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La Guyane
Française
Entre continent
européen
et sud-américain
Lagneau Mauranne, Lorier
Anaïs, Pommier Fanny
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Sommaire
I) La Guyane devenue française
A) La découverte de la Guyane et sa colonisation
B) La Guyane Française, une colonie qui le reste : conséquences et
intérêts de la colonisation
C) La départementalisation de la Guyane et ses causes
II) Un espace avantageux pour la métropole, qui a ses limites
A) La Guyane, un territoire avantageux à différentes échelles
B) Les difficultés rencontrées en Guyane française: des solutions
inefficaces
C) Quelles évolutions pour le futur?
III) Et les frontières?
A) La frontière maritime
B) Entre Suriname et Brésil
C) Problèmes de l'orpaillage
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Introduction
En 1976, Jean-Claude Guillebaud publie chez Seuil Les confettis de l'Empire, ouvrage
dans lequel il s'intéresse à ce que l'on appelle la France d'Outre-mer. Le terme « confettis »
n'est pas choisi au hasard, il représente quelque chose de petit, mais surtout d'insignifiant,
digne de peu d'intérêt. Pourtant, appliquée à la Guyane française, « confetti » de 84 000 km²,
soit plus d'un septième de la France métropolitaine, cette appellation a de quoi surprendre.
Mais il est vrai qu'on ne peut que s'étonner de l'indifférence générale avec laquelle sont traités
les DOM-TOM et autres collectivités territoriales. Celle-ci est pourtant une réalité, et on peut
l'illustrer à partir d'un événement de novembre 2008: La Guyane, parcourue de mouvements
de protestations contre le prix trop haut du pétrole, est totalement paralysée. Il a fallu onze
jours aux manifestants pour obtenir satisfaction, avec des coûts journaliers allant de 13 à 15
millions d'euros et la couverture médiatique au niveau national a été quasiment nulle. Les
Guyanais ont du utiliser des moyens de pressions extrêmes (le report d'un lancement de fusée
Ariane sur le site de Kourou) pour parvenir à attirer l'attention de Paris, alors que l'on
n'imagine mal une telle lenteur à réagir de la part des pouvoirs publics si cette situation s'était
produite en Alsace, ou dans tout autre département de la « métropole ». Comment expliquer
cette indifférence face à un département aussi vaste que la Guyane Française? L'éloignement
suffit-il à expliquer ce phénomène? Si oui, on peut envisager que la Guyane est en réalité
rattachée de manière plus forte à sa position géographique et au continent sud-américain.
Finalement, ce sont les liens de cette région avec l'Europe et l'Amérique du Sud qui peuvent
être interrogés, afin de déterminer au mieux comment la Guyane se définit.
Comment se définit la Guyane à partir de ces liens avec l'Europe et l'Amérique du sud?
Nous étudierons en premier lieu le passé de la Guyane, qui est marqué par une
implantation progressive des Français, celle-ci s'intensifiant à partir du XVIIè siècle. Nous
verrons ensuite que la France tire de multiples avantages du département de la Guyane, sans
régler de manière efficace les problèmes que celui-ci rencontre. Nous nous pencherons dans
un dernier temps sur la manière dont la Guyane s'organise de manière indépendante avec ses
partenaires américains, à travers l'étude de ses frontières.
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I. La Guyane devenue française
Il semble contradictoire à première vue que la préfecture d’un département français,
Cayenne, se situe à 7086 kilomètres de la capitale, Paris. Nous nous intéresserons alors ici à
ce qui a fait de cet espace appartenant au continent de l’Amérique du Sud, un espace
politiquement européen et même Français.
Notons tout d’abord que l’on s’attache ici à l’étude de la Guyane Française. Il ne faut donc
pas qu’il y ait confusion avec le Guyana (ancienne Guyane britannique) et le Suriname
(ancienne colonie hollandaise).
A. La découverte de la Guyane et sa colonisation
La colonisation Française s’est faite durant deux périodes. Celle de la Guyane a eu lieu
durant la première par opposition à celle du XIXe siècle où l’espace colonial est aujourd’hui
indépendant.
L’Histoire de cette terre remonte à de nombreuses années. Des traces d’une activité
humaine ont été découvertes (des poteries pas exemple) datant du VIème millénaire avant
notre ère, ce sont les premiers amérindiens. Par la suite plusieurs peuples indiens s’y
succèdent.
a) La colonie Française peine à s’installer…
La côte de Guyane est reconnue par Christophe Colomb en 1498. A cette époque, le
Nouveau Monde est partagé selon le Traité de Tordesillas (1494) entre le Portugal et
l’Espagne mais la France tente tout de même de coloniser la Guyane.
C’est Vicente Yanes Pinzon (Vincent Pinçon) qui découvre la Guyane en 1500. De là nait
la légende de l’El Dorado (une contrée mythique d’Amérique du Sud supposée regorger d’or
qu’un espagnol, Martinez, prétendait avoir découvert). Plusieurs aventuriers s’y succèdent
alors au cours du XVIème siècle (Nicolas Guimestre y fait un voyage en 1539, l’Anglais
Robert Baker en 1562, les Anglais John Ley et Lawrence Keymis et le Hollandais Adrian
Cabeliau de 1596 à 1598). Les vraies implantations humaines naissent surtout au XVIIe siècle
avec des occupations de durée plus longue d’embouchures fluviales de la France, de
l’Angleterre et des Pays-Bas.
C’est en 1604 qu’une expédition menée par le capitaine Daniel de Larivardière fait
connaître cette colonie, quelques Français se fixent dans l’île appelée par la suite l’île de
Cayenne. A cette même date, la colonie prend le nom de France équinoxiale (terme employé
parce que la durée des jours et des nuits reste approximativement la même toute l’année).
