Grégoire Antoine - Petit traité de linguistique.pdf
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m
li
i
llfl
-39003002782794
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Z*
A.nt.
(iKEGOIKE
PETIT TRAITE
DE
LINGUISTIQUE
4*
DITION
revue
et
corrige
Ouvrage
couronn
par
VAcadmie royale
de Belgique
Prix
(le
Kern.
IQ.IQ
Prix
Rouverojr,
:
>
cn^
nombreux
et
diffrents,
-
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18
)tl
grce
aux
intonations spciales qu'elle
reoit.
La
mme
forme
peut
possder
jusqu'
une trentaine
d'acceptions,
suivant
les
nuances
de
la
mlodie
sur
laquelle
on
la
prononce
(1)
:
niu signifiera tantt pouse, tantt
pou-
ser. Tao
voudra
dire ravir,
atteindre,
couvrir, drapeau,
froment,
mener,
chemin,
etc.
;
parmi
ses
acceptions,
lu
possde
par
exemple
celles
de
: pierre prcieuse, rose,
forger,
vhicule,
dtourner,
chemin.
12.
Les
trois
bases
de
classification
qui
viennent
d'tre
indiques
appellent
une
observation
trs
importante.
Elles
sont
trop
absolues.
Il
n'existe,
semble-t-il,
aucune
langue
qui
soit
entirement
flexionnelle,
entirement
agglutinante,
ou
entirement
isolante.
La rpartition
traditionnelle
ne
doit
donc tre admise
qu'avec
des
restrictions,ainsi
que
le
montreront
les
exemples suivants.
13.
Les
mots
du
chinois
ne sont pas
tous des
sortes
de
racines
ayant
chacune
leur
sens particulier et
rem-
plissant
des fonctions
identiques.
Les
grammairiens
chinois
eux-mmes
ont tabli
une distinction
entre
les
mots
de leur
langue
;
ils
les
divisent
en
deux
groupes:
les
mots pleins
et les
mots
vides.
Par
mots
pleins,
ils
entendent
les
monosyllabes
pourvus
d'une
signification
toujours
indpendante
:
ces mots
correspondraient
nos
substantifs,
nos adjectifs
et
nos verbes. Les
mots
vides
ont
pour
fonction
de
dterminer
le sens
des
mots
pleins
et
d'indiquer le
rle
que ceux-ci jouent
dans
la
phrase
;
ils
agissent
la faon
des
dsinences
de
cas,
de
genre
ou
de nombre,
ou
comme
les
prpositions
des
(1)
A
la
diffrence
des
homonymes
franais, dont
la
prononciation
ne diffre
point
;
par
exemple
sang, cent, sans,
s'en.
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19
langues
flexionnelles.
On
ne peut sans
doute
considrer
ces
mots
comme
des dsinences,
puisqu'ils
sont
isols
et
indpendants
des
expressions
auxquelles
ils
se
joignent
;
mais
la
fonction
qui
leur est
dvolue
leur
enlve
leur
valeur
propre,
d'o leur
appellation
de mots
vides,
et
elle
tend les rapprocher des
particules
employes
dans
les
langues
agglutinantes.
14. D'autre
part,
le
latin
et
le
grec,
langues
flexion-
nelles
par excellence,
connaissaient l'usage
des
prpo-
sitions,
procd analytique
et
mme
isolant,
du
moins
l'origine.
En effet,
ces
prpositions
taient
primitive-
ment
des adverbes qui
se
joignaient
aux
mots
et
qui
prcisaient des notions
dj
marques
par des
dsinences
casuelles
:
en
latin,
contra
voulait
dire
d'abord
:
en face
;
il
marcha
contre
l'ennemi
signifiait
donc
:
il
marcha
vers
l'ennemi
(de
faon
tre)
en
jace.
Cette
prposition
tait
par consquent d'abord
ind-
pendante
;
elle pouvait
mme
se
placer
avant ou
aprs
le
substantif.
A
la longue
seulement,
ces sortes
de mots
ont t considrs
comme rgissant le
cas auquel
se
trouvait le
substantif :
contra,
en
latin classique.
l'accusatif.
Leur
position a t en
gnral circonscrite
la
place
qui
prcdait
le
mot complment.
A partir
de
ce moment,
la prposition peut
tre
considre
comme
agglutine
au
substantif, et
l'agglutination
devient
encore
plus
complte,
lorsque les cas
ayant disparu, comme
en
franais,
la
prposition n'est
plus
qu'une
particule
accole
au
mot pour
en
prciser
la fonction.
15.
En
latin,
comme
en
grec,
l'un
des
procds
de
formation
des
mots
consistait
ajouter
au
mot
primitif
un
mot-prfixe,
par
exemple
pnu-.
/(-.
de-,
qui
s'agglu-
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tinait
au
mot,
trs
souvent
sans
entraner aucune
modi-
fication
du radical
:
praecurrere,
devancer
(
la
course),
decurrere,
descendre
en courant.
16.
Enfin,
les
flexions
que l'on
constate
une
poque
donne
dans une
langue,
proviennent
souvent
de
formes
juxtaposes,
autant
dire
agglutines. La formation
du
futur
et du conditionnel
franais
en
sont
deux exemples :
chanterai
quivaut
chanter ai
=
j'ai
chanter,
chan-
terais,
chanter
avais.
Dans des langues romanes
autres
que
le
franais,
on
pouvait
encore au
moyen
ge
sparer
l'infinitif
de l'auxiliaire
;
tel
tait
le
cas
en
espagnol,
en
portugais, en provenal,
en catalan
et
dans quelques
dialectes
du
nord
de l'Italie. A
prsent, l'auxiliaire n'est
plus compris
que
comme
une terminaison,
temporelle
dans le futur, temporelle
et modale
dans
le conditionnel.
Ces
formes,
d'agglutines
qu'elles taient,
sont
donc
devenues
flexionnelles.
17.
Par
contre, la
tournure anglaise
/
know
you are
good,
littralement
:
je
sais vous
tes bon
;
la
tournure
allemande
:
ich glaube,
du bist
mde,
ou
encore
l'expres-
sion
franaise
:
il
est
malade, je
crois,
sont
simplement
des
tournures
isolantes,
car
il
ne
s'y
trouve
marque
aucune
relation
entre la principale
et
la
subordonne.
Les
tournures
plus normales : /
know
that you
are
tirai
;
lch
glaube
dass du
mde
bist,
en
flamand
:
ik
geloof
dat
gij
vermoeid
zijt,
sont au fond galement
des tour-
nures
isolantes
quivalant
:
je
sais
cela
vous
tes
fatigu.
Les mots
dass,
ihat, dat,
sont
d'anciens
pronoms
dmonstratifs
ayant
servi
dans
la
suite
indiquer
une
relation
entre deux
propositions.
18.
