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Colloque de l’AIRDF1
Montréal, août 2016
THÈME GÉNÉRAL: DIFFUSION & INFLUENCES DES RECHERCHES EN DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
AXE 1 Influences croisées des recherches et des pratiques
SUJET: APPLIQUER « LA PÉDAGOGIE DES COMPÉTENCES » À LA FORMATION DES FUTURS
ENSEIGNANTS POUR LES INCITER À LA METTRE EN ŒUVRE DANS L’ENSEIGNEMENT
FONDAMENTAL ET SECONDAIRE ?
C. Gillon, Haute Ecole de la Ville de Liège, catégorie pédagogique
Sommaire
1) Présentation du propos général
2) Cadre théorique
3) Relation d'une expérience concrète
4) Conclusions
1) Propos
Je tenterai ici, en toute humilité, de rendre compte de tentatives personnelles consacrées à la mise en place d’une méthodologie
appropriée à l’acquisition, par les futurs enseignants, de « compétences », compétences professionnelles nécessaires à l’enseignement
du français dans le primaire et le secondaire. Puiqu'en FWB, les programmes d’enseignement du fondamental et du primaire sont
rédigés en termes de « compétences à acquérir », la question suivante s’est posée à moi :
Quelles « compétences » devais-je moi-même exercer et quelle méthodologie pratiquer pour former des enseignants non seulement
capables de respecter les recommandations officielles, convaincus de l’intérêt pédagogique et citoyen de cette « conception »,
critiques néanmoins à l’égard de toutes ses implications pédagogiques et pragmatiques, et capables de concevoir leurs propres cours
de façon à intégrer l’étude des matières de manière harmonieuse et efficace dans ce parcours de construction de compétences ?
Ce questionnement a été l’occasion, pour moi, de croiser le très riche champ des recherches en didactique du français et d’en
pratiquer une certaine « application ».
Mon hypothèse de travail, construite un peu dans l’esprit de la pédagogie de l’intégration, selon X.ROEGIERS2, fut donc la
suivante :
Expérimenter avec les normaliens eux-mêmes cette pédagogie des compétences dans le cadre de leur formation d’enseignant
de français permettrait qu’ils puissent à leur tour, par « isomorphisme », implicite et explicite, l’appliquer plus tard et
surtout l’appliquer avec un regard réflexif et un esprit critique constructifs.
Ce qui pourrait se représenter ainsi :
1 Association internationale pour la Recherche en Didactique du Français 2 ROEGIERS, X. (2000). Une pédagogie de l’intégration. Bruxelles : De Boeck.
o
m
p
é
t
e
n
c
e
Compétences
des élèves
Compétences de
l’enseignant
Compétences
Du formateur
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2. Cadre théorique
2. 1.Bref historique
L’organisation de l’enseignement supérieur a évolué, en Belgique, en Europe, depuis le début des années 90 et je n’ esquisserai un
historique succinct de cette évolution que pour mettre en évidence l’émergence progressive du souci de la construction de
« compétences » au cours de cette transformation. Diverses réformes communautaires, nationales et internationales ont modifié les programmes et la taille des institutions. Dès 1999, le
processus dit de Bologne a eu de nombreuses implications sur l’enseignement supérieur. Il a facilité la mobilité étudiante et amélioré
la comparabilité entre établissements au niveau belge et européen par la mise en place d’un système d’accumulation de crédits
transférables entre établissements et entre certains types de formation.
Le 12 décembre 2000, le décret définissant la formation initiale des instituteurs et des régents, en référence au décret-missions relatif
à l’enseignement fondamental et secondaire du 1er degré, fut voté, en Belgique francophone par la FWB, institution qui était toujours
à l’époque la Communauté française. Ce décret précise dans le "Référentiel de compétences" que la formation des instituteurs
préscolaires, des instituteurs primaires et des régents se doit d’amener chaque étudiant à développer treize compétences.
Première étape de reconnaissance franchie donc par ce libellé de compétences très générales. Néanmoins jusqu’aux alentours de
l’année 2005, nos « contrats de formation », c’est-à-dire les textes de nos engagements disciplinaires et pédagogiques adressés aux
étudiants, étaient toujours rédigés en évoquant des "objectifs" et des "contenus" et proposaient quelques mots sur nos « méthodes
d’apprentissage ».
La nécessité, l’urgence même d’une conception de l’enseignement supérieur en vue de développer des compétences a été présentée
dès 2006 comme un véritable enjeu de société.
En effet, si l’on rappelle la parole de X.ROEGIERS, telle que formulée dans la conférence introductive du colloque « La logique des
compétences : chance ou danger ? Vers un cadre de qualification dans l’enseignement supérieur. », organisé par la Ministre Simonet le 17 octobre 20063, on comprend qu’il importait véritablement de rendre à l’enseignement
supérieur une portée universelle, celle d’une formation rendant apte à rechercher des réponses à des questions prioritaires :
« Comment l’homme va-t-il trouver les moyens de continuer à vivre sur la planète ? Quelle qualité de vie ? Pour qui ? Pour combien
de temps ?
Il s’agissait donc véritablement de construire les valeurs du futur par une conception de l’approche par compétences dépassant le
savoir-agir étroit et immédiat, ambitionnant le savoir-agir réfléchi, l’agir responsable, l’agir citoyen.
Et, citant Michel TOZZI ( 1998)4, X.ROEGIERS d’ajouter : Il s’agit d’articuler le pôle théorique et le pôle axiologique de la
formation avec le pôle praxéologique, au lieu de les développer de manière cloisonnée. Mener les étudiants à articuler ces trois
pôles- valeurs, savoir, action- serait le défi majeur de l’enseignement supérieur.
Ceci dit, il serait opportun que ces pôles soient visés dès l’enseignement maternel, me disait une institutrice du préscolaire: le
parcours scolaire d’ensemble serait beaucoup plus plus naturel, plus harmonieux et le défi citoyen plus solidement bâti.
Enfin, pour en terminer avec ce petit historique, ajoutons, qu’en FWB, le 16/10/2013 a été voté le décret paysage. Il vise à mieux
organiser l’enseignement supérieur et à permettre une meilleure collaboration entre institutions. Entré progressivement en vigueur
dès septembre 2014, il établit une organisation générale commune à tous les établissements du supérieur. L'approche par
compétences y est cette fois davantage formalisée.
2.2. Cadre de travail
Le cadre de mon travail s’est élaboré en tenant compte les paramètres suivants :
A.Les instructions officielles : la pédagogie dite des compétences qui se présente comme un programme d’action visant à
développer des compétences, c’est-à-dire « les aptitudes à mettre en œuvre un ensemble organisé de savoirs, de savoir-faire et
d’attitudes permettant d’accomplir un certain nombre de tâches » (art.5, DM).
