de la manière dont Einstein le faisait. Que cette exigence
soit presque incompatible avec la mécanique quantique
fait que la combinaison des deux théories impose aux lois
de la nature des restrictions draconiennes. Par exemple,
on sait aujourd'hui que dans toute théorie de ce type, à
chaque espèce de particules doit correspondre une autre
espèce, celle de ses antiparticules, possédant la même
masse, le même spin, mais des charges électriques oppo
sées.Il existe des électrons ; l doit donc y avoir des antié
lectrons (ou positrons) -ils ont été découverts en 1932.
Steven Weinberg en quelques dates
Il existe des protons ; l doit donc y avoir des antiprotons, ils
ont été découverts lors d'expériences effectuées en1955[. .).
D'autres conséquences, ayant trait au comportement desparticules lorsqu'elles sont à plusieurs dans un même état,
résultent également de façon nécessaire de l'alliance entre
mécanique quantique et relativité restreinte.[. .]
EN GÉNÉRAL, ET BIEN qu'il ne s'agisse pas là d'un
théorème, on s'accorde à penser qu'il est impossible de
concilier les exigences de la mécanique quantique et
celle de la relativité autrement que dans le cadre d'une
théorie quantique des champs. Par théorie quantique
des champs, on entend une théorie dont les principaux
ingrédients sont les champs, et non des particules, les par
ticules étant alors considérées comme des petits paquetsd'énergie du champ. l y a alors un champ pour l'électron,
un champ pour le photon, bref un champ fondamental
pour chaque particule vraiment élémentaire.
Mais il existe une autre raison de penser que les symé
tries sont fondamentales et qu'il se pourrai t que ce soit
la seule chose qu'il faille savoir du monde physique
- en dehors de la mécanique quantique elle-même.
Examinons la manière dont est décrite une particule
élémentaire.Comment la distinguons-nous d'une autre?
Réponse : par la donnée de son énergie, de sa quantité
de mouvement, de sa charge électrique, de son spin (et
quelques autres nombres) .Ces nombres décrivent en réa
lité la manière dont les particules se comportent lorsqu'on
leur fait subir certaines transformations de symétrie .
Par exemple, l'énergie d'une particule indique comment
change le vecteur d'état associé lorsqu'on modifie l'heure
de la pendule du laboratoire, etc.De ce point de vue, on
peut dire que ce que l'on trouve au niveau le plus pro
fond ce sont seulement des symétries et les réponses à
ces symétries. La matière se dissout et l'univers appa
raît comme une représentation irréductible du groupe
de symétrie de la nature .•
> 3 mai 1933: naissance à New York. > 1969: professeur au MIT.
> 1957 : soutient sa thèse sur les effets de
l'interaction forte dans les processus dominés par
l'interaction faible, à 'université de Princeton.
> 1959 : à l'université de Berkeley, il travaille
sur les diagrammes de Feynman et les courants
de seconde classe des interactions faibles.
> 1961 :premiers travaux en astrophysique.
> 1967 : chercheur-invité MIT, il commence ses
travaux qui le mèneront àdécouvrir l'unificationdes interactions électromagnétique et faible.
> 1973: professeur à Harvard.
> 1979 : avec le Pakistanais Abd us Salam
et l'Américain Sheldon Glashow, il reçoit
le prix Nobel de physique pour l'élaboration
de la théorie de l'interaction électrofaible.
> 1982 : professeur à l'université du Texas
à Austin.
> 1991 :reçoit la médaille nationale de la
science pour sa contribution à la découvertedes forces fondamentales de la nature.
N' 43 • MAl ZOU 1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 75
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*r é ~ é r e n c e < \ EN SAVOIR PLUS
Notre sélection de livres et de sites Web aide à explorer les théoriesqui tentent d'unifier les forces fondamentales de l'Universet qui permettent de comprendre pourquoi il est ce qu'il est.
* **Entretiens surla multitude du mondeThibault Damour etJean-Claude Carrière
Odile Jacob, 2002, 256 p., 21,40 €.
Lphysique quantique
et la théorie de la
relativité peuvent parfoissembler bien conceptuelleset peu intuitives.Par le biais d'un dialogue,Thibault Damour, physicienthéoricien, et Jean-ClaudeCarrière, écrivain,rendent ces thématiquesaccessibles. Les nombreusesallégories favorisentla compréhension desnotions de théorie physiquede base. À la fin du dialogue,le scientifique expliqueau profane le principedes théories unificatrices,chose qu'i l avoue difficileà réaliser.Sans entrerdans les détailscompliqués, on comprend
les grandes lignesde la problématique.
* **Matière sombreet Énergie noireAlain Bouquetet Emmanuel Monnier
Du nod, 2008, 240 p., 22 €.
Un des grands défisaujourd'hui pour
les cosmologistes
est d'arriver à résoudre
l'énigme de la matièrenoire, dont ils supposentl'existence, mais qu'ilsn'ont encore jamaisdétectée. Pourtant ,
il semblerait que celle-cireprésente prèsde go% de la matièretotale de l'Univers.Le journaliste scientifique
Emmanuel Monnieret le chercheur du CNRS
Alain Bouquet relatentles différents épisodesqui ont conduit la
communauté scientifiqueà la recherche de cettematière noire et fontle point sur les pistessuivies aujourd'hui.
Temps etEspace
TEMPS ET ESPACEDa L'ANTIQUITt À NOS IOUIIII
SCIENCES
Carlo Rovelli est l'un des fon
dateurs de la gravitationquantique à boucles, théorie
concurrente de la théorie des
cordes. Dans ce livre audio,
à écouter au calme, il nous
livre d'abord un historique
des découvertes de la physique théorique. Tout com
mence dans la Grèce antique avec Anaximandre de Milet
(W siècle avant J.-(.), que Carlo Rovelli considère comme
le premier scientifique (et auquel il a consacré un livre).
C'est lui qui proposa le premier l'idée que laTerre flotte dansl'infini etne repose sur rien.Letempset l'espace sont ensuite
abordés par l'orateur qui s'attarde notamm ent sur la gravitation universelle de Newton, les équations de Maxwell ou
la relativité d'Einstein. la fin estconsacrée à la gravité quan
tique. l'auteurexplique pourquoi il est nécessaire de trouver un modèle qui unifie les lois de la gravitation et celles
de la physique quantique. Il expose sa théorie, la gravita
tion quantique à boucles, en insistant sur la façon dont elle
considère le temps et l'espace.
Carlo Rovelll, De Vive Voix, 2007, durée : 79 minutes, 9,90 €.
http ://www.devivevoix.fr/sciences/temps -et-espace
Niveau de difficulté * **=pour débuter *** =pour approfondir ***=pour étudier
76 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IIIAI ZOU • N• 43
* **Qu'est-ce que le temps?Qu'est-ce que l'espace?Carlo Rovelli
Bernard Gilson, 2006, 119 p., 12 €.
Cercheur globe
trotteur,Carlo Rovelli s'est passionnétrès jeune pour lesquestions de temps et
d'espace. Cette passions'est renforcée lorsde ses voyages - d'Italieen France, en passantpar l'Angleterre etles États-Unis- et de sesrencontres avec desphysiciens. Sur fond debiographie, ce livre racontel'évolution de ses penséeset de ses travaux, enparticulier dans le cadrede la théorie des boucles -concurrente de la théoriedes cordes. À la fin del'ouvrage, Carlo Rovelliouvre la réflexion sur
la science dans le mondeet son enseignement.
* **le Vrai Roman desparticules élémentairesFrançois Vannucci
Du nod, 2010, 220 p., 18 €.
F rançois Vannucci,professeur à
l'université Paris-II, nous
propose une fresque
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
http://slidepdf.com/reader/full/la-recherche-la-theorie-du-tout-physiquesciencegravitationtheorie-des-cosmologie 76/97
historique. Son<< oman »
commence à la fin duXIX• siècle, lorsque lord Kelvin
déclare qu'il n'y a plus rienà découvrir en physique.Et montre qu'il se trompaitlourdement :le xx· sièclea été plutôt richeen découvertes. On suit ainsiles principales étapesde la recherche en physiquedes particules et de l'élaboration des grandes théoriesde la physique moderne,comme celle de la relativité.
Les thématiques les plusrécentes sont égalementtraitées, comme le Modèlestandard ou encore la théoriedes cordes. Dans le dernierchapitre, l'auteur s'interrogesur notre capacité à expliquerun jour tous les mécanismesqui régissent l'Univers.
***Même pas fausse !PeterWoit
Du nod, 2007, 328 p., 26,50 €.
L recherche sur la théoriedes cordes occupe un bon
nombre de chercheurs en
physique théorique et récolteune grande majorité dessubventions depuis plusieursdécennies. Pourtant, ellen' a jamais débouché sur
une prédiction testable :si on ne peut pas prouver quecette théorie est vraie,on ne peut pas non plusprouver qu'elle est fausse.Sa qualité de théoriescientifique est pour cetteraison sujette à cautionselon le théoricien américainPeter Woit, l'un de ses plusfervents opposants. Aprèsavoir rappelé l'historique
de cette théorie et du Modèlestandard de la physiquedes particules, il insiste sur
la marginalisation promiseaux jeunes chercheursvoulant travailler sur d'autres
théories de l'espace-temps,ainsi que sur le manque demoyens qui leur sont alloués.
***Rien ne va plusen physique !LeeSmolin
Dunod, 2007,488 p.,26,50 €.
L e Smolin est professeurde physique à l'Institut
Perimeter au Canada.Tous ses travaux portent surla recherche d'une théoriede gravitation quant ique et
il a longtemps travaillé surla plus connue d'ent re elles :la théorie des cordes. Maisselon lui, cette théorie estscientifiquement bancale et
socialement dévastatrice.En effet, elle ne sera jamaistestable et donc jamai svalidée. En outre, il accusele système académique de luidonner trop d'importance,en lui allouant tropde financements au détrimentde travaux sur d'autresthéories prometteuses.Il fustige les tenants de cettethéorie, qui ont tendance,selon lui, à l'accepter pourdes raisons émotionnelles
plutôt que rationnelles.