Quant
aux
intonations dont
les
varits
servent
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distinguer
les
nuances du
discours
dans
les langues
iso-
lantes,
elles
n'taient pas
inconnues
aux
langues
ancien-
nes
flexion,
et
les
langues
modernes, telles
que
le
franais,
l'allemand,
l'anglais,
en
font
un
usage
courant.
En
franais, on
exprime
d'habitude
l'interrogation
par
la place des
mots
:
Viendrez-vous
?,
mais on
dit
tout
aussi
bien, avec la
mme
valeur
interrogative
:
Vous
viendrez ?
qui
ne
diffre,
de
l'affirmation
:
Vous
viendrez
heure
que vous
voudrez,
ou
de
l'ordre
:
Vous
viendrez,
je
le veux, que
par
l'intonation
(1).
19. Ces
exemples
suffisent
montrer
combien il
serait
exagr
d'tablir une distinction
rigoureuse
et absolue
des langues
suivant les trois
espces qui ont t
cites.
Malgr
ces
rserves,
la
classification
en
langues isolante-,
agglutinantes et
flexionnelles
reste
un
moyen
commode
de
rpartir les
idioir.es
d'aprs les caractres
qui
mar-
quent
principalement
chacun d'entre eux.
20.
La
dmonstration
qui
prcde
vient aussi
com-
battre
un prjug
vivace
concernant
la
valeur
relative
des
langues.
On
s'imagine
d'ordinaire
que
la
structure
monosyllabique
marque
le
degr
infrieur
du
dvelop-
pement
linguistique
:
la
flexion
serait
le
propre
des
idiomes
les plus
parfaits,
et
dans la
succession
de
leurs
progrs,
les
langues
devraient
au
pralable passer
par
un
stade
intermdiaire,
celui
de
l'agglutination.
Mono-
Syllabisme, agglutination,
flexion, telles
seraient
les
trois
tapes
du
perfectionnement
des langues.
(1)
Sans
parler de
plusieurs
autres
iiii.mas
qui
sont
galemenl
possibles
;
par
exemple,
dit
avec
ddain
.
Vota viendra
sous-
entendu:
vous
ne t'oserez
pas
ou
avec
amertume :
Vous
viendrez
I
c'est--dire :
je ne le crois
pas,
malgr
votre
profil
-
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22
21.
Cette fois encore,
la
ralit est
plus complexe.
Dire
que
les langues
flexions
sont
arrives
au
plus
haut
degr
de
leur
achvement,
c'est
supposer,
contre
toute
probabilit,
qu'elles ne
changeront plus
de
physionomie
et qu'elles
conserveront
tout
jamais
leurs
procds
flexionnels.
Or,
les
langues,
on le verra plus loin,
voluent
sans
cesse,
et
l'histoire
de
leurs
mtamorphoses
enseigne
qu'elles
peuvent
revtir des
aspects
fort
opposs
d'une
priode
l'autre,
parcourant
ainsi une sorte de. cycle,
dont
les phases
s'enchanent,
mais
souvent
se
contre-
disent.
L'anglais
et
le franais,
issus tous
deux de langues
flexionnelles,
ont
perdu
la
majorit
des dsinences an-
ciennes.
Le
vocabulaire
anglais,
comme
on
l'a
fait
remarquer,
est
peu
prs aussi monosyllabique que
celui
du
chinois,
sauf
pour
les longs mots d'origine
savante.
22.
Ainsi
l'anglo-saxon
et le
latin, dans leur
transfor-
mation
en
les
deux
langues
analytiques
qui
existent
aujourd'hui,
ont
abandonn
presque totalement
leur
caractre flexionnel.
Leur
sort doit
nous porter
rfl-
chir
quand nous
considrons des
langues dont
l'histoire
est
peu connue,
telles
que
le
chinois
:
qui
sait
si le
mono-
syllabisme
de cet
idiome ne cache
pas
des
couches
ant-
rieures,
parmi lesquelles
on retrouverait,
si
l'on
possdait
des
documents,
un
systme de
flexions ou
d'aggluti-
nations
modifi
depuis des
sicles ?
23.
Enfin,
la
valeur
intrinsque
d'une
langue ne
se
mesure
pas
la
richesse
ou
la
pauvret
de sa
flexion.
L'anglais
et
le
franais,
presque
sans
flexions,
ne
laissent
rien
dsirer
en
lgance
et
en clart.
Au
contraire,
l'une
des langues
les plus
synthtiques
qui aient
exist,
-
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23
le
sanscrit,
possdait des
formes
d'une
extrme
varit,
et
son
apprentissage
a d
de
tout
temps
prsenter
des
difficults
:
on
ne
voit
pas
non
plus quels services
a
pu
rendre
une
pareille surabondance
de
distinctions
gram-
maticales.
De
mme,
certains idiomes
des sauvages,
par
exemple
les
dialectes bantous,
sont
encombrs
d'une
foule
de
prfixes
nominaux
et
verbaux,
corrlatifs
entre
eux,
dont la
superfluit nous
surprend.
-
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CHAPITRE
I
CLASSIFICATION
DES
LANGUES.
On
trouvera
ci-dessous
la
nomenclature
des princi-
pales langues,
classes d'aprs leur
structure
gramma-
ticale.
Il
est
utile
d'observer
que cette classification n'a
pas toujours
une porte
gnalogique
: des idiomes
peu-
vent figurer
sous une rubrique
commune,
en
vertu
de
leur conformation,
par exemple
le
chinois
et le japo-
nais, langues
isolantes toutes
deux
tout en paraissant
tre
trangers
l'un
l'autre.
Lorsqu'un
rapport
de
parent
existe
entre des idiomes, il en
est
fait mention
expressment.
I.
Langues
isolantes.
Ces
langues
forment
l'est
et
au
sud
de l'Asie un
groupe
compact, ne
connaissant
ni
dclinaison ni con-
jugaison. Elles
ne
paraissent
pas
apparentes
entre
elles.
Les principales
sont : le
chinois,
dont les
monuments
littraires
remontent
plus
de
1000
ans
avant
J.-C.
;
le
siamois,
le
birman
et quelques autres
idiomes
;
le
japonais,
qui
a subi
fortement
l'influence
du
chinois.
Comme
ce
dernier
idiome,
le
japonais
occupe
jusqu'
prsent une place
isole dans le tableau
gnalogique
des
langues.
-
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25
On
peut
faire
la
mme
remarque
concernant
les
langues de
l'Himalaya,
par exemple le thiblain.
II.
Langues
agglutinantes.
Elles sont trs
nombreuses.
Dans
les
Indes,
on
trouve
la famille des
langues
dravidiennes (telougou,
tamoul
ou
tamil, malabar,
etc.), et
les
langues des Moundas,
langues
probablement plus
anciennes
que
l'indo-aryen
(cf.
plus
loin)
et
refoules vers
le
sud de la pninsule avec
les
indignes qui
les
parlaient.
