Inf'OGM #137
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BIMESTRIEL D'INFORMATIONS CRITIQUES ET INDPENDANTES SURLES OGM
Journal dit
par l'association
ACTUALITE UE : LA CULTURE DU MAS TRANSGNIQUE EN BAISSE
P.3 UE - VERS UNE DFINITION COMMUNE DU SANS OGM ? P.4
SEMENCES RESSEMER ET VENDRE SES SEMENCES : UN DROIT
(RE)CONQURIR P.7 TRIBUNE FACE AU CHAOS CLIMATIQUE : DES
OGM OU REMETTRE L'HUMAIN SAPLACE ? P.10
ThomasAbbs
NOVEMBRE / DECEMBRE 201 5 - 4 euros l'unit
N1 37
-
LE CHIFFRE DU BIMESTRE
Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org
BRVES
2
L'entreprise de Saint-Louis, aux tats-Unis, a annonc dbut
octobre, qu'el le al lait supprimer 2600 postes dans les 1 8 pro-
chains mois, soit un peu moins de 1 0% de son personnel. Ce
leader des plantes transgniques prcise qu'i l a perdu, au
cours du quatrime trimestre de l 'exercice 201 5, 495 mil l ions
de dollars en raison de la chute des prix des graines et de
lourdes charges juridiques et de restructuration. Sur l 'anne,
le bnfice de Monsanto a chut de 1 5,5%, pour atteindre
2,31 mil l iards de dollars. Quant son chiffre d'affaire, i l a t
tabli 1 5 mil l iards de dollars, soit une baisse de 5,4% par
rapport l 'anne prcdente.
Les militants anti-OGM font entendre leurs voix
MOBILISATION
Dbut septembre, se tenait
Yaound, au Cameroun, le
premier forum national sur les
OGM, intitul Enjeux et
dfis des OGM pour un dve-
loppement durable du Came-
roun . Partenaire du forum :
le semencier biotech Bayer. . .
Sponsors : Nestl, qu'on ne
prsente plus. . . et la Sodeco-
ton, l 'entreprise nationale qui
gre la fi l ire coton et qui a
dj exprim son envie d'in-
troduire le coton GM Bt. . . Lors
de ce forum, la Sodecoton an-
nonce avoir recu l 'autorisation
de mener pendant trois ans
des essais en champs de co-
ton Bt avec Bayer. Autre
information : 25% des pro-
duits qui existent au Came-
roun sont GM (. . . ) [dont] des
crales telles que le riz, les
farines pour enfants, et des
huiles faites base de soja,
tous des produits imports .
Si du riz GM est prsent au
Cameroun, ce serait alors de
facon i l lgale car cette c-
rale n'a jamais t autorise
au niveau mondial. . . Grand-
messe, avec la prsence de
cinq ministres, et de nom-
breux universitaires, ce forum
manquait cruel lement de d-
bat. Un exemple parmi tant
d'autres : la question des bre-
vets et autres COV tait pr-
sente uniquement par une
responsable de l 'organisation
africaine de la proprit
industriel le. D'autres acteurs
auraient p amener un peu
de diversit intel lectuel le. . .
Dommage quand on sait que
l 'un des buts de ce forum
n'tait autre que de pro-
duire des lments pour une
communication simplifie sur
les OGM .
Ainsi, le col lectif Attention
OGM - SAILD/La Voix Du
Paysan (partenaire de SOS
Faim), ACDIC, RELUFA,
CRAC et Actions Paysannes -
a manifest de manire
spectaculaire et marquante
par un stand-up en salle et
dans le hall avec tee-shirt et
pancartes .
Si aucun animal gntiquement modifi n'a encore reu d'au-
torisation commerciale en vue d'tre consomm par des hu-
mains, nous avons dj not de nombreuses expriences pour
faire produire par des animaux transgniques des molcules
thrapeutiques ou industriel les. Nous avons aussi voqu les
petits poissons bigars et fluorescents, destins aux aqua-
riums. Ces derniers sont toujours interdits dans l 'Union euro-
penne, pourtant la Belgique vient de tirer nouveau la
sonnette d'alarme devant la prol ifration de saisies de ces
poissons GM ses frontires en provenance, notamment, du
Sri Lanka. Un nouvel animal transgnique de compagnie est
sur le point d'tre mis sur le march, en Chine, pour la mo-
dique somme de 1 430 euros : un cochon nain qui reste vrai-
ment nain. Les scientifiques du Beij in Genomics Institut ont
uti l is la technologie des TALEN pour dsactiver une des deux
copies du gne responsable de la production de l 'hormone de
croissance. Toujours en Chine, un autre animal domestique a
t gntiquement modifi : des chiens de race Beagle. En uti-
l isant les ciseaux ADN Crispr/Cas9, des chercheurs du
Guangzhou Institutes of Biomedicine and Health ont russi
(avec cependant un taux d'chec important) bloquer le gne
responsable de la myostatine. I ls esprent produire des chiens
plus muscls, qui courent plus vite afin de les vendre aux
chasseurs. . . voire l 'arme. Dans l 'Union europenne, ni ce
cochon ni ce chien GM ne sont autoriss. Mais pour autant, en
resteront-i ls longtemps absents ?
En septembre 201 5, un agri-
culteur biologique austral ien
a, nouveau, t dbout de-
vant le tribunal d'Appel. Steve
Marsh avait port plainte
contre un voisin qui avait plan-
t du colza gntiquement
modifi. Du fait de la dissmi-
nation incontrlable et sur de
grandes distances du pollen
de colza, le champ trans-
gnique a contamin le
champ biologique. Rsultat :
le paysan bio a perdu, partiel-
lement, sa certification biolo-
gique pendant trois ans.
L'anne dernire, la Cour su-
prme de l'tat d'Austral ie de
l 'Ouest avait considr que le
voisin, Michael Baxter, ne
pouvait tre responsable des
vents qui auraient transport
les transgnes. I l n'a commis
aucune ngligence.
Avec lappui de la Safe Food
Foundation, Marsh examine
dsormais la possibi l it de
porter l 'affaire devant la Cour
suprme d'Austral ie. Pour
eux, i l est impratif que
ltat veille ce que la
population continue avoir la
possibilit de choisir si elle
veut consommer des aliments
gntiquement modifis ou
non .
BESTIAIRE
La mode des cochons nains passera-t-elle par les OGM ?
CRAC
L.Oliveira
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ACTUALIT 3
Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org
Enfin, si on regarde la situation des OGM transgniques dans les
champs, on constate l encore un manque d'enthousiasme no-
toire pour le MON81 0 Au niveau europen, la part du mas
transgnique par rapport la sole globale de mas (mas grain et
fourrage) n'a jamais dpass 0,3%, score atteint en 2000. De-
puis, ce ratio se situe autour de 0,1 %. En 201 5, i l est pass sous
la barre de 0,1 %, en faible diminution par rapport 201 4
(0,1 2%).
En Roumanie, un des pays phares de la masiculture euro-
penne, les surfaces GM ont quasiment disparu. Seuls 2,5 hec-
tares ont t dclars officiel lement par un institut de recherche
agronomique. Ainsi, les quatre premiers pays en terme de sur-
face cultive en mas (et notamment destin la production de
semences) France (23,7% de la sole europenne en 201 4),
Roumanie (1 5,4%), I tal ie (1 1 ,8%), Hongrie (11 ,7%) soit eux
quatre, plus de 62% de la sole europenne (4) ne cultivent pas
(ou plus) de mas MON81 0. D'ai l leurs, mme du temps o cer-
tains de ces pays en cultivaient, la proportion entre transgnique
et conventionnel n'a jamais dpass 0,25% de la sole roumaine
(61 30 ha en 2006), et 0,75% de la sole franaise (21 686 ha en
2007).
Seuls l'Espagne et le Portugal.. .
Roumanie, Slovaquie (1 04 ha) et Rpublique tchque (997 ha)
n'ont plus que quelques hectares de mas GM cultivs. Reste
donc la pninsule ibrique. . . Le Portugal est le deuxime pays en
termes de surface, mme si ces surfaces restent faibles et en di-
minution par rapport l 'anne dernire (-6,1 5%) et atteignent
801 7 ha, soit 4,4% de la sole de mas portugais. La part OGM /
non OGM reste stable, du fait de la baisse des cultures globales
de mas.