Dès lors qu’on définit la pédagogie des compétences comme un potentiel d’action que peuvent développer les apprenants face à de
nouvelles situations d’apprentissage, toute la difficulté consiste à apprendre à l’élève, à l’étudiant à transférer, à intégrer ses
connaissances et ses savoir-faire dans différents contextes.
B. Les recommandations recueillies à l’occasion de ma formation de CAPAES5, suivie en 2006. J’en souligne essentiellement cet
aspect :
3 Approche par compétences dans l’enseignement supérieur et cadre européen de qualifications : opportunités, enjeux et dérives.
4 TOZZI, M. (1998). Tout se tient, Les cahiers Pédagogiques, supplément n°4, Oct-Nov 1998.
5 LE CERTIFICAT D'APTITUDE PÉDAGOGIQUE APPROPRIÉ À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (CAPAES)
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Si j’exerce mon métier le plus « professionnellement possible », je me dois donc d’être, pour citer A.VERGNAUD(1996), évoqué
par J.BECKERS, un professionnel compétent 6 : On définira l’individu compétent comme celui qui non seulement sait faire quelque
chose, en s’y prenant bien et en s’adaptant aux différents cas de figure, mais peut également faire face à une situation non familière.
Le professionnel compétent peut donc s’acquitter avec efficacité et autonomie des tâches de son métier même quand elles s’écartent
de la routine ; son action professionnelle sera donc adaptable.
Il est capable de distance par rapport aux situations professionnelles pour y repérer les spécificités et les caractéristiques
généralisables. Il prend aussi du recul par rapport à ses choix et à son fonctionnement en situation. Dans ces buts, il tente
d’articuler savoirs d’action et savoirs théoriques. Il se comporte en praticien réflexif.
Il se sent individuellement et collégialement responsable de ses actes.
Ainsi, je me dois bien sûr d’essayer d’exercer les 14 compétences du formateur, formulés par le décret CAPAES ( cfr. Art.3, décret
du 17 juillet 2002) et par conséquent, si je reprends la même définition de la compétence que celle du décret-missions, je me dois
d’être apte à résoudre des tâches complexes, en utilisant savoirs, savoir-faire et attitudes ad hoc.
C. Autre paramètre dont je devais tenir compte : La relativité, voire l’instabilité du concept même de « compétence » .
Beaucoup d’experts nous mettent en garde effectivement à l’égard des pièges du concept et il serait hasardeux de tenter d’appliquer
une théorie de l’apprentissage sans en avoir compris les concepts. Tentons de distinguer risques et apports positifs.
a) L’inconfort et les risques pédagogiques liés au concept de compétences et de l’APC :
Rappelons tout d’abord, comme le fait M. CRAHAY (2006), citant GILLET 7 , que la compétence se décline selon trois
composantes :
. Une compétence comprend plusieurs connaissances mises en relation ;
. Elle s’applique à une famille de situations ;
. Elle est orientée vers une finalité.
Ainsi, alors que J. BECKERS (2006) précise que la pédagogie des compétences peut être un moyen de lutter contre la fragmentation
des connaissances, contre l’accumulation de savoirs morts, J-L DUMORTIER (2001) souligne qu’au départ de la définition de la
compétence comme « une aptitude à mettre en œuvre un ensemble organisé de savoirs permettant d’accomplir un certain nombre de
tâches », il importe de s’interroger sur les caractéristiques cognitives, intellectuelles de cet « ensemble », il faut aussi cerner les
familles de tâches, donc en déterminer « les liens de parenté » et, par ailleurs, être conscient de la responsabilité de l’évaluateur
qui détermine le degré de maîtrise de ces compétences.
En effet, la difficulté d’évaluer un potentiel d’action est grande puisque l’évaluation ne peut mesurer que du tangible, donc quelle
que soit la tâche imaginée, on pourra se demander si elle est représentative des aptitudes et si le transfert des compétences à toute
situation similaire mais inédite est assuré.
b)Potentiel pédagogique, humain et citoyen de l’APC
La pédagogie ou approche par compétences, dénommée aussi pédagogie de l’intégration ( ROEGIERS, X.,2000) vise
essentiellement la maîtrise progressive de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être, donc de ressources, au travers d’apprentissages
porteurs de sens, de situations d’apprentissage concrètes et complexes.
Dans l’enseignement supérieur, elle modifie essentiellement les méthodes de travail, fondées davantage sur des méthodes actives,
voire des tâches professionnalisantes.
Ainsi, la description proposée par C. CHAUVIGNÉ et J-C. COULET (2010) :
« Pour avoir une vision plus complète et transversale de la manière dont l’APC a pu être abordée à l’université, il est possible de
s’appuyer sur un programme soutenu par la Commission européenne : le projet Tuning (…).
D’un enseignement structuré uniquement à partir de l’expertise des universitaires et dont la cohérence n’est pas toujours garantie, le
projet Tuning propose de passer à des programmes orientés vers les modes d’apprentissage et centrés sur l’étudiant. Ce qui
caractérise ce projet, comme beaucoup de démarches développées à l’université autour des compétences, c’est la recomposition des
rôles des acteurs ».
Par ailleurs, observons que, puisque l'application de l'APC implique de s'interroger sur "un ensemble organisé de savoirs" et sur les
"familles de tâches", force est de constater que cette démarche mène très vite à la navigation au sein de nombreuses disciplines
"soeurs", relevant des sciences humaines ou des sciences exactes.
L'APC impose (enfin !) le croisement, le mariage des champs disciplinaires .
6 J.BECKERS, la notion de « professionnel », défini par LEMOSSE, 1989 , BOURDONCLE, 1991, LESSARD, 1998, cités par
J.BECKERS dans « Accompagnement professionnel et pratiques évaluatives cours du CAPAES 2006-2007) :
7 CRAHAY, M, 2006, Dangers, incertitudes et incomplétude de la logique de la compétence en éducation
https://rfp.revues.org/143
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D. Quatrième paramètre : la réalité scolaire observée : la réalité du travail des enseignants du fondamental et du secondaire, observée
sur le terrain lors des visites de stages ou par des biais divers, notamment la formation que recevaient mes propres enfants, j’ai
constaté que « l’acquisition des savoirs » restait souvent l’objectif principal des enseignants et l’attente de nombreux parents, et par
conséquent, ce que l’on attendait des jeunes diplômés de la Haute Ecole, c’était avant tout qu’ils maîtrisent bien sûr les matières
d’enseignement mais qu’ils sachent surtout préparer des leçons dont les contenus disciplinaires semblent solides !
2.3 Plan d'action
Comment concilier tout cela ? Comment concevoir mes propres cours pour viser ce but séduisant mais ambitieux ?
