LA PERCEPTION DE LA CARRIERE ENTREPRENEURIALE …repository.vnu.edu.vn/bitstream/VNU_123/1564/1/Tran...

27
HI THO QUC TĐÓNG GÓP CA KHOA HC XÃ HI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIN KINH T- XÃ HI 576 TÀI LIU HI THO LA PERCEPTION DE LA CARRIERE ENTREPRENEURIALE DES ETUDIANTS VIETNAMIENS TRAN Van-Trang 1 Résumé: Cet article a pour objectif de s’interroger sur l’intention, les perceptions et les croyances que les étudiants vietnamiens ont vis-à-vis de la création d’entreprise comme perspective de carrière. Sur le plan théorique, il repose sur les modèles d’intention. Des résultats obtenus ont été retirés d’une enquête par questionnaire auprès de 610 étudiants de gestion appartenant à 4 universités d’Hanoi. Les résultats confirment d’abord l’utilité du modèle d’Ajzen (1991) à expliquer l’intention entrepreneuriale en contexte universitaire vietnamien, avec 50% de la variance de l’intention restituée. De plus, si l’objectif de la formation à l’entrepreneuriat est de favoriser l’orientation entrepreneuriale chez les étudiants, des enseignants devraient travailler avant tout sur des éléments qui font de la création d’entreprise un choix professionnel attractif. Une attitude favorable a été trouvée comme étant une variable principale à l’origine de cette intention de choix. Cette étude a aussi montré un jugement irréaliste des étudiants vis-à-vis de leur capacité entrepreneuriale dans des conditions de manque d’information. Par ailleurs, certaines particularités du contexte vietnamien ont été mises en lumière, notamment la place importante de « l’image de l’entrepreneur perçue » et de « la norme sociale », dans notre modèle. Mots-clés : création d’entreprise, intention, formation, étudiants, Vietnam. Tóm tt Bài viết này đề cp đến ý định, nhn thc và nim tin ca sinh viên vvic thành lp doanh nghip như mt sla chn nghnghip sau khi ra trường. Cơ slý lun ca nghiên cu là các mô hình vý định thành lp và khi skinh doanh. Các kết quđược rút ra tmt điu tra định lượng trên mu 610 sinh viên chuyên ngành qun trkinh doanh thuc 4 trường đại hc khác nhau Hà Ni. Các kết qunghiên cu khng định tính đúng đắt ca thuyết hành vi dkiến ca Ajzen (1991) trong vic gii thích ý định khi nghip ca sinh viên vit nam, vi 50% skhác bit trong ý định thành lp được gii thích bi các biến trong mô hình. Nghiên cu cũng chra rng, nếu mc tiêu ca các khóa đào to vkhi sdoanh nghip là định hướng sinh viên theo đui con đường tkinh doanh sau 1 Docteur ès sciences de gestionEcole Supérieure de Commerce de Hanoï, email : [email protected]

Transcript of LA PERCEPTION DE LA CARRIERE ENTREPRENEURIALE …repository.vnu.edu.vn/bitstream/VNU_123/1564/1/Tran...

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

576 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

LA PERCEPTION DE LA CARRIERE ENTREPRENEURIALE DES ETUDIANTS VIETNAMIENS TRAN Van-Trang1

Résumé:

Cet article a pour objectif de s’interroger sur l’intention, les perceptions et les croyances que les étudiants vietnamiens ont vis-à-vis de la création d’entreprise comme perspective de carrière. Sur le plan théorique, il repose sur les modèles d’intention. Des résultats obtenus ont été retirés d’une enquête par questionnaire auprès de 610 étudiants de gestion appartenant à 4 universités d’Hanoi.

Les résultats confirment d’abord l’utilité du modèle d’Ajzen (1991) à expliquer l’intention entrepreneuriale en contexte universitaire vietnamien, avec 50% de la variance de l’intention restituée. De plus, si l’objectif de la formation à l’entrepreneuriat est de favoriser l’orientation entrepreneuriale chez les étudiants, des enseignants devraient travailler avant tout sur des éléments qui font de la création d’entreprise un choix professionnel attractif. Une attitude favorable a été trouvée comme étant une variable principale à l’origine de cette intention de choix. Cette étude a aussi montré un jugement irréaliste des étudiants vis-à-vis de leur capacité entrepreneuriale dans des conditions de manque d’information. Par ailleurs, certaines particularités du contexte vietnamien ont été mises en lumière, notamment la place importante de « l’image de l’entrepreneur perçue » et de « la norme sociale », dans notre modèle.

Mots-clés : création d’entreprise, intention, formation, étudiants, Vietnam.

Tóm tắt

Bài viết này đề cập đến ý định, nhận thức và niềm tin của sinh viên về việc thành lập doanh nghiệp như một sự lựa chọn nghề nghiệp sau khi ra trường. Cơ sở lý luận của nghiên cứu là các mô hình về ý định thành lập và khởi sự kinh doanh. Các kết quả được rút ra từ một điều tra định lượng trên mẫu 610 sinh viên chuyên ngành quản trị kinh doanh thuộc 4 trường đại học khác nhau ở Hà Nội.

Các kết quả nghiên cứu khẳng định tính đúng đắt của thuyết hành vi dự kiến của Ajzen (1991) trong việc giải thích ý định khởi nghiệp của sinh viên việt nam, với 50% sự khác biệt trong ý định thành lập được giải thích bởi các biến trong mô hình. Nghiên cứu cũng chỉ ra rằng, nếu mục tiêu của các khóa đào tạo về khởi sự doanh nghiệp là định hướng sinh viên theo đuổi con đường tự kinh doanh sau

                                                            

1 Docteur ès sciences de gestionEcole Supérieure de Commerce de Hanoï, email : [email protected]

 

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

577 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

khi ra trường thì các giảng viên cần chú trọng nhiều hơn tới các yếu tố làm cho khởi nghiệp là một lựa chọn nghề nghiệp hấp dẫn bởi « nhìn nhận tích cực » được tìm thấy như là một biến chính giải thích ý định thành lập doanh nghiệp. Hơn nữa, nghiên cứu cũng nhận thấy sự đánh giá không thực tế của sinh viên về khả năng khởi sự của họ trong điều kiện thiếu thông tin. Vai trò quan trọng của biến «nhận thức về hình ảnh doanh nhân » và « chuẩn mực xã hội » cũng được kiểm định trong nghiên cứu như là những đặc thù riêng của Việt Nam, tham gia vào việc giải thích ý định khởi nghiệp.

Từ khóa : khởi sự doanh nghiệp, ý định, đào tạo, sinh viên, Việt Nam

Introduction

La littérature en entrepreneuriat renseigne encore peu sur le contenu d’une formation en vue de favoriser l’orientation entrepreneuriale des étudiants. Or, il nous paraît nécessaire, pour qu’une telle formation soit performante, de comprendre au préalable les perceptions et les croyances que les étudiants ont vis-à-vis de la création d’entreprise comme perspective de carrière.

Il n’était pas question, pendant longtemps, de donner des cours d’entrepreneuriat dans le système éducatif vietnamien pour des raisons idéologiques. Cet enseignement n’a commencé au Vietnam que depuis quelques années pour satisfaire les besoins des jeunes étudiants immergés dans une économie dynamique et en pleine croissance. Cette nouvelle pratique invite des formateurs vietnamiens à des réflexions scientifiques rigoureuses afin d’adapter cet enseignement aux particularités du contexte. En effet, dans un environnement où sont mélangées des forces du passé (idéologie marxiste, tradition culturelle dévalorisant l’entrepreneur…) avec des mutations récentes (choix de l’économie privée et libérale), des jeunes étudiants pourraient avoir des perceptions erronées et recevoir des informations contradictoires par rapport à une carrière entrepreneuriale. La compréhension des perceptions entrepreneuriales des étudiants vietnamiens est donc précieuse et bénéfique pour la mise en place d’une formation à l’entrepreneuriat opportune au Vietnam.

Fort de ces constats et à la lumière des modèles d’intentions, nous cherchons à répondre à deux questions principales : « Comment expliquer l’intention de créer une entreprise des étudiants vietnamiens ? » et « De quelle manière se forment les perceptions entrepreneuriales des étudiants? ». La réponse à ces deux interrogations va nous permettre de tirer des implications pour une formation ayant la volonté de favoriser le développement d’une intention entrepreneuriale chez les étudiants vietnamiens.