Enfin, en Espagne, le pays qui a rellement cultiv du MON81 0,
la baisse des cultures de mas entre 201 4 et 201 5 est importante
(-1 8%) mais la part des OGM dans la masiculture espagnole a
L'UNION EUROPENNE A AUTORIS UNE SEULE VARIT TRANSGNIQUE LA CULTURE, LE MAS MON81 0. CE MAS, QUI PRODUIT
UN INSECTICIDE CONTRE LA PYRALE, EST CULTIV DEPUIS 1 999, MAIS N'A JAMAIS T ADOPT LARGEMENT PAR LES AGRICUL-
TEURS EUROPENS. ENTRE 201 4 ET 201 5, LES SURFACES CULTIVES AVEC DU MAS MON81 0 ONT DIMINU DE 1 8,3%, PAS-
SANT DE 1 43 01 6 HECTARES 11 6 870 HECTARES, ALORS QUE LA SOLE EUROPENNE DE MAS (DANS LES 28 TATS) DIMINUAIT
TRS LGREMENT (MOINS DE 2%) POUR ATTEINDRE 1 5,1 MILLIONS D'HECTARES, SELON LES DONNES DE L'AGPM.
Les cultures de mas transgnique dans l 'Union europenne
n'ont jamais vraiment dcoll et sont mme en baisse en 201 5.
Les rcentes dcisions des gouvernements et le manque d'en-
thousiasme des agriculteurs poussent les entreprises se
dsengager, du moins officiel lement, des OGM. En janvier 201 3,
BASF retirait ses trois demandes dautorisation dposes pour
les pommes de terre GM ; et en jui l let 201 3, Monsanto retirait
tous ses dossiers (mas, soja et betterave) l 'exception de la de-
mande de renouvellement de ce fameux MON81 0. Bayer aussi a
retir trois dossiers (deux colzas et un coton). En octobre 201 5,
c'est au tour de Syngenta de retirer deux dossiers, celui du
MIR602 et celui du Bt11 xMIR604xGA21 Raison officiel le : la
dcision du retrait a t prise dans le cadre de la rvaluation du
potentiel commercial de ces produits en Europe . Reste donc
dans les tuyaux de la Commission cinq demandes pour la culture
manant de Mycogen, Dow Agro Science et Pioneer (mas 1 507,
591 22, 1 507x591 22) et Syngenta (mas Bt11 et mas GA21 ).
Les gouvernements ont eux aussi exprim cette anne, avec for-
ce, le rejet des mas transgniques. Plus de la moiti des tats
membres (et quatre rgions) ont demand formellement aux
entreprises d'exclure leur territoire de l 'autorisation du MON81 0
et des sept (devenues cinq) demandes d'autorisation en attente.
Les entreprises ont 30 jours ( compter de la date d'envoi de la
lettre de ltat membre par la Commission) pour refuser cette
demande. Actuel lement, selon la Commission europenne, la
Wallonie, la Hongrie, l 'Autriche, la Croatie, la France, la Lettonie,
et la Grce ont vu leurs demandes acceptes.
L'UE et les OGM
Moratoire avant 201 5
Moratoire opt-out
Moratoire hors UE
Culture de MON81 0 (-x% = diffrence des surfaces entre 201 5 et 201 4)
moins baiss et reste importante (de 24,75% en 201 4
22% en 201 5). Le mas GM espagnol est trs sou-
vent consomm sur place pour les levages de porcs
hors-sol, et l 'Espagne n'a jamais adopt de mesures
administratives ni de coexistences contraignantes,
contrairement aux autres pays europens. Or ces
mesures sont, selon les ministres tchque et slova-
que, une des raisons de l 'abandon des PGM.
Ces chiffres ne doivent pas masquer deux autres ra-
l its : la prsence massive de soja transgnique
import dans les levages hors-sol. Et l 'arrive sour-
noise et latente d'autres OGM, comme des colzas ou
des tournesols muts rendus rsistants des herbi-
cides. . .
CHRISTOPHE NOISETTE
Carte labore par C. Noisette, Inf'OGM
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Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org
ACTUALIT
4
Manger sans OGM ? Sur le principe, de nombreux consom-
mateurs sont d'accord et ne souhaitent pas retrouver de tels al i-
ments dans leur assiette (1 ). Dans la ralit, ont-i ls vraiment les
moyens de mettre en uvre ce choix ?
Plusieurs tats europens ont tent de dfinir ce qu'tait un label
sans OGM en laborant un tiquetage national volontaire.
D'un pays l'autre, les diffrences sont parfois grandes. Les dif-
ficults qui peuvent en rsulter sur le march europen (2),
poussent aujourd'hui la Commission europenne envisager
d'harmoniser cet tiquetage. Les entreprises rclament un cadre
uniforme pour pouvoir vendre leurs produits sans ala juridique.
Cette volont n'est pas nouvelle (3). En 2011 , la Commission a
command auprs d'ICF International, un cabinet d'tude (4), un
bilan des diffrents tiquetages existants. I l a t publi i l y a
quelques semaines, alors mme que le rapport tait final is ds
201 3. La Commission europenne n'explique pas ce retard de
publication. C'est sur cette base qu'el le va vraisemblablement
laborer une proposition d'harmonisation de l 'tiquetage.
Les consommateurs, vis--vis du sans OGM , s'attendent
principalement ce qu'un tel label garantisse effectivement
l 'absence d'OGM dans l 'al iment concern (cf. encadr ci-des-
sous). Mais avec un cahier des charges trop exigeant, peu de
producteurs s'aventureront tiqueter effectivement leur produit
pour ne pas risquer de se retrouver dans une situation fraudu-
leuse du fait des contaminations fortuites qui peuvent survenir
tout au long de la chane alimentaire. L'absence de seuil signifie-
rait la mise en place de fi l ires parfaitement distinctes pour un
cot prohibitif. Les produits contamins et non conformes, retirs
du march, aggraveraient encore la situation financire de ces fi-
l ires. Des contaminations d'autant plus diffici lement vitables si
les cultures transgniques venaient se rpandre, comme le
prouve la situation actuel le aux tats-Unis.
A l 'oppos, si le cahier des charges du sans OGM est trop
laxiste, les consommateurs pourraient se dtourner d'un tique-
tage qui admet trop d'exceptions, ou qui ne dfinit pas de seuil
de contamination et dans lequel i ls n'auraient que peu de
confiance.
La rflexion sur le sans OGM doit donc
trouver un quil ibre entre ce qui est techni-
quement ralisable pour les producteurs et
transformateurs et ce qui est acceptable pour
le consommateur. En bout de course, c'est
l 'existence et la prennit de la fi l ire sans
OGM qui est en jeu.
Les industriels pro-OGM pourraient, eux,
avoir intrt ce que cette fi l ire ne soit pas
viable, notamment par la mise en place d'un
seuil trop exigeant. C'est pour cette raison
que, lors des dbats franais sur l 'laboration
du sans OGM, les lobbies pro-OGM r-
clamaient la mise en place d'un seuil
0,01 %.
Les multiples dfinitions du sans OGM
Aux Pays-Bas, les produits peuvent tre tiquets prpars
sans gnie gntique depuis 1 999. En thorie, cet tiquetage
peut concerner aussi bien les al iments que les boissons, vg-
taux et produits issus d'animaux nourris aux OGM. Un label qui
se veut exigeant pour ne pas induire en erreur les consomma-
teurs. La rglementation ne prcise, par exemple, pas de seuil ,
permettant une certaine tolrance en cas de contamination, le
0% tant l 'objectif atteindre (cf. encadr page 4). Pour les pro-
duits issus d'animaux, leur al imentation doit tre sans OGM de-
puis leur naissance. Les additifs GM ne sont pas tolrs ni les
mdicaments produits partir d'OGM. L'exigence de l'tiquetage
nerlandais est tel le qu'i l n'est, aujourd'hui, revendiqu que pour
un seul produit : un complment al imentaire pour sportif base
de protine de soja. Une quinzaine d'autres produits, issus de
l 'agriculture biologique, communiquent sur l 'absence d'OGM
sans uti l iser la dnomination et la certification officiel le. Le sans
OGM est de ce fait, soul igne le rapport, trs peu connu et n'est
pas recherch pas les consommateurs nerlandais. La Finlande
a, el le aussi, des rgles assez restrictives quant l 'uti l isation de
cet tiquetage.
