Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au musée.
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Influences destechnologies de
l'information et dela communication
sur la médiation aumusée
Le projet de musée, le médiateur etl'expérience-visiteur en question.
Camille DAVID
2013-2014Master 2 Valorisation économique de la cultureParcours Culture Patrimoine Tourisme
Sous la direction de MmeLeguennec Aude
ENGAGEMENTDE NON PLAGIATJe, soussigné(e) Camille DAVIDdéclare être pleinement conscient(e) que le plagiat de documents ou d’une partie d’un document publiée sur toutes formes de support, y compris l’internet, constitue une violation des droits d’auteur ainsi qu’une fraude caractérisée. En conséquence, je m’engage à citer toutes les sources que j’ai utilisées pour écrire ce rapport ou mémoire.
signé par l'étudiant(e) le 28 / 09 / 2014
L’auteur du présent document vousautorise à le partager, reproduire,distribuer et communiquer selonles conditions suivantes :
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Cet engagement de non plagiat doit être signé et jointà tous les rapports, dossiers, mémoires.
Présidence de l’université40 rue de rennes – BP 73532
49035 Angers cedexTél. 02 41 96 23 23 | Fax 02 41 96 23 00
Je tiens à remercier mes maîtres de stage de M1 et de M2 avec qui j'ai pu trouver un terrain d’observation large et représentatif.
Je remercie Christophe Courtin, Chef du service des projets numérique et Claire Mandin,
responsable du service des publics ainsi que l'ensemble de l'équipe du château des Duc de
Bretagne, pour leur accueil bienveillant et pour m'avoir permis d'observer de près un site
concerné par les questions du numérique. Une pensée particulière est adressée aux
médiateurs qui ont su répondre avec franchise et sincérité à mes questions.
Je remercie également Vincent Roirand, Président de Mazédia avec qui j'ai pu développer
mes compétences et observer le côté conception et gestion de projet des outils multimédias
muséographiques. Je remercie l'ensemble de l'entreprise Mazedia, et plus particulièrement
Karine Moutier, cheffe de projet et Clément Barbaro, mon collègue stagiaire, pour leur
bonne humeur et leur convivialité.
Enfin, je remercie ma directrice de mémoire, Aude Leguennec qui a su m'orienter dans
mes recherches.
RE
ME
RC
IEM
EN
TS
Sommaire
INTRODUCTION.....................................................................................................................5
1. LE MUSÉE SOUS INFLUENCES : FACTEURS ENDOGÈNES ET EXOGÈNES DE SA MUTATION...........81.1. La naissance de l’interprétation et de la médiation : de nouvelles façons de comprendre.............................................................................................................................8
1.1.1. L’éducation à l’art sous la Troisième République : une fonction laissée aux bénévoles de l’éducation populaire......................................................................................91.1.2. Le médiateur, un concept tardif...............................................................................10
1.1.3. Les principes de l’interprétation..............................................................................121.2. La « Nouvelle Muséologie », une idéologie du musée................................................13
1.2.1. Ecomuséologie et Nouvelle Muséologie : deux concepts proches mais différents. 151.2.2. « Nouvelle muséologie » : un retour aux sources, une question de démarche........16
1.2.3. Des principes fondateurs centrés sur les publics......................................................171.3. Le label « Musée de France » et ce qu’il implique......................................................19
1.3.1. Un nombre important de musées en France.............................................................191.3.2. La loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France..........................................20
1.4. Les modes de gestion ou le musée face à l’impératif financier..................................231.4.1. Les sources de financement.....................................................................................23
1.4.2. Des subventions publiques en baisse, un budget de fonctionnement en hausse......231.4.3. Des modes de gestion de plus en plus tournés vers le droit privé. ..........................24
1.5. Des changements sociétaux qui induisent de nouvelles pratiques.............................271.5.1. Un bouleversement des pratiques qui change notre rapport à la culture.................27
1.5.2. Une évolution des technologies...............................................................................29
2. LES OUTILS NUMÉRIQUES DANS LE PROJET DE MUSÉE : ENJEUX ET RISQUES.........................302.1. Face à la concurrence, la recherche de la différenciation : quand le numérique entre dans la stratégie marketing........................................................................................31
2.1.1. Une concurrence de fait...........................................................................................312.1.2. Musées, marketing et stratégies...............................................................................32
2.1.3. Une volonté de différenciation.................................................................................332.2. Face aux nouveaux usages, des enjeux pédagogiques................................................35
2.2.1. Des professionnels engagés.....................................................................................352.2.2. Un démarche résolument tournée vers les publics...................................................36
2.2.3. Une réflexion globale, une mise en place parfois difficile......................................382.2.4. Expérimentations et programmes de recherche.......................................................39
2.3. Risques et limites d’un tel projet..................................................................................402.3.1. Un projet accessible à toutes les bourses ?..............................................................40
2.3.2. Un véritable projet à mettre en place avec des professionnels................................432.3.3. Dans le cadre de la spectacularisation de l'exposition, une gadgetisation de l'outil numérique ?........................................................................................................................45
2.3.4. Une individualisation de la visite ?..........................................................................47
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2.3.5. Un rapport à la réalité historique altéré ?.................................................................49
3. L’ÉVOLUTION DE LA MÉDIATION HUMAINE...........................................................................51
3.1. La question des aides à la visite et de la virtualisation des collections.....................513.1.1. Le médiateur en voie de disparition ?......................................................................52
3.1.2. Musée versus visite virtuelle : une menace pour la fréquentation ?........................573.2. Vers un enrichissement de la visite guidée ?...............................................................59
3.2.1. Un enrichissement direct de la visite par une meilleure prise en compte des besoins du médiateur.......................................................................................................................603.2.2. Un enrichissement indirect par l'évolutivité des contenus et l'approfondissement du dialogue..............................................................................................................................62
3.3. L'influence des outils numériques sur le métier de médiateur..................................643.3.1. Un facteur d'évolution du métier... mais pas le premier..........................................64
3.3.2. Vers un rôle de plus en plus central dans la production de contenus.......................67
4. DE NOUVELLES FAÇONS DE VIVRE LE MUSÉE.........................................................................684.1. Pourquoi parler d’expérience visiteur ?......................................................................69
4.1.1. Le profil type du visiteur..........................................................................................694.1.2. L'expérience au musée.............................................................................................71
4.2. Le visiteur-acteur ou l’esprit participatif....................................................................744.2.1. Un besoin d'expression et d'interaction....................................................................74
4.2.2. Investir le visiteur dans le musée : plusieurs moyens, plusieurs objectifs...............754.3. Entrer en contact différemment avec les collections : l’interactivité........................77
4.3.1. Une définition de l'interactivité................................................................................784.3.2. L'interactivité au service de l'expérience individuelle et collective.........................79
4.3.3. La gamification : apprendre en s'amusant................................................................814.4. Observer sous un autre angle : techniques de visualisation......................................82
4.4.1. Un principe : mieux comprendre par l'image...........................................................824.4.2. Quelques applications..............................................................................................82
CONCLUSION........................................................................................................................86
BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................................89
ANNEXES................................................................................................................................96
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 4
Introduction
Les technologies numériques ont totalement modifié notre rapport au monde et notre
société. Le savoir est à portée de main de n’importe qui, n’importe où et à n’importe quel
moment. Notre rapport au savoir en est modifié, tout le monde peut partager une partie de ce
savoir, sans statut particulier qui légitimerait le discours donné. L’exemple typique est celui
de Wikipédia, l’encyclopédie collaborative. Internet a aplati les hiérarchies si bien que les
rôles prédéfinis semblent obsolètes. La participation, la collaboration et l’expression sur tous
les sujets est de mise pour toutes les couches de la société et dans tous les domaines. L’espace
public est lui aussi investi puisqu’il est possible d’accéder à ses données personnelles partout,
en tout temps. La frontière entre vie privée, publique et professionnelle se brouille. Dans
quelle mesure ces nouvelles valeurs et les pratiques qui en découlent influencent-elles la
médiation que met en place le musée ?
Ce mémoire vise à étudier l'influence des changements sociétaux et des nouvelles
pratiques induits par les technologies de l’information et de la communication (TIC) sur la
médiation dans les musées. D'abord dans la mesure globale du projet de musée puis plus
particulièrement au niveau de la médiation humaine et de l'expérience visiteur.
Pour définir plus précisément cette problématique, retournons à la source en regardant
les définitions. Selon l'ICOM1 :
« le musée est une institution permanente sans but lucratif, au service de la société
et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose
et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son
environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation »
Quant à la médiation culturelle, elle « recouvre l’ensemble des dispositifs grâce
auxquels les musées cherchent à mieux informer, orienter et former leurs publics, directement
ou par l’intermédiaire de relais de plus en plus variés. »2. L'autre pan de notre problématique
1L L'ICOM (International Council Of Museums) est une ONG en relation formelle avec l'UNESCO, elle
regroupe des musées et des professionnels de musée qui s'engagent à préserver, à assurer la continuité, et à
communiquer à la société la valeur du patrimoine culturel et naturel mondial, actuel et futur, tangible et
intangible.
2 Elisabeth CAILLET et Evelyne LEHALLE, A l’approche du musee, la mediation culturelle, Lyon, Presses
universitaires de Lyon, 1995.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 5
concerne les TIC, ici la définition la plus adaptée est sûrement celle du lexique d'Atout
France3 qui permet, en outre, de faire le lien avec la médiation :
« Médiation (technologies de) : Ensembles de technologies, de réseaux, de
terminaux, de standards et de services qui concourent à assurer la médiation entre
un site touristique et le public. On citera l’audioguide multimédia, les écrans
tactiles, les bornes et les équipements multimédias des musées, la réalité
augmenté et virtuelle, les terminaux mobiles, GPS, cellulaires, baladeurs, les
réseaux fixes et sans fil, l’Internet et le Web… »
Comme précisé précédemment, nous nous restreignons à trois thèmes : le projet de
musée, le médiateur et l'expérience-visiteur :
Le « projet de musée »4, pour reprendre l'expression et la définition de Matthieu
Pinette, rassemble le projet d'établissement (qui définit le fonctionnement et les moyens) et le
projet scientifique et culturel (qui définit les objectifs). Nous pouvons ainsi englober dans
notre réflexion sur l'ensemble de l'institution son aspect financier et ses missions de service
public. Nous posons la question de la démarche et des raisons qui poussent un musée à
s'engager dans la mise en place d'une ou plusieurs technologies de médiation. Le deuxième
thème concerne les médiateurs, les agents de la médiation humaine dont nous questionnons le
rapport aux nouvelles technologies. Enfin, nous nous centrons sur le visiteur et son
expérience muséale, c'est à dire sa façon de vivre le musée.
Pour répondre à ces questionnements, nous nous sommes principalement basés sur des
ressources documentaires et observations faites pendants les différents stages et visites de
musées. Pour la partie concernant les médiateurs, nos sources proviennent de dix entretiens
semi-directifs collectés au mois d'avril et mai 2013 auprès des médiateurs du château des
Ducs de Bretagne. Notons que des extraits sont aussi présents dans les autres parties lorsqu'ils
illustrent particulièrement bien les propos tenus.
Il est important de préciser qu'il ne s'agit pas de questionner les technologies au musée
sous l'angle de la numérisation des collections dans un but de conservation ni de poser la
3 ATOUT-FRANCE, Visite culturelle et TIC le numerique au service de la visite touristique et culturelle , Paris,
ATOUT France, 2009.
4 Matthieu PINETTE, « Le Projet de Musée : inutile pensum ou outil salvateur ? », La Lettre de l’OCIM.
Musées, Patrimoine et Culture scientifiques et techniques, 1 juillet 2009, no 124, p. 15.
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question de leur présence sur les réseaux sociaux, dans une stratégie de communication. Nous
nous intéressons ici aux dispositifs de médiation, aux moyens que met en place le musée pour
créer un dialogue entre les visiteurs et les œuvres. De plus, les exemples exposés concernent
parfois des sites patrimoniaux. Nous avons estimé qu'en tant que lieu de contemplation et basé
sur les mêmes missions que le musée, les exemples donnés étaient malgré tout pertinents.
Nous déterminerons dans un premier temps le contexte spécifique des musées actuels.
C'est à dire les mouvements qui ont influencé la médiation et le contexte juridique des musées
de France, ce qui servira de base pour déterminer les missions du musée. Dans un registre
moins muséologique, le contexte financier et les changements sociétaux induits par les TIC
seront abordés. Il s'agira de comprendre ce qu'est un musée de nos jours, les mouvements qui
peuvent avoir influencé sa vision des publics, de la médiation et de la transmission du savoir
et les facteurs avec lesquels il doit composer.
La deuxième partie concerne le projet de musée et la façon dont le numérique s'y
inscrit. Nous traitons d'abord de la présence du numérique dans la stratégie marketing du
musée : pourquoi et dans quel but. Vient ensuite l'aspect lié aux missions de service public
dans sa dimension d'accessibilité, d'éducation à la culture et de recherche, qui questionne la
démarche dans laquelle sont engagés les musées qui décident de se lancer dans un tel projet.
Enfin nous abordons les limites et les risques liés à ces deux sujets. Cette partie vise à définir
l'influence des TIC sur ce qu'on pourrait appeler la « stratégie globale » du musée. Elle
concerne donc les stratégies dans un objectif mercantile mais aussi dans un objectif
pédagogique. Elle identifiera les problématiques auxquelles peuvent faire face des décideurs
non seulement dans le cadre de la gestion du projet mais aussi dans sa démarche scientifique
et muséologique.
Le troisième temps de ce mémoire se concentre sur l'acteur principal de la médiation :
le médiateur. Nous traitons d'abord d'une crainte souvent rencontrée dans le monde muséal
qui est celle de voir le médiateur remplacé par l'aide à la visite. Ensuite, nous verrons cadre
spécifique des technologies de médiation dans la visite guidée et dans quels cas elles peuvent
se révéler enrichissantes. Enfin, le sujet de l'évolution du métier est abordé. L'enjeu est de
connaître la position du médiateur sur ces questions et comment les nouvelles pratiques ont
influencé son travail et pourrait peser sur son avenir.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 7
Enfin, la dernière partie touche l'aspect du visiteur et de son expérience muséale. Nous
voyons d'abord qui est-il et pourquoi parle-t-on « d'expérience ». Nous nous penchons ensuite
sur les différentes façons, pour ce visiteur, de s'impliquer dans la vie du musée et d'en aborder
les collections, à travers l'interactivité et les techniques de visualisation. Ici, il s'agit d'établir
un profil type et dans quelle mesure, la visite du musée est une expérience. Nous établissons
alors quelques cadres dans lesquels cette expérience muséale peut prendre place.
1 Le musée sous influences : facteurs endogènes et exogènes de sa mutation
Nous cherchons à faire le bilan sur les facteurs qui influencent les décisions du musée
actuel. Ceux induits par son propre domaine, la muséologie, la médiation mais aussi ceux
entraînés par son environnement comme le contexte économique et technologique.
Nous commençons par expliquer le rapport à la culture tel que le concevaient les
hommes politiques à la fin du XIXè siècle. Ces postulats entraînent un développement tardif
de l'éducation à l'art dont les traits prennent petit à petit la forme des principes de
l'interprétation.
Puis nous abordons le mouvement de la Nouvelle Muséologie, apparue et développée
à partie des années 1980. C'est dans cette idéologie que la médiation, dans son sens premier
de « lien » prend tout son sens.
Ensuite nous approcherons le musée sous son aspect juridique avec la loi sur les
musées de France de 2002. Elle nous permettra de visualiser les missions et devoirs d'un
musée tel qu'il se dessine aujourd’hui.
La quatrième partie traite de leur environnement économique et des modes de gestion
des musées qui en découlent.
Enfin, nous déterminons le contexte technologique, les changements sociétaux et les
nouvelles pratiques auxquels ils font face.
1.1. La naissance de l’interprétation et de la médiation : de nouvelles façons de comprendre
Lorsque l’on étudie l’histoire du patrimoine en France, on se rend vite compte que la
conservation et l’inventaire des objets, des monuments et leur exposition au public a
rapidement été un enjeu. Par contre, la transmission et l’explication au public n’était pas
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 8
abordée et l’interprétation des œuvres est laissée à charge des bénévoles et autres associations
des amis du musée.
1.1.1. L’éducation à l’art sous la Troisième République : une fonction laissée aux bénévoles de l’éducation populaire.
La fonction de conservateur est construit très tôt, dès la création du Musée Central des
Arts au Louvre en 1793. Mais son rôle est avant tout scientifique :
« si sa mission consiste à produire des connaissances à partir des collections dont
il a la charge, il n’a pas forcément vocation à vulgariser ces connaissances. […]
La conception des expositions, dans la logique des conservateurs, est avant tout un
projet scientifique et non pas un projet culturel ».5
D’ailleurs, le concept de Projet Scientifique et Culturel n’apparaît que tardivement, en
2002 dans la Loi sur les musées. L’État se donne donc un rôle de conservation et permet au
public d’accéder aux œuvres, mais il ne met pas en place d’actions de médiation qui
permettraient une meilleure compréhension.
Cette position peut être discutable mais ici il est question de vision de l’instruction
publique. Le gouvernement de la IIIè république, qui a écrit les lois les plus importantes sur le
patrimoine, donne une différence fondamentale entre l’instruction scolaire et l’instruction
sociale et/ou morale et civique. La première donne les bases d’écriture, de lecture et de calcul,
la seconde forme un citoyen éclairé. Le mot « instruction », n'est pas neutre et est différent de
l’éducation qui est un « ensemble des connaissances intellectuelles, culturelles, morales
acquises dans ce domaine par quelqu'un, par un groupe »6. L’État se donne le rôle de donner
des connaissances et des savoirs et non une réflexion. Il se refuse donc de sortir du cadre
scolaire afin de ne pas influencer la « sensibilité individuelle » de chacun. Dans l’esprit de la
fin du XIXè siècle, ce pan civique est acquis à travers l’éducation populaire basée sur des
personnes bénévoles et favorisée par la loi sur la liberté d’association de 1901. L’éducation à
l’art et à la beauté, ce qu'on pourrait appeler « médiation culturelle » en fait partie.
5 Isabelle MATHIEU, L’action culturelle et ses metiers, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Partage du
savoir », 2011, p. 136.
6 LAROUSSE, Larousse poche 2013: dictionnaire de langue francaise, Paris, Larousse, 2012.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 9
1.1.2. Le médiateur, un concept tardif
La question de la médiation n’est donc pas du ressort de l’État selon le gouvernement
de la IIIe République. Cet état d’esprit changera dans le siècle à venir, quoique tardivement,
puisque les politiques culturelles mises en place à la Ve république auront comme mot d’ordre
« la démocratisation culturelle ». Le premier ministère des affaires culturelles est créé en
1959, conduit par André Malraux jusqu’en 1968. Sa politique culturelle consiste à « rendre
accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre
possible de Français »7 mais s’oppose à la création de dispositifs pédagogiques. Il croit au
« choc esthétique », l’œuvre se suffit à elle-même pour procurer une émotion au public, il n’y
a donc pas besoin d’intermédiaire. Ainsi déclare-t-il :
« Il n’est pas vrai que qui que ce soit au monde ait jamais compris la musique
parce qu’on lui a expliqué la Neuvième Symphonie. Que qui que ce soit au monde
ait jamais aimé la poésie parce qu’on lui a expliqué Victor Hugo. Aimer la poésie,
c’est qu’un garçon, fût-il quasi-illettré, mais qui aime une femme, entende un
jour : "lorsque nous dormirons tous deux dans l’attitude que donne aux morts
pensifs la forme du tombeau" et qu’alors il sache ce qu’est un poète ».8
Les actions s’orientent donc sur l’accessibilité de l’art pour tous : création des Maisons
des Jeunes et de la Culture, nettoyage de grands monuments parisiens... L’éducation artistique
en milieu scolaire est réellement développée sous Jack Lang, ministre de 1981 à 1993 avec de
nouvelles disciplines (théâtre, cinéma, histoire des arts...) et des opérations de sensibilisation
pour les classes. Il met aussi en place les premières Journées du Patrimoine, permettant au
grand public de mieux le découvrir. Les successeurs de droite ou de gauche de Jack Lang
poursuivent plus ou moins la même politique.
On peut voir que cette politique a beaucoup d’influence sur les publics des musées
puisque la part de scolaires est très importante dans la plupart des musées de France. Par
exemple au musée des Ducs de Bretagne en 2012, 30 % des publics viennent en groupe, 68 %
d’entre eux sont des scolaires ce qui revient à 22 % du public total du musée9. Dès lors que
l’éducation artistique était entrée à l 'école, il fallait avoir des personnels pour la mener à bien.
7 Décret du 24 juillet 1959
8 Discours prononcé à l'occasion de l'inauguration de la Maison de la culture d'Amiens le 19 mars 1966
9 Source interne
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 10
Le métier actuel de médiateur est issu d’une fonction : expliquer les collections au
visiteur par différents moyens. Mais celle-ci est nommée sous différentes appellations au
cours des années. D’éducateur du début du XXe siècle, ayant un profil de militant dans
l’éducation populaire, on passe à guide, conférencier et même animateur. Ces dénominations
ne suivent pas chronologiquement et parfois se superposent. Elles traduisent aussi des
idéologies et une vision de la transmission du savoir différente. Les premiers se recrutent en
premier lieu parmi les étudiants et diplômés en histoire de l’art pour accompagner les visiteurs
dans les musées nationaux à partir des années 1920. L’animateur, lui est recruté à partir des
années 1970 dans les collectivités territoriales pour proposer des activités aux enfants dans un
cadre socio-éducatif. D’ailleurs, dans le réseau des Villes et Pays d’Art et d’Histoire, le pivot
du service est bien l’animateur du patrimoine. On retrouve alors le parallèle entre l'instruction,
plutôt représenté par le guide-conférencier et l'éducation, plutôt défendue par l'animateur.
Le terme de médiateur vient directement du concept de médiation culturelle,
développé par Élisabeth Caillet et Évelyne Lehalle entre la fin des années 1980 et le début des
années 1990 : « La médiation culturelle recouvre l’ensemble des dispositifs grâce auxquels les
musées cherchent à mieux informer, orienter et former leurs publics, directement ou par
l’intermédiaire de relais de plus en plus variés. »10. Le Ministère de la Culture reprend alors
cette dénomination et pousse les musées à l’utiliser afin de n’avoir qu’une appellation pour
désigner ces fonctions d’accompagnement et de direction d’activités pédagogiques.
Cependant elle n’est pas parfaitement claire pour le grand public et les médiateurs eux-mêmes
se présentent plus souvent en décrivant ce qu’il font plutôt qu’en donnant le nom de leur
métier11. Une des médiatrices du château des Ducs de Bretagne le dit très bien :
« […] le médiateur, voilà, il va falloir petit à petit, qu'on forme aussi un peu les
visiteurs sur véritablement quel est notre rôle parce qu'on est pas guides, on est
pas animateurs, on est médiateurs. Alors, c'est pas évident même pour nous
d'arriver à... […] véritablement, poser les limites. C'est pas qu'on est ouverts ou
fermés par rapports à certaines choses, [...] je veux dire, on est pas fermés à
différentes choses mais euh... C'est véritablement déjà qu'il [faut qu'il] y ait une...
véritable...connaissance, de découverte, de savoir qui on est parce que quand on
10 Elisabeth CAILLET et Evelyne LEHALLE, A l’approche du musee, la mediation culturelle, op. cit.
11 Aurélie PEYRIN, « Focus - Les paradoxes de la médiation culturelle dans les musées », Informations sociales,
1 mai 2012, vol. 170, no 2, p. 65.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 11
dit « médiateur », c'est quelque chose qu'est pas très clair dans l'esprit des
visiteurs. Ils pensent plutôt, on dit à chaque fois “médiateur judiciaire” ou hein.
[…] Donc c'est vraiment déjà une découverte du métier [...]. »12
1.1.3. Les principes de l’interprétation
La médiation culturelle n'est pas un terme utilisé dans les pays anglo-saxons. On lui
préfère le concept d'interprétation. Pourtant ces deux notions sont très proches et défendent
sensiblement les même principes. Elle fut appliquée dans les grands parcs nationaux
d’Amérique du Nord dès le XIXe siècle13 mais ses grands principes sont rédigés par Freeman
Tilden en 1957. À la suite d’une étude pour Parcs Canada qu’il fut chargé de réaliser, il rédige
un ouvrage « Interprating our héritage ». L’observation des conférenciers et animateurs du
parc lui permet de donner plusieurs préconisations. Le mot « Interprétation » vient du titre de
son livre, il le définit lui-même comme étant « An educational activity which aims to reveal
meanings and relationships through the use of original objects, by firsthand experience, and
by illustrative media, rather than simply to communicate factual information. »14
Six préceptes sont à retenir :
1. « Relation. Toute interprétation d’un paysage, d’une exposition ou d’un récit qui
n’en appelle pas, d’une façon ou d’une autre, à un trait de personnalité ou de
l’expérience du visiteur, est stérile.
2. Révélation. L’information n’est pas de l’interprétation. Celle-ci est une
révélation basée sur l’information mais les deux choses sont totalement
différentes, bien que toute interprétation présente des informations.
3. Interdisciplinarité. L’interprétation est un art qui en combine plusieurs autres,
que la matière première soit scientifique, historique ou architecturale. Tout art
peut s’enseigner, dans une certaine mesure.
4. Provocation. L’interprétation cherche à provoquer (éveiller la curiosité) plus
qu’à instruire.
12 Sources : Entretien avec C., Médiatrice, le 23 avril 2013
13 Annette VIEL, « L’interprétation. Construire une expérience du lieu alliant sens, conscience et connaissance
», Cahier Espaces, 2011, n°109, p. 17.