Mais la colonisation ne se fait pas si simplement. Des colonies anglaises s’y installent aussi,
en 1604 des anglais occupent la rive gauche des bas de l’Oyapock jusqu’en 1608. En 1626,
1628, 1630 et 1633 des Français viennent s’établir à plusieurs endroits de cette région (à
Sinnamary et sur les rives du Counamana). En 1933, les Anglais et les Hollandais s’installent
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tous deux sur l’île connue aujourd’hui comme l’île de Cayenne. Cette même année des
Français s’établissent sur la côte de Rémire. Ces derniers, en 1635 fondent la ville appelée
ensuite Cayenne et construisent le fort qui la défendra. Plusieurs hommes, par exemple en
1643 sous la conduite de Poncet de Brétigny, viennent coloniser la Guyane. Cependant, le
climat équatorial, les maladies et les guerres contre les amérindiens font que nombre d’entre
eux meurent. Ainsi, en 1945, la Guyane est vide de colons (environ 600 sont morts entre 1604
et 1645).
b) … mais elle s’impose tout de même au cours du temps, …
A nouveau en 1652, environ 700 hommes, des Français, viennent à Cayenne. Mais, en
1654, la colonie est encore une fois détruite (par les indiens et les maladies intestinales). En
1663, 1000 nouveaux colons arrivent à Cayenne où ils chassent les Hollandais, venus peu
après 1654 et ayant apporté les premiers esclaves noirs. Colbert, en 1664, crée la Compagnie
des Indes occidentales, la Guyane en devient sa possession. En 1667, les Anglais ravagent la
colonie mais ne s’y établissent pas. Les Français se reconstruisent, avec pour chef lieu Armire
(Rémire). Dès 1674, Colbert décide d’administrer directement cette colonie et la retire de la
Compagnie. C’est ainsi qu’elle commence à devenir prospère (il commence à introduire la
culture de la canne, du coton, de l’indigo et grâce à la traite des noirs cultive du café par la
suite). La colonie est prise par les Hollandais en 1676. Les français la reprennent cette même
année.
L’année 1696 compte 600 Français sur l’île de Cayenne, 1500 esclaves noirs étaient
comptés en 1685. La population ne fait que croitre au XVIIIe siècle, avec en grande majorité
des esclaves noirs (4634 esclaves sur une population de 5290 en 1740) et c’est à cette période
que l’on peut dire que la France s’impose en Guyane. La deuxième moitié du XVIIIe siècle
est aussi marquée par beaucoup de morts côté Indien (8000 morts en 1762, 12000 entre 1763
et 1765). La population ne cesse d’augmenter (14520 personnes en 1790), en 1763 par
exemple Choiseul organise une opération visant à repeupler la Guyane. Le XIXe siècle est le
théâtre d’une Guyane où s’établit de plus en plus de colons, des villes sont fondées comme
celle de Mme Javouhey qui deviendra Mana.
Plan de l'Isle de Cayenne ou les
François ont fait descente et commencé
leur habitation le 17 Septembre 1652.
On remarque au dessus du
fort: L'habitation de Cabassous
Capitaine et L'habitation de Bimont un
des capitaines des Sauvages.
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c) … cependant, le territoire est contesté.
Différents contentieux sont présents à propos de la délimitation des frontières.
Premièrement, la France en a un qui durera longtemps avec le Portugal puis le Brésil. Il
débute au XVIIe siècle lorsque France et Portugal se disputent la rive sud de l’amazone. Un
traité, le traité d’Utrecht (11 Avril 1713) devait terminer ce différent mais le prolonge jusqu’au
XXe siècle. Celui-ci stipule que la France renonce aux terres situées entre la rivière des
Amazones et celle de Vincent-Pinçon, que la navigation de l’Amazone ainsi que les deux
rives du fleuve appartiennent au Portugal et que la rivière Vincent-Pinçon sert de limite aux
deux colonies. Or, les Portugais prétendirent que la rivière était l’Oyapock et les français
qu’elle était l’Araguary.
Un autre différent concerne la frontière entre Guyane Française et Guyane hollandaise.
C’est en 1905 que les deux partis se mettent d’accord.
B. La Guyane Française, une colonie qui le reste : conséquences et
intérêts de la colonisation
Si la Guyane est restée aux mains des Français, c’est qu’elle avait une part non
négligeable de qualités qui en faisaient une contrée utile. On s’intéresse alors à ses points forts,
qu’ils soient politiques ou économiques.
a) L’utilité de la Guyane est politique et religieuse …
La colonisation de la Guyane, comme des autres colonies issues du premier espace
colonial, a différentes explications. La rivalité entre l’empire Austro-espagnol de Charles
Quint et François Premier en est une. En effet, la colonisation peut s’expliquer par un désir de
puissance géographique qui nourrit une puissance politique. Le roi de France, François 1er
souhaite ainsi contrer le poids colonial de l’Espagne et du Portugal en cherchant à coloniser.
Plus précisément, celui-ci conteste le traité de Tordesillas, faisant qu’Espagnols et Portugais
se partagent le monde, et l’hégémonie qui en découle. Selon lui, une terre appartient à son
possesseur et non à son inventeur. Cette même politique se poursuit à la mort de ce roi. En
effet c’est sous l’impulsion de Richelieu et de Colbert que la colonisation de la Guyane va se
poursuivre.
Aussi, il faut noter que la colonisation peut s’expliquer par des facteurs religieux, le
souhait de propager la foi chrétienne grâce à des missions.
b) … mais elle est aussi économique.
La diversité biologique de la Guyane (or, diamants, fer, bauxite, eau, bois) constituent des
trésors. A cette époque, les mercantilistes, les précurseurs de la pensée économique, voient la
richesse d’un pays par son accumulation de métaux. L’exploitation d’une région comme la
Guyane peut donc permettre d’enrichir la France par le simple fait que l’or par exemple est
pris sans être achetée (l’or est exploité jusqu’à aujourd’hui, le début du XXe siècle est marqué
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par une ruée vers l’or (développé dans le III)). Mais pour exploiter ces matières premières, il
faut des bras. C’est donc justement pour cela que les colons ont recours à l’esclavage.