J’avoue que les premières années , j’ai contourné la difficulté en m’appliquant en suivre les programmes de l’ESP dont je disposais
pour que les normaliens maîtrisent les bases de la grammaire, aient quelques notions utiles de linguistique, de littérature etc. et j’ai
« parlé » , dans le sillage des professeurs de psycho-pédagogie, de la pédagogie des compétences, en séances dites d’ateliers
seulement . Je leur ai proposé quelques petites activités pratiques et « intégrées » qui étaient susceptibles de solliciter certaines
compétences du savoir-écouter, savoir-parler, savoir-lire, savoir-écrire chez des petits élèves qu’il fallait imaginer (âge, niveau
d’études etc.) , activités susceptibles aussi de faire acquérir ces compétences par des méthodes actives et non par un enseignement
frontal, incompatible d’ailleurs avec un programme d’acquisition de compétences par les élèves. Exemple : au départ d’un projet
concret, théoriquement suggéré par les enfants ou d’une tâche-problème, suscitée par un questionnement d’élève ou concoctée par
l’instituteur, il s’agissait d’abord de faire une analyse des étapes du travail, de construire l’organigramme des tâches et de les mettre
en relation avec des compétences précises et puis seulement de préparer le travail des « matières » à rencontrer en cours de route..
Néanmoins ces rencontres « occasionnelles » avec la pédagogie des compétences me semblaient bien peu efficaces et surtout très
artificielles donc peu convaincantes parce trop peu systématisées et analysées.
Entre-temps mes lectures et mes observations de la pratique des enseignants me persuadaient toujours davantage de la pertinence de
cette conception générale mais je réalisais par la même occasion combien la mise en œuvre de cette conception exigeait de qualités
organisationnelles à long terme d’une part et de facultés d’adaptation souple et de réajustement constant du travail par les
enseignants d’autre part s’ils veulent vraiment aboutir à une formation cohérente de leurs élèves et surtout à une formation équitable
pour tous les enfants, qu’il faut prendre en compte dans leur diversité, avec leur bagage respectif. Conception pédagogique
séduisante mais à haut risque. Et je n’ai pas encore abordé la question de l’évaluation, terrain miné également, dont il sera question
plus avant.
En 2003, j’ai eu l’occasion de prendre connaissance de l’article de J-L.DUMORTIER, paru dans la revue du CIFEN, PUZZLE,
article intitulé « Formation des enseignants de français et compétences en communication ».
J-L.DUMORTIER y propose entre autres un tableau, modèle de séquence pédagogique, qui permet d’organiser le travail, à long
terme, en visant l’acquisition de compétences au départ d’une tâche complexe.
Tableau1
Tâches que les
élèves devront
effectuer seuls
Analyse de la tâche
=
Détermination
des obstacles-objectifs
Prospection des
possibilités de
réinvestissement des
acquis
Détermination
d’une ou
plusieurs
tache(s)-
problème(s)
analogue(s)
Réalisation et
évaluation
formative
Objectif
d’apprentissage
spécifique 1
Activités
d’appropriation
Ou
D’intégration
Des savoirs et
Savoir-faire
Objectif
d’apprentissage
spécifique 1
Activités
d’appropriation
Ou
D’intégration
Des savoirs et
Savoir-faire
Objectif
d’apprentissage
spécifique 1
Activités
d’appropriation
Ou
D’intégration
Des savoirs et
Savoir-faire
Situation 1
Situation
2
PROPOSITIONS DE TRAVAIL POUR ORGANISER MES PROPRES COURS DANS CET ESPRIT:
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Si je définis, dès lors, la tâche complexe générale qui m’incombe comme celle que je décrivais tout à l’heure, à savoir former des
enseignants de français à la pratique de la pédagogie des compétences, je peux donc appliquer ce tableau à mon propre travail,
en appliquer l’esprit à l’exercice d’un certain nombre de compétences énoncées dans le décret CAPAES.
Rappelons le texte des compétences particulières du formateur exercées plus spécifiquement, me semble-t-il, dans le cadre de ma
fonction de maître-assistante en français et didactique du français:
- 5. Ancrer les contenus et les démarches dans la réalité professionnelle visée par la formation.
- 6. Accompagner les étudiants dans leurs apprentissages tant théoriques que pratiques ainsi que dans la construction de leur
projet professionnel.
- 7.Planifier le cours et concevoir des dispositifs d’enseignement appropriés aux adultes.
- 8. Maîtriser et utiliser les outils d’évaluation des apprentissages adaptés à l’enseignement dispensé et pouvoir répondre de
ses choix.
Voici donc une première adaptation du tableau sus-reproduit à la planification d’un cours de français dans l’enseignement supérieur
pédagogique. Il ne s’agirait plus alors d’un modèle de « séquence pédagogique » mais d’un modèle d’ « organisation générale du
cours de français » à concrétiser en regard des compétences terminales de chacune des trois années de formation.
Tableau 2
MISSIONS DU MAÎTRE-ASSISTANT EN FRANÇAIS ET DIDACTIQUE DU FRANCAIS DANS L’ENSEIGNEMENT
SUPERIEUR PÉDAGOGIQUE
TÂCHES DU FORMATEUR ANALYSE DES TÂCHES=DÉTERMINATION
DES OBJECTIFS-OBSTACLES Prospection de possibilités de
réinvestissement des acquis
OBJECTIFS OBSTACLES Situation 1 Situation 2
1.Sélectionner les tâches
complexes qui permettront
aux futurs enseignants de
français de construire leurs
compétences
1. Faire réaliser
des tâches pour
actionner la
compétence
d’enseignant n°1
Prise de conscience des
enjeux scolaires liés au
cours de français et
connaissance des
programmes et des réalités
de terrain
2. Actionner, mettre en
œuvre, concrètement les
activités de réalisation de ces
tâches, selon les principes
d’une pédagogie active
réguler la progression des
apprentissages, organiser
l’évaluation formative et
formatrice
2. Faire réaliser
tâches pour
actionner la
compétence
d’enseignant n°4
Sélection des objets de
savoirs Reconduction
du modèle pour
d’autres années
ou d’autres
sections
Application du
modèle à des
projets particuliers
3. Faire réaliser
tâches pour
actionner la
compétence
d’enseignant n°5
(auto)formation en
didactique du français/
choix
méthodologique/élaboration
de dispositifs appropriés
4. Faire réaliser
tâches pour
actionner la
compétence
d’enseignant n°6
Définir une certaine
conception de la culture
générale et provoquer des
opportunités d’expériences
culturelles
5. Faire réaliser
tâches pour
actionner la
compétence
d’enseignant
n°10
Faire découvrir et pratiquer
les modèles didactiques, les
faire évaluer
6. Faire réaliser
tâches pour
actionner la
compétence
d’enseignant
n°12
Initier aux démarches de
planification et de gestion
des projets
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3. Évaluer sommativement 7. Offrir aux
étudiants
l’opportunité de
faire montre de
leurs acquis et
de la maîtrise de
leurs
compétences
Définir des « barêmes »
d’évaluation, appliquer une
taxonomie, calibrer des
critères d’évaluation,
construire des
questionnaires et/ou
épreuves ad hoc
4. Détermination d’une ou
de plusieurs« famille(s) de
tâches pour
équilibrer l’organisation de
chaque année de formation
8. Elaborer (en
équipe) et faire
connaître aux
étudiants), pour
l’unité
d’enseignement,
le continuum
pédagogique et
disciplinaire
cohérent,
réaliste et en
lien avec le
projet
pédagogique
général de la
HEVL
Travailler en coordination
interdisciplinaire pour un
projet d’ensemble
formateur
Quelques remarques à propos de ce tableau :
a) La « tâche du formateur comme tâche de préparation des étudiants à la pratique de « la pédagogie des compétences » (APC)
impose en fait l’exercice des compétences 5, 6 et 7 du décret CAPAES, citées ci-dessus .