De l'autre ct de l 'chiquier, plusieurs pays - Autriche, Alle-
magne, France et Luxembourg - disposent d'un systme qui fa-
ci l ite la mise sur le march de ces produits.
Le sans OGM existe depuis 1 998 pour l 'Autriche et depuis
2004 pour l 'Al lemagne. Et dans ces deux pays, les produits
sans OGM sont prsents dans de nombreuses enseignes et
sur une large gamme de produits (5). De fait, la rglementation
est, en effet, beaucoup plus incitative car moins stricte. I l est par
exemple prcis par catgorie de produit (uf, lait, diffrentes
viandes. . . ) une priode limite pendant laquelle l 'animal doit man-
ger effectivement sans OGM. Allant de six semaines pour la pro-
duction d'uf (soit 1 /8 de la vie d'une poule pondeuse) aux trois
quarts de la vie d'un bovin. Et concrtement, dans ces deux
EN SEPTEMBRE 201 5, LA COMMISSION EUROPENNE A PUBLI UN RAPPORT FAISANT LE TOUR DU SANS OGM DANS L'UNION
EUROPENNE (UE) (1 ). LES DIFFRENTES CONCEPTIONS QUI CO-EXISTENT LAISSENT ENTREVOIR LES DIFFICILES DISCUSSIONS
VENIR DANS L'HYPOTHSE D'UNE HARMONISATION DE CET TIQUETAGE.
UN TIQUETAGE OGM , POUR QUOI FAIRE ?
Dans l'UE, tout produit qui contient plus de 0,9 % d'OGM par ingrdient doit tre ti-
quet comme tel. Exception notable : les produits issus d'animaux nourris aux OGM
(viande, lait, uf) ne sont pas concerns. Et tant pis si prs de 80 % des OGM
imports dans l 'UE sont destins l 'al imentation animale I l ne semble pas que la
Commission europenne soit intresse pour remdier rapidement ce manque de
transparence.
L'tiquetage sans OGM peut donc offrir une alternative pour informer le consom-
mateur notamment sur la question des produits issus d'animaux. L'enjeu est ainsi de
permettre cette fi l ire de se dvelopper en valorisant sa production. L'existence
mme de cette fi l ire est la seule permettre un vritable choix au consommateur.
Faire ses courses, c'est aussi un moyen de s'exprimer sur la question des OGM et
le type d'agriculture que l 'on souhaite.
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ACTUALIT 5
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pays, les produits sans OGM se sont imposs
petit petit toute la fi l ire. En 201 0, c'est toute
la production nationale d'uf et de lait qui est ain-
si devenue sans OGM en Autriche. L'levage
de volai l le devrait rapidement suivre la marche.
Dans ces deux cas, la rglementation a fait l 'objet
d'une rvision, aprs quelques annes
d'existence, pour assouplir cette rglementation et
rendre plus facile l 'uti l isation de cet tiquetage par
les producteurs. Un assouplissement qui a permis
l 'tiquetage du sans OGM de se retrouver sur
de nombreux produits (6).
L'Autriche rclame la certification par un tiers,
mais la prsence invitable d'OGM est tolre si
le producteur prouve qu'i l a tout fait pour les viter
(obl igation de moyens et non de rsultats). En Al-
lemagne, pas de contrle obligatoire. Les produc-
teurs doivent pour autant fournir l 'organisme en
charge de cet tiquetage les preuves documen-
taires que les ingrdients uti l iss sont effectivement sans
OGM (traabil it documentaire).
France : un label sans OGM trs prcis
L'tiquetage sans OGM la franaise est, lui aussi, assez
incitatif vis--vis des producteurs, tout en ayant quelques particu-
larits qui le rendent cependant plus exigeant. Le lgislateur
franais a distingu plusieurs al lgations pour valoriser dif-
frentes dmarches. Ainsi, i l distingue notamment plusieurs
seuils - 0,1 % et 0,9% - pour les produits animaux (7). Plus rcent
(dcret de jui l let 201 2), i l ne connat pas encore le mme succs,
mais plusieurs grandes marques s'y sont mis (Fermier de Lou,
Auchan, Carrefour, Fleury Michon), une liste qui devrait encore
s'al longer. I l n'existe pas en France de certification par un tiers
obligatoire pour uti l iser le logo sans OGM . La DGCCRF fait
des contrles ponctuels sur ce type de production. Pour les pro-
duits animaux, c'est le respect du processus de production qui
est contrl. Concernant les vgtaux, c'est l 'absence finale
d'OGM dans le produit qui sera vrifie.
I l existe une troisime catgorie d'tats membres : ceux qui
interdisent l 'uti l isation d'un tiquetage sans OGM : la Bel-
gique et la Sude. L'impossibi l it technique et pratique de con-
trler individuel lement chaque produit, ce que requiert l 'tique-
tage sans OGM selon la Belgique, justifie cette interdiction. En
Sude, l 'tiquetage sans. . . sur un aliment ne peut concerner
que les caractristiques nutritionnelles du produit ou l 'absence
d'ingrdients al lergnes. Dans les deux cas, la volont de ne pas
tromper le consommateur est au centre du dbat sur le sans
OGM . Mais force est de constater que cette approche trs ri-
goriste pour ne pas tromper le consommateur aboutit aussi en
dfinitive, ne pas lui donner le choix de manger sans OGM.
Les aliments lgalement produits et commercial iss dans un tat
de l 'UE doivent tre reconnus comme tels par les autres tats
membres. Peuvent donc tre l ibrement commercial iss des pro-
duits sans OGM franais en Allemagne et vice-versa, mme
si leur tiquetage ne correspond pas exactement la mme
chose. Les produits sans OGM franais peuvent donc gale-
ment tre lgalement commercial iss en Belgique ou en Sude,
bien qu'i ls aient interdit cet tiquetage. En pratique, le rapport
note que c'est encore peu le cas. Les produits sans OGM
tant principalement destins au march de ltat o ils sont pro-
duits. Cela freine l 'intgration du march commun que souhaitent
les grandes entreprises.
Le sans OGM , un march plein d'avenir ?
Le rapport command par la Commission europenne confirme
l'opinion ngative des consommateurs europens vis--vis des
OGM et leur intrt pour les al iments garantis sans OGM .
Pour eux, les al iments issus de PGM peuvent avoir des impacts
sanitaires, mais aussi environnementaux ou socio-conomiques
(prsence de brevet, notamment) (8). I l reste cependant diffici le
d'valuer avec exactitude la demande des consommateurs pour
de tels produits. En effet, est-i l prcis, les rponses dans le
cadre d'un sondage ne refltent pas ncessairement leurs choix
effectifs en situation relle. Dans un cadre thorique, la personne
interroge a tendance faire des rponses qu'el le estime plus
socialement acceptables et attendues d'el le. Dans la ralit, le
prix de la denre alimentaire reste l 'un des premiers critres
considrs Le rapport cite notamment une tude sur le
commerce quitable et la diffrence entre la volont affiche des
consommateurs d'acheter de tels produits, et les ventes effec-
tives de ces produits qui restent relativement basses (9).
Pour autant, le rapport soul igne qu'i l existe un vritable march
pour le sans OGM . S'i l n'est pas toujours ais d'valuer avec
prcision l 'influence de cet tiquetage, de nombreux producteurs
al lemands ont mentionn une augmentation de leurs ventes suite
la mise en avant de l 'absence d'OGM dans leurs produits.
Laugmentation de plusieurs indicateurs concernant le bio (vente
des produits, augmentation des surfaces cultives) montre
plus indirectement l 'intrt des consommateurs pour le sans
OGM , entre autres critres. Un sondage men en 2008 indique
que pour prs de la moiti des personnes interroges, ces der-
nires nachteraient pas du bio si les OGM taient autoriss
dans son cahier des charges (1 0).
Alors que les consommateurs affirment tre prts payer un peu
plus pour un produit sans OGM , producteurs et transforma-
teurs prfrent pour l 'instant absorber les surcots. Dans la
grande distribution, les produits sans OGM restent compti-
tifs par rapport aux produits non tiquets, selon Carrefour, Lou,
Rewe et COOP Ital ia. Mais en fonction du produit concern, les
surcots peuvent s'avrer plus ou moins importants et relative-
ment fluctuants d'une anne sur l 'autre. En 201 2, en Autriche,
par exemple, le prix du soja sans OGM pour nourrir le btai l
a plus que doubl en l 'espace d'un an (passant de 30 euros
60-70 euros la tonne) (11 ).
