La Peur Et l'Historien [Entrevista com Jean Delumeau]
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7/17/2019 La Peur Et l'Historien [Entrevista com Jean Delumeau]
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Jean Delumeau
La peur et l'historienIn: Communications, 57, 1993. pp. 17-23.
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Delumeau Jean. La peur et l'historien. In: Communications, 57, 1993. pp. 17-23.
doi : 10.3406/comm.1993.1863
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1993_num_57_1_1863
7/17/2019 La Peur Et l'Historien [Entrevista com Jean Delumeau]
http://slidepdf.com/reader/full/la-peur-et-lhistorien-entrevista-com-jean-delumeau 2/8
Jean
Delumeau
La peur et l historien
(entretien
avec Bernard Paillard)
Jean Delumeau
est un
historien
unanimement
reconnu
pour ses travaux
sur
les peurs occidentales. Si
ceux-ci ont
ouvert
de
nouvelles
perspectives
à
sa
discipline, leur apport intéresse aussi d autres spécialités.
Quiconque
se penche
sur le monde
des peurs est
tenu
d y
faire
référence.
Il
est vrai
que
l historien lui-même a été amené à consulter d autres
disciplines.
Pour
lui,
l interdisciplinarité
n est
pas une formule
à la mode, mais
une
néces
sité e
travail. Les questions
posées
à
la documentation proprement histo
rique la nécessitent. Une histoire des «mentalités»
ne
peut
exister sans
une
telle
consultation. Car
ce
type
d histoire, étudiant des sentiments et des
comportements
collectifs,
interroge
l homme
dans
sa
globalité.
D où
cet
impératif:
s informer auprès de ceux qui, à
titres
divers, questionnent
Vhumain,
biologistes,
psychiatres,
anthropologues,
psychanalystes,
philo
sophes, etc. Ainsi, lors
de
ses
premiers
travaux
sur la peur,
Jean Delumeau
s est mis en relation
avec
des
psychiatres.
Un séminaire
commun
a été organ
isé.
Selon lui,
cette coopération
interdisciplinaire doit
reposer sur le
res
pect mutuel des frontières entre les spécialités. Les outrepasser expose à
franchir
les
rigueurs de
sa
propre méthode, comme a
pu
lefaire Freud lors
de
sa critique négative
de la
religion. C est aussi prendre le risque
défaire
des
interprétations
sans
fondement.
Ainsi,
rappelle-t-il,
certaines
analyses
du
passé, de
type psychanalytique, sont difficiles à conduire, tout
simple
ment
arce
que
la documentation
est trop faible ou même controversée.
C est pourquoi,
si
l interdisciplinarité
est nécessaire, elle est une voie qu il
convient
d explorer avec
précaution.
♦
Bernard
Paillard : Dans votre préface au livre Les Malheurs
des
temps,
vous dites : «dans l histoire des collectivités,
les
peurs se modifient — et
encore
pas
toujours
—
mais
la
peur
demeure».
Il
y
aurait donc
à
la
fois
17
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Jean
Delumeau
une
permanence et
une perpétuelle
transformation des peurs.
Quelles sont
celles
qui restent? Pourquoi
d autres
changent-elles?
Jean
Delumeau
:
Je
pense
que
la
peur
ne disparaîtra
pas,
parce
que
la peur fondamentale
est
celle
de
la
mort, et cela d autant plus
que,
contrairement à l animal,
l homme
anticipe sa mort. L animal la voit
venir
quand
il
y a un danger
immédiat,
tout
comme nous, d ailleurs. Le
pro
pre de
l être
humain est par contre, d y réfléchir
à longueur
de vie.
L homme médite
sur sa
mort dès
qu il
a conscience qu il est et qu il
mourra, donc
dès
l enfance. Certaines œuvres, tels
les
Essais de
Montai
gne ont une méditation sur la
mort,
comme une
grande
partie de la
poésie
de
Ronsard. Aucun autre vivant, même parmi les singes les
plus
évolués, n a cette conscience aiguë et permanente
de la
mort.
Sans
doute
convient-il
de
nuancer
quelque
peu ces
propos
sur
la
peur
de la mort.