***Au-delà de l'Espaceet du tempsMarc Lachièze·Rey
Le Pommier, 2008,418 p., 27€ .
M arc Lachièze-Reyexplique les
fondements de la cosmologieactuelle. Pour cela, il rappelle
les bases des deux théoriesincompatibles queles physiciens veulen t »>
EN SAVOIR PLUS
CE
QU'EINSTEIN NE SAVAIT PAS ENCOREVersion française de L'Univers élégant,
série documentaire en 3 parties de Brian Greene,physicien américain de l'université Columbia,largement inspirée de son livre du même nom
et diffusée en France par Arte.
http://tinyurl.com/einstein greene·thttp://tinyurl.com/einstein·greene·2http://tinyurl.com/einstein·greene-3
SI DIEU NE JOUE PAS AUX DÉS,SAUTE-T-IL À LA CORDE?
Universcience-vod propose une vidéode témoignages et d'entre tiens de physiciensde l'Institut des hautes études scientifiquesà Bures-sur-Yvette, dans l'Essonne, sur la questionde l'existence d'une théorie unificatrice.
http://tinyurl.com/des-corde
LES PARTICULES ET LEURS SYMÉTRIESCours de physique des particulesde Gérard Smadja et Guy Chanfray, chercheursà l'Institut de physique nucléaire de Lyon.
http://tinyurl.com/SmadjaChanfray
VOYAGE VERS L'INFINIMENT PETITUn site, réalisé par l'École normale supérieurede Paris et le ministère de l'Enseignementsupérieur et de la Recherche, sur la physiquethéorique, expliquant les différentesforces régissant l'Univers et les théoriesqui visent à les unifier.
http://d.iftusion.ens.fr/vip
LA THÉORIE DES SUPERCORDES
Cours d'introduct ion sur la théorie des supercordes par différents physiciens théoriciensrenommés.
http://tinyurl.com/supercordes
CONFÉRENCES À LA CITÉ DES SCIENCESEn 2005, la Cité des sciences a proposé un cyclede conférences autour d'Albert Einstein.Plusieurs thématiques ont été abordésautour de la physique théorique, dont la
théorie des cordes (par Pierre Binetruy)et celle de la gravitation quantique à boucles
(par Carlo Rovelli)http: / tinyurl.com/conf·cite
N" 43 • liAI ZOU 1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 77
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
http://slidepdf.com/reader/full/la-recherche-la-theorie-du-tout-physiquesciencegravitationtheorie-des-cosmologie 77/97
*r é ~ é r e n c e < \
Niveau de difficulté * ** =pour débuter *** =pour approfondir ***=pour étudier
>» unifier :la théorie
quantique et cellede la relativité.ll s'attardeaussi sur la géométriedu cosmos, et notamment
sur la dimension du tempsdont il expose l'histoireet les théories. Enfin,il recense les différentesthéories unificatrices-les cordes, supersyrnétrieet supercordes, théorie M,
gravitation quantique -et décortiqueleurs caractéristiques.
***
Y a-t-il un grandarchitectedans l'Univers?Stephen Hawkinget Leonard Mlodinow
Odile Jacob, 2011, 242 p., 22,90 €.
Cest dans le dernier
chapitre, où lephysicien de renom
Stephen Hawking et
Leonard Mlodinowréfuten t catégoriquementl'existence de Dieu, quele titre du livre prend
tout son sens. La phrase" nul besoin d'invoquer
Dieu pour[ .. qu'il fasse
naître l'Univers " reprisepar tous les médias lors
de la sortie du livre,en est d'ailleurs tirée.Mais l'objectif de l'ouvrageest surtout de nous exposerles différentes théorieset avancées de la physique,et de répondreà la question suivante :pourquoi l'Universest-il comme il est ?La théorie M, qui découlede la théorie des cordes,permet, selon les auteurs,d'élucider les mystèresde l'Univers. Elle serait
" l'unique candidate
au poste de théorie complètede l'Univers "·
***
Supercordeset Autres FicellesCarlos Calle
Dunod, 2004, 608 p., 38 €.
V oici un ouvrage assezgénéraliste qui passe
en revue les grands thèmesde la physique, des lois dela mécanique à l'électricité,en passant par la structurede la matière et la thermodynamique. La dernièrepartie concerne la physiquemoderne :la relativitéd'Einstein et la mécaniquequantique.Carlos Calle,spécialiste de la physiquenucléaire à la NASA,nous
présente la courbure del'espace-temps, la structuredes atomes ou encorel'antimatière.ll fait aussile point sur les théoriesunificatrices, en particulierla théorie des cordes.
***
Le facteur temps nesonne jamais deux foisÉtienne Klein
Flammarion, 2009, 268 p., 8 €.
A u cours de sa carrière,le physicien et
philosophe Étienne Kleins'est beaucoup interrogésur le temps. Dans ce livre,il aborde cette thématiqueaussi bien du point de vuede la physique que de celuide la philosophie. Le tempsest-il quelque chosede passif? A-t-il besoindes événements qui s'ydéroulent pour s'écouler?
78 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE IIIAI ZOU • N" 43
L'auteur relate la façon
dont le temps a été perçuau cours de l'histoire,par les philosophes ou
a un gros défaut :
les scientifiques.ll revisiteensuite l'histoire de
elle existe sous environ10 soo formes différentes.Leonard Susskind, l'undes pères de cette théoriepropose une solution.
la physique en suivant le fi ldirecteur du temps. Enfin, ilpasse en revue les dernièresthéories qui reconsidèrentcette dimension.
Il considère que chacunede ces théories possiblescorrespond en faità un univers particulier.L'ensemble de ces universforment dans le paysagecosmique ce que l'auteurappelle le« mégavers >>.
Après avoir rappelé
***Le Paysage cosmiqueLeonard SusskindGallimard, 2007 ,640 p., 11,50 €.
L théorie des cordes,qui a pour objectif
de simplifier la physiqueen unifiant les théoriesde la gravitation et
les bases de la physiquethéorique dans les premierschapitres, Leonard Susskinddétaille le mécanismede sa théorie. ll revientaussi sur le différendqui l'avait opposé
de la mécanique quantique, au physicien britannique
La Magie du cosmos
En termes de vulgarisation, Brian
Greene, physicien de l'Univer
sité Columbia, à New York, n'en
est pas à son coup d'essai. En
1999, L'Univers élégantaconnu
un franc succès, du moins au
~ t a t s - U n i s . Dans ce nouvel
ouvrage, l'auteur use de compa·raisons et d'allégories pour abor
der avec pédagogie les bases
complexes de la physique théo-
rique, et plus particulièrement la théorie des cordes. Dans
un premier temps, il revient sur les concepts du temps et
de l'espace. Puis il s'attarde sur quelques thèmes impor
tants de la cosmologie : symétrie, matière noire, etc. Ces
bases ainsi posées, il expose le cœur de son travail : la
théorie des cordes. Brian Greene explique comment cette
dernière et la théorie M, une de ses variantes, tententd'unifier la physique quantique et la relativité.
Brian Greene, Robert Laffont, 2005, 670 p., 24 €.
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
http://slidepdf.com/reader/full/la-recherche-la-theorie-du-tout-physiquesciencegravitationtheorie-des-cosmologie 78/97
Stephen Hawking pendant
plusieurs décennies
à propos de la structure
des trous noirs.
***l'Univers en rebondMartin Bojowald
Albin Michel, 2011,320 p., 29 €.
M artin Bojowald,
physicien
à l'université de Pennsylvanie,
est un tenant de la gravitation
quantique à boucles,l'une
des principales théoriesconcurrentes de la théorie
des cordes. Celle-ci reconsidère
entièrement la structure de
l'espace-temps :à la différence
des cordes qui sont
dans l'espace, les boucles
forment l'espace. L'auteur
propose de remplacer
la notion de Big Bang par celle
de Big Bounce (grand rebond).
Selon lui, cet événement
ne marquerait pas le début
de la matière et du temps,
mais le début d'un cycle
sans cesse renouvelé.
Il serait la transition entre
l'effondrement de l'Univers
et sa renaissance.
***The Hidden RealityBrian Greene
Knop/AIIen Lane,2011, 384 p.(en anglais), 29,95 $.
D ernier opus du
physicien théoricien
et grand vulgarisateur
Brian Greene. Après L'Univers
élégant et La Magie du cosmos,
The Hidden Reality (la réalité
cachée) traite également
de physique théorique.
Mais, dans cet ouvrage,
l'auteur insiste davantage
sur la notion d'universmultiples. Il part d'un postulat
simple :si l'Univers est infini,
sans limite, i l existe alors
une infinité d'univers et,
donc, il existe aussi
forcément une infinitéd'univers semblables
au nôtre où vivent nos alter
ego. Selon le cheminement
théorique que l'on emprunte,
neuf types d'univers multiples
(ou multivers) sont possibles
d'après l'auteur qui les décrit
tout en s'interrogeant
sur la pertinence de formuler
des hypothèses non
réfutables. Il fait également
le point sur les dernièresavancées concernant
la théorie des cordes.
***Un Univers différentRobert B. Laughlin
Fayard , 2005, 330 p., 22 €.
R bert Laughlin est
professeur à l'université
Stanford et a reçu le prix
Nobel de physique en 1998.
Au début des années 1990,
i l a commencé à s'intéresser
au concept d'émergence.
Ille définit comme
un principe physique
d'organisation: d'éléments
n'ayant apparemment
aucune organisation
particulière émerge
un ensemble qui est
organisé et répond à des loisphysiques connues.
Ce principe s'oppose
au réductionnisme qui
considère que toutes
les lois physiques peuvent
être déduites de lois
plus fondamentales.
Le réductionnisme
ne peut pas être appliqué
concernant l'organisation
de l'Univers, selon l'auteur.
En outre, il en prédit la fincomme méthode d'analyse
du monde.
.."'
