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La Presse pendant la Grande guerre 1914-1918
Quels médias étudions-nous?
• Un seul : la presse
• Des actualités filmées sont présentées au cinéma; l’Etat contrôle ce qui est filmé mais cet aspect n’est pas étudié ici
1- La presse en 1914
Au front, fin mai 1915
Félix Vallotton
En famille
La presse au cœur de
la vie des Français
Félix Vallotton, « l’âge du papier »
couverture de la revue n° 52 du 23 janvier
1898
Le crieur de nouvelles
En 1914, la
presse est très
diverse
Une presse totalement libre avant-guerre - LOI du 29 juillet 1881
CHAPITRE 1ER : DE L’IMPRIMERIE ET DE LA LIBRAIRIE
• Article 1- L'imprimerie et la librairie sont libres
CHAPITRE II : De la presse périodique.
Article 5- Tout journal ou écrit périodique peut être publié, sans autorisation préalable et sans dépôt de cautionnement, après la déclaration prescrite par l'article 7.
En 1914, un adulte sur deux
lit un journal Nombre de quotidiens pour 1000 habitants
• 1815= 1,3 exemplaire
• 1831 = 3 exemplaires
• 1863 = 8,5 exemplaires
• 1880 = 73 exemplaires
• 1914 = 244 exemplaires •
• Source : Pierre Albert, « Système d’information et liberté de presse », in Le
pouvoir des médias, mélanges offerts à Jean Cazeneuve, PUF. 1986, p. 25.
21 Août 1914 22 Août 1914
Une presse d’information et de réflexion
nationale, engagée politiquement
Presse d’information régionale
Une presse grand public, à sensation
29 mars 1914 Avril 1912
La presse utilise de plus en plus la photo
N° spécial 28 juin au 2 août 1914 29 juin 1914
Une presse féminine
25 janvier 1914 Août 1914
Une presse sportive
1903 1916
Une presse pour les jeunes
1909 Fev. 1915
Une presse spécialisée
31 janvier 1914
Avec la guerre, la presse
peut-elle tout dire ?
La guerre et la presse la presse peut-elle tout dire ?
• Faut-il contrôler la presse ?
• Un souvenir de la guerre de 1870, la presse a révélée les positions des 12e et 13è corps d’armée du Maréchal de Mac-Mahon
Il ne faut pas hésiter à « donner un
système d’informations
inexactes et retardées »
dit Paul Meunier, député
de Bar-sur-Seine
Le gouvernement utilise la presse
pour faire passer des informations
ADA 17 R 3
Ici les journaux qui vont recevoir l’affiche de mobilisation, 1er août 1914
L’Avenir de l’Aube
2 Août 1914
La loi sur les indiscrétions de la presse : 5 août 1914
• « Art. 1er - Il est interdit de publier (…) des informations et renseignements, autres que ceux qui seraient communiqués par le Gouvernement ou le commandement, sur les points suivants :
• Les mouvements des troupes
• Les pertes militaires
• Les effectifs
• Les renseignements stratégiques
Loi du 5 Août 1914
• Et, en général, toute information ou article concernant les opérations militaires ou diplomatiques de nature à favoriser l'ennemi et à exercer une influence fâcheuse sur l'esprit de l'armée et des populations
• « Art. 2. - Toute infraction aux dispositions de l'article précédent sera punie d'un emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende de 1 000 à 5000 fr. »
Censure du 5 août 1914 au 13 octobre 1919
• Censure = le contrôle par le gouvernement des informations, des articles, des images. . .
• But :
• Eviter d’informer l’ennemi
• Entretenir le moral des Français
• Eviter le défaitisme
• Souder la population autour du gouvernement
Censure : 5 août 1914 au 13 octobre 1919
• Interdit de donner des informations militaires, diplomatiques...
• Interdit de crier les nouvelles.
• Interdit de donner des informations dramatiques, démoralisantes : plus de couvertures de journaux avec des meurtres, des accidents, des catastrophes. . .