Les premiers esclaves viennent en Guyane à cause des
Hollandais dès la deuxième moitié du XVIIe siècle. Leur
nombre ne fait que s’accroitre pas la suite. En 1673, Louis
XIV permet la création de la compagnie du Sénégal
destinée à mener les esclaves noirs aux Antilles et à la
Guyane. On compte environ 15000 esclaves. De plus, sous
le ministère de Colbert, en 1685, le code noir est crée.
Celui-ci est un ensemble de 60 articles réglant la vie des
esclaves noirs dans les îles françaises (par exemple, ce code
stipule que la condition des personnes est héréditaire), il
légalise en quelque sorte l’esclavage. En 1839, la
population guyanaise est de 20940 habitants (5189 libres
contre 15761 esclaves). Le code noir est valide jusqu’en
1848 où l’esclavage est aboli définitivement. En effet, il est
aboli une première fois en 1794 jusqu’en 1802 où il est
rétabli par Napoléon Bonaparte.
Une fois l’esclavage aboli, la Guyane connaît une nouvelle utilisation. Elle sert à la France
de terre de déportation des opposants politiques. Le commencement de cette colonie
pénitentiaire se fait grâce à Louis Napoléon en 1852 du fait d’un décret de 1851. Plusieurs
pénitenciers sont successivement établis (car évacués pour cause d’insalubrité) et entre autres
sur l’île de Cayenne. On dénombre 18000 « transportés » de 1852 à 1867. Mais à partir de
1867 jusqu’en 1887, c’est la Nouvelle-Calédonie qui devient la principale colonie pénale.
Cependant à partir de 1887, la Guyane est réutilisée pour les condamnés européens ayant à
subir plus de huit ans de peine et pour tous les condamnés arabes et noirs. Fin XIXe siècle, on
peut compter quatre pénitenciers en Guyane Française (à Cayenne, aux îles du Salut, à
Kourou et au Maroni). Le bagne (établissement pénitentiaire dédié aux travaux forcés)
guyanais est connu dans l’Histoire avec par exemple l’arrivée du capitaine Dreyfus le 12 mars
1898. Un décret-loi ordonne la suppression de la déportation en Guyane le 17 juin 1938 et le
17 août 1946, les cent quarante-cinq détenus sont rapatriés de Guyane à Marseille.
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On peut ainsi remarquer que si la Guyane a été colonisée et si elle l’est restée c’est à cause
de ses qualités à la fois économiques mais aussi de son emplacement. Bien que la distance
puisse apparaître comme négative pour le commerce, elle l’est beaucoup moins concernant
d’autres activités, à savoir celle de colonie pénitentiaire. Une fois cette activité terminée on
peut s’interroger sur ce qu’il se passe ensuite.
C. La départementalisation de la Guyane et ses causes
En 1946 est adoptée la loi de départementalisation faisant de la Guadeloupe, de la
Martinique, de la Réunion et de la Guyane, des départements Français. Celle-ci est adoptée à
l’unanimité sur la proposition d’Aimé Césaire alors le plus jeune député d’Outre-mer. On peut
s’interroger ainsi sur la réussite ou non de cela.
a) Une uniformisation avec la métropole qui ne semble pas totale …
Cette loi, espérée depuis longtemps, permet de séparer clairement deux périodes. Celle de
la Guyane en tant que colonie, exploitée pendant longtemps par la métropole, et une nouvelle
période qui fait de la Guyane Française un département comme tous les autres composants le
pays. Ce DOM semble alors « officiellement » Français.
Cependant, le lourd passé de la traite et de l’esclavage est un fait qui reste toujours ancré
dans les mémoires collectives. De plus, la distance entre la Guyane et la France
métropolitaine présente une dimension marquante de la séparation. Il parait en effet difficile
aujourd’hui de penser la Guyane de la même façon que l’on pourrait penser n’importe quel
autre département Français.
C’est justement toutes ces « distances » (dans tous les sens du terme : géographique, dans
les représentations…) qui nous amènent à nous demander pourquoi la Guyane n’est pas
devenue indépendante ou tout du moins plus indépendante que ce qu’elle est aujourd’hui par
opposition à d’autres anciennes colonies.
b) … est le résultat d’une assimilation à défa ut d’une autonomie.
La Guyane, comme nous avons pu le dire, a connu une exploitation coloniale ancienne
orientée vers la métropole. Ceci a ainsi empêché le développement de processus locaux de
développement financier, commercial et social. Par exemple, le Pacte colonial interdisait toute
relation commerciale de la Guyane avec l’étranger. Le monopole de la métropole, malgré
l’abolition du Pacte colonial par Napoléon III, ne semble pas beaucoup évoluer.
Cette assimilation culturelle et politique se poursuit durant une longue période. La Guyane,
et plus généralement les DOM, sont de « vieilles colonies » par opposition aux TOM. La
Guyane a connu l’Ancien Régime et l’esclavage, le peuplement actuel est presque
complètement le résultat de la colonisation. C’est ainsi que l’on peut comprendre le processus
s’assimilation.
Finalement, c’est le passé colonial de la Guyane qui fait que cet espace reste Français.
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Comme nous avons pu le dire, la reconnaissance officielle de ce département en 1946 fait de
cet espace pourtant depuis longtemps exploité par les Français, une région réellement
Française. Cependant, les représentations de la Guyane que les habitants de la métropole
peuvent avoir semblent ne pas être en accord avec l’évolution politique. En 1889, lors de
l’exposition coloniale, un discours officiel se met en place pour présenter cette « vieille
colonie ». Une vision de celle-ci, ou plutôt des stéréotypes se construisent et figent ainsi pour
longtemps l’image de la région. De nos jours, la Guyane a encore un statut à part comparée à
la Guadeloupe ou la Réunion. Quels sont vraiment les rapports actuels entre la Guyane
française et la France métropolitaine (et à travers elle, le continent européen) ?