b) La distinction objectifs-obstacles correspond à celle rappelée en note par
J-L.DUMORTIER dans l’article précédemment cité, à savoir une distinction entre « deux expressions qui signifient la même
chose selon les perspectives complémentaires de l’enseignement et de l’apprentissage ». Dans ce cas précis, le formateur en
position « d’autoformation » fait siens des objectifs d’enseignement qui visent l’entraînement de ses étudiants à l’acquisition
de certaines compétences du Référentiel des compétences des enseignants et, par ailleurs, il rencontre des obstacles de travail
qui sont les questionnements sur les contenus, les moyens et les méthodes pour atteindre les objectifs.
Plus précisément :
- à l’objectif visant l’exercice de la compétence n°1, Mobiliser des connaissances en sciences humaines pour une juste
interprétation des situations vécues en classe et autour de la classe et pour une meilleure adaptation aux publics scolaires,
correspondrait l’obstacle suivant : prendre la mesure des enjeux scolaires liés au cours de français et connaître les programmes et
des réalités de terrain . Quelles tâches complexes suggérer aux futurs enseignants pour préparer à quel enseignement-apprentissage
du français dans le fondamental et le secondaire ?
- à l’objectif visant l’exercice de la compétence n°4, Maîtriser les savoirs disciplinaires et interdisciplinaires qui justifient
l’action pédagogique, correspondrait l’obstacle suivant : inventorier, pour chaque année de formation et pour chaque section, les
« objets de savoirs » à découvrir avec les étudiants. Vaste domaine qui d’après les fiches descriptives des unités d’enseignement
englobe, pour les futurs instituteurs, une formation linguistique, incluant grammaire de phrase et grammaire de texte, une formation
en littérature de jeunesse et la didactique appropriée à ces champs disciplinaires, essentiellement orientée vers les compétences du
savoir-lire et du savoir-écrire. Pour les futurs enseignants du secondaire, il faut ajouter la formation en littérature classique et la
didactique y afférent.
- à l’objectif visant l’exercice de la compétence n°5 , Maîtriser la didactique disciplinaire qui guide l’action pédagogique,
correspondrait l’obstacle suivant :
proposer des principes et des modèles didactiques aux étudiants implique une (auto)formation en didactique disciplinaire et une
coordination avec les cours dispensés par les psycho-pédagogues. Force est de reconnaître que règnent souvent la « dispersion » et le
caractère un peu « opportuniste » des bribes de la formation qui se construit au gré des attributions mouvantes et des nécessités
urgentes.
- à l’objectif visant l’exercice de la compétence n°6 « faire preuve d’une culture générale importante afin d’éveiller les élèves
au monde culturel », s’associe un obstacle qui n’est autre que le questionnement très large sur une définition de la culture
générale telle qu’elle pourrait s’envisager au XXIe siècle mais aussi sur la mission de la Haute Ecole et de chaque formateur
en ce domaine. Quelle qu’elle soit balisée, cette notion de culture générale trouve évidemment dans le cours de français un
vrai jardin d’opportunités nombreuses d’enrichissement, d’échanges, de réflexions, de critiques . Opportunités qu’il faut oser
saisir en oubliant de temps à autre les impératifs du calendrier, le carcan des horaires et des programmes . Mais si l’on peut
« brasser très large » en ce domaine, peut-être serait-il pertinent , dans le cadre d’un cours de français, de garder comme « fil
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rouge » la langue elle-même, la réflexion sur la langue, tant réflexion métalinguistique qu’esthétique. En fait, dans le cadre du
travail quotidien, cette compétence n’est jamais une fin unique, une fin en soi, elle complète et enrichit les autres .
-à l’objectif qui vise l’exercice de la compétence n° 10, qui ambitionne de former des enseignants capables de « Concevoir des
dispositifs d’enseignement, de les tester, de les évaluer, de les réguler », s’attache, en termes d’obstacles, la nécessité de
« faire digérer » la formation didactique évoquée précédemment pour aboutir à un enseignement- apprentissage qui permettrait la
conversion de cette base didactique en « préparations de leçons » efficaces, lesquelles déboucheraient sur des actions
d’enseignement-apprentissage tout aussi efficaces et également sur une pratique de l’évaluation ad hoc, donc adaptée à la pédagogie
par compétences.
- à l’objectif qui vise l’exercice de la compétence n°12 du référentiel des treize compétences de l’enseignant, compétence
essentielle pour la bonne application d’une pédagogie des compétences puisqu’elle garantit l’aptitude à « planifier, gérer et
évaluer des situations d’apprentissage », correspond un obstacle – questionnement, pour le formateur, sur les moyens dont il
dispose et sur les stratégies qu’il peut mettre en œuvre pour instiller cette compétence « organisationnelle » et « critique ».
C’est ici que se fonde surtout mon espoir de voir fructifier les effets d’une cohérence entre formation des maîtres et formation
des enfants, c’est la gageure qui m’a tentée : planifier, gérer avec les étudiants eux-mêmes leurs situations d’apprentissage, à
travers des projets de travail concrets comme celui qui sera décrit ci-après, créer ensemble, en toute « transparence », des
organigrammes, des grilles d’analyse des tâches, mettre en relation la réalisation les différentes tâches intermédiaires avec
les compétences qu’ils devront pouvoir actionner en tant qu’enseignants, rechercher des repères et des procédures dans des
tâches analogues précédemment effectuées, établir un calendrier de travail, des bilans évaluatifs des projets, prospecter des
situations d’apprentissage convergentes sont autant de démarches formatives utiles, me semble-t-il, pour pratiquer un jour , en
tant qu’enseignant, une approche par compétences dans l’enseignement préscolaire, primaire ou secondaire. D’ailleurs, il est
indispensable de pouvoir appliquer a son propre travail les consignes organisationnelles qu’on impose aux enfants eux-
mêmes ! Peut-être me fais-je des illusions sur la réelle action d’isomorphisme que ces premières expériences provoqueront .