EN SAVOIR PLUS
LE MODÈLE STANDARDAlain Connes, mathématicien et chercheur à
l'Institut des hautes études scientifiques, interrogé
par Arte sur la thémat ique du Modèle standard.
http:/ tinyurl.com/mod-strd
LOOP QUANTUM GRAVITYConférence de Carlo Rovelli sur la gravitation
quantique, une théorie concurrente des cordes.
http://tinyurl.com/Rovelli-LQG
CERN -SCIENCES
L'organisation européenne pour la recherchenucléaire (CERN) traite sur cette page
de la physique atomique, rappelant les principes
du Modèle standard et des théories unificatrices,
notamment la théorie des cordes.
http://tinyurl.com/cem-PhTh
l'UNIVERS SUR UNE CORDEConférence filmée de Brian Greene, physicien
théoricien partisan de la théorie des cordes,
expliquant cette dernière avec pédagogie
(en anglais).
http:/ tinyurl.com/Greene-cordes
THE OFFICIAL STRING THEORY WEBSITEPatricia Schwarz, chercheuse au Caltech,
explique en version « débutant » ou « expert »
les bases de la théorie des cordes (en anglais).
http:/ superstringtheory.com/
THEORETICAL PHYSICS FUNUn autre s ite de Patricia Schwarz, mais qui ne
se limite pas aux cordes.On y parle aussi de
physique théorique, de relativité, etc. (en anglais).http://tinyurl.com/th4fun
LEE SMOLIN SUR LA THÉORIE DES CORDESLee Smolin, un des plus fervents opposants
à la théor ie des cordes, est interviewé sur la BBC
et explique son raisonnement (en anglais).
http:/ tinyurl.com/smolin-itw
THE SECOND SUPERSTRING REVOLUTIONJohn Henry Schwarz, un des pères de la théorie
des cordes, revient sur les bases de cette dernière
et sur les avancées récentes (en anglais).
http://tinyurl.com/jh-schwarz
· -
N• 43 • IIAI2011 I LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 79
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
http://slidepdf.com/reader/full/la-recherche-la-theorie-du-tout-physiquesciencegravitationtheorie-des-cosmologie 79/97
Un hors-série pour
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7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
http://slidepdf.com/reader/full/la-recherche-la-theorie-du-tout-physiquesciencegravitationtheorie-des-cosmologie 80/97
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••
BiomédicamentsLa biotechnologie au
service de notre santéne grande partie des progrèsde la médecine au xxe sièclesont dus aux succès de la
chimie de synthèse. Celle-ci
a en effet permis de produire
en grande quantitédes médicaments efficaces,aux compositions bien
définies. Les molécules qui les composentavaient été, pour nombre d'entre elles,
identifiées dans des champignons,telle la pénicilline, ou dans des plantes,telle l'aspirine. Mais le vivant n'étaitqu'une source d'inspiration. Aujourd'hui,les cellules vivantes se sont invitées dansles chaînes de production. Génétiquementmodifiées, elles fabriquent des moléculesbien plus complexes que celles que noussavons faire dans des réacteurs chimiques.Et l'action de ces molécules sur nos
organismes est mieux ciblée. La nouvellerévolution pharmaceutique a commencé.
> Repère& P. 82
• Les biomédicamentsen 6 questions
> Initiative& P. 86
• Les cellulesde mammifères,génératricesde médicaments
• De la paillasse à lacommercialisation
• Principes actifsdans les globulesrouges
> Savoir-taire P. 90
• Dans une usinede biomédicaments
> Acteur& P. 92
• Chasseursd'innovations
> Avenir P. 96
• « Soigner chacunselon son patrimoinegénétique »
> Pour en &avoir plm
•Internet
• Livres
N' 43 • lU I JOU1 ES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 81
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
http://slidepdf.com/reader/full/la-recherche-la-theorie-du-tout-physiquesciencegravitationtheorie-des-cosmologie 81/97
BIOMÉDICAMENTS / Repère6
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•
Les biomédicaments•
en 6 questionsLa biotechnologie est aujourd'hui à la pointe de l'innovationpharmaceutique. En jeu, des médicaments mieux adaptésà chaque patient pour de nombreux types de maladies.
0 Qu'appelle·t·onbiomédicaments?
Ils peuvent être définis commel'ensemble des substances théra
peutiques dont la conception fait
appel aux biotechnologies, c'est
à-dire aux techniques qui uti lisent
des éléments du vivant (cellules, tis
sus ou éléments de la cellule}.Cette
définition inclut des traitements
très variés, allant de nouveaux
modes de délivrance de principes
actifs connus (lire << Principes actifs
dans des globules rouges», p. 89}
aux antibiotiques produits pa r des
bactéries améliorées.
La plupart des études portant
sur les biomédicaments, ou médi
caments biologiques, se concen
trent sur les molécules issues de la
technologie dite de<< l'ADN recom
binant ».Cette technologie consiste
à insérerun gène étranger dans une
bactérie ou dans une cellule d'un
autre type pour lui faire fabriquer
une protéine qu'elle ne produiraitpas naturellement [fig.1].
Le premier médicament élaboré
avec cette technique est apparu
sur le marché américain en 1982 :
il s'agit de l'insuline recombinante,
fabriquée par des bactéries dans
lesquelles on a transféré un gène
de l'insuline humaine. Jusqu'alors,
l'insuline destinée au traitement
des diabétiques était extraite de
pancréas de porcs, mais elle était
mal tolérée par le corps humain.
L'insuline recombinante, analogue
à la protéine humaine et par consé
quent mieux acceptée, a fortement
contribué à améliorer la qualité de
vie des patients.
À la suite du succès de ce premier
biomédicament, les sociétés de
biotechnologies ont utilisé la tech
nologie de l'ADN recombinant pour
fabriquer toutes sortes de molé
cules thérapeutiques, impossiblesà synthétiser chimiquement : des
hormones de croissance, des fac
teurs de croissance des cellules du
sang comme les érythropoïétines,
ou encore des cytokines, sorte de
messagers, impliqués notamment
dans l'immunité.
L'autre grande famille des médi
caments biologiques est apparue
plus tardivement : ce n'est qu'en
1997 queles premiers anticorpsmonoclonaux ont été mis sur le
marché. Les anticorps sont des
protéines naturellement fabri
quées par le corps humain pour se
défendre contre les pathogènes.
Les anticorps monoclonaux sont,
eux, produits dans des cellules ani
males, grâce à la technologie de
l'ADN recombinant. Un anticorps
monoclonal est capable de blo
quer un récepteur ou un média
teur impliqué dans une patho-logie en se fixant sur un motif
moléculaire spécifique. En 2007,
les anticorps monoclonaux repré
sentaientun tiers du marché mon
dial des biomédicaments, contre
deux tiers pour les protéines
recombinantes.
8 Commentfabrique·t·on
un biomédicament?
Sl 'on s'en tient à la définition la
plus restrictive, il s'agit d'une
protéine issue de la technologie
82 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl ZOU • N' 43
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
http://slidepdf.com/reader/full/la-recherche-la-theorie-du-tout-physiquesciencegravitationtheorie-des-cosmologie 82/97
0 Le plasmide qui portele gène est intégré dansune bactérie
· ~ 1
La bactérie elit •le gèneet fabrique la protéinecorrespondante
La protéine est purifiéeet isolée afin d'élaborerle médicament
. . ,"' ',
0Un gène ayantun potentielthérapeutique
0Le médicamentest injecté au malade
••••
OGrâceàdesenzymes,ce gène estdécoupéet isolé du restedu génome
A Le gène est inséréV dans une portion d'ADN
circulaire appelée«plasmide»
est identifié
chez l'homme
1
LES MÉDICAMENTS BIOLOGIQUES sont issus de la technologie de l'ADNrecombinant. Elle consiste à insérer un gène humain (1, 2) dans une portion d'ADN (3), placée dans une cellulevivante(4),1e plus souventune bac-
térie ou une cellule animale. Celle-ci fabrique alors une protéine ayant unintérêtthérapeutique(S).Après extraction et purification (6 , cette protéineest administrée aux patients (7), généralement en milieu hospitalier.
de l'ADN recombinant Pour l'ob
tenir, on commence par identifier
chez l'homme le gène qui la code.
On insère ensuite ce gène dans une
cellule qui va le « lire » et fabri
quer la protéine. On dit alors de la
cellule productrice qu'elle a subi
un e recombinaison génétique :
c'est pourquoi on parle de protéi
nes« recombinantes».
Les biomédicaments ont d'abordété produits dans des bactéries,
telle Escherichia coli. Elles ont en
effet!' avantage d'être bien connues
des chercheurs et de se multiplier
rapidementMais, depuis, les voies
de production des biomédicaments
se sont multipliées (lire «Les cellu
les de mammifères, génératrices de
médicaments »,p. 86}. Les cellules
animales sont aujourd'hui les plus
utilisées, car elles permettent de
produire des molécules complexes
et bien tolérées par l'homme.
Les cellules génétiquement
modifiées sont d'abord cultivées
dans des bioréacteurs, dans des
conditions contrôlées, pour qu'elles
se multiplient et produisent la pro
téine recherchée. Une fois obtenue
en quantité suffisante, celle-ci es t
isolée du matériel cellulaire et récu
pérée. Elle subit ensuite diverses
phases de contrôle qui permettent
de s'assurer de sa pureté, avant
d'être conditionnée.
La production d'un biomédi-cament est un processus complexe
et très spécifique, et la construc
tion d'une unité de bioproduction
nécessiteun investissement impor
tant C'est pourquoi la plupart des
sociétés de biotechnologies sous
traitent la production de leurs lots
destinés aux essais cliniques auprès
de sociétés spécialisées, qui fabri
quent des protéines à façon pour
leurs clients. Les entreprises du
médicament justifient le prix élevé
des biomédicaments par leur coût
de production, plus important que
celui d'une synthèse chimique.