II. Un espace avantageux pour la métropole, qui a ses limites
La Guyane Française est le plus grand département de France. Avec une superficie de
84 000 km², elle représente quasiment le double de la plus grande région française, les Midi-
Pyrénées. Ses spécificités géographiques (son éloignement, ses pays frontaliers, son littoral, sa
faible population très variée...) en font un espace particulier pour la métropole mais aussi pour
l'Europe. Il présente des avantages certains, mais aussi des problèmes notoires. La gestion
malaisée de ces problèmes par la métropole nous fait nous intéresser à la véritable situation de
la Guyane française, en tant qu'entité géographique.
A. La Guyane, un territoire avantageux à différentes échelles
a) L'avant-poste de la France en Amérique
La Guyane est un département français depuis 1946, elle a donc un statut en
conséquence. Néanmoins, c'est un département d'outre-mer, ce qui souligne certaines
spécificités. C'est un territoire sous souveraineté française qui est situé hors du continent
européen. De plus, la Guyane appartient aux Départements Français d'Amérique (DFA), avec
la Guadeloupe et la Martinique. Elle présente de nombreux atouts qui placent la France
comme un pays riche et économiquement compétitif sur certains produits, mais qui
l'introduisent surtout comme partenaire politique avec le Brésil par exemple.
Le Centre Spatial Guyanais (CSG) est un atout majeur sur
différents plans. Issu de la volonté du président De Gaulle d'être
indépendant et d'avoir une certaine efficacité dans le domaine spatial,
le CSG permet également de développer l'économie guyanaise. C'est
le 14 avril 1964 que le Premier Ministre Georges Pompidou choisit
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l'emplacement de la base, et le Centre s'installe à Kourou en 1965. L'emplacement est idéal: il
est située près de l'équateur, avec une ouverture importante sur l'océan et est relativement
protégé d'un climat parfois difficile.
Depuis près de 50 ans, elle s'est étendue, notamment à travers le
programme Véga et la base Soyuz de Malmanoury. De plus,
depuis 1982 et à partir des lois de déentralisation, on note un
transfert de compétences vers les collectivités territoriales. Il est
maintenant le port spatial de l'Europe, et a un rayonnement
commercial mondial grâce aux lanceurs comme Ariane 4 ou 5. Le
11 février 2008, le Président de la République Nicolas Sarkozy a
visité la base de Kourou, pour saluer un des avantages majeurs de
la Guyane pour la France.
La France possède la seconde Zone Economique
Exclusive (ZEE), en majorité grâce à l'outre-mer. La ZEE de la
Guyane participe à cette position. D'autres avantages tiennent
aux différentes ressources naturelles: 90% du territoire
guyanais est recouvert par la forêt amazonienne, la richesse
halieutique, l'exportation de produits exotiques, le potentiel en
matières premières des nodules polymétalliques sous-marins...
La Guyane française est un territoire appréciable pour ses
ressources que l'Etat français canalise, créant une certaine dépendance du département au
continent.
La Guyane est appelée à devenir l'avant-poste de la France au Brésil et un événement
récent nous le montre. En 1997 est lancée l'idée de construire un pont sur l'Oyapock, fleuve à
l'Est du département. Dix ans plus tard, Nicolas Sarkozy, le président français et son
homologue brésilien Lula signent une déclaration pour lancer enfin en 2008 la construction
d'un pont sur le fleuve qui sépare les deux pays. Ce pont représente un investissement de 38
millions d'euros. De plus, le président français a déclaré être "prêt" à des "transferts de
technologie" (ce qui passerait par la construction d'avions de combat et d'hélicoptères -dont le
Rafale- au Brésil.) d'où un resserrement des liens économiques.
Néanmoins, il nous faut remarquer la lenteur du projet, qui a du attendre dix années
avant de prendre une forme concrète. De plus, la déclaration de l'actuel président français sur
ce « transfert » restait tout de même assez vague. Ainsi peut-on apporter une première nuance
dans l'appréciation de ce territoire qui est certes avantageux, mais l'Etat français semble peiner
à développer de manière concrète. Qu'en est-il au niveau européen?
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b) Une région ultrapériphérique: l'ultime frontière de l'Union Européenne?
La Guyane est une de la plus grande des neufs Régions UltraPériphériques (RUP),
c'est-à-dire qu'elle fait partie de l'Union Européenne mais qu'elle est située hors du continent.
Elle est ainsi un espace européen qui est situé dans le continent américain, ce qui lui confère
une situation très particulière.
Etablies par l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ces
RUP sont reconnues pour leurs spécificités: d'une part, elles sont pourvues d'atouts pour le
continent grâce aux produits agricoles exotiques et aux zones maritimes qui les entourent,
d'autre part leur développement est rendu difficile par l'éloignement et leur dépendance
économique à un faible nombre de produits. Au niveau européen, la Guyane est également
perçue comme étant en difficulté.
B. Les difficultés rencontrées en Guyane française: des solutions
inefficaces
a) De la défiscalisation à l''assistanat
La mesure de « défiscalisation » est en fait une aide fiscale à l'investissement dont le
but est les handicaps structurels de l'outre-mer. Né en 1952, renforcé en 1986 avec la « loi
Pons » (loi de finances rectificative), ce processus passe par une politique de subvention.
La Guyane reçoit des aides massives de la part de la métropole et de l'Union
Européenne. Ainsi, pour les DOM, qui sont régions d'objectif 1 au niveau de l'UE, les fonds
structurels pour la période 2000-2006 s'élèvent à 3,4 milliards d'euros (soit 300 €/habitant/an).
Sur la même période, les crédits des contrats de plan Etat/région vont jusqu'à 2,3 milliards
d'euros (avec une part de l'Etat de 856 millions d'euros). Ces mesures constituent un levier de
développement fort (de l'ordre de 450 €/habitant/an) et cela est encore plus marqué en Guyane.
Le chômage est très important dans la région, et le nombre de bénéficiaires n'a fait
qu'augmenter jusqu'à 2010.
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Face au chômage qui sévit fortement en outre-mer, on a voulu baisser le coût du travail: Il
existe depuis 1994 un dispositif de baisse des charges sociales crée dans ce but...