En
Afrique,
au
sud
de
l'quateur,
les langues
bantou,
comprenant
entre autres
les dialectes du
Congo
;
les
langues
des
Hottentots
;
celles
des
Bochimans.
Les langues
malayo-
polynsiennes,
que
l'on
divise
en
trois
groupes
:
1
le
malais
proprement
dit,
parl
dans
la
pninsule
de
Malacca
et
les
grandes
les
avoisinantes,
dans
les
groupes
des
les
Philippines
et des
Larrons
:
le
javanais
;
2
le
polynsien, parl
dans
la
Polynsie
;
le malgache,
dans
l'le
de Madagascar
;
3
le
mlansien,
dans
les
les Fidji
et
les autres
les
du
nord-est
de
1
Vus-
tralie.
Les langues
indignes
de
l'Amrique
du nord
:
Veski-
mon
ou
inuitj
Viroquois
sur les
bords
du
Saint-Laurent.
Falgonquin,
au
sud
de
la
baie
d'Hudson,
etc.
;
les
lan-
gues
du
centre
:
par
exemple
l'ancienne langue
des
Aztques
nu
nafiuatl
;
les
langues
du
siul. par exemple
le
quichua,
ancienne
langue
des
Incas.
Ce
sont
des
langues
encore
peu
tudies et
dont
la
gnalogie
reste
incertaine.
Les
langues
finno-ougriennes
:
le
finnois
ou
souomi,
-
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26
la
langue
de
la
Finlande
et
de
l'pope
appele
Kalvala;
Veste
;
le
live
ou
livonien
;
le
lapon;
le
votiaque;
le
tchr
misse
;
le
magyar
ou
hongrois
;
Yostiaque
;
le
vogoul,
etc.
Sauf
Yostiaque
et
une
partie
du
vogoul,
deux
idiomes
sibriens,
ces
langues
sont parles
en
Europe.
Les
sources
relatives
au
magyar
remontent
au
XII
e
sicle
;
celles
du
finnois,
au
XVI
e
sicle.
Les
langues
samoydes,
sur
les
ctes
de
l'Ocan gla-
cial
arctique,
en
Europe,
l'est de
la
mer Blanche,
et
en
Asie, au
nord
de la Sibrie.
Les
langues
turco-tatares,
comprenant
des
idiomes
nombreux
:
le yakout,
les
langues
altaques,
le
kirghise,
le
bachkire,
le
turkmne,
le
turc
ou
osmanli,
les
idiomes
tatares,
etc.
Leur gnalogie
est
encore en partie
incer-
taine.
Le
mongol,
en
Mongolie,
et
le
mongol
occidental
ou
kalmouk,
qui
a
pntr en
Russie jusqu'
l'embouchure
du
Volga.
Le
tongouse
ou
toungouse,
l'est
de
la
Sibrie, jusqu'
la rgion
du
bas Amour, et
le
mandchou,
au sud
de
l'Amour.
On
a
essay
de
retrouver
des traces
de
parent entre
les
cinq
derniers
groupes de langues,
et
mme
avec
le
japonais. Pour
le
moment,
on
admet
des liens
troits
entre la
famille
des
langues
finnoises
et
celle
des langues
samoydes
:
leur
parent
est certaine,
d'aprs les
toutes
dernires
recherches.
III.
Langues
flexion.
A.
Premire
famille
des
langues
flexion
:
les
langues
indo-europennes.
Les
langues
indo-euro-
-
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27
pennes,
appeles
indo-germaniques par
les
linguistes
allemands,
sont les
mieux
connues, en raison
de
l'orien-
tation
prise
par
la
linguistique,
ses
dbuts,
au
sicle-
dernier.
On
suppose
leur base une
langue
commune,
l'indo-europen,
dont
les
dialectes,
la suite de
conqutes.
-de
migrations, de
mlanges de peuples,
auraient
produit,
dans
chacune des
contres
indo-europennes (Inde,
Grce,
Italie, etc.), de
nouvelles
langues
s'loignant
de
plus
en
plus
du
type
primitif,
et
cela, dans des
mesures
divei
On
distingue, dans la
descendance de
l'indo-europen,
plusieurs
branches
gnalogiques,
fortement
diffrentes
l'une
de
l'autre.
I.
Le
groupe
indo-iranien
ou
indo-aryen, compre-
nant
deux
groupes
distincts,
celui de
l'Inde
et celui de
r
Iran.
Les
populations
parlant
ces
dialectes
s'appelaient
aryennes:
le
mot
Iran
lui-mme
est
la
continuation
du
mot
arya.
A.
Dans les
Indes,
les
textes dont
la
langue est
la
plus ancienne
sont
les
hymnes
vdiques
ou
des
j
(vda
signifiait
connaissance,
savoir).
On
distingue
quatre
recueils
de ces
hymnes : le
Rig-vida
est
celui
dont la
langue
est la
plus
archaque
;
il
renferme
les
hymnes
rcits
dans les
sacrifices
par
les
prtres
;
il
contient
1028
hymnes
en
10
livres
;
les plus
anciens
remontent, prtend-on,
au
XVI
e
sicle
avant
J.-C.
Des
savants,
tels
que Jacobi,
en
ont
mme
fix
la
date
beau-
coup
plus
haut
:
ils
la
reportent,
sans
certitude du
r
quatre
mille ans
avant
J.-C.
Le
texte
des
Vdas
reprsente
une
langue
dj
tradi-
tionnelle,
conserve
dans le
monde
des
prtres.
Aux
Vdas
se
rattache
une
ancienne
littrature
thologique
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30/176
28
en prose,
forme de
textes appels
brhmanas.
La
langue
dans laquelle
ils
sont
rdigs, moins
archaque
que
celle
des
Vdas,
se
rapproche
progressivement
du
sanscrit
proprement
dit,
qui
est
la
langue
des
popes,
le
Mah-
bhrata
et
le
Rmyana,
ainsi
que
de
la
littrature
trs
riche
de
l'Inde.
Le
nom
mme
de
cette
langue
(samskrita :
artificiel,
travaill)
annonce un
dialecte
savant,
litt-
raire. Elle
a
t
travaille
par les
grammairiens, et
sur-
tout
par
Pnini,
le
plus
clbre d'entre
eux. Le
sanscrit
eut
une
poque
de
floraison
littraire : ce
fut lors
de
la
raction des
brahmanes
contre
le
bouddhisme.
Lesanscrit
a
encore
conserv
jusqu'
prsent son
importance
litt-
raire, quoique,
depuis
le
X
e
sicle, les
autres
dialectes
indous
aient
chacun
leur
littrature
indpendante.