Un
petit enfant dont
les
parents sont momentanément
élo
ignés a peur
de
l autre et
de l inconnu. Or
il ne sait pas ce
qu est la
mort.
De
même,
l être
humain
est capable d éprouver des
peurs
qu il ne se
représente pas comme étant directement liées à la mort. Pourtant,
c est
quand
même
cette
réalité qui fonde le monde des craintes.
Mais
il
y a différentes façons
de
mourir. Si une épidémie est aux
por
tes d une ville, comme c était le
cas
lors
des
pestes
d autrefois, la proxi
mité de la
mort peut engendrer
des
paniques.
Plus simplement,
l imminence
du
danger
peut produire
la
peur.
Dans
ces
cas,
ce
n est
pas une
méditation
sur
la mort mais
sa
conscience aiguë. C est pourquoi
il peut y
avoir des
peurs liées aux
dangers. Et, les
périls changeant,
les
peurs se modifient aussi.
En
Occident,
certaines peurs ont disparu
parce que les menaces
se
sont estompées.
Désormais, qui a peur
de
la
peste ou
du
choléra ? D autres
sont nées avec certaines inventions techniques. Au
tout
début
de
l avia
tion,monter
dans
un
avion engendrait quelques craintes.
Maintenant,
malgré
les
accidents, il
ne
subsiste qu une petite appréhension, sauf
cas
individuels
rares,
car on
estime
les
risques
de
façon statistique.
Cette
peur,
bien que
récente, a disparu,
comme toutes
celles
qu avaient susci
tées
es autres inventions techniques. Le
chemin de fer,
par
exemple,
que Thiers craignait, pensant
que
les hommes
allaient s étouffer
dans
les
tunnels. Toutes ces peurs ont diminué en raison
de
l amélioration
des
techniques.
Bernard Paillard :
Dans
La Peur et l Occident, vous distinguez
les peurs
«spontanées», permanentes,
cycliques,
liées au retour périodique d événe
ments
els
que
disettes, épidémies,
guerres,
violences, etc.,
et
les peurs
«
réfléchies
».
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La peur et l historien
Jean Delumeau : C était l une
des
articulations majeures du
livre,
et
je
suis arrivé à une conclusion
inattendue
:
les
peurs
des
élites peuvent
être plus fortes
que celles des
masses.
Cette
conclusion
pourrait servir
à
éclairer
l actualité.
Des peurs spontanées, la plus
forte
étant,
bien
entendu,
celle de la
peste, à laquelle
nous n aurions
pas échappé. En revanche, il y a eu
toute une réflexion sur les dangers, sur les menaces.
Celle-ci
a été
faite,
forcément, par
des
gens
qui
étaient à l époque
les «directeurs de
conscience »
de la
collectivité, essentiellement
des hommes
d Église.
Us
ont pensé que les
malheurs
étaient une punition. C était un
diagnostic
ancien. Mais cette idée
s est conjuguée avec
une autre selon laquelle
la
fin
de l humanité
était proche. A la période étudiée, entre le
xve
siècle
et le
début du
xvne, tout le
bagage intellectuel
et
toute la
formation
théo
logique de ces
autorités morales
en étaient pétris.
On ne
sait
pas assez
qu à
l époque
dite
de la Renaissance, beaucoup
de gens croyaient à une fin du
monde
proche. Ce n est pas l an
mil
qui
a eu cette peur, mais bien
la Renaissance.
A
la
période anglaise de Cromw
ell
ur
laquelle je
travaille,
nombre de personnages
importants croyaient
en
l imminence
des
échéances eschatologiques. Cette certitude était
te
llement
ancrée qu elle
a été
à
l origine de
l invention
de certains outils
de
pensée.
Vu
de notre
époque,
le
cas
le plus curieux
est certainement
celui
de
Napier. Il a inventé
les
logarithmes pour calculer, le plus facil
ement
possible
et
au
plus
près, la date de
la
fin
du monde.
