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Physique – Terminale S Chapitre 4 Cours 1 La radioactivité Le 1 er mars 1896, le physicien français Henri Becquerel, sortant d’un tiroir obscur un échantillon de sel d’uranium stocké sur des plaques photographiques, découvre que ces dernières sont impressionnées et donc que ce sel émet spontanément un rayonnement pénétrant, même en l’absence d’excitation par la lumière solaire. Il montre que cette faculté est une propriété intrinsèque de l’élément uranium : il les appelle rayons uraniques. Au début de 1898, Marie Curie, physicienne française d’origine polonaise, commence dans un hangar de l’Ecole de Physique et Chimie un travail de thèse de doctorat sur les rayons de Becquerel : elle examine systématiquement un grand nombre de composés chimiques et de minéraux, découvre que les minéraux d’uranium comme la pechblende, émettent plus de rayonnement que l’uranium lui-même. Elle déduit de ce fait remarquable que ces substances contiennent, en très petite quantité, un élément beaucoup plus actif que l’uranium. C’est alors que Pierre Curie, son mari, joint ses efforts à ceux de Marie. Tous les deux parviennent à isoler l’élément inconnu, le polonium, et à en déterminer les propriétés. A cette occasion, Marie Curie invente le mot « radioactivité ». Henri Becquerel, Pierre et Marie Curie obtiennent le Prix Nobel de Physique en 1903. En 1934, Irène (fille de Pierre et Marie) et Frédéric Joliot-Curie découvrent la radioactivité artificielle en créant un isotope radioactif du phosphore. Ils obtiennent le Prix Nobel en 1935. La famille compte donc pas moins de 5 Prix Nobel ; Marie, avec ses 2 Prix Nobel (Physique en 1903 et Chimie en 1911) 1 est toujours la seule femme dont les cendres ont été transférées au Panthéon (icône du féminisme ; ce sont d’ailleurs les femmes américaines qui lui ont permis d’obtenir par leurs dons les échantillons de radium nécessaires pour ses travaux). 1 – Les noyaux radioactifs 1.1 – Structure du noyau atomique Depuis 1920, où Ernest Rutherford (modèle de l’atome, après sa célèbre expérience de 1911) émet l’hypothèse de l’existence du neutron, et 1932, date à laquelle James Chadwick la démontre, le noyau de l’atome est bien connu. Au côté des neutrons cohabitent de manière stable des protons, particules positives. proton neutron masse m p = 1,673.10 –27 kg m n = 1,675.10 –27 kg charge électrique q p = |e| = +1,602.10 –19 C q n = 0 1 Seul l’américain Bardeen fait mieux, avec 2 prix Nobel de Physique, en 1956 pour l’invention du transistor (avec Brattain et Shockley), et en 1976 pour la théorie de la supraconductivité (avec Cooper et Schrieffer).

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Physique – Terminale SChapitre 4

Cours

1

La radioactivité

Le 1er mars 1896, le physicien français Henri Becquerel, sortant d’un tiroir obscur un échantillon de sel d’uranium stocké sur des plaques photographiques, découvre que ces dernières sont impressionnées et donc que ce sel émet spontanément un rayonnement pénétrant, même en l’absence d’excitation par la lumière solaire. Il montre que cette faculté est une propriété intrinsèque de l’élément uranium : il les appelle rayons uraniques.

Au début de 1898, Marie Curie, physicienne française d’origine polonaise, commence dans un hangar de l’Ecole de Physique et Chimie un travail de thèse de doctorat sur les rayons de Becquerel : elle examine systématiquement un grand nombre de composés chimiques et de minéraux, découvre que les minéraux d’uranium comme la pechblende, émettent plus de rayonnement que l’uranium lui-même. Elle déduit de ce fait remarquable que ces substances contiennent, en très petite quantité, un élément beaucoup plus actif que l’uranium.C’est alors que Pierre Curie, son mari, joint ses efforts à ceux de Marie. Tous les deux parviennent à isoler l’élément inconnu, le polonium, et à en déterminer les propriétés. A cette occasion, Marie Curie invente le mot « radioactivité ».