Elles constitueront au moins une initiation et ébaucheront une réflexion critique.
c) La prospection d’autres situations de travail ( 5ième et 6ième colonnes du tableau), situations susceptibles d’intégrer la
« famille » des tâches d’enseignement-apprentissage, peut s’envisager, dans ce tableau, comme l’anticipation d’un cadre de
travail semblable ou adapté à appliquer à une classe du même niveau au cours de l’année suivante ou à des classes parallèles ou
encore à des classes de l’année de formation supérieure, dans le cas où le formateur a l’occasion d’accompagner ses étudiants au
cours des trois années de formation. Le but serait de réfléchir à un continuum pédagogique. Les conditions de la sélection de ces
nouvelles tâches seraient d’offrir à la fois les points communs, structurels ou thématiques, utiles pour la réactivation et le
transfert des acquis d’une tâche complexe à l’autre et, d’autre part, suffisamment de particularités, de difficultés nouvelles pour
exercer les futurs enseignants à soumettre l’efficacité de leurs compétences acquises à des situations inédites, pour stimuler
l’adaptabilité.
d) Enfin, soulignons que ce « chantier » d’organisation d’un cours de français dans le supérieur pédagogique devrait
idéalement être discuté, mis au point, planifier, critiqué en équipe disciplinaire, avec les collègues romanistes d’une part,
coordination difficile en réalité, équipe interdisciplinaire, d’autre part, comprenant le professeur de psycho-pédagogie et le
maître de formation pratique. Notre institution a fait le choix de ménager dans nos horaires un certain nombre de séances dites
« d’ateliers trio », qui permettent quelque peu ce travail.
3. Relation d’une séquence de travail réalisée dans l’esprit de l’APC: la conduite d’un groupe-classe de 2ebac français
dans les méandres d’une tâche-complexe consistant à construire une séquence didactique, destinée à des élèves de 2e
secondaire (enseignement général), intitulée « Je lis entre les lignes ». Cette séquence didactique visera l’enseignement
d’une stratégie de lecture particulière, l’inférence.
3.1. Positionnement didactique :
Ainsi que le précise J.BECKERS dans l’article intitulé « Aider les élèves à développer des compétences à l’école : révolution ou
continuité ? »8, il y a deux manières d’accompagner les élèves dans la réussite d’une tâche-problème : une guidance rapprochée,
c’est-à-dire une attitude très « visible » du formateur qui a sélectionné les savoirs et savoir-faire prérequis et à construire, qui encadre
les tâtonnements dans la situation complexe, profitant de cette action collective pour faire réfléchir sur les démarches à mettre en
œuvre, les critères de qualité, qui diminue progressivement l’étayage pour mettre, in fine, les apprenants seuls face à une situation
nouvelle appartenant à la même famille de tâches. L’autre option est celle d’une guidance distanciée qui plonge les élèves de
manière abrupte dans un problème en ne fournissant des indices qu’en cas de nécessité.
Pour ma part, bien que j’eusse affaire à des étudiants du supérieur, bien qu’il y eût une certaine contradiction entre mise en situation
complexe et approche structurée, bien que l’expérience ait été renouvelée à plusieurs reprises ces dernières années, j’ai opté pour la
guidance rapprochée pour des raisons de prudence, frilosité peut-être, pour des raisons de temps disponible aussi car si « l’auto-
socio-construction du savoir » est féconde, elle est aussi chronophage et peut être source de dispersion. Dès lors que le fil rouge des
recherches et des activités disparaît, c’est tout le sens de l’échafaudage de travail qui se dissout. Cette posture pédagogique est plutôt
conseillée pour l’enseignement secondaire, enseignement qualifiant en particulier, ainsi que le préconisent notamment J-L
DUMORTIER ET J.VAN BEVEREN dans un article de réflexion sur les séquences didactiques, les TP et les compétences9. J’ai fait
ce choix également dans le supérieur. J’ai donc explicitement exposé le défi de chaque tâche-problème aux étudiants, j’ai mentionné
8 Revue, PUZZLE N°10 CIFEN, juin 2001 9 Réflexions sur les séquences didactiques, les tâches-problèmes et les compétences, Jean-Louis Dumortier et Julien Van Beveren,
revue Enjeux, printemps 2011
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les compétences d’enseignant que j’avais identifiées et que souhaitais faire exercer, j’ai nommé les ressources ambitionnées,
suggérer des supports de travail, orienter les recherches et aider les étudiants à percevoir, à formuler les rapports entre ces éléments
afin que le « sens » du travail d’ensemble soit clair. Je tenterai de concrétiser cette position au travers de l’explication relative à
l’expérience décrite ci-dessous et de justifier cette position.
3.2 Quel chemin proposer pour rendre compte de cette « application pratique » ?
Pour tenter d’être méthodique et cohérente par rapport à ce qui a été présenté ci-dessus, je propose d’évoquer les différentes
facettes de cette expérience en reprenant, étape par étape, ligne par ligne, voir « cellule par cellule », dirais-je le tableau 3,
appliqué donc à la tâche complexe intitulée : « Construire une séquence didactique, destinée à des élèves de 2e secondaire
(enseignement général), intitulée « Je lis entre les lignes ». Cette séquence didactique visera l’enseignement d’une
stratégie de lecture particulière, l’inférence. »
Voici le tableau présenté dans son entièreté : imbuvable évidemment, tel quel. Nous allons l’approcher en « zoomant » sur
les cellules.
Tableau 3
MISSION DU MAÎTRE-ASSISTANT EN FRANÇAIS ET DIDACTIQUE DU FRANCAIS DANS LE CADRE DE
L’ACCOMPAGNEMENT DES 2e BAC FR DANS LA RÉALISATION DE LA TÂCHE-PROBLÈME : « CRÉER UNE
SÉQUENCE DIDACTIQUE DESTINÉE Á TRAVAILLER L’INFÉRENCE EN LECTURE EN CLASSE DE 2ième
SECONDAIRE GÉNÉRALE
TÂCHES DU FORMATEUR ANALYSE DES TÂCHES=DÉTERMINATION
DES OBJECTIFS-OBSTACLES Prospection de possibilités de
réinvestissement des acquis
OBJECTIFS OBSTACLES Situation 1 Situation 2
1.Sélectionner une tâche-
complexe qui permettra aux
futurs enseignants de français de
construire leurs compétences
d’enseignement-apprentissage
du savoir-lire
1. L’étudiant sera
capable de
construire une
séquence
didactique
intitulée « Je lis
entre les lignes »,
destinée à faire
travailler une
stratégie de
lecture,
l’inférence, à des
élèves de 2ième
générale
Susciter la prise de
conscience des enjeux de la
lecture en général, de la
lecture inférentielle en
particulier, des difficultés
qu’elle occasionne, des
injonctions des programmes
en la matière.