Depuis le XXIe siècle, il y a eu la loi de finances du 30 décembre 2000, dite « loi Paul
», qui permet l'acquisition d'un bien immobilier neuf dans les DOM-TOM, agrémenté de
fortes réductions d'impôt. Puis le 21 juillet 2003, la loi de programme pour l'outre-mer, dite «
loi Girardin » va encore plus loin, faisant passer de 25 à 40% le taux de défiscalisation des
logements locatifs «libres» (non soumis à conditions de ressources des locataires et à
plafonnement des loyers) et de 40 à 50% ceux des logements destinés à la location
«intermédiaire» (soumis à conditions de loyer et de ressources des locataires). Les dernières
mesures ont été prises en 2008, avec le projet de loi pour le développement économique des
outre-mer, pour renforcer le dispositif. Si ces mesures peuvent apparaître comme étant
bénéfiques, elles posent pourtant un problème, car le système fonctionne à l'image d'un cercle
vicieux. C'est un réel assistanat qui se développe et affaiblit l'économie. De plus, les
subventions que l'Etat fournit vont dans des activités pas ou peu rentables, n'encourageant pas
un développement durable.
b) L'immigration
L'immigration est un autre problème du département français de la Guyane. En 2004,
ce sont 8 000 personnes en situation irrégulière, originaires en majorité du Brésil et du
Surinam qui ont été reconduites à la frontière guyanaise. Cela représente près de 5% des
180000 habitants du département, et l'immigration est un problème réel. Selon l’Insee, 30%
de la population serait de nationalité étrangère (réguliers ou non), provoquant une forte
diversité ethnique au sein du département.
Les sites aurifères sont remplis de clandestins et depuis avril 2004, un escadron et
demi de gendarmes est mobilisé pour démanteler dans la forêt les sites aurifères clandestins,
qui pourraient contenir 10 000 illégaux. Mais la police manque de moyens pour intervenir de
manière efficace.
Un autre problème est celui des «Français sans état-civil»: les Amérindiens ou
descendants de Noirs marrons originaires des villages isolés des deux rives du Maroni, fleuve
frontière avec le Surinam. Selon l'ONG créée en 1969 Survival, en 2006, « dans la partie
amazonienne du département français de la Guyane vivent aujourd'hui quelque dix mille
Amérindiens dont les droits à la propriété collective de leurs terres, sur lesquelles ils étaient
autrefois souverains, ne sont toujours pas reconnus ». Leur situation est dans le flou juridique
et n'est toujours pas réglée.
C. Quelles évolutions pour le futur?
a) Les difficultés mal acceptées
La Guyane est en difficulté économique et elle a une situation encore plus malaisée
que les autres DOM, et selon l'INSEE, son PIB/Habitant n'a augmenté que de 3 000 euros de
1997 à 2009, contre environ 7 000 euros pour la Guadeloupe et la Réunion. Et d'après
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l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM), si en 2007, c'étaient 6750
personnes physiques interdites bancaires en 2007, la barre des 8 000 est franchie en 2010.
Des inégalités fortes entre la Guyane et la métropole et l'UE se font également sentir.
On peut citer pêle-mêle la dégradation du pouvoir d'achat, plus forte qu'en métropole, des
proportions plus importantes de chômeurs et de RMIstes, des écarts de prix immenses
pouvant aller jusqu'à 35% (essence), le salaire moyen outre-mer qui est inférieur de près de
10 % pour les emplois les moins qualifiés (qui sont aussi les plus nombreux)... D'après une
étude d'Eurostat 2006, le PIB/hab. de la Guyane ne représente que 50,5% de celui de l'UE.
« Nous payons la rançon de la départementalisation. Nous ne serons jamais français à part entière ;
loin de la France, nous n'aurons jamais le même fonctionnement qu'un département métropolitain.
Je pense que les pouvoirs publics n'ont pas conscience de la gravité de la situation et qu'il est en
train de s'installer dans notre île, de façon pérenne, un esprit révolutionnaire. »
Ce témoignage d'un internaute face au manque de réaction de Paris face aux régions
d'outre-mer est le reflet d'une pensée qui monte. Les inégalités sont plus fortes que jamais: la
conjoncture de ces dernières années a conduit à des réductions d'avantages et des réformes de
restriction économique, créant un mécontentement important. Ainsi, les avantages financiers
réservés aux fonctionnaires retraités installés outre-mer ont été supprimés, et un plafonnement
des avantages fiscaux liés aux investissements dans les DOM-TOM, qui était devenu une
véritable source de financement dans ces régions, a été adopté. Les plafonds exigés sont
actualisés chaque année, et en 2008, celui-ci était de 2 058 euros/m². La métropole s'essouffle
dans ses ambitions et a de plus en plus de mal à maintenir « sous perfusion » l'outre-mer, qui
perçoit négativement ces changements. Cela peut alimenter une dissociation entre plus forte
entre la Guyane française et la métropole.
b) Une Nationalité Guyanaise?
La Guyane française a des différences parfois très
marquées avec la métropole. Ainsi, si la langue officielle
est le français, de nombreuses autres langues locales sont
monnaie courante, à commencer par le créole guyanais, qui
serait né dès le XVIIè siècle suite aux tentatives de
communication entre les esclaves africains et leurs maîtres
français. On trouve également des langues surinamiennes,
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et amérindiennes. Le chinois est aussi très présent.
Le mouvement de décolonisation et d'émancipation sociale (MDES), en général vu
comme d'extrême gauche, est un parti politique qui veut obtenir l'indépendance du
département de la Guyane. En 1998, le MDES obtient 3 sièges et 8,6% des voix aux élections
régionales, contre 6,55 en 2004. Néanmoins, il est intéressant de noter que le président du
Conseil général de la Guyane, Alain Tien-Liong est également le conseiller général MDES du
canton de Cayenne-sud-ouest.