Henri Becquerel, Pierre et Marie Curie obtiennent le Prix Nobel de Physique en 1903.En 1934, Irène (fille de Pierre et Marie) et Frédéric Joliot-Curie découvrent la radioactivité artificielle en créant un isotope radioactif du phosphore. Ils obtiennent le Prix Nobel en 1935.La famille compte donc pas moins de 5 Prix Nobel ; Marie, avec ses 2 Prix Nobel (Physique en 1903 et Chimie en 1911)1 est toujours la seule femme dont les cendres ont été transférées au Panthéon (icône du féminisme ; ce sont d’ailleurs les femmes américaines qui lui ont permis d’obtenir par leurs dons les échantillons de radium nécessaires pour ses travaux).

1 – Les noyaux radioactifs1.1 – Structure du noyau atomique

Depuis 1920, où Ernest Rutherford (modèle de l’atome, après sa célèbre expérience de 1911) émet l’hypothèse de l’existence du neutron, et 1932, date à laquelle James Chadwick la démontre, le noyau de l’atome est bien connu. Au côté des neutrons cohabitent de manière stable des protons, particules positives.

proton neutron

masse mp = 1,673.10–27 kg mn = 1,675.10–27 kg

charge électrique qp = |e| = +1,602.10–19 C qn = 0

1 Seul l’américain Bardeen fait mieux, avec 2 prix Nobel de Physique, en 1956 pour l’invention du transistor (avec Brattain et Shockley), et en 1976 pour la théorie de la supraconductivité (avec Cooper et Schrieffer).

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Le noyau d’un atome est constitué de nucléons (protons et neutrons) : le nombre total de nucléons est noté A et appelé nombre de masse ; le nombre de protons est noté Z et appelé numéro atomique. On en déduit le nombre de neutrons N = A – Z.Le noyau d’un atome associé à l’élément X est représenté par

AZ X

Exemple : 3517Cl est le symbole du noyau de chlore comportant 35 nucléons, dont 17 protons et 18

neutrons.

Dans la nature, il existe 90 éléments chimiques. Pourtant, on connaît environ 1 500 noyaux différents, dont environ 350 existent à l’état naturel : ceci est dû au fait qu’à un même élément chimique correspondent plusieurs noyaux, qui diffèrent par leur nombre de neutrons.Tous les noyaux correspondant à un même élément (numéro atomique Z identique) mais à un nombre de neutrons différent (N donc A différents) sont dits isotopes.Exemple : les noyaux 12

6C et 146C sont deux isotopes de l’élément carbone (Z = 6).

1.2 – Radioactivité de certains noyauxDans le noyau, les protons positifs doivent en principe se repousser par interaction électrique. Cependant, une autre force, plus intense et n’agissant qu’à très courte distance, assure la cohésion du noyau : c’est l’interaction forte. Si les protons ne peuvent pas quitter le noyau, on le doit à cette interaction forte qui crée une « barrière » aux particules, appelée barrière de potentiel – à l’image d’un mur qui retiendrait prisonnières les personnes dans une cellule.La mécanique classique prévoit qu’aucune particule ne peut franchir cette barrière. Or, selon leur composition, certains noyaux sont capables de se désintégrer en émettant une particule, venant ainsi bouleverser cette théorie. Qualifiés de radioactifs, ou encore dits instables, il sont la source d’un phénomène alors inexpliqué. En effet, pourquoi certaines particules ont-elles la capacité de « traverser » cette zone a priori infranchissable, y compris celles issues de noyaux ne différant que par leur nombre de neutrons (noyaux isotopes : 14C est radioactif, alors que 12C est stable) ?Ce n’est qu’avec le développement de la mécanique quantique au début du XXème siècle qu’uneexplication est donnée.Les nucléons, bien que liés dans le noyau, ont une probabilité non nulle de quitter ce dernier et donc de franchir cette barrière de potentiel et ce, spontanément. Ce phénomène est appelé effet tunnel, comme si les particules avaient « creusé » au travers de cette barrière pour la franchir.