La censure est peu contestée en
1914, mais …
Le journal « L’Avenir
de l’Aube »
août 1914
En 1914, une presse très
patriotique aux propos
étonnants
Août-décembre 1914, une presse très patriotique
• Elle soutient le gouvernement
• Dévalorise l’ennemi : augmente son nombre de morts, ses défaites. Le présente comme un barbare
• Minimise les défaites françaises
La presse soutient l’Union Sacrée
Le Petit Troyen
25 septembre 1914
Le Petit Troyen
3 août 1914
La dévalorisation de l’ennemi dans la presse troyenne
A partir de la mi-août
1914, le Petit Troyen a
une rubrique intitulée :
« Leurs atrocités »
Les atrocités
allemandes
Les hordes d’Attila
Le Petit Troyen du 13 août (?) 1914
Le Petit Troyen, 21 septembre 1914
« Les invulnérables Poilus ne craignent plus les
mitrailleuses allemandes »
Le Petit Parisien en 1914
La presse valorise l’armée française
Des propos surprenants en 1914
• « Les Allemands tirent fort mal et fort bas ; quant aux obus, ils n'éclatent pas dans la proportion de 80 %. » Journal, 19 août 1914
• « Nos troupes, d'ailleurs, maintenant, se rient de la mitrailleuse (...) On n'y fait plus attention »
Le Petit Parisien, L. Montel, 11 octobre 1914
Des propos surprenants en 1914
• « A part cinq minutes par mois, le danger est très minime, même dans les situations critiques. Je ne sais comment je me passerai de cette vie quand la guerre sera finie. Les blessures ou la mort... c'est l'exception »
Petit Parisien, "Lettre de soldat", 22 mai 1915
15 Septembre 1914
Le récit de la
bataille
Parfois les nouvelles sont transformées ex. les moines d’Anvers en octobre 1914
• Information 1ère dans la presse allemande
« Quand la chute d'Anvers fut connue, les cloches [en Allemagne] se mirent à sonner en signe de joie. » Kölnische Zeitung (Cologne)
• 1er journal français : Le Matin (Paris)
« D'après le Kölnische Zeitung, le clergé d'Anvers a été contraient de sonner les cloches après la prise de la forteresse. »
Les moines d’Anvers en 1914
• 2d un journal anglais : Times (Londres)
"D'après les informations que le Matin a reçues de Cologne, les prêtres belges qui ont refusé de sonner les cloches ont été chassés de leur poste."
• 3ème un journal italien : Corriere della Sera
[il copie le Times, puis ajoute :] "Ces malheureux prêtres seront condamnés aux travaux forcés."
Les moines d’Anvers en 1914
• Le Matin (Paris)
"D'après les informations du Corriere della Sera, reçues via Londres et via Cologne, on confirme que les barbares vainqueurs d'Anvers ont supplicié les malheureux prêtres belges à cause de leur refus héroïque, en les pendant aux cloches comme des battants vivants, la tête en bas ! »
• Maurice Mégret, La Guerre psychologique, Paris, PUF, coll. "Que sais-je ?" No 713, 1956, 3e éd., 1963, 128 p., p. 39, Cité par Jean-Noël Kapferer, Rumeurs, le plus vieux média du monde, Paris, le Seuil, 1987,
Le contrôle des informations rend les Français méfiants
Deux mots nouveaux naissent :
• Bobards
• Bourrage de crâne
bobard
• [Gén. en temps de guerre ou de trouble pol.]
« Faux bruit, fausse nouvelle ou opinion erronée que l'on répand soit pour masquer la vérité et encourager à poursuivre une action, soit pour alarmer l'opinion et démoraliser les troupes au combat »
Dictionnaire du CNRS en ligne -Trésor de la langue
française
« Bourrage de crâne »
« Présentation sous un jour faussement favorable d'une situation compromise; mensonges, bobards »
Dictionnaire du CNRS en ligne -Trésor de la langue française
La presse enfantine
dévalorise elle aussi l’ennemi
« Hé ! M’sieu l’sale Boche !
C’est-y que vous êtes passé
dans les Aviateurs »
« Au pays Boche, la pomme de terre a
considérablement augmenté. Heureusement
que les marrons y sont pour rien »
La censure et son
fonctionnement 1-La censure
2- La propagande
3- Censure dans le dessin de presse
4- Que sait la population?
La presse est donc censurée
• 5000 personnes réparties dans 300 bureaux en France sont chargées de contrôler ce qu’écrivent les journaux.