14 Freeman TILDEN, Interpreting our heritage, 4th ed., expanded and updated., Chapel Hill, University of North
Carolina Press, 2007, p. 8. « Une activité éducative qui a pour but de révéler des significations et des
corrélations à travers l’usage d’objets originaux, par l’expérience directe et par des moyens illustratifs plutôt
que de simplement communiquer des informations factuelles » Traduit par Camille DAVID
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 12
5. Globalité. L’interprétation doit chercher à présenter un tout plutôt qu’une partie,
et s’adresser à l’homme tout entier plutôt qu’à l’une de ses caractéristiques.
6. Adaptation. L’interprétation pour les enfants ne doit pas être une dilution de ce
qu’on présente aux adultes. Elle doit suivre une voie fondamentalement
différente et donnera ses meilleurs résultats si elle obéit à un programme
distinct.»15
Dans les années 1980, de nombreux centres d’interprétation sont créés au Québec,
adoptant ces préconisations. La France, influencée par cette muséologie québécoise créera elle
aussi ses centres d’interprétation, mais souvent sous le nom de « Maison de... »16 Aujourd’hui,
le terme « centre d’interprétation » est surtout utilisé pour les Centres d’Interprétation des
Arts et du Patrimoine (CIAP) mis en place par les membres du réseau Villes et Pays d’Arts et
d’Histoire. L’interprétation est plus souvent pensée dans un contexte où il n’y a pas
réellement de collection : patrimoine naturel comme au Canada, patrimoine monumental plus
développé en France... Cependant, cette démarche est tout aussi pertinente dans les musées et
leurs collections. Le premier et dernier aspect s’appliquent particulièrement bien aux
fonctions du médiateur : en observant une visite guidée, on voit que l’interaction, l’échange
est encouragé (Relation), par ailleurs ateliers pédagogiques et visites spécifiques aux enfants
sont des pans qui occupent la majeure partie du temps d’un médiateur, étant donné la part
importante de scolaires dans les publics d’un musée (Adaptation).
La médiation était donc loin d'être une évidence au moment de la création des musées.
Il a fallu attendre le milieu du XXè siècle pour voir la profession être institutionnalisée et
encore plus longtemps pour voir apparaître le « médiateur » qui rassemble toutes les
professions autour du public et des œuvres.
1.2. La « Nouvelle Muséologie », une idéologie du musée
La muséologie peut avoir plusieurs définitions, on en compte jusqu’à cinq dans la
publication pour l’ICOMOS17 « les concepts clés de la muséologie » par François Mairesse et
15 Serge CHAUMIER et Daniel JACOBI, Exposer des idees: du musee au centre d’interpretation, Paris, France,
Complicites, coll. « Collection privee », 2009, p. 20.
16 Serge CHAUMIER, « Les centres d’interprétation du patrimoine », in Philippe POIRRIER (dir.), Politiques et
pratiques de la culture, Paris, La Documentation francaise, 2010, p. 110.
17 Conseil International des Monuments et des Sites
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 13
André Desvallées. Celle qu'il cite semble la plus pertinente, elle est de Georges Henri
Rivière :
« La muséologie : une science appliquée, la science du musée. Elle en étudie
l’histoire et le rôle dans la société, les formes spécifiques de recherche et de
conservation physique, de présentation, d’animation et de diffusion,
d’organisation et de fonctionnement, d’architecture neuve ou muséalisée, les sites
reçus ou choisis, la typologie, la déontologie »18 (Rivière, 1981). La muséologie
s’oppose, en quelque sorte, à la muséographie, qui désigne l’ensemble des
pratiques liées à la muséologie. »19
Le mouvement de la nouvelle muséologie naît dans un contexte difficile : la crise de
1973 met les musées face au défi financier, la décolonisation remet en question la notion de
« culture » à l’occidentale en posant la question de « la culture des autres »20 et de sa
légitimité, celle des oubliés de l’Histoire en opposition avec la culture savante, humaniste
héritée des lumières représentée en premier lieu par les Beaux-Arts. On parle alors de
« culture au pluriel »21. Des expériences de musées sont menées : le Musée de voisinage
d’Anacostia, la Casa del Museo, le Musée éclaté du Creusot. Ils posent la question du rôle du
musée dans la société, son rapport à l’homme et à son environnement. La philosophie de la
nouvelle muséologie trouve ses racines dans la Déclaration de Santiago du Chili en 1972.
L’ICOM avait organisé une table ronde sur le rôle des musées dans la société d’Amérique
Latine. Elle affirme alors leur responsabilité dans la « formation des consciences », veut d'une
part rendre le patrimoine aux populations et le mettre à leur service, d'autre part le accessible
aux chercheurs qualifiés. Le terme « Nouvelle Muséologie » est donné lors de la Déclaration
de Québec en 1984, on peut alors dire que le mouvement est né.
Née dans un société en pleine évolution, la Nouvelle Muséologie « vise à redéfinir la
culture elle-même »22
18 Georges HENRI RIVIÈRE, 1981, cité par Andre DESVALLEEES , Francois MAIRESSE, Concepts cles de
museologie, Paris, Armand Colin, 2010, p. 55.
19 Andre DESVALLEEES , Francois MAIRESSE, Concepts cles de museologie, Paris, Armand Colin, 2010, p. 55.
20 Hugues de VARINE, La culture des autres, Paris, Seuil, coll. « Techno-critique », 1976, 252 p.
21 Michel de CERTEAU, La culture au pluriel, Paris, Bourgois, 1980.
22 Serge CHAUMIER (dir.), « La nouvelle muséologie mène-t-elle au parc? », Expoland, Paris, Complicites, 2012,
p. 68.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 14
1.2.1. Ecomuséologie et Nouvelle Muséologie : deux concepts proches mais différents
Souvent confondue avec la Nouvelle Muséologie, l’écomuséologie lui est pourtant
antérieure. Si les théoriciens de ce concept, Georges Henri Rivière et Hugues de Varine, font
aussi partie des instigateurs du mouvement et que ses positions communautaires en découlent,
l’écomuséologie n'en représente pourtant pas à elle seule les principes. La Nouvelle
Muséologie fut « créée » en 1984 suite à la Déclaration de Québec qui instaure ses
fondamentaux. Elle y inclut l’« écomuséologie, [la] muséologie communautaire et toute autre
forme de muséologie active » mais demande la création de deux structures permanentes :
« a) un comité international « Ecomusées / Musées communautaires » au sein de
l’ICOM (Conseil international des musées ;
b) Une fédération internationale de Nouvelle Muséologie qui pourra être associée
à l’ICOM et à l’ICOMOS »23
Ce dernier existe toujours sous le nom de Mouvement international pour une nouvelle
Muséologie (MINOM). On remarquera que le terme d’écomusée est séparé du mouvement
Nouvelle Muséologie.
Le concept d’écomuséologie est théorisée à partir de 1971. Celle-ci tente de définir les
expérimentations françaises en opposant un type de musée dynamique, en opposition au
musée classique. Elle donne dans un premier temps une vision environnementale, dans le sens
d’un musée lié à son contexte social, économique, géographique, représentant un territoire.
Elle prend ensuite une direction sociale, communautaire et surtout participative suite à la
création du musée éclaté du Creusot en 1973. Le but de l’écomusée est alors de renforcer la
communauté et d’investir la population dans le développement du musée. Il s’oppose
radicalement à la vision du musée classique puisqu’il prône avant tout une intégration
communautaire sans égard pour les collections ni pour leur accessibilité au public. Cela
s'oppose radicalement au musée qui est vu comme replié sur lui-même, « gardien du trésor » :
« Il n’est pas lié d’abord à la mise en valeur du patrimoine, il n’est pas un
auxiliaire du système éducatif actuel, il n’est pas un moyen d’accès démocratique
aux « œuvres éternelles du génie humain ». Il vise à construire l’avenir de la
société, d’abord par une prise de conscience, ensuite par l’engagement et
l’initiative créatrice. »24
23 1er atelier International Écomusée/Nouvelle muséologie, Déclaration de Québec, 1984
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 15
Son apport principal à la Nouvelle Muséologie est dans le rôle social du musée,
comme vecteur de développement local et de fierté :
« La Nouvelle Muséologie […] s’intéresse en premier lieu au développement des
populations, en reflétant les principaux moteurs de leur évolution et les associant
aux projets d’avenir »25
1.2.2. « Nouvelle muséologie » : un retour aux sources, une question de démarche
Le musée à cette époque est un musée-sanctuaire dont les missions principales
tournent autour des collections en oubliant les publics il « s’est comme fossilisé dans ses
réserves ».26 L’accessibilité est favorisée par la politique culturelle initiée par Malraux, basée
sur le « choc esthétique ». Mais les études sociologiques menées par Pierre Bourdieu et Alain
Darbel montrent que les musées s’adressent en premier lieu aux élites en prodiguant un
discours issu de la culture savante, chargé de codes sociaux et de références compréhensibles
uniquement par les initiés27. Le reste de la population restait donc en dehors du musée, malgré
les efforts des politiques culturelles.
Pourtant, il ne s’agit pas de remettre en cause les objectifs de ces institutions. Ils
restent les même pour tous : une « formidable volonté de diffusion des savoirs, d’éveil des
consciences et d’instruction publique »28 dans le but d’élever le niveau de connaissance et de
préparer une société meilleure.
La Nouvelle Muséologie adopte une position relativiste vis-à-vis de la culture : il n’y a
pas une culture « universelle » mais une culture « au pluriel »29 sous l’effet du
multiculturalisme. On voit particulièrement ce changement des mentalités avec la politique de
Jack Lang qui rend « légitime » la culture populaire, avant lui le « Musée national des arts et
traditions populaires » (1937) et « Musée des arts décoratifs » (1905) utilisaient les codes de
24 François MAIRESSE, « La belle histoire, aux origines de la nouvelle muséologie », Publics et Musées, 2000,
vol. 17, no 1, p. 45.
25 Considération d'ordre universel, paragraphe 3, Déclaration de Québec, 1984
26 Serge CHAUMIER (dir.), Expoland, op. cit.., p. 68.
27 Pierre BOURDIEU, Alain DARBEL et Dominique SCHNAPPER, L’amour de l’art les musees d’art europeens et
leur public, Paris, Les Editions de Minuit, 1966.
28 Serge CHAUMIER (dir.), « La nouvelle muséologie mène-t-elle au parc? », op. cit.., p. 67.
29 Michel de CERTEAU, La culture au pluriel, op. cit.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 16
la culture « classique » requérant alors une reconnaissance auprès du public. Le musée donne
alors une légitimité aux sujets qu’il aborde par le seul fait de les accueillir. Les défenseurs de
ces cultures populaires et patrimoines ethnographiques sont aussi animés par ces objectifs de
diffusion du savoir et c’est cette démarche, la volonté d’élargissement des horizons qui
importe à la Nouvelle Muséologie.
Le changement se fait avec le mouvement des générations. C’est par le travail de
plusieurs personnes (Georges Henri Rivière, André Desvallées, Hugues de Varine) qu’une
nouvelle approche du musée apparaît et s’applique dans les institutions. Il ne suffit plus de
permettre l’accessibilité à la culture pour tous par une simple contemplation mais de donner à
tous les clés pour la comprendre, quelle que soit son origine et ses codes sociaux, « en prenant
mieux en compte les destinataires visés »30
1.2.3. Des principes fondateurs centrés sur les publics
La Nouvelle Muséologie veut remettre le public au centre des préoccupations. Dans
« Vagues, une anthologie de la nouvelle muséologie », André Desvallées explique :
« Notre muséologie n’est apparue nouvelle que dans la mesure où la muséologie
avait vieilli. [...] Notre muséologie n’a-t-elle pas ses modèles chez tous les
muséologues et muséographes dynamiques depuis que le musée existe ? N’a-t-elle
pas toujours existé et n’est-elle pas la seule bonne muséologie ? »31
Le Louvre est le premier musée, créé en 1793. Les musées à cette époque ont pour
fonction de conserver « les monuments publics transportables, intéressant les arts et l’histoire
[…] pour l’instruction nationale »32. Le souci d’instruction est bien là dès le début de leur
existence, au même niveau que celui de conservation. La Nouvelle Muséologie ne cherche pas
à bouleverser l’ordre établi mais à retourner aux sources et aux missions premières du musée.
Les objectifs restent les mêmes mais les moyens diffèrent.
L’homme est au centre des attentions du musée. Cette vision prend trois directions
différentes. Dans la première, héritée de l’écomuséologie, la population locale est incluse dans
30 Serge CHAUMIER (dir.), « La nouvelle muséologie mène-t-elle au parc? », op. cit.., p. 70.
31 André DESVALLÉES, Vagues: une anthologie de la nouvelle muséologie, Mâcon Savigny-le-Temple, Éd. W
MNES, coll. « Collection Museologia », 1992, p. 22-23.
32 Décret de la Convention du 24 octobre 1793
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 17
l’organisation du musée ou dans une plus large mesure, participe à la vie du musée. Cela
s’inscrit dans le rôle social du musée et dans son intégration sur le territoire.
La deuxième est en réaction aux études de Pierre Bourdieu33, le musée doit s’adresser
aux publics en prenant en compte leur origine, leurs codes sociaux. C’est dans cet esprit que
peut s’exprimer la culture « au pluriel » et acquérir la reconnaissance recherchée à travers les
musées. La troisième se concentre sur la médiation. Développons ce dernier point.
La Nouvelle Muséologie donne une grande importance à la médiation, notamment la
médiation in-situ. Dans cette optique, elle cherche à s’éloigner de l’école à qui elle laisse « la
lourdeur des démarches didactiques »34 et ouvre la voie à un autre rapport au savoir, différent
de celui de l’étude et de la réflexion, où est inséré la notion de plaisir : « il est permis de se
cultiver sur d’autres choses, et autrement que par les chemins classiques, vite taxés
d’ennuyeux »35. Dans cet optique, elle intègre des moyens utilisant « les émotions, les
sensations, l’expérience du sujet ou la mise en situation », le jeu et l’interactivité en font aussi
partie36. Ces dispositifs sont souvent concentrés sur les enfants. On le voit toujours
aujourd’hui. À visée éducative et ludique, nombre d’entre eux leur sont destinés : le livre des
Siècles à Fontainebleau, Pompidou Kids, le jeu de piste sur iPad à l’Abbaye de Fontevraud...
L’organisation même du musée en est modifiée, le discours est au premier plan, la
collection est là pour l’appuyer, l’interpréter :
« La nouvelle muséologie a peut-être permis le glissement d’une muséologie de
restitution, où le discours préside à l’exposition, mais où la collection demeure
centrale, à une muséologie d’interprétation où le discours est lui-même le sens de
l’exposition, avec des objets mis à son service. »37
Le château des Ducs de Bretagne et la façon dont il a été pensé est un parfait exemple
de cette vision des choses : l’exposition illustre le discours de l’histoire de la ville par les
collections. Un objet précieux et rare peut ne pas être sélectionné car non pertinent dans le
33 Pierre BOURDIEU, Alain DARBEL et Dominique SCHNAPPER, L’amour de l’art les musees d’art europeens et
leur public, op. cit.
34 Serge CHAUMIER (dir.), « La nouvelle muséologie mène-t-elle au parc? », op. cit.., p. 74.
35 Ibid.., p. 73.
36 Ibid.
37 Ibid.., p. 77.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 18
discours et vice versa, un objet quelconque peut être mis en valeur car représentatif. L’objet
n’est plus traité en tant qu’œuvre d’art mais en tant que support.
Le fait de remettre l’homme au cœur du musée donne aussi toute son importance à
l’évaluation et aux différentes techniques de marketing qui ont justement pour objectifs de
mieux connaître les publics et leurs besoins.
La nouvelle muséologie revient donc aux premières missions du musée et recentre son
attention sur le visiteur en lui donnant une place d'acteur et plus uniquement un rôle passif.
Cette position s'est faite en opposition avec les dérives observées à l'époque, des musées
concentrés sur leurs collections en oubliant leurs visiteurs et une vision unilatérale et unique
de la transmission du savoir. La Nouvelle Muséologie prend ses distances avec ces idées en
incluant la notion de plaisir dans l'apprentissage, diversifiant alors les approches pour établir
une relation entre l’œuvre et le public. Elle légitime totalement la démarche des politiques des
public et le développement des médiations pour rendre aux publics ce qui leur revient.
On peut facilement faire un parallèle avec la démarche des musées installant des
technologies de médiation découlant directement de ces idées et défendant les mêmes
postulats. Pourtant aujourd'hui, les musées se sont ouverts aux publics, et sans pour autant
mettre en place des technologies de médiation, ils se diversifient vers d'autre types de visite
guidées, proposent des ateliers sans oublier les collections. L'enjeu vient surtout de l'image du
musée dans les populations dont la modification pourrait leur permettre de prendre la mesure
des possibilités qui s'offrent à eux dans cette institution.
1.3. Le label « Musée de France » et ce qu’il implique.
1.3.1. Un nombre important de musées en France
Notre rapport à la culture et à ce qui constitue une œuvre d’art a changé notamment
suite à la politique culturelle de Jack Lang, ministre de la culture de 1981 à 1993. En effet il
inclut dans le domaine des arts des champs artistiques jusque-là considérés comme marginaux
ou mineurs comme le jazz, les arts décoratifs (la mode, la publicité, le design), la musique
populaire et la chanson. Cette vision des choses est transmise par les différentes actions
culturelles en milieu scolaire déployées durant ces années. On constate dans le même laps de
temps une « fièvre muséale »38 avec des projets de rénovation d’anciens musées et de
construction de nouveaux au niveau international. Un exemple parlant : au Japon, on est passé
38 Francoise BENHAMOU, L’economie de la culture, Paris, Decouverte, 2004.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 19
de 1 musée à 15 en quelques années. En France, c’est l’époque du Grand Louvre et de la
rénovation de plusieurs musées de provinces mais on voit aussi de « petits » musées, gérés par
des associations ou des municipalités présentant une collection d’objets traditionnels plus ou
moins mis en scène. Par exemple, la Bourrine du bois Juquaud à Saint-Hilaire-de-Riez
(rénovation en 1985) ou le musée de la Coutellerie à Nogent (ouverture en 1991). Ces
derniers sont souvent pensés selon les principes de l’écomusée et de l’interprétation (Tilden,
1957).
Avant la loi des musées, il y avait plusieurs catégories de musées : les musées
nationaux, les musées classés et contrôlés par l’État, et les autres. Ces derniers sont hors
réseau « officiel » ils sont donc difficiles à inventorier. On voit aussi de nombreuses structures
municipales ou gérées par des associations mais qui n’ont pas le même cadre ni les mêmes
moyens que les musées nationaux. Il y a plusieurs sources concernant l’inventaire de ces
établissements, qui seraient au nombre de 1 100 à 10 000. En 2001, on recensait 1 135 musées
déclarés selon les « Chiffres Clés 2002-2003, Statistiques de la Culture » mais on ne connaît
pas exactement le chiffre précis de ceux non pris en compte par l’administration. Les
estimations faites par les services d’études et recherches du ministère de la culture en 1983 et
1988 donnent le chiffre de 4 200, les auteurs du livre « Statistiques de la culture en Europe »
(1996), celui de 2 000 et le guide touristique « Guide Dexia » en 2001, 10 000.
1.3.2. La loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France
Aujourd’hui, selon les « Chiffres clés de la culture 2014 », on a 1 218 musées de
France, 23 fonds régionaux d’art contemporain, 49 centres d’art contemporain et 140 000
monuments historiques classés.
Dans une volonté d’uniformisation, la loi sur les musées de France a permis d’éclaircir
la situation concernant la définition d’un musée, ses droits et devoirs. Cependant, elle ne
donne qu’un label « musée de France » qui garantit au public que l’établissement qu’il visite
les respecte mais ne protège le nom de « musée » que peuvent tout de même s’attribuer
d’autres établissements. Selon la loi, les musées nationaux, classés et contrôlés obtiennent
automatiquement le label. Ils sont, pour 87 %39 d’entre eux, gérés par l’État ou des
39 MINISTEERE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION , Chiffres cles 2013: statistiques de la culture, Paris,
Documentation francaise, 2013.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 20
collectivités territoriales. La majorité des musées labellisés sont donc publics, mais il est
difficile de dire que tous les établissements se revendiquant comme musée respectent les
principes fondamentaux du label.
Tout d’abord il est important de donner la définition du musée de France selon la loi :
« toute collection permanente composée de biens dont la conservation et la présentation
revêtent un intérêt public et organisée en vue de la connaissance, de l’éducation et du plaisir
du public ». Dans ce cadre, le musée à plusieurs obligations à remplir dans le domaine des
collections, de l’éducation, de la recherche et des publics (article 2) :
« les musées de France ont pour missions permanentes de :
a) Conserver, restaurer, étudier et enrichir leurs collections ;
b) Rendre leurs collections accessibles au public le plus large ;
c) Concevoir et mettre en œuvre des actions d’éducation et de diffusion visant à
assurer l’égal accès de tous à la culture ;
d) Contribuer aux progrès de la connaissance et de la recherche ainsi qu’à leur
diffusion. » 40
En ce qui concerne les « actions d’éducation », chaque musée doit mettre en place un
service permettant l’accueil des publics, la diffusion l’animation et la médiation culturelle qui
doivent être assurés par « des personnels qualifiés »41
Les musées de France ont aussi, dans certains cas l’obligation, sinon la très forte
recommandation de rédiger un Projet Scientifique et Culturel (PSC) qui orientera les
décisions futures. Trois axes sont abordés : l’existant, l’identité et le projet du musée. Il doit
dans un premier temps, faire le point sur l’environnement : les raisons de la création du
musée, son histoire, le bâtiment en lui-même, son contexte géographique. Dans un deuxième
temps, l’aspect des collections est abordé : leur nature, leur mode de gestion, la politique
d’acquisition et de recherche, la protection, la conservation et l’identification mais aussi le
parcours muséographique. Le sujet des publics est aussi important : leur connaissance, la
politique menée à leur encontre, l’accueil et le parcours qui leur est dédié et enfin le service
gérant ces modalités. Enfin, le musée fait la synthèse sur l’établissement en lui-même : son
40 « Loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 - Article 2 ».
41 « Loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 - Article 7 ».
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 21
rayonnement, ses destinataires, ses partenariats, sa stratégie de communication sans oublier la
partie gestion, moyens financiers et fonctionnement interne. Ce bilan permet de faire le point
et d’établir un diagnostic critique pour chaque objet. Il peut alors reprendre l’ensemble de ces
informations pour mettre en place un concept, apporter de la réflexion sur ce qui rend ce
musée unique et proposer un projet avec quelques axes prioritaires. Le PSC est valable 5 ou 6
ans.
Sa rédaction apporte plusieurs avantages, pour les équipes internes au musée et pour
les partenaires extérieurs. D’une manière générale il donne une meilleure visibilité et une
clarification sur la motivation des actions du musée, le bilan et le diagnostic critique
permettent de prendre du recul pour mieux définir le projet. En interne, une direction claire et
des objectifs précis permettent de motiver plus facilement les acteurs d’une structure en
donnant un sentiment d’appartenance puisque, de fait, ils font partie d’un projet commun. De
plus, il est fortement recommandé aux rédacteurs de consulter l’ensemble des personnes
concernés pour un PSC efficace. En ce qui concerne les partenaires ou autres acteurs
extérieurs, il fournit des arguments à la structure pour justifier des dépenses et pour obtenir
des subventions. Il peut servir de soutien pour synthétiser le contexte du musée, ses actions et
ses buts et appuyer sa démonstration. D’autant plus que le PSC est une condition sine qua non
pour obtenir une subvention de l’État dans le cadre de travaux. Les orientations prises sont
aussi un bon prétexte pour commencer et/ou développer des partenariats scientifiques et
professionnels avec pour conséquence l’extension de son rayonnement.42
La loi sur les musées de France a été faite dans l'idée d'éclaircir le statut des musées et
leurs missions. Elle prend en compte autant la recherche, la conservation des collections que
l’accessibilité aux publics. C'est un exemple concret de l'influence de la Nouvelle Muséologie
et de la professionnalisation de la médiation puisqu'il stipule que chaque musée doit avoir un
service éducatif et que ces missions doivent être gérés par des « personnels qualifiés ». Il
officialise et rend légitime leurs démarches.
42 DIRECTION DES MUSÉES DE FRANCE, « Le projet scientifique et culturel », Muséofiches, 2007, no 2.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 22
1.4. Les modes de gestion ou le musée face à l’impératif financier
1.4.1. Les sources de financement
Les musées sont financés en partie par des subventions, la billetterie, boutique, parfois
par des services de restauration qu’ils proposent ou qu’ils sous-traitent, et plus rarement par
de la location d’espaces, organisation d’événements, mécénat et partenariats. Prenons deux
exemples : le musée du Louvre, musée national donc subventionné par l’État et le château des
Ducs de Bretagne, musée municipal de la Ville de Nantes géré par la Société Publique Local
du Voyage à Nantes.
Le musée du Louvre, en 2011, est financé à 50 % par l’État, 27 % par la billetterie,
11% par le mécénat, 7 % par la valorisation du domaine et location d’espaces et 5 % par
d’autres moyens43.
Le château des Ducs de Bretagne, la même année était financé à 86 % par une
subvention de la ville de Nantes. Le reste des recettes viennent de la billetterie (8 %), des
événementiels, des recettes de la boutique, de la concession du restaurant (4 %), des
subventions de l’État sur certains projets (0,6 %) et des partenariats (partenariats sur certains
projets et partenariat permanent du crédit agricole : 0,6 %)44.
Dans les deux cas, les subventions publiques ont une part très importante, et la
billetterie constitue la deuxième plus grande source de revenus.
1.4.2. Des subventions publiques en baisse, un budget de fonctionnement en hausse
Quand on reprend les chiffres du budget du ministère de la culture, on voit une
diminution de 4,3 milliards45 en 2011 à 4 milliards en 201346 soit une diminution de 6,9 %.