Deux
autres
dialectes
importants
de
l'Inde
ancienne,
plus rcents
cependant
que
le
vdique,
ont
t
le
pli
(signifiant
ordre,
canon), langue
religieuse
des
boud-
dhistes
du
sud,
et
le
prkrit (langue
naturelle,
simple),
ou
plutt
les
prkrits,
sortes de
langues
littraires
qu'on
trouve
dans
certains
textes,
par
exemple
dans
les
drames,
comme
tant
la
langue des
femmes et
des
personnages
de
condition
infrieure,
tandis que
le
sanscrit
est
la
langue
rserve
aux
hros.
Les
dialectes
modernes
de
l'Inde
sont les
descendants
des
dialectes
populaires
anciens.
Citons
Yhindoustani,
Yhindi.
le
bengali, le
mahratte,
le
singhalais,
dans
l'le
de
Ceylan.
Le
gipsy ou
tzigane
appartient
aussi
ces
dialectes,
mais
les
migrations
sculaires
des
populations
tziganes
ont
profondment
altr
leur
langue.
B.
Dans
l'Iran,
on
trouve des
langues
littraires
assez
semblables
l'une
l'autre
:
1
la
langue
des
ins-
-
7/26/2019 Grgoire Antoine - Petit trait de linguistique.pdf
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29
criptions
cuniformes
du
roi
Darius
Hystaspes
et
de
ses
successeurs,
c'est--dirt Y ancien
perse
;
2
la
langue
de
Y
Avesta
,
c'est--dire
la
langue
des
textes sacrs
de
la
religion
de
Zoroastre,
langue
appele improprement
zend.
Les
inscriptions
en ancien
perse,
graves
sur
les rochers
et sur
les
pierres d'anciens
palais,
n'ont
t
dchiffres
qu'au
XIX
e
sicle
;
la
plus importante
est
celle
de
Bagistana,
ou
inscription du
roi
Darius.
L'Avesta,
tel
qu'il
nous
est
parvenu,
est,
sous
le
rapport
linguistique,
un
travail
de
compilation savante
du
temps
des Sassanides
(1).
L'ge
des
diffrentes parties
de
l'Avesta est
fort
variable
;
les
plus
anciennes
sont
formes
des
hymnes
appels gths.
Parmi
les
langues
iraniennes
modernes, il
faut
citer
li
persan
moderne,
le
kourde,
les
dialectes
du
Pamir,
Yosste,
parl
dans
le Caucase,
Vafghan
t
qui
a
t influenc
par
les
langues indou
II.
L'armnien,
attest
depuis le
V
e
sicle
aprs
J.-C.
L'armnien
moderne comprend
des
dialectes
spares
en
deux groupes
principaux,
le
groupe
oriental
et
le
groupe occidental.
Fortement
influenc
par
le
persan,
il
a pass
longtemps, mais
tort, pour
un
dialecte
iranien.
Outre
les
migrs
armniens
qui
se
trouvent
en
grand
nombre
surtout
dans
une
partie de
la
pninsule des
Balkans,
les populations
de
langue
armnienne
ha
l'Asie,
dans
les
rgions d'Erivan,
de Van.
el
d'Erzn
(1)
Les
Sassanides ont
rgn de
Bprt
J.-C.
-
7/26/2019 Grgoire Antoine - Petit trait de linguistique.pdf
32/176
30
III.
L'albanais.
Cette
langue
est
parle
par environ-
un
million
d'individus
dans
la
pninsule des
Balkans
et
dans
les
colonies
albanaises
d'Italie.
Connu
seulement
partir du
XVII
e
sicle,
il
a subi
l'influence du grec,
des
langues
slaves,
du
turc et plus
anciennement du
latin.
IV.
Le
grec,
ou
plutt les dialectes du
grec ancien.
Parmi les
peuples
grecs de l'antiquit,
qui
envahirent
la
pninsule des
Balkans et en chassrent
les
populations
autochtones,
les
plus
anciens turent
les
Ioniens
et les
Achens. Les
premiers,
tablis
d'abord en
Attique,
dans
l'le
d'Eube,
&ur
les
ctes
nord
et est
du
Ploponse,
refouls peut-tre
par les Achens, se
rpandirent
dans
les les
de
la
mer
Ege,
puis dvelopprent
une
civilisa-
tion
indpendante
sur
les ctes
de
l'Asie
Mineure.
Ils
y
trouvrent
des
Achens
d'origine thessalienne,
nomms
oliens,
qui
occupaient
galement
l'le
de
Lesbos.
La
conqute
des
villes
oliennes
par
les
Ioniens
eut
des
consquences
considrables
pour
le
dveloppement
de
la
posie
grecque
:
il
semble
en
effet
que
les
Ioniens em-
pruntrent
aux
oliens
les
lgendes
hroques
achennes.
Ainsi
s'expliqueraient
les
particularits
dialectales
des
pomes
homriques,
le plus
ancien
monument littraire
des
Grecs
(1)
;
on croit
y
reconnatre le
mlange
de
deux
dialectes
principaux,
l'ionien
et
l'ancien
olien.
La
langue
homrique,
d'ailleurs en
partie
artificielle,
est
devenue
le
type du
langage de
l'pope
grecque.
V
ionien conserva
le
mieux
son
aspect
ancien dans
l'le
d'Eube
et
dans
les
Cyclades.
1
volua
le plus
rapi-
(1)
Les
pomes
homriques,
moins anciens
que
le
Rig-Vda,
ne
peuvent
tre
postrieurs
au
VII
e
sicle
avant
j.-C.
-
7/26/2019 Grgoire Antoine - Petit trait de linguistique.pdf
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31
dment
Athnes, au
point
de
former
un
dialecte
parti-
culier
appel
Yattique,
qui
prsentait encore
d'importantes
analogies
avec
l'ionien.
Pour
cette
raison,
on
runit
les
dialectes ioniens
et
le dialecte attique
en
un seul groupe
appel
ionien-attique.
L'
ionien fut
crit,
ds le
VII
e
sicle, par des
p.
tels
qu'
Archiloque,
ds
le
VI
e
,
par
des
prosateurs tels
qu'
Hrodote.
V
attique
est
connu
par
des
inscriptions
depuis
le
VII
e
sicle
avant
J.-C,
et
par
une
littrature
illustre.
Un
second
peuple grec, dj
cit,
les
Achens,
s'tait
implant
en
Thessalie, d'o
un
certain nombre
partirent
la
conqute
de la cte
nord
de l'Asie
mineure
(prise
de
la
Pergame
des
Troyens).
Leur
parler,
appel
Yolien,
resta
en
usage
dans
la
partie
septentrionale
de
la
cte
d'Asie
Mineure, de
Smyrne
l'Hellespont,
ainsi
que
dans
l'le
de
Lesbos,
d'o
taient
originaires
les
potes
Alce
et Sapho.
Un
dialecte
apparent
Yolien
est
le
botien,
parle
en
Botie,
connu
surtout
par
des
inscriptions
et
par
des
fragments
de
l'uvre
de
la
potesse
Corinne.