Ce mouvement vise à introduire une préférence ethno-territoriale dans l'ensemble des
secteurs d'activité guyanais. Il se revendique de le « guyanité », qui se veut un moyen de
s'émanciper de la tutelle française. C'est une idéologie politique qui s'enracine dans une
dualité entre colonisés et colons, à l'image de la dichotomie marxiste entre bourgeois et
prolétaires. Teintée de racisme, elle revendique un communautarisme et une discrimination
« positifs ». Avec la crise et le contexte économique difficile, on ne peut que supposer un
accroissement de la pensée nationaliste, qui pourrait devenir un problème d'une certaine
ampleur.
Malgré une situation bien inférieure à celle de la métropole, la Guyane est dans une
meilleure situation économique que les pays alentours. Cette tendance est même plus générale
et dans L'outre-mer français en mouvement, Jean-Christophe GAY explique que cette
opulence dans laquelle vit l'outre-mer français en comparaison des pays proches engendre une
situation complexe. Ainsi, il convient d'étudier quels rapports la Guyane entretient avec ses
pays frontaliers. Or, c'est justement à ces frontières guyanaises que nous allons nous intéresser,
car elles sont finalement le symbole des dynamiques guyanaises.
III. Et les frontières ?
La Guyane possède trois frontières extérieures: la façade maritime au nord-est, d'environ
380 km, la frontière franco-surinamienne qui s'étend sur 510 km, à l'ouest de la Guyane et à
l'est du Suriname, et la frontière franco brésilienne de plus de 700 km, au sud et à l'est.
A. La frontière maritime
a) La pêche: première place des activités exportatrices du secteur primaire
La Guyane, avec une façade maritime de 380 km, dispose depuis 1977 d’une zone
15
économique exclusive (ZEE) de pêcherie d’une superficie de 130000 km². C'est le troisième
secteur exportateur de la Guyane (12 millions d’euros en 2007) avec une production de 6319
tonnes au total (2386 tonnes de crevettes et 3933 tonnes de poissons). Ce secteur de pêche
employait 550 marins actifs et 160 salariés à terre en 2004. Plusieurs types de pêcheries dans
le domaine maritime de Guyane demandent à être énumérer:
• La pêche côtière artisanale: bon nombre
de pêcheurs la pratiquant restent illégaux et
aucun chiffre ne peut être donné concernant
la totalité des embarcations présentes.
Néanmoins, 68 d'entre elles sont recensées
en 1999 (celles qui possèdent une licence
de pêche) et 87 en 2002. Ces embarcations,
de différentes tailles (petits bateaux,
pirogues et canots créoles), emploient
principalement des filets droits maillants
qui ne peuvent pas excéder 4 km de long et 10 m de chute. Cette pratique de la pêche qui se
limite à 10 milles de la côte produit tout de même entre 2.500 et 3.500 tonnes par an. Ainsi, de
nombreuses espèces sont approvisionnées: mulets, mérous, thésards, carangues, raies ou
encore requins. Des investissements sont encore attendus pour ce qui est de la modernisation
de la flotte
• La pêche industrielle des crevettes: celle-ci occupe une place économique importante en
Guyane depuis 1960 et 63 crevettiers soumis à un régime de licence est aujourd'hui recensés.
Les crevettiers, souvent composés de 4 à 5 marins, mesurent entre 20 et 24 mètres de long,
leur construction s'étalant de 1987 à 2002. L'essentiel du commerce est tourné vers la
métropole (75%) mais aussi l'Espagne (15%) et les Antilles ( 10%). Ainsi, les exportations
pour les seules crevettes du port du Larivot (situé sur la commune de Matoury) étaient de 25
millions d'euros en 1998. Cependant, un TAC (Total Admissible de Capture) est en vigueur de
puis 1989 par décision de l'Union Européenne, fixé à 4.100 tonnes/an depuis 1990.
Il faut noter que la production de crevettes est soutenue par les pouvoirs publics et leurs
subventions. Actuellement, l'aide européenne se monte à 1.100 euros par tonne de crevettes
débarquées. Cependant, une diminution de la taille moyenne des crevettes doit être relevée et
pourrait remettre en cause ce type de pêche.
• La pêche industrielle des vivaneaux: ce type de pêche est traditionnellement effectué par des
lignes à la main (5à 7 hameçons par ligne), avec un équipage composé d'environ 12 hommes.
La ressource en vivaneaux au large de la Guyane française (poissons appartenant à la famille
des Lutjanidae) subit depuis 1984-85 une exploitation intense, aussi bien par les ligneurs
vénézuéliens que par les navires antillais ce qui conduit les vivaneaux, comme pour les
crevettes, en danger de surexploitation.
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b) Un espace disputé: pillage des ressources naturelles marin es de Guyane
Le secteur de la pêche en Guyane a beau recéler des atouts considérables, ce secteur
économique parmi les plus importants du département (le port crevettier du Larivot est classé
4ème port de pêche français en valeur débarquée) connaît de graves difficultés économiques.
Une des causes principales réside dans la concurrence créée par l’omniprésence de navires
étrangers, pêchant illégalement et en toute impunité dans les eaux territoriales françaises. Déjà,
des tensions se créent entre les pays frontaliers puisque l’Est du littoral guyanais est
extrêmement fréquenté par les crevettiers brésiliens tandis que l'Ouest est la zone d’activité
d’un grand nombre de navires basés au Surinam. Ces embarcations, après avoir surexploité
leurs secteurs de pêche nationaux, ces navires se livrent à un véritable pillage des ressources
naturelles marines du département. Ainsi, la valeur commerciale des produits de pêche
illégalement prélevés avoisinerait les 30 millions d’Euros selon le Comité Régional des
Pêches Maritimes de Guyane.
C'est pourquoi les patrouilles marines ainsi que la surveillance des navires qui ne
seraient pas en règles sont indispensables dans ces eaux territoriales, afin de lutter contre ces
pillages. Deux acteurs de l'État peuvent être mis en avant:
• La marine nationale: elle compte deux patrouilleurs et deux vedettes de la
gendarmerie maritime (parfois un avion de patrouille).
• La Direction Régionale des Affaires Maritimes (DRAM): elle se charge de
l'immatriculation des embarcations et de l'application de la réglementation.