Notre article sera organisé de la manière suivante. Dans la première section, nous présenterons le cadre théorique en nous reposant sur le modèle de la théorie du comportement planifié d’Ajzen et en fournissant nos hypothèses de recherche. Après avoir décrit notre méthodologie dans la section 2, nous exposerons nos principaux résultats dans la section 3. La quatrième section sera réservée à des recommandations pour l’enseignement de l’entrepreneuriat au Vietnam. Dans la conclusion, nous soulignerons les limites de cette recherche ainsi que ses prolongements possibles.

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

1. Le cadre théorique

Notre travail repose sur la théorie du comportement planifié d’Ajzen (1991). L’utilité de ce modèle pour l’acte de création d’entreprise est déjà justifiée par un certain nombre de recherches empiriques (Kolvereid, 1996b ; Krueger et al., 2000 ; Emin, 2003 ; Kennedy et al. (2003) ; Linan, 2004 ; Souitaris, 2007), d’autant plus que la plupart de ces études ont été réalisées auprès de la population étudiante.

Après avoir présenté rapidement le modèle d’Ajzen (1.1.), nous ferons une synthèse des études empiriques le testant auprès d’une population étudiante (1.2) et justifierons le choix des variables pour notre modèle théorique (1.3).

1.1. La théorie du comportement planifié d’Ajzen

La théorie du comportement planifié, issue de la psychologie sociale, confère à l’intention de l’individu la place centrale dans la genèse du comportement. Selon Ajzen (1991), l’intention est un indicateur de la volonté d’essayer, d’une véritable motivation et des efforts que l’on est prêt à consentir pour se comporter d’une certaine façon. Le but ultime de cette théorie est de prédire les comportements individuels à partir de l’intention. Elle postule que l’intention est déterminée par l’attitude de l’individu, le contrôle comportemental et les normes sociales perçues. L’attitude représente le degré de l’évaluation (favorable ou défavorable) envers le comportement en question. Les normes sociales résultent des pressions sociales perçues par rapport au comportement envisagé. Le contrôle perçu fait référence à la facilité ou la difficulté perçue de réaliser le comportement. Ces trois antécédents de l’intention trouvent leur source dans le concept de croyances (figure 1).

Attitude 

Intention  ComportementNormes sociales

Contrôle perçu

Croyances

Croyances 

Croyances

Figure 1. La théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991) 

On peut constater des rapprochements du modèle d’Ajzen avec celui de l’événement entrepreneurial de Shapero et Sokol (1982), ce qui rend plus clair les propos de la théorie du comportement planifié, appliquée en entrepreneuriat. En effet, le modèle de Shapero et Sokol (1982) vise à expliquer l’événement entrepreneurial en tant que voie professionnelle. Pour ces deux auteurs, le déclenchement de la création d’entreprise se caractérise par l’apparition de facteurs contextuels perturbant la trajectoire de vie de l’entrepreneur potentiel, ce qui contribue à précipiter la décision

578 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

579 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

entrepreneuriale. Cependant, pour que la décision entrepreneuriale soit prise effectivement, elle doit être perçue par l’entrepreneur potentiel comme désirable et faisable. La perception de la désirabilité est à rapprocher du concept d’attitude (élément personnel) et de celui de la norme sociale (élément social). La faisabilité perçue renvoie au concept du contrôle perçu du modèle d’Ajzen. Au final, selon ces deux modèles, pour une émergence de l’intention entrepreneuriale chez des étudiants, l’entrepreneuriat devrait être perçu par ces derniers comme un choix de carrière désirable et faisable.

L’utilité prédictive des modèles d’intention en entrepreneuriat fait l’objet de critiques dans la communauté scientifique (Audet, 2003, Moreau et Raveleau, 2006). A notre connaissance, les études empiriques émanant du champ de l’entrepreneuriat n’ont pas encore testé et démontré l’existence d’un lien statistiquement significatif entre l’intention de créer une entreprise et la concrétisation de cette intention. Par conséquent, ces théories servent davantage à nous éclairer sur le processus de formation de l’intention entrepreneuriale que sur le passage à l’acte d’entreprendre. Pour Krueger et Carsrud (1993), l’intérêt d’une approche intentionnelle repose sur le rôle médiateur de l’intention entre l’acte d’entreprendre et les influences exogènes. La théorie du comportement planifié « offre d’énormes potentialités pour les chercheurs en entrepreneuriat, notamment pour ceux qui s’intéressent à l’impact d’une formation en entrepreneuriat sur les intentions des individus » (1993 :327).

1.2. La synthèse des études empiriques

Variables explicatives

Attitude Norme sociale

Contrôle perçu

Etudes Echantillon

Désirabilité Faisabilité

Variance de l’intention expliquée

Krueger (1993) Etudiants américains

N= 126 +

47,8%

Kolvereid (1996b)

Etudiants norvégiens

N = 128 +

Non indiqué

Tkachev et Kolvereid (1999)

Etudiants russes

N=512 +

45%

Krueger, Reilly et Carsrud (2000)

Etudiants seniors américains

N=97 x +

35% (modèle d’Ajzen) ; 40,8 (modèle de Shapero)

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

580 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

Audet (2003) Etudiants québécois

n = 150 +

50,3 % (LT) 26,1% (CT)

Kennedy, Drennan, Renfrow et Watson (2003)

Etudiants australiens

N=1034 +

52,8%

Linan (2004) Etudiants espagnols

N=166 + x

47,3%

Emin et al. (2005)

Etudiants français

N= 809 + x

43,3%

Souitaris & al. (2007)

Etudiants anglais et grenoblois

N= 250

+

35%

Tableau 1. Synthèse des principales études empiriques utilisant les modèles d’intention auprès d’une population étudiante

La lecture attentive de la littérature permet de constater la présence de plusieurs études empiriques testant les modèles d’intention en entrepreneuriat dont la majorité porte sur une population étudiante. Le tableau 1 les résume. Le choix d’une population étudiante pour tester les modèles d’intention s’explique comme suit. Dans un premier temps, les étudiants doivent faire face à un choix de carrière, surtout ceux en dernière année universitaire. L’entrepreneuriat et le contrat de travail salarié sont considérés comme deux solutions professionnelles possibles. De plus, des chercheurs peuvent trouver toutes sortes de préférences parmi des étudiants afin de vérifier et de tester les variables qu’ils retiennent. Enfin, cette population représente un réservoir important d’entrepreneurs potentiels. L’examen de ces travaux aboutit aux observations suivantes.

- Les modèles d’Ajzen et de Shapero - Krueger2 sont devenus des modèles de référence, car les résultats obtenus ont été très satisfaisants. La variance de l’intention entrepreneuriale expliquée se situe en général autour de 50 %. Ces modèles sont aussi ouverts à l’ajout de variables adaptées au contexte d’étude pour en améliorer la variance totale expliquée.

                                                            

2 C’est Krueger (1993) qui a introduit dans le modèle de Shapero la notion d’intention et en fait un vrai modèle d’intention en entrepreneuriat. Nous l’appelons donc modèle Shapero‐Krueger.    

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

581 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

- Comme Ajzen (1991) le préconise, le poids explicatif de chacune des trois variables (attitude, norme sociale et contrôle perçu) change en fonction du contexte d’étude. Dans le tableau 1, le signe « + » signifie que le poids explicatif d’une variable est plus important que celui des autres. À titre d’exemple, le poids explicatif de « l’attitude » est plus grand que celui du « contrôle perçu » selon les résultats d’Emin et al. (2005). Au contraire, le « contrôle perçu » contribue davantage à l’explication de l’intention entrepreneuriale des étudiants dans les travaux de Kolvereid. Dans tous les cas recensés, les deux variables (attitude et contrôle perçu) expliquent de façon significative l’intention entrepreneuriale. Ils devraient donc se présenter dans notre modèle théorique adapté au contexte vietnamien.

- Il faut préciser les ambigüités du poids explicatif de la « norme sociale perçue ». Cette variable exerce un effet significatif sur l’intention entrepreneuriale dans les études de Kolvereid (1996b), Tkachev et Kolvereid (1999), Kennedy et al. (2003), et même le poids explicatif le plus important dans le cas de Souitaris & al. (2007). Cependant, elle n’en a pas l’effet significatif dans les cas de Krueger et al. (2000), Emin et al. (2005) et Linan (2004). Ces derniers cas sont reflétés dans le tableau, chacun par le signe « x ». Cette différence laisse présager peut-être un effet du contexte national.

1.3. Le choix des variables et les hypothèses de recherches

Notre choix des variables portera d’abord sur les variables déterminantes de l’intention (1.3.1), puis sur des croyances entrepreneuriales (1.3.2). Au fur et à mesure de ces choix, nous postulerons nos hypothèses de recherche.