Cependant, ce budget concerne aussi de nombreux domaines autres que les musées,
notamment le patrimoine monumental, le spectacle vivant, la création contemporaine, le livre
43 Soutenez le Louvre, Musée du Louvre, Paris, http://www.louvre.fr/soutenez-le-louvre, consulté le 28
septembre 2014.
44 Les chiffres ont été calculés à partir du montant des subventions et partenariats ainsi que du nombre de
visiteurs payants (source interne)
45 MINISTEERE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION (1997-....) , Statistiques de la culture chiffres cles 2011,
Paris, la Documentation francaise, 2011.
46 MINISTEERE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION , Chiffres cles 2013, op. cit.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 23
et l’audiovisuel. Si on veut avoir une vraie visibilité du secteur, il vaut mieux s’attarder sur le
programme « patrimoines » dont les musées font partie ou plus précisément, le « Programme
175 – Patrimoines, Action 3 : Patrimoine des musées de France ».
En regardant de plus près on remarque que le budget du programme Patrimoines a
diminué de 7,6% entre 2012 et 2014 (805 M€ en 2012, 760 M€ en 2013, 744 M€ en 2014) et
celui de l’action 3, patrimoine des musées de France de 8,1% (369 M€ en 2012, 354 M€ en
2013, 339 M€ en 2014).47 Il y a donc une baisse significative des financements publics dans le
domaine des musées, plus importante que celle du budget général du ministère de la culture.
Devant cette baisse, les lourdeurs administratives ne sont pas un avantage pour
développer des ressources propres. Les collectivités territoriales créent donc de plus en plus
de structures permettant une plus grande flexibilité.
1.4.3. Des modes de gestion de plus en plus tournés vers le droit privé.
L’impératif financier demande souplesse et rapidité d’exécution, ainsi qu’une gestion
plus ou moins autonome des finances. Or, nous l'avons vu, 87 % des musées de France
appartiennent à l’État ou à une collectivité territoriale, affiliés au droit public. La gestion des
administrations publiques est lourde et procédurale. Ces structures ont par exemple
l’obligation de lancer un appel d’offre pour un marché de fournitures ou services au-dessus
d'un certain montant48 sinon une procédure adaptée peut être privilégiée. La mise en en place
d’une application ou de conception multimédia dans un musée appartenant à une collectivité
publique relève de l’article 30 du code des marchés publics 2006 « les marchés et les accords-
cadres ayant pour objet des prestations de services qui ne sont pas mentionnées à l’article
29 »49, dans ce cas ils peuvent faire une procédure adaptée, quel que soit le montant du
marché. Le Marché à Procédure Adaptée (MAPA)50, est plus souple, permet une plus grande
liberté d’organisation. Dans tous les cas, la structure doit respecter les principes applicables à
47 Projet de loi de finances pour 2013 : Culture : patrimoines, transmission des savoirs, Doc. Parl. S. N°152,
2012-2013 ; Projet de loi de finances pour 2012 : Culture, Doc. Parl. S. N°107, 2011-2012 ; Projet de loi de
finances pour 2014 : Culture : patrimoines, transmission des savoirs, Doc. Parl. S. N°160, 2013-2014
48 Au-delà de 134 000 € pour l’État et ses établissements publics, 207 000€ pour les collectivités territoriales,
en dessus une procédure adaptée peut être privilégiée. « Seuils de procédure et seuils de publicité », Bulletin
Officiel des Annonces des Marchés Publics http://www.boamp.fr/BOAMP/Comprendre-les-marches-
publics/Le-guide/3.-Seuils-de-procedure-et-seuils-de-publicite, consulté le 28 septembre 2014.
49 « Code des marchés publics - Article 30 ».
50 « Code des marchés publics - Article 28 ».
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l’ensemble des marchés publics à savoir la liberté d’accès à la commande publique, d’égalité
de traitement des candidats et la transparence des procédures51. Un cahier des charges ou
document descriptif de l’offre sera toujours demandé mais surtout un délai raisonnable entre
la diffusion, l’obtention des réponses des concurrents et le choix final doit être respecté ainsi
qu’entre l’annonce du rejet des candidatures et la signature du contrat. Toute la procédure
peut prendre plusieurs mois, d’autant plus si le marché est important.
La gestion du budget de fonctionnement est tout autant difficile à appréhender. La
régie directe est la plus contraignante Cependant, certains musées ou structures culturelles
sont sous un statut permettant une plus grande souplesse : Régie autonome ou personnalisée,
Établissement Public Administratif (EPA), Établissement Public Industriel et Commercial
(EPIC), Sociétés Publiques Locales (SPL), Établissement Public de Coopération Culturelle
(EPCC), Partenariat public/privé (par exemple : Société d’Économie Mixte)... D’une manière
générale, ces statuts, de droit public ou de droit privé, donnent une autonomie financière et
une intervention dans la gestion plus ou moins grande de la part de la collectivité dans les
domaines du vote du budget, de gestion du personnel, de fixation des tarifs et de comptabilité.
Étant donné que 82 % des musées de France appartiennent à des collectivités
territoriales en 201252 (chiffres de la culture 2013, p. 33), l’utilisation de la régie est la plus
répandue.
Dans la régie simple ou régie directe l’organisation et le fonctionnement sont pris en
charge par la collectivité dont ils dépendent. Ils sont affiliés au droit public et donc exposés
aux éventuelles lourdeurs administratives qui peuvent s’y greffer au niveau du financement,
des ressources humaines et de la comptabilité. Leurs budgets découlent directement des fonds
alloués à la culture par la collectivité. Dans ce cadre, ils doivent suivre les règles de la Loi
Organique relative aux Lois des Finances qui demande une justification au premier euro des
dépenses. Cette gouvernance publique est souvent choisie pour les petits musées municipaux.
Dans la régie autonome, l’établissement dispose de l’existence d’un conseil
51 « Procédures », Bulletin Officiel des Annonces des Marchés Publics,
http://www.boamp.fr/BOAMP/Comprendre-les-marches-publics/Le-guide/4.-Procedures, consulté le 28
septembre 2014.
52 MINISTEERE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION , Chiffres cles 2013, op. cit.., p. 33.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 25
d’exploitation et d’un directeur (nommé par le maire) et peut adopter un budget autonome.
Mais il n’a pas de personnalité morale53
Enfin, la régie personnalisée permet à l’établissement de disposer d’une personnalité
morale et financière, elle est administrée par un conseil d’administration désigné par le
conseil municipal sur proposition du maire. Elle possède un patrimoine distinct de la
collectivité et jouit d’un budget propre.54
Dans ces trois cas, la structure reste attaché à la collectivité.
La gestion déléguée peut aussi être une solution pour apporter plus de souplesse à une
grosse organisation
La première est appelée la gestion déléguée statutaire, c’est-à-dire toute gestion
assurée par une autre entité qu’elle-même. Ces établissements sont des personnes morales de
droit public. Ils ont une gestion autonome et peuvent être affiliés au droit public ou au droit
privé en termes de personnel et de comptabilité. Ils ont la possibilité de créer des partenariats
et peuvent être financés par des subventions mais aussi, entre autres, par le produit de leurs
activités commerciales et l’organisation de manifestations culturelles. Les EPA (exemples :
Musée du Louvre, Musée d’Orsay, Château de Versailles), Les EPIC (Exemples : Monnaie de
Paris, Cité de l’architecture et du patrimoine, Réunion des Musées Nationaux – Grand Palais)
et EPCC (Musée de Louvre-Lens, Musée des Confluences, Centre Pompidou-Metz) entrent
dans cette case.
La deuxième est la gestion déléguée contractuelle. Selon l’article L1411-1 du code
général des collectivités territoriales, la délégation contractuelle de service public est « un
contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public
dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est
substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être
chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service ». Les
structures sont des sociétés anonymes donc affiliées au code de commerce, leur capital est en
partie ou totalement détenu par des collectivités territoriales. C'est le cas des Sociétés
53 « Code général des collectivités territoriales - Articles L2221-11 à L2221-14 L2221-14 ; Code général des
collectivités territoriales - Articles R.2221-63 à R.2221-98 »
54 « Code général des collectivités territoriales - Articles L.2221-10 et R.2221-18 à R.2221-62 »
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 26
Publiques Locales (comme La SPL Voyage à Nantes dont le Château des Ducs de Bretagne
fait partie.) et des Sociétés d’Économie Mixte Locale.
Les collectivités ont donc un grand panel de statuts disponible avec un degré
d’autonomie plus ou moins important. Les propriétaires privés, pour la plupart des
associations sont, depuis le début, dépendants de l’autofinancement et affiliés au droit privé.
Ils sont donc plus flexibles mais aussi, à priori, plus précaires. Malgré une diversité
importante au sein des musées, on remarquera que les « grands musées » ont une gestion plus
autonome basée sur la délégation et sur le code du commerce. Les musées plus modestes sont
souvent gérés en régie. Cette autonomie grandissante leur permet de se rapprocher du monde
de l’entreprise, de sa souplesse et de sa réactivité pour mieux créer de la valeur, développer
des partenariats, du mécénat, mieux gérer les ressources humaines, mettre en place une
boutique, des services de location voire d’événementiel. Ces statuts leur permettent tout
simplement de créer une activité commerciale en parallèle avec leur activité de service public
afin de développer une marge de manœuvre, un autofinancement et de combler le fossé de
plus en plus grand qui se crée entre subventions publiques et dépenses, qui menace parfois ses
missions fondamentales.
1.5. Des changements sociétaux qui induisent de nouvelles pratiques
1.5.1. Un bouleversement des pratiques qui change notre rapport à la culture
Dans les années 1990, le taux d'équipement d'ordinateur a très fortement augmenté. En
1992, 12 % de la population en possédaient un, en 2013, nous sommes à 83 %55. Même chose
pour l'accès à internet: 4 % de la population pouvait se connecter en 1998 et 81 % en 201356.
La proportion de smartphones dans la population illustre aussi cette tendance. Sachant que sa
diffusion démarre vraiment en 2007 avec le premier iPhone, il est impressionnant de constater
que 5 ans plus tard, un quart de la population en était équipé et qu'au premier trimestre 2014,
ce chiffre atteint les 50%. Actuellement, un foyer sur trois détient une tablette tactile57. Les
connexions sur appareil mobiles sont aussi en augmentation : 27 % de la population se
55 Régis BIGOT et Patricia CROUTTE, La diffusion des technologies de l’information et de la communication dans
la société française, CREDOC, coll. « Conditions et de vie et aspirations des français », 2013, p. 47.
56 Ibid.., p. 59.
57 « Baromètre du marketing mobile : plus de 50% des français possèdent désormais un smartphone ! »
Communiqué de presse du 19 juin 2014, GFK http://www.gfk.com/
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 27
connecte avec une tablette ou un smartphone via les réseaux mobiles en 2012 contre 14 % en
201158. Pour Olivier Donnat :
« Les conditions d’accès à l’art et à la culture ont profondément évolué sous les
effets conjugués de la dématérialisation des contenus, de la généralisation de
l’internet à haut débit et des progrès considérables de l’équipement des ménages
[…]. Cette évolution a définitivement consacré les écrans comme support
privilégié de nos rapports à la culture tout en accentuant la porosité entre culture
et distraction, entre le monde de l’art et ceux du divertissement et de la
communication. »59
Les effets induits ne sont qu'en terme de pratiques mais aussi dans notre rapport aux
autres, à la société. Selon Atout France :
« […] l’un des éléments majeurs introduit par les réseaux numériques est
précisément qu’ils facilitent les interactions,
les collaborations, réduisant leurs coûts, les délais et l’influence des
distances […]. Internet diffuse aussi une logique différente parce qu’il est basé sur
des interactions moins hiérarchisées, moins centralisées, « entre pairs », où chacun
est à tour de rôle récepteur et émetteur. »60
Par prolongement, les systèmes de valeurs changent, le rapport au savoir et à la
hiérarchie sont modifiés. Des milliers d'informations sont disponibles à tout instant et à tout
moment, chacun peut s'exprimer sur tous les sujets. Cela donne une propension à la
collaboration, à l'ouverture et au changement. Selon l’European Values Survey (EVS :
association pour la recherche sur les systèmes de valeurs) qui mena des enquêtes en 1981,
1990, 1999 et 2008, « sur trois décennies, les aspirations immatérielles croissent plus vite que
les matérielles. […] Trois de ces attentes immatérielles sont particulièrement fortes :
l’exercice du libre arbitre, le désir de réalisation personnelle et la recherche de contacts
humains »61
58 Régis BIGOT et Patricia CROUTTE, La diffusion des technologies de l’information et de la communication dans
la société française, op. cit.., p. 72.
59 Olivier DONNAT, « Les pratiques culturelles des Francais a l’ere numerique: enquete 2008 Synthese »,
Culture Etudes, 2009, CE 2009-5, p. 2.
60 ATOUT-FRANCE, Visite culturelle et TIC le numerique au service de la visite touristique et culturelle,
op. cit.., p. 24.
61 Ibid.., p. 22.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 28
La présence des technologies ne s'arrête donc pas à un taux d'équipement, elle
conditionne aussi un nouveau mode de pensée et un autre rapport à la société.
1.5.2. Une évolution des technologies
Les changements ne sont pas uniquement dans le taux d'équipement et d'utilisation
mais aussi dans l'interface de ces outils. Après la souris, la manette, le trackball [boule
commande], arrivent les interfaces naturelles qui utilisent les gestes du corps pour interagir
avec l'outil. L’expérience montre qu'ils sont plus rapidement assimilés que « pour certains
publics peu familiers de l’informatique, [pour qui] l’utilisation d’une souris est loin d’être
intuitive à cause de la distance entre le geste et sa métaphore à l’écran »62. Le temps
d'apprentissage est donc plus léger « immédiat » et enlève un effort, c'est « une nouvelle
appropriation [...] libératrice d’attention et générant une perception nouvelle. »63. L'interface
tactile est la plus révélatrice de ces nouvelles interfaces.
Nous entendons aussi de plus en plus parler des « objets connectés » comme les
montres, bracelets, porte-clés qui communiquent et transmettent des données par internet, via
des techniques RFID (Radio Frequence IDentification [Identification par Radiofréquence]),
codes-barres ou autre. Là encore le rapport au monde est modifié, internet devient, dans un
sens, concret. Ces technologies permettent de développer une intelligence ambiante qui
« repose sur la possibilité pour l’utilisateur d’interagir avec une multitude d’appareils
interconnectés dotés d’une faculté de géolocalisation et d’analyse du contexte. »64. Ces
technologies ont déjà été utilisées dans certaines expositions, notamment la RFID dans « Ni
vu, ni connu », au musée des Confluences en 2006.
Les technologies de visualisation, telles que la réalité augmentée ou le projection
mapping (projeter des informations sur un objet par un rétroprojecteur) rendent plus
« perceptibles ou intelligibles des données collectées [qui] vont se superposer au réel pour le
commenter, l’augmenter, l’expliquer ou le détourner. »65 Le projet Nantes 1900 utilise le
62 Yves-Armel MARTIN, « Innovations numériques/ révolution au musée ? », Les Cahiers du Musée des
Confluences, 2011, vol. 7, p. 119.
63 Ibid.
64 « Intelligence ambiante : évolution ou révolution ? » Institut National de Recherche en Informatique et
Automatique (INRIA), http://www.inria.fr/centre/grenoble/agenda/seminaire-in-tech-intelligence-ambiante,
consulté le 28 septembre 2014.
65 Yves-Armel MARTIN, « Innovations numériques/ révolution au musée ? », op. cit.., p. 119.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 29
projection mapping et on peut citer plusieurs sites exploitant la réalité augmentée : Abbaye de
Fontevraud, château de Falaise, abbaye de Cluny et de Jumièges...
Les technologies elles aussi évoluent, et donnent des opportunités aux musées puisque
c'est leurs multiples possibilités qui conditionnent les futurs usages qui pourront y être
développés.
Le musée fait face à différents facteurs qui influencent la façon dont il doit s'organiser.
Certains concernent le domaine muséologique en particulier. La médiation ne fut pas mis en
place directement dans les musées, c'est un phénomène relativement récent qui se rapproche
fortement de l'interprétation. Elle prend toute son ampleur et sa légitimité avec les principes
énoncés par la Nouvelle Muséologie qui estime que le musée à un rôle social et d'élévation
des consciences. Il doit donc s'adresser à toute la population, s 'adapter à eux. Cette position
permet de défendre une autre transmission du savoir par des moyens diversifiés, y compris
par le jeu, les émotions et les sensations. Les technologies de médiations peuvent être un
moyen de les développer.
N'étant pas coupé du monde, le musée fait aussi face aux courants qui traversent la
société. La dette de l’État et la nécessité de faire des économies entraîne une baisse des
financements dans les subventions dédiées à la culture. En particulier dans les musées où les
versements baissent plus vite que le budget général. En parallèle, ils sont encouragés à
prendre plus d'autonomie financière et d'initiatives pour diversifier leurs sources de
financement. Cela est encouragé avec les différents statuts juridiques qui permettent une
indépendance et une souplesse plus ou moins grande. L'arrivée du numérique dans la vie des
Français ne les a pas non plus épargnés. Les technologies de l'information et de la
communication ont entraîné des changements majeurs dans les rapports sociaux ainsi que des
pratiques nouvelles qui se répandent extrêmement vite. Il semble donc difficile de rester à
l'écart.
2 Les outils numériques dans le projet de musée : enjeux et risques.
Le musée fait face à des courants qui influencent ses décisions. Le projet de musée
détermine l'ensemble de ses objectifs et des moyens utilisés pour y parvenir, il fait la synthèse
de ces décisions. On peut donc y retrouver des aspects commerciaux et marketing visant à
développer son autofinancement. Seulement, même s'il a des obligations financières et un
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 30
budget de fonctionnement important à couvrir, il ne faut pas oublier pour autant ses missions
envers les publics, les collections et la recherche.
Les nouvelles technologies peuvent entrer dans le cadre d’une stratégie plus globale et
dans l’identité du musée. Ou, plus ponctuellement, dans une démarche mercantile ou encore
dans une démarche pédagogique et scientifique.
Nous déterminerons en premier comment les technologies de médiations peuvent
s'inscrire dans une logique de stratégie marketing ainsi que les raisons qui poussent les
musées à le faire. Ensuite, nous verrons comment ces outils sont utilisés pour remplir les
missions de service public du musée vis-à-vis des publics.
2.1. Face à la concurrence, la recherche de la différenciation : quand le numérique entre dans la stratégie marketing.
Nous l’avons vu, les coûts de fonctionnement ne diminuent pas, il faut donc
compenser la baisse des financements publics par des ressources propres constituées en
premier lieu par la billetterie. Elle reste la source financière principale après les subventions et
est dépendante du nombre de visiteurs payants. C’est pourquoi, logiquement, on cherche à
augmenter la fréquentation et dans cet objectif, être « préféré des clients ». C’est cet impératif
financier qui fait entrer le marketing dans les musées, notamment dans son aspect stratégique.
Il faut trouver une façon de faire entrer le visiteur au musée mais aussi de le faire revenir par
différents biais de fidélisation. L’utilisation des nouvelles technologies peut entrer dans cette
stratégie.
2.1.1. Une concurrence de fait
Il peut paraître étrange de parler de « concurrence » lorsqu’on parle d’un sujet tel que
les musées. Selon le Mercator, 11e édition, la concurrence est une « situation de marché dans
laquelle des entreprises ou organisations proposent des offres substituables en cherchant à être
préférées par les clients »66. Le musée n’est pas une entreprise dans le sens où elle n’a pas
d’actionnaires et est sans but lucratif, mais ce n’est pas parce qu’il n’est pas une institution
marchande qu’il n’est pas dans une situation de marché67. Le temps des visiteurs est limité, ils
doivent donc choisir entre différentes activités, culturelles ou non, présentes sur le territoire.
66 Julien Lévy JACQUES LENDREVIE, Mercator 2013 - Théories et nouvelles pratiques du marketing, Dunod.,
2012.
67 DiMaggio 1985, Birobent 1987 cités par Jean-Michel TOBELEM, « De l’approche marketing dans les
musées », Publics et Musées, 1992, vol. 2, no 1, p. 55.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 31
Les établissements offrant ces activités essaient de prendre le pas sur les autres afin d’attirer
ces visiteurs. Donc même si un musée de sciences ne se sent pas en concurrence avec un
musée des beaux arts, il l’est de fait68. De plus, comme toute organisation publique ou privée,
l’institution culturelle a des obligations de bonne gestion c’est-à-dire, à minima, d’ équilibre
des comptes. Cette nécessité oblige à trouver des moyens de financement dont les outils
marketing peuvent aider au développement.
2.1.2. Musées, marketing et stratégies.
Pour bien expliquer le concept que la stratégie, il faut revenir à celui de marketing.
Des techniques marketing ont été utilisées à partir du moment où il y avait un échange
marchand entre une offre et une demande. À l’origine, l’idée était d’améliorer un produit dans
le but de mieux le vendre. Au début du XXe siècle, la production de masse permet la baisse
des prix. Celle-ci, couplée à la montée des salaires entraîne une consommation généralisée. La
crise des années 30, la pression concurrentielle et l’impératif de vente vont modifier l’état
d’esprit des responsables marketing pour les tourner vers le consommateur, ses besoins, ses
perceptions, ses souhaits69. La définition actuelle du marketing est « la stratégie d’adaptation
des organisations à des marchés concurrentiels, pour influencer en leur faveur le
comportement des publics dont elles dépendent, par une offre dont la valeur perçue est
durablement supérieure à celle des concurrents »70.
Dans le monde des musées, cet esprit est présent même ce n’est pas dans un but
d’enrichissement. Il est d’ailleurs l’objet d’un chapitre dans la publication de l’ICOM « Gérer
un musée, manuel pratique » sorti en 2006. Autrement dit, on recherche l’autofinancement au
maximum afin de reverser le capital généré dans de nouvelle expositions, de nouveaux
ateliers, conférences ou autres actions en accord avec les missions du musée. Dans la mesure
où l’enjeu financier doit permettre de garder non seulement un niveau de qualité scientifique
et scénographique mais aussi des techniques de conservation performantes, les outils du
marketing permettent de rationaliser cette démarche et d’optimiser ses actions.
Les différentes informations collectées par des observations, des études de satisfaction
ou des études de publics donnent des indications pour d'orienter les décisions, prises aussi en
68 Ibid.
69 Kotler et Andreasen, 1987 cités par Ibid.., p. 49.
70 Julien Lévy JACQUES LENDREVIE, Mercator 2013 - Théories et nouvelles pratiques du marketing, op. cit.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 32
fonction d’une stratégie générale et d’objectifs inscrits dans le projet de musée. En faisant le
bilan sur l’existant et sur l’environnement du musée il permet de se positionner et de lui
forger une identité. On parle même de « marque » pour certains grands musées qui
développent des antennes à leur nom : Guggenheim de Bilbao, Louvre Lens, Louvre Abu
Dhabi, Pompidou Metz... Il est facile de faire le lien avec le Projet Scientifique et Culturel des
musées de France qui demande cet état des lieux et une réflexion autour de l’émergence d’une
identité. En marketing, le développement de cette identité s’appelle le positionnement ou
différenciation. Autrement dit, en quoi le musée est différent des autres.
2.1.3. Une volonté de différenciation
L’utilisation des nouvelles technologies dans la médiation est un positionnement, une
façon de se démarquer.
C’est ce que nous explique Philippe Callot71 dans deux exemples : la mise en place
d’un guide multimédia à l’Abbaye de Fontevraud et au château de Chenonceau. Ces deux
sites ont été choisis pour leurs différences en termes de fréquentation et de gestion : l’Abbaye
est une société publique régionale rattachée à la région des pays de la Loire, Chenonceau est
une entité totalement privée (société civile). Les projets abordés datent de 2006 mais on peut
remarquer que ces deux sites n’ont pas pris la même direction par la suite. L’abbaye de
Fontevraud a développé sa politique liée au numérique et propose un parcours sur iPad pour
les enfants à bas de reconnaissance d’image. Le château de Chenonceau propose deux
applications : une en préparation à la visite et l’autre de type « audioguide » enrichi. Dans les
deux cas, l’avantage donné est d’acquérir une image de différenciation et un avantage
concurrentiel en se démarquant des autres sites et en proposant un service personnalisé72. La
raison invoquée est aussi de renouveler la médiation, de répondre à une demande et de mettre
en place un système adapté au public étranger.
Selon Raymond Montpetit, visiter une exposition c’est vivre une expérience73 : « En
tant que lieu de placement d’objets et de déplacement de visiteurs le long d’un parcours, toute
71 Philippe CALLOT, « Pratiques des guides interactifs: les cas de Chenonceau et de l’Abbaye Royale de
Fontevraud », in Claire GIRAUD-LABALTE, Philippe VIOLIER et Jean-Rene MORICE (dirs.), Le patrimoine est-il
frequentable ? acces, gestion, interpretation, Angers, Presses de l’Universite d’Angers, 2009, .
72 Ibid.
73 Raymond MONTPETIT, « L’expérimentation au service des expériences de visite, expérimentation,
expérimental, expérience », Les Cahiers du Musée des Confluences, 2008, vol. 2, p. 60.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 33
exposition offre l’occasion de vivre, au contact d’objets matériels, des expériences de sens ».
Le musée, en présentant des expositions vend donc une expérience. Après tout, on parle bien
d ' « expérience -visiteur ». En mettant en place de nouvelle façons de visiter, notamment par
les nouvelles technologies, le musée crée de nouvelles expériences. C’est aussi de cette façon
qu’il peut se démarquer des autres.