B. Entre Suriname et Brésil
a) Le fleuve du Maroni, réseaux migratoires et coopération transfrontalière
La frontière fluviale franco-surinamienne débute à l'embouchure du Maroni, au niveau de
l'océan Atlantique et remonte ensuite le cours du fleuve en direction du Sud. Dès le Traité
d'Utrecht, en 1713, le Maroni est considéré comme la frontière ouest de la Guyane française.
A noter que le Suriname, ancienne colonie hollandaise, n'obtient son indépendance qu'en 1975.
Cette frontière naturelle est à la fois une séparation politique entre deux états, mais aussi une
voie de communication. En effet, le Maroni est le lieu de vie des anciens « nègres des bois»,
les Noirs-marrons descendants des esclaves.
Carte: Localisation des communautés issues de Marrons dans l’espace frontalier Maroni
17
L’exploitation aurifère à partir de la fin du XIXe siècle introduit de nouvelles pratiques
spatiales. Les Marrons en tirant profit de cette ressource vont constituer des espaces
relationnels articulant l’intérieur et le littoral. Ainsi, l’exode rural fluvial s’appuie sur les
réseaux migratoires de main-d’œuvre établis durant l’orpaillage. Petit à petit, une migration
économique non encadrée se met en place, intégrant une dynamique d’échanges commerciaux
entre les zones de départ dans la vallée et zones d’accueil en milieu urbain (activités salariées).
Cette activité marchande se fonde alors sur la disparité croissante des valeurs monétaires entre
les deux versants frontaliers, la différence de pouvoir d’achat. La ville de St-Laurent du
Maroni devient très vite un nœud d’échange et de diffusion, un centre urbain dans l’espace
frontalier.
Ensuite, il convient de noter qu'une coopération transfrontalière tend à se renforcer entre
la France et le Suriname. L'exemple qui peut être donné concerne les directives sanitaires. En
effet, le fleuve ne symbolise pas qu'une frontière mais une interdépendance des deux états
concernant les fléaux sanitaires et les poussées épidémiques. La coopération transfrontalière
18
sanitaire semble indispensable pour chacun des pays afin de surveiller les risques frontaliers,
mais aussi les risques à l’intérieur des pays, qui se développent selon les mouvements
migratoires. Il s'agit ici de prévenir le paludisme, la dengue ou encore les grippes saisonnales.
b) L'Oyapock, des limites floues
La frontière franco-brésilienne se situe dans la région connue comme le bouclier guyanais
ou le « plateau des Guyanes ». Ce plateau s’étend sur cinq pays, le Venezuela, le Brésil, le
Guyana, le Suriname, la Guyane française et le nord du Brésil délimité par le fleuve
Amazones. La partie fluviale de la frontière s'étend sur 427 km et celle, terrestre, sur 303 km.
La dynamique entre les populations de la Guyane française et du Brésil est provoquée par
l’arrivée progressive d’immigrants brésiliens sur le territoire guyanais. Elle a pour point de
départ la politique des grands travaux nécessités par la construction de la base spatiale de
Kourou dans les années soixante. Autrement dit, le flux migratoire dans cette région existe,
d’ailleurs comme c’est souvent le cas, pour des raisons socioéconomiques. La pauvreté et la
quête des jours meilleurs est une constante chez les gens du Nord et du Nord-est brésilien. En
effet, quelques chiffres indicatifs sur le développement de la Guyane et celui du Brésil
peuvent être donnés. L’IDH (Indicateur de développement humain) de la Guyane est bien plus
élevé que celui du Brésil, ainsi que son revenu mensuel, en euros, qui représente presque deux
fois celui du Brésil.
Pays IDH Population Revenu / mois
Guyane 0,840 185000 1367,80 euros
Brésil 0,756 158.000000 552,35 euros
Ainsi, la Guyane est un pays attractif et présente le visage d’un pays fortuné, ce qui
attire une forte migration brésilienne. La Guyane compte 30% d’étrangers et les naissances
issues de l’immigration atteignent les 53%. La frontière franco-brésilienne est très riche
puisque le fleuve Oyapock demeure encore, avant la construction d’un pont qui liera les deux
pays (chantier débuté en 2010), un endroit où le flux humain passe, accoste et vit. Cette
nouvelle voie de communication financée à part égale par la France et le Brésil doit permettre
de désenclaver la Guyane française, en établissant une jonction entre Cayenne et Macapa,
capitale de l'Amapà (région brésilienne).
Néanmoins, la frontière aussi bien fluviale que terrestre reste floue. Si l'Oyapock ne
pose pas de problème, les multiples sauts et îlets sur la rivière compliquent la situation,
puisqu'ils sont sensés se situer à égale distance des deux rives. La question est d'autant plus
importante pour les communautés qui y sont présentes: Wayampi, Wayana et Emerillon par
exemple, n'acceptent pas les réalités de la frontière, surtout concernant la nationalité: certains
sont français, d'autres brésiliens. La question pour eux ne se pose pas puisqu'ils demeurent
avant tout au sein de leur groupe ethnique d'origine, vivant indifféremment sur la rive droite
ou la rive gauche du fleuve.
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C. Problèmes de l'orpaillage
a) L'orpaillage clandestin: nuisible pour les hommes comme pour l'environnement
Le premier gisement aurifère fut découvert en 1855.
Cette exploitation représentait en 1999, 38,2 % du total
des exportations, soit une valeur estimée à 40 millions
d’euros. On notera que cette activité est aussi la première
source de revenus de ce département, puisqu’on estime
que ce sont en moyenne chaque année 5 tonnes d’or qui
sont produites légalement et près de 10 tonnes qui sont
exportées (la différence provenant de l’orpaillage illégal).
Justement, les dégradations environnementales qui se
développent au cœur de la forêt guyanaise sous l’action
des orpailleurs clandestins doivent être dénoncées. Le
nombre de « chercheurs d'or » illégaux dépassent aujourd'hui le nombre de chercheurs légaux.