Par exemple, les deux isotopes 126C et 14

6C n’ont pas exactement les mêmes propriétés : le premier est

stable et très courant alors que le second a tendance à se désintégrer spontanément pour se transformer en un autre noyau après émission d’une particule. Ce dernier noyau est radioactif.

Un noyau radioactif est capable de se désintégrer spontanément en un autre noyau en émettant une (ou plusieurs) particule(s).

Peu après la découverte du phénomène, on a découvert qu’il existait plusieurs types de particules radioactives. Leur comportement est variable, par exemple, lorsqu’elles sont soumises à un champ électrique (au sein d’un condensateur). Ces différents comportements trahissent la charge électrique portée par les particules issues des différents types de radioactivité.

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Des particules, nommées gamma (γ), ne sont pas déviées par un champ électrique. D’autres particules, nommées alpha (α), sont déviées et attirées vers la plaque négative : elles

sont chargées positivement. Un dernier type de particules sont plus déviées que les particules α, et sont positives ou

négatives : elles ont été nommées particules beta (β+ et β−).

1.3 – Le diagramme (N,Z)On peut ranger l’ensemble des noyaux connus selon leur composition dans un diagramme (N,Z) ou diagramme de Segré. En ordonnée, le nombre de neutrons N et en abscisse, le nombre de protons Z.

Ce diagramme comporte plusieurs zones, dont une centrale (rouge) appelée zone ou vallée de stabilitéqui correspond aux noyaux stables.

Jusqu’à Z = 20, cette vallée de stabilité contient la droite d’équation N = Z : ces noyaux stables ont autant de protons que de neutrons.

Pour Z > 20, la cohésion du noyau n’est assurée que si celui-ci contient plus de neutrons que de protons : ceci se traduit par un déplacement de la vallée de stabilité sous la droite d’équation N = Z.

On distingue par ailleurs trois catégories de noyaux radioactifs selon leur position par rapport à la vallée de stabilité.

Les noyaux très lourds (N et Z très grands)Ils ont un excédent de nucléons et ont tendance, afin de se rapprocher de la vallée de stabilité, à se désintégrer en émettant des noyaux d’hélium 4

2 He appelés particules :

on dit que ces noyaux sont radioactifs . Les noyaux situés au-dessus de la vallée de

stabilitéIls ont tendance à émettre des électrons, appelés particules – : on dit que ces noyaux sont radioactifs –.

Les noyaux situés en dessous de la vallée de stabilitéIls ont tendance à émettre des positons, appelés particules + : on dit que ces noyaux sont radioactifs +.

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Remarque : parfois, on trace N en fonction de Z, ce qui inverse la courbe précédente et les remarques précédentes. Par la suite, nous ne considérerons pas ce type de représentation.

2 – Nature de la radioactivitéLa radioactivité est la manifestation spontanée d’une réaction nucléaire dans laquelle un noyau radioactif, dit noyau père, se désintègre en un autre noyau, appelé noyau fils, en émettant une particule (, – ou +). Le noyau fils ainsi obtenu se rapproche de (ou atteint) la vallée de stabilité.

Rep

résentation

non

utilisée d

ans ce cou

rs

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2.1 – Les lois de conservationAu début du XXème siècle, les travaux du chimiste anglais Frederick Soddy (1877-1956) conduisirent à la formulation de règles décrivant les réactions nucléaires.

Lors d’une réaction nucléaire, il y a conservation de la charge électrique et du nombre de nucléons.

Prenons un exemple, la désintégration du francium isotope 205.205 201 487 85 2Fr At He

Des deux côtés, on compte bien 205 nucléons et 87 charges électriques (protons).