8 Pour quellesmaladiessont-ils prescrits?
Fin mars 2008,107 médicaments
biologiques étaient commercia
lisés en France, d'après un recense
ment effectué pour le compte du
syndicat des entreprises de l'indus
trie pharmaceutique,Les entrepri
ses du médicament (Leem} [fig. 2].Une classification par aires thé-
rapeutiques de ces médicaments
révèle qu'ils couvrent un large
spectre d'indications.Les biomédi
caments sont utilisés dans 16 spé
cialités médicales :18 % d'entre eux
sont prescrits en cancérologie et en
hématologie, c'est-à-dire dans le
traitement des maladies du sang,
13% en infectiologie, 9% contre le
diabète, 9% en endocrinologie et
7% pour l'hémostase, c'est-à-dire
pour l'arrêt d'hémorragies.
Les biomédicaments permettent
de soigner des pathologies >»
N• 43 • MAl Z011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 83
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
http://slidepdf.com/reader/full/la-recherche-la-theorie-du-tout-physiquesciencegravitationtheorie-des-cosmologie 83/97
BIOMÉDICAMENTS /Repère&
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Les biomédicamentsen 6 questions
»> pour lesquelles il existe de
forts besoins médicaux non satisfaits : cancers, pathologies neure
dégénératives et maladies auto
immunes. Une autre de leurs
caractéristiques est de cibler un
nombre restreint de patients,
pa r rapport aux médicaments
classiques. En 2004, sur go bio
médicaments commercialisés en
France, 44 étaient indiqués dans le
traitementde maladies considérées
comme orphelines, c'est-à-dire qui
touchent moins de 30 ooo patientsfrançais, d'après l 'évaluation faite
parle Leem.
Les autres médicaments bio
logiques sont indiqués dans des
pathologies plus répandues, mais
ils ne sonten général efficaces que
sur un certain type de patients.
Cela tient à la conception même
de ces médicaments, adaptée aux
caractéristiques génétiquesde cha
cun. Par rapport aux médicaments
classiques, les biomédicaments
orientent donc les soins vers une
médecine personnalisée.
Enfin, comme ces médicaments
servent pour la plupart à trai ter des
maladies graves, ils sont généra
lement administrés dans le cadre
de l'hôpital. Un biomédicament
sur trois est même réservé auxprescripteurs hospitaliers. Il existe
cependant des médicaments bio
logiques qui peuvent être pres
crits par des médecins de ville, par
exemple pour le traitement de la
polyarthrite rhumatoïde.
Ocommentles teste·t·on ?
Avant d'être commercialisés,
les biomédicaments, commeles médicaments chimiques, doi
vent faire la preuve de leur effica
cité et de leur innocuité grâce à une
série d'essais cliniques. Chaque
candidat médicament est d'abord
testé auprès de volontaires sains,
afin de s'assurer qu'il est bien
toléré. La deuxième phase des
essais consiste à prouver l'effica
cité du médicament sur des per
sonnes atteintes par la maladie
et à trouver à partir de quelle dose
il permet une amélioration des
symptômes, sans entraîner d'effets
secondaires indésirables. Enfin,
la troisième phase des essais est
menée sur un plus grand nombre
de patients, en général plusieurs
DEPUIS LA COMMERCIALISATION EN 1984 d'une insuline recombinante, destinéeaux patients diabétiques, le nombre de biomédicaments différents disponibles sur
12 le marché français n'a cessé d'augmenter. Cette croissance devrait se poursuivre, car:;: de nombreux médicaments de ce type sont actuellement à l'essai dans le monde.
L - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ~
84 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl ZOU • N' 43
milliers, afin de déterminer ses
bénéfices et risques potentiels.
Les essais menés sur les biomédi
caments ont toutefois quelques
particularités par rapport auxmédi
caments traditionnels. Commeils sont spécifiquement conçus
pour agir sur des cibles humaines,
ils ne peuvent pas faire l'objet
d'études précliniques, normale
ment menées sur des animaux. Il
est donc nécessaire d'accompagner
les essais cliniques d'études immu
nologiques complémentaires.
Par ailleurs, en raison de leur
spécificité, il es t parfois diffi
cile de trouver suffisamment de
patients pour tester l'efficacitédes nouveaux biomédicaments.
Les laboratoires utilisent donc
la même approche que pour les
maladies rares : ils font appel à
des associations de malades pour
recruter des volontaires.
Si les essais cliniques se révèlent
concluants, la société qui a déve
loppé le médicament monte un
dossier de demande d'autorisation
de mise sur le marché et le soumet
à l'autorité sanitaire compétente.
En Europe,les autorisations natio
nales ne sont pas suffisantes : les
médicaments biologiques doivent
obligatoirement être évalués par
l'Agence européenne des médica
ments (EMEA) .
La mise à disposition des
patients d'un nouveau biomédi
cament est un processusde longue
haleine.En 2004, l'enregistrement
d'une nouvelle molécule auprès del'EMEA prenait 464jours environ;
490 jours supplémentaires étaient
ensuite nécessaires pour assurer
la commercialisation du produit.
En tout, il s'écoulait donc près de
deux ans et demi entre le début
de l'enregistrement d'un biomédi
cament et sa mise sur le marché.
Ce délai est plus long que pour les
médicaments classiques, ce qui
peut s'expliquer par le fait que la
production des biomédicamentsest plus complexe en termes de
qualité et de sécurité que celle des
médicaments chimiques.
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http://slidepdf.com/reader/full/la-recherche-la-theorie-du-tout-physiquesciencegravitationtheorie-des-cosmologie 84/97
eQui c o n ~ o i t lesbiomédicaments?
Alors que la recherche sur lesmédicaments classiques se
fait au sein de grandes entreprisespharmaceutiques, a mise au pointde nouveaux biomédicaments
relève majoritairement de petitessociétés innovantes ou start-up.Elles servent d'intermédiaires
entre la recherche académique,dont sont souvent issus les biomédicaments e t l'industrie.Les start-up sont des sociétés
au développement risqué. Ellesont besoin d'investissements
importants pour mettre en évidence les bénéfices d 'un nou-
veau médicament, et ne réalisent un chiffre d'affaires qu'aprèsplusieurs années d'activité. Lestrès petites entreprises de moinsde 20 salariés représentaient àelles seules près de la moitié desentreprises actives dans la recherche en biotechnologie en Franceen 2004, d'après un rapport du
Conseil économique, social etenvironnemental.Certaines sociétés spéciali
sées dans les médicaments biologiques sont aujourd'hui devenues des acteurs majeurs du
marché pharmaceutique : parmiles plus connues, on peut citerAmgen, Genentech,NovoNordiskou encore Genzyme. Toutefois,la plupart des petites sociétés debiotechnologies cherchent plutôt
à valoriser leurs découvertes enles vendant à des grands groupespharmaceutiques.Les géants du secteur cherchent
effectivement de plus en plus àacquérir les droits sur des molécules issues des biotechnologies afinde compenser la faible productivité de leur propre recherche etdéveloppement, et pour préparerle déclin annoncé des recettestirées des médicaments qu i
tombent dans le domaine public.Cest ainsi qu'en février dernierle laboratoire français SanofiAventis a annoncé qu'il allait
racheter la société de biotechnologies américaine Genzyme pourprès de 15 milliards d'euros.La France, premier pays produc
teur européen de médicaments
traditionnels, a pris du retard surle marché des biomédicaments :sur les 107 molécules commercialisées en France en 2008, seules10 d'entre elles étaient issues d'entreprises françaises. Le marché
des médicaments biologiques estlargement dominé par les ÉtatsUnis, et l'écart devrait continuerà se creuser, car les traitementsissus de sociétés européennes nereprésentent qu'une petite partiede ceux qui sont actuellement en
essai clinique dans le monde.
G Quelleestleur importancesur le marchépharmaceutique?
Les biomédicaments repré-
sentent au niveau mondial un
chiffre d'affaires compris entre
8o et 100 milliards de dollars, soitenviron 10% du marché pharmaceutique global. Mais ils connaissent depuis plusieurs années uneforte croissance (autour de 15%
par an), beaucoup plus importante que celle des médicamentstraditionnels. Les médicamentsbiologiques sont aujourd'hui àl'origine de profits importants
pour les sociétés qui les commercialisent :en 2007,24 de ces molé
cules ont généré un chiffre d'affaires annuel supérieur à 1 milliardde dollars.
Pour l' industrie pharma-
ceutique , les biomédicaments
représentent également une
source d ' innovation théra-
peutique. Ces dernières années,ils ont représenté environ 30% desnouvelles molécules mises sur lemarché. Cette part devrait encoreprogresser à l'avenir, puisqu'un
grand nombre de molécules actuellement à l'essai sont des biomédicaments. Beaucoup d'entre euxsont efficaces dans des pathologies
à forts besoins médicaux non satis
faits,notamment dans le domainede la cancérologie.Enfin, ces médicaments appor
tent de réels bénéfices en matièrede santé publique, si l'on en croitl'analyse de la commission detransparence de la Haute Autoritéde la santé.Cette instance, chargéed'évaluer les molécules avant leurinscription sur la liste des médicaments remboursables, publiedepuis 2001 ses évaluations de
l'amélioration du service médicalrendu par les nouveaux médicaments, par rapport aux traitements déjà disponibles. D'aprèsces évaluations, 4 biomédicamentssur 10 apportent une améliorationmajeure ou importante du servicemédical rendu, ce qui représenteune forte contribution à l'amélioration de l'offre thérapeutique,par rapport aux médicaments
traditionnels.• Pascaline Minet avec la col laboration
deDominique Deblais, directrice des
affa ires gouvernementales chez Amgen France
et membre du co mité biotechnologiesdu
syndi cat Les entreprises du médicament.