1.3.1. Des variables explicatives de l’intention

Les résultats empiriques ne sont pas totalement convergents quant à la place occupée par la norme sociale dans les modèles d’intention. Nous faisons le choix de retenir la norme sociale parmi les variables explicatives de l’intention entrepreneuriale dans notre modèle théorique. Ce choix est expliqué par les caractéristiques du contexte de recherche.

En effet, le collectivisme et l’importance de la famille figurent parmi les facteurs les plus importants de la culture vietnamienne (Huu Ngoc, 1995). Les Vietnamiens ont l’habitude d’observer et d’agir en fonction des attentes et des normes sociales appropriées au sein de leur groupe d’appartenance (la famille ou le groupe social) et, souvent, le groupe prime sur le « moi privé ». Ainsi, la famille reste le noyau stable de la société. L’influence des parents dans le choix professionnel des étudiants s’avère très importante. Pour les chercheurs de MPDF3(1999), la question sur l’intention de carrière des étudiants vietnamiens a dû être administrée parallèlement auprès d’eux ainsi que de leurs parents. Si ces hypothèses reflètent bien la réalité, la « norme sociale » devrait avoir un impact important dans notre modèle d’intention. Conformément à nos choix de variables et à la théorie du comportement planifié d’Ajzen, nous postulons que :

                                                            

3 Mekong Private Sector Development Facility, http://www.ifc.org/mpdf

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

582 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

H1 : Plus l’attitude et la norme sociale perçue sont favorables à la création d’entreprise et plus le contrôle perçu est élevé, plus forte sera l’intention de l’étudiant vietnamien de créer une entreprise à l’issue de ses études.

Cette hypothèse signifie que chacune des trois variables a un effet significatif et positif sur l’intention. Nous nous intéressons plus particulièrement à la contribution relative de chaque variable à l’explication de l’intention et nous nous attendons à un rôle explicatif important de la norme sociale dans notre modèle.

Certaines études se sont déjà intéressées au poids explicatif des variables additionnelles (Emin, 2003 ; Kennedy et al., 2003 ; Linan, 2004). L’ajout des variables complémentaires a même été suggéré par Ajzen (1991) afin d’améliorer le pouvoir explicatif de son modèle. En testant le modèle d’intention développé par Davidsson (1995), Autio et al. (1997) trouvent un effet significatif de « image/play-off » dans la formation de conviction de devenir entrepreneur chez les étudiants (n=1956). Begley et al. (1997) trouvent également un effet significatif du statut social de l’entrepreneur pour expliquer l’intention des étudiants de créer des entreprises. Ces études suggèrent de mobiliser la variable « image de l’entrepreneur perçue » qui résumerait par ailleurs des spécificités de notre contexte d’étude. En effet, les entrepreneurs vietnamiens ont connu un « destin » tourmenté et ce statut social a été placé à la dernière place dans le classement national des positions sociales. Après l’indépendance du pays, l’entrepreneur considéré comme étant capitaliste, a fait l’objet d’une discrimination politique à cause d’une domination de l’idéologie marxiste à l’époque. Depuis la rénovation économique en 1986, son statut social s’est peu à peu amélioré. Toutefois, jusqu’à la fin des années 1990, l’image des entrepreneurs vietnamiens n’a jamais été positive dans la perception du public vietnamien (MPDF, 1999). De plus, dans l’environnement universitaire, les cours de marxisme-léninismes continuent à être obligatoires pour tous les étudiants dans toutes les formations. Ces cours font même l’objet d’une épreuve de fin d’études. Dans ces conditions, les étudiants vietnamiens ne peuvent avoir une image positive des entrepreneurs, ce qui influence certainement négativement leur orientation professionnelle en tant que créateur d’entreprise. Nous postulons donc que :

H2 : Plus l’image perçue par l’étudiant vietnamien des entrepreneurs est positive, plus forte sera l’intention de l’étudiant de créer une entreprise à l’issue de ses études.

1.3.2. Les croyances entrepreneuriales

Dans les modèles d’intention, l’attitude et le contrôle perçu sont expliqués en termes de croyances. Notre volonté est de comprendre comment les perceptions entrepreneuriales des étudiants (attitude et contrôle perçu) se forment à travers les croyances.

Les croyances sous-jacentes à l’attitude

Selon Ajzen (1991), l’attitude de l’individu envers le comportement peut être déterminée par ses croyances sur les conséquences du comportement ciblé (behavioural outcomes) et son évaluation de ces effets.

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

En adaptant les propos d’Ajzen à notre contexte de recherche et conformément aux propositions de Kolvereid (1996a), nous postulons que l’attitude (favorable ou défavorable) des étudiants vietnamiens vis-à-vis de la création d’une entreprise comme une perspective de carrière, peut se former en fonction de nombreuses croyances professionnelles. Plus précisément, elle est déterminée à travers :

- des valeurs professionnelles que les étudiants valorisent et qu’ils croient rechercher dans leur vie professionnelle. A titre d’exemple, l’étudiant peut attacher de l’importance au fait que son activité professionnelle lui rapporte beaucoup d’argent ;

- leurs visions entrepreneuriales, aussi, l’étudiant croit que la création d’entreprise va lui générer une bonne masse de fonds.

583 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

Tâches critiques perçues 

Contrôle perçu envers la création d’entreprise 

Capacité à réaliser des tâches critiques 

Croyances  Perception 

Figure 3. Les déterminants du contrôle perçu par les étudiants envers la création d’entreprise

Les croyances sous-jacentes au contrôle perçu

Ajzen (2002) précise que le « contrôle comportemental perçu » comprend deux composantes : l’efficacité personnelle perçue (perceived self-efficacy) et la contrôlabilité perçue. La première composante désigne la facilité ou la difficulté perçue pour réaliser des tâches différentes liées à un comportement tandis que la deuxième désigne à quel point la réalisation de ces tâches est dans la capacité de l’acteur. Précisons cette variable dans la relation avec l’intention de créer une entreprise des étudiants. Un étudiant peut percevoir que, parmi différentes tâches du processus de création d’entreprise, « la construction du plan d’affaires » constitue une difficulté pour lui. Or, il croit également surmonter cette difficulté en ayant recours aux professeurs experts ou, éventuellement au guide d’affaires. La tâche est donc contrôlable et elle n’est plus une vraie difficulté dans sa perception envers la création d’entreprise.

Nous postulons que le contrôle que les étudiants perçoivent vis-à-vis de la création d’entreprise se forme en fonction de leur capacité à réaliser différentes tâches critiques du processus de création d’entreprise. Plus précisément, le contrôle perçu est déterminé par des croyances relatives à :

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

- différentes tâches délicates du processus de création d’entreprise qui constituent des points de repères dans la perception de la facilité ou de la difficulté de la création d’entreprise pour les étudiants ;

Valeurs professionnelles

Attitude envers la création d’entreprise 

 Visions 

entrepreneuriales 

Croyances  Perception

Figure 2. Les déterminants de l’attitude des étudiants envers la création d’entreprise 

- la capacité de réalisation de ces différentes tâches délicates durant le processus de création.

2. La méthodologie

Nous décrirons d’abord notre collecte de données (2.1), puis des échelles de mesure des variables de notre modèle (2.2)

2.1. La collecte des données

Note premier version du questionnaire a, tout d’abord, été testée auprès de 190 étudiants de l’Université du Commerce de Hanoi pour vérifier sa validité et apporter éventuellement des modifications. Le questionnaire final a été administré auprès de 610 étudiants de gestion de 4 universités d’Hanoi (26,7% à l’Université de Commerce, 20,5% à l’Université de Congdoan, 30,7% à l’Université des Affaires et de la Technologie, 22,1% à l’Université de l’Est). L’enquête a reposé principalement sur l’auto-administration assistée en classe, avec l’assistance des collègues enseignants ou la nôtre. Parmi les étudiants enquêtés, 30,8% sont des membres des clubs étudiants entrepreneurs (CEE). Parmi eux, 52,5% ont suivi le module de sensibilisation à la création d’entreprise (3 séminaires de 10h), organisé au sein des CEE.