EuropeanParliament/PietroNaj-Oleari
Mobilisation des dput-e-s europen-ne-s
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ACTUALIT
6
Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org
formateur d'voluer dans un cadre ralisable pour lui, et accep-
table pour le consommateur. Ds lors que les OGM ont t intro-
duits, le 0% n'est plus tenable.
cette question mal pose, les avis entre le oui et le non
des parties prenantes sont partags. Sans tre explicite, ces
rponses apparaissent de toutes faons comme tant vides de
sens.
4- Un tiquetage avec ou sans exception ? Les parties prenantes
interroges prfrent viter au maximum les exceptions. Moins
de 30% des parties interroges estiment par exemple que des
exceptions pour les additifs et enzymes seraient souhaitables
lorsqui l n'y a pas d'alternatives possibles autres que GM.
5- Dure de l'al imentation sans OGM pour les animaux : comme
c'est le cas dans certains pays, les scnarios envisags vont
d'une alimentation depuis la naissance jusqu' une diffrencia-
tion espce par espce en fonction de la production. Seulement
25% des tats membres et 1 3% des parties prenantes souhaite-
raient une diffrenciation en fonction des espces.
6- Concernant la mise en place de contrles, le rapport rappelle
les deux approches envisages : le contrle du produit ou de son
process de fabrication. Le rapport ne donne pas la position des
parties prenantes sur cette question particul ire.
Un rapport et aprs ?
Sur la base de ce rapport, la Commission europenne va
maintenant envisager, ou non, une proposition pour dessiner les
contours d'un tiquetage sans OGM pour l 'ensemble de l 'UE,
et pour cela faire son march entre les diffrents scnarios mis
en avant.
Un dbat important qui influera directement sur l 'existence et la
prennit de la fi l ire sans OGM .
voir si la France arrive imposer sa dfinition du sans
OGM et sa vision qu'el le qualifie de juste mil ieu entre exi-
gence et ralit. Ce dbat ne doit pas faire oublier que pour
prenniser les fi l ires sans OGM il est surtout essentiel de com-
plter l 'tiquetage obligatoire existant. Les produits animaux
nourris aux OGM doivent aussi faire l 'objet d'un tiquetage obli-
gatoire pour influencer vritablement la fi l ire et permettre aux
consommateurs de vritablement choisir le modle agricole qu'i ls
souhaitent.
PAULINE VERRIRE
1 , Eurobaromtre : http: //ec.europa.eu/public_opinion/index_fr.htm
2, http: //www.infogm.org/spip.php?article5742
3, http: //www.infogm.org/spip.php?article5051
4, State of play in the EU on GM-free food labell ing schemes and
assessment of the need for possible harmonisation , ICF Internatio-
nal, http: //ec.europa.eu/food/plant/docs/gmo-traceabil ity-
gm-final_report_en.pdf
5, l iste des produits al lemands uti l isant la dnomination officiel le :
http: //www.ohnegentechnik.org/fi leadmin/ohne-gentechnik/
dokumente/vlog_siegelnutzer_mitgl ieder.pdf
http: //www.ohnegentechnik.org/das-siegel/
produktdatenbank-siegelnutzer/
6, Rapport sur les tudes de cas, page 5 pour
l 'Autriche et page 31 pour l 'Al lemagne
7, http: //www.infogm.org/spip.php?article4999
8, page 48 du rapport
9, page 51 du rapport
1 0, page 53 du rapport
11 , page 55 du rapport
1 2, http: //www.infogm.org/spip.php?article5382
1 3, http: //www.donausoja.org/en-en/
1 4, page 75 du rapport
Face ce constat, les supermarchs britanniques estiment qu'i l
sera de plus en plus diffici le l 'avenir de s'approvisionner en
sans OGM un cot raisonnable et ont donc commenc
abandonner certaines fi l ires sans OGM (1 2). Cette dcision ne
masque-t-el le un manque de volont politique ? Ont-i ls essay
de ngocier avec les grandes entreprises de ngoce agricole,
comme Cargil l ? En effet, ce constat sur les possibles difficults
d'approvisionnement venir a pouss d'autres acteurs cono-
miques s'organiser. Ces derniers sont en train de dvelopper
une fi l ire europenne de soja sans OGM autour du Danube,
Donau Soja (1 3). L'objectif est daccrotre l indpendance euro-
penne en protines vgtales sans OGM ncessaires
l 'levage. C'est en effet via le soja principalement que les OGM
arrivent dans les ports europens.
Le rapport de la Commission europenne naborde pas la
question cl pour le dveloppement des fi l ires tiquetes
sans OGM : que les cots induits par la culture d'OGM soient
enfin valus et supports par ceux qui ont fait le choix de cette
agriculture. Et pas par ceux qui veulent l 'viter. La question de la
comptitivit entre produits avec (y compris les produits issus
d'animaux nourris aux OGM) et sans OGM se posera alors en
des termes plus quitables D'une faon gnrale, si on expri-
mait dans les produits al imentaires tous les cots induits (cots
pour dpolluer les nappes phratiques, soigner les diffrentes
maladies, etc.), alors la nourriture industriel le ne serait pas du
tout comptitive.
Les diffrents scnarios d'un tiquetage harmonis
Le rapport envisage plusieurs scnarios plus ou moins contrai-
gnants autour de l 'harmonisation du sans OGM , sur la base
de six critres diffrents. I l considre l 'ensemble de ces scna-
rios sans prendre position pour l 'un ou l 'autre. Les diffrentes
parties prenantes - reprsentants des tats membres, reprsen-
tants de l 'agro-al imentaire, associations de consommateurs,
ONG, producteurs, revendeurs. . . - ont t invits se positionner
sur les diffrentes options possibles.
1 - Le rapport constate que cet tiquetage peut tre encadr de
faon plus ou moins contraignante par une rglementation ou
des lignes directrices : les parties prenantes ne prennent position
pour aucune de ces options.
2- Elles s'entendent en revanche pour que le champ de cet ti-
quetage soit relativement large et couvre aussi bien les produits
animaux que vgtaux.
3- La question du seuil retenir est au cur du dbat. C'est as-
sez maladroitement que le cabinet d'tude l'origine du rapport
interroge les parties prenantes : Pensez-vous que seuls les
produits qui ne contiennent pas d'OGM, ou ne sont pas produits
partir ou l'aide d'OGM, peuvent tre tiquets en tant que
produits sans OGM ? (1 4). La dfinition des seuils n'est pas
l pour autoriser un peu d'OGM. I ls permettent que le produit
puisse continuer tre vendu en cas de contamination fortuite
ou invitable. Pour autant, le producteur doit tout faire pour viter
cette contamination. Un seuil permet donc au producteur/trans-
0%, 0,01%, 0,1 % ET 0,9 % ?
Pourtant revendiqu par certains pays vis--vis du sans OGM , i l n'est technique-
ment pas possible de garantir un seuil de 0%. La prsence d'OGM ne peut tre d-
tecte que lorsqu'i l y en a plus de 0,01% dans un produit. partir du seuil de 0,1 %,
i l est possible de savoir le type d'OGM concern. Le seuil de 0,9 % pour la prsence
obligatoire d'OGM dans un produit est le rsultat d'un choix politique europen. I l
reste ce jour le seuil le plus bas au niveau mondial. D'autres pays ont retenu un
seuil plus important, comme Tawan (3%) ou encore le Japon (5%). . .
-
SEMENCES 7
Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org
Avant. . . disons, avant l 'apparition du premier catalogue officiel
obl igatoire, c'tait simple : les paysans semaient des graines
qu'i ls avaient obtenues soit de leur rcolte prcdente, soit de
celle de leurs voisins, soit, la marge, de revendeurs plus ou
moins autoriss (2). Aujourd'hui, c'est--dire moins de cent
ans plus tard, en France et dans les autres pays industrial i-
ss, la majeure partie des agriculteurs uti l isent des semences
commerciales (3) (qu'i ls achtent ou qu'i ls reproduisent la
ferme en s'acquittant des droits), et le paysage juridique s'est
complexifi pour ceux qui souhaitent produire leurs se-
mences, les vendre ou les changer.