2.2 – La radioactivité La radioactivité correspond à une désintégration accompagnée de l’émission d’un noyau d’hélium 42 He appelé particule

Exemple : le polonium 210 est radioactif .210 206 484 82 2Po Pb He

De manière générale, la désintégration peut se mettre sous la forme

4 42 2

A AZ ZX Y He

particule α : 42 He

masse 2 mp

charge électrique +2 e

2.3 – La radioactivité –

La radioactivité – correspond à une désintégration accompagnée de l’émission d’un électron 01e appelé

particule –L’électron n’est pas un nucléon (A = 0) et sa charge est l’exacte opposée de celle du proton (d’où Z = −1).Exemple : le cobalt 60 est radioactif –.

60 60 027 28 1Co Ni e

De manière générale, la désintégration – peut se mettre sous la forme

01 1

A AZ ZX Y e

et peut même se résumer, au sein du noyau, par1 1 00 1 1n p e

En effet, les noyaux radioactifs β− sont situés au-dessus de la vallée de stabilité : ils présentent ainsi un excès de neutrons ; cet excès est donc compensé par la transformation d’un neutron en proton avec l’émission d’un électron.

208Ti

207Ti

206Ti

205Ti

204Ti

209Pb

208Pb

207Pb

206Pb

205Pb

210Bi

209Bi

208Bi

207Bi

206Bi

211Po

210Po

209Po

208Po

207Po

212At

211At

210At

209At

208At

N

Z82 84

124

126

60Fe

59Fe

58Fe

57Fe

61Co

60Co

59Co

58Co

62Ni

61Ni

60Ni

59Ni

63Cu

62Cu

61Cu

60Cu

N

Z26 27

31

33

28 29

32

34

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particule β– : 01e

masse me

charge électrique – e

2.4 – La radioactivité +

La radioactivité + correspond à une désintégration accompagnée de l’émission d’un positon 01e appelé

particule +Exemple : le phosphore 30 est radioactif +.30 30 015 14 1P Si e

De manière générale, la désintégration + peut se mettre sous la forme

01 1

A AZ ZX Y e

et peut même se résumer, au sein du noyau, par1 1 01 0 1p n e

En effet, les noyaux radioactifs β+ sont situés en-dessous de la vallée de stabilité : ils présentent ainsi un excès de protons ; cet excès est donc compensé par la transformation d’un proton en neutron avec l’émission d’un positon.

particule β+ : 01e

masse me

charge électrique + e

2.5 – Désexcitation A la suite d’une désintégration ou , le noyau fils Y peut être (et l’est le plus souvent) dans un état plus énergétique que son état fondamental stable : cet état excité est noté *A

ZY .

Le noyau fils ne reste pas dans cet état excité, et va se « désexciter » en perdant l’excédent énergétique sous forme d’un rayonnement électromagnétique afin d’atteindre son état fondamental.L’émission de ce rayonnement électromagnétique, de longueur d’onde très faible (inférieure au picomètre) et d’énergie très grande, est symbolisée de la manière suivante

*A AZ ZY Y

où est une particule appelée photon détentrice de l’énergie perdue par le noyau. Nous en reparlerons dans le dernier chapitre de Physique.

Prenons l’exemple du cobalt 60. La désintégration – est suivie d’une désexcitation gamma, ce qu’on écrit ainsi :

60 60 * 027 28 1Co Ni e puis 60 * 60

28 28Ni Ni

NB : L’énergie du photon dépend de sa fréquence selon la formule de Planck, E = h ν où h = 6,62.10–34

J.s est la constante de Planck. Nous reverrons cette relation à la fin de l’année en mécanique quantique.

30Al

29Al

28Al

27Al

31Si

30Si

29Si

28Si

32P

31P

30P

29P

33S

32S

31S

30S

N

Z13 14

14

16

15 16

15

17

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L’émission est quasiment systématique ; toutefois, on vous demandera explicitement d’en tenir comptesi besoin (dans le cas contraire, inutile de l’indiquer).