2.2. La mesure des variables

Nous avons opté pour la même procédure d’analyse et de validation pour chacune des échelles de mesure développées. Des items de mesure initiaux sont d’abord créés (soit par l’adaptation de ceux publiés dans la littérature, soit par notre construction personnelle), puis soumis au pré-test auprès d’un premier échantillon de 190 étudiants. Pour la procédure des analyses statistiques, nous faisons d’abord

584 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

585 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

l’analyse factorielle pour vérifier le caractère unidimensionnel des items contenus dans l’échelle ainsi que le poids factoriel de chaque item restitué (la communauté > 0,5). Ensuite, l’analyse de fiabilité est réalisée sur les échelles de mesure (l’alpha de Cronbach > 0,6). Des échelles de Likert à 7 positions ont été communément utilisées pour toutes les variables. Nous présentons ci-dessous l’échelle employée et validée pour chaque variable.

2.2.1. L’intention de créer une entreprise

Nous adaptons l’échelle de mesure développée par Kolvereid (1996b) selon laquelle la création d’entreprise est considérée comme une alternative professionnelle salariat/entrepreneuriat des étudiants à l’issue de leur formation. Kolvereid (1996b) a proposé trois items, nous en ajoutons deux. Après des analyses statistiques, il n’en reste que trois qui sont validés : (1) créer une entreprise fait partie de mon projet professionnel à l’issue de mes études ; (2) à la fin de ma formation, si je pouvais choisir entre créer une entreprise et être salarié, je préférerais créer mon entreprise ; (3) je vais très probablement créer mon entreprise à ma sortie de l’université. Un index a été élaboré en faisant la moyenne des scores obtenus par les trois items (α Cronbach = 0,746).

2.2.2. L’attitude et les croyances sous-jacentes

Nous adaptons ici pour l’attitude l’échelle développée par Emin (2003), composée de cinq items. Après analyses, 4 items sont validés : (1) j’aimerais devenir créateur d’entreprise ; (2) je suis enthousiaste à l’idée de créer ma propre entreprise ; (3) pour moi, créer une entreprise est un choix intéressant après la sortie de l’université ; (4) pour moi, il y aura d’autres choix plus intéressants que la création d’entreprise à la fin de mes études. Un index a été formé en faisant la moyenne des scores obtenus par les quatre items (α Cronbach = 0,748).

Pour la mesure des croyances sous-jacentes à l’attitude, 34 items décrivant des caractéristiques diverses de la vie professionnelle, adaptés de Kolvereid (1996b) ont été générés. Pour chaque type d’attente professionnelle, il a été demandé aux répondants :

- d’une part, si elle leur paraissait être un élément important pour la qualité de leur vie professionnelle future ;

- d’autre part, s’ils pensaient que cette attente pouvait être satisfaite par une carrière d’entrepreneur.

2.2.3. Le contrôle perçu et les croyances sous-jacentes

Nous utilisons les six items développés par Kolvereid (1996b). L’intérêt de cette échelle repose sur le fait que chaque item génère l’autre en sens inverse pour vérifier l’opinion donnée par l’étudiant. Six items initiaux sont tous validés à la suite de nos analyses : (1) pour moi, la création d’entreprise est très difficile ; (2) si je le voulais, je serais tout à faire capable de poursuivre une carrière entrepreneuriale ; (3) je pense bien maîtriser le processus de création d’entreprise ; (4) le nombre des problèmes - hors de ma contrôlabilité et empêchant mon idée de créer une entreprise – est élevé ; (5) si je devenais créateur d’entreprise, ma chance de réussite serait élevée ; (6) si je poursuivais une carrière

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

586 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

entrepreneuriale, le risque d’échec serait élevé. Un index a été obtenu en faisant la moyenne des scores des quatre items (α Cronbach = 0,605, ce qui est satisfait).

Pour mesurer des croyances sous-jacentes au contrôle perçu, notre génération des items se base sur un processus de création d’entreprise composé de trois étapes : l’idée, le projet et la création. Les 25 items décrivant différentes tâches critiques du processus de création d’entreprise ont été proposés aux étudiants. Pour chaque tâche sélectionnée, le répondant devait se positionner sur une échelle de Likert à 7 positions, de « pas du tout capable » à « tout à fait capable ».

2.2.4. La norme sociale perçue

Nous adaptons l’échelle de mesure proposée par Kolvereid (1996b). Pour chacune des quatre catégories de l’entourage (famille, amis proches, professeurs, les gens importants), il a été demandé aux étudiants : d’une part, quel est leur niveau d’approbation vis-à-vis de la création d’entreprise (codage bipolaire, de -3 à +3) et d’autre part, si cette approbation est fondamentale pour la propre décision professionnelle des étudiants (codage unipolaire, de 1 à 7). Les 4 nouveaux items ont été créés par la multiplication des scores obtenus de deux côtés, par paire. Après analyses, ces 4 items sont validés. Un index a été créé en faisant la moyenne des scores obtenus par les quatre items (α Cronbach = 0,705)

2.2.5. L’image de l’entrepreneur perçue

Des items de mesure sont générés à partir du résultat de nos entretiens semi-directifs auprès de 15 étudiants de l’Université de Commerce de Hanoi. Nous avons demandé à chaque étudiant interrogé de mettre sur un papier 5 images négatives et 5 images positives des entrepreneurs vietnamiens, qui lui viennent instantanément dans sa tête au moment de l’entretien. Les images les plus citées par les étudiants sont sélectionnées. Initialement, douze items ont été créés pour chacun des deux côtés (positif et négatif). Les analyses factorielles ont relevé deux facteurs (représentation sociale et représentation personnelle) pour l’image positive et deux facteurs (mode de vie et mode d’action) pour l’image négative. Un index a été créé pour chacun des quatre facteurs retenus en faisant la moyenne des scores des items qui lui sont liés (α Cronbach de chaque facteur est aux alentours de 0,8).

Au final, l’index pour « l’image de l’entrepreneur perçue » a été calculé en fonction de la différence mathématique entre les facteurs positifs (représentation sociale et personnelle) et les facteurs négatifs (mode de vie et mode d’action).

3. Les résultats

Nos résultats mettent en lumière l’explication de l’intention de créer une entreprise des étudiants (3.1) et la formation de leurs perceptions entrepreneuriales (3.2).

3.1. Les déterminants de l’intention

Pour la validation de H1, nos données sont soumises à des analyses de régression multiple dans lesquelles l’intention est la variable à expliquer et l’attitude, la norme sociale, contrôle perçu et

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

587 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

l’image de l’entrepreneur perçue sont des variables explicatives. Le résultat des analyses est présenté dans les deux tableaux suivants.

Intention Attitude

Contrôle perçu

Norme sociale

Image d’entre. perçue

Intention 1,000

Attitude ,688** 1,000

Contrôle perçu ,462** ,466** 1,000

Norme sociale ,218** ,198** ,210** 1,000

Image d’entre. perçue

,245** ,291** ,219** ,059 1,000

**. La corrélation est significative au niveau 0.01 (bilatéral).

Tableau 2. Coefficients de corrélation de Pearson

Modèle Bêta (t) R2 ajusté F

Attitude 0,587 (17,55)***

Contrôle perçu 0,167 (5,09)***

Norme sociale 0,064 (2,17)*

Image d’entrepreneur perçu

0,035 (1,14) ns

0,500 153,068***

Seuil de signification : *** (p<0.001) ; * (p<0,05) ; ns : non significatif

Tableau 3. Résultat de l’analyse de régression pour l’intention

3.1.1. La robustesse du modèle d’intention

Le résultat de notre analyse de régression confirme à nouveau l’utilité des modèles d’intention à expliquer l’intention de créer une entreprise puisque 50% de la variance de l’intention est restituée. Ce résultat correspond à ce que des recherches antérieures trouvent auprès de la population étudiante. En effet, Tkachev et Kolvereid (1999 :277) ont trouvé un R2 ajusté égal à 0,45 auprès d’un échantillon de

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

588 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

512 étudiants russes. Dans l’étude de Kennedy et al. (2003 :9), les trois variables du modèle (attitude, norme sociale et contrôle perçu) expliquent 52,8% de la variance de l’intention (n=1034 étudiants australiens). Auprès d’un échantillon de 809 étudiants grenoblois, Emin et al. (2005 :17) ont trouvé un R2 ajusté égal à 0,433.