Produire ses semences : un droit trs encadr
Tout d'abord, les paysans qui continuent produire leurs
propres semences (et tous ceux qui retrouvent aujourd'hui cette
pratique) peuvent librement les cultiver, mme si elles n'appar-
tiennent pas une varit inscrite au catalogue des varits (cf.
plus bas), sauf videmment s'i l s'agit de plantes gntiquement
modifies (PGM), d'espces non autorises la culture (tabac et
autres psychotropes), si des rgles sanitaires s'y opposent ou en-
core si elles appartiennent une varit protge par un certificat
d'obtention vgtale (COV) ou un droit de marque (Pomme Gran-
ny, par exemple). Ce qui est interdit, c'est le commerce ou
l'change, titre onreux ou gratuit (sic), de semences issues
de varits non inscrites au catalogue (4). Ainsi, les semences
appelles populations (slectionnes et multiplies en
poll inisation libre et/ ou en slection massale)(5), par dfinition la
plupart du temps non inscriptibles au catalogue, car non
homognes, peuvent tre changes lorsqu'elles sont destines
l'exprimentation, la slection ou la conservation (6). I l ne s'agit
alors pas, pour le lgislateur, d'une exploitation commerciale de la
varit. C'est ce que font les membres d'AgroBio Prigord, par
exemple. Libre aussi l'agriculteur qui a reu un lot de semences
destin l'exprimentation, de reproduire et de slectionner ses
propres populations sur sa ferme et de les util iser pour sa propre
production (7).
Les semences n'appartenant pas une varit inscrite au cata-
logue peuvent aussi tre commercial ises accompagnes d'une
indication claire qu'el les sont destines au jardinage amateur
(l 'autoconsommation de la rcolte n'est pas une exploitation
commerciale de la varit). I l faut videmment alors que les
quantits changes ou commercial ises correspondent ce qui
est ncessaire pour l 'uti l isation revendique. El les peuvent enfin
tre commercial ises sans indication de varit (8) (cf. enca-
dr page 9).
Catalogue : le contrle de qualit drive
en monopole des semenciers
Pour, entre autre, lutter contre la fraude et la mauvaise qualit
des semences, un premier catalogue des espces et varits
cultives en France est tabl i en 1 932, mais i l ne concerne
que quelques espces de grandes cultures agricoles et n'est
pas encore obligatoire pour pouvoir commercial iser des se-
mences. I l le deviendra en 1 949 et sera ensuite progressivement
tendu l'ensemble des plantes cultives (9). Pour que des se-
mences soient commercial ises, voire changes, la varit
laquelle el les appartiennent doit aujourd'hui tre inscrite au cata-
logue (1 0). Et pour tre inscrite au catalogue, une varit doit
avoir pass avec succs les tests de distinction, d'homognit
et de stabil it (dit aussi critres DHS), ce qui exclut donc de fait
la majeure partie des populations (11 ). A ces trois critres, i l
faut ajouter pour les plantes de cultures agricoles (1 2) les cri-
tres appels VATE pour Valeur Agronomique, Technologique et
Environnementale (1 3).
I l existe deux statuts pour les varits agricoles inscrites au ca-
talogue : cel les qui sont dans le domaine public, et cel les qui
sont couvertes par un droit de proprit industriel le appel certi-
ficat d'obtention vgtale (COV) (1 4) dpos par l 'entreprise se-
mencire qui les a mises au point ou qui en a achet les droits
d'exploitation. Explication : dans l 'Union europenne, un obten-
teur dpose un COV sur chacune de ses varits (1 5) et les ins-
crit au catalogue. Mais le COV a une dure limite de 25 30
ans selon les espces (1 6). Aprs ce dlai, la varit tombe
dans le domaine public. El le peut alors tre maintenue au cata-
logue par l 'obtenteur initial ou par une autre personne physique
ou morale, sous rserve qu'el le puisse se procurer des se-
mences de base (1 7). Ces semences peuvent alors continuer
tre commercial ises, comme c'est le cas aujourd'hui pour 450
varits, qui sont inscrites au catalogue mais totalement l ibres
de droits (1 8). Ces dernires peuvent tre ressemes gratuite-
ment et vendues comme semences (sous rserve d'un agr-
ment par le Groupement national interprofessionel des
semences et plants (GNIS). Mais la plupart du temps, el les sont
PAS FACILE DE S'Y RETROUVER DANS CES NOTIONS DE PROPRIT INDUSTRIELLE SUR LE VIVANT. CE QUI EST CERTAIN, C'EST QUE
LES PAYSANS SONT LA PLUPART DU TEMPS POURSUIVIS COMME DES FRAUDEURS LORSQU'ILS VEULENT CHANGER LEURS
SEMENCES (1 ). ET QU'IL EST JURIDIQUEMENT DIFFICILE POUR EUX DE RETROUVER UNE MARGE DE MANUVRE POUR PRODUIRE
LEURS PROPRES SEMENCES ET ENCORE PLUS POUR LES CHANGER OU LES VENDRE. CATALOGUE OFFICIEL ET DROITS DE
PROPRIT INDUSTRIELLE SONT EN EFFET AUTANT DE FREINS POUR LA PRODUCTION DE SEMENCES PAR LES PAYSANS ET POUR LES
PAYSANS. L'ARRIVE MASSIVE DES BREVETS SUR DES TRAITS GNTIQUES DE PLANTES AGGRAVE ENCORE LE PROBLME EN
CONFISQUANT LE VIVANT, AU DTRIMENT DES PAYSANS ET MME DE CERTAINS SEMENCIERS. EXPLICATIONS.
Bl : graines ou semences ?
Lunasinestrellas
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SEMENCES
8
Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org
l 'absolu, la rponse est non, i l ne serait coupable que s'i l avait
vendu des semences. Mais i l a vendu du grain pour les poules.
Et i l n'est pas habil it contrler ce qu'en fait son acheteur. Le
GNIS prcise cependant que la rponse cette question est
aussi base sur la bonne foi du vendeur, bonne foi estime selon
diffrents critres. Le plus fort est sans aucun doute le prix au-
quel ces grains ont t vendus : si c'est au prix de la semence (et
non du grain), le soupon est automatique. D'autres critres
d'apprciation de la bonne foi sont possibles, comme par
exemple d'avoir dtai l l sur la facture la nature de la varit : si
ce dtai l n'apporte rien l 'al imentation des poules, mais au
contraire va dans le sens d'une semence adapte un certain
type de terroir, alors la bonne foi peut tre mise en cause.
Quant celui qui a sem les grains au lieu de les donner aux
poules, que risque-t-i l ? Rien du tout, car i l peut faire ce qu'i l veut
de ce qu'i l a achet (sauf bien sr s'i l s'agit d'une varit prot-
ge : i l doit alors payer des droits de l icence). Par contre, i l ne
pourra pas se retourner contre celui qui lui a vendu du bl si par
exemple les semences ne germent pas, puisqu'i l a achet du
grain et non des semences.
On ignore parfois que la semence est protge !
Le systme du COV est rgi au niveau international par l 'Union
pour la Protection des Obtentions Vgtales (UPOV) qui englobe
aujourd'hui 73 pays sur 1 93 (25). Mais i l coexiste avec un autre
systme de protection industriel le : le brevet. Dans certains pays
on peut dposer un brevet sur une varit (c'est le cas notam-
ment des tats-Unis, mme s'i ls sont galement membre de
l'UPOV). Dans d'autres, comme dans l 'Union europenne, les
brevets sur les varits et les races animales sont interdits.
Mais, et c'est l que tout se complique, on peut aussi, dans
beaucoup de pays et notamment en Europe, dposer un brevet
sur une squence ou un trait gntique (ou pour faire court un
gne ) contenu dans la plante (ou dans un animal ou un mi-
cro-organisme) si on respecte quatre critres : i l faut avoir iden-
tifier sa nouvelle fonction, que cette information gntique ne
soit pas dj connue, qu'el le ne soit pas rserve une
seule varit et qu'el le puisse avoir une
application industriel le. Aux yeux de la
loi, un tel brevet privatise les plantes qui
contiennent cette squence gntique au
profit du dtenteur du brevet. Ce qui peut
donc avoir la consquence surprenante
suivante : tel le varit, en tant que vari-
t, n'est pas brevetable ; mais toutes les
plantes qui la constituent peuvent de fait
tre brevetes si el les contiennent une
squence gntique brevete qui ex-
prime sa fonction ! Ce que l'Office
europen des brevets (OEB) rsume
avec un schma (26) qui montre en
exemple que si l est impossible de
breveter la varit Golden delicious, i l est
par contre possible de dposer un brevet
sur toutes les plantes contenant un taux
lev de vitamine C, en tant quinvention.