2. Actionner, mettre en œuvre,
concrètement les activités de
réalisation de cette séquence,
selon les principes d’une
2. L’étudiant sera
capable de
participer à la
mise en
situation, aux
exercices et aux
recherches
destinés à
clarifier le
concept
d’inférence
Sélection des objets de
savoirs : déterminer dans la
littérature scientifique quels
savoirs linguistiques sont
nécessaires à la
compréhension de
l’opération mentale
nommée « inférence »
Reconduction
du modèle pour
d’autres années
ou d’autres
sections
Application
du modèle à
des projets
particuliers
- 9 -
pédagogie active, réguler la
progression des apprentissages,
organiser l’évaluation formative
et formatrice
3. L’étudiant sera
capable de
formaliser la
construction de
la séquence par
la sélection des
compétences à
travailler , les
objectifs à viser
et le choix des
tâches à réaliser
dans une classe
de 2ième
secondaire
Choix
méthodologi
ques :
- recherche
collective
dans les pgm
de la FWB
- atelier trio
pour mise au
point sur
l’APC et les
étapes d’une
séquence
didactique
4. L’étudiant sera
capable de
rédiger une
synthèse
comparative et
un commentaire
personnel à
propos de
l’exposé
d’I.COLIN et
T.YUNGBLUT,
du CAV,
portant sur
l’inférence
visuelle
Compétences en lecture
concernent la lecture de
textes mais aussi d’images
et de sons. Complément,
élargissement par apports
d’experts d’éducation aux
médias.
5. L’étudiant sera
capable de
transposer ses
savoirs
didactiques afin
d’introduire
dans la séquence
un/des
dispositifs
permettant
l’entraînement
de cette stratégie
de lecture qu’est
l’inférence.
Choix méthodologiques : - proposition d’une
sélection
bibliographique
pour modèles
didactiques
- travail en atelier trio
- expérimentation des
dispositifs imaginés
par les étudiants
eux-mêmes
- rencontre avec
personne-ressource
du CAV pour
création de
« webdoc » comme
outil d’aide à la
lecture
6. L’étudiant sera
capable de co-
construire
l’organigramme
du projet, de
verbaliser les
étapes de
régulation,
d’évaluation
intermédiaire et
finale du projet
de construction
d’une séquence
Choix méthodologiques : - Planification
collective du travail
- Etats des lieux
réguliers et débats
critiques collectifs
- Bilan final en
atelier trio pour
ébauche d’une grille
d’évaluation de ce
travail collectif
d’une séquence
didactique
3. Évaluer sommativement 7. L’étudiant sera
capable de
satisfaire aux
critères de la
grille
d’évaluation .
Application des choix
évaluatifs décidés en
concertation avec les
collègues et les étudiants au
travers de la grille
d’évaluation définitive
- 10 -
4. Détermination d’une ou de
plusieurs « famille(s) de tâches
pour équilibrer l’organisation
de chaque année de formation
8. L’étudiant sera
capable de
percevoir et
verbaliser les
relations entre
ses acquis de
grammaire
textuelle et le
programme des
tâches
d’approche des
stratégies de
lecture au 1er
degré du
secondaire
Vérification de la cohérence
et de l’équilibre de ce
programme de tâches en
regard de la progression de
l’acquisition des
compétences des normaliens
d’une part, des élève
d’autre part et ce, en regard
des programmes officiels.
3.3. Explications
Ligne 1 :Tâche 1/objectif-obstacle1 : l’enseignement-apprentissage de la lecture constitue , dès la première année de
formation, tant pour les instituteurs que pour les futurs enseignants du secondaire, un pan très important, prioritaire même
de la formation. Apprentissage initial, apprentissage continué représentent évidemment des missions à haute
responsabilité pour tous les enseignants, même dans le secondaire supérieur car effectivement, « on n’a jamais fini
d’apprendre à lire » comme le disent à la fois chercheurs, décideurs et sens commun. Les programmes scolaires le
prévoient bien sûr également.
L’enjeu sociétal, scolaire, humain de cet apprentissage ne fait aucun doute et il semble donc approprié à l’exercice de la
compétence d’enseignant N°1 Mobiliser des connaissances en sciences humaines pour une juste interprétation des
situations vécues en classe et autour de la classe et pour une meilleure adaptation aux publics scolaires,
La tâche complexe que je leur propose représente une des problématiques possibles de cet enseignement-apprentissage.
De plus, dans notre curriculum, l’enseignement explicite des stratégies de lecture est prévu en 2ième année de formation.
Au cours de leurs stages, les étudiants seront donc déjà confrontés à ces responsabilités et il sera déjà nécessaire qu’ils
analysent leur mission en fonction du « public scolaire » rencontré. Il est donc nécessaire de « créer le besoin » , « motiver le
travail » comme on dit chez Freinet et Montessori (invariants).
Pourquoi le travail de l’inférence ? Une progression est bien sûr proposée aux étudiants pour prendre en charge les différentes
stratégies de lecture depuis l’examen du paratexte jusqu’aux opérations de synthèse, d’interprétation, d’extrapolation. Le
travail de l’inférence constitue déjà une opération assez difficile et sa prise en charge vivement recommandée par de
nombreux chercheurs, en FWB notamment par Dominique Lafontaine, chargée de missions pour l’analyse des résultats des
grandes enquêtes internationales 10telle l’enquête PISA, enquêtes qui ont mis en évidence les faiblesses de nombreux élèves
wallons et bruxellois dans la pratique de l’inférence.
Quant au choix de la « forme » de la tâche-finale de cette tâche problème, une séquence didactique, il répond lui-aussi aux
recommandations officielles et aux options de travail décidées avec les collègues de psycho-pédagogie et maîtres de
formation pratique ;
Ligne 2/objectif-obstacle 2
A ce stade, mon travail consistait mettre en œuvre différents dispositifs de découverte, d’analyse et de recherche du concept
d'inférence. Bien que les lectures qui leur ont été proposées dès la 1ère année pour les initier à la théorie de l’apprentissage de
la lecture11 les aient déjà confrontés à cette opération de lecture, il s’agissait de l'approfondir avant toute transposition
didactique. J’ai proposé d’entrée de jeu une petite « mise en situation » : un classique exercice de lecture – questionnaire de
compréhension sur un texte de Nico HIRTT, intitulé Ecole et discipline : retour au 19e siècle ?12
Outre la réponse aux questions, il est demandé aux étudiants une réflexion métalinguistique sur les opérations mentales
qu’ils avaient effectuées pour trouver les réponses et déterminer s’il s’agissait d’inférence et si oui, de quelle nature. Mon
10Document envoyé au PIREF en vue de la conférence de consensus sur l’enseignement de la lecture à l’école primaire les 4 et 5 décembre
Comment faciliter, développer et évaluer la compréhension des textes aux différentes étapes de la scolarité primaire ? Dominique
Lafontaine, Université de Liège
http//bienlireéducation.fr 11 Des auteurs tels CHAUVEAU, GIASSON, BENTILOLA, GOIGOUX, CHARMEUX, FAYOL , les Liégeois, TERWAGNE et
NYSSEN . 12 lundi 22 novembre 2010 par Nico Hirtt
DOSSIER "SURENCHÈRE SÉCURITAIRE", revue de l’APED (Appel pour l’Ecole Démocratique)
- 11 -
intention était de leur faire prendre conscience de la difficulté que représente ce type du raisonnement ainsi que de ces
multiples facettes : un travail qui relève de démarches de grammaire de texte et/ou de grammaire de phrase.