2.6 – Famille radioactive

Le noyau fils obtenu après désintégration d’un noyau père peut parfois, à son tour, se désintégrer en un nouveau noyau fils, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on obtienne un noyau stable. L’ensemble de ces noyaux forme ce qu’on appelle parfois une famille radioactive du noyau de départ.Exemple : la famille du radon 213, ci-contre.Pour s’entraîner : exercices 15, 17, 19 et 20 p. 96–97.

3 – La décroissance radioactive3.1 – Caractère aléatoire des désintégrations radioactives

Certains dispositifs permettent de détecter les désintégrations radioactives : c’est le cas des compteurs Geiger-Müller.Ce type de compteurs est constitué d’un cylindre métallique à parois très minces relié à la masse, dans l’axe duquel est tendu un fil de tungstène très fin porté à un potentiel positif (de l’ordre de 500 V). Ce fil et le cylindre constituent les électrodes du détecteur. Un mélange d’argon, d’hélium et de vapeur d’alcool est enfermé dans le cylindre à pression atmosphérique.Lorsqu’un électron ou un rayonnement traverse le cylindre et interagit avec le gaz, ce dernier est ionisé. Les ions créés sont attirés par les électrodes chargées. Leur déplacement donne naissance à un faible courant détecté par un compteur d’impulsions. Si toutes les particules émises par la source ne sont pas détectées (seules celles entrant effectivement dans le cylindre le sont), on peut supposer que le compteur en détecte un nombre proportionnel à celui des particules émises.

On peut, à l’aide d’une source radioactive (par exemple, au césium 137), utiliser un compteur GM pour décompter le nombre de désintégrations pendant un intervalle de temps t (par exemple, 5s).Les résultats obtenus sont différents et totalement imprévisibles.

20983 Bi

85 86

21386 Rn

20984 Po

20582 Pb

20581Tl

Z

N

123

124

125

126

127

81 82 83 84

compteur

cylindre métallique

+ 500 V

fréquence

nb de désintégrations

Ici, les résultats donnent une moyenne de

7, 4n désintégrations en 5 s...

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La radioactivité est un phénomène aléatoire : il n’est pas possible de prévoir à l’avance la date de désintégration d’un noyau, ni de modifier les caractéristique de ce phénomène.

L’étude microscopique de l’évolution d’un échantillon radioactif paraît donc inadéquate, et le recours à une approche statistique s’impose.En effet, sur une série suffisamment grande de mesures, le nombre n de désintégrations pendant un

intervalle de temps t peut être estimé à la moyenne n des mesures. On peut donc passer d’une étude microscopique à une étude macroscopique utilisant un grand nombre d’événements dont la moyenne est alors significative de l’état du système. Dans la suite, nous considérerons que l’échantillon radioactif étudié est suffisamment grand pour autoriser l’étude statistique de son évolution. Compte tenu de la taille du nombre d’Avogadro (NA = 6,02.1023 mol–1), qui fait le lien entre les mondes micro et macroscopique, cette hypothèse est tout à fait pertinente !!

3.2 – Activité d’un échantillon radioactifNotons N le nombre de noyaux radioactifs d’un échantillon. Ces derniers étant amenés à se désintégrer spontanément, N est une fonction décroissante du temps que l’on notera N(t).

Nous avons admis que pendant l’intervalle de temps t, en moyenne, n noyaux se désintégraient. A l’instant t, si l’échantillon contient N noyaux non désintégrés ; à l’instant t + t, il n’en contient plus que

N n . La variation ΔN du nombre de noyaux radioactifs de l’échantillon vaut donc

N N t t N t n Cette variation est bien négative car le nombre de noyaux radioactifs diminue : on parle de décroissance radioactive de l’échantillon.

On appellera activité A d’un échantillon radioactif le nombre de désintégrations qu’il produit par seconde, à savoir

NA

t

L’activité se mesure en becquerels (Bq) : 1 Bq correspond à une désintégration par seconde.NB : A est une grandeur moyenne, homogène à ‘l’inverse d’un temps.