Compte
tenu
de cette
chronologie
pessimiste de
l histoire humaine, les
autorités morales
de l époque ont fait un diagnostic
qui
nous paraît éton
nant :
Satan
faisait le
forcing
final. Sur
l échiquier de la
terre
de la chrét
ienté,
il agissait sur
tous les fronts
en
même
temps,
avec les
hérétiques,
avec
les
sorciers,
avec
les juifs, avec
les
idolâtres,
avec
les musulmans.
C était l offensive
finale
:
mais il
n y a pas eu de
cataclysme
universel.
Bernard
Paillard
: Cette
vision
est
sans
doute différente de
celle
des pre
mières
communautés
chrétiennes qui,
elles
aussi, vivaient
dans
V
espérance
eschatologique ?
Jean Delumeau : C est
effectivement
très
différent.
On
peut
dire que
les
communautés chrétiennes des trois premiers siècles, surtout celles
d Asie, étaient millénaristes. En prenant à
la
lettre l Apocalypse, à
laquelle
on adjoignait
le
Livre
de
Daniel, on pensait
que
le Christ allait revenir
pour régner
pendant mille
ans avec les
Justes.
Il
y aurait un passage
difficile juste avant ce règne
des
mille ans,
puis
celui-ci se
terminerait
par
un
nouveau
cataclysme. Après,
ce
serait le jugement dernier. Cette
conception millénariste
au
sens
strict,
à
savoir
l espérance d un
règne
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Jean Delumeau
de mille ans de bonheur, était très
largement partagée
par les chrétiens
des
premières générations, mais cette conscience n engendrait pas
de
paniques
collectives, au contraire. C était pour ces chrétiens
une espé
rance,
surtout
en
période
de
persécution.
Car
ils
étaient
persuadés que,
à la fin
des
persécutions, on passerait au
règne
du Christ avec les saints.
Bernard Paillard : A
lire
vos écrits, on estfrappépar une chose :
les
pério
des
es plus
angoissées
semblent
être
aussi les
plus
conquérantes.
Jean
Delumeau
:
Cela
paraît
paradoxal,
mais
c est
un
fait
historique.
Le paradoxe est
plus
facile à constater
qu à expliquer.
On peut
dire
que,
si
l Occident
se sentait
en crise, il
ne baissait pas
les
bras pour
autant.
Et
certains
personnages
étaient
animés par
ces
deux
sentiments.
Ainsi,
Christophe Colomb était
incontestablement
habité par des préoccupat
ions
schatologiques.
Il a vécu,
travaillé
et découvert
l Amérique avec
ces idées à l esprit. N ayant pas étudié à
fond
son
cas,
je
m avancerai
avec
prudence,
mais je crois qu il pensait
plutôt
en
termes de
fin du
monde
qu en
termes
de mille
ans
de bonheur. Et il envisageait la
date de
1656.
Par conséquent, il fallait se
hâter et surtout
se presser
de convertir
les
peuples nouvellement découverts. Cette découverte était d ailleurs un
signe avant-coureur
des
derniers
temps,
mais
en
même temps
une
grâce
donnée
aux chrétiens de
pouvoir
convertir
des peuples
païens
qu on
avait
ignorés jusque-là. Luther
était,
lui, très
fortement
préoccupé par
le
thème
non pas du millénarisme, mais
de
la fin
du
monde. Il fallait aider
Dieu
dans l œuvre
finale
qui la précédait.
En outre, identifiant
Rome
à
la
papauté de
l Antéchrist,
il convenait d être du
côté
de
Dieu
contre
les
forces du mal.
Voilà
deux cas particuliers, mais non
des moindres.
Ces
deux
person
nages nt
vraiment
transformé
la
face
du monde
au xvie
siècle. On
voit
très bien comment
des
préoccupations eschatologiques ont pu, en même
temps,
constituer
un
moteur pour l action. On
trouverait sûrement d autres
exemples.
Bernard Paillard : Vous
avez
dit
que
notre
époque
peut
nous
aider à
comprendre
cette
période.
Ne
pourrait-on pas inverser la proposition
et éclai
rer otre
époque à
la lumière des idées que vous
avez dégagées dans
vos
travaux ?