3.1.2. La contribution marginale de la « norme sociale »

La « norme sociale » contribue faiblement à expliquer l’intention (Bêta standardisé = 0,064). Cette contribution est pourtant significative (p<0,05). Ce résultat va dans le sens des études empiriques de Kolvereid (1996b), Tkachev et Kolvereid (1999), Kennedy et al. (2003) et Souitaris et al. (2007) dans lesquelles la norme sociale est significativement déterminante de l’intention. Pourtant, ce résultat ne correspond que partiellement à notre attente. Comme nous l’avons mentionné, le contexte vietnamien est caractérisé par une culture collectiviste et une intervention très importante de la famille dans la décision professionnelle des étudiants. Cette variable aurait donc dû contribuer nettement à expliquer l’intention entrepreneuriale des étudiants. Ce résultat amène à nous interroger sur un effet possible de cette variable sur « l’attitude ». En effet, Emin (2003) a trouvé un effet direct de la « norme sociale » sur le désir d’agir des chercheurs publics français. Dans la conception de Shapero, la norme sociale ne constitue qu’une dimension de la désirabilité, l’attitude (ou la désirabilité) serait alors constituée d’éléments personnels et sociaux. Nous allons vérifier l’effet direct de la norme sociale sur l’attitude dans la partie suivante (3.2).

3.1.3. Le poids prépondérant de l’« attitude »

Conformément à ce que nous attendons du modèle d’Ajzen, les deux variables « attitude » et « contrôle perçu » contribuent de façon significative à expliquer l’intention de créer une entreprise des étudiants vietnamiens (p<0,001). Ce qui nous frappe particulièrement, c’est le poids prépondérant de « l’attitude » dans l’explication de l’intention. Le poids explicatif de « l’attitude » (Bêta = 0,587) présente plus de trois fois celui du « contrôle perçu » (Bêta = 0,167). Ce résultat est contraire à celui obtenu sur une population étudiante par Krueger et al. (2000) Kolvereid (1996b), Tkachev et Kolvereid (1999) mais il est conforme aux conclusions d’Emin et al. (2005), de Kennedy et al. (2003) ou de Linan (2004). En effet, dans les travaux de Kolvereid, le contrôle perçu apparaît à chaque fois comme le déterminant principal de l’intention. Tkachev et Kolvereid (1999 :277) ont trouvé le βcontrôle égal à 0,44, qui est trois fois plus grand que celui de l’attitude (βattitude = 0,11). Au contraire, dans les travaux d’Emin (2003, 2005) et dans cette étude, l’« attitude » joue principalement sur l’intention.

Quelle est l’explication de cette différence ? D’abord, nous trouvons la différence dans la méthode de mesure des variables, qui serait peut-être à l’origine des écarts dans les résultats obtenus. Dans les travaux de Kolvereid, « l’attitude » a été mesurée de façon indirecte en se basant sur des croyances sous-jacentes (11 thèmes différents) tandis que dans les travaux d’Emin et les nôtres, l’attitude est mesurée par une échelle des items directs. Cependant, à l’examen de l’étude de Souitaris et al. (2007), l’hypothèse concernant la différence des échelles de mesure pourrait être rejetée. En effet, ces derniers auteurs ont appliqué exactement l’instrument de mesure développé par Kolvereid (1996 a

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

589 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

et b) et leur résultat montre une réalité autre par rapport à celle obtenue par Kolvereid : le poids explicatif de « l’attitude » est légèrement supérieur à celui du « contrôle perçu ». Suite à ces interrogations, nous pensons que c’est peut-être l’effet de la culture et du contexte national qui constituent la seule différence nette parmi des études empiriques mentionnées. Ce point méritait sans doute un approfondissement lors de travaux complémentaires.

Nous pouvons à présent valider notre hypothèse H1 selon laquelle plus l’attitude et la norme sociale perçue sont favorables à la création d’entreprise et plus le contrôle perçu est élevé, plus forte est l’intention de l’étudiant vietnamien de créer sa propre entreprise à l’issue de ses études.

3.1.4. La place de la variable « l’image de l’entrepreneur perçue »

L’ajout de cette variable dans notre analyse n’améliore pas l’explication de l’intention (R2 ajusté reste inchangeable à 0,50). En d’autres termes, elle ne contribue pas de façon significative à l’explication de l’intention entrepreneuriale des étudiants vietnamiens. Notre hypothèse H2 n’est donc pas validée. Lors de notre construction du modèle théorique, nous supposions que cette variable résultait des particularités du contexte vietnamien : une image négative des entrepreneurs circule dans la société depuis des années, l’idéologie marxiste étant encore enseignée à l’université. A l’examen du tableau des corrélations (tableau 2), nous constatons que cette variable est plus corrélée avec l’attitude qu’avec l’intention (coefficient de Pearson = 0,291> 0,245). Cela suggère que cette variable pourrait avoir un effet direct sur « l’attitude ». Nous vérifions cet effet dans la partie suivante (3.2)

3.2. L’explication des perceptions entrepreneuriales

Nous analysons successivement la formation d’une attitude favorable ou défavorable (3.2.1) et du contrôle perçu vis-à-vis d’une carrière entrepreneuriale (3.2.2). Enfin, la perception de l’image des entrepreneurs vietnamiens par les étudiants sera présentée (3.2.3).

3.2.1. La formation de l’attitude

L’attitude (ou la désirabilité) joue un rôle très puissant dans notre modèle. Quels éléments participent à expliquer une attitude favorable ou défavorable envers la création d’entreprise ? La réponse à cette question va fournir des éléments notables pour l’enseignement de l’entrepreneuriat au Vietnam. De plus, nous avons besoin, suite à des analyses des déterminants de l’intention, d’éclairer l’effet possible des deux variables (norme sociale et image de l’entrepreneur perçue) sur l’attitude.

Des analyses en composantes principales (ACP) ont été réalisées sur des croyances sous-jacentes à l’attitude. Il convient tout d’abord de préciser notre méthode de calcul. Conformément aux préconisations d’Ajzen (1991) concernant le codage des variables, les « valeurs professionnelles » sont codées de façon unipolaire (de +1 à +7) et les « visions entrepreneuriales » sont codées de manière bipolaire (de -3 à +3). Les 34 variables des croyances ont été créées en multipliant les scores obtenus des valeurs professionnelles par ceux des visions entrepreneuriales. L’ACP a relevé une solution de cinq facteurs expliquant 56,95% de la variance totale (annexe A). En fonction des items, nous les nommons successivement « la réalisation de soi », « la facilité du travail », « la quête de pouvoir et

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

590 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

l’image sociale », « l’appartenance sociale » et « la rémunération fixe ». Parmi eux, le premier facteur est à l’origine de 31,47% de la variance totale, soit le poids explicatif le plus grand (55,26%).

Pour étudier la formation de l’attitude, l’analyse de régression de cette dernière (variable à expliquer) a été réalisée sur les 7 variables explicatives comprenant les 5 facteurs des croyances récemment obtenus, plus « la norme sociale » et « l’image de l’entrepreneur perçue ». Le résultat est présenté dans le tableau 4.

Le modèle à 7 variables explique au total 18,6% de la variance de l’attitude envers la création d’entreprise des étudiants et, parmi elles, il n’y en a que cinq qui exercent un effet significatif sur l’attitude. A l’examen des coefficients de Bêta, nous trouvons des résultats très intéressants. Si « l’image de l’entrepreneur perçue » n’a pas d’effet direct sur l’intention, son influence sur « l’attitude » est significative, positive et prépondérante (Bêta = 0,266, p<0,001).

Modèle Bêta (t) R2 ajusté F

Réalisation de soi 0,203***

Facilité du travail -0,103*

Pouvoir et image sociale 0,121*

Appartenance sociale -0,027 ns

Rémunération fixe -0,056 ns

Norme sociale 0,158***

Image d’entrepreneur perçue 0,226***

0,186 20,942***

Seuil de signification : *** (p<0,001) ; ** (p<0,01) * (p<0,05) ; ns : non significatif

Tableau 4. Les résultats des analyses de régression multiple pour l’attitude

Nous avons donc, à ce stade, la réponse à nos attentes. Cette variable représentant la particularité de notre contexte joue finalement un rôle important dans notre modèle d’intention. Elle influence indirectement l’intention de créer une entreprise des étudiants via leur attitude (favorable ou défavorable) envers ce choix professionnel. Son poids explicatif est le plus grand parmi les cinq facteurs expliquant significativement l’attitude.

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

591 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

La norme sociale contribue également de façon significative à l’explication de l’attitude et cet impact est beaucoup plus grand que celui sur l’intention (β= 0,158 >> 0,064). Ce résultat a tendance à confirmer les conclusions d’Emin (2003). La norme sociale - la variable représentant aussi la particularité de notre contexte d’étude (culture collectiviste, l’intervention importante de la famille dans la décision professionnelle de l’étudiant) - est plus attachée à expliquer l’attitude que l’intention.