La volonté de différenciation est d’autant plus pertinente que nous sommes dans un
monde avec d’un côté des « musées-vedettes », qui drainent plus d’un million de visiteurs par
an et d'un autre une majorité de musées qui ne dépassent pas les 100 000. En 2011, sur les 993
musées en activité, seulement 7 avaient plus d’un million de visiteurs (soit 0,7 % des musées),
63 entre 100 000 et un million (soit 6 % des musées) et 923 en dessous de 100 000 (93 % des
musées)74. C’est ce qu’on appelle un oligopole à frange. Ces institutions ont donc non
seulement une « réputation » à conserver, une place à garder mais les établissements plus
modestes cherchent à augmenter leur nombre de visiteurs puisque la notoriété d’un musée, sa
« valeur » s’évalue en fonction de son chiffre de fréquentation. C’est un cercle vertueux : plus
on attire de visiteurs, plus on est connu et plus on est reconnu, plus on attire de visiteurs. Il est
alors logique de vouloir entrer dans ce cercle. Dans le prolongement de cette stratégie, les
nouvelles technologies peuvent aussi entrer dans un plan de communication pour donner une
image plus moderne du musée. C’est d’ailleurs le cas de l’Abbaye de Fontevraud qui dans ses
« 10 bonnes raisons de visiter l’Abbaye » cite « 9/ Vivre demain : Créée en 1101, l’Abbaye
Royale n’en est pas moins à la pointe d’une modernité au-delà de la mode, notamment à
travers l’utilisation du numérique [...] »75. Le château des Ducs de Bretagne aussi, dans une
moindre mesure, l’indique dans la description de son parcours muséographique : « Le
multimédia a été complètement intégré dans la définition du musée d’histoire de Nantes et
l’aménagement de l’espace d’exposition. » 76. Dans cette optique, il peut mettre en valeur les
dispositifs dans les expositions mais aussi utiliser les réseaux sociaux.
74 MINISTEE RE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION, Chiffres cles 2013, op. cit.
75 « 10 bonnes raisons de visiter l’Abbaye » Abbaye de Fontavraud http://www.fontevraud.fr/10-bonnes-
raisons-de-visiter-Fontevraud
76 « Parcours muséographique » Musée d'histoire de Nantes, http://www.chateaunantes.fr/fr/parcours-
museographique
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 34
L’adoption d’une stratégie marketing cherchant à attirer plus de visiteurs est
conditionnée par l’impératif financier. En effet, le principe est de coller à la demande du
visiteur pour qu’il veuille venir visiter le musée. Or, on sait que la société est de plus en plus
connectée, les visiteurs de plus en plus interconnectés, il n’est donc pas envisageable de ne
pas l’être même si ce n’est que par un site-vitrine présentant les informations pratiques. Le cas
qui nous intéresse est dans l’utilisation de dispositifs de médiation. L’utilisation de nouvelles
technologies dans ce domaine peut répondre à une volonté d’attirer plus de personnes en leur
faisant vivre une expérience différente et dans ce sens, se démarquer des autres musées. Ça
peut aussi être une question d’image : montrer que l’on est un musée dynamique, dans l’ère
du temps. C’est donc l’évolution de la société qui fait entrer les nouvelles technologies dans la
stratégie marketing des musées. Mais ce n'est pas pour autant qu'ils ne sont pas pertinents
dans ses missions de service public.
2.2. Face aux nouveaux usages, des enjeux pédagogiques.
Les musées ont un impératif financier qui peut faire entrer les nouvelles technologies
dans le musée pour des raisons purement marketing. Mais à y regarder de plus près, les
projets mis en place sont plus souvent dans une démarche tournée vers les publics. Les
musées n'oublient pas leurs missions de service public de recherche et d'éducation, les
nouvelles technologies s'y inscrivent parfaitement.
2.2.1. Des professionnels engagés
Cet état d'esprit se voit particulièrement dans les communautés de professionnels
centrées autour des domaines du numérique de la culture. Deux exemples : Muzeonum et
Museomix. Muzeonum « est une plate-forme de ressources sur le numérique au musée et dans
la culture »77 elle regroupe des professionnels du secteur privé ou public. Le site internet, sous
forme de « wiki », donne la possibilité à tout le monde de participer en déposant des
ressources de type mémoires et thèses de recherche, articles, ouvrages... Puis les met à
disposition de tous. Nous avons, ici un esprit collaboratif et de construction du savoir
collectif. Chacun est libre d'entrer dans la communauté : étudiant, chercheur, prestataire,
personnel de musée ou tout simplement curieux. Il suffit de « pousser la porte »78. Un groupe
Facebook permet de pousser plus loin le côté partage en permettant aux membres de poser des
questions à la communauté et de répondre en direct mais aussi de partager ses découvertes et
77 Muzeonum Http://www.muzeonum.fr
78 Omer Pesquer, conférence « Muzeonum » du SIME SITEM 30 Janvier 2014
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ses projets. Museomix, dans un même esprit, rassemble les acteurs de branches diverses pas
toujours en lien avec le musée : c'est « un labo pour réinventer les musées avec tous ceux qui
en ont envie. C’est une opportunité de mixer des personnes et des idées, de cogiter, et de co-
créer. »79. Les équipes rassemblent des développeurs informatiques, des professionnels de la
communication, des médiateurs, des conservateurs... Ils ont un objectif : en trois jours, créer
un prototype qui permet de vivre le musée autrement. Durant l'événement, l'ambiance est à
l'entraide et à la vie en communauté. Le dernier jour, les prototypes sont installés directement
dans les salles d'exposition pour être présentés au public qui pourra les tester en direct. Les
dispositifs ne sont pas destinés à être intégrés aux collections même s'il arrive qu'ils aient une
vie après Museomix, ils sont libres de droit. L’événement est organisé par les membres de la
communauté, pour la plupart bénévoles en lien avec le musée hôte. L'esprit d'ouverture se
retrouve aussi dans le laboratoire Érasme, qui est actuellement géré par le département du
Rhône. Tous les projets montés le sont dans une volonté d'expérimentation et de service, c'est
pourquoi les dispositifs développés sont libres de droit. C'est à dire que le code source est
diffusé sur internet et que chacun peut les reprendre ou les adapter librement pour leur
structure.
Il est intéressant de constater que dans nos deux exemples, le point de départ se trouve
dans les acteurs et non dans le ministère de la culture ou les instances « officielles » des
musées. Un parallèle peut être fait avec le mouvement de la nouvelle muséologie ou de
l'interprétation qui partent avant tout des personnes et des expériences sur le terrain pour
ensuite être théorisés.
2.2.2. Un démarche résolument tournée vers les publics.
Leur point commun de beaucoup de projet numériques est d'être orienté vers les
publics. Parfois pour les questionner, pour les faire réagir pour qu'en sortant de l'exposition,
ils ne soient plus les mêmes qu'en entrant Sinon pour lui expliquer des concepts difficiles à
appréhender à travers des moyens plus « classiques ». Cette vision exploite le concept tiré de
l'interprétation et de la nouvelle muséologie, c'est à dire tirer parti des émotions, des sens et de
l'expérience du visiteur pour le faire avancer dans sa réflexion et à terme élever le niveau
d'instruction de la population. Selon Nathalie Candito « le musée va au-delà d’un transfert de
79 Museomix Http://www.museomix.fr
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 36
savoirs en montrant les choses : il permet au visiteur d’expérimenter, de « voir par lui-même »
pour acquérir, par l’expérience, de la connaissance plus que du savoir »80.
Par exemple, dans l'exposition « Ni vu, ni connu » au musée des Confluences en 2006
traitant du camouflage, les visiteurs étaient munis de puces RFID dans une carte qui leur était
fournie. Elle enregistrait à leur insu leur parcours, leurs interactions avec les bornes et un
possible prolongement de sa visite (sur le site web par exemple). Cette information lui était
révélée en fin de parcours afin d'ouvrir le débat sur ce type de technologies. Dans un autre
registre, un dispositif plus simple est présent au château des Ducs de Bretagne, une animation
qui situe et montre l'explosion de la tour des Espagnols en 1800, sous forme d'animation 3D.
On peut le comparer avec l'application en réalité augmentée de l'abbaye de Jumièges qui
représente certains points du domaine tel qu'ils étaient à différentes époques. Ces deux
exemples entrent dans une logique de visualisation qui permet au visiteur de mieux
appréhender les informations historiques sur ces lieux.
Selon Yves-Armel Martin :
« le numérique au musée ne doit pas être restreint à la question des « dispositifs »
dans les expositions ou de l’audioguide mais bien positionné comme moyen de
porter une vision du musée, de créer une dynamique de changement des
organisations et d’intégrer la question des publics au cœur du management de
l’institution. »81
80 Nathalie CANDITO, Fabien FOREST et Elisabeth SHIMELLS, « L’introduction des R.F.I.D. dans les musées,
expérimentation de l’intelligence ambiante dans les dispositifs de médiation », Les Cahiers du Musée des
Confluences, 2008, vol. 2, p. 88.
81 Yves-Armel MARTIN, « Innovations numériques/ révolution au musée ? », op. cit.., p. 127.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 37
2.2.3. Une réflexion globale, une mise en place parfois difficile
La mise en place d'un projet numérique peut être difficile puisque cela « demande [...]
aux acteurs concernés de prendre du recul sur leur propre cadre de travail pour accepter de le
réinventer autrement »82 Les dispositifs sont rarement réellement innovants et sont, le plus
souvent, pensés comme support de diffusion de contenu, permettent de « délivrer une
information sous une forme plus variée, plus séduisante. »83. Mais cette vision des choses
occulte la dimension d'échange entre les visiteurs, de partage, de participation, valeurs
véhiculées par Internet.
Les nouveaux musées ou ceux qui ont vécu une période de reconstruction ou de
réaménagement font souvent preuve d'une réflexion poussée. En effet, c’est un moment idéal
pour mettre les choses à plat et définir une politique globale. Trois exemples peuvent être
donnés : le château des Ducs de Bretagne, le musée du Louvre Lens et le musée des
Confluences. Le premier a été rénové pendant de nombreuses années et a choisi d'intégrer
totalement le numérique dans sa scénographie. Les collections illustrent l'histoire de Nantes, il
est là pour pallier leur insuffisance quand il le faut. Dans le cas du Louvre Lens, le guide
multimédia entraîne le visiteur dans la galerie du temps. Les tables tactiles permettent, entre
autres, d'en savoir plus sur les œuvres phares du Louvre à travers les méthodes de
conservation et de recherche. Enfin, le musée des confluences a toute une politique
d'expérimentation autour des nouvelles technologies, en partenariat avec le laboratoire
Érasme. Dans chaque structure, ils ont du sens et sont complémentaires.
Dans un musée déjà existant, il est plus difficile de mettre en place ce type de politique
globale sans modifier l'ensemble de la scénographie. Dans ces cas, les dispositifs mobiles sont
plus souvent employés puisqu'ils ne nécessitent pas de réorganisation de l'espace. Le Louvre
proposer un audioguide sur console Nintendo 3DS XL avec de nombreux parcours possibles.
Le château de Fontainebleau, une application de « serious game » (jeu sérieux) destinée aux
enfants.
82 Ibid.., p. 118.
83 Ibid.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 38
D'une manière générale, les réseaux sociaux et le site web sont souvent pensés
séparément alors qu'ils peuvent donner une véritable valeur ajoutée au musée qui saura les
exploiter, avant, pendant et après la visite, en cohérence avec la médiation in-situ. Ils
permettent de créer un lien avec le visiteur. Certains musées se concentrent sur la médiation
numérique in-situ et d'autres sur les réseaux sociaux.
Les sites web permettent d'introduire la visite en délivrant des informations pratiques,
les réseaux sociaux relaient les informations au jour le jour et peuvent avoir un réel rôle de
médiation. Le musée des Confluences met en ligne les vidéos des conférences qu'il organise
sur Twitter, le Grand Palais, investi dans les réseaux sociaux, présente une œuvre de femme
artiste chaque jour dans l' « Art à la Une », et a créé un compte Instagram spécifique dans le
cadre de l’exposition « Niki de Saint Phalle ». Sans oublier la présence sur Facebook de Léon
Vivien, poilu de la première guerre mondiale dont les publications et les photos étaient
soigneusement documentés par les équipes du Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux.
2.2.4. Expérimentations et programmes de recherche
Les nouvelles technologies entrent parfois dans la mission de recherche des musées, il
existe d’ailleurs des programmes nationaux et des laboratoires travaillant sur la question.
Érasme est l'un d'eux:
« Nous cherchons à mettre toutes les possibilités du numérique au service de la
transmission du savoir, de la culture ou de l’action sociale. Pour cela nous faisons
appel à des méthodes de co-design et à toutes les ressources et détournements de
la culture numérique. »84 ).
Depuis 2010 est mis en place LEDEN, programme de recherche et de création numérique
tourné vers quatre types de médiations : culturelle scientifique, pédagogique et territoriale. Un
autre exemple est celui de CULTE (Cultural Urban Learing Transmedia Experience), un
projet mené au Quai Branly et financé par l’Agence Nationale de la Recherche. Il a pour
objectif
« d'accompagner [la] transition des usages […] en fournissant des repères et des
méthodes à la conception d'une expérience transmédia, pédagogique aussi bien
que ludique […] [et] pour ambition de créer et valider l'intérêt d'outils génériques
84 Erasme http://www.erasme.org/
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 39
pour renouveler les techniques de médiation culturelle et la manière d'interagir
avec les oeuvres. »85
Le musée devient un parfait lieu d'expérimentation. Comme le dit Nathalie Candito
« Dans le même temps, l’espace muséal apparaît comme le lieu des possibles où
l’expérimentation a toute sa place : un lieu qui permet le questionnement, l’anticipation, la
distanciation, la réflexion, le jeu... »86. L'exposition « Ni vu , ni connu » entre dans ce cas ainsi
que la Museotouch, développée par le laboratoire Erasme qui questionne les usages du public
lorsqu'il est confronté à un dispositif multi-utilisateur. Le projet Nantes 1900 a été développé
dans un programme de recherche et développement en partenariat avec l’École Centrale de
Nantes. Il pose la question du rapport entre le visiteur, l'objet physique et le dispositif
interactif.
Les TIC induisent de nouvelles pratiques auxquelles doivent s'adapter les musées.
Vouloir mener un projet qualité et une réflexion poussée peut induire des difficultés dans la
gestion de projet puisqu'il faut réussir à penser les choses autrement, changer ses habitudes.
On remarque que les professionnels sont très engagés dans la démarche et alimentent la
documentation pour permettre à tous d'y accéder. Les projets menés sont alors pensés dans
une démarche globale, parfois même dans une optique d’expérimentation et de recherche
scientifique, centrée sur les publics.
2.3. Risques et limites d’un tel projet
L’installation des technologies de médiation peuvent soulever différentes
problématiques. Elles concernent non seulement la gestion du projet en interne, le
financement, les difficultés techniques mais aussi et surtout des déviances qui peuvent
remettre en cause le bien-fondé de l'opération.
2.3.1. Un projet accessible à toutes les bourses ?
La mise en place d’une stratégie numérique pose la question du coût. Il faut savoir de
quoi l’on parle exactement car les coûts sont différents en fonction du dispositif. Dans cette
optique, on peut faire une séparation entre la mise en place d’une application sans achat de
85 « Projet CULTE » Musée du Quai Branly http://www.quaibranly.fr/fr/enseignement/la-recherche/projet-
culte.html »
86 Nathalie CANDITO, Fabien FOREST et Elisabeth SHIMELLS, « L’introduction des R.F.I.D. dans les musées,
expérimentation de l’intelligence ambiante dans les dispositifs de médiation », op. cit.., p. 88.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 40
parc de téléphone mobile et les dispositifs de médiation fixes (table tactile, borne...) qui
demandent un investissement plus grand de la part de la structure.
Selon Pierre Yves Lochon87, le smartphone est « le couteau suisse marketing des
musées » et l’application est « un outil au budget raisonnable (de 5 à 30 000 euros)
particulièrement adapté aux structures petites et moyennes (pas d’investissement matériel, pas
de maintenance, gestion en interne, recyclage de contenus, adaptabilité et évolutivité …) ».
Effectivement dans le cas où le musée ne produit qu’une application utilisant des techniques
simples de comme la lecture audio et vidéo et l'affichage d’image le coût est moins élevé.
Nous pouvons appeler ce système un audioguide enrichi. Le dispositif coûte d'autant moins
cher s’il décide de ne pas fournir le terminal, il n’a alors pas de frais de maintenance ou de
rachat en cas de perte ou de dégradation. De plus, certaines entreprises, comme Smartapps ou
Wezit, proposent une plate-forme de gestion de contenu « clés en main » : le musée crée et
intègre les contenus (images, vidéos, texte, fichier audio, voire la position GPS…) sur une
interface en ligne à laquelle il accède avec ses identifiants. Les contenus ajoutés et/ou
modifiés sont organisés sur l’interface mobile de manière standardisée et automatique. Il a la
possibilité de les modifier à tout moment, de les réutiliser et parfois même, selon le forfait
choisi, de créer une autre application sur le même modèle. L’augmentation des coûts est due à
une volonté de personnalisation de l’application de la part de la structure et/ou l’utilisation de
techniques plus avancées telles que la géolocalisation en intérieur, la réalité augmentée, la
reconnaissance visuelle... En ce qui concerne les applications de type audioguide enrichi, nous
sommes face à une industrialisation et une standardisation. Cela a pour effet de baisser les
coûts de production pour les entreprises prestataires et par conséquent de baisser le prix de
l’offre. La mise en place d’un dispositif de médiation numérique sur mobile n’est donc pas
uniquement réservée aux grosses structures.
Ceci dit, dès lors que le projet est plus ambitieux, les coûts montent plus rapidement.
Pour une table tactile, le prix moyen est de 10 000 à 15 000 € mais peut aller jusqu’à 25 000€
pièce selon la technique utilisée (Haute définition ou définition standard)88. Il faut y ajouter
87Pierre Yves LOCHON, « les applications sur smartphones, nouvel Eldorado ? », 5èmes rencontres Nationales
du e-tourisme institutionnel, 2009
88 Yves Armel MARTIN Conférence Erasme du 7 avril 2009 sur l’intérêt des interfaces multitouch pour les
musées, http://fr.slideshare.net/yamartin/le-multitouch-au-muse
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 41
les développements informatiques, le développement de l'application en elle-même et la
maintenance. Même si le système industriel de génération d’application des entreprises citées
plus haut peuvent être multisupports, le coût du matériel reste là. On peut donc penser que
seules les grosses structures ont les moyens de mettre en place des outils plus ambitieux.
Il faut bien avouer que les véritables démarches d’innovation liées au numérique sont
souvent instituées dans des grands musées. On peut donner comme exemples le Louvre Lens,
qui intègre plusieurs tables tactiles en son sein ainsi qu’un guide multimédia qui donne une
représentation en 3D de la salle d’exposition pour se repérer ; le Musée des confluences, en
partenariat permanent avec Érasme a mis en place plusieurs fois des expositions utilisant les
numérique, souvent dans un but expérimental. Il utilisera dans son exposition permanente une
application pour table tactile développée par le laboratoire, la Museotouch89 et un système
adapté pour les médiateurs et enseignants appelé Kjing90 qui leur permettra de préparer leurs
contenus à l’avance et de les afficher en direct sur les différents écrans, et à terme sur les
smartphones des visiteurs pour appuyer leurs discours.
Mais il existe des incitations du ministère de la culture à travers des concours dont
peuvent bénéficier toutes les structures, quelles que soit leur taille. Celui qui nous intéresse le
plus s’appelle « Services numériques culturels innovants », lancé en 2010, 2012 et 2014
« dont l’objectif est de favoriser des expérimentations de nouveaux services culturels basés
sur l’innovation technologique et l’innovation d’usage. »91. On peut voir que les gagnants de
ce concours sont diversifiés (édition 2012) :
• Le vase qui parle – ΤΩ ΑΓΓΕΙΩ ΠΩΥ ΜΙΛΑΕΙ – Université Lille 3 – Service
commun de documentation,
• Toiles de Jouy : la manufacture virtuelle d’Oberkampf – Association des Amis du
Musée de la Toile de Jouy,
• Visite conférence 360° de l’exposition Bohèmes au Grand palais – RMN - Grand
Palais.
89 Tout savoir sur Musetouch http://www.erasme.org/tout-savoir-sur-Museotouch
90 Kjing http://www.erasme.org/k-jing
91 « Innovation numérique » Site du ministère de la culture
http://www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Recherche-Enseignement-superieur-
Technologies/Innovation-numerique/
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 42
Les gagnants de cet appel à projet se voient verser la somme de 20 000 à 50 000 €
pour le développer. C’est donc une bonne incitation pour les petites et moyennes structures à
développer des dispositifs qui sortent de l’ordinaire.
En soi, il est donc possible de mettre en place un projet numérique dans des petites
structures puisque certaines offres sont accessibles pour un prix modeste. Il faut ensuite
définir les techniques que l’on veut utiliser (réalité augmentée, reconnaissance visuelle,
géolocalisation…), le taux de personnalisation et le matériel voulus qui peuvent plus ou moins
faire gonfler la facture. Mais rappelons-le « les moyens humains, matériels et financiers à
mobiliser sont conséquents si on veut proposer au public un produit de qualité. En particulier,
le coût du développement des programmes peut s’avérer particulièrement élevé »92, cela
représente donc un véritable investissement de la part de la structure, au niveau financier et
humain.
2.3.2. Un véritable projet à mettre en place avec des professionnels
Les responsables de musées n’ont pas de missions ni de formation technique. Une
stratégie numérique est donc difficile à appréhender. D’autant plus s’il n’a pas de
connaissances pouvant le renseigner sur le sujet. Quelques informations peuvent être glanées
parmi la documentation de la Direction des Musées de France, Atout France, Institut National
du Patrimoine ou d’autres organismes, mais ils sont parfois vieux donc obsolètes,
difficilement accessibles voire inexistants. Par exemple, la Muséofiche « multimédia et
musées » sur le site de la communication et de la culture date de 2002 et parle encore de mise
en place de cédérom avec des montants en francs. Face à ce manque de documentation se sont
créées des communautés en parallèle comme Muzeonum mise en place et alimentée par des
professionnels du secteur public ou privé lié à la culture et au numérique. La publication de
guides officiels et faciles d’accès serait tout de même souhaitable. Ce manque de
documentation et d’information entraîne parfois des approximations techniques dans ces
projets et une sous-évaluation des montants financiers qu’ils impliquent. On peut le voir
notamment dans certains appels d’offres où les exigences techniques sont hautes mais où le
critère de prix reste le plus important. Nous avons vu que le prix n’était pas un problème pour
une application de base mais si les ambitions sont importantes, il est nécessaire d’y accorder
le budget qui permette sa pleine réalisation. Bien sûr, comme nous l’avons vu, il est possible
92 Nathalie CANDITO, Fabien FOREST et Elisabeth SHIMELLS, « L’introduction des R.F.I.D. dans les musées,
expérimentation de l’intelligence ambiante dans les dispositifs de médiation », op. cit.., p. 93.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 43
de participer à un appel à projet qui permettra d’obtenir des financements supplémentaires.
Mais pour faire partie des sélectionnés il faut que le projet soit bien défini et documenté.
Par ailleurs, les problématiques techniques in-situ doivent être prises en compte, pour
la mise en place mais aussi la maintenance du dispositif. L’aide de professionnels est
nécessaire, avant, pendant et après sa mise en place. Avant, ils permettent combler le manque
d’informations techniques dont nous avons parlé plus tôt, qui peuvent avoir une conséquence
sur ses fonctionnalités. Par exemple, les murs épais d’un monument historique abritant un
musée peuvent empêcher le passage des ondes WIFI/3G/4G et remettre en cause l’aspect
partage et réseau social de l’application. Même si le musée choisit la formule « clés en
mains » dont nous avons parlé plus haut, il doit comprendre les spécificités du projet dans le
contexte particulier qui est le sien pour pouvoir, face à un éventuel problème, mieux
l’expliquer pour faciliter le travail des techniciens de maintenance et le résoudre au plus vite.
Pendant la mise en place, ils testent et font des ajustements, après ils s’occupent de la
maintenance, si le musée n’a pas d’équipe interne ou qu’il ne veut pas s’en occuper.
Ici nous parlons des professionnels de type prestataires de service spécialisés dans les
dispositifs multimédias, pour le côté technique. Mais il ne faut pas oublier les autres
personnes qui prennent part au projet, particulièrement au niveau des contenus. Le projet
numérique au sein du musée demande la participation d’acteurs divers surtout s’il est
ambitieux. Un exemple parlant est celui du projet Nantes 1900, basé sur une maquette du port
de Nantes créée au tout début du siècle. Il s'agit de mettre en place un système valorisant
l'objet physique et permettant au visiteur d'en apprendre plus sur les différents lieux
représentés. Pour cela le visiteur aura la possibilité de choisir le lieu qui l'intéresse sur une
représentation 3D de la maquette via un écran tactile multitouch. Il aura alors accès à des
informations textuelles et visuelles (photographies d'époque) dans lesquelles il pourra
naviguer directement. Simultanément, un projecteur mettra en lumière directement sur la
maquette la zone choisie pour lui permettre de se repérer. Ce projet a nécessité une équipe
interdisciplinaire comme Florent Laroche, Jean Louis Kerouanton, Myriam Servières et Alain
Bernard nous le disent :
« Le projet de Nantes 1900 exige donc plusieurs domaines d’excellence. Chacun
apporte les méthodes et les pratiques de son expertise et de sa connaissance
spécifique. C’est la base de l’interdisciplinarité. L’interdisciplinarité facilite la
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 44
découverte des autres enseignements [...] et mène à comparer les différentes
méthodologies des disciplines impliquées. La plupart du temps les processus sont
différents. En effet l’interdisciplinarité crée une synergie qui est très bénéfique et
indispensable pour réussir le projet. Divers domaines seuls ne pourraient y
conduire [...] »93
Fabrice Forest, Nathalie Candito et Elisabeth Shimells nous rappellent les
contraintes à prendre en compte lors de la mis en place d'un tel projet :
« […] il est indispensable de prendre le temps d’une longue installation à blanc,
pour éprouver le dispositif technologique. Dans le cas contraire, les bugs peuvent
être sévères et il n’y a rien qui irrite plus le public qu’une machine en panne. Il est
de même nécessaire que la maintenance soit très réactive. Ensuite, les moyens
humains, matériels et financiers à mobiliser sont conséquents si on veut proposer
au public un produit de qualité. En particulier, le coût du développement des
programmes peut s’avérer particulièrement élevé. Enfin, il ne faut surtout pas
penser que de tels dispositifs peuvent permettre de faire l’économie d’une
présence humaine en salle : sans même parler de médiation (dont [...] la place
[est] essentielle), l’assistance à utilisation, la sécurité et la maintenance légère la
rendent indispensable. »94
Il est donc indispensable de s'entourer de personnes compétentes autant au niveau
technique qu'au niveau des contenus et de les faire travailler ensemble pour être d'autant plus
efficace. Cela permet de faire du projet un succès mais aussi de mieux l'appréhender.