Ils sont estimés plus de 10000 par les services de gendarmerie nationale. Ces opérateurs
illégaux utilisent du mercure pour amalgamer l’or (technique est interdite en France depuis le
1erjanvier 2006) et environ 10 tonnes d’or seraient extraites annuellement par ces clandestins,
5 tonnes de mercure étant rejetées chaque année dans le milieu naturel. Les sites illégaux sont
ouverts et exploités par les « garimpeiros »qui, fuyant la misère des favelas brésiliennes,
tentent d’extraire quelques paillettes d’or, caché par la forêt. En effet, d’une superficie de 80
000 km², la forêt guyanaise couvre 90 % du département et ne permet pas une surveillance
efficace.
Les techniques utilisées lors de l’orpaillage présentent des effets néfastes pour l’homme
comme pour son milieu. D'abord, il y a le lavage des sols, qui a pour fonction de libérer les
microparticules d’or, et qui a pour conséquence d’augmenter la turbidité de l’eau ( présence
dans l’eau de particules en suspension minérales ou organiques, vivantes ou détritiques par
définition) des fleuves et par extension celle du milieu marin; cela se traduit par une
disparition de la faune et de la flore littorales. De plus, la présence humaine en forêt est
également une source de perturbations diverses : perturbation de la faune liée au bruit,
pollutions (hydrocarbures, rejets d’eaux usées, déchets).
Mais d'autres effets sont également provoqués au cours de l'orpaillage. On peut constater
que 500 g à 1,3 kg de mercure sont nécessaires pour extraire 1 kg d’or, selon la taille des
particules d’or. Une part importante de mercure libéré se volatilise (70 % environ) et retombe
au sol sous l’effet des pluies; ces retombées atmosphériques s’effectuent généralement à
proximité des campements illégaux.
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b) Lutter contre les pollutions mercurielles en Guyane Française?
En Guyane française, l’orpaillage est un des principaux facteurs de contamination
mercurielle. Une réaction en chaîne justifie l'importance et la gravité de la situation: le
mercure est rejeté dans le milieu et provoque un phénomène de bio-accumulation dont sont
victimes les poissons qui sont ensuite consommés par les populations amérindiennes. Les
conséquences en termes de santé publique sont préoccupantes puisqu'on décèle un taux
d’imprégnation au mercure supérieur à la norme OMS (Organisation Mondiale de la Santé)
chez plus de 70 % des enfants amérindiens Wayanas à titre d'exemple.
• Comment intervenir?
Des actions sont menées régulièrement par les forces de gendarmerie, dans le cadre des
opérations « anaconda ». Au total, 149 opérations de lutte contre l’orpaillage illégal ont été
menées entre les mois de février et de juin 2008, ce qui a conduit à l’interpellation de 156
personnes dont 140 sur les sites illégaux. Le bilan des saisies et destructions réalisées a atteint
la somme de 19 millions d’euros (23 millions en 2007). D'ailleurs un projet de loi a été rédigé
entre le Gouvernement de la République français et le Gouvernement de la République
fédérative du Brésil dans le domaine de la lutte contre l’exploitation aurifère illégale dans les
zones protégées, en février 2008.
Finalement il y a un réel potentiel de la Guyane française vis-à-vis des pays qui lui
sont proches, et de nombreux projets vont dans ce sens. Néanmoins, des risques peuvent être
pointés, et les méthodes d'intervention sont encore inadaptées.
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Conclusion
La Guyane Française en fait un espace qui possède des liens avec la France depuis
cinq siècles. C’est justement cette colonisation précoce qui permet à la Guyane d’obtenir un
statut officiel. Les intérêts de la France métropolitaine restent d’actualité en sachant que la
relation entre la Guyane et la France est particulière. La colonisation a engendré une
dépendance de la Guyane à la métropole qui se perpétue encore aujourd’hui, le manque de
moyens donnés à ce DOM, par exemple, ne lui permet pas de sortir de difficultés
économiques et ainsi de se développer de manière durable. Face à cela, la Guyane essaye de
développer son économie avec ses propres moyens, et des activités illégales se développent.
La Guyane est un département français mais n'est pas alignée sur le modèle des
départements métropolitains (par son économie, sa distance qu’elle soit géographique,
politique ou dans les représentations collectives). Son PIB est en effet plus faible que celui de
la France métropolitaine. Cependant, ce dernier est plus élevé que celui de ses pays voisins et
le DOM ne suit pas non plus le modèle de son continent d’appartenance géographique. La
Guyane possède donc une position d’entre deux et essaye de parvenir à un arbitrage entre le
continent européen qui lui fournit des subventions mais qui est trop éloigné, et le continent
sud-américain qui offre certaines possibilités dont il faut étudier les risques.
Les inconvénients d’être un DOM peuvent nous amener à nous demander pourquoi
Mayotte en est devenu un. La situation est-elle différente de celle de la Guyane et quels sont
les avantages ?
22
Bibliographie I.
J-C. GUILLEBAUD, Les confettis de l'Empire, « L'Histoire Immédiate », Seuil (1976)
http://www.universalis.fr
http://fr.wikipedia.org
http://www.guyane-quebec.org
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http://webtice.ac-guyane.fr
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L’exposition coloniale de 1889 : La Guyane présentée aux Français, Odon Abbal, Ibis
rouge, Matoury, Guyane, 2010
II.
« Le prix de l'essence enflamme la Guyane », Le monde (nov. 2008)
http://www.mdes.org/
http://www.cnes-csg.fr/
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« Une Europe hors d'Europe », Virginie RAISSON, Le dessous des cartes
Cahiers d'Outre-Mer, numéro 218
Atlas du 21e siècle, Nathan, 2006
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Huissout, PUF (2011)
III.
www.terresdeguyane.fr
« La coopération transfrontalière Surinam Guyane dans le champ de veille sanitaire »,
Dr Marie-Anne SANQUER
http://remi.revues.org/1630
http://www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl2845-ei.asp
Christiane TAUBIRA-DELANNON, L’OR EN GUYANE, Éclats et Artifices