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Les cellules de mammifères,génératrices de médicamentsL'essentiel des protéines entrant dans la composition demédicaments est aujourd'hui produit par des cellules animales,cultivées avec soin dans des réacteurs biochimiques.
e 16 novembre 2010, la
lutte contre le lupus,
maladie du système
immunitaire qui touche
5 millions de person
nes dans le monde, a connu une
avancée historique : un comité
d'experts de l'Agence américaine
des médicaments a approuvé
l'autorisation de mise sur le mar
ché du Benlysta. S'il franchit les
dernières barrières réglemen-
taires, ce médicament, une pro
téine développée par les labora
toires GlaxoSmithKline et Human
Genome Sciences, sera le premier
remède commercialisé contre le
lupus depuis cinquante-deux ans.Ce n'est en outre pas la seule ori
ginalité du Benlysta: il est en effet
produit par des cellules de mammi
fères génétiquement modifiées
Du début des années 1980
au milieu des années 1990, les
protéines utilisées à des fins thé
rapeutiques on t été fabriquées
principalement par des bacté
ries. Ainsi, c'est grâce à des gènes
humains insérés dans la bactérie
Escherichia coli que l'on produit
notamment l'insuline humaine
administrée aux diabétiques.
Avantages des bactéries : elles
se multiplient rapidement (leur
population double toutes les vingt
minutes) et leur culture est relati
vement facile à maîtriser.
Mais, aujourd'hui, les sociétés
de biotechnologies privilégient
les cellules de mammifères pour
fabriquer des protéines thérapeu
tiques: 6o % de ces biomédica
ments sont produits à partir de
cellules animales; 30 % sont issusde bactéries ou de levures; les10 %
restants proviennent de plan-
tes et d'animaux transgéniques
vivants. La raison de cette préfé
rence? " Les bactéries, organismesprocaryotes•, ne peuvent pas pro-
duire parfaitement des protéinestrop complexes "• explique Roland
COMPARAISON DES PRINCIPAUX MODES DE PRODUCTION
BACTÉRIE CELLULE DE MAMMIFÈREConditions de cultures Peu exigeantes Conditions chimiques
et thermiques précises 1
Introduction du gène · Facile Complexe
Capacité de production Importante Limitée
1oût de revient Bon marché Onéreux
Extraction de la protéine Désintégration Protéine sécrétéeindispensable de la bactérie . dans le mme. de "''"re 1
Production de protéines Impossible Possible
complexes
LESPREMIERS MÉDICAMENTS BIOLOGIQUES, apparus dans les années 1980, étaientproduits par des bactéries. Faciles àcultiver, celles·ci permettenten effet de fabriquer
des protéines thérapeutiques en grande quantité et à faible coût. Mais aujourd'hui,
1ce sont les cellules animales qui sont les plus utilisées en bioproduction, car ce sontles seules capables d'élaborer les molécules les plus complexes.
Béliard, responsable du dévelop
pement préclinique et biopharma
ceutique au Laboratoire français du
fractionnement et des biotechno
logies (LFB) . En outre, précise-t-il,
"au lieu de sécréterà l'extérieur les
protéines d'intérêt, elles les gardentà l'intérieur. Il faut alors détruire
la bactérie pour récupérer ces pro-
téines, ce qui complexifie les étapes
d'extraction et la purification, et
diminue les rendements "·
Proches des protéines hu-
maines. Les cellules de mammi
fères, organismes eucaryotes•,per
mettent de résoudre en partie ces
problèmes. Les plus utilisées pourproduire des biomédicaments sont
des lignées initialement isolées
dans des ovaires ou des reins de
hamsters.Disposant d'une machi
nerie cellulaire plus perfectionnée,
elles peuvent produire des protéines
plus complexes, dont les anticorps
monoclonaux, biomédicaments deplus en plus utilisés notamment
dans la lutte contre le cancer et les
maladies inflammatoires
D'autre part, les protéines fabriquées par ces cellules ne contien
nent pas seulement les bons
enchaînements d'acides aminés :
elles subissent aussi des modifi
cations propres aux mammifères,
telle la glycosylation, série de réac
tions enzymatiques qui ajoute des
glucides sur la chaîne principale dela protéine. Ces transformations
leur confèrent une structure plus
proche de celle des protéines natu
relles humaines. Résultat : d'une
part, le système immunitaire ne
réagit pas (ou peu) contre ces molé
cules et, d'autre part, celles-ci sont
86 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl ZOU • N' 43
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plus efficaces. Autre avantage descellules animales : elles sécrètentleur production dans le milieu deculture, ce qui facilite la récupération de celle-ci.
Les cellules animales ont toutefois quelques inconvénients. Pourleur faire produire des protéinesparticulières, il faut bien entenduy introduire les gènes correspondants.Or c'est plus difficile qu'avecdes bactéries.Elles sont aussi moinsfaciles à cultiver, car elles sont trèssensibles à leur environnement
chimique et thermique."Leur mul-tiplication doit être réalisée dansun environnement stérile et avec
une concentration en oxygène, unetempérature et une addité très pré-
cises "• indique Roland Béliard.Par conséquent, la capacité de
production industrielle est faible :de l'ordre de quelques centaines demilliers de litres de bioréacteursdans lemonde."Les investissements
industriels et les coûts de production
sont élevés, ajoute le spécialiste, etles délais de construction et de miseen service des unités de production
sont longs. "
Laitde chèvres transgéniques.Pour pallier ces inconvénients,uneautre technique émerge : l'usaged'animaux transgéniques , pour
produire des protéines théra-
peutiques dans le lait, le sang oule plasma séminal de l'animal.
Le système le plus avancé est la
production de protéines dans lelait de chèvres transgéniques ." Linvestissement pour élever et
traire des chèvres est moindre quepour cultiver des cellules en bio-
réacteurs. Et l'on peut rapidementproduire des protéines thérapeu-
tiques àgrande échelle "• expliqueYann Echelard, spécialiste de la
production de protéines dans
le lait de mammifères dans la
filiale américaine du LFB, GTC
Biotherapeutics. Le premier desdeux seuls médicaments produitsde cette façon dans le monde,Atryn,une antithrombine humaine éla
borée par GTC Biotherapeutics, aété homologué en Europe en 2006
et aux États-Unis en 2009 .
"D'autres technologies encoresont expérimentées, comme l'utili-
sation de cellules aviaires, de cellules
d'insectes, de plantes transgéniques
ou non transgéniques pour la pro-
duction de vaccins ou de protéines
recombinantes "• précise JoëlleDumas, chargée de mission bioproductions au Genopole d'Évry.Les techniques qui mènent aux biomédicaments sont donc multiples.Elles sont appelées à coexister et
à se diversifier, chaque type d'organisme de production ayant desavantages et des inconvénientsspécifiques.• Florence Helmburger
*Les
organismesprocaryotessontconstitués
de cellulesdépourvuesde noyau.
*Les
organismeseucaryotessontconstituésde cellulespourvuesd'un noyau.
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De la paillasseà la commercialisationRecherche fondamentale, tests sur animaux, essaissur l'homme .. de la théorie d'un chercheur fondamentalau traitement d'une maladie, la route est longue.
ix-huit ans de tra-
vail et 28 millionsd'euros: ces deux
chiffres illustrent
l 'ampleur de la
tâche accomplie pour transfor-
mer un concept issude la recherchefondamentale en médicaments
potentiels, aujourd'hui testés surl'homme. En 1993, donc, DanielZagury, immunologiste à l'université Pierre-et-Marie-Curie, fondel'entreprise Néovacs pour mett reau point des médicaments qui
neutralisent les cytokines :ces protéines permettent à nos cellulesimmunitaires de communiquer,
mais elles sont impliquées danscertaines pathologies lorsqu'ellessont en excès. L'idée originale, baptisée Kinoïde, est de lier une cytokine particulière à une protéine
Cytokine TNFa
Protéine KLH
non humaine. Cette combinaisondevrait être considérée comme un
corps étranger à combattre par l'organisme et induire la productiond'anticorps naturels contre la cytokine mise en jeu.
5 millions d'euros. Premièreétape : mettre au point une technologie performante. " Protéines
porteuses, produits opérant la com-
binaison, traitement supprimant
l'action biologique des cytokinescombinées .. nous avons testé de
nombreuses options, indique GuyCharles de La Ho rie, directeur général de Néovacs. Ce premier chantier
a nécessité dix ans de travail etprèsde 5 millions d'euros . "
En 2003, grâce à plusieurs millions d'euros fournis par un fondsde capital-risque, Néovacs met la
TNF - Kinoïde
priorité sur le TNF-Kinoïde.Objectif :réduire l'excès de la cytokine TNFobservé dans la maladie intestinalede Crohn et la polyarthrite rhumatoïde, actuellement traitées par desanticorps anti-TNF générant desrésistances. Le TNF est combinéavec la protéine KLH,extraite d'unmollusque marin, connue pour
sa capacité à stimuler le systèmeimmunitaire humain [fig. t].
Pour en faire un médicament,il fallait vérifier son innocuité, etsa capacité à générer une réponseimmunitaire ciblée. Durant cinqans, le produit est testé sur descellules humaines sensibles auTNF,
injecté à des souris transgéniquessynthétisant du TNF humain, àdes lapins, des chiens, des singes ..
Autant d'opérations coûteuses,requérant des compétences
POUR FABRIQUER SON MÉDICAMENT, le TNF-Kinoïde, la sociétéNéovacs combine une protéine non humaine, la KLH, avec des molécules de notre système immunitaire, les cytokines TNFa, présen
;;; tes en excès chez les personnes atteintes de la maladie de Crohn.