Conformément au travail de Kolvereid (1996b), la « réalisation de soi » et la « quête du pouvoir et l’image sociale » expliquent de façon positive et significative l’attitude envers la création d’entreprise (Bêta = 0,203 ; 0,121). Ces deux facteurs font référence à la réalisation personnelle, la reconnaissance des autres, la mise en œuvre de la créativité, le relèvement des défis, la prise de responsabilité, la dynamique au travail, le besoin d’autonomie, l’utilité pour la collectivité, le pouvoir, le statut social (annexe A). Plus l’étudiant valorise ces valeurs, plus favorable sera son attitude envers la création d’entreprise comme une perspective de carrière.

Au contraire, le besoin de « facilité du travail » a une incidence négative et significative sur l’attitude (Bêta = -0,103 ; p<0,05). En d’autres termes, ceux qui attendent et valorisent une simplicité au travail (travail simple, pas de risque, ne pas avoir à trop travailler, pas de travail stressant, peu de responsabilité, avoir du temps libre), sont défavorables à une carrière entrepreneuriale.

3.2.2. La formation du contrôle perçu

Nous étudions, d’abord, la dimensionnalité des croyances sous-jacentes au contrôle perçu. Les 25 items initiaux ont été soumis à l’ACP qui a révélé 4 facteurs expliquant 59,4% de la variance (annexe B).

Le premier facteur regroupe toutes les tâches relatives à l’élaboration du plan financier. Il s’agit d’estimer les chiffres d’affaires, les charges, les besoins financiers, le prix de vente, la quantité vendue, les flux de trésorerie. Il représente 41,94% de la variance totale. Parmi les quatre facteurs retenus, ce facteur est le plus puissant et explique 70,6% des difficultés du processus de création d’entreprise, perçues par les étudiants. Le deuxième facteur inclut sept items faisant référence à l’identification d’une opportunité ou d’une idée d’affaires et à la recherche d’informations pertinentes concernant le marché, les concurrents, les clients. Nous le nommons « prospection et recherche d’informations ». Ce facteur explique 11,41% des difficultés du processus de création d’entreprise perçues par les étudiants. Le troisième facteur présente presque le même poids explicatif que le deuxième (11,16%). Il se réfère à l’ensemble des tâches relatives au processus de mise en œuvre de la création : effectuer les démarches administratives, obtenir un financement bancaire, choisir la forme juridique de l’entreprise, attirer des actionnaires, trouver des organismes d’accompagnement, trouver des personnes compétentes, etc. Le quatrième facteur ne présente qu’un faible poids explicatif des difficultés perçues par les étudiants (6,82%). Il regroupe trois items (consacrer tout son temps et son énergie, trouver les locaux, acquérir des matériaux) qui décrivent la création effective de l’entreprise.

Pour comprendre quels facteurs parmi les quatre contribuent vraiment à expliquer le contrôle perçu par l’étudiant, l’analyse de régression pour le « contrôle perçu » a été réalisée. Nous avons trouvé

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

592 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

un résultat intéressant (tableau 5). Il n’y a que le deuxième facteur (prospection et recherche d’informations) qui contribue significativement à expliquer « le contrôle perçu » (14,9% de la variance du contrôle sont restitués).

Modèle Bêta (t) R2 ajusté F

(constante)

Elaboration du plan financier 0,079 ns

Prospection et recherche d’infos

0,305***

Mise en œuvre 0,050 ns

Création effective -0,007 ns

0,149 27,587***

Seuil de signification : *** (p<0,001) ; ns : non significatif

Tableau 5. Le résultat de l’analyse de régression multiple pour contrôle perçu

Comment interpréter ce résultat ? Tandis que « l’élaboration du plan financier » présente 70,6% des difficultés perçues par les étudiants lors des analyses des croyances, ce facteur ne contribue pas à expliquer la variable « contrôle »4. Finalement, les étudiants de notre échantillon ne se basent que sur leur capacité de prospection (identification d’une idée ou opportunité d’affaires ; recherche d’informations utiles) pour juger leur contrôle envers la création d’une entreprise. Il leur manque donc des connaissances et des informations relatives au processus de création, ce qui explique en partie le faible poids explicatif du « contrôle perçu » par rapport à celui de « l’attitude ».

3.2.3. La perception de l’image des entrepreneurs vietnamiens

Cette variable joue un rôle très important dans notre modèle que nous souhaitons à présent l’analyser. Si la pratique de l’enseignement de l’idéologie marxiste au sein des universités peut donner une image négative des entrepreneurs auprès des étudiants, les mutations récentes sur le plan économique et social jouent en sens inverse. Quelle est alors l’image réelle perçue par les étudiants vis-à-vis des entrepreneurs vietnamiens?

                                                            

4 Notons que dans l’organisation de notre questionnaire, les questions relatives aux croyances se trouvent en arrière par rapport à des questions relatives à la perception du contrôle. 

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

593 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

Cette variable a été mesurée initialement par 24 items dont 12 relevant des images positives et 12 se référant aux images négatives. Après des analyses factorielles, 8 items positifs et 10 items négatifs ont été validés et retenus. A l’examen des statistiques descriptives (annexe C), les observations suivantes peuvent être avancées :

- les étudiants sont d’accord sur toutes les images positives proposées. Les notes moyennes de ces items sont toutes supérieures à 4 (sur l’échelle à 7 points), et quelques items ont obtenu une note très élevée (p5, p7, p8, p9, p11) ;

- parmi les 10 items relatifs aux images négatives, les étudiants sont légèrement d’accord sur un seul: « les entrepreneurs vietnamiens sont opportunistes » (note moyenne = 4,44) et plutôt pas d’accord pour tous les autres (les notes moyennes se situent aux alentours de 3,0 <4). Sous l’angle moral, le caractère « opportuniste » pourrait être déprécié, mais dans les affaires, « être opportuniste » semble être une qualité. Finalement, cet item est ambigu et ne présente pas vraiment une image négative ;

- notre attention porte particulièrement sur l’item « les entrepreneurs sont capitalistes – exploiteurs des travailleurs », représentant le message essentiel des cours marxistes. On note une forte dispersion dans les réponses des étudiants (écart-type = 1,685). On peut donc constater un certain impact de ces cours, mais il semble qu’ils n’ont pas réussi à transférer une telle image (note moyenne = 3,76 : plutôt pas d’accord). Ce résultat semble confirmer les informations que nous avons obtenues lors de nos entretiens qualitatifs. Les 15 étudiants interviewés révèlent qu’en réalité, ils ne comprennent pas du tout ces cours et ils les considèrent simplement comme des modules à valider en vue d’obtenir leurs diplômes.

Par conséquent, les entrepreneurs vietnamiens présentent aujourd’hui une bonne image dans la perception des étudiants. Il s’agit plutôt d’un modèle désirable et de réussite, des personnes honorables qui méritent respect, qui contribuent largement à la prospérité économique du pays. Ce constat va à l’encontre des résultats de MFDF (1999) selon lesquels, dans la perception du public vietnamien, « les entrepreneurs étaient des opportunistes, recherchaient du profit à tout prix et exploitaient des travailleurs ». Toutefois, depuis déjà 10 ans, des changements au niveau politique, économique et social se réalisent rapidement au Vietnam. Le processus de transition économique a peu à peu mis en avant la place sociale des entrepreneurs.

4. Les implications

Plusieurs résultats de cette étude semblent apporter des éléments intéressants pour la réflexion relative aux enseignements en entrepreneuriat au Vietnam.

Tout d’abord, un des résultats importants de cette étude est le poids prépondérant de la variable « attitude » dans l’explication de l’intention de créer une entreprise des étudiants vietnamiens. Le faible poids explicatif du « contrôle perçu » est dû partiellement au fait que les étudiants manquent d’informations sur le processus de création. Le jugement de leur « contrôle » ne se base que sur leur

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

594 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

capacité liée à la prospection et à la recherche d’informations pertinentes. De toute façon, l’impact très important de l’attitude sur l’intention de créer une entreprise des étudiants invite les enseignants à s’interroger sur le contenu des formations. Si l’on conçoit l’émergence d’une intention entrepreneuriale comme l’un des premiers objectifs de la formation en entrepreneuriat, il paraît nécessaire de ne pas se limiter à une démarche visant simplement à délivrer des compétences et des boîtes à outils. La formation à l’entrepreneuriat doit porter d’abord sur des éléments qui font de la création d’entreprise un choix professionnel attractif.