Ds lors, toutes les varits de pommes
avec un taux lev de vitamine C, comme
par exemple la varit Belle de Boskoop,
sont incluses dans cet ensemble de
plantes et sont donc de facto couvertes
par la protection de ces brevets.
La consquence du brevetage de ces
gnes, et qui plus est de gnes pr-
radies du catalogue parce que la maintenance nest plus as-
sure par aucun obtenteur (1 9). El les ne peuvent alors plus tre
commercial ises, mais peuvent malgr tout se retrouver dans un
champ si un agriculteur en demande un petit lot une banque de
semences qui les aurait conserves au pralable.
Un agriculteur qui achte des semences d'une varit qui est
non seulement inscrite au catalogue mais aussi protge par un
COV paye un droit de les uti l iser factur avec le prix d'achat. I l
s'agit de premires royalties verses l'obtenteur. L encore,
deux cas de figure se prsentent. En rgle gnrale, un agricul-
teur rachte chaque anne la semence protge l'obtenteur
(ou un semencier sous l icence avec ce dernier). I l est obl ig de
le faire lorsqu'i l uti l ise des hybrides F1 . Mais, pour 34 (20) es-
pces drogatoires (21 ), un agriculteur peut ressemer une partie
de sa rcolte lorsqu'i l s'agit de varits non hybrides F1 . I l doit
alors s'acquitter d'une cotisation volontaire obligatoire (CVO) (22)
(cf. encadr page 8). Seul le petit agriculteur ne paye pas la
CVO, ou celle-ci lui est rembourse. Petit agriculteur ? C'est celui
qui rcolte moins de l 'quivalent de 92 tonnes de crales, ce qui
reprsente, en France, plus ou moins 1 5 ha de crales suivant
les rgions (23).
A noter qu'un slectionneur, ou un agriculteur qui souhaite faire
sa propre varit, peut uti l iser n'importe quelle autre varit,
mme protge par un COV, pour en slectionner une autre et
obtenir une nouvelle varit, qui doit remplir son tour les cri-
tres DHS pour que ses semences puissent tre commercial i-
ses (24) et tre suffisamment distincte de la prcdente pour
pouvoir dposer un nouveau COV.
Voyons un cas concret : un cultivateur de bl sme une popula-
tion (sans COV) ou une varit du catalogue libre de droit I l
peut vendre son grain qui i l veut, peut ressemer sa rcolte et
continuer ainsi toute sa vie. Mais si la personne qui i l a vendu
son grain, disons pour l 'al imentation de ses poules, le sme au
lieu de le donner ses poules, que se passe-t-i l lgalement ? Le
cultivateur de bl est-i l coupable d'avoir vendu une semence
n'appartenant pas une varit inscrite au catalogue ? Dans
LA SEMENCE DE FERME : UN DROIT QUI SE PREND
Les semenciers justifient le systme du COV en arguant du cot de dveloppement
des nouvelles varits ; et certains paysans le rejettent en arguant du pil lage pralable
de leurs ressources par les semenciers, sans contreparties, pour mettre au point ces
varits (1 ). Du coup, ces derniers lgitiment le fait de garder, pour ressemer dans leur
ferme, une partie de leur rcolte. Ceci est techniquement possible pour les semences
de varits multipl ies en poll inisation l ibre. Ces varits gardent en effet une bonne
partie de leurs caractristiques initiales et peuvent mme parfois voluer vers une
meil leure adaptation locale. Le paysan rcolte des graines qui donneront, globalement,
la mme rcolte pendant un nombre d'annes variable suivant les qualits de la varit
initiale et pour peu qu'i l fasse un minimum de slection. Certains paysans gardent donc
ces semences, appeles semences de ferme , soit lgalement en ayant pay un
droit pour les 34 espces sus-mentionnes, soit i l lgalement tant qu'i ls ne sont pas
pris, tant i l est compliqu pour un semencier de prouver ce qu'aux yeux de la loi on ap-
pelle une contrefaon ! Ce qui pourrait changer avec l 'introduction dans les vari-
ts de marqueurs molculaires , sorte de signature gntique de l'entreprise, faciles
dtecter
Pour les plantes allogames ( fcondation croise), comme le mas, le caractre hy-
bride F1 de la plupart des semences commerciales donnera, la gnration suivante,
une production htrogne, moins productive. Mais i l existe aussi pour ces espces
quelques varits populations qui peuvent se ressemer, sans dgnrer.
1 , I ls rajoutent qu'un slectionneur qui vend des animaux reproducteurs n'exige pas de
royalties sur sa descendance, mais se contente de le vendre plus cher qu'un animal destin
l 'engraissement ou l 'abattage.
-
SEMENCES 9
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existants l 'tat naturel (appels aussi gnes natifs ), est
simple : une entreprise peut s'approprier toutes les plantes de la
Plante qui possdent tels ou tels gnes qu'el le a brevets. Et
donc interdire aux paysans de les cultiver et d'en commercial iser
la rcolte sans payer au pralable une redevance. Situation scan-
daleuse aux yeux de tous les paysans, mais aussi de certaines
entreprises semencires qui ne peuvent plus util iser librement les
varits de leurs concurrents ou les ressources gntiques des
banques de semences sans au pralable s'assurer - mais com-
ment ? - qu'elles sont totalement libres de droits. En effet, i l n'y a
pas d'obligation d'indiquer sur les sacs de semences si ces der-
nires renferment des squences gntiques brevetes. I l faut
donc mener l'enqute, ce qui a un cot exorbitant.
Comment sortir de l'appropriation du vivant ?
De plus en plus de voix s'lvent contre la brevetabil it des
gnes natifs. Il y a une quasi unanimit des acteurs contre la
brevetabilit des gnes natifs, l'exception des grosses entre-
prises de semences, assurait Franois Burgaud, directeur des
relations extrieures du GNIS, au journal Le Monde (27). La
science fait tant de progrs qu'il va tre de plus en plus facile
d'isoler tel gne correspondant telle fonction. S'ils sont syst-
matiquement brevets, c'est la fin des mthodes classiques de
slection par croisement . Les semenciers du GNIS protgent
en effet leurs semences par des COV, et non des brevets. C'est
pourquoi, contre le brevet, i ls soul ignent volontiers leur accord
avec les dnonciations du Rseau Semences Paysannes (RSP),
mme s'i ls proposent des solutions diffrentes. Mais le RSP d-
DES PAYSANS PEUVENT-ILS S'CHANGER TITRE GRACIEUX DES SEMENCES ?
Les changes de semences sont rgis par le Dcret n81 -605 du 1 8 mai 1 981 (1 ) qui concerne la production en vue de la commercia-
lisation ainsi que la commercialisation de semences et de plants . Apparat le mot commercial isation , donc a priori cela ne concerne
pas les changes gratuits. Dtrompez-vous ! Car, reprend le texte, au sens du prsent dcret, par commercialisation, on entend la
vente, la dtention en vue de la vente, l'offre de vente et toute cession, toute fourniture ou tout transfert, en vue d'une exploitation
commerciale, de semences ou de plants, que ce soit contre rmunration ou non . Contre rmunration ou non ! Alors, mme gra-
tuitement, on ne peut changer les semences ? C'est ainsi, mais i l existe quelques exceptions.
L'article 1 .1 de ce dcret prcise deux exemples de ce que peut tre une exploitation non commerciale d'une varit : l 'exprimentation
et l 'inspection par des organismes officiels, et la fourniture de semences des prestataires de services, en vue de la transformation ou
du conditionnement (2). Et pour les producteurs (article 1 .3), i ls peuvent commercialiser des semences et plants () s'il s'agit :
a) De petites quantits de semences et de plants, dans des buts scientifiques ou pour des travaux de slection ;
b) Des quantits appropries de semences et de plants destines d'autres fins, d'essai ou d'exprimentation, dans la mesure o ils
appartiennent des varits pour lesquelles une demande d'inscription au catalogue national a t dpose .