Les
Achens
se
rpandirent
aussi
dans
le
sud
de
la
Grce et
passrent
le
golfe
de
Corinthe
;
ils
tablirent
sur
les
ctes et
dans
les plaines
du
Ploponse
de
puis-
sants tats,
que
rappellent
les
noms
piques
d'
memnon,
de
Mnlas
et
de
Nestor.
Mais
l'A
enae
disparut
devant
les
invasions
de
peu-
plades
grecques
venues
de
l'pire,
auxquelles
on
a
donne
le
nom
de
doriennes.
-
7/26/2019 Grgoire Antoine - Petit trait de linguistique.pdf
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32
Les
Doriens,
aprs
avoir envahi
la Grce centrale, s'in-
troduisirent
dans le
Ploponse, qu'ils
enlevrent
pro-
gressivement
aux
Achens.
Les
dialectes parls
par
les
Achens
ne rsistrent
que
dans
la
Thessalie
orientale,
et
dans deux
contres
importante^
du Ploponse,
savoir
en
lide
et dans
les
montagnes
de
l'Arcadie.
La
vieille
langue
se
retrouvait
aussi
avec son type
particulier
dans
l'le
de
Chypre, colonise
par les Achens.
Les
inscriptions
ont montr
l'tonnante
ressemblance
existant
entre
le
cypriote
et
l'arcadien,
dont
il
vient
d'tre
question. Aussi
les
runit-on
en
un
groupe unique.
Varcadien-cypriote,
dans lequel
on
fait
rentrer aussi
le
pamphylien,
apparent
l'arcadien
et
au
cypriote,
et
parl
sur
la
cte
asiatique
voisine de Chypre.
En
rsum,
les
dialectes grecs
issus
de
l'ancien
dia-
lecte
achen
parl
en Thessalie sont
au
nombre
de
cinq,
qu'on
peut
rpartir
en deux
groupes,
un
groupe septen-
trional,
celui
du
thessalien,
de
Yolien,
et un
groupe mri-
dional,
celui
de
l'arcadien,
du
cypriote,
et
du
pamphylien.
On
a
donn
le
nom
de
doriens
aux parlers
des
popu-
lations
qui,
venues du
nord,
envahirent
en
dernier
lieu
la
Grce,
et refoulrent les
peuples
qui
s'y
taient tablis.
Les
Doriens
se
rpandirent
dans
le
Ploponse,
o
les
dialectes
achens,
comme
on
l'a
vu, ne
se
maintinrent
que
dans la
rgion montagneuse
de
l'Arcadie.
Les
Doriens
l'emportrent
galement
dans
l'le
de
Crte, o
l'on
a
dcouvert
des inscriptions
de
grande
importance, telles
que
celle
de la loi
de
Gortyne. Ds le
IV
e
sicle
avant
J.-C,
le dorien
tait devenu
la langue
commune
des
colonies
hellniques
de
l'Italie
et
de
la
Sicile. Mais
en
Grce,
et
dans
l'le
de
Crte,
les parlers doriens
n'arri-
-
7/26/2019 Grgoire Antoine - Petit trait de linguistique.pdf
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33
vrent
point
s'unifier en
une
langue
commune
vraiment
dorienne.
On
ne
connat
gure
le
dorien
que
par
les
inscriptions.
Les
textes
littraires
sont
rares.
On
rapproche des
parlers
doriens
proprement
dits le
groupe des
parlers
du Nord- Ouest
;
ces parlers
sont
ceux
de
la Phocide, de
la
Locride,
de
l'tolie,
de
l'Acarnanie
et
de
l'pire,
et dans
le
Ploponse, ceux
de
l'lide.
De tous les dialectes grecs,
ce
fut
l'attique
qui
prit
le
plus
d'importance
:
il devint
le dialecte
de
la
prose
littraire, puis,
partir
du
III
e
sicle
avant
J.-C,
la
langue des Grecs cultivs. Mais il
ne
put
chapper
l'influence
des dialectes
locaux,
et notamment
celle
de
l'ionien
;
le
mlange
de
ces lments
forma
une
sorte
de grec
commun,
appel
la
hoirie
(1).
Les
autres
dialectes
disparurent,
en
tant
que
langues
littraires,
aprs
l're
chrtienne.
Le grec
commun
du
moyen
ge
porte le
nom de
moyen
grec
ou byzantin.
L'poque
du
grec moderne ou
romaque
commence
au
XVI
e
sicle.
Cette
langue
contient
aussi des
dialectes,
qui ne reprsentent pas
cependant
la continuation directe
des
dialectes
anciens
de
I'
1
lellade.
Malgr son
pass
illustre,
le
grec,
en
tant
que
langue
parle,
a
perdu
peu
peu
de
son influence.
11
n'est
plus
en
usage
qu'au
sud de la pninsule des
Balkans,
dans
toutes les les
de
la
mer Ege,
Chypre, en
Crt
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0-5i
-
7/26/2019 Grgoire Antoine - Petit trait de linguistique.pdf
70/176
68
3.
Jusque
dano la
dernire priode
de
l'histoire
de
la
linguistique,
on
considrait
les
changements
du
langage
comme
des
marques
de dprissement.
C'est
un
prjug
encore
courant
dans
le
public.
Les
langues subiraient
l'atteinte
d'une
sorte
de maladie
;
les
altrations
qui
s'ensuivent
amneraient
leur
dchance
plus
ou
moins
rapide. Les crateurs
de
la
linguistique,
Fr.
Bopp, W.
von
Humboldt,
etc.,
ont
partag
cette
opinion. Elle
est
cependant
errone
;
mais
on
comprend
qu'elle
ait eu
cours
aux
dbuts de
la science du
langage.
A
cette
poque,
on
cherchait
dcouvrir
l'tat
primitif
des
langues
indo-europennes,
en
comparant
aux
langues
modernes
le
latin, le grec,
et
surtout
le
sanscrit
;
on
trouvait ces
derniers
idiomes plus complexes, plus
riches
de
formes
;
on
s'imaginait reconnatre en eux les caractres d'une
rgularit
et
d'une
perfection
anciennes,
perdues
depuis.
D'aprs
cette
conception,
les langues actuelles ne
seraient
plus
que des
rejetons
puiss
et
dforms.
4.
En
ralit,
il
serait
faux d'attribuer
aux langues
les
plus
lointaines
une
fixit
qu'elles
n'ont
jamais
possde,
pas
plus
que
les langues
vivantes,
l'volution
desquelles
nous
assistons de
nos jours.
Nous
ne
connaissons
les
langues mortes que par des
monuments
crits,
qui ne re-
prsentent
pas
d'ordinaire
toutes les phases de
l'histoire de
ces parlers.
Si
nous
possdions
d'autres
renseignements,
nous montrant l'aspect
de ces
langues
aux
diverses
prio-
des,
il
suffirait de
comparer une
poque
une autre,
pour
constater
des
modifications
nombreuses
et de
tout
genre.