Ensuite, la place très importante de la variable « image de l’entrepreneur perçue » dans le modèle, représente une particularité de notre contexte d’étude. Elle contribue à expliquer indirectement l’intention via l’attitude. Elle constitue par ailleurs la variable la plus puissante à expliquer l’attitude. Il est donc aisé d’avancer que pour faire de la création d’entreprise un choix professionnel attractif et désirable, les enseignants vietnamiens devraient travailler, avant tout, sur des images d’entrepreneur et les rendre plus positives pour les étudiants. Si l’enseignement de l’idéologie marxiste est encore pratiqué au sein des universités, cette formation n’a pas vraiment d’incidence négative sur la perception des étudiants pour une perspective de carrière entrepreneuriale.

A part « l’image de l’entrepreneur perçue », cette recherche a mentionné d’autres éléments importants qui participent à expliquer l’attitude (favorable ou défavorable) des étudiants vis-à-vis d’une carrière entrepreneuriale. Plus l’étudiant valorise des valeurs comme la réalisation personnelle, la reconnaissance des autres, la créativité, le relèvement des défis, la responsabilité, l’autonomie, le pouvoir, le statut social, l’utilité pour la collectivité, la dynamique dans sa vie professionnelle, plus favorable sera son attitude envers la création d’entreprise. Par contre, celui qui attend la simplicité, la légèreté au travail a tendance à être défavorable à une carrière entrepreneuriale. Ces résultats fournissent donc des pistes et des précisions intéressantes pour guider la conception d’un enseignement de l’entrepreneuriat au Vietnam. Indéniablement, un des objectifs de ces cours serait de rendre l’attitude des étudiants plus favorable vis-à-vis de l’entrepreneuriat.

D’autre part, il ne faut pas négliger le rôle de la norme sociale dans l’explication de l’intention ainsi que de l’attitude des étudiants. La norme sociale est plus attachée à l’attitude qu’à l’intention. La place notable de cette variable dans notre modèle confirme l’influence importante de la famille et de l’entourage dans la décision professionnelle des étudiants vietnamiens. Par conséquent, si l’environnement universitaire vietnamien devient plus entrepreneurial, il portera des effets plus positifs sur l’orientation entrepreneuriale des étudiants. Dans ce sens, le développement des Clubs d’étudiants entrepreneurs futurs, des Centres de l’Entrepreneuriat, au sein des universités, constituerait une pratique pertinente et profitable à la sensibilisation et à l’orientation des étudiants vers un choix de carrière entrepreneuriale.

Enfin, cette étude met en relief le jugement irréaliste des étudiants vis-à-vis de leur capacité entrepreneuriale. Les étudiants ne se basent que sur leur capacité de prospection et de recherche d’informations pour évaluer leur contrôle sur la création d’entreprise. Lorsque plusieurs tâches

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

595 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

critiques du processus de création leur sont proposées, pour un jugement plus précis de leur contrôle, 70,6% de leurs difficultés perçues sont relatives à « l’élaboration du plan financier du projet ». Ce résultat est lié à une réalité concernant la formation à l’entrepreneuriat. Plus les étudiants apprennent et connaissent mieux le processus de création, plus ils comprennent les difficultés de la création, moins ils auront l’intention d’entreprendre. En effet, Cox, Mueller et Moss (2002) ont constaté chez les étudiants une diminution significative de la perception de l’efficacité personnelle (self-efficacy) à la fin des cours en entrepreneuriat. Audet (2004) a eu le même résultat. Une formation en entrepreneuriat est généralement orientée vers la maîtrise des principales compétences entrepreneuriales. Il paraît indispensable de trouver des méthodes innovatrices pour agir concrètement sur la désirabilité de la création. Il s’agit alors de deux objectifs cruciaux pour les formateurs en entrepreneuriat.

5. Conclusion

Cette étude justifie une nouvelle fois la robustesse du modèle d’intention d’Ajzen et son utilité pour expliquer l’intention de créer une entreprise. Elle donne de nombreuses pistes et des éléments intéressants pour guider la conception d’un enseignement de l’entrepreneuriat, adapté au contexte vietnamien.

Nous sommes cependant conscients de certaines limites de cette étude. Sur le plan théorique, notre travail repose sur les modèles d’intention qui ne prennent pas en compte la notion de l’opportunité d’affaires. En effet, il n’est pas facile de positionner l’opportunité dans les modèles d’intention. Est-ce que la découverte d’une opportunité est préalable à l’intention, ou l’intérêt prononcé pour la création incite-t-il les individus à rechercher une opportunité ? Des recherches basées sur les modèles d’intention ne permettent pas de répondre à ces questions. Sur le plan méthodologique, notre collecte de données, menée auprès des clubs d’étudiants entrepreneurs futurs à Hanoi et de nos contacts personnels, ne nous a pas permis de constituer un échantillon représentatif de l’ensemble des étudiants de gestion à Hanoi. La généralisation de nos résultats est donc délicate. Notre étude donne des informations intéressantes pour la conception de la formation à l’entrepreneuriat au Vietnam, mais ne permet pas pour autant de dire quels pourraient précisément être les contenus et les formes qu’un cours portant sur l’entrepreneuriat devrait prendre.

Il y a donc des prolongements possibles à cette recherche. Est-ce que l’intention, les perceptions et les croyances entrepreneuriales des étudiants évoluent suite à une sensibilisation ou à une formation à l’entrepreneuriat ? Quels types de sensibilisations ou de formations sont plus performants que d’autres dans la génération d’une orientation entrepreneuriale ?

_____________________________________________________________________

Bibliographie

Ajzen, I. (1991). The theory of planned behaviour. Organizational Behavior and Human Decision Processes, vol. 50, 179-211.

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

596 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

Ajzen, I. (2002). Perceived behavioral control, self-efficacy, locus of control, and the theory of planned behaviour. Journal of Applied Social Psychology, vol.32, 1-20.

Audet, J. (2003). L’intention de créer sa propre entreprise : un désir bien ancré en soi ou un état d’âme passager ? Conférence de l’Association des Sciences Administratives du Canada (ASAC), Halifax, Canada.

Audet, J. (2004). L’impact de deux projets de session sur les perceptions et intentions entrepreneuriales d’étudiants en administration. Journal of Small Business and Entrepreneurship, 17 (3), 223-240.

Autio, E., Keeley, R.H., Klofsten, M., Ulfstedt, T. (1997). Entrepreneurial intent among students: testing an intent model in Asia, Scandinavia and USA. Frontiers of Entrepreneurship Research, Babson Conference Proceedings, http://www3.babson.edu/ESHIP/outreach-events/fer.cfm

Begley, T.M., Wee-Liang T., Larasati, A.B., Rab, A., Zamora, E. et Nanayaakkara, G. (1997). The relationship between socio-cultural dimensions and interest in starting a business: A multi-country study. Frontiers of Entrepreneurship Research, Wellesley, MA: Babson College, http://www3.babson.edu/ESHIP/outreach-events/fer.cfm

Cox, L.W., Mueller, S.L., & Moss S.E., (2002/2003). The impact of entrepreneurship education on entrepreneurial self-efficacy. International Journal of Entrepreneurship Education, 1(2), 229-247.

Davidsson, P., (1995). Determinants of entrepreneurial intentions. Paper presented at the RENT IX conference, workshop in Entrepreneurship research, Piacenza, Italy, November 23-24.

Emin, S., (2003). L'intention de créer une entreprise des chercheurs publics : le cas français. Thèse pour le Doctorat de Sciences de Gestion, Université Grenoble II, Grenoble, sous la direction de R. Paturel.

Emin, S., Boissin, J-P., & Chollet, B., (2005). Le faible attrait des étudiants pour l’entrepreneuriat : éléments d’analyse pour l’action. Actes de la 14è Conférence de l’Association Internationale de Management Stratégique, 6-9 juin, Angers, 2005.

Emin, S., et Paturel, R., (2007). Les caractéristiques personnelles et les perceptions de désirabilité et de faisabilité entrepreneuriales des chercheurs publics. Dans R. Paturel, (Eds), Dynamiques entrepreneuriales et développement économique (pp. 179-201). Collection CEDIMES, l’Harmattan.

HUU Ngoc, (1995). Esquisses pour un portrait de la culture vietnamienne. Hanoi :Editions The Gioi.

Kennedy, J., Drennan, Dr J., Renfrow, Dr P., Watson, Dr B., (2003). Situational factors and entrepreneurial intentions. 16th Annual Conference of Small Enterprise Association of Australia and New Zealand, 28 September – 1 October 2003.

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

597 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

Kolvereid, L., (1996a). Organisational employment versus self-employment: Reasons for career choice intentions. Entrepreneurship Theory and Practice, 20 (3), 23-31.