L'administration du TNF-Kinoïde induit la fabrication d'anticorps contre ces cytokines. Àdroite, sur une photographie du TNF-
Kinoïde prise en microscopie électronique,on voit les protéines KLH
(carrés), avec à l'intérieur les cytokines TNFa, plus sombres.~ - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ~
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spécifiques et des fournisseurs
fiables en TNF et en KLH de qualité. " Il a ensuite fallu développerune chaîne de production garantissant le respect des normes pour
des essais sur l'homme : raçabilitétotale, produits de haute qualité,
composition constante, indique
Olivier Dhellin, directeur du développement pharmaceutique. En
vue de produire quelques grammesde TNF-Kinoide nécessaires à ces
essais, nous avons également dû
développer et adapter du matériel
répondant à ces normes. "
Levée de fonds. Octobre 2008 :
le TNF-Kinoïde est enfin testé sur
21 patients atteints de la maladie
de Crohn. Deux ans plus tard, lesrésultats sont encourageants :bien
toléré,il indui t une réponse immuni aire ciblée et améliore l'état desmalades.Étape suivante :comparerl'efficacité du produit à un placebo.En janvier2011,un nouvel essai a étélancé.Au total, il devrait impliquerquelque 10 0 patients dans 7 pays
européens.Parallèlement , leTNF-
Kinoïde est évalué sur 48 patients
souffrant de polyarthrite rhuma
toïde. " Mise au point d'un proto
cole très rigoureux, contrôle de sa
bonne application, recueil et analyse des données :ces essais néces
sitent des embauches et l'implica
tion de très nombreux partenaires,indique Guy-Charles de La Horie.D'où notre introduction en Bourse,
en avril2010, qui nous a permis de
lever plus de 9 millions d'euros. "Mais , avant sa commercia
lisation, tout médicament doit
avoir passé un essai sur plusieursmilliers de patients. Une opération qui nécessite des moyens dontne dispose pas encore la société.Cette ultime étape, puis l 'éven
tuelle commercialisation pour
raient donc être confiées à une
compagnie pharmaceutique aveclaquelle Néovacs passerait un
accord de licence. La mise sur lemarché est espérée pour 2015.
• Jean-Philippe Braly
Principes actifs dans
les globules rougesUne enzyme de chimiothérapie estconvoyée dans le sang à l'insu
des défenses naturelles de l'organisme.
envoyeurs naturels
des gaz respiratoires,mobiles plusieurs moisdans le circuit sanguin,protégés pa r une mem
brane..
Pourquoi ne pas utiliser lesglobules rouges pour transporter
les médicaments vers leur cibledans le corps humain ? C'est le pari
d'ERYtech Pharma.Au cœur du procédé mis au
point par cette société, un appareil nommé Erycaps. Celui-ci placed'abord dans une solution aqueusepauvre en sels,un mélange de globules rouges et d'une molécule thérapeutique. L'eau pénètre alors dans
les globules rouges: ils gonflent, despores s'ouvrent dans leur mem
brane et la molécule s'y engouffre.Puis,une solution plus riche en selsest ajoutée : les globules rétrécissent et les pores se ferment.
Double avantage. La moléculethérapeutique est ainsi encap
sulée. " Ce procédé automatisépermet d'obtenir un biomédica-ment de qualité et de composition
constantes pour une utilisation chez
l'homme, précise Yann Godfrin,vice-président d'ERYtech Pharma.
LErycaps s'adapte à la fragilité de
la membrane des globules, qui varie
d'un individu à l'autre. "Candidat-médicament phare
d'ERYtech Pharma, le Graspa est
testé notamment su r 8o leucémiques.Issus de donneurs compatibles, les globules rouges renfermentun e enzyme de chimiothérapie .Dans le sang du malade, ils pompent naturellementun acide aminéindispensable au développementde certaines tumeurs, acide aminé
que l'enzyme détruit. L'avantageest double :l'encapsulation protègel'enzyme des défenses naturellesde l'organisme et la toxicité de l'en
zyme est réduite.Doses plus faibles,moins d'effets indésirables .. Les
premiers résulta ts sont positifs.Le Graspa est aussi en test pré
liminaire sur des patients atteintsde cancer du pancréas. ERYTech
Pharma travaille aussi sur l'encapsulation d'un principe actif permettant aux globules de larguer plusd'oxygène dans l'organisme.Enfin,la société expérimente des techniques afin de faire réagir spécifi
quement certaines cellules immunitaires avec la molécule encapsulée.• J.-P.B.
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•Dans une us1ne
de biomédicamentsDe la réception des matières premières au conditionnementdes lots, la synthèse de médicaments par des cellules vivantesest strictement encadrée.
LES MÉDICAMENTS D'ORIGINE BIOLOGIQUE ne sont pas des spécialités pharmaceutiques comme les autres.Les caractéristiques du matériel vivant imposent de prendre des précautions lors de la production.ll s'agit d'évitertoute contamination et de s'assurer de l'identité et de la pureté du produit, souvent plus difficile à caractériserque pour une molécule obtenue par synthèse chimique. Des contrôles stricts, garants des caractéristiques du produit,sont donc effectués sur les lots finaux, comme dans toute usine de médicaments, mais aussià chaque étape de la fabrication .
ÉTAPES DE PRODUCTION
ÉTAPES DE CONTRÔLE
O Accès
contrôlésLES MATIÈRES PREMIÈRESlivrées sur le site,en particulier les milieuxde culture qui accueillerontles cellules lors de leurmultiplication, sontsoumises à une phase dite«de contrôle à réception».Il s'agit notammentde vérifier leur stérilitéen déposant un échantillonsur des boîtes de culturefavorisant la croissance desprincipaux contaminants.
8 Stockage des cellulesLES CELLULES destinées à jouer le rôle d'usines à médicaments
sont conservées dans l'azote liquide. Avant d'être mises enculture, elles sont décongelées dans un local séparé des zones deproduction. Cette ségrégation évite tout risque de contaminationdes lignées les unes par les autres.
Mise en cultureDES RÉACTEURS DE TAILLE CROISSANTE accueillentles cellules productrices au fur et à mesure de leurmultiplication. Aussi appelés fermenteurs, ils sontnettoyés très soigneusement et leur conformité auxexigences réglementaires est vérifiée régulièrement.
Pour limiter ces opérations de maintenance,des matériels à usage unique, généralement enplastique, remplacent de plus en plus fréquemmentles équipements traditionnels en verre et en inox.
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0 Purificationde la protéineLE SURNAGEANT, produit parles cellules en culture , contientla protéine destinée à devenirun médicament. Pour l'extra ireet éviter la présence de toute autre
substance dans les lots finaux,la purification repose notammentsur des chromatographiessuccessives .
· Productionsous surveillanceLA QUALITÉ, l'efficacité,l'identité, la puretéet la sécurité du produitsont garanties grâce auprélèvement d'échantillonstout au long de la chaînede production. Certains testsélémentaires ont lieu surplace. Les analyses pluspoussées sont effectuéesdans un laboratoire,situé dan s un local dédié.
0 Conditionnementet expéditionLE MÉDICAMENT estconditionné en milieustérile. L'emballagedo it garantir sa stabilitéet son intégrité.
LE CLOISONNEMENT DES SALLEScorrespondant aux différentesétapes de la production minimisele risque de contamination.L'échange de matérield'une salle à une autre eststrictement contrôlé, notammentgrâce à des sas ou à des échangespar
des poches stériles reliantdeux salles, les« transmurs ,,.
MÊME L'AIR NE CIRCULE PAS LIBREMENT
D'UNE SALLE ÀL'AUTRE! Pour limiter le risquede contamination croisée entre les cultures
de cellules qui en sont à des stades différentsde production, chaque salle fonctionnecomme une unité indépendante. Chacunedispose de sa centrale de traitement de l'air.Les installations de production d'eaupurifiée et les zones de stockage sontégalement autonomes. La collecteet le traitement des déchetsse font salle par salle.
• Texte : Muriel de Verlcourt
Infographie: YuvanoéRemerciementsà JoëlleDumas, Genopole;
Sté phanie Co l aud, PX'Therapeutics,
Maj id Mehta li,Vivalis, et Pasca l Reber, Genzyme .
N• 43 • MAl 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 91
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BIOMÉDICAMENTS / Acteur.s
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Repérer l'innovation dans un laboratoire, trouver des fondspour tester une nouvelle molécule, la produire dans de bonnesconditions :la conception d'un biomédicament fait intervenir
des professionnels qui associent de multiples compétences,avant tout scientifiques, mais aussi juridiques et financières .
Chasseursd'innovations
MatthieuCollin repèreles inventionsbrevetables
cce "Meetic" de la
recherche médi-
cale." C'est ainsi
que Matthieu.____ Collin définit sa
fonction de directeur adjoint de
la propriété intellectuelle au sein
d'Inserm Transfert, société de
70 personnes chargée de valoriser
les travaux de l'Inst itut national de
la santé et de la recherche médi
cale (Inserm).
Cet ingénieuren génie biologique
de 34 ans, spécialiste du droit de la
propriété industrielle, cherche en
effet à croiser offres et demandesd'innovations médicales. Comme
sur le site Internet de rencontres,
il est régulièrement question de
problèmes de cœur, mais ceux-là
s'appellent alors athérosclérose ou
hypertension artérielle. " Le credo
de l'Inserm est: "Protégez vos résul-
tats." Ma mission est de repérer,
dans les travaux des 10 ooo cher-
cheurs et ingénieurs de l'Institut,
ce qui peut donner lieu à un brevet
dont nous proposerons la licence
d'exploitation à un industriel. Et ce,
dans les deux sens :sur proposition
du chercheur ou sur demande de
l'industriel "• décrit MatthieuCollin.
Le problème, c'est que le chercheur
ne pense pas toujours à valoriser
une découverte sous forme de bre
vet."Dans un cas sur trois, c'estàmoi
de le rattraper à la dernière minute,
à la veille d'un congrès où ilfera partde ses avancées, pour lui demander
s'ily amatièreàbrevet.narrive aussi
qu'un chercheur m'appelle 24 heures
avant lapublication de ses recherches
dans une revue spécialisée. J'ai la
journée pour déposer la demande de
brevet "• raconte MatthieuCollin.Le
jeune homme s'installe alors devant
son ordinateur pour rédiger cette
demande, en anglais, en agrémen
tant parfois son texte de figures et
de séquences ADN .
Avec en moyenne de 8o à100 bre
vets déposés par an, sa «chasse aux
innovations» s'est beaucoup déve
loppée ces dernières années. "n yaencore sept ou huit ans, "industriel"
était un gros motpour les chercheurs.
Aujourd'hui, ilsontcompris. L'objectif
92 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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est qu'une invention ne dorme pas
su rune étagère", explique-t-il. Pour
cela, Matthieu Collin s'appuie sur
une équipe d'ingénieurs brevets,
qui évaluent le caractère innovant
d'un résultat de recherche au regardde ce qui existe déjà sur le marché,
de «business développeurs», mis
sionnés pour «vendre » les bre
vets aux industriels, et de chargés
d'affaires scientifiques, envoyés
dans les congrès spécialisés pour
«flairer» les bonnes idées.