5.
En
second
lieu,
on
n'est
pas
en
droit
d'affirmer
qu'un
changement
linguistique
implique
toujours une
dfor-
mation
du
langage et
qu'il soit un
signe
de
dcadence.
-
7/26/2019 Grgoire Antoine - Petit trait de linguistique.pdf
71/176
69
Trs
souvent,
les
modifications
ont
pour
rsultat
de
donner
aux
langues
plus
de
clart
et
plus
de
simplicit
:
le franais
a
beaucoup
gagn abandonner
les
compli-
cations
grammaticales
qui
alourdissaient
le latin
;
l'anglais,
o l'on retrouve
peu
de
chose
de la
morpholo-
gie
des
langues
germaniques
primitives,
passe
nanmoins
pour un
des
idiomes
dont
l'usage est le
plus commode
(1).
6. On
aurait donc tort
de considrer
le
pass
des
langues
comme
une
sorte
d'ge d'or,
qui aurait
vu
leur
panouissement,
tandis qu'aux
sicles
suivants
elles
n'auraient
point
cess
de
se
dgrader.
Le
langage,
qui
est
une
rsultante
des facults humaines,
n'a pu,
aucune poque,
rsister l'instabilit
frappant
tout
ce
qui
touche
l'homme
;
si
les
murs,
les
institutions,
le.
peuples
voluent
sans
interruption,
il
va
de
soi
que
les langues participent
dans
une certaine
mesure
ces
transformations.
7.
Les changements
atteignent aussi
bien
le
matriel
extrieur
du langage,
c'est--dire les
sons,
que
ses l-
ments
internes
;
il
y
aurait donc lieu de
distinguer,
dans
l'tude qui
va
suivre,
les
changements
phontiques,
les
changements
de
signification,
ou
changements
sman-
tiques,
les changements
des formes
ou changements
morphologiques,
et
les
changements
syntaxiques.
Nous
parlerons spcialement
des
deux
premiers
ordres
de
modifications,
qui
sont
les
mieux
connus.
(l)
L'orthographe
mise
part.
-
7/26/2019 Grgoire Antoine - Petit trait de linguistique.pdf
72/176
CHAPITRE
VI,
LES
CHANGEMENTS
PHONTIQUES.
1.
Si l'on
compare deux
phases
diffrentes
de
l'histoire
d'une
langue,
on
s'aperoit
que
les
mots
n'ont
pas
con-
serv
d'une
poque
l'autre
une
physionomie
identique
:
un son
ou
plusieurs
sons
de
ces
mots
ont
t
remplacs
par
d'autres
parfois
trs dissemblables.
Ces
transforma-
tions
phontiques
peuvent
tre
divises
en deux
cat-
gories
:
les
changements
lents
et
gnraux,
et
les
change-
ments
brusques et isols.
2.
Voici
un
exemple
des
premiers. L'infinitif
latin
dbre
se
retrouve,
lment
pour
lment,
dans
le
fran-
ais
devoir.
Nous
ne
nous
occuperons
prsent
que du
son
e
(long
et
ferm)
de
la
2
e
syllabe
de
dbre.
Il
est
devenu
en
franais un
son
diphtongue
crit oi
et
qui
se
prononce actuellement
wa.
Cette
transformation,
qui
parat inexplicable
premire
vue, a
demand
plusieurs
sicles
avant d'tre
termine.
Tout
d'abord,
le
latin
a
donn
naissance
une
diphtongue,
ei
(=
y),
laquelle
s'est change
en une autre
diphtongue, bi
(=
y),
encore
prononce
avec
un
b
ouvert en
vieux
franais
du
XII
e
sicle,
et
mme
plus
tard,
dans
certaines
positions.
Puis,
cette diphtongue
a
volu, en
suivant
une
longue
srie
de
prononciations
de plus
en plus
cartes
de
la
nuance
-
7/26/2019 Grgoire Antoine - Petit trait de linguistique.pdf
73/176
71
initiale
: par
exemple o,
w,
pour
aboutir notre
pro-
nonciation
:
wa
(1).
3.
Cette
transformation
du
son
a
t
lente,
puis-
qu'elle a
ncessit
de
nombreuses
tapes
intermdiaires
dont on
retrouve
les
traces
;
de
plus,
elle
a
atteint, non
seulement
le
second
e
du
mot
dbre,
mais
n'importe
quelle
voyelle
analogue
qui
se trouvait
dans
les
mmes
conditions
(2)
:
ainsi
habre
est devenu avoir
;
dolre
:
vieux
franais
douloir
;
valre
:
valoir,
etc.
4.
Nous
concluons
que
les
changements lents
du
genre
de
e
devenu
wa sont
gnraux,
puisqu'ils
affectent,
non
pas
tel
son
d'un
seul
mot
isol
ou
de
quelques
mots
seulement,
mais
les
sons de
tous
les
mots
o
ils
se
trou-
vaient
dans les
conditions requises.
5.
Tout
autre
est
la
transformation
qui
a
dfigur
(3)
l'ancien
verbe
franais
toussir.
Dans
cet
infinitif,
le
i
de
la
dsinence
a
t
remplac
par un
(crit
e
devant
r).
Pour
expliquer ce
changement,
il
n'est plus
ncessaire
de
songer
des
modifications
lentes dont
l'effet
aurait
t
de dgrader progressivement
la voyelle
/,
jusqu'
lui
donner
la
sonorit
de
.
Au
contraire,
le changement
(1)
Voici la srie
des
transformations
subies
vraisemblablement
par
la
diphtongue
ei
(y),
avec ferm
:
y,
avec un
ouvert
;
ay (de
mme
que
le
ei des mots
allemands
quivaut maintenant
ai)
;
by,
avec un
b
ouvert
;
b,
avec un
b
ouvert et un
ferm
;
b,
avec
deux
voyelles ouvertes
;
w,
avec le changement
de
en la
semi-voyelle
w
:
enfin
wa,
le
son
i
redevenant
lui aussi
a.
(2)
La condition
principale
tait ici
que
la
voyelle
se
trouvai
accentue.
Par contre,
le
premier
de
dbite,
plus faiblement
accentue
que
le
second,
n'a
pas
t
chang
en
wa,
mais
s'est
attnu
en
un
t
muet.
(3)
Nous
employons
ce
mot
sans
vouloir
y
attacher
aucune
ide
pjorative.
Il
en est
de
mme
du
mot
dgrader,
employ
plus bas.
Cf. ce
qui
a t dit
p.
68.
-
7/26/2019 Grgoire Antoine - Petit trait de linguistique.pdf
74/176
72
s'est
fait
d'une
gnration
une autre :
l'ancienne
pro-
nonciation
toussir
a
subsist
encore
quelque temps
;
mais
paralllement,
l'habitude
s'est
de
plus
en
plus
ancre
de dire tousser,
et
la
fin,
la
nouvelle
pronon-
ciation
a
prvalu.