Source radioactiveActivité

(ordre de grandeur)

Homme (70 kg) 7 000 Bq

1 L d’eau minérale 10 Bq

1 kg de poisson 100 Bq

1 kg d’engrais phosphaté 2 000 Bq

1 kg de plutonium 2.1012 Bq

Source radioactive médicale 1014 Bq

3.3 – Demi-vie d’un échantillon radioactifL’activité d’un échantillon radioactif décroît toujours avec le temps, mais sa vitesse de décroissance est très variable selon l’élément radioactif considéré.Par exemple, l’activité d’un échantillon d’oxygène 15 est quasiment nulle au bout d’une heure ; celle d’un échantillon équivalent d’uranium 238 ne diminue de moitié qu’au bout de 4,46 milliards d’années…

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L’activité « lancer de dés » met en évidence une grandeur permettant de caractériser la décroissance radioactive d’un échantillon : la durée de demi-vie t1/2.La durée de demi-vie t1/2 d’un échantillon radioactif est la durée au bout de laquelle son activité est divisée par deux.

Elément radioactif Demi-vie t1/2

Carbone 14 5 730 ans

Césium 137 30,2 ans

Iode 123 13,2 heures

Uranium 238 4,46.109 ans

Radon 220 58 secondes

Par exemple, puisque la demi-vie du césium 137 est de 30 ans, et si l’activité d’un échantillon de césium

137 vaut Ao à une date to, elle vaut 2

oAau bout de 30 ans,

4oA

au bout de 60 ans, 8

oAau bout de 90 ans, et

ainsi de suite… Au bout de n durées de demi-vie, elle vaut 2

on

A.

3.4 – Evolution dans le temps3.4.1 – Loi de décroissance radioactive

On considère un échantillon de N(t) noyaux radioactifs à la date t. Pendant la durée Δt, nous avons vu qu’il s’en désintégrait en moyenne –ΔN.La probabilité p pour que ces –ΔN noyaux se désintègrent est égale à

cas favorables Np

ensemble des cas N

Or, le caractère aléatoire de la radioactivité implique que cette probabilité p n’est pas affectée par l’état des autres noyaux : cette probabilité ne dépend que de la durée Δt et, qui plus est, on montre que cette dépendance est linéaire (la probabilité est directement proportionnelle à la durée)

p t Il s’ensuit l’égalité

Nt

N

soitN

Nt

Puisque nous avons fait l’hypothèse d’un grand nombre d’éléments (désintégrations), liée à celle d’un grand nombre de noyaux, la durée d’enregistrement Δt peut tendre vers 0, et à la limite mathématique,

dNN

dt

On obtient donc finalement une équation différentielle du premier ordre. Cette équation admet pour solutions les fonctions du type

expN t K t où le produit λt n’a pas de dimension (λ étant homogène à un temps) et où K est une constante déterminée par les conditions initiales,

0o o oN t N K N Le nombre de noyaux N(t) d’un échantillon radioactif suit la loi de décroissance radioactive

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expoN t N t où No correspond au nombre de noyaux non désintégrés à l’instant de date to = 0 s. λ est appelée constante radioactive du noyau considéré et est exprimée en s–1. Cette constante est indépendante des conditions initiales de l’expérience.

3.4.2 – Evolution de l’activité d’un échantillonPar définition, nous avons écrit

n NA

t t

A la limite,

dNA t N t

dt

En utilisant l’expression de N(t), il vient l’expression de l’activité

exp expo oA t N t A t Elle est proportionnelle au nombre N(t) de noyaux radioactifs.

3.4.3 – Constante de temps d’un échantillon radioactifL’expression du nombre de noyaux radioactifs au cours du temps peut s’écrire encore

expo

tN t N

où 1

, homogène à une durée, est appelée constante de temps de l’échantillon.