L'article 2 indique :
- Ne peuvent tre mis sur le march en France sous les termes "semences" ou "plants" suivis d'un qualificatif les produits qui ne r-
pondent pas aux conditions suivantes [suivent trois conditions dont la premire ci-dessous] :
1 Appartenir l'une des varits inscrites sur une liste du Catalogue officiel des plantes cultives ou, dfaut, sur un registre annexe
(. . . ). Cette condition n'est pas exige pour les semences et plants vendus sans indication de varit.
I l est donc possible de vendre des semences n'appartenant pas une varit inscrite au catalogue pour peu qu'on n'indique aucun nom
de varit.
Enfin, l 'article 3.1 de ce mme dcret prvoit des conditions particulires de commercialisation (. . . ) fixes, en tant que de besoin, par
arrt du ministre de l'Agriculture en ce qui concerne :
- les semences ou les plants traits chimiquement ;
- la conservation in situ et l 'uti l isation durable des ressources gntiques des plantes ;
- les semences ou plants adapts la culture biologique ;
- les mlanges de genres, d'espces ou de varits . . .
1 , appel prcisment Dcret n81 -605 du 1 8 mai 1 981 pris pour l 'application de la loi du 1 er aot 1 905 sur la rpression des fraudes en ce qui
concerne le commerce des semences et plants
2, Ne relvent pas de la commercialisation les changes de semences qui ne visent pas une exploitation commerciale de la varit, telles que
les oprations suivantes :
- la fourniture de semences des organismes officiels d'exprimentation et d'inspection ;
- la fourniture de semences des prestataires de services, en vue de la transformation ou du conditionnement, pour autant que le prestataire de
services n'acquire pas un titre sur la semence ainsi fournie .
fend aussi, depuis prs de 1 5 ans, le droit des paysans de slec-
tionner, changer et vendre leurs propres semences paysannes,
avec des critres plus ouverts que ceux du catalogue (28).
Dernire prise de position en date : cel le des organisations pay-
sannes observatrices au Trait international sur les ressources
phytogntiques pour l 'agriculture et l 'al imentation (Tirpaa), qui
menacent de ne plus verser leurs ressources gntiques aux
collections, afin de ne pas facil iter la biopiraterie et finalement
l 'interdiction pour eux de continuer les cultiver (29). La runion
de l 'Organe directeur du Tirpaa (5-9 octobre 201 5 Rome) a t
l 'occasion d'une clarification des positions de chacun, sans pour
autant que l 'Organe directeur du Trait ne dnonce lui-mme la
biopiraterie (30) permise par le squenage massif des se-
mences et plants dposes dans le Trait (programme Divseek
(30)). Ce que condamne le syndicat international de petits pay-
sans La Via campesina, qui attend des nombreux gouverne-
ments, qui ont dcouvert Rome ces dtournements
inadmissibles des objectifs du Trait, une vive raction destine
le remettre dans la bonne direction. La Via Campesina espre
que la prochaine consultation sur les droits des agriculteurs (art.
9 du Trait) organise en 2016 par l'Indonsie fera de ces droits
une priorit garantissant la souverainet alimentaire contre le vol
des semences par les droits de proprit industrielle de l'indus-
trie (32).
FRDRIC PRAT
QUI REMERCIE GUY KASTLER (RSP) POUR SA PRCIEUSE RELECTURE
1 , Les notes de cet article sont : http: //www.infogm.org/article5864
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TRIBUNE
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Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org
Face des changements cl imatiques qui mettent en pri l la sur-
vie mme de l'humanit et notamment les populations les plus
fragiles, de nombreuses organisations, l 'instar de la Confd-
ration Paysanne, de la Via Campesina, ou encore d'Oxfam, d-
noncent l irresponsabil it de poursuivre une agriculture
industriel le qui acclre ces changements. Ces organisations en
appellent un changement radical de modles agricoles et d-
fendent une agriculture qui n'exploite pas la Nature, mais au
contraire enrichit le sol, protge la biodiversit et ne voit pas les
autres espces comme un simple garde-manger . Ces or-
ganisations dnoncent le manque de volont politique et l 'inac-
tion (3) des gouvernements, incapables de prendre la mesure de
la catastrophe venir En matire agricole, le Protocole de
Kyoto n'a eu aucun effet sur la production de gaz effet de serre
mais a permis de faire entrer dans la finance carbone les plantes
gntiquement modifie (PGM).
PGM et climat : quelles relations ?
Aprs seize annes de travail en tant que veil le citoyenne
dinformations, Inf'OGM constate que les PGM s'inscrivent dans
la droite l igne de l 'agriculture industriel le et chimique. Si cette
agriculture a contribu, dans un premier temps, augmenter le
nombre de calories disponibles, rien ne dit qu'une agriculture
paysanne et cologique n'aurait pas russi En revanche,
comme l'ont dj dnonc de nombreux agronomes, comme
Marc Dufumier, cette agriculture hors-sol a provoqu de nom-
breux dgts environnementaux, sociaux et culturels : confisca-
tion des ressources (terres, eau, semences), concentration du
capital, pol lutions diverses, appauvrissement des sols, destruc-
tions des liens entre les hommes, leur environnement et le vivant
(plante ou animal). . .
Annonces comme la solution aux dgts de l 'agriculture
industriel le (4), on constate que globalement les PGM ont des
impacts sanitaires, environnementaux et sociaux qui recoupent
ceux de l'agriculture industriel le. De mme, la promesse de
PGM, capables de s'adapter aux perturbations cl imatiques en
cours (scheresse ou inondation) tout en ayant un impact colo-
gique moindre, n'est pas nouvelle. Ds le dbut des annes
2000, des chercheurs annonaient avoir trouv le gne de r-
sistance au changement cl imatique . Quinze ans plus tard, une
varit de mas tolrant une pluviomtrie rduite est commercia-
l ise sur des surfaces anecdotiques. Dans les champs, on re-
trouve majoritairement du soja tolrant un ou plusieurs
herbicides. Les entreprises ont vendu aux responsables poli-
tiques ces PGM comme capables de rduire de faon vertigi-
neuse les missions de gaz effet de serre, al lant jusqu' faire
de l 'al l iance sans labour + herbicide , le parangon de l'agricul-
ture cologique. Or, nous constatons, au contraire, que la culture
transgnique a, notamment, particip la destruction de forts
natives (5) et de l 'humus du sol, l ibrant ainsi dans l 'environne-
A LA VEILLE DE LA COP 21 , LA SOCIT CIVILE VIENT DE LANCER UN APPEL POUR QUE LES NERGIES FOSSILES RESTENT DANS LES
SOUS-SOLS (1 ). AINSI, CHERCHEURS ET MEMBRES DONG ALERTENT SUR LES CHOIX POLITIQUES FAITS OU FAIRE ET LEURS
CONSQUENCES. POUR LES SIGNATAIRES, POURSUIVRE LEXTRACTION DE CES RESSOURCES DANS LTAT ACTUEL DES
CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES APPARAT COMME UNE ATTITUDE CRIMINELLE (1 00 MILLIONS DE PERSONNES SERONT VICTIMES DU
CHANGEMENT CLIMATIQUE DANS LES PROCHAINES ANNES, ESTIME L'ORGANISATION HUMANITAIRE DARA (2)). CET APPEL
SOULVE LA QUESTION DES RESPONSABILITS QUE DOIVENT PORTER LES AUTEURS DE DCISIONS ET DACTES QUI NE TIENNENT PAS
COMPTE DES LIMITES DE LA PLANTE ET DES BESOINS FUTURS.
ment de grandes quantits de carbone En une phrase : les
PGM sont des plantes qui ont besoin d'engrais, de pesticides,
d'herbicides et de machines de plus en plus puissantes pour
les pandre sur de vastes monocultures.