Avocat de l'innovation.
Matthieu Collin effectue parfois
ce travail, comme lors de ce dépla
cement à Montpellier pour une
rencontre de gynécologues sur le
thème de l'améliorationdes proces
susde fécondation in vitro, d'autant
que "ces innovations donneront sans
doute lieu à création d'entreprise".
ll se rend aussi souvent à l'Office
européen des brevets, notamment
àLaHaye, auxPays-Bas,en tantque
«mandataire européen», une fonc
tionqui s'apparente à celle d'un avo
cat :«Jedois défendre l'Inserm devantun examinateur, montrer en quoi nos
brevets sont innovants ", décrit-il.
De même, il est parfois amené à
défendre l'organisme sur des actes
de contrefaçon. Ce qui le motive
dans ceposte ?"L'impression d'avoir
contribué à l'avancée de la science."Suprême récompense : «Lorsqu'un
chercheur dont j'ai protégé les tra
vaux est publié dans Science ou
Nature et que, en plus, ces travaux
sont exploités par un industriel. Je
ne peux pas rêver mieux », conclut
Matthieu Collin.
• Guillaume Malncent
Bio expreM
1977 Naissance à Châteaubriant
(Loire-Atlantique) .
2001 Ingénieur en génie biologique
de Polytech Clermont-Ferrand .2002 3' cycle en propriété industrielle
à Strasbourg.
2003 Entrée à l'Inserm à Paris.2006 Passage chez Inserm Transfert
comme ingénieur brevets.2009 Directeur adjoint d'Inserm
Transfert.
Emmanuellecoutanceauinvestit dans
des start-upmmanuelle Coutanceau
es t une parieuse. Res
ponsable d'un fonds de
capital-risque à Crédit
Agricole Private Equity,
cette ingénieure agronome de
30 ans, docteur en microbiologie,
repère les jeunes entreprises inne
vantes en biotechnologies au stade
de la recherche clinique, pour y
placer de l'argent. En espérant
qu'elles prennent de la valeur!
Avec ses trois collègues chargés
des nouvelles technologies de l'in
formation et de la communication,
ils reçoivent environ 400 dossiers
par an et en retiennent de 8o à100.
Il arrive aussi que d'elle-même,
ou sur les conseils d'une autre
banque, elle démarche une start
up pour lui proposer un apport de
capital. "C'est une vraie prise derisque :nous misons en moyennede 3 à 4 millions d'euros au premier
tour de table, mais on peut monter
jusqu'à 12 millions. Le placementest censé nous rapporter cinq à dix
fois la mise de départ au bout de
cinq ans, mais un tiers des projets
avortent", explique Emmanuelle
Coutanceau.
Audit complet. Commence
ensuite la phase d'audit :l'équipedirigeante vient se présenter à
elle, puis la jeune ingénieure se
rend dans le laboratoire de l'en
treprise, où qu'il soit en Europe.Le
dossier est aussi passé au peigne
fin avec l'aide d'un expert métier,
choisi pour sa neutralité. Si cette
évaluation es t positive, Crédit
Agricole Private Equity entre au
capital. Exemple : cette société
spécialisée dans le traitementdesmélanomes, soutenue en 2003,
et que l'un de ses collègues vient
de vendre pour 1 milliard d'euros
à un groupe américain. «J'ai fait
mes premiers investissementsen 2009 et 2010, il faudra atten
dre 2015 pour voir ce qu'ils don-
nent ", explique Emmanuelle
Coutanceau. " Le capital-risqueoffre une vue imprenable sur la
recherche et l'innovation. Dans une
mêmejournée, on me parle d'ostéo-
porose et de matériel chirurgical",apprécie la jeune femme.
Autre composante de son tra
vail :suivre les sociétés qu'elle a
en portefeuille, quatre principales
dans son cas. "Il faut aller sur
place pour un conseil d'administration, prendre des nouvelles
au téléphone, négocier un projetde vente, s'accorder sur le prix le
moment venu", décrit-elle. Sans
oublier le reporting à effectuer
pour les souscripteurs des fonds,
dont Crédit Agricole effectue une
levée deux fois par an.
• G.M.
Bio expreM
1980 Naissance à Poitiers (Vienne) .
2003 Diplôme d'ingénieur agronome
d'Agrocampus Ouest à Rennes, stage au
sein de l'unité de génétique moléculaire
bactérienne de l'Institut Pasteur.
2006 Thèse sur la bactérie responsable
de l'ulcère de Buruli, «cousin >>de la lèpre.
2007 Master spécialisé en management
médical à I'ESCP, entrée à Crédit Agricole
Private Equity.
N° 43 • MAl Z011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 93
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BIOMÉDICAMENTS /Acteur&
Sandrine Charroin supervise la fabricationd'un produit pour greffés
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l fu t un temps, durant
sa thèse, où Sandrine
Charroin se passionnait
pour le rouge des figueset le vert des «raquettes "•
le nom qu'on donne aux tiges dufiguier de barbarie et que certainespopulations du Mexique mâchentcomme complément alimentaire.L'univers de cette jeune femme doc-
teur en pharmacie est aujourd'huifait de salles blanches et de combinaisons bleues.À 34 ans, SandrineCharroin est en effet responsable << support production » dans
une usine du groupe américain
Genzyme, à Lyon, consacrée à la
fabrication de thymoglobuline.Il s'agit d'un immunosuppres-
seur, utilisé pour la prévention
des rejets lors des greffes d'organes. ll a notamment été utilisé surIsabelle Dinoire, première grefféedu visage en 2005.
Lamission de Sandrine Charroin :<< Veiller au zéro défaut » sur la
chaîne de product ion de ce sitede 300 personnes, dont une centaine opèrent autour des machines.Mais comme elle le dit elle-même,
94 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MAl 2011 • N' 43
«nous qui utilisons des molécu-
les issues du vivant savons bienque l'anomalie fait partie de la vie,
nous devons composer avec cetteévidence" ·Aussi commence-t-elletoutes ses journées, à 9 h 15,par un
point avec les équipes sur les éventuels incidents de fabrication de laveille. «Une anomalie donne lieu
à une investigation conduite parmon équipe support de huit per-
sonnes.Par exemple, un mode opé-
ratoire qui n'est pas conforme aux
procédures "• explique SandrineCharroin.Un travail de veille à ne
pas confondre avec la qualité, autreservice de l'entreprise, qui s'intéresse au produit lui-même.
Bonnes pratiques. La jeune
femme a également en chargel'amélioration des processus defabrication. Il lui faut par exemple imaginer de nouvelles façons
de nettoyer les équipements deproduction (flacons, automates),voire commander de nouveaux
équipements. De même, elle définit le mode opératoire que les prestataires de nettoyage des zones
de travail doivent suivre, du sol au
plafond. <<On vise le perfectionne-ment constant "• commente-t-elle.Elle assure également l'activitédocumentaire du service production, en l'occurrence fournir et
mettre à jour toutes instructionsde fabrication pour les opérateursen poste. <<On a fait un gros tra-vail de convivialité :nous conver-
tissons le plus possible l'écrit en
diagrammes "• explique SandrineCharroin. Cette veille s'accompagnede l'organisation, une fois par
mois, d'une réunion interservices (production, qualité, marketing, etc.) où sont passés en revueles incidents du mois et rappeléesles règles applicables, qui tiennenten trois lettres :BPF, pour<< bonnespratiques de fabrication ».
Enfin, la jeune femme est en
contact avec l'extérieur pour deswebconférences réunissant plu
sieurs groupes de travail propres àGenzyme sur l'organisation de laproduction, par exemple à la veillede la mise en production d'un nouveau produit. La langue est alorsl'anglais. Mais l'extérieur, ce peutaussi être l'Agence française desécurité sanitaire des produits de
santé, qui vient inspecter les locaux.<<Je suis leur interlocuteur pour toute
question relative à la production "•
explique Sandrine Charroin, qui,
charlotte sur la tête et gants auxmains, apprécie ce métier «fait de
technique, de terrain et d'action" ·• G.M.
Bio expreM
1977 Naissance à Sainte·Foy·lès·Lyon(Rhône) .2001 Diplôme de l'École polytechniquede Montréal (Canada).2002 Docteur en pharmaciede l'université Claude·Bernard à Lyon .
2003 Entrée chez Genzymecomme responsable assurancequalité fabrication .
2008 À a tête du service supportproduction.
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BIOMÉDICAMENTS /Avenir
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Grâce aux progrès de l'analyse du génome, les médecins adapterontbientôt leurs traitements aux besoins de chacun. Pour AndréChoulika, les bio médicaments auront un rôle majeur à jouer
dans cette nouvelle approche de la médecine. Celle-ci représenteaussi une formidable opportunité de croissance économique .
'' Soigner chacunselon son patrimoine
génétique >>
LA RECHERCHE.Quel est le princi
pal défi. à relever clans les années à
venir pour les biomédicaments?ANDRÉ CHOULIKA. Les bio-
médicaments doivent profi-
te r des progrès technologiques
actuels pour s'adapter à un des
enjeux majeurs de la médecinedu futur: la mise au point de traitements personnalisés. On estimequ'aujourd'hui 70 % des médicament s prescrits dans le monde nesont pas adaptés aux besoins despersonnes qui les consomment.