A l’instant t , le nombre de noyaux est égal à

t

N

No

0

t

N

Ao

0

A

2oA

t1/2

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exp 0,37oo o

NN N N

e

ce qui représente une diminution de 63% par rapport au nombre initial de noyaux No.On peut aussi déterminer τ à l’aide de la tangente à l’origine de la courbe représentative de N(t). En effet, l’équation de cette tangente To peut s’écrire sous la forme d’une fonction affine dont le coefficient directeur est la valeur de la dérivée en t = to, et dont l’ordonnée à l’origine est No.

:o

o ot t

dNT N t N

dt

Or, .t t

o

dN d NoN

dt dte e

d’où 0

ot t

dN No No

dte

. Ainsi,

: oo o

NT N t N

On peut s’assurer que cette tangente coupe l’axe des abscisses (d’équation N = 0) pour tx tel que

0ox o

NN t N

c’est-à-dire pour

xt LA tangente à l’origine de la courbe représentative de la décroissance radioactive N(t) coupe l’axe des abscisses (axe des temps) en t = τ, la constant de temps.

La détermination graphique de τ peut être faite à partir de la fonction A(t) car les fonctions N(t) et A(t) sont proportionnelles.

3.4.4 – Grandeurs caractéristiques de la décroissance radioactiveNous avons vu qu’à la date t = t1/2 , l’activité de l’échantillon a été divisée par deux, ce qui revient à écrire que

1/ 2 1/ 2exp2

oo

NN t N t

d’où il ressort

1/ 2

1exp

2t

soit

t

N

No

0

N

2oN

t1/2

0,37 No

τ

tangente à l’origine

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1/ 2

1ln

2t

et encore, d’après les propriétés du logarithme

1/ 2 ln 2t Nous obtenons ainsi une relation qui lie les grandeurs caractéristiques de la désintégration

1/ 2

ln 2ln 2t

4 – Application de la radioactivité4.1 – Incidence du rayonnement incident

La radioactivité est accompagnée de l’émission de particules (noyaux d’hélium, électrons, positons, photons gamma) de haute énergie. Ces particules sont capables d’arracher des électrons aux atomes qu’ils rencontrent. Ces derniers, ionisés, sont particulièrement réactifs avec les molécules qui les entourent, comme par exemple les molécules d’ADN des cellules vivantes.Une molécule d’ADN modifiée peut être à l’origine d’une cellule cancéreuse. Si cette modification se fait sur des événements peu nombreux, répartis dans le temps (cas d’une irradiation chronique due à la radioactivité naturelle), l’organisme peut généralement « réparer » cette situation. Lorsque l’irradiation est concentrée dans un temps plus court (radiographie, contamination…), la réparation est difficile voire impossible. On distingue deux types d’exposition anormale de l’organisme à la radioactivité.

On parle d’irradiation lorsque l’organisme est soumis à un rayonnement inhabituel pendant une durée limitée. C’est le cas, par exemple, d’un patient passant une radiographie. Les effets sur l’organisme dépendent de l’énergie reçue par ce dernier et donc à la fois de l’activité de la source et de la durée d’exposition, ainsi que sa fréquence (exceptionnelle ou répétitive).

On parle de contamination lorsque l’organisme absorbe un échantillon radioactif. Ce dernier va donc exposer l’organisme à son rayonnement ionisant pendant toute la durée où il se trouve absorbé et actif. Cette contamination peut être accidentelle (ingestion ou respiration de corps radioactifs) ou bien volontaire (administration d’une petite quantité d’un échantillon faiblement radioactif et de demi-vie courte à un patient en imagerie médicale).

4.2 – La radioprotectionLa radioprotection consiste à diminuer les risques liés à une exposition de rayonnements ionisants par différents procédés : écrans de protection, diminution ou fractionnement de la durée d’exposition, éloignement de la source…Pour les personnes souvent exposées, l’usage d’écrans (protection contre l’irradiation) voire de combinaisons (protection contre l’irradiation et la contamination) est obligatoire.