2.3.3. Dans le cadre de la spectacularisation de l'exposition, une gadgetisation de l'outil numérique ?
Nous connaissons les enjeux financiers auxquels font face les musées actuellement.
Cela peut entraîner des dérives. L'une d'elles est de voir des dispositifs mis en place ou des
sujets traités uniquement pour leur « popularité », ce qui garantie un bon chiffre de
fréquentation, mais pas toujours la bonne qualité du contenu. Le rôle éducatif et scientifique
du musée est donc occulté. On parle alors de « spectacularisation » de l'exposition c'est à dire,
93 Florent LAROCHE, Jean-Louis Jlk KEROUANTON, Myriam SERVIÈRES et Alain BERNARD, « Un renouveau des
pratiques muséographiques grâce au virtuel: un support à des applications pluridisciplinaire en pédagogie
active »,12ème colloque national AIP Primeca 2011.
94 Nathalie CANDITO, Fabien FOREST et Elisabeth SHIMELLS, « L’introduction des R.F.I.D. dans les musées,
expérimentation de l’intelligence ambiante dans les dispositifs de médiation », op. cit.., p. 93.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 45
selon le Larousse « […] privilégier le spectaculaire au détriment des idées et de la
réflexion »95. Cette question s'est déjà posée au niveau des expositions temporaires, surtout
celles que l'on appelle des « blockbusters » ou exposition-spectacle. Quelques exemples :
« Matisse, Cézanne, Picasso… l’aventure des Stein » présentée d’octobre 2011 à janvier 2012
fit 515 071 entrées au Grand Palais ; « Kandinsky » en 2009, au centre national d’art et de
culture Georges-Pompidou, 702 905.
La mise en place de ce type d'exposition est encouragé par le fait que « la notoriété
d’un établissement se faisant à présent moins sur ses collections que sur son chiffre de
fréquentation. Dès lors, la tyrannie de l’audimat n’est pas loin »96. Ainsi le directeur du musée
de l’automobile, géré par Culture Espace à Mulhouse, résume une tendance générale :
« Si vous ne faites pas d’exposition, vous allez tomber dans l’oubli. Il faut suivre l’évolution
du marché. Trouver des expositions intéressantes, quand même culturelles, mais pas pour se
faire plaisir, donnant une image moderne du musée, et qui permettent un retour sur
investissement. Elles doivent être visibles, compréhensibles pour tout le monde, ludiques,
interactives, vivantes et en même temps on ne doit pas perdre d’argent »97
La même question peut se poser pour les outils numériques dans l’exposition. Dans ce
cas, on parle plus de « gadgetisation », c'est à dire d' « équiper quelque chose de gadgets ou
lui donner la fonction de gadget »98. Un gadget, selon le Larousse est un « objet, appareil,
dispositif, projet, etc., qui séduit par son caractère nouveau et original, mais qui n’est pas
d’une grande utilité ». Puisqu’ils peuvent entrer dans une stratégie pour donner une image
moderne à un musée et faire vivre une expérience au visiteur, le risque est d’utiliser des
techniques pour elles-mêmes sans avoir de contenu scientifique et élaboré associé. Selon
Serge Chaumier « Le problème survient quand les moyens deviennent des fins en soi, quand
la technique devient suffisante, quand l’objectif se mue en vague prétexte et que l’on s’arrête
en chemin »99
95 LAROUSSE, Larousse poche 2013, op. cit.
96 Serge CHAUMIER (dir.), « La nouvelle muséologie mène-t-elle au parc? », op. cit.., p. 86.
97 Interview du 27 juillet 2004, rapporté par Philippe Mathieu, « Emergence de nouvelles figures muséales.
Musée gratuit versus musée entreprise », Mémoire de Master 2, IEP Grenoble, 2005
98 LAROUSSE, Larousse poche 2013, op. cit.
99 Serge CHAUMIER (dir.), « La nouvelle muséologie mène-t-elle au parc? », op. cit.., p. 74.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 46
L 'utilisation d'outils numériques dans la médiation est conditionnée à la démarche du
musée qui les met en place car sans contenu, ils perdent leur sens et leur intérêt. Il faut d'abord
définir les objectifs à atteindre et déterminer s'ils permettront de les atteindre plus facilement,
s'ils seront plus efficaces qu'un support plus classique en prenant en compte les avantages et
les inconvénients de chaque solution. Il peut être choisi pour un aspect purement pratique, par
exemple une borne permettant d'afficher plusieurs langues ou dans une réflexion plus
approfondie sur la transmission du savoir et l'expérience du visiteur voire dans un cadre
d’expérimentation et de recherche. Les tables tactiles du Louvre Lens peuvent entrer dans ce
deuxième cas, le projet Nantes 1900 et le musée des Confluences (Exposition « Ni vu, ni
connu » en 2006) entrent dans ce dernier. Pour Yves Armel Martin « Les technologies [...] si
elles sont cohérentes, profondément, avec le sens que l’on souhaite transmettre, pourraient
contribuer à offrir une expérience unique et participer à l’enchantement du visiteur »100
2.3.4. Une individualisation de la visite ?
Les dispositifs actuels, applications sur smartphone ou tablette, borne multimédia, ont
souvent une utilisation individuelle. Même si on peut être à plusieurs autour, il n'y en a qu'un
qui peut manipuler l'objet. Si l'outil utilise du son, cela le coupe de son environnement et de
ses accompagnateurs. Notre environnement numérique, par l’ordinateur personnel, le
smartphone nous y a habitués « pourtant notre environnement analogique est naturellement
multi-utilisateurs et « multitouch » 101. La visite en famille semble donc incompatible avec ce
type d'expérience puisqu'elle recherche une « expérience collective et partagée »102. Mais « le
musée peut être un lieu de contemplation mais c’est aussi un lieu public et de rencontres
humaines »103, c'est en cela que les tables tactiles multi-utilisateurs sont pertinentes.
Elles permettent de mettre en place diverses scénarios qui favorisent l'échange et la
confrontation des points de vue. La prise en compte du multi-utilisateurs est de plus en plus
présente. Lorsque l'on regarde les appels d'offre en 2014, la table tactile est souvent sollicitée.
Cependant, il n'est pas pertinent de transposer un modèle déjà connu sur un support nouveau.
La table tactile appelle donc à un renouveau des usages, à une ergonomie adaptée pour que le
système soit réellement multi-utilisateur. Pas seulement un outil où, dans la pratique, un seul
100Yves-Armel MARTIN, « Innovations numériques/ révolution au musée ? », op. cit.., p. 121.
101Ibid.
102Ibid.., p. 122.
103Ibid.., p. 121.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 47
utilisateur est possible puisque les actions proposées ne sont pas compatibles quand elle sont
toutes lancées simultanément. Mais une telle conception reste difficile,
« il y a bien un effet d’horizon : tant qu’on n’a pas essayé un nouveau dispositif,
tant qu’on n’est pas confronté à une expérience nouvelle, il nous est très difficile
de nous projeter l’utilisant et de percevoir ce qu’il peut nous apporter. »104
L'expérimentation reste sûrement la meilleure façon de déterminer ces nouveaux
usages.
Le transmédia peut être une solution pour donner une expérience réellement commune
entre les visiteurs et dans un groupe. Cela consiste à créer une narration exploitant différents
supports: smartphone, table tactile, site web:
« La narration transmédia (en anglais, transmedia storytelling ) est une méthode
de développement d’œuvres de fiction ou documentaires et de produits de
divertissement nouvelle qui se caractérise par l’utilisation combinée de plusieurs
médias pour développer des univers narratifs, des franchises, chaque média
employé développant un contenu différent. De plus chaque contenu peut être
appréhendé de manière indépendante, en général, et sont tous des points d’entrée
dans l’univers transmédiatique de l’œuvre. De par la diversité des contenus et la
profondeur narrative de l’univers que cela engendre, la narration transmédia est
singulière par rapport aux modes de narration classique»105
Henry Jenkins, qui a popularisé le concept dans les années 2000 par son ouvrage
« Convergence Culture » affirme que : « Cette nouvelle forme de narration permet de passer
d’une consommation individuelle et passive à un divertissement collectif et actif »106. Un bon
exemple est celui des contes de l'Estuaire. Ils racontent tous des histoires fantastiques sur
divers supports (fiction radio, application mobile, roman photo…), le but est de découvrir la
métropole de Nantes autrement. L'un d'eux, « Le Monstre », est tourné vers la découverte du
patrimoine de Nantes :
104Ibid.., p. 118.
105Le transmédia dans un contexte muséal et patrimonial, http://www.club-innovation-culture.fr/le-transmedia-
dans-un-contexte-museal-et-patrimonial/, consulté le 28 septembre 2014. Club Innovation et Culture
http://www.club-innovation-culture.fr/le-transmedia-dans-un-contexte-museal-et-patrimonial/
106Henry JENKINS, Convergence culture: where old and new media collide, New York, New York University
Press, 2008.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 48
« Ce parcours de fiction géolocalisé dans les rues de Nantes offre aux mobinautes
une nouvelle manière de découvrir la ville en "marchant" son histoire. De la
cathédrale à l'île Feydeau, en passant par les ruelles du Bouffay, les visiteurs
peuvent voyager dans le temps et se laisser surprendre par les séquences vidéos et
audios de cette histoire ébouriffante »107
Le dispositif personnel de médiation n'est donc pas le seul à leur disposition, d'autres
supports et d'autre fonctionnements peuvent être développés pour construire une expérience
visiteur collective.
2.3.5. Un rapport à la réalité historique altéré ?
Les recherches scientifiques ne permettent pas toujours de donner de réponses. Alors
l’extrapolation et la suggestion remplissent ce vide mais lors d’une représentation visuelle de
ces théories, couplées ou non à des éléments scientifiquement fondés, cette nuance n’est pas
perçue par le visiteur. Les visiteurs peuvent croire que la reconstitution qui leur est présentée
numériquement décrit une vérité historique. Cette question est importante étant donnée la
missions scientifique du musée cependant elle n’est pas inhérente aux nouvelles technologies.
Les reconstitutions d’habitat, les scènes de vie meublées par des mannequins, d'une manière
générale la mise en scène et même la restauration de sites historiques soulèvent ce même
questionnement. Lors de la conservation-restauration d’un bâtiment, les architectes ont le
choix entre plusieurs types d’intervention, celle qui nous intéresse est la reconstruction :
« Construction d’un édifice ou d’un ensemble d’édifices en totalité ou en partie,
dans le respect ou non de la forme initiale, après qu’ils aient été détruits ou
fortement endommagés. Une reconstruction peut inclure des opérations de
reconstitution. »108
Il arrive que la totalité des informations ne soient pas toujours présentes pour rebâtir
fidèlement l’agencement du site, or « la reconstitution [...] se fonde sur des preuves »109.
L’architecte peut faire le choix de la restitution. Il se base sur l’architecture de l’époque, des
gravures, des sources pour établir des hypothèses et construire un élément qui, selon toute
cohérence, aurait pu se trouver là mais dont on a aucune preuve scientifique de l’existence.
107Les contes de l'Estuaire http://www.contes-estuaire.fr/conte/le-monstre
108MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION, Direction Générale des Patrimoines,
Termes relatifs aux interventions sur les Monuments Historiques, Glossaire,, 2013 p.8
109Ibid
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 49
S’il utilise des matériaux qui se fondent dans la structure de l’époque, les visiteurs, devant le
bâtiment restauré voient un monument authentique sans savoir que cette « authenticité » a été,
dans un sens, altérée. Devant cet écueil, le choix fait par d’autres est d’utiliser des matériaux
contemporains qui tranchent avec l’architecture originale du bâtiment afin que les visiteurs se
rendent compte que cette partie est une extrapolation ou une adaptation et qu’ils n’y voient
pas de réalité historique. Mais il s’expose aux critiques esthétiques et à la remise en cause de
l’homogénéité du bâtiment.
Une représentation visuelle marquant la nuance entre théorie et fondement scientifique
est toujours possible. Seulement, il faut faire un choix entre l’ensemble esthétique qui vise à
donner une vue homogène au visiteur pour un effet plus immersif et la reconstitution
scientifique qui représente la différence entre une théorie, aussi légitime soit elle mais non
prouvée et un fait avéré. Ce choix doit être fait dans toutes les reconstitutions, autant
physiques que virtuelles.
Les technologies de médiations offrent de grandes opportunités, elles soulèvent aussi
des problèmes auparavant inconnus jusque dans l'organisation interne des musées. Leur
conception et installation impliquent une façon de penser différente, plus proche des usages
d'internet. Le décideur peut aussi succomber aux sirènes du spectaculaire qui occultent la
qualité du contenu. C'est à eux de positionner des garde-fous afin de garantir une éthique
scientifique et de réellement remplir leur rôle d'éducation et pas seulement de divertissement.
L’outil technologique est totalement modulable, comme tout instrument de travail il est
conditionné par les intentions de celui qui l'utilise. Le projet est donc à penser dans une
réflexion globale et dans des objectifs scientifiques précis.
Les technologies peuvent entrer dans plusieurs démarches de la part du musée. Au
niveau du marketing, ça peut être un moyen de se différencier des autres structures, d'affirmer
son identité. Dans cette optique, le renouvellement de son image auprès du public, être un
musée « moderne » peut aussi être un enjeu. Cependant, c'est rarement le seul argument
avancé pour sa mise en place.
On remarque dans beaucoup de projets, notamment les plus ambitieux, que la
démarche est plus tournée vers les publics. Cela l'est d'autant plus que leur gestion oblige à
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 50
changer les habitudes et à mettre en place des équipes pluridisciplinaires. Cela contraint aussi
à une réflexion poussée voire à une remise en cause de certains fondements.
Mais toute opération comporte des risques, et le projet numérique ne fait pas
exception. Ils peuvent concerne l'aspect de sa gestion mais surtout celui de l'éthique
scientifique. Le musée peut entrer dans des déviances comme la spectacularisation, l'effet
« wouah ! ». Seuls des objectifs scientifiques clairs et un contenu solide permettent de ne pas
y céder.
3 L’évolution de la médiation humaine
Pour répondre aux questions inhérente à la médiation humaine et aux nouvelles
technologies nous avons décidé de poser la question aux premiers intéressés : les médiateurs.
Nous avons choisi d'en interroger dix du château des Ducs de Bretagne. Ce site nous
paraissait pertinent puisque le numérique fait partie intégrante de sa scénographie. Nous
pouvions donc aborder la question de leur utilisation dans un cadre professionnel. Le but est
d'avoir un aperçu de leurs connaissances sur la question, de leur position vis-à-vis du sujet et
de l'évolution de leur métier.
Nous cherchons d'abord à répondre à une crainte souvent observée : les aides à la
visite qui, à terme, remplaceraient le médiateur. Puis, dans un même registre, celle de voir le
site se vider de ses visiteurs face à la visite virtuelle permettant de découvrir ces œuvres sans
sortir de chez soi.
Puis nous déterminerons en quoi ces outils peuvent compléter la médiation humaine et
la visite guidée
Enfin, nous aborderons l'évolution du métier et son avenir sous le prisme des
nouveaux usages et des nouvelles pratiques induites par les TIC.
3.1. La question des aides à la visite et de la virtualisation des collections.
Une peur est souvent perçue lorsqu'on parle des nouvelles technologies au musée,
celle de se voir remplacé par la machine. Une deuxième concerne la visite virtuelle, qui se
substituerait à la visite physique. Nous verrons si ces deux idées sont partagées par les
médiateurs et si elles sont fondées
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 51
3.1.1. Le médiateur en voie de disparition ?
a) Une question légitime
Lors de la création de l'audioguide dans les années 1980, il a été vu comme une
menace pour les guides. De nos jours, il est toujours utilisé et s'est développé, le médiateur n'a
pas disparu mais une réserve pour cet outil multimédia en particulier reste présent pour 30 %
d'entre eux. La question de la machine qui remplace l'homme n'est donc pas arrivée avec les
dernières technologies au musée. Cependant, il semblerait que certains outils soient
développés dans cette optique, en particulier les robots destinés à l'accueil et à la médiation.
L'un d'eux est Docent, déjà utilisé comme « agent de médiation » dans un musée coréen. Se
déplaçant selon un parcours défini, il rejoint différentes vignettes qui correspondent aux
points d'intérêts du musée et est capable de diffuser son discours en plusieurs langues. Équipé
d'un rétroprojecteur, il peut afficher des images et des vidéos pour illustrer ses propos.
D'autres sont plus généraux et plus destinés à l'accueil comme FURo et Reem, mais l'idée est
là. Ces robots restent très chers plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’euros par
unité110. Ils sont donc actuellement loin d'être accessibles à toutes les structures.
b) Une position ambivalente de la part des médiateurs
Sans aller jusqu'à remplacer les médiateurs par des robots, force est de constater qu'il
est possible de visiter un lieu culturel sans la moindre intervention humaine grâce,
notamment, aux audioguides. De nos jours, ils sont le plus souvent dématérialisés mais ne
s'arrêtent pas à la lecture d'un fichier audio et peuvent s'agrémenter de photos ou vidéos pour
illustrer le discours. D'une manière générale, la position des médiateurs envers les outils
numériques est partagée entre peur (de ne pas maîtriser l'outil, de ne pas avoir de valeur
ajoutée) et enthousiasme. Les réserves se concentrent en particulier autour cet
l'audioguide enrichi :
« Oui par contre après c'est toujours la même, la même[...] problématique. C'est-à-
dire que c'est intéressant dans le cadre d'une visite guidée mais après si jamais il y
a trop […] d'aide à la visite, multimédias ou autres, pour les visiteurs individuels,
ça veut dire qu'il y aura aussi beaucoup moins de visiteurs individuels qui
prendront des visites guidées pour avoir le contenu qu'ils [...] recherchent. […] Ça
110Caroline HEULIN, « Bientôt des robots pour l’accueil et la médiation dans les musées ? » Club Innovation
Culture http://www.club-innovation-culture.fr/bientot-des-robots-pour-laccueil-et-la-mediation-dans-les-
musees/
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 52
peut [concurrencer], je pense. Honnêtement, ça peut. [...] De toute façon, on le
voit bien déjà avec l'audioguide. Depuis que ça existe, y'a beaucoup moins de
visites guidées qui se prennent qu'auparavant. Et puis les gens s'habituent à être
quelque part... tranquille dans leur visite, un petit peu isolés et à pouvoir gérer leur
temps dans le musée. Je pense que ça impacte sur le nombre de visites guidées
réservées achetées ou pas. »111
« Là-dessus, je suis plus réservée »112
« Ouais je suis partagée mais je suis toujours curieuse parce que je pense qu'il faut
vivre avec son temps, tout ça mais je suis quand même partagée. […] J'ai peur
[…] qu'on fasse de moins en moins appel au médiateur parce que les gens
pourront faire leur visite libre, en autonomie parce qu'ils seront justement aidés
par des médiateurs interactifs »113
Pourtant, pour les médiateurs interrogés, l'outil numérique est plus souvent une aide:
« c'est un outil qui peut être très intéressant, qui mérite d'être développé.»114, « c'est un outil
pour le visiteur, c'est une source d'informations complémentaire, sous une autre forme que la
lecture ou simplement regarder les objets. Donc... je trouve que c'est intéressant. »115 , « Pour
moi le multimédia il est là […] pour compléter en fait, pour t'appuyer, pour enrichir. [...] Pour
moi c'est un outil»116. L'une des interrogées résume bien l'impression d'ensemble :
« Pour la visite guidée, moi je trouve que ça apporte un... un plus. Parce que ça
apporte [...] quelque chose de très dynamique, vivant et comme on a différentes
approches pour comprendre les choses, différents moyens, […] différentes
perceptions […] de ce qu'on découvre, voilà, on a plein d'outils différents du coup
pour réussir à vivre au mieux la visite et en retenir ou en ressentir le maximum de
choses. […] C'est une aide, c'est un support […] supplémentaire. Et puis je pense
que ça peut permettre de développer d'autres formes de médiation. C'est parler
d'un sujet et rentrer par un autre biais ou au contraire, voilà développer par rapport
111 Entretien avec D., Médiatrice, le 10 avril 2013
112 Entretien avec I., Médiatrice, le 15 mai 2013
113Entretien avec A., Médiatrice, le 23 avril 2013
114Entretien avec F., Médiatrice, le 11 avril 2013
115 Entretien avec J., responsable du service médiation, le 10 avril 2013
116Entretien avec B., Médiatrice, le 23 avril 2013
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 53
à, à ce qu'on a sous les yeux. Non, non, c'est c'est carrément […] je pense une très
bonne opportunité, un bon tremplin [...]. »117
Cependant, il n'est pertinent que s'il est basé sur un contenu valable. Cette idée est
importante et revient souvent. Les médiateurs sont sensibles à la véracité des propos et à leur
authenticité, à l'intégration de l'outil au parcours mais aussi à l'importance de l'objet de
collection, qui reste central:
« [...] Faut que ce soit vraiment compris dans la logique quelque part, du musée, du
lieu culturel qui a un sens, que ça vienne pas voilà en plus, pour faire multimédia, que
ça serve vraiment au discours, que ça serve […] à ce qui est montré »118
« Ah, non, enfin, pour moi, pas une menace. Enfin, je vois pas ça comme ça. Mais ça
peut être une aide mais … […] Si c'est pertinent. »119
« Si tu peux pas l'exploiter à fond, c'est genre juste pour en mettre plein les yeux aux
gens, tu vois, je trouve ça dommage. Faut pas faire trop. Trop, juste pour, juste
histoire de. »120
« Parce que si t'arrives sur, devant un dispositif multimédia : "ah ! C'est beau, c'est
chouette! Bah oui mais pourquoi on me montre ça?". Pourquoi finalement ? [...] Où
t'es dans la visite puis tout d'un coup tu sais pas pourquoi t'as un écran, mais voilà t'as
l'impression "oh ! bah non, il a fallu mettre un écran !" […] tu compren[ds] pas trop
ce que ça [vient] faire là, enfin. Je pense qu'il faut qu'il soit hyper bien intégré dans le
parcours [...]. »121
« Bon bah c'est vrai qu'on part de l'objet, il faut pas, voilà oublier l'essentiel. Le point
de départ c'est bien l'objet historique »122
Ils ne rejettent pas en bloc les outils numériques mais sont plus nuancés. Ils sont
conscients de ses avantages et de ses limites :
117Entretien avec C., Médiatrice, le 10 avril 2013
118Entretien avec D., op cit
119Entretien avec E., Médiatrice, le 10 avril 2013
120Entretien avec F., op cit
121Entretien avec A. op cit
122Entretien avec C. op cit
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 54
« […] je pense que ça apporte. Je pense vraiment que ça apporte parce que ça
dynamise, en fait, le contenu. […] [Mais] je trouve quand même très intéressant
quand la médiatrice est là, […] interpelle les gens. […] Le dispositif […] c'est un
peu froid. […] Tu peux tout faire et en même temps, du coup, tu peux te perdre un
peu »123
« Après je trouve que c'est un outil intéressant pour les individuels, t'as des gens
qu'ont...qu'ont envie de maîtriser leur visite dans le temps, et de sélectionner ce
qu'ils veulent écouter […] Mais je pense qu'il n'auront jamais [...] de réponses si
ils ont une question précise, avec un audioguide […] Nous on peut leur dire "bah
écoutez, ça […] j'ai pas la réponse comme ça, je peux pas vous donner un chiffre
précis mais vous me laissez votre mail, je fais des recherches puis je vous envoie
la réponse dans la semaine". Et ça l'audioguide, il répondra pas à ça. »124
« Les multimédias ou les images d'archive [...] c'est un bon moyen de, de pouvoir
illustrer, de concrétiser par l'image […] certains messages. Même si elle reste
interactive, la machine, […] il arrive un moment où elle a ses limites »125
« Donc oui [ça apporte]. Mais en même temps je trouve que, est-ce que c'est aussi
pas un peu dommage? Tu vois de... Moi quand je vois les visites sensorielles de
l'expo que j'ai faite, où j'ai sorti un casque de poilu, où j'ai sorti un insigne nazi
que les gens ont pu toucher, que... Je veux dire, y avait une émotion, quoi, autour
de ça que après ouais tu peux entrer tous les supports multimédia que tu veux
mais, bon, tu vois. Je pense que le propre d'un musée c'est quand même les, les...