Les PGM permettent de breveter le vivant
Les PGM et les nouvelles techniques de transformation du vivant
sont galement, voire surtout, un prolongement et une accentua-
tion de cette agriculture sur le plan des droits de proprit indus-
triel le. L'agriculture est ne de l'change de semences entre
agriculteurs ou communauts, puis sont arrives les varits
protges par des certificats d'obtention vgtale (COV) qui r-
duisaient juridiquement ces changes (cf. page 7) Avec les
PGM, ce sont les brevets, derniers avatars dans cette course
la privatisation du vivant, qui se sont imposs et qui sont dpo-
ss aujourd'hui sur les gnes natifs , c'est--dire prexistants
l 'tat naturel. Ces brevets derniers cris permettent aux semen-
ciers d'interdire aux paysans de semer ou ressemer les plantes
conventionnelles dans lesquels ces gnes brevets sont pr-
sents. Actuel lement, les entreprises tentent de breveter de nom-
breuses squences gntiques issues de plantes traditionnelles,
qui pourraient leur servir mettre au point des varits capables
de rsister au changement cl imatique. Pour Navdanya, une ONG
indienne, cette nouvelle forme de biopiraterie menace directe-
ment les revenus et les moyens de subsistance des agriculteurs,
plus particul irement dans les pays en dveloppement (6).
Des PGM pour capter des crdits carbone
En septembre 201 4, un sommet des Nations unies sur le cl imat a
t l 'occasion de lancer une All iance mondiale pour une agri-
culture intel l igente face au climat ( Global All iance for Climate-
Smart Agriculture )(7). Inf'OGM s'interrogeait alors : lagricul-
ture intelligente face au climat [n'est-elle pas] le nouveau cheval
de Troie de lagriculture industrielle et des OGM, responsable, en
partie, de ce drglement climatique ? . Une question lgitime
au regard d'un rapport publi conjointement par la FAO et le
Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale
(CGIAR) qui prsentait seize succs agricoles : aucun projet
dagro-cologie, alors que plusieurs concernaient des varits
hybrides ou transgniques, etc.
Dj en 201 2, les PGM taient mises sur le devant de la scne
climatique, comme solution Le secrtariat de la Convention
cadre des Nations unies sur le changement cl imatique (CC-
NUCC), dont dpend le Protocole de Kyoto, accordait ainsi
l entreprise tasunienne Arcadia BioScience l 'inscription de sa
technologie qui vise amliorer l efficacit de luti l isation de
lazote par les plantes (en anglais : Nitrogen Use Efficiency
NUE), comme ligible au crdit carbone dans le cadre des m-
canismes de dveloppement propre (8). Et Monsanto, paul
-
TRIBUNE 11
Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org
alors par WWF international, souhaitait faire reconnatre son soja
Roundup Ready comme durable , alors mme qu'i l a t pen-
s pour absorber de fortes pulvrisations d'herbicides. . . les-
quelles ont favoris l 'mergence d'adventices rsistantes cet
herbicide. Au final, les pulvrisations n'ont fait qu'augmenter en
quantit et en toxicit (9).
Changer de cadre de pense est devenu impratif
A l'instar de l 'agriculture industriel le, les PGM sont dpendantes
des nergies fossiles, requirent une certaine organisation so-
ciale, favorisent la concentration des ressources naturel les. . . Par
le pass, Inf'OGM avait dj fait le constat, ce jour jamais d-
menti, que la coexistence OGM/non OGM est impossible, que
l 'valuation des OGM avant mise sur le march est biaise et
que le dbat public est dficient (1 0) ; Inf'OGM raffirme au-
jourd'hui que la culture dans laquelle volue les socits
occidentales, fonde sur le rductionnisme et une volont de
puissance technique et de domination par l 'Homme d'une nature
pense extrieure lui-mme, a atteint son paroxysme Le d-
bat sur les changements cl imatiques a dj fourni l 'occasion
Inf'OGM de montrer que ces PGM participent du rchauffement
cl imatique au lieu de l 'attnuer (11 ).
Le l ien entre changement cl imatique et guerre est de plus en
plus document (1 2) : rfugis cl imatiques et rfugis de guerre
peuvent avoir une origine commune quand ce qui est au cur du
confl it est l accs aux richesses naturel les. Lengrenage qui
conduit l effondrement de lagriculture suite la guerre est, de
manire trs schmatique, celui-ci : dplacement des popula-
tions, perte des semences dans la fuite, perte du l ien entre
l homme, son environnement et la plante, impossibi l it de trans-
mettre les savoir-faire traditionnels, arrive de laide alimentaire
(nourriture gratuite), reconstruction de l 'agriculture avec introduc-
tion dintrants chimiques et de semences modernes. Ce schma
se confirme partout dans le monde : en Irak, en Syrie, au Sou-
dan Ce sont aussi des pays o la crise cl imatique sera la plus
violente. Or les co-systmes sont d'autant plus fragil iss quand
les paysans, vritables gardiens d'un patrimoine sculaire qu'i ls
empruntent aux gnrations futures, cdent le pas la seule ra-
tional it conomique. Une fragil isation qui induit son tour exode
rural et fuite. . . Ainsi, l 'abandon progressif du pturage ou du
pastoral isme, au profit des rations de soja + mas, a permis de
concentrer les levages Consquence : dsertification rurale,
augmentation des risques de catastrophe dite naturel le
(avalanche, feu de fort, inondation), des missions de m-
thane. . . Cette dconnection entre la production alimentaire et le
territoire, dj l 'uvre avec l'agriculture industriel le, s'est
accentue avec les PGM.
Ainsi, certaines organisations n'hsitent pas parler d'cocide,
ou de crime climatique . Qui est coupable ? Un tribunal inter-
national des Droits de la Nature, port par la Global All iance des
Droits de la Nature en partenariat avec End Ecocide on Earth,
NatureRights et Attac se runira pour la troisime fois les 4 et 5
dcembre la Maison des Mtal los (Paris 11 ), concomitamment
la COP21 (1 3). Cette initiative citoyenne entend non seulement
tmoigner publiquement de la destruction des conditions de vie
sur Terre, mais aussi statuer sur des cas emblmatiques, en se
basant sur les cadres juridiques mergeant du Droit de la Ter-
re (Dclaration Universel le des Droits de la Terre-Mre, propo-
sition damendements au Statut de la Cour Pnale Internationale
sur le crime dcocide, en sappuyant sur le Droit des Commu-
naux Globaux). Si la notion de Droit de la Nature ou de la Terre
peut s'avrer problmatique qu'est-ce qu'un droit sans de-
voir ? - l 'ide de ce tribunal est de montrer le l ien troit et sub-
stantiel entre la vie en bonne sant mentale et physique des
femmes et des hommes, et le maintien, la prservation et la r-
gnration des co-systmes, et de dfendre le droit de tous
vivre dans un monde sain.
Si Inf'OGM rappelle aujourdhui ces constats effectus sur les
PGM, le caractre irrversible du rchauffement impose de ne
plus penser le monde avec les mots du XIX sicle, avec les
concepts d'un monde o l'tre humain, paul par la techno-
science, n'admet aucune limite son dsir de puissance. Ainsi,
nous serons critiques, dans les annes venir, sur les solu-
tions ancres dans la continuit paradigmatique qui les
condamnent l 'avance. Et, a contrario, nous montrerons que de
vraies solutions existent, des solutions qui, el les, s'inscrivent
dans un autre cadre de pense. . . Par exemple, un cadre dans
lequel i l aurait t dcid que les nergies fossiles restent dans
les sous-sols.
JEAN AZAN, BNDICTE BONZI, JACQUES DANDELOT,
CHRISTOPHE NOISETTE, FRDRIC PRAT
1 , http: //350.org/cl imate-crimes-fr/?pk_campaign=
Infolettre-365&pk_kwd=crimesclimatiquesstop-org
2, http: //daraint.org/
3, Les prcdents sommets sur le cl imat n'ont jamais conduit
des recommandations contraignantes
4, L'AFBV demande aux gouvernements qui se runiront Paris
en novembre, de consacrer un mil l iard d'euros par an pendant
dix ans la recherche biotechnologique.
5, Voir notamment notre article sur le dveloppement du soja GM
en Argentine : http: //www.infogm.org/spip.php?article571 6
6, http: //www.infogm.org/article411 4
7, http: //www.infogm.org/article5721
8, http: //www.infogm.org/article5302
9, http: //www.infogm.org/article4697
1 0, http: //www.infogm.org/-Mission-et-valeurs-
11 , http: //www.infogm.org/article5844
1 2, http: //www.monde-diplomatique.fr/201 5/08/SINAI/53507
1 3, http: //www.naturerights.com/blog/?p=11 26
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Organisation : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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