Mais,à l'avenir, chaque patient sera
car ces informations seront utilestout au long de la vie et permettron t d'avoir accès aux traitementsles plus innovants.De quelle manière les bio
médicaments contribuent-ils à
cette approche personnelle de la
médecine?A.C. Dans certaines pathologies,les patients ont des symptômescommuns, mais des besoins thérapeutiques différents, en fonction de
leur patrimoine génétique.Les biomédicaments permettent de traiter spécifiquement certains sous-
La baissedu coût du
groupes de patientsÀ titre d'exemple, je
,
soigné en fonction de ses caractéristiques génétiques: c'est le
principe de lamé-
decine personnalisée. Selon moi,cette approche vaprochainementsedévelopper, grâceà la baisse annoncée du coût du
sequençage
peux vous citer lecas de l'Erbitux, un
anticancéreux dontle principe actif estun anticorps monoclonal*. Cet anti-
corps se fixe spécifiquement sur desrécepteurs situés àla surface de cellules
du génomepermettraune médecinepersonnalisée
séquençage du génome. n a falluinvestir 3 milliards de dollars surtreize ans pour obtenir, en 2003,la première séquence complèted'un génome humain: dans troisans, on estime qu'il faudra payer1ooo dollars pour connaître sonpatrimoine génétique! C'est peu,
tumorales, ce qui retarde leur croissance. L'Erbitux donne de très bonsrésultats dans le traitement decancers, notamment colorectaux, maisil n'est efficace que chez les personnes porteuses d'une séquencegénétique particulière. C'est pourquoi, avant de le prescrire, on
effectue chez le patient un test
diagnostic, qui permet de s'assurerque le patient possède une versionnon mutée du gène et donc que le
tra itement sera efficace.À l'avenir, faudra-t-il toujours
faire une analyse génétique avant
de prendre un biomédicament?A.C. Il est vrai que l'administration de la plupart des biomédicaments actuellement en
essai clinique est précédée d'un
test diagnostic. Ces « tests compagnons » permettent aux laboratoires pharmaceutiques de sélectionner la population qui répondrale mieux au médicament et ainsid'avoir les meilleurs résultats possible à l'issue de leurs essais. Mais
si, comme je l'imagine, le séquençage du génome se démocratisedans le futur, ces tests n'auront pluslieu d'être. En revanche, je pensequ'il restera un marché pour destests génétiques plus sophistiqués.lls pourraient servir, par exemple,à déceler les modifications de certaines molécules appeléesARNm*.Il arrive que ces molécules, copiesde séquences d'ADN, subissent destransformations après leur formation, ce qui entraîne la productionde protéines déficientes et peut
causer certaines pathologies. Cestce qui se passe, par exemple, dans la
96 • LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE 1MA l Z011 • N' 43
7/12/2019 La Recherche - La Theorie Du Tout. (Physique.science.gravitation.theorie Des cosmologie
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schizophrénie :des travaux récents
suggèrent que la tendance au sui-
cide des personnes qui souffrent de
cette maladie est liée à des modifi-
cations subies par certains de leurs
ARNm . Si on disposait d'un test
permettant de détecter ces modi-
fications,on aurait alors un moyen
objectif d'évaluer l'état du patient,afin d'adapter au mieux son traite-
ment.Des recherches seront encore
nécessaires pour comprendre fine-
ment les mécanismes en jeu, mais
il existe déjà des sociétés actives
dans la détection de ces transfor-
mations des ARNm, notamment
pour le diagnostic dans le domaine
des maladies psychiatriques.
Quelles sont les autres tendances
pour la conception des biomédi
caments du futur?
A.C. Le « protein design », ou
fabrication de protéines à façon,
est aussi un domaine d'avenir.
Cette approche consiste à concevoir
en laboratoire des protéines qui
n'existent pas naturellement et qui
ont des fonctions spécifiques.C'est
ce que nous faisons chez Cellectis,
la société que je dirige.Nous élabo-
rons des sortes de « ciseaux molé-
culaires » appelés méganucléases,
en fait des protéines capables decouper l'ADN à un endroit précis du
génome.Notre technologie est uti-
lisée par des sociétés actives dans
divers domaines, de la recherche
médicale aux biotechnologies
végétales.Nous sommes capables
de fournir à nos clients des méga-
nucléases « sur mesure », spéci-
fiques de la zone du génome qu'ils
souhaitent découper.Nous y parve-
nons en combinant des molécules
jusqu'à obtenir la protéine dont ils
ont besoin. De la même manière
qu'on sait aujourd'hui fabriquer
ces méganucléases à la demande,je
pense qu'on pourra demain fabri-
quer toutes sortes de protéines
thérapeutiques spécialisées.
Dans le contexte technologique
que vous décrivez, comment
pensez-vous que le marché desbiomédicaments va évoluer?
A.C. J'estime que les biotechno-
logies au sens large sont actuelle-
ment au même stade de développe-
ment que le secteur de la chimie à
la fin duXIX• siècle.À cette époque,
on s'est aperçu qu'il é tait possible
de combiner toutes sortes d'élé-
ments chimiques pour fabriquer
de nouvelles molécules d'intérêt :
des plastiques, des engrains, des
pesticides, etc. La chimie a alors
connuun âge d'or.TIest aujourd'hui
terminé, car le seuil maximal de
combinaisons chimiques a été
atteint. D'après moi, les conditions
sont désormais réunies pour que
les biotechnologies prennent le
relais de l'innovation, notamment
dans le qomaine médical. Le sec-
teur des biotechnologies est à la
veille d'une vague de croissance
très importante, qui va générerpour certains acteurs des profits
considérables.
Pensez-vous que laFrance auraun
rôle à jouer sur ce marché?
A.C. Actuellement, les grands
acteurs de la génomique sont,pour
la plupart, américains.1epense par
exemple à la société Illumina,spé-
cialisée dans le séquençage géné-
tique à haut débit, qu i est bien
placée pour emporter une bonne
part du gâteau. Mais cela ne veutpas dire que nous n'aurons pas un
grand champion français de la bio-
technologie: les jeux ne sont pas
encore faits! Nous avons certes une
petite industrie, de 200 à 300 socié-
tés, mais tous les secteurs des bio-
technologies y sont représentés.
Il faut choisir des secteurs clés,
dans lesquels nous pourrions avoir
une carte à jouer au niveau inter-
national, et fournir aux sociétés qui
disposent d'une technologie inté-
ressante l'investissement néces-
saire à leur développement.
• Propos recueillis par PascalineMinet
AndréChoullkaest directeurgénéralde la sociétéCellectiset présidentde France
Biotech,
l'associationfrançaisedes sociétésde biotechno -logies .
*Un antl·corps mono·clonai estune substancethéra-
peutiquefabriquée
dans descellules demammifèrespourreconnaîtreun motifmoléculaireparticulieret s'y ixer.
*LesARNmsont des
moléculesqui serventd'inter-médiaires
entreles gènes,
constituésd'ADN, etla synthèsedes protéines .
N' 43 • MA l 2011 1LES DOSSIERS DE LA RECHERCHE • 97
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BIOMÉDICAMENTS / Pour en &avoir plu&
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Biol
Éric Levacher (dir.),IMT Éditions, 2010,463 p., 130 €.
L'Institut des métiers etdes technologies, centrede formation pharmaceutique etbiotechnologique, a réunidans cette somme les travauxd'auteurs internationaux,universitaires et professionnelsde l'industrie, sur la production
et les champs d'application desbiotechnologies. Le propos clairet organisé ainsi que lesnombreux schémas définissentce que sont les biomédicamentset en expliquent le cycle, de leurconception à leur productionen passant par la réglementation.Complet, l'ouvrage s'adresseaux étudiants et professionnelsqui cherchent à parfaireleurs connaissances sur le sujet.
Les Biotechnologiesen débatSuzanne de Cheveigné,
Daniel Boy etJean-Christophe Ga lioux,Balland, 2002, 254 p., 22 €.
Comment la société perçoit-ellele développement des biotechno·logies? Retraçant l'histoiredu génie génétique et de saréglementation, les auteursproposent une réflexionsociologique, politique etjuridique sur les processus quiconduisent une société à adopterou à rejeter une technique.Ils soulignent l'importancede l'information et du débat
Surie Web
ADEBIOTECHLa base de données du ministère de la Recherchesur les acteurs de la biotechnologieen France est miseà jour sur le site de cette association qui se veut un réseaud'organismes aussi bien privés que publics. Elle publieégalement son agenda et ses communiqués.
www.adebiotech.org
FRANCE BIOTECHL'association des entreprises françaises de biotechnologiespropose des articles d'actualité, des offres d'emploi,
un agenda, des dossiers thématiques et des informationsutiles pour les entrepreneurs.
www.france-biotech.org
GENOPOLE D'ÉVRYPremier« bio parc» français, le Genopole d'Évry regroupesur le même site des laboratoires de recherche, des centresuniversitaires et des entreprises. Il présente les servicesqu'il est susceptible de rendre et propose des articlesscientifiques thématiques.
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CELLECTIS
Pionnière mondiale de l'ingénierie des génomes, cette sociétéprésente ses produits utilisés en santé et en agriculture.
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NÉOVACSCette société de biotechnologies française est spécialiséedans le traitement de maladies auto-immunes,inflammatoires et cancéreuses. Elle met en ligneson agenda et ses publications scientifiques.
www.neovacs.fr
ERVTECHUne animation explique la méthode d'encapsulationbrevetée par cette entreprise qui développe de nouveaux
La Biotechnologie :de la science au médicamentJean-Paul Clozel,Fayard, 2007, 50 p., 10 €.
Comment sont nées les bio·technologies? Quelle placeont-elles dans l'économieactuelle? Comment peut-ondécouvrir de tels médicaments?Jean-Paul Clozel aoccupéla chaire d'innovationtechnologique du Collègede France en 2006 et 2007.Sa leçon inaugurale, accessibleau néophyte, proposeun panorama historique etéconomique de ces sciencesde demain. L'accent est missur l'innovation scientifiqueet la commercialisationdes biomédicaments.
De la transgenèse animale à
la biothérapie chez l'hommeMoshe Yaniv, éditionsTee &Doc, 2003, 268 p., 44 €.
L'Académie des sciences a réuni
un groupe d'experts nationauxdont les travaux d'expérimentation animale s'orientent versle développement de nouvellesthérapies. Après quelqueschapitres expliquant les manipulations qui permettentde modifier génétiquementdes organismes vivants,le rapport expose les applicationsmédicales potentiellesde ces biotechnologies d'origineanimale. Sans oublier d'évoquerles réglementations et considérations éthiques qui encadrent