C'est quand même des... L'objet vraiment, quoi, matériel, quoi, tu vois? »126
Dans le détail, les avantages les plus cités correspondent à l'aspect de visualisation :
l'image plus « parlante » que le texte. L'aspect de la visite modulable est aussi beaucoup
abordé, où on est libre de commencer et d'arrêter quand on veut, de s'informer uniquement sur
les objets qui nous intéressent. La principale limite donnée est liée à l'aspect humain : un outil
numérique ne peut pas créer de lien relationnel et répondre à toutes les questions alors que le
médiateur, même s'il n'a pas non plus toutes les réponses, peut avoir une compréhension plus
123Entretien avec A. op cit
124Entretien avec F., op cit
125Entretien avec G., Médiatrice, le 23 avril 2013)
126Entretien avec A. op cit
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 55
aiguë de la question et rechercher la réponse par la suite. Ils n'oublient pas les limites du
médiateur : « peut être qu'avec un guide, y aura pas la réponses non plus (rires) dans le sens
où, on sait pas tout »127, « Alors nous aussi on a nos limites »128, « On va pas pouvoir tout
montrer on va pas pouvoir tout expliquer »129. Mais pour eux la machine ne remplacera jamais
l'humain. Le médiateur est plus adaptable que le multimédia, il y aura un toujours un public
qui recherche le contact humain et la visite guidée :
« les gens s'ils veulent une visite guidée, s'ils veulent quelqu'un d'humain, ils vont
l'avoir ce côté humain, au travers [du] guide. […] Voilà, [avec l'outil multimédia]
y aura pas eu ce contact. Et on est dans un musée d'histoire c'est important, surtout
sur les sujets qui sont douloureux pour certains. Donc, voilà c'est parfois plus, je
pense, rassurant pour quelqu'un d'avoir bah euh, un, quelqu'un qui, qui a aussi des
émotions, qui, voilà. Un être humain en face de lui plutôt que, qu'une machine.
[…] Et du coup, y'a une adaptabilité qui est totale. […] On reste avec des mots qui
sont parfois compliqués et là nous on est là pour les expliquer, pour les voilà, pour
leur donner les clés de compréhension.»130
« Et puis, je pense que la visite guidée, de toute façon elle est irremplaçable et
qu'y...on aura toujours des visiteurs qui euh...préféreront la visite guidée. […] Je
veux dire..., ça nous remplacera pas, je pense. »131
« Mais euh...dans le côté d'avoir un guide y'a quand même un côté contact
humain, rencontre qui permet […] d'avoir un autre lien avec les questions ou avec
un monument. Donc je ne pense pas […] que les machines remplaceront les
médiateurs. […] Je pense que y a encore aujourd'hui dans les générations avant
nous, vraiment un public pour les, pour les visites guidées. »132
127Entretien avec F. op cit
128Entretien avec G. op cit
129Entretien avec B. op cit
130Entretien avec H. op cit
131Entretien avec F. op cit
132Entretien avec G. op cit
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 56
« C'est quand même très authentique d'être en face d'une personne qui va
t'expliquer avec ses mots à elle qui du coup vont être tes mots à toi, enfin, avec.
[…] Et tu te dis, voilà le rapport humain y'a quand même rien de tel. »133
Ils en viennent alors à une conclusion : la complémentarité.
« Les médiateurs auraient toujours une place, l'outil serait important[...] Parce
qu'il y a de la place pour les deux et au contraire ça ne peut qu'en être...on ne peut
qu'enrichir notre discours et notre façon de faire avec des nouveaux outils. »134
« Moi le médiateur, il peut pas, ouais il peut pas tout dire donc ça vient
compléter »135
D'une manière générale, les médiateurs sont conscients des limites et des forces de
l'outil numérique mais aussi des leurs. Ils en tirent le plus souvent la conclusion d'une
complémentarité. Leur position vis-à-vis des multimédias oscille entre peur et enthousiasme,
prudence et curiosité. Une chose est sûre : ils ne sont pas indifférents, pour preuve, le mot le
plus cité sur l'ensemble des entretiens est « intéressant ».
Les moyens sont là pour ne plus avoir de contact humain dans le musée. Est-ce pour
autant que le médiateur disparaîtra ? Nous avons vu que les mouvements qui traversent la
médiation, nouvelle muséologie, interprétation, sont tournés en premier lieu vers le public et
ses attentes. Sans parler de l'aspect marketing qui, dans une optique financière cette fois, est
lui aussi centré sur les visiteurs. Selon EVS, les aspirations immatérielles croissent plus vite
que les aspirations matérielles. Trois d'entre elles sont les plus fortes, dont «la recherche de
contacts humains ». En se basant la dessus, on peut penser que la place du médiateur au
musée reste essentielle, « irremplaçable ». Le musée reste un lieu de rencontre et de réflexion
mais cela semble difficile sans dialogue ni contact humain.
3.1.2. Musée versus visite virtuelle : une menace pour la fréquentation ?
Actuellement, il est possible de visiter un musée ou ses collections à partir de chez soi
via, entre autres, le Google Art Project qui donne accès aux collections de plus de 150 musées
en haute, voire très haute définition. L'internaute peut voir de plus près la toile que s'il était
133Entretien avec A. op cit
134Entretien avec F. op cit
135 Entretien avec B. op cit
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 57
sur place et constituer sa propre galerie avec les chefs d’œuvres qu'il préfère. Certains musées
mettent une partie de leurs collections sur leur site internet avec des représentations de qualité,
l'exemple le plus célèbre est celui du Rijksmuseum, au Pays-Bas. D'autres peuvent être visités
virtuellement via la technologie Street View. C'est le cas du château de Versailles. Un autre
robot : Beam d'Awabot, permet de visiter un site à distance. L'internaute le dirige à partir de
son ordinateur et peut communiquer sur place à l'aide d'une webcam. C'est une sorte de visio-
conférence mobile. Le musée est maintenant accessible partout.
Nous discutons ici de la médiation au musée, en lien avec les nouvelles technologies.
Cela peut donc sembler incongru d'aborder la virtualisation des sites. Pourtant, cela entre dans
une logique d’interface entre le musée et le visiteur. Il peut ainsi avoir un aperçu à distance
des lieux et des œuvres. Pourtant, comme l'entrée de la photographie au musée, cela pose un
malaise. On entend alors « Pourquoi venir au musée pour voir quelque chose que […] tu
pourrais voir de chez toi sur un site? »136, « tu te déplaces même plus [...]. C'est, tu te poses,
t'as un écran et puis bah, tu fais défiler les salles, tu fais comme si t'étais dans les salles […] Je
pense que ouais, y'a des gens qui euh, qui vont pas forcément se déplacer parce qu'ils ont vu
[…] tout ce qu'ils voulaient sur leur écran […] J'ai un peu peur de ça»137
Selon Atout France « cette vision ignore notamment une règle de l’économie de
l’immatériel : « on s’enrichit fréquemment en donnant et en partageant » »138 et contrairement,
à une idée reçue « montrer en ligne accroît la fréquentation physique »139. Pour André-
Yves Portnoff « l'économie du don est en fait une économie de l'amorçage »140. Autrement dit,
montrer les images, permettre la large diffusion des photos rendra service au musée puisque
donnera envie aux visiteurs potentiels de venir voir les œuvres « en vrai ». Par ailleurs, le
visiteur doit être considéré comme un ambassadeur du site. Ses photographies et son
expérience, transmises par le bouche-à-oreilles, constituent une publicité gratuite et dans
toutes les langues, il serait dommage de s'en priver. Selon l'étude conduite en 2008 par José-
136Entretien avec A. op cit
137Entretien avec G. op cit
138ATOUT-FRANCE, Visite culturelle et TIC le numerique au service de la visite touristique et culturelle ,
op. cit.., p. 104.
139Ibid.
140Andre-Yves PORTNOFF, Le Pari de l’intelligence: Des puces, des souris et des homme, Paris, Futuribles,
2004, p. 33.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 58
Marie Griffiths et Donald W. King, pour l'IMLS (Institute of Museum ans Library Service,
organisamé fédéral américain) « internet ne tue pas les bibliothèques et les musées, [il y a ]
une corrélation positive entre visites physiques et fréquentation des sites »141. Il remarquent
ainsi que les utilisateurs d’internet vont plus dans les musées et plus souvent que la moyenne
des américains.
La présence de l’œuvre sur internet et ainsi sa disponibilité permet une autre relation :
« [un] contact intime, pas toujours facile pour un profane bousculé par la foule
dans une exposition à la mode, [et] procure une émotion essentielle pour rallier
des publics nouveaux qui ont du mal à pénétrer dans un tableau. […] Le musée
entre dans le domicile avec une capacité d’émouvoir et donc de séduire,
susceptible de se traduire en visites physiques.»142.
Le fait d'être chez soi retire aussi l'aspect formel et pesant associé à la culture savante,
elle-même associée aux beaux-arts. Cela ouvre la voie à d'autres publics qui ne s'y
identifieraient pas et dont le musée serait encore la représentation. Pour Sébastien Magro,
community manager au musée du Quai Branly :
« Explorer les trésors des musées grâce à un outil, que ce soit sur papier ou sur
écran, est un premier pas dans la découverte de l’œuvre et c’est déjà formidable.
Parfois, cette découverte ne va pas plus loin, quelles qu’en soient les raisons
(éloignement géographique, prix de la visite, etc). Parfois, cet avant-goût
débouchera sur une visite des lieux. Si rien ne remplace la confrontation physique
avec les œuvres, les technologies permettent d’en appréhender de multiples
aspects. Et réciproquement, si les technologies enrichissent la découverte et la
visite, rien ne saurait remplacer la présence de l’œuvre. »143
Le musée a donc tout à gagner à participer aux projets qui partagent en ligne leurs
richesses.
141GRIFFITHS José-Marie, KING Donald, Museums and the Internet, Institute of Museum and Libraries
Services, février 2008 cité par ATOUT-FRANCE, Visite culturelle et TIC le numerique au service de la visite
touristique et culturelle, op. cit.., p. 104.
142Ibid.
143Sébastien MAGRO, « Trois idées reçues sur le numérique au musée », DASM
http://dasm.wordpress.com/2014/04/30/trois-idees-recues-sur-le-numerique-au-musee/
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 59
3.2. Vers un enrichissement de la visite guidée ?
L’outil numérique est bien utile pour les visiteurs individuels mais permettent-ils
l'enrichissement de la visite guidée ? Il semblerait que oui, de façon directe et indirecte.
3.2.1. Un enrichissement direct de la visite par une meilleure prise en compte des besoins du médiateur
Les médiateurs ont globalement une bonne image des outils numériques. Ils sont
considérés comme un enrichissement pour le visiteur libre et pour la visite guidée. Cependant,
on remarquera que les dispositifs actuellement en place sont souvent individuels mais aussi,
en quelque sorte, « réservés » au visiteur. Le médiateur peut l'utiliser mais n'a pas toujours la
possibilité de le maîtriser. Pour un film ou une section qui tourne en boucle par exemple, il ne
peut pas l'arrêter, le recommencer, retourner en arrière... Il est obligé d’attendre qu'il
redémarre ou que le passage intéressant reprenne. La maîtrise de l'outil est une véritable
attente de leur part, cette notion a été abordée plusieurs fois pendant les entretiens :
« C'est vrai que ce serait un outil parfait si nous, si le multimédia pouvait s'adapter
à nous, qu'on avait juste à appuyer sur le bouton et à "oh regardez, hop!". »144
« Interrogateur : […] Est-ce que à ton avis ce type d'outil est adapté à une visite
guidée?
Répondant: Bah si tu peux interagir dessus. Si le médiateur peut vraiment
interagir dessus. (…) Et il faut que ce soit, que tu puisses avoir, ouais, la main
dessus [...]. […] Parce que si, tu vois, si t'as pas plus de pouvoir qu'un simple
visiteur, en tant que médiateur, dans ce cas là, qu'est ce que tu leur apportes? […]
Parce que pour moi la visite guidée c'est un plus par rapport à la visite libre. Donc
si c'est juste "ah vous avez vu là l'écran? Bah ouais vous avez vu. C'est super
hein? Voilà , bon bah on continue". Enfin. Faut que tu puisses leur montrer “voilà,
moi je suis guide donc moi je peux mettre stop, faire un commentaire, relancer le
truc”. Tu vois? Enlever le son parce que je vais moi même faire le commentaire.
Tu vois, moi je trouve que c'est ça [...]. Faut que ce soit... Faut avoir la main
dessus [...]. »145
144Entretien avec H. op cit
145 Entretien avec A. op cit
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 60
Il est alors utilisé de manière opportuniste, quand le hasard permet de tomber au bon
moment. Lorsqu’on les interroge sur les dispositifs du musée utilisés en visite, ceux qui
peuvent être maîtrisés sont les plus populaires : « Un multimédia qu'on utilise énormément
c'est celui de la salle 17 parce que il est...on a la maîtrise sur le... [...] Je [l’]utilise
systématiquement en visite guidée »146. Ceux qui tournent « en boucle » ne sont pas toujours
délaissés, mais cela dépend beaucoup de leur contenu et surtout de leur vitesse. S'ils se
déroulent trop rapidement, le médiateur ne peut pas faire son commentaire. S'il est trop lent, il
faut attendre trop longtemps pour accéder à l'extrait désiré :
« Si on le prend pas dès le début d'une, il est pas pratique parce que on sait pas
[...] trop comment se raccrocher. Deux, il est à la fois trop long dans le temps, je
crois qu'il dure six minutes. [...] Et trop rapide dans le sens ou si tu veux "ah bah
voilà, là ce qui s'est passé, c'est la destruction des remparts machin" proulououp,
ça continue à avancer. […] Les gens le temps que tu leur dises […] qu'ils
intègrent... L'image a déjà disparu »147
Des opportunités d'illustrer le discours peuvent être gâchées, car le médiateur n'a pas
la possibilité de le maîtriser, ce qui donne un outil non adapté à la visite guidée. Une emprise
totale de l'outil par le médiateur poserait d'autres problèmes, comme la monopolisation de
l'appareil pendant son commentaire, qui occulterait le reste des contenus auxquels voudrait
éventuellement accéder un visiteur libre. Mais cela semble mineur à côté d'un outil dont le
contenu pourrait parfaitement éclairer un propos mais qui serait inutilisable en visite guidée.
Mais il y a une évolution dans le sens des médiateurs qui sont de plus en plus pris en
compte. Dans les appels d'offre, notamment pour les tables tactiles, un système est demandé
afin de lui permettre d'utiliser les contenus pendant sa visite. Un dispositif en particulier a été
créé spécifiquement pour eux : Kjing. Son nom est dérivé des DJ (Disc Jockey) et VJ (Video
Jockey) qui mixent les sons et les vidéos. Ici Kjing mixe les savoirs (Knowldeges en anglais).
Le médiateur prépare à l'avance ses contenus : photos, vidéos, dessins, textes... qu'il intègre
dans le logiciel, il les retrouve alors dans une tablette tactile qui lui servira d'outil sur place.
Pendant la visite, par un système utilisant les ondes WIFI, il peut afficher n'importe lequel de
ses contenus sur n'importe quel écran ou rétroprojecteur du musée, pourvu qu'il soit connecté
146Entretien avec F. op cit
147Ibid
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 61
au réseau. Mais ce n'est pas tout. Le médiateur a aussi la possibilité de diffuser les contenus
sur un ou plusieurs des smartphones des visiteurs le suivant. Cela pourrait donner lieu à des
jeux, quizz ou autre procédé pour développer l'interaction et le dialogue. Loin d'être un
prototype de laboratoire, il sera mis en place au château des Ducs de Bretagne en 2016.
La visite guidée est ainsi enrichie par les contenus que le médiateur peut ajouter et
diffuser plus facilement mais aussi par les possibilités que lui donnent les outils spécifiques à
son activité.
3.2.2. Un enrichissement indirect par l'évolutivité des contenus et l'approfondissementdu dialogue
Lors de l'exposition « Papas del Peru » en 2008, les dispositifs étaient pensés pour
une visite en autonomie. Le médiateur n'était pas oublié pour autant puisqu'il assistait les
participants et animait un des modules. Il a été observé que même si la visite était autonome
en grande partie, le médiateur était considéré comme essentiel et très complémentaire, d'un
côté puis expliquer la marche à suivre mais aussi et surtout il
«[...] incarn[e] le musée, transm[et] des messages complexes et perm[et]
l’échange et la discussion. [Le médiateur] se concentre ainsi sur la transmission de
contenu complexe, sensible ou polémique, ou sur là des publics spécifiques, non
ciblés au départ dans la conception de l'activité»148
Contrairement à ce qu'on aurait pu penser, la mise en place de dispositifs autonomes
n'occulte en rien le médiateur. Il suffit de lui donner un rôle précis qui lui permettra d'assurer
une véritable médiation, dans le sens de faire le lien entre le musée et le public par le dialogue
et l'approfondissement des concepts abordés plus tôt : « ces technologies de gestion du
parcours de médiation recentrent et donnent une fonction plus spécifique et irremplaçable au
médiateur. »149
148Nathalie CANDITO, Fabien FOREST et Elisabeth SHIMELLS, « L’introduction des R.F.I.D. dans les musées,
expérimentation de l’intelligence ambiante dans les dispositifs de médiation », op. cit.., p. 92.
149Ibid.
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L'enrichissement indirect de l'exposition ne s'arrête pas là. Selon Yves Armel Martin
« En se numérisant, l’espace muséographique va bénéficier des propriétés d’adaptation
propres au numérique : évolutivité, sensibilité et pervasivité »150
Ici, c'est l'évolutivité qui nous intéresse. De nos jours, les expositions sont figées. Si
elles évoluent vers un aspect plus numérique, dans le sens de présentation des textes (par
exemple de cartels), il sera alors possible de modifier ces contenus et de corriger les erreurs
possibles. Elle pourra même, dans une autre mesure, évoluer au fil du temps en fonction des
remarques de visiteurs, des médiateurs et des chargés d'exposition. Elle peut alors être
considérée comme une « œuvre vivante »151. Une expérience de ce genre a été menée au
musée des Confluences. En donnant la main aux médiateurs lors de l'atelier « objets en
transit », ils ont remarqué que les contenus étaient modifiés au fur et à mesure pour lui donner
plus de cohérence. Ils sont particulièrement bien positionnés dans ce rôle puisqu'ils sont les
plus à même de préciser quels contenus sont les plus adaptés et quels exemples sont les plus
parlants en fonction des publics. Ce principe d'exposition évolutive est particulièrement
pertinent pour les sujets exposés à des changements fréquents : technologies, sciences...
Même dans les supports, cela peut être intéressant de pouvoir mettre à jour les informations,
les contenus. On peut citer un exemple venant du château des Ducs de Bretagne où dans une
des salles les visiteurs ont l'occasion de se promener parmi Nantes en 1757 :
« ils ont fait évoluer le système en incorporant [...] les lieux de Nantes aujourd'hui
et le même endroit par image virtuelle, et […] les prises de vues qui ont été faites
de Nantes, aujourd'hui [...] elles sont plus à jour. La ville a continué à se
développer, à se construire, à se transformer et donc voilà c'est des prises de vues
qui ont été faites en 2008 ou 2009, je me souviens plus et y en a qui sont plus du
tout d'actualité. » (Sources : Entretien avec C., Médiatrice, le 23 avril 2013)
Avec un cadre évolutif, ce type d'outil serait toujours à jour et donc toujours pertinent.
De façon indirecte les technologies peuvent enrichir l'exposition et donc par extension la
visite guidée. Le fait de créer un parcours autonome tout en gardant le médiateur dans un rôle
précis lui permet de ne pas approcher certains sujets déjà abordés par les visiteurs au moment
où ils arrivent devant lui. Par conséquent, il peut se concentrer sur l'approfondissement et le
dialogue avec les visiteurs. De plus, une exposition évolutive permettrait de modifier les
150Yves-Armel MARTIN, « Innovations numériques/ révolution au musée ? », op. cit.., p. 121.
151Ibid.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 63
contenus et de les garder à jour, toujours adaptés. Des dispositifs fixes utilisés par les
médiateurs seraient alors toujours pertinents.
Les technologies de médiation peuvent enrichir directement et indirectement la visite
guidée. Dans un premier temps en permettant au médiateur d'utiliser des outils spécifiques
pour illustrer un discours puis en rendant évolutif les expositions et les dispositifs pour les
garder toujours à jour et pertinents.
3.3. L'influence des outils numériques sur le métier de médiateur
Le métier de médiateur a évolué au cours des années. Avec les changements dû aux
TIC, il sera sûrement amené à s'adapter à ce cadre.
3.3.1. Un facteur d'évolution du métier... mais pas le premier
Lorsqu'on aborde l'évolution de métier de médiateur, on remarque comment les
mouvements et les politiques culturelles l'ont influencé. Parmi les évolutions citées la
première concerne la relation au visiteur, l'instauration d'un dialogue, d'une construction sur
leurs envies, leurs réactions et leurs questions :
« En tout cas par rapport à ce qui se faisait y'a encore une quinzaine d'années là,
un peu, le terme un peu poussiéreux là de guide-conférencier où tu fais ta petite
conférence et tout le monde t'écoute et puis bon euh, où y avait moins cette
interaction, y avait moins ces... Ouais, je pense que ça a évolué parce que
justement le terme médiation c'est justement donner des clés au, à tous les publics
donc s'adapter à ton public pour, pour voilà, pour transmettre le patrimoine, un
savoir [...]. Ouais je trouve qu'il y a une évolution c'est qu'on s'adapte au public.
On s'adapte au public et on met de côté parfois certains contenus pour, pour tant
pis que ce soit peut être plus ludique, plus interactif, que ça attire plus de
publics. »152
Le deuxième facteur d'évolution tient dans la diversification des formes de visite :
« j'ai vu une évolution dans le sens ou je pense qu'on essaye de plus en plus à sortir, de la
visite classique avec un discours fixe »153, « donc ça, […] ça a évolué, nos formes de
médiations. Évolué puisque maintenant on fait pas que des visites guidées mais des
152Entretien avec A. op cit
153Entretien avec D. s op cit
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 64
animations, des quarts d'heure [de l'objet]. Les visites guidées on les fait sous différentes
formes. Contées, jouées... »154
L’utilisation des outils numérique n'arrive donc qu'en troisième position : « alors
effectivement dans l'évolution du métier...oui l'intégration des multimédia dans les
musées...Bah ouais je l'ai vu passer […].», « c'est vrai que là […] quand je suis arrivée au
musée, [...] j'ai eu du multimédia vraiment, […] pour moi ça a révolutionné ma manière de
présenter les choses. »155
Donc selon les médiateurs, l'évolution du métier s'est trouvé changée d'abord par la
modification de leur rôle, qui n'est plus d'être un « guide omniscient »156 et de la vision de la
transmission du savoir qui n'est plus « verticale »157. Les nouvelles technologies n'arrivent
qu'après ces éléments.
Dans le même registre, nous avons posé la question de l'avenir de leur métier. Là aussi
le multimédia est placé en troisième position.
Selon eux, le médiateur sera d'abord amené à diversifier les formes et les thèmes de
visite : « je pense qu'effectivement on va véritablement pouvoir évoluer dans la forme... dans
la pratique de notre travail. [...] »158, « Puis,le médiateur […] va être amené à être plus
pluridisciplinaire et à avoir plus d'interventions »159, « Peut-être après, en variant peut-être les
thèmes, plus »160, « Ouais, je pense que c'est ça, ça va être les thèmes qui vont se diversifier.
[…] Je pense que le métier de médiateur il est amené à encore plus se diversifier en fait. Et
puis surtout à prendre de nouvelles formes. »161
154Entretien avec J. op cit
155Entretien avec H. op cit
156Entretien avec C. op cit
157Ibid
158Ibid
159Ibid
160Entretien avec E. op cit
161Entretien avec A. op cit
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 65
Ses missions ne seront plus uniquement dans le musée, il sera amené à sortir de la
structure physiquement, en intervenant à l'extérieur, ou même virtuellement par les réseaux
sociaux :
« Et puis on, voilà, et puis le médiateur est pas [...] automatiquement enfermé
dans un lieu, dans une structure »162
« L'interaction vers l'extérieur. Donc, euh voilà ça va être les réseaux sociaux.
C'est vrai que ça va être les blogs. Là je voyais, […] le musée du pays de Meaux,
c'est le musée de la guerre qui a fait [...] chaque jour [...] le journal de Léon [sur
Facebook] qui est à la guerre, qui est alimenté par des archives. C'est vachement
intéressant quoi, enfin c'est.. C'est comme ça. C'est comme ça que je pense que ça
va prendre... Que c'est la tournure que ça va prendre. »163
« Moi je vois bien le métier de médiateur évoluer tellement, tellement être au
service du public qu'on irait vers le public. Moi tu vois on me dirait “Bah
pourquoi pas tu vas intervenir en fait, en milieu scolaire éventuellement...”
Amener le patrimoine aux élèves, pourquoi pas arriver avec une sacoche avec
quelques objets du musée qu'on prend dans les réserves et aller passer l'après-midi
dans une classe pour les... Pour les, tu vois, leur montrer tout ça.. »164
Enfin, le multimédia aura une influence sur la médiation selon eux : « notamment par
rapport au multimédia […]. Ça je pense que c'est quelque chose à... Je pense que ça par
exemple, c'est quelque chose à améliorer. [...] Qui peut faire évoluer aussi […] la
médiation. »165, « mais peut être que petit à petit y aura de plus en plus de dispositifs
multimédias, l'intégration, peut-être, de réseaux sociaux ou des choses comme ça qu'il faudra
sûrement prendre en compte […] dans les visites. »166
En définitive, le métier de médiateur a évolué, c'est un fait. Mais ces changements sont
le résultat de plusieurs facteurs qui ne pas toujours liés aux outils numériques. Sans pour
162Entretien avec C. op cit
163Entretien avec H. op cit
164Entretien avec A. op cit
165Entretien avec J. op cit
166Entretien avec A. op cit
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 66
autant nier leur influence, les évolutions passées et à venir sont multiples et associées avant
tout au rôle du médiateur dans la structure et dans la société.