Compare
aux prcdentes,
la
trans-
formation
peut
donc
tre
appele
une
transformation
brusque,
en
ce
sens
que la
substitution
s'est
accomplie
d'une
gnration
une autre.
6. En
outre,
elle
n'est
pas
gnrale
:
elle
n'a
pas
atteint,
en
effet,
tous
les
i
qui
se trouvaient dans les
mmes
conditions
phontiques
que le
i
de
toussir,
c'est--dire
les
i
accentus
;
ainsi,
les
mots
issus des
termes latins
mille,
vita,
nidus,
etc.,
ont
tous
conserv
Vi
primitif
:
mille,
vie,
nid.
Le
/
accentu
n'a t chang en
que
dans
toussir
et
dans
quelques
autres
infinitifs
(1),
alors
qu'il
n'a
pas
vari
dans
la
masse
des
verbes
en
ir.
7. Les
transformations
lentes et gnrales ont,
comme
nous
l'avons dit, affect
des sries
entires
de
mots.
Aussi
constituent-elles
la
partie essentielle
de
l'volution
des
sons,
et leur
tude est
de
la
plus
haute
importance
pour
l'intelligence
de
l'histoire
du langage.
8.
Les
lirguistes
ont
t
frapps
du
caractre
de
rgu-
larit avec lequel
elles
se produisent.
Nous avons
vu,
par
exemple,
que tous les mots
latins
renfermant un
accentu
l'ont
chang
en
oi
(=
wa).
L'examen
des
changements
de
ce
genre
a
permis
d'en
tirer
des
lois
(1)
Notamment
garer,
doublet
de
gurir,
autrefois
garir
;
peler,
en
vieux
franais
espelir
;
grogner,
en v.
fr.
gronir
;
gronder,
en
v.
fr.
grondir : puer,
anciennement
pur
;
sangloter, au
lieu
de sangloutir
(dans
Rabelais)
;
tisser,
qui
a
remplac
tissir.
-
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75/176
73
phontiques.
Ces
lois constatent
que,
dans
des
condi-
tions
donnes, tel
son ou
tel groupe de sons
se
modifie
au
sein
d'une
langue
d'une
manire
dtermine.
9. Ce sont
des
lois
phontiques
que
celles
qui
enregistrent la
transformation du c latin
(prononc
d'abord k)
devant
a
en
ch, dans les mots franais,
et en
l'explosive
palatale
transcrite
tch
dans les
mots
wallons
correspondants :
lat.
carrum
(1),
fr.
char,
wal.
tchor
;
lat. caballum, fr.
cheval,
wal. tchfb
;
lat.
cancm,
fr.
chien,
wal.
tchin
;
lat.
carnem, fr. chair,
wal.
tchbr,
etc.
;
la
transformation
du
mme c latin
en
s
(ou
z)
devant
e
et
i
dans
les mots
franais
et
wallons :
lat.
ra(di)cina,
fr.
racine,
wal.
rsri
(2)
;
lat. vicinum,
fr. voisin,
wal.
wzin,
etc.
;
la
vocalisation,
ou
transformation
en
voyelle de
la
consonne
/
devant conscnne
: lat.
talpam,
fr.
taupe
;
lat.
palma,
fr.
paume
;
ancien
fr.
chevals,
fr.
chevaux
;
ancien fr. valdrai,
fr.
vaudrai,
etc.
la
chute
de F/j
des
mots
latins
dans
la
prononciation
vulgaire ds
avant
les
premiers
sicles de l'empire
;
en
italien,
le
changement
en
i
de
tous
les
/
latins
aprs
p,
b,
ou
c,
g,
par exemple
:
pieno,
plein
;
chiave,
clef
;
chiaro, clair,
du
latin
plnum, clavem,
clarum.
On
connat
aussi, ne
ft-ce
que
par
ou-dire,
les
lois
phontiques
des
langues
germaniques
dont
la dcouverte
a
illustr
les
savants
Rask,
Grimm
et
Verner.
(1)
Nous
citons les mots
latins
(sauf
les
noms
fminins
de
la
l
r
''
dclinaison)
sous la
forme
de
l'accusatif,
tant
donn
que
les
noms
franais
issus
du
latin
se
rattachent
en
principe
a
ce
c.is.
La
graphie
[ch
est
fautive
en
ce
qu'elle donne
l'illusion
de
deux
SOIU
I
ch.
alors
qu'il
s'agit
ici d'une
consonne
unique.
(2)
Nous marquons au
moyen
de l'apostrophe
les
consonnes
finales
qui
doivent
tre
prononc
-
7/26/2019 Grgoire Antoine - Petit trait de linguistique.pdf
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74
10. Il
arrive
que les
lois
phontiques
souffrent
des
exceptions.Mais
une
tude
plus
approfondie
des
faits
per-
met
d'habitude
de
restreindre
de
beaucoup le nombre
de
celles-ci.
Phontiquement,
la
conjugaison
du
prsent
de
l'indicatif
du
verbe
franais
trouver
devrait
tre
treuve
:
trouvons...
;
mais
il
s'est
fait
que
l'analogie
du
pluriel
trouvons
s'est
mise
en
travers
de
l'alternance
phontique
eu
:
ou,
rgulire
au
moyen
ge, et qu'elle
a
modifi
le
vocalisme
du
singulier.
Toussir
devrait
s'tre
conserv
sous cette
forme
ancienne.
C'est
en
effet
une
loi
phon-
tique
du franais
que
Yi
long
latin accentu
a
rsist
aux
changements
jusqu'
nos
jours :
toussir
ne
rend
point
cette
loi
illusoire,
car
c'est
une des rares
exceptions
dues,
comme
nous
le verrons
(p.
77),
une
cause
spciale.
11.
Il
semblerait
donc,
en
dernire
analyse,
que
les
lois
phontiques
manifestent
leur action
avec
une
con-
stance
rigoureuse.
Quand
une
langue
montre,
dans
l'vo-
lution
de
son
systme
phontique,
une
tendance
dter-
mine
par exemple
celle de transformer le
c en
ch
devant
a
,
cette
tendance
se ralise avec
l'inflexibilit
d'une
loi,
et l'on
a
pu
riger
en
principe
que
les
lois
phontiques
sont
aussi
aveugles,
aussi fatales
dans
leurs
manifestations,
que
les
lois
physiques
(1)
.
Nanmoins
ces lois
souffrent
des
exceptions,
ainsi que
nous
l'avons
rappel.
Ces
exceptions
.>ont
dues
des
causes
qui font
obstacle
aux
lois et
empchent
leur
action
en
telle
ou telle circonstance.