α β γair 10 mm 8 350 mm 121.103 mmeau 10 mm 9,6 mm 142 mmplomb 2 mm 1,4 mm 13,6 mm

Parcours des différentes particules (même énergie ~ 2 MeV) dans différents matériaux

4.3 – Les usages médicaux de la radioactivitéCertains noyaux radioactifs sont utilisés comme traceurs en tant que source de rayonnement pour l’imagerie médicale (radiographie, scintigraphie, etc…).Dans le cas de la scintigraphie (1958), une source radioactive est administrée au patient. Cette source est choisie pour son aptitude à migrer vers les parties du corps que l’on veut examiner (organe particulier, vaisseaux sanguins…). Le rayonnement émis par la source est ensuite enregistré et permet de donner de

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cette partie du corps une image riche en informations. A titre d’exemple, l’iode 13153I est utilisé pour la

thyroïde, et le potassium 3215 P pour les tumeurs cérébrales.

La faible demi-vie de l’élément administré impose la proximité entre les lieux de soins médicaux et les lieux de production de cet élément.

4.4 – La datation au carbone 14La décroissance radioactive de certains éléments enfermés dans des roches ou des organismes morts est à l’origine de plusieurs techniques de datation. En comparant l’activité ou la quantité de matière d’un échantillon à celle d’échantillons témoins, on peut estimer son âge avec une précision qui dépend des techniques de mesure.La méthode de datation au carbone 14, mise au point il y a une cinquantaine d’années, a complètement bouleversé l’archéologie. Grâce à elle, on a pu dater plus précisément des sites tels que Lascaux ou Stonehenge. Cette méthode est essentiellement utilisée pour dater les objets de moins de 40 000 ans.

Son principe repose sur l’hypothèse selon laquelle le rapport

14

12

n C

n C dans l’atmosphère est, en première

approximation, indépendante du temps : en effet, la quantité de 14C produite (par différentes familles radioactives) est égale à la quantité de 14C désintégrée pendant des durées identiques. Les organismes fixant le carbone de l’atmosphère lors de leur métabolisme contiennent donc les deux isotopes dans les proportions de celles de l’atmosphère.

Si l’organisme meurt, son métabolisme cesse et le rapport

14

12

n C

n C diminue à cause de la décroissance

radioactive du 14C. Une mesure précise de l’activité de l’échantillon permet donc, par comparaison avec un échantillon de référence, de remonter à l’âge de l’organisme.

En notant Ao l’activité initiale de l’échantillon due au carbone 14, à l’instant t après la « mort » de l’échantillon,

expoA t A t Ce qui permet d’écrire

1/ 2

ln ln 2o

A t tt

A t

Pour le carbone 14, comme t1/2 = 5,70.103 ans,

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31/2 ln 8, 22.10 lnln 2

o

o

A tt At années

A A t

4.5 – Datation par d’autres méthodesPour dater des échantillons plus vieux (roches par exemple), on utilise des noyaux de demi-vie plus longue, comme l’uranium 238 : l’utilisation de cet isotope de demi-vie 4,468.109 années a permis d’estimer l’âge de la Terre à 4,55 milliards d’années.Lorsque la composition initiale de l’échantillon en élément radioactif ne peut être connue, on préfère des méthodes comparant l’évolution simultanée de deux types de noyaux différents. Le couple rubidium-strontium, par exemple.

Pour s’entraîner : exercices 25 et 27 p. 98 ; exercice 29 p. 99.

La gammagraphie (exploration de corps opaques comme les métaux) par les rayons sert à la vérification des soudures ou à la détection de fuites (pipelines …).

La conservation d’objets d’art est favorisée par la destruction de champignons, mousses et micro-organismes parasites à l’aide des rayons . Ce procédé concurrence également la congélation en agro-alimentaire (conservation des fruits et légumes)

Seringues, linges médicaux, prothèses, matériel chirurgical sont parfois stérilisés par rayonnements radioactifs.

On peut suivre l’évolution des processus chimiques en utilisant un radio-élément comme réactif-traceur (ex : le tritium, isotope 3 de l’hydrogène).