3.3.2. Vers un rôle de plus en plus central dans la production de contenus
Traditionnellement, la production de contenu est indépendante de la médiation. Cette
logique est de moins en moins valable puisque les médiateurs sont aussi légitimes pour y
participer. La médiation sera de plus en plus centrale dans la production de contenus non
seulement liés à la visite guidée mais aussi aux expositions et même aux dispositifs167
Les formes de contenus vont se diversifier, ils en sont conscients. Cependant la
production linéaire sera peut-être moins utilisée, les techniques de storytelling et de
transmédia se développant et procurant peut-être plus facilement ces aspects de dialogue et
d'interaction si importants. De par son contact avec le public, il est de plus en plus légitime
dans la conception du parcours utilisateur, sa scénarisation et son adaptation aux différents
publics. D'autant plus si, dans le cas d'une exposition, le musée a les moyens techniques de
proposer des parcours parallèles. Ainsi, il peut jouer un rôle prépondérant dans sa conception
puis dans son évolution. Elle sera d'autant plus adaptée et comprise par les publics s'il en
connaît tous les tenants et aboutissants. Ainsi il sera capable de les transmettre au mieux lors
de la visite guidée.
Ces remarques sont tout autant valables pour les dispositifs numériques. Dans ce cas,
un autre avantage apparaît. Particulièrement sensibles à la qualité des propos, mais aussi à la
maîtrise de l'outil, les associer à son contenu ne peut que les rassurer et leur permettre de se
l'approprier.
Cet aspect n'est abordé qu'une fois dans l'ensemble des entretiens : « c'est pas juste le
moment de la rencontre avec le visiteur, on aura certainement beaucoup plus de missions en
amont et en aval. Voilà, par rapport à la visite, au temps T de la visite. »168. On peut se
demander pourquoi il est si peu évoqué. Les médiateurs ne sont peut-être pas conscients des
changements qui peuvent s'opérer au sein même de la structure et de l'organisation du travail.
Le métier de médiateur a déjà changé dans le sens où l’interaction avec le public est
beaucoup plus développée qu’avec un classique guide conférencier. La forme du dialogue est
privilégiée avec des jeux de questions-réponses. Les outils numériques permettent non
167Yves-Armel MARTIN, « Innovations numériques/ révolution au musée ? », op. cit.., p. 126.
168Entretien avec C. op cit
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 67
seulement d'enrichir la visite guidée directement par l'utilisation de supports spécifiques pour
les médiateurs mais aussi de déléguer aux objets le soin d'expliquer certains sujets. Le rôle
d’approfondissement et de dialogue du médiateur en est d'autant plus renforcé. Nous avons
répondu à deux idées qui circulent dans le monde des musées : les aides à la visite
concurrencent les visite guidées, pourront à terme les remplacer tous comme les visites
virtuelles concurrencent le site puisque le visiteur n'a plus besoin de se déplacer pour voir des
chefs d’œuvres. Cependant nous avons établi que les publics sont demandeurs de contact
humain. Les aides à la visite trouvent un public, les visites guidées aussi et la présence de l'un
ne retire pas l'intérêt de l'autre. Pour ces raisons, remplacer totalement la médiation humaine
ne semble pas être un bon choix. En ce qui concerne les visites virtuelles, elles permettent une
première appropriation du site et/ou des collections pour quelqu'un qui ne pourra peut-être
jamais venir sur place. C'est surtout un atout car l'image, aussi détaillée qu'elle soit ne
remplace pas l’œuvre. Il n'y a que sur place que l'on peut se rendre compte de sa taille, ou
même comparer la technique et le jeu de lumière avec la lumière naturelle. C'est donc une
incitation à se déplacer. C'est une expérience différente, ces deux médiations, directe et
virtuelle sont complémentaires. Tout comme l'aide à la visite individuel et les supports
numériques in situ sont complémentaires à la visite guidée. Ce sont d'ailleurs les sites qui ont
choisi de mettre en ligne ces contenus, c'est donc qu'il ne pensent pas que cela les mettra en
danger. Les outils numériques, entre autres facteurs ont modifié le métier de médiateur. Mais
c'est dans les temps hors visite guidée qu'ils auront le plus d'influence. Le projet numérique
demandant l'investissement de différents corps de métiers en co-conception, il aura totalement
sa place dans la production de contenus et dans la construction du parcours utilisateur.
En définitive la médiation humaine reste importante et fait partie intégrante d'un musée. Les
remplacer par des aides à la visite individuelles, ou collectives serait contre-productif puisque
l'outil ne peut pas pallier à toutes les questions ni répondre à tous les besoins. Ce serait alors
appauvrir le site et même se priver d'un public pourrait venir ou revenir au musée dans la
recherche du contact humain et du dialogue. De plus, la valeur ajoutée d'un dispositif vient
dans son adaptation au public. Si les médiateurs ne sont plus là où sont totalement dédiés aux
contenus, cette valeur ajoutée disparaît puisqu'il ne peuvent plus suivre leurs besoins. Or c'est
à leur contact qu'il peuvent le mieux les cerner.
4 De nouvelles façons de vivre le musée
Nous nous intéressons ici à la médiation sous le point du vue du visiteur et de son
expérience vécue au sein de la visite. Nous allons donc pour commencer, définir qui est ce
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 68
visiteur et pourquoi nous parlons de la visite comme une « expérience ». Ensuite orienterons
sur trois façons de vivre le musée : par la participation, par l'interactivité et enfin par
l'immersion.
4.1. Pourquoi parler d’expérience visiteur ?
4.1.1. Le profil type du visiteur
Ici, nous déterminerons le profil type du visiteur. L'ensemble des chiffres exposés ci-
dessous proviennent de l'étude du CREDOC de 2012 « La visite des musées, des expositions
et des monuments ». Comme indiqué, le rapport concerne aussi la visite des monuments, c'est
donc aussi le cas dans cette partie. Seule la dernière se limite aux musées et expositions.
a) La visite culturelle ne concerne pas une minorité
Pour le CREDOC, la visite culturelle est loin d'être une minorité. En 2011, 61% de la
population a visité au moins une fois un musée, une exposition ou un monument, d'autant plus
que pour 75% d'entre eux le musée n'est pas réservé à une élite (étude du CREDOC de 2005).
Selon la même étude « lorsqu’on additionne tous les types de visites patrimoniales (musées,
expositions, monuments, etc.), 57% des employés, 44% des ouvriers, 44% des bas revenus
(moins de 1200€ par mois et par personne) et 42% des non-diplômés se classent dans la
catégorie des visiteurs »169. Le visiteur est donc présent dans toutes les catégories
socioprofessionnelles et dans tous les âges si on prend l'ensemble des visites culturelles,
incluant donc les expositions, les musées et les monuments.
b) Une pratique sociale, hors du quotidien
Au niveau géographique, près de trois fois sur cinq, la visite se situe en dehors de la
ville de résidence. La visite culturelle se situe donc souvent dans un temps hors du quotidien
(vacances, week end).
De plus elle fait partie d'une pratique sociale, 88% des visiteurs viennent
accompagnés, d'abord avec des adultes de leur entourage (pour 76% d'entre eux) puis avec
des enfants (32% d'entre eux) et enfin en groupe organisé (15%). Seuls 12% effectuent leur
visite en solitaire. Pour la visite avec des enfants, l'âge de ceux-ci influe sur les pratiques : « la
visite « en famille » étant à son apogée lorsque le foyer a en son sein a au moins un enfant
entre 6 et 10 ans. Cela reflète probablement une « forme d’investissement éducatif visant la
169Régis BIGOT, Emilie DAUDEY, Sandra HOIBIAN et Jörg MÜLLER, La visite des musées, des expositions et des
monuments, 2012, p. 6-7.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 69
réussite scolaire des enfants »170. Les visiteurs de lieux culturels ont une vie sociale plus
intense (80% d'entre eux reçoivent des amis au moins une fois par mois en 2012 contre 71%
des non-visiteurs) et accordent plus d'importance à la famille et aux amis que la moyenne de
la population (62% d'entre eux considèrent les « amis et connaissances » essentiels contre
50% des non visiteurs, en ce qui concerne la famille les chiffres sont de 93% contre 86% des
non visiteurs).
c) Visiteurs, musées et internet
La partie qui nous intéresse le plus, concerne les usages d'internet liés à la visite. On
remarquera que pour le visiteur le contact avec le musée ne se limite pas à la visite. Nous
avons vu l'évolution des pratiques et des usages dû à l'usage d'internet et des nouvelles
technologies. « Au total, 35% des personnes interrogées utilisent Internet en lien avec la visite
d’un musée, d’une exposition ou d’un monument: 28% recherchent des informations
pratiques (horaires, tarifs), 16% ont effectué une visite virtuelle d’une exposition, d’un musée
ou d’un monument, 10% ont réservé ou acheté un billet sur Internet, 6% ont parlé sur un
réseau social, un blog ou un forum d’une visite patrimoniale et 5% ont téléchargé des
commentaires sur les œuvres exposées ou sur le monument visité »171.
Les visiteurs ont plus accès à internet (84% disposent d’Internet chez eux contre 63%
des non-visiteurs) et l'utilisent plus que les non visiteurs (13,1h par semaine en moyenne
contre 11,5h par semaine pour les non-visiteurs). Pour 88% des cas, la visite virtuelle se
traduit par une visite physique.
Les jeunes sont plus enclins à utiliser internet pour rechercher des informations
pratiques et les jeunes seniors à rechercher des contenus (visites virtuelles, téléchargements de
commentaires). Ces derniers s'intéressent aussi de plus en plus aux nouvelles technologies
puisque pour la première fois, une majorité déclare s'y intéresser. La moyenne nationale sur ce
sujet est de 54%, contre 39% en 2010.
170Anne JONCHERY, « Enfants et musées : l’influence du contexte familial dans la construction des rapports aux
musées pendant l’enfance », in Sylvie OCTOBRE (dir.), Enfance & culture transmission, appropriation et
representation, Paris, Ministere de la culture et de la communication, Departement des etudes, de la
prospective et des statistiques, la Documentation francaise, 2010, .
171Régis BIGOT, Emilie DAUDEY, Sandra HOIBIAN et Jörg MÜLLER, La visite des musées, des expositions et des
monuments, op. cit.., p. 32.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 70
D'une manière générale, la satisfaction vis à vis de la visite culturelle est là : 75 % des
personnes disent qu'elle satisfait leurs attentes et pour 16%, elle la dépassait. Les mécontents
ne sont que 8%.
d) Quelques précisions
Pour préciser un peu plus les choses, nous remarquerons que les visiteurs de musées et
expositions (ici, et par la suite, cela inclura les musées de beaux-arts (peinture, sculpture) ;
d'art moderne ou contemporain (20e siècle), d'histoire naturelle, de sciences, techniques et
industrie ; d'histoire, d'archéologie, de préhistoire ; de sociétés et civilisations ; d'architecture,
de design, d'arts décoratifs ; de photographie) sont proportionnellement moins nombreux que
ceux des monuments. Alors que la visite de monuments concerne 6 français sur 10 et qu'ils
sont issus de toutes les franges de la population, 35% de la population a visité un musée ou
une exposition en 2011, et ces visiteurs sont plus diplômés pour l'ensemble (le taux de
visiteurs est 6 fois plus élevé chez les titulaires d’une licence ou d’un diplôme supérieur que
chez les non-diplômés). Selon le CREDOC « 67% des cadres et professions intellectuelles
supérieurs, 54% des hauts revenus se sont rendus dans un musée en 2011. Les proportions
tombent à 28% chez les bas revenus, 20% chez les ouvriers. »172 Les jeunes seniors sont les
plus représentés avec les étudiants. Respectivement 49 et 47% d'entre eux ont visité une
exposition ou un musée en 2011. Le musée se visite en groupe : 77 à 81% des personnes qui
ont visité des musées ou des expositions l'on fait entre adultes. La visite en famille est aussi
très appréciée : entre 61 et 80% des familles avec enfants étaient accompagnées d'au moins
l'un d'eux lors de leur dernière visite.
En résumé, le visiteur type de musées est particulièrement sociable et considère ses
amis et sa famille comme très importants. Il est de catégorie socioprofessionnelle supérieure,
diplômé de Bac +3 au moins, jeune senior ou étudiant. Il vient, la plupart du temps
accompagné d'amis ou d'enfants, le plus souvent de 6 à 10 ans. Il utilise internet plus que la
moyenne de la population. En ce qui concerne les sites web de musées, il recherche
principalement des informations pratiques ou du contenu. Il s'intéresse aux technologies et sa
visite satisfait voire dépasse ses attentes.
172Ibid.., p. 13.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 71
4.1.2. L'expérience au musée
La visite, comme le produit touristique, n'est pas un bien tangible. Le consommateur
ne peut pas savoir s'il va être satisfait avant de le « consommer ». Il ne peut pas en obtenir un
échantillon ni le retourner s'il n'est pas content. On l'appelle alors « bien d'expérience »173. Le
touriste aura toutes les informations possibles mais ce ne sera jamais assez puisque
l'expérience dépend d'un vécu. Elle est aussi un « bien de confiance », notion qui complète le
bien d'expérience puisqu'elle estime que le consommateur « ne connaît jamais par lui-même la
qualité réelle des biens et services qu'il consomme »174. Il se base donc sur des critères
« objectifs » pour choisir son « produit » comme des labels, une réputation ou le bouche-à-
oreille. La visite est donc un bien d’expérience. La vente d'expérience aurait pris beaucoup
d'ampleur jusqu'à devenir « un quatrième domaine qui prend sa place aux côtés des trois
autres grands secteurs déjà décrits par les économistes »175.
Plusieurs auteurs ont déjà défini l'expérience muséale, notamment John Falk et Lynn
Dierking, dans « The Museum Experience » en 1992, « les auteurs proposent de penser le
continuum entre l’avant-visite, la visite et l’après-visite ; ils mettent en avant un modèle
qualifié de « Interactive Experience Model » qui lie les aspects individuels, sociaux,
physiques »176. On constate que ces trois temps sont déjà souvent investis par le musée via
internet. Le musée peut se trouver sur l'avant visite via le site, en donnant les informations
pratiques et les contenus (recherchés par les visiteurs, nous l'avons vu) ou en établissant le
contact via les réseaux sociaux. Il est aussi présent sur l'après visite en gardant le contact
établi ou en proposant d'autres expériences, toujours via les réseaux sociaux ou
éventuellement des courriers d'information (newsletter). La visite constitue le « pendant ».
Avec les nouvelles technologies le musée s'est comme « multiplié », il occupe trois espaces
(physique, virtuel, mobile) et trois temps : avant, pendant et après la visite. Cette
omniprésence permet de lier une relation avec le visiteur et multiplie les opportunités
d'interactions.
173Nelson, 1974 cité par Jean-Louis CACCOMO et Bernardin SOLONANDRASANA, L’innovation dans l’industrie
touristique: enjeux et strategies, Paris, L’Harmattan, 2006.
174Jean-Louis CACCOMO et Bernardin SOLONANDRASANA, L’innovation dans l’industrie touristique: enjeux et
strategies, Paris, L’Harmattan, 2006.
175Raymond MONTPETIT, « L’expérimentation au service des expériences de visite, expérimentation,
expérimental, expérience », op. cit.., p. 59.
176Ibid.
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En fonction du type de musée (musée d'art, d'histoire, de sciences...) cette expérience
n'est pas vue de la même façon. Pour le musée d'art, l’œuvre est l'expérience, le dispositif ne
doit donc pas la dénaturer et lui faire barrière, se mettre entre le visiteur et l’œuvre, en
somme. Les musées de sciences et de société utilisent l’œuvre, l'objet, comme support du
discours. L'outil numérique peut alors avoir une place plus importante et servir le discours,
comme le fait l'objet exposé.177. Cette vision des choses influence la muséographie. Raymond
Montpetit en note trois, qui, à la base, concernaient en particulier les musées de sciences178.
Cependant, on peut appliquer ces logiques à d'autres types de musées.
Les axes muséologiquesLes types d'approches
muséologiquesLes dominantes
Axé sur le RÉEL
« les choses mêmes »ONTOLOGIQUE
Des spécimens et leur
présentation/classification
Axé sur le RÉCIT
« Raconter »HISTORIQUE
Artéfacts témoins inscrits
dans une narration
Axé sur le PROCESSUS
« voir en action »ÉPISTÉMOLOGIQUE
Expériences et
démonstrations souvent
interactives
Tableau 1: Les trois types de muséologies selon Raymond Montpetit
Le premier est « axé sur le réel », la démarche scientifique n'est pas le propos de cette
présentation, l'expérience est de percevoir la réalité. Les collections sont accompagnées de
texte les resituant dans leur contexte géographique ou évolutif. Cette vision des choses peut
amener vers une mise en scène, reconstitution ou « scénographie d'immersion ». Les
Muséums d'Histoire Naturelle, comme celui de Nantes en sont un parfait exemple.
La deuxième approche met l'accent sur le récit. Les objets sont les témoins d'une
histoire, mettant en avant les événements clés sous forme de narration. Le musée d'histoire de
Nantes, dont le fil rouge est l'histoire de la ville et les objets, son support, applique cette
perspective.
177Yves-Armel MARTIN, « Innovations numériques/ révolution au musée ? », op. cit.., p. 118.
178Raymond MONTPETIT, « L’expérimentation au service des expériences de visite, expérimentation,
expérimental, expérience », op. cit.., p. 60.
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La dernière, « axée sur le processus », est basé sur la découverte de la démarche, « on
veut faire que les visiteurs entrent dans le processus de la recherche, qu’ils puissent
expérimenter concrètement certaines des étapes méthodiques qui conduisent aux découvertes
et aux conclusions admises par la communauté scientifique »179. L'exposition « Star Wars
Identités », présente du 15 février au 5 octobre 2014 à la cité du Cinéma à Paris, peut entrer
dans ce cadre. Elle aborde la construction de l'identité à travers le thème de Star Wars et de
ses personnages en « abordant dix de ses composantes : l’espèce, les gènes, les parents, la
culture, les mentors, les amis, les événements de la vie, la profession, la personnalité et les
valeurs »180. Le visiteur est invité à créer un héros et à choisir sa race, son lieu de vie, sa
provenance sociale, son type d'éducation, ses fréquentations... Il les retrouve à la fin de
l'exposition et peut voir son personnage accompagné d'un texte traduisant ces choix. Il a la
possibilité de l'envoyer par courriel, à lui ou à des amis pour le retrouver plus tard sur le site
internet.
Cette exposition illustre aussi bien les trois temps de la visite : le site internet donne
les informations pratiques, le lieu procure une expérience inédite tout en questionnant le
visiteur sur le processus qui modèle l'identité. Enfin, le « héros » envoyé par courriel rappelle
au visiteur cette expérience et résume les aspects abordés dans l'exposition.
Lorsque le visiteur va au musée, il vit une expérience dans des situations différentes
conditionnées par la démarche du musée qui a mis en place l'exposition. Les outils
numériques permettent de développer les possibilités muséographiques et donc de diversifier
cette expérience.
4.2. Le visiteur-acteur ou l’esprit participatif
4.2.1. Un besoin d'expression et d'interaction
Selon EVS181, sur trois décennies, les aspirations immatérielles croissent plus vite que
les aspirations matérielles. En particulier trois d’entre elles. L'une est le libre arbitre. De plus,
depuis les années 1960 on a vu se développer l'individualisme. Internet met à la portée de tous
179Ibid.., p. 61.
180Star Wars Identités, l'exposition http://www.starwarsidentites.com/#!/identite
181EVS, European Values Study Longitudinal Data File 1981-2008 (EVS 1981-2008), 2011.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 74
la possibilité d'exprimer son libre arbitre, ses idées. La puissance des réseaux permet
l'émergence d'une communauté de citoyen-consommateurs qui n'ont jamais eu plus de facilité
à s’exprimer, se faire entendre. Cette possibilité technique entraîne une montée encore plus
forte de l'individualisme mais aussi « l’exigence de libre arbitre en tout lieu, à toute heure, à
tout âge, renforce aussi les exigences de produits sur mesure, de personnalisation des services,
de connexion et de concertation avec les siens, la famille, les proches, « ceux qui partagent
mes valeurs » »182. D'où l'affluence des user generated contents [contenus générés pas les
utilisateurs], qui désigne tous les contenus (textes, photos, vidéos...) mis en ligne par les
inernautes. Wikipedia, Tripadvisor (site d'avis en ligne), Youtube, Instagram, les blogs en
sont quelques exemples.
Mais s'exprimer n'a pas d'intérêt si c'est pour « parler dans le vide ». Il est donc
important de voir qu’on nous répond et de percevoir une interaction. Internet est basé sur
l'interaction, les usages qui en découlent se sont fondus dans la société. Il est donc logique
d'attendre la même chose de nos interlocuteurs.
Le participatif ou collaboratif prône l'intelligence du groupe, le concept selon lequel «
il y a toujours plus d’intelligences dans le monde à l’extérieur qu’à l’intérieur d’une
structure »183. Cet esprit a permis de faire de Wikipédia un projet d'une ampleur
impressionnante.
4.2.2. Investir le visiteur dans le musée : plusieurs moyens, plusieurs objectifs
Sans entrer dans le domaine du numérique, on voit déjà un esprit participatif du
visiteur au musée. Le premier niveau se situe dans la visite guidée où le médiateur tente
d'instaurer un dialogue, une interaction en lui posant des questions, en l’interpellant. Le livre
d'or est aussi un moyen d'expression. Un autre exemple : l'exposition « En guerres » au
château des Ducs de Bretagne, menée de février 2013 à février 2014 était fondée sur des dons
des visiteurs, auquel le musée avait fait appel.
Ces principes ne sont pas sans rappeler ceux de l'écomuséologie et de la Nouvelle
Muséologie qui veulent donner au musée un rôle social et impliquer la population locale dans
son développement.
182ATOUT-FRANCE, Visite culturelle et TIC le numerique au service de la visite touristique et culturelle ,
op. cit.., p. 23.
183Ibid.., p. 24.
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Le site du musée d'histoire de Bristol, M Shed, lancé en 2011 en était une bonne
application. Il invitait les habitants de Bristol à fournir des contenus (photos, vidéos, histoires,
opinions...) sur le site internet ou sur place qui étaient ensuite publiés sur le site et intégrés
dans les expositions sur place184.Avec son slogan « your history, your museum » [votre
histoire, votre musée], il montrait bien la volonté d'investir la population dans la vie du musée
et de faire du site physique et virtuel un espace représentatif de la ville et de ses habitants.
Le Projet Nantes 1900, qui a déjà été abordé auparavant est plus axé sur
l’enrichissement du contenu. Le principe est de faire découvrir les quartiers de Nantes à
travers une maquette et une table multitouch et multi-utilisateurs, reliée à des rétroprojecteurs
qui mettent en valeur la maquette. Elle diffuse du contenu tel que du texte et des images sur
les sites, rues et immeubles représentés. Celui-ci est intégré dans une base de donnée
évolutive, il est donc toujours possible de les modifier, d'en ajouter ou d'en enlever. L'aspect
participatif consiste dans la possibilité pour le visiteur de donner des éléments qui seront
intégrés au dispositif après vérification des équipes du musée. Dans cette même logique le site
Clunypédia, lui, rassemble toutes les informations sur les sites clunisiens à travers l'Europe :
publications scientifiques, documents anciens, restitutions 3D, extraits vidéos (films,
reportages...), photos, images... Il est destiné avant tout aux scientifiques mais les internautes
sont invités à participer à l'opération :
« Si vous n'en habitez pas un, vous connaissez sûrement un site clunisien ! […]
Clunypedia est un projet qui est pensé pour vous : vous êtes citoyenne et citoyen
d'Europe, votre histoire et votre patrimoine sont votre affaire ! Clunypedia, c'est
un réseau social pour suivre l'actualité clunisienne, y réagir et, pourquoi pas, y
contribuer ! ».
Le visiteur peut aussi être invité à donner son avis et à partager du contenu. Le
Rijksmuseum, par exemple, a mis en place sur son site internet une partie de ses collections
en haute définition. À partir de ces œuvres et du Rijksstudio, l'internaute a la possibilité de
créer sa propre collection, de la partager et même de faire sa propre création à partir de celle
du musée : « Collect, create, share » [collectionner, créer, partager]. Par ailleurs, de plus en
184 Simon Hübe, « Nouveau site internet participatif et interactif pour le M Shed de Bristol », Club Innovation
et Culture, 2011, http://www.club-innovation-culture.fr/p8555/
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 76
plus de sites internet, comme le Louvre, et de dispositifs d'aide à la visite mobiles, comme
l'application des jardins de Versailles permettent à l'utilisateur de partager leur expérience sur
les réseaux sociaux.
Le participatif peut aussi être utilisé pour aider le musée dans ses tâches. Le Brooklyn
museum proposait aux internautes de « tagger » (mettre une étiquette) les objets de sa
collection (Tag ! You're it!) pour qu'ils soient mieux référencés sur internet. Ils pouvaient
aussi confirmer ou non les tags donnés par d'autres visiteurs (Freeze tag !). Sur son site, le
musée remercie les participants,, allant de cette façon jusqu'au bout de la collaboration :
« Tag! You're It and Freeze Tag have been retired, but not before 230,186 tags
were attributed to our collection objects. If you played one of these games over
the years, we appreciated your help. Your descriptive keywords helped make the
objects in our collection discoverable through search engines, enabling others the
chance to find them. »
[Tag you're it et Freeze tag ont été retirés mais pas moins de 230 186 tags ont été
attribués à nos objets de collection. Si vous avez joué à ces jeux ces dernières
années, nous avons apprécié votre aide. Ces mots-clés descriptifs ont rendu les
objets de notre collection visibles sur les moteurs de recherche, permettant à
d'autres d'avoir la chance de les trouver]185
Force est de constater que la plupart des projets collaboratifs ne concernent pas les
dispositifs de médiation in-situ mais des sites internet.
La participation des visiteurs entre donc dans plusieurs logiques : l’enrichissement du
contenu, comme pour le Projet Nantes 1900 et Clunypédia ; le partage et l'appropriation des
collections avec l'exemple du Rijksmuseum, du Louvre et des Jardins de Versailles et enfin
pour aider le musée dans certaines de ses charges comme pour le Brooklyn Museum. On
remarquera que dans la majorité des cas, elle est liée à des sites en ligne et rarement à des
projets de médiation in-situ.