Ce premier « débroussaillage » a permis de faire prendre conscience de la complexité du concept d’inférence et du grand nombre de
facteurs qui entrent en ligne de compte pour la compréhension des « zones d’implicite »
Ensuite, j’ ai invité les étudiants à faire des recherches dans la littérature scientifique et pédagogique relative au concept
d’inférence. Et c’est ici que le travail a un peu « dérapé » car si de nombreuses informations intéressantes étaient relevées, surtout dans les
ouvrages de J.GIASSON13, les distinctions opérées, entre inférence logique et inférence pragmatique et/ou culturelle d’une part,
entre les différentes catégories sémantiques d’inférences d’autre part ( inférences de lieu, de cause etc…), ne rendaient pas compte
justement de manière satisfaisante des opérations mentales, des opérations linguistiques effectuées par les lecteurs et rendaient donc
difficile l’enseignement-apprentissage de véritables stratégies pour comprendre.
Dès lors, la réflexion collective s’est attachée à chercher d’autres pistes d’analyse de l’opération d’inférence et c’est un tableau de J.GIASSON, à nouveau, qui a été le point de départ de ce qui est véritablement devenu un jeu de catégorisation des
inférences, jeu qui a pris beaucoup de temps, qui a fait explosé le planning de travail général mais qui a été très enrichissant ( voir document " LE TRAVAIL DE L'INFÉRENCE EN LECTURE DE TEXTES AU PREMIER DEGRÉ DU SECONDAIRE »,
proposé par S.ANDRIANNE et C.GILLON)
Le repérage dans le programme de la FWB ( les « Socles de Compétences dans le fondamental et le 1er degré de l’enseignement
secondaire ») de la compétence de lecture à travailler effectué14a mené les étudiants afin donc de « Maîtriser la didactique
disciplinaire qui guide l’action pédagogique » à s’interroger sur l’objectif général, les objectifs opérationnels, les tâches et les
étapes de la séquence didactique intitulée « Je lis entre les lignes ».
La tâche finale pour les élèves du secondaire, consistait, en duos, en la rédaction d’une analyse ou plutôt d’un commentaire
explicatif complété d’un jugement de goût motivé, à présenter aux élèves de la classe, d’un texte de chanson française au choix
parmi une liste de dix titres15.
Elle comportait l’obligation de clarifier et de justifier toutes les « zones d’implicite ».
Le plan général de la séquence a été travaillé en atelier trio sur base d’un schéma , inspiré des modèles de B.BLOOM ET B.REY,
proposé par V.Namotte, professeur de psycho-pédagogie
Les tâches de découverte, d’exercisation et de transfert portaient successivement sur des analyses de poèmes, chansons (en
particulier et de manière approfondie sur la chanson de Grand Corps Malade, Bulletin Météo, annexe 5 et 6) et de publicités .
Un dispositif nommé « texte balisé » a aussi été réalisé en grand groupe pour travailler essentiellement les inférences culturelles ( ou
pragmatiques) car si les programmes préconisent en priorité le travail de l’inférence dite logique, par souci d’équité, tous les élèves
n’ayant pas le même bagage, il semble qu’il soit légitime et utile de travailler l’inférence culturelle, avec l’aide d’outils si nécessaire.
Ligne 2/objectif-obstacle 4
La visée de la compétence « Faire preuve d’une culture générale importante afin d’éveiller les élèves au monde culturel » est
souvent, je l’avais souligné plus haut, liée aux opportunités extérieures . Il se trouve que, au cours de l’élaboration de cette séquence,
l’intérêt des étudiants pour le langage publicitaire, qui est effectivement une mine d’occasion de pratiquer la levée d’inférences m’a
incitée à faire appel à des personnes-ressources du Centre audiovisuel de Liège. I.COLIN et T.YUNGBLUT sont des collègues avec
lesquels je travaille souvent et ils sont très spécialisés dans l’éducation aux médias.
Ainsi les étudiants ont été invités à découvrir au cours d’une petite formation d’une demi-journée le BABA de la lecture d’images, de
la rhétorique de l’image, de l’image médiatique et publicitaire en particulier.
A nouveau, un dérapage dans notre calendrier de travail s’est opéré à cette occasion. Dérapage très amusant et très porteur mais
catastrophique pour le planning général.
En effet, il est apparu aux étudiants qu’un parallélisme pouvait être établi entre les opérations d’inférence textuelle et les opérations
d’inférences visuelles et c’est un nouveau tableau , sur base de catégories parallèles au premier tableau de classement des inférences
textuelles qui a été construit : sont mises en parallèle d’une part les inférences liées aux microprocessus de lecture, au plan des mots
et de la phrase et les inférences de lecture d’image liées aux microprocessus, c’est-à-dire au plan de l’image fixe ; ensuite viennent
les processus d’intégration qui, en termes de lecture d’image correspondent aux passages d’une image à une autre dans une suite
d’images fixes ou mouvantes(ex BD). Nous passons alors aux macroprocessus, étudiés au plan de l’image en mouvement. Il est
question en outre, comme en lecture de texte, de processus d’élaboration au-delà du document visuel et, enfin, de processus
métacognitifs.
13 GIASSON, La compréhension à la lecture
Bruxelles De Boeck Universités 2007 14 “Elaborer des significations:gérer la compréhension du document pour découvrir les informations implicites (inférer), à partir
d’éléments dispersés, à partir de connaissances personnelles et de schémas construits en classe 15 OLYMPE, Nos yeux d’enfants; E.MOIRE, Beau malheur; ZAZ, On ira; V.PARADIS, Il y a; STROMAE, Papaoutai;
B.LAVILLIERS, Un enfant; EXSONVALDES, L’Aerotrain; RENAUD, Le temps est assassin; OBISPO, PAGNY, CALOGERO, Y
a pas un homme qui soit né pour ça, C.MAÉ, Charly.
- 12 -
Cette incursion dans le monde de l’audio-visuel a permis aussi que soient ajoutés dans la séquence didactique des exercices plus
ludiques de lecture et d’explicitation de clips vidéos publicitaires .