Jean Delumeau : Sur le plan des
constatations sinon
sur celui des
expli
cations on
peut
établir
un rapprochement entre ces deux époques. Notre
XXe
siècle
a
continué
à
innover,
à
inventer,
tout
en
étant
confronté
à
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La peur et l historien
d énormes
dangers et tout en produisant
d incommensurables hécatomb
es
ctuellement,
nous vivons
à
nouveau sur une anthropologie pessi
miste,
car
nous
avons
abandonné
le rêve d une société rendue meilleure
grâce
à
la
science
et
à
la
technique.
Nous
répétons l attitude
que
nous
avions au début
de
la modernité. Je
ne sais
pas
si
on
peut aller
au-delà
de
cette constatation.
Mais est-ce là
un
problème historique ? Ne devrait-on pas faire
appel
à la nature humaine, même si l expression est peut-être un
peu
forte ?
fly
a une sorte d entêtement à ne pas capituler devant
les
difficultés.
Ainsi, on constate que les villes
ont
la
vie dure.
On les
reconstruisit après
un
tremblement
de terre
ou après
un
anéantissement dû à la guerre.
Il y a eu
Dresde,
Varsovie et bien d autres.
Est-ce
une caractéristique
plus
particulière
au
monde
occidental
?
Je
ne
sais
pas.
Les
Japonais,
eux
aussi, ont reconstruit
Hiroshima.
Bernard
Paillard
: Pourrait-on dire
qu une même
période peut être tra
v illée et par un pessimismefondamental et par
un
optimisme essentiel?
Jean Delumeau
:
Je pense qu il
ne faut
pas
lier activité créatrice et
philosophie optimiste. L Occident a vécu
sur
une
anthropologie
pessi
miste issue
de
saint
Augustin.
Saint Augustin refusait à l homme
sur
terre
le droit de
s endormir
: il faut être en
alerte,
vigilant,
parce qu on est
pécheur.
Sans
doute,
selon
lui,
nous reposerons-nous
dans
l au-delà.
Mais
le
lot commun est
l insécurité.
Il ne
faut
pas s en plaindre, car
celui
qui
s endort dans la sécurité devient finalement
un
paresseux, donc un
pécheur. Cette anthropologie
pessimiste
a été finalement un moteur, une
incitation à
créer,
à
travailler.
Bernard Paillard : La répétition
de
certainsfaits dans
Vhistoire
est frap
pante. En
parlant
de la peste, vous dites : «quand
apparaît
le danger de
la
contagion, on essaie d abord
de
ne pas le voir, [...] on ne voulait
pas
affoler
les
populations
[...]
La
peur de
la
peste
conduisait
à
retarder
le
plus
longtemps possible
le moment
où on
la regardait
enface.
Médecins
et autorités cherchaient
donc
à se tromper
eux-mêmes. Rassurant
les popul
ations,
ils se rassuraient à leur tour».
Jean Delumeau : Je
maintiens
ce
paragraphe.
Pour
des
raisons diver
ses,
n a
minimisé les
risques
du
sida transfusionnel. Quand ces faits
ont été connus,
j ai immédiatement pensé à
ceux
que j avais inventoriés
dans mes études. Incontestablement,
il
y avait comme une répétition
des
attitudes. De
même,
dans La Peur
et l Occident, j ai rappelé
que, lors
de
certaines
épidémies
de
peste,
des
gens
creusaient
eux-mêmes leur
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Jean Delumeau
tombe
et
s y couchaient
en attendant
la
mort.
Cette
attitude
s est
repro
duite en Haute- Volta et au Burkina-Faso, au moment
des
famines
de
1973.
Ne
nous
étonnons
donc
pas
que,
lorsqu il
s agit
de
regarder
une
ép
idémie
en face, au xxe siècle finissant, on remarque
des
attitudes sem
blables à celles
des
XIVe
et
xvie siècles. On
peut très
bien
comprendre
le
désir
des autorités de
ne
pas
affoler
les populations. Mais,
agissant
de la
sorte,
elles ne
prenaient
pas les mesures
nécessaires.
Quand elles
regardaient
la
réalité en face,
il
était
trop
tard.