185Traduction par Camille David
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 77
4.3. Entrer en contact différemment avec les collections : l’interactivité
Les nouvelles technologies ont entraîné un nouveau rapport à la connaissance puisque
tout le monde peut être émetteur ou récepteur. Avant la diffusion large d’internet, la nouvelle
muséologie prônait un autre rapport au savoir dans le musée, en opposition avec la
transmission unilatérale et unique pratiquée jusque là par les conférencier, pour y intégrer la
notion de plaisir, apprendre en utilisant ses sens, émotions, expérience et même à travers le
jeu et l'interactivité.
4.3.1. Une définition de l'interactivité
L'interactivité dans une exposition, comme pour le participatif, ne commence pas avec
le numérique. Il peut y avoir un amalgame avec l'interface naturelle, comme quoi
l'interactivité serait forcément hautement technologique : « interactivité c'est [...] aussi le
rapport où là où l'homme rentre avec la machine, je pense. Donc là, la communication des
deux pour pouvoir justement bien exploiter les outils, les outils multimédias »186. En réalité,
toucher un objet, créer une ombre sur une projection, discuter avec un médiateur, c'est déjà de
l'interactivité : « un dispositif interactif […] ça peut être par exemple dans la soie et le canon,
dans l'expo sur la Chine, t'avais des cercles, t'avais des trous dans un, dans […] une cimaise et
tu mettais la main et tu sentais un tissu. Et tu voyais pas c'était à l'aveugle et tu devais dire si
c'était de la soie, du coton, du lin. Tu vois pour que, c'était surtout pour les enfants hein, ça
c'était, c'est interactif par exemple tu vois. »187
La visite-conférence classique s'axe en particulier sur la vue et l'ouïe, ici le toucher, le
geste est aussi pris en compte. Mais son point essentiel de l'interactivité réside dans la maîtrise
de l'outil : « quelque chose avec lequel on peut interagir où on va pouvoir être maître de sa
découverte, des informations qu'on va pouvoir en ressortir. »188. C'est à dire que ce n'est pas
une vidéo qui tourne en boucle, l'utilisateur est capable d'afficher le contenu qu'il souhaite,
retourner en arrière répéter... Explorer l'outil, les contenus qu'il propose, en somme. C’est le
concept selon lequel il est acteur de la médiation, pas au niveau du contenu comme pour le
participatif mais au niveau de la manipulation de l'objet.
Cette définition est large, il faut bien l'avouer. Dans ce cas, un audioguide classique où
il faut taper le numéro est au même niveau qu'un dispositif utilisant la réalité augmentée ou la
186Entretien avec I. op cit
187Entretien avec A. op cit
188Entretien avec C. op cit
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 78
reconnaissance visuelle ou qu'une table tactile où il est possible de manipuler les œuvres à la
main. À ce moment-là qu’est ce qui distingue tous ces dispositifs ? Nous pouvons avancer une
réponse : le type et l'étendue du spectre des fonctionnalités. En effet, ce qui peut faire la
différence entre un outil « plus » ou « moins » interactif résiderait dans l'expérience du
visiteur. Autrement dit, plus il peut faire de choses différentes, plus elle serait variée. La
diversité serait alors la clé. C'est sur ces dispositifs aux interactions variées ou inhabituelles
que nous allons nous concentrer. On remarquera qu'ils appliquent directement les principes de
la nouvelle muséologie et de l'interprétation en ce qui concerne la médiation : utiliser les sens,
les émotions, l'interactivité, le jeu, éveiller la curiosité, s'adapter aux différents publics,
utiliser différentes disciplines...
4.3.2. L'interactivité au service de l'expérience individuelle et collective
Individuellement, l'interactivité permet une nouer une relation différente à l’œuvre, le
point d'entrée n'est plus unique. Le visiteur peut donc y accéder différemment en fonction de
sa personnalité et de ses perceptions. Par exemple le musée d'arts de Cleveland a mis en place
Gallery One qui organise plusieurs dispositifs. L'un d'eux présente plusieurs écrans face à des
vitrines présentant plusieurs groupes d’œuvres d'art. Chaque écran propose de voir de plus
près les objets traités en haute résolution et de les observer à 360°.
C'est un point d'entrée, un type d'interactivité qui permet de réellement l'observer.
Mais ça ne s'arrête pas là. Le dispositif propose aussi des « activités interactives. » L'une
d'elle s'appelle « Make a face » [Fais un visage]. Le visiteur est invité à donner une expression
faciale, une webcam l’enregistre et l'associe à une œuvre du musée. « Strike a pose » [Prends
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 79
Illustration 1: Wall Collection au musée d'arts de Cleveland
la pose], dans le même principe demande d'imiter une sculpture et grâce à la technologie
Kinect de Microsoft compare la position du visiteur à l’œuvre189. Ces deux systèmes utilisent
le biais du corps pour lier une relation à l’œuvre d'art. C'est un point d'entrée encore différent
de l'observation attentive. Dans une autre activité, ici proposée sur un mur tactile, le visiteur
trace des traits qui sont scannés pour afficher une œuvre correspondant au dessin qu'il vient de
créer. Ici c'est le toucher qui est utilisé, troisième point d'entrée possible pour connecter le
visiteur à l’œuvre d'art.Mais nous avons vu que la visite du musée se faisait rarement seul.
C'est une pratique sociale, une expérience collective. Cela est plutôt paradoxal puisque les
dispositifs numériques sont bien souvent individuels, comme ceux que l'on vient de citer.
Mais ces outils, à quelques exceptions près, même s'ils ne peuvent être manipulés que par une
personne à la fois, permettent, cependant, de renforcer la cohésion du groupe en donnant à ses
membres la possibilité d'échanger entre-eux. L’expérience collective reste une problématique
prise en compte par les musées. Les tables tactiles font partie des supports qui ont le plus de
succès. Plusieurs exemples sont à notre disposition, la Museotouch, dont nous avons déjà
parlé en est un bon, mais nous parlerons plutôt de l'Expérience Fontevraud menée en 2010-
2011. Elle avait pour objectif de mettre l'accent sur l'univers carcéral de l'abbaye. Les tables
tactiles soulèvent les mêmes problématiques d'occupation de l'espace et de l'interaction
simultanée. L'Expérience Fontevraud mettait à disposition des visiteurs une table tactile,
l'abbaye actuelle y était représenté du dessus. Le visiteur devait alors frotter l’interface pour
faire apparaître son plan à l'époque carcérale et accéder aux contenus. Chaque contenu était
ouvert dans une pop up (une fenêtre flottante) qui pouvait être déplacée, agrandie ou réduite
sur la table. Le défi majeur était dans l'assimilation des principes ergonomiques par le public
puisque le smartphone existait déjà mais pas la tablette tactile, induisant une gestuelle plus
variée. Jusqu'à six utilisateurs pouvaient manipuler la table en même temps, ce qui créait la
question de la taille des contenus qui pouvaient potentiellement empiéter sur l'espace des
autres utilisateurs et cacher ou déplacer une partie des contenus qui les intéressaient. Ce
problème semble lié au matériel en lui-même puisque tous les supports tactiles destinés à une
utilisation collective n'en sont pas atteints. Retournons au musée d'Arts de Cleveland. Le Wall
Collection [Mur de Collection] présente aux visiteurs l'ensemble des collections du musée à
grande échelle puisqu’il s'étale sur 12,2 mètre de long et 1,55 mètre de haut.Il « aide les
visiteurs à explorer la collection du CMA, [à] découvrir les rapports entre des objets d’art, [à]
mettre en favori des œuvres d’art préférées et des parcours et [à] transférer leurs œuvres d’art
189Site du musée d'art de Cleveland http://www.clevelandart.org/gallery-one/interactives
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 80
préférées et parcours sur leur iPad ArtLens pour les retrouver ensuite dans le musée »190.
Chaque visiteur peut manipuler les images des œuvres, les agrandir décalant les autres
œuvres. Ce système permet à tous de consulter les collections simultanément
4.3.3. La gamification : apprendre en s'amusant
La gamification vient du mot anglais « game » qui veut dire « jeu » et du suffixe « ation » qui
traduit une évolution, un processus. Il vient en extension du « serious game » [jeu sérieux]
Cela désigne donc l'apprentissage par le jeu, ce qui est une autre façon de diversifier l’accès à
la culture.
Plusieurs exemples peuvent illustrer ce propos. Le château de Fontainebleau a mis en
place le Livre des siècles. Ce dispositif raconte l'histoire d'un homme qui a perdu un livre
précieux et qui demande au visiteur de l'aider à le retrouver. Il doit traverser des épreuves
pour finalement découvrir son emplacement. Cette scénarisation est prétexte à se déplacer
dans tout le site et à faire des mini jeux pour débloquer les indices nécessaires. Un autre
exemple, en ligne cette fois, est le site de Paris Musée Junior : mission Zigomar. Là aussi, la
forme de l'enquête est privilégiée et a pour objectif d’apprendre autour des thèmes du portrait,
des monstres, de l'écriture... L'internaute est alors dans un véritable jeu-vidéo. Ces deux
dispositifs s'adressent avant tout aux enfants mais le jeu ne leur est pas réservé. L’application
GéoMOTifs permet à son utilisateur de rechercher et de découvrir des ornements
architecturaux partout en France. Le jeu est basé sur la reconnaissance visuelle et lui permet
d'augmenter son niveau en découvrant plus d'ornements et de sites différents. Il constitue alors
une collection qu'il peut retrouver sur internet. L'application est à destination du grand public,
adultes comme enfants.
L'interactivité peut donc se révéler sous diverses formes. Elle permet de multiplier les
façons d'approcher l’œuvre mais aussi de vivre une expérience collective renforcée.
4.4. Observer sous un autre angle : techniques de visualisation
« Un dessin vaut mieux qu'un long discours », les techniques de visualisation partent de ce
constat pour proposer au visiteur de voir en direct des bâtiments ou des intérieurs disparus .
190Jane Alexander (Cleveland Museum of Art): « nous transformons l’expérience muséale, en utilisant la
technologie et en mettant l’accent sur les œuvres », http://www.club-innovation-culture.fr/jane-alexander-
nous-transformons-lexperience-museale-en-utilisant-la-technologie/, consulté le 27 septembre 2014.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 81
4.4.1. Un principe : mieux comprendre par l'image
Selon les médiateurs, le principal avantage des nouvelles technologie sont liées à
l'image et à l'illustration du discours : « une image, les films. Enfin, voilà c'est... Une photo...
C'est tellement plus parlant qu'un simple texte. Un texte qui peut être parfois interprété si on
choisi mal les mots. Alors que une image, bah elle parle d'elle même [...] »191. Nous vivons
dans une société de l'image, qui devient alors le principal canal de communication. Le fait de
montrer un concept ou une théorie est alors d’autant plus intelligible et compréhensible par
une majorité. Selon Fabrice Forest, Nathalie Candito et Elisabeth Shimells, le musée est un
terrain parfois pour expérimenter l'internet du futur » dont « l'internet 3D » : « le musée est un
espace d’expériences immersives, tactiles, sensorielles qui va optimiser les nouvelles
technologies de réalité virtuelle, qu’il s’agisse des interfaces 3D (écrans et contenus 3D) ou
bien des interfaces tactiles et haptiques permettant d’optimiser les visites et expériences
virtuelles ou de réalité augmentée. Nos expérimentations ont donné un exemple en intégrant
le dispositif multitouch. »192
Les technologies 3D, réalité augmentée et technologies immersives permettent au
visiteur de mieux visualiser des espaces, des théories scientifiques, « rendent perceptibles ou
intelligibles des données collectées vont se superposer au réel pour le commenter,
l’augmenter, l’expliquer ou le détourner »193. Elles entrent dans le premier type de
muséographie donnée par Raymond Montpetit : l'approche ontologique qui cherche à
reproduire la réalité.
4.4.2. Quelques applications
L'imagerie 3D est maintenant bien répandue. On la retrouve dans plusieurs dispositifs
donnant la possibilité d’observer en trois dimensions et en détail un objet ou une œuvre. Nous
avons parlé plus haut des outils du musée d'arts de Cleveland mais elle est aussi présente au
musée du Louvre Lens et sur différents sites internet, comme Clunypédia. Elle permet aussi
de reconstituer des scènes, des bâtiments pour mieux montrer au visiteur des théories ou faits
scientifiques. Par exemple, Vesunna, site-musée gallo-romain de Périgueux reconstitue en 3D
les salles et les décors de la villa sur laquelle il est construit. Il met ainsi en relation l'espace
réel et les recherches archéologiques permettant au visiteur de visualiser l'ancien site.
191Entretien avec H. op cit
192Nathalie CANDITO, Fabien FOREST et Elisabeth SHIMELLS, « L’introduction des R.F.I.D. dans les musées,
expérimentation de l’intelligence ambiante dans les dispositifs de médiation », op. cit.., p. 96.
193Yves-Armel MARTIN, « Innovations numériques/ révolution au musée ? », op. cit.., p. 119.
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 82
La réalité augmentée est particulièrement prometteuse et commence à se répandre.
¨Plusieurs sites l'utilisent : le château de Falaise et de Cherbourg, l'abbaye de Cluny et de
Jumièges, le musée d'histoire de Marseille, la ville d'Arromanche... Francine Clément cite
Shelley Mannien qui définit cela comme « la possibilité de voir ou d’entendre, dans un
contexte donné, une information pertinente superposée à ce que l’on voit dans le monde
réel. »194. Selon l'association de promotion de la réalité augmentée :
« elle doit, […] avoir les trois caractéristiques suivantes:
• Combiner le monde réel et des données virtuelles en temps réel
• Être interactif en temps réel (une modification dans le mode réel entraîne un
ajustement des données virtuelles)
• Utiliser un environnement en 3D (parce nous vivons dans un monde en 3D).
»195
Dans l'utilisation la plus courante, on utilise un smartphone ou une tablette tactile pour
superposer aux images perçues par la caméra des éléments visuels (le plus souvent une
reconstitution 3D du bâtiment disparu, des personnages...). Prenons l'exemple de l'abbaye de
Jumièges. L'application pour iPad permet de reconstituer l'abbaye à différentes époques.
Lorsque le visiteur est dans l'abbatiale, il lève sa tablette en sa direction. Il voit le monument
actuel sur sa tablette. En poussant un curseur, il aperçoit sur sa tablette, là où était l'abbaye,
une reconstitution de celle-ci en 3D lui montrant sa structure à la fin du XVIIIème siècle. Il
peut se déplacer en même temps et observer l'intérieur ou l'extérieur modélisés. Ce système,
en plus des avantages de l’imagerie 3D qu'il utilise permet de se rendre compte de la taille des
bâtiments disparus et d'avoir plusieurs points de vue en temps réel.
Enfin, on entend de plus en plus des technologies immersives ou de réalité virtuelle.
Selon le centre de réalité virtuelle de la méditerranée :
194« Francine Clément (Thot Cursus) « La réalité augmentée entre au musée » », Club Innovation Culture
http://www.club-innovation-culture.fr/francine-clement-thot-cursus-la-realite-augmentee-entre-au-musee/
195« C'est quoi la réalité augmentée ? » Association de promotion de la réalité augmentée
http://www.augmented-reality.fr/cest-quoi-la-realite-augmentee/
Camille DAVID | Influences des technologies de l'information et de la communication sur la médiation au muséeLe projet de musée, le médiateur et l'expérience visiteur, en question. 83
« le but de la Réalité Virtuelle est de faire percevoir à un utilisateur un monde
artificiel (créé numériquement) ressemblant à un monde réel et de donner à cet
utilisateur la possibilité d'interagir intuitivement et naturellement avec ce monde.
L'intérêt est de pouvoir mettre l'Homme dans un environnement que nous
contrôlons, qui serait impossible à reproduire dans le monde réel ou qui serait trop
onéreux ou trop risqué. »196
Il y a peu d'exemple dans le monde muséal. Le château de Falaise peut en être un. Son
application, Histopad, est en même temps de la réalité augmentée et de la réalité virtuelle. Le
visiteur peut explorer les intérieurs du château en 3D et à 360° en déplaçant la tablette mais
aussi interagir avec des éléments du décor. D'autre expérimentations ont été faites comme
celle d'Enozone, Cartage et Realyz qui permet de visiter le vieux pont de Laval en 3D à
échelle réelle.
Les techniques de visualisation peuvent donc rendre de grands services aux musées en
mettant en scène ou reproduisant des bâtiments qui sont difficiles à visualiser sans cela.
Le musée a la possibilité de devenir un lieu de découverte et de plaisir tout en
apprenant, seul, en groupe ou en famille par des moyens diversifiés. Les outils participatifs
leur permettent d'être pris en compte, de s'exprimer de participer à la vie du musée, ce qui
remplit son rôle social. Vu l'importance pour les publics de la vie sociale et familiale et de la
visite collective du musée, n'est il pas possible d'exploiter cette tendance pour faire du musée
un lieu collectif où l'on se rassemble, où on revient ? Un espace public approprié par les
publics ? De plus, les techniques de visualisation permettent de mieux appréhender les
bâtiments détruits, de se rendre compte de l'ampleur de la disparition ou même tout
simplement de voir comment on vivait à une époque ou une autre.
Tous ces outils permettent une autre relation au musée et aux œuvres. C'est une grande
opportunité pour les musées de les adapter à leur univers pour transmettre toujours plus
facilement des concepts difficiles à appréhender sans cela.
196« Qu'est ce que la réalité virtuelle ? » Centre de Réalité Virtuelle de la Méditerranée http://crvm.ism.univ-
amu.fr/qu_est_ce_que_la_realite_virtuelle.html
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Conclusion
Le domaine muséal est traversé par des courants et un environnement qui influencent
ses choix, le mettant alors en position de constante évolution. Les TIC avec leur influence sur
la société et les pratiques qu'elles entraînent en font partie. Elles entrent dans le musée pour
différentes raison : mercantile c'est-à-dire ramener plus de publics, avoir une meilleure image,
être différent des autres, mais aussi pédagogique.
Dans ce deuxième objectif, les projets sont souvent plus ambitieux et demandent donc
une réflexion poussée et un engagement collectif. La gestion d'un projet numérique induit de
changer les habitudes, l’influence des TIC ne se limite alors pas un aspect purement technique
mais fait entrer ses « valeurs » jusque dans l'organisation du musée. On pourrait penser que le
changement s'opère par pression extérieure, par pression des publics puisque le musée-
sanctuaire, « gardien du temple » décrié par la Nouvelle Muséologie serait conservateur. Au
contraire, le changement commence souvent par les personnels des musées, même si ce n'est
pas toujours leur cœur de métier. Les musées se dotent de services dédiés au numérique, ce
qui montre qu'ils font partie de leur projet global et pas d'un désir ponctuel de modernité. Des
communautés de professionnels de la culture intégrés aux équipes des musées se regroupent
pour amplifier le mouvement et aider ceux qui voudraient s'y insérer. Ils ont déjà intégré les
apports des TIC et sont dans une démarche de travail collaboratif et de curiosité permanente.
On s’aperçoit alors que les technologies de médiation sont l'application concrète des principes
édictés par la Nouvelle Muséologie et par l'Interprétation : proposer une expérience au
visiteur, un apprentissage, une éducation, en opposition à la simple instruction. Et cela en
passant par une transmission du savoir prenant en compte le visiteur, ses sens, ses émotions et
ses origines. On se rend alors compte que ce n'est pas qu'une question de forme, que les outils
numériques ne sont pas uniquement une façon d'approcher l’œuvre d 'art ou l'objet de
collection mais aussi une façon de vivre l'exposition.
Cependant, comme dans toute démarche, la stratégie numérique est sujette à des
risques. Son coût est parfois conséquent, particulièrement dans le cas d'un projet ambitieux. Il
ne faut pas pour autant tirer de conclusions hâtives. Les réseaux sociaux et le site internet
permettent de développer de la médiation en ligne sans forcément faire appel à des techniques
très sophistiquées, ce qui réduit les coûts. En revanche, cela ne dispense pas d'une réflexion
poussée et de contenus de qualité. En ce qui concerne la médiation in-situ, l'industrialisation
des techniques donne la possibilité d'un audioguide enrichi pour un budget peu important. Ce
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type de projet peut être mené dans un cadre détaché des politiques de médiation du musée
mais, dans ce cas, il apporte peu de valeur ajoutée par rapport à un audioguide classique. Là
aussi, la réflexion est importante et pourra déterminer son succès auprès du public. Les
technologies de médiation ne sont donc pas l'apanage des grands sites. Une réflexion poussée
permettra aussi de poser des garde-fous pour se prémunir des sirènes de la spectacularisation
et de la gadgetisation. Autrement dit, de ne pas privilégier la forme sur le fond. Enfin, c'est
cette démarche qui distinguera un musée qui fait preuve d'innovation ou de modernité, d'un
autre qui se contente de transposer un usage ancien sur un support nouveau. L'outil n'est pas
moderne en soi, mais la démarche peut l'être.
Face à tous ces changements et ces pratiques, face à l'inconnu, il est normal que des
craintes émergent. La plus courante concerne la place de l'humain et du site face aux
technologies. Les médiateurs ont une position ambivalente, entre défiance et enthousiasme.
Toutefois, ils sont conscients des limites et des forces non seulement de l'outil mais aussi
d'eux-mêmes. À la suite de quoi, ils tirent une conclusion de complémentarité. Toutefois,
cette complémentarité n'existe que si le dispositif est pertinent et basé sur du contenu solide.
Les visites virtuelles peuvent toucher des publics qui jusque-là ont été absents, malgré les
nombreuses politiques culturelles à leur égard. C'est un premier pas, une première découverte
qui peut se concrétiser ou non. Mais c'est peut être le déclencheur qui manquait pour attirer
les « publics empêchés » et commencer une véritable démocratisation culturelle. L'outil
numérique, sous réserve de sa qualité, est pertinent et enrichissant dans le musée, non
seulement en visite libre mais aussi en visite guidée. Mais les influences ne se limitent pas à
cet aspect du métier. À l'avenir, les effets sur l'organisation du musée pourront entraîner un
enrichissement des tâches du médiateur. Il s'occupera de charges de plus en plus périphériques
à la visite guidée, notamment au niveau du contenu et de la conception des dispositifs. Pour
cela, il pourra utiliser des formes plus variées de transmission comme le storytelling ou le
transmédia. Pour les médiateurs, il pourra être amené à sortir de la structure, à aller chercher
les publics où ils sont, d'une manière physique, par l'intervention en milieu scolaire, ou
virtuelle, par les réseaux sociaux.
Jusque-là, les thèmes abordés concernaient exclusivement l'aspect interne au musée.
Mais toutes ces stratégies et ces questionnements ont une préoccupation commune : le
visiteur. C'est pour lui que sont conduits tous ces projets. Les musées lui proposent donc une
diversité d'expériences, toujours dans un objectif de transmission du savoir. Il peut participer
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à la vie du musée, établir une relation avec les œuvres de différentes manières grâce à
l'interactivité mais aussi mieux visualiser les concepts grâce à différentes techniques. L'outil
numérique trouve alors le sens premier de la médiation : créer un lien.
Face à l'omniprésence des TIC, le musée peut aussi faire le choix de ne pas les utiliser
et être à contre-courant de cette tendance, en toute connaissance de cause. Avec la connexion
permanente vient la stimulation permanente. Il peut proposer une expérience « déconnectée »
du monde pour que le visiteur soit dans une ambiance calme et apaisante, reposante. Un temps
à part, en dehors de la vie quotidienne et dont rien ne vient la rappeler à lui. Les technologies
permettent aussi de collecter des informations sur le visiteur, dans le but d'une
personnalisation. Dans l'hypothèse où l'intelligence ambiante se développe et où le musée
peut récolter des informations sur les désirs et les intérêts des visiteurs, il pourra avoir un rôle
amenant vers l'ouverture d'esprit et l'élargissement de ces intérêts, la surprise et l'étonnement.
C'est à dire qu'au lieu d'utiliser ces informations pour proposer quelque chose que le visiteur
apprécie mais connaît déjà, il les utilisera pour lui faire découvrir des choses annexes voir
complètement contraires. C'est aussi un des rôles du musée d'élargir les possibilités du
visiteur, de faire grandir son potentiel, c'est peut-être en cela que le musée pourra devenir un
espace public d'expression.
Les TIC ont influencé de nombreux aspects de la médiation mais d'une manière
générale, on peut retenir que l'investissement collectif et la réflexion poussée constituent la
base pour mener un projet de qualité. Les technologies de médiations sont des outils
conditionnés à la façon dont on les utilise, pas une fin en soi. Si le contenu prend un aspect
secondaire, le musée risque d'évoluer ver le spectaculaire, sans fondement scientifique. Il peut
alors basculer dans une logique de divertissement et se détacher de ses missions premières.
Face à l'accessibilité de l'information ou plutôt des milliers d'informations, le rôle du
musée n'est-il pas de faire le tri ou mieux, de sensibiliser les visiteurs sur cette question leur
permettant eux-mêmes de faire la part des choses ? D'embrasser pleinement son rôle de
médiateur en proposant, avec de nouvelles expériences, les informations pertinentes face à
une œuvre d'art, pour réfléchir à des enjeux de société, pour que sa valeur ajoutée ne soit pas
de transmettre le savoir mais un savoir avec l'exposition de points de vues différents ? Afin
d’aiguiser le libre arbitre, valeur particulièrement importante. On en vient toujours au point de
épart : faire grandir, s'épanouir le visiteur, éveiller les consciences.
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Table des illustrations
Illustration 1: Le Wall Collection au Musée d'Arts de Cleveland............................................80
Table des tableaux
Tableau 1: Les trois types de muséologies selon Raymond Montpetit.....................................66
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Annexes
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