Ligne2/objectif-obstacle 5
Différents dispositifs didactiques ont été imaginés par les étudiants. Ce travail s’est aussi effectué au cours de travaux de groupes,
commentés et discutés en grand groupe. Sans véritables élèves, en chair et en os, pour expérimenter ces dispositifs, nous travaillions
dans la simulation et sur base des commentaires critiques des étudiants eux-mêmes pour imaginer le déroulement méthodologique
des activités.
Citons parmi les dispositifs imaginés, par exemple, le "texte balisé" réalisé sur base d’un texte humoristique et parodique, Le loup et
l’autre agneau, d’un auteur nommé K.Moufle. Ce texte est présent et exploité dans l’ouvrage de J-L.DUMORTIER ET M.DISPY,
Aider les jeunes élèves à comprendre et à dire qu'ils ont compris le récit de fiction16.
L’activité d’exploitation d’un texte de fiction est donc développée dans l’esprit de cet ouvrage et de celui rédigé par M.DISPY17,
Pour étayer l’apprentissage de l’implicite. C’est juste la présentation qui change. Une présentation, un mode de lecture que les
étudiants ont voulu ludique.
Les fiches-outils et synthèses ont abordé les notions théoriques suivantes, jugées nécessaires à la compréhension des textes abordés :
En grammaire : la voix passive ( abordée aussi pour ses valeurs d’emplois stylistiques et énonciatifs)
En vocabulaire : sens propre-sens figuré
En stylistique : quelques figures de base : comparaison, métaphore, métonymie, oxymore
Par souci de cohérence et d’efficacité, il a été conseillé aux étudiants , comme mentionné entre autres, dans l’article
d’E.FALARDEAU et J-C. GAGNÉ, intitulé « L’Enseignement explicite des stratégies de lecture. Des pratiques fondées sur la
recherche »18, de prévoir, textuellement dans leurs préparations, des interventions explicites vis-à-vis de leurs élèves, dès le début de
chaque séance, pour présenter la stratégie à l’étude, expliquer sa valeur instrumentale , justifier comment chaque étape de travail
pourra les aider à atteindre une certaine autonomie dans ces opérations de lecture.
En outre la collaboration avec le Centre audiovisuel a permis la réalisation de « webdocumentaires », présentés comme aides à la
lecture. Il s’agissait donc d’outils technologiques, réalisés grâce à un logiciel nommé »Thinglink », qui permettent, grâce à une
connexion internet, de compléter des textes par des liens qui sont autant de pistes de lecture, d’indices et d’invitations à certaines
recherches. Ces liens sont annoncés par des puces dans le texte.
Voilà pour la transposition didactique et les dispositifs élaborés travaillés à cette occasion. J’ai suggéré que les tâches particulières à
chaque étape du travail soient réparties entre différents groupes de travail mais qu’une mise en commun à l’issue de chaque séance
permettent discussion , remise en question , voire reconstruction des activités.
Ligne 2 /objectif-obstacle 6
La planification d’ensemble de notre travail a dû être revue à plusieurs reprises, de nombreuses régulations ont été opérées, tant au plan du développement des activités prévues dans la séquence didactique qu’au plan des recherches diverses que cette
séquence nécessitait. Cette expérience s’est déroulée sur trois mois ( au lieu de deux initialement prévu), à raison de +_ 10 heures
de cours/semaine ! Projet enrichissant mais glouton en termes de temps ! Nous y reviendrons dans la conclusion.
Néanmoins, cet exercice de « gestion de projet », imposant organisation, réflexion, modifications et ajustements continuels fut
formatif, me semble-t-il , et au moins un bon indicateur pour son application dans l’exercice du métier.
Une ébauche de grille d’évaluation de ce travail général a été discutée avec les étudiants.
Ligne3 /objectif-obstacle 7 : l’évaluation !
Pierre d’achoppement de l’édifice! Grande difficulté : qu’évaluer ? comment ?
Évaluer un potentiel d'action relève de la gageure! La tâche-témoin imaginée en guise de preuve tangible de la maîtrise des
compétences est toujours artificielle et rien ne garantit le transfert.
16 Aider les jeunes élèves à comprendre et à dire qu'ils ont compris le récit de fiction
Jean-Louis DUMORTIER, Micheline DISPY
Presses universitaires de Namur • Tactiques 17 DISPY, M., Pour étayer l’apprentissage de l’implicite, Tactiques n°6, CEDOCEF 2011 18 Érick Falardeau et Julie-Christine Gagné
L'enseignement explicite des stratégies de lecture
Des pratiques fondées sur la recherche
in Enjeux, n° 83, printemps/été 2012
- 13 -
Néanmoins, il faut évaluer afin de , comme le dit De Peretti (1998), mesurer l’écart entre un résultat et un objectif, et en recherche les
causes.
Les étudiants étaient chargés lors de la tâche finale de ce module d'apprentissage de réaliser à leur tour, seuls cette fois, une nouvelle
séquence didactique pour le secondaire, destinée à travailler une autre stratégie de lecture.
Provisoirement, la grille que nous appliquons collégialement à l’évaluation des travaux d’AFP ( atelier de formation pratique) a été
utilisée pour chaque étudiant à qui il a été demandé, en fin d’année, de réaliser , individuellement cette fois, une séquence didactique
visant le travail d’une des stratégies de lecture abordées en cours d’année. Cette formule n’est pas tout à fait satisfaisante.
Ligne 4 /objectif-obstacle 8
Le programme d’approche de l’enseignement-apprentissage des autres stratégies de lecture est bien inscrit, en fait toujours en
chantier, au cours du 2ième bloc des 2ens français .
Il est étroitement en lien avec les notions de grammaire textuelle étudiées en 1er Bloc et comporte ces autres parties :
- Projet de lecture et exploitation du para-texte
- Structures de textes et types de discours : étude de la progression thématique, de cohérence et de la cohésion textuelles
- Etude des procédés d’énonciation
4. CONCLUSIONS
L'approche par compétences appliquée à la formation des enseignants présente, selon mon expérience, les avantages
suivants. Elle suscite la motivation et l’engagement des étudiants. Elle engendre un processus de travail dynamique et créatif.
Elle semble une excellente incitation pour former davantage l’esprit d’ " enseignants chercheurs", comme dit notre
Référentiel de compétences, et pourrait ainsi réduire réduire l'écart entre la recherche et la pratique. Elle permet parfois la
sérendipité et ainsi, suggère la constante remise en question. Enfin, elle impose l’exercice rigoureux de la planification du
travail .
Par contre, les risques suivants sont omniprésents : la planification d'ensemble du travail est toujours menacée et doit être
revue régulièrement. La gestion du temps est difficile, il y a souvent risque de dispersion. Le transfert des compétences est
difficilement garanti et surtout l’évaluation est très relative, pour les raisons évoquées plus haut, et parce que des
compétences sont toujours en construction ou perfectibles.