• Les censeurs font couper toutes les informations interdites : militaires, informations démoralisantes, critiques trop politiques…
La censure
Article faisant
état de
l’explosion de
l’atelier de
chargement
d’obus d’Yzeure
9 mai 1918
Le journal publié
Les espaces
censurés sont
toujours visibles
L’Etat ne cache
pas la censure
15 avril 1917
On appelle
« échoppage » la
coupure faite dans
un texte
Les journaux qui ne respectent pas
la censure peuvent être saisis
Archives départementales de l’Allier
Les informations militaires dans tous les journaux reprennent les
« communiqués » donnés par l’Armée ou le
gouvernement
L’Humanité, 5 mai 1917
Clemenceau revendique la liberté de presse
Il soutient l’Union
sacrée mais exerce son
esprit critique
Il dénonce par exemple
le transport des blessés
dans des wagons à
bestiaux.
Suspendu du 29
septembre au 7 octobre
1914 Ce journal né le 6 mai 1913
« L’Homme libre » devient ….
• En octobre 1914 , « L’Homme enchaîné »
Mais quand il est 1er ministre …
« Une censure sera maintenue des informations diplomatiques et militaires aussi bien que celles qui seraient susceptibles de troubler la paix civile »
Mouvements sur les bancs des socialistes, applaudissements à gauche, au centre et à droite.
Discours de Clemenceau devant l’Assemblée, 20 nov. 1917
Son slogan :
« La liberté de la
presse ne s’use que
quand on ne s’en sert
pas » .
10 septembre 1915
Naissance du
« Canard enchaîné »
• « Le Canard enchaîné prend l'engagement d'honneur de ne céder, en aucun cas, à la déplorable manie du jour. C'est assez dire qu'il s'engage à ne publier, sous aucun prétexte, un article stratégique, diplomatique ou économique, quel qu'il soit... Le public veut des nouvelles fausses... pour changer. Il en aura. Pour obtenir ce joli résultat, la direction du Canard enchaîné, ne reculant devant aucun sacrifice, n'a pas hésité à passer un contrat d'un an avec la très célèbre agence Wolff qui lui transmettra, chaque semaine, de Berlin par fil spécial barbelé, toutes les fausses nouvelles du monde entier. »
• Le Canard enchaîné, 10 septembre 1915
A partir de 1915, l’Etat accompagne la censure avec la propagande
• Conscient que les fausses nouvelles, les « bobards » ne sont pas crus, il met fin à des informations irréelles
• L’Etat favorise les « héros positifs » dans la presse comme « les As de l’aviation », les femmes…
La revue « La guerre aérienne illustrée » • Elle paraît tous les
jeudis depuis 1916 .
• Format 32 x 24.
• La couverture est en couleurs et rend généralement hommage à un aviateur "tué au combat".
Mais cela n’empêcha pas
toujours la censure
Autre personnage héroïsée
les femmes dont les munitionnettes
Les modes, Revue mensuelle illustrée des arts décoratifs
appliqués à la femme,1917, n° 168
Les modes, Revue mensuelle illustrée des arts décoratifs appliqués à la femme,1917, n° 169
Les
infirmières
Quelles informations ne sont jamais révélées ?
• Le nombre de morts
• Les défaites militaires
• Les mutineries d’avril 1917
• Parfois les grèves
L’Humanité
16 mai
1917
Des informations malgré la censure
La censure dans le dessin de presse
• A partir de 1916, la censure bloque les dessins « contre les ennemis de l’intérieur » = les profiteurs , les embusqués, les propriétaires
• Raison donnée par les censeurs :
« contraire à l’Union sacrée »
« dessin qui excite la guerre civile »
Achoppage demandé : suppression du dessin
12-13 avril 1916
réaction du journal : dessin supprimé
Légende : Que faisiez-vous aux tranchées? Vous
luttiez. J’en suis fort aise, eh bien! Payez maintenant
Journal : La Bataille Titre : Proprios
Achoppage demandé
La légende du dessin 23 septembre 1916
réaction du journal :
le journal a refusé
Journal : Le Petit Bleu Titre : A l’hôpital
Légende : Notez qu’à l’avenir les blessés ne pourront sortir
que deux fois par semaine
Pourtant quand il s’agissait de sortir de la tranchée,
nous sortions autant de fois qu’il le fallait
Journal : Le Bonnet Rouge Titre : La Toussaint
Légende : Comme le cimetière s’est agrandi !...
Achoppage demandé : Suppression de la
légende 1er novembre 1916
Réaction du journal :
Légende est supprimée
Journal : La Bataille
Légende : Mais est-ce que je n’étais pas allié à la Serbie ?