Bernard Paillard : A
voir
ainsi des attitudes se reproduire, des peurs se
répéter,
que pourrait
dire un historien des
peurs qui, actuellement, se
cris
t llisent autour
de
Van 2000?
Jean Delumeau
:
Parce qu il y
a
des
peurs
de l an 2000, à
votre
avis ?
Bernard Paillard : C est un thème
qui
revient parfois. Certains livres aux
pronostics
assez
sombres sont publiés de temps à
autre. Le catastrophisme
fait
la
une des journaux. Et
le
sida est devenu
la
«peste
de
l an 2000».
En
Amérique
latine, des prêcheurs protestants font
florès avec
l apocalyp-
tisme,
en
arguant de toutes
les catastrophes qui
s abattent sur le
continent.
Jean
Delumeau
:
Mais n est-ce pas,
justement,
pour
annoncer le
pas
sage à une
période
de
bonheur
? Le
New Age.
Les millénaristes, eux aussi,
ne se faisaient pas
faute
d annoncer
des
catastrophes. Mais
c était
pour
le passage.
Bernard Paillard : // subsiste
pourtant
de grandes inquiétudes relatives
au devenir
de la
planète et
de l humanité.
Jean Delumeau : II nous faut regarder en face un certain
nombre de
problèmes.
Dans
nos
sociétés occidentales,
il
y
a
sinon
une
peur,
du
moins
une grande inquiétude vis-à-vis du chômage. Les
sondages
nous le rap
pellent sans
arrêt. Trois millions de chômeurs en France, cela fait beau
coup
de
personnes qui
vivent
dans l insécurité
du lendemain.
Or
l homme
a besoin de vivre dans une certaine sécurité quotidienne. Il y
a
eu la
crainte d une
troisième guerre
mondiale. Cette
menace s est largement
éloignée. Mais il reste, incontestablement,
des
menaces qui planent sur
tous et mettent en question la
vie de
la planète elle-même. Pour le trou
d ozone, on sait
que les
volcans ayant
explosé
ces dernières
années
ont
certainement
joué
un
rôle plus
important
que les
activités
humaines.
Mais
on
ne
peut
pas
nier
qu il
y
ait
un
problème
dans la couche d ozone. Ces
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La peur
et
Vhistorien
menaces
ne
sont pas
des
vues
de l esprit. Il est
donc
légitime de s en
inquiéter
de
façon
à amener
les
humains à prendre
des
mesures
collec
tives.
Elles constituent un
des
grands
défis
à relever. C est pourquoi
les
écologistes
sonnent
le
tocsin.
Bernard Paillard : Sans aucun doute.
Mais,
chez ceux
qui
prédisent
la
grande catastrophe,
ne
voit-on pas
revenir les
préoccupations millénaristes
?
Jean
Delumeau
:
Là encore, il
faut être très
respectueux
du
sens
du
terme. Ainsi, dans
le
passé,
le mouvement de
la «Cinquième Monarc
hie, sous
Cromwell,
était
proprement
millénariste. Il pensait amener
le
règne
de Dieu
sur
terre,
sinon
pour mille ans, du
moins
pour
une
longue
période.
Ceux qui, actuellement, annoncent une sorte de
catas
trophe
finale
n ont
pas
cette
vision.
Sans
doute, certains
versent
dans
la panique. D autres aiment à se
faire
peur
ou
à
faire
peur
aux autres.
Cela dit, je ne suis pas particulièrement pessimiste.
Malgré ces
menac
es
ous sommes
des
privilégiés,
du moins
en
Occident.
Nos ancêtres
avaient
beaucoup
plus peur
que
nous.
Mais, en faisant
reculer
les
menac
s
u ils redoutaient, nous
en
avons créé
de
nouvelles qu il ne
faut
pas
négliger.
Il
s agit donc d être
en
éveil.
Il
n est pas souhaitable
de
vivre
dans
un
état
béat de sécurité.
Le propre de
l homme
est
de
vivre dans
une certaine inquiétude. Car la contrepartie de la liberté humaine,
c est
le risque.