Kolvereid, L., (1996b). Prediction of employment status choice intentions. Entrepreneurship Theory and Practice, 20 (3), 47-57.

Krueger, N.F., (1993). The impact of prior entrepreneurial exposure on perceptions of new venture feasability and desirability. Entrepreneurship Theory & Practice, 18(1), 5-21.

Krueger, N.F., & Carsrud, A.L., (1993). Entrepreneurial intentions: Applying the theory of planned behaviour. Entrepreneurship & Regional Development, 5 (4), 315-330.

Krueger, N.F., Reilly, M.D., & Carsrud, A.L., (2000). Competing models of entrepreneurial intentions. Journal of Business Venturing, 15 (5/6), 411-432.

Linan, F., (2004). Intention-based models of entrepreneurship education. Piccola Impresa Small Business, n°3, 11-35.

Moreau, R., et Raveleau, B., (2006). Les trajectoires de l’intention entrepreneuriale. Revue internationale PME, 19(2), 102-131.

MPDF., (1999). Enquête sur la perception du public envers l’image des entrepreneurs et des entreprises privées au Vietnam, Hanoi, 43p.

Souitaris, V., Zerbinati, S., Al-Laham, A. (2007). Do entrepreneurship programs raise entrepreneurial intention of science and engineering students? The effect of learning, inspiration and resources. Journal of Business Venturing, 22 (2007), 566–591.

Shapero, A., & Sokol, L., (1982). The social dimension of entrepreneurship, in : The encyclopedia of entrepreneurship. In Encyclopedia of entrepreneurship, Kent, C.A., D.L. Sexton & K.H. Vesper (Eds.), Englewood Cliffs NJ: Prentice Hall, 72-90.

Tkachev, A., and Kolvereid, L., (1999). Self-employment intentions among Russian students. Entrepreneurship and Regional Development, 11 (3), 269-280.

Tran Van-Trang (2010), « L’effet de la sensibilisation à l’entrepreneuriat sur l’intention des étudiants de créer une entreprise. Le cas du Vietnam », Thèse pour le Doctorat en Sciences de Gestion, Université de Bretagne Occidentale, Brest, sous la direction de R. Paturel.

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

598 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

Annexes

A. Résultats de l’ACP des croyances sous-jacentes de l’attitude

Facteurs Coefficients

Variance expliquée

Poids interne

Facteur 1. La réalisation de soi (F1_CA) 31,47% 55,26%

Réaliser ses rêves et son aspiration (SEL01) 0,751

Etre reconnu par les autres au travail (SEL04) 0,697

Créativité et mise en œuvre de la créativité (SEL02) 0,684

Avoir un travail intéressant (CHA02) 0,651

Relever les défis (CHA01) 0,646

Avoir des responsabilités (RES01) 0,634

Avoir un environnement de travail dynamique (ENV01) 0,624

Réalisation de soi et perfectionnement personnel (SEL03) 0,624

Etre capable de choisir sa propre mission (AUT03) 0,623

Etre autonome dans le travail (AUT01) 0,593

Faire quelque chose d’utile pour la collectivité (SOC03) 0,553

Etre son propre chef (AUT02) 0,536

Travailler avec d’autres personnes (ENV02) 0,472 (<0.5)

Facteur 2. La facilité du travail (F2_CA) 12,63% 22,18%

Travail simple, peu complexe (WOR04) 0,832

Ne pas prendre de risque (CHA05) 0,766

Ne pas avoir à trop travailler (WOR01) 0,762

Ne pas avoir un travail stressant (WOR03) 0,758

Peu de responsabilité (RES02) 0,717

Avoir du temps libre pour la famille et les loisirs (WOR02) 0,554

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

599 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

Facteur 3. La quête du pouvoir et l’image sociale (F3_CA)

5,14% 9,02%

Avoir du pouvoir (POU01) 0,708

Avoir du travail ayant l’image de réussite (CHA04) 0,668

Prendre des décisions et diriger les autres (POU02) 0,573

Etre apprécié par la famille et des amis (SOC02) 0,567

Avoir une bonne perspective de carrière (CAR01) 0,559

Avoir un statut social (SOC01) 0,552

Gagner beaucoup d’argent (ECO01) 0,467 (<0.5)

Facteur 4. L’appartenance sociale (F4_CA) 4,21% 7,4%

Etre membre d’une organisation sociale (ENV03) 0,650

Avoir la sécurité d’emploi (SEC03) 0,611

Avoir la perspective de poursuivre une formation (SEL05) 0,537

Avoir un travail diversifié (CHA03) 0,419 (<0.5)

Facteur 5. La rémunération fixe 3,50% 6,14%

Avoir un travail stable (SEC01) 0,681

Avoir un revenu fixe (SEC02) 0,652

Avoir une rémunération en fonction de l’engagement (ECO02) 0,506

Total 56,95% 100%

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

600 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

B. Résultats de l’ACP des croyances sous-jacentes au contrôle perçu

Facteurs Coefficients

Variance expliqué

e

Poids interne

Facteur 1. Elaboration du plan financier (F1_CC) 41,94% 70,6%

Estimer le chiffre d’affaires PLA08 0,795

Estimer les charges PLA09 0,775

Estimer les besoins financiers du projet PLA10 0,734

Estimer le prix de vente PLA07 0,691

Estimer les flux de trésorerie PLA11 0,687

Estimer la quantité vendue PLA06 0,640

Estimer le besoin du personnel PLA12 0,523

Facteur 2. Prospection et recherche d’informations (F2_CC) 6,78% 11,41%

Identifier les informations pertinentes du secteur d’activité envisagé (IDE03) 0,755

Identifier une idée d’affaires (IDE02) 0,736

Découvrir des opportunités d’affaires IDE01 0,733

Monter le projet de création d’entreprise PLA01 0,656

Identifier les informations pertinentes sur les concurrents PLA03 0,646

Identifier les informations pertinentes sur les clients PLA02 0,612

Monter un plan de marketing (PLA05) 0,452

Facteur 3. Mise en œuvre (F3_CC) 6,63% 11,16%

Effectuer les démarches administratives de la création d’entreprise CRE01 0,717

Obtenir un financement bancaire ou un fonds de proximité CRE03 0,632

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

601 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

Choisir la forme juridique de la société PLA13 0,596

Appréhender la responsabilité juridique PLA04 0,582

Estimer les risques du projet PLA14 0,581

Attirer des actionnaires CRE04 0,574

Trouver des personnes ou organismes compétents pour s’aider CRE05 0,493

Trouver des personnes compétences pour travailler avec soi CRE02 0,471

Facteur 4. Création effective (F4_CC) 4,05% 6,82%

Consacrer tout votre temps et votre énergie à la création CRE06 0,718

Trouver les locaux pour votre entreprise CRE07 0,700

Acheter ou louer des matériaux CRE08 0,680

Total 59,4% 100%

C. Statistiques descriptives des images de l’entrepreneur perçues par les étudiants vietnamiens

Images positives Moyenne

Ecart-type n analyse

Mener une vie conforme à la norme (P1) 4,29 1,175 610

Avoir un procédé légal (P2) 4,33 1,326 610

Avoir l’éthique des affaires (P3) 4,62 1,188 610

Image d’une personne qui a réussi dans la société (P5) 5,60 1,049 610

Digne d’être honoré par la société (P7) 5,43 1,175 610

Mériter l’estime et le respect (P8) 5,19 1,172 610

Modèle de vie désirable (P9) 5,12 1,218 610

Contribution active à la croissance économique du pays (P11) 5,83 1,032 610

Images négatives

HỘI THẢO QUỐC TẾ ĐÓNG GÓP CỦA KHOA HỌC XÃ HỘI – NHÂN VĂN TRONG PHÁT TRIỂN KINH TẾ - XÃ HỘI

602 TÀI LIỆU HỘI THẢO

 

« Vin » et « maîtresse » (N1) 3,22 1,525 610

Mode de vie incorrect (N2) 2,88 1,437 610

Ne pas mériter la confiance (N4) 2,78 1,382 610

Avoir recours à des procédés informels (N5) 3,17 1,416 610

Chercher le profit à court terme (N6) 2,86 1,526 610

Corruption et faire augmenter la corruption des fonctionnaires (N7) 3,27 1,494 610

Ne pas avoir l’éthique des affaires (N8) 2,84 1,265 610

Etre opportuniste (N9) 4,44 1,444 610

Désirer de l’argent avec avidité (N11) 2,89 1,512 610

Capitaliste - exploiteur des travailleurs (N12) 3,76 1,685 610