Achoppage demandé Le roi de Grèce + la
légende 8/9 mars 1916
Réaction du journal Seule la légende est
supprimée
La censure dans les dessins de presse
• 1915 : 130 dessins
• 1916 : 380 dessins (au moins)
• 1917 : 250 dessins (jusqu’en novembre)
• Ministère Clemenceau (16 nov. 1917- 18 janv 1920) :
50 dessins
• Au total environ 850 dessins sont censurés
Françoise Bouron, « Censure et dessin de presse pendant la 1ère guerre mondiale », Les médias et la guerre, ss dir COUTAU-EGARIE Hervé, EPHE IV Sorbonne, Economica, 2005, p. 432-445.
La population est-elle au courant de la réalité de la guerre ?
« (…) j’ai même eu jusqu’à sa mort de la rancune contre lui parce qu’il avait demandé à aller au front quand il savait qu’on cherchait des volontaires pour l’Argonne… L’Argonne dont on disait textuellement dans l’Illustration: « Bien peu en reviendront ».
Lettre de la veuve du Ss-Lieutenant Fairise tué le 22 juillet
1915 au Lt Pézard (juillet 1915), André Pézard, « Nous
autres à Vauquois,1915-1916 », Association des Amis de
Vauquois, 2006, page 172.
L’Illustration
5 juin 1915
9 octobre 1915
Une presse originale
Les journaux de tranchées
Une presse originale Les journaux de tranchées
• Une presse faite par les soldats, pour les soldats au front
• Le 1er serait « l’Echo de l’Argonne » du 26 octobre 1914
• Il en existe plus de 500
• certains n’ont que quelques numéros, d’autres sont plus réguliers
L'écho du Boyau, 15 juin 1915.
L’écho des Marmites, 29 février 1916.
Cingoli-gazette, mai 1915.
Le petit bleu, janvier 1918. Rigolboche, 20 décembre 1917.
C’est une presse très libre, au moins jusqu’aux mutineries de 1917
Pourquoi une presse de soldats ?
• Le soldat se méfie des journalistes
« Vous admettez ça, vous, que pour charmer le
lecteur, on pique un bouquet de violettes à la fin
d’un topo sur Vauquois? »
« Ah ! ça non, ça ne vous fatigue pas de faire la
guerre pour un sou chaque matin, sur un grand
papier! Discussion entre A. Pézard et R. Fairise, André Pézard ,« Nous
autres à Vauquois,1915-1916 », Association des Amis de Vauquois,
2006, page 120
Le soldat et les journalistes une méfiance
• « Et les journalistes trouvent la guerre pittoresque! Et même, quand ils ne la trouvent pas pittoresque, quand ils la trouvent moche et sale, comment voulez-vous qu’ils décrivent ça à peu près fidèlement, si moi-même je souffre de ne pas pouvoir le décrire dans mes lettres! Il faut y avoir passé pour s’en rendre compte. »
• Discussion entre A. Pézard et R. Fairise, André Pézard, « Nous autres à Vauquois, 1915-1916 », Association des Amis de Vauquois, 2006, page 120
Le mea culpa du journaliste Edouard Hesley en 1919
• « J’ai raconté qu’ils riaient et qu’ils chantaient, ces hommes que je voyais se mouvoir comme des ombres et qui passaient titubant de fatigue, hébétés de ces marches et de ces combats auxquels ils ne comprenaient rien, las de mourir, rompus, finis. Hélas !Je crois bien que j’ai fabriqué 3 ou 4 mots de poilus. J’avais tort, je le sais et je renonçai très vite à cette mauvaise musique. Mais je pensais alors aux mères, aux femmes, aux enfants, à cette détresse toute neuve des familles, dans les premières semaines de la guerre. »
• cité par Christian Delporte, Les journalistes en France 1880-1950. Naissance d’une profession. Paris, Seuil, 1999,p.184. Cité par J-Y Le Naour, 1914, la grande illusion, Perrin, 2013, p; 260/261
Deux communiqués officiels
Communiqué français du 28 août 1914 :
• "Dans le Nord, l'armée anglaise attaquée par des forces très supérieures en nombre a dû, après une brillante résistance, se reporter un peu en arrière. A sa droite nos armées ont maintenu nos positions."
• Communiqué allemand de la même date : "L'armée allemande a pénétré victorieusement sur le territoire français, de Cambrai jusqu'aux Vosges. L'ennemi a été battu sur toute la ligne et se trouve en pleine retraite." Cité dans Histoire : de la Réforme à nos jours, Fribourg, Saved/Bordas, 1987, p. 152