On
ne
connat pas
toujours
ces
causes. L'ignorance
o
l'on en
est
souvent
(1)
Suivant les
termes
du
linguiste
franais
V.
Henry.
-
7/26/2019 Grgoire Antoine - Petit trait de linguistique.pdf
77/176
75
a
suscit
des doutes sur l'infaillibilit
des lois
phontiques.
La
question de
cette
infaillibilit
est
l'une de celles
qui
ont
le
plus
divis
les
linguistes.
Il
existe
son
sujet
une
vaste
littrature.
En ralit
la
discussion
est
oiseuse
et superflue.
On ne
peut
mconnatre
le
caractre
de
rigueur des lois phon-
tiques.
Lorsque,
telle
poque,
dans
tel
pay.
,
un
son
tend
se
modifier d'une
certaine
manire,
la
modification
s'accomplira
aussi
fatalement
que
s'exercerait
une
loi
naturelle de
la physique
ou de la
chimie,
pour
autant
du
moins
qu'elle ne
soit
point
contrecarre
par quelque
facteur.
Ainsi
que
l'crit
M.
M.
Grammont,
nous
pou-
vons
prdire
qu'une pierre
lche
du
haut d'un balcon
tombera
sur le sol,
moins
qu'elle
ne
rencontre un
obsta-
cle
qui l'arrte
et
l'empche
d'y arriver
;
mais
nous pou-
vons
tout
aussi
bien
prdire
que
corridor,
abandonn
la
tendance la
dissimilation,
deviendra
colidor,
moins
qu'il
ne
rencontre un obstacle
qui
l'en
empche, et
qu'il
ne
deviendra
jamais
corridol
;
nous pouvons
mme
prdire
que,
dans les
mmes
conditions,
pruneraie
deviendra
prunclaie
et jamais
pluneraie.
12.
Les
obstacles
contre lesquels
se
heurtent
les
lois
phontiques peuvent tre
nombreux,
il
faut
l'avouer.
Parmi
eux,
nous
avons
dj
signal
l'analogie,
dont
deux
exemples
ont
t
cits.
L'analogie
joue
dans l'volution
des langues
un
rle
des
plus
importants.
11
est
peu
de
lois
phontiques
dont
elle
ne brise
la
constance, et
dont elle
n'empche
l'effet
dans
un
nombre
de
cas
plus
ou
moins
tendu.
13. 11
arrive aussi, avec
non moins
de
frquence, que
des
mots
soient
empruntes aux
langues
trangres
ou
aux
-
7/26/2019 Grgoire Antoine - Petit trait de linguistique.pdf
78/176
76
autres
dialectes
;
ces
mots
entrent
dans
la langue
en
conservant
autant
que possible leur
physionomie
tran-
gre,
et ils
chappent
souvent
l'influence
des
lois
phon-
tiques.
On a
longtemps
mconnu
le
rle
important
que
jouent les
emprunts
faits
d'idiome
idiome,
et surtout
de
dialecte
dialecte.
Les
relations
de
tout
genre qui s'ta-
blissent
entre
les populations,
les immigrations,
les
unions qui se
contractent
entre
gens de contres
diff-
rentes,
n'introduisent
pas
seulement
des
usages
nou-
veaux
;
elles
apportent aussi
des
procds
de
langage
(mots,
prononciations),
inusits
jusqu'alors,
et
devant
lesquels les
lois
phontiques
se
trouvent
impuissantes.
Si
les
mots
cavalcade,
cavalier,
carbonade,
font
exception
soit
la
loi
de
la
transformation du
c
en
en,
soit
celle
de
la
vocalisation
de
17 en
u,
etc.,
c'est
parce
qu'.ils
sont des
emprunts
faits
l'italien,
l'espagnol
;
mais
les
dites
lois
ont
t
oprantes
dans les mots
correspondants
chevauche, chevalier,
charbvnne,
qui
sont
d'extraction
purement franaise.
14. Enfin,
aux
irrgularits
que
nous venons de
signaler,
il
conviendrait
d'ajouter:
1
les mets d'un
emploi
quetidiea, les
formules
de politesse
comme
siouplat ou
mme
splat, l'allemand
gmoin pour
guien
Morgen,
toutes
transformations
qui
ne s'expliquent pas
phontiquement
;
2
les
mots de la
langue
enfantine,
tels
que
l'italien
Beppo
venu
de
Giuseppe,
l'anglais
Bob,
pour Robert,
le
franais
Mimi pour
Marie,
etc.,
exemples
ne
rentrant
pas
davantage
dans
les
cadres des
lois
pho-
ntiques
;
3
la
masse
des
transformations
brusques
et
isoles
dont il
a t
parl plus
haut et
parmi lesquelles
devraient
figurer
les cas
o
l'analogie a
exerc son
in-
fluence.
-
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79/176
77
CAUSES
DES
CHANGEMENTS
PHONTIQUES.
A.
Causes des
transformations
brusques et isoles.
1.
Ces
transfoi
mations proviennent de
causes
varies.
Souvent
elles
remontent
des
analogies. En vieux
fran-
ais,
on
conjuguait
d'abord
treuve,
trouvons,
mais
on
finit par
conjuguer, soit
treuve,
treuvons,
soit
trouve,
trouvons
(1),
en
gnralisant
pour toutes
les
personnes
la
voyelle radicale
du singulier
ou
bien
celle
du
pluriel.
C'est l'analogie soit
de
treuve,
soit
de
trouvons
qui
a
chang
le ou
de
trouvons,
trouvez,
ou
inversement
le
eu de
treuve
et des
autres formes
en
eu.
La
tendance
tait
d'autant
plus
forte
que,
dans
la
majorit
des
verbes
du
franais, le
radical
reste
identique
chaque
temps,
aussi
bien
au
singulier
qu'au pluriel.
2.
Quant
toussir,
qui
tantt
a
servi
d'exemple, on
l'a rattach
au
substantif
toux, comme s'il
en
tait
driv,
alors qu'il
vient
directement du
latin
tussire.
Or,
la
plupart
des verbes
drivs
de
substantifs
appar-
tiennent
la
conjugaison
en
er
:
tels
souffler,
driv
de
souffle,
chanter,
de chant, marcher,
de
marche,
etc.
L'ana-
logie,
c'est--dire
la
ressemblance avec
ces
sortes
de
verbes,
a
attir
le verbe toussir
dans
la
famille
des
verbes
en
er.
3.
Les
analogies
dont
il
vient d'tre
parl
sont au
fond
des associations
d'ides
plus
ou
moins
inconscientes.
Elles
se
justifient
dans
une
certaine
mesure.
Mais
il
en
existe
d'autres
tout
fait
fortuites,
que
rien
n'explique
(1)
Dans
la
suite,
un
seul
de ces
systmes
de
formes
a
t conse
^
je
trouve, nous
trouvons.
-
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78
ni
historiquement
ni
logiquement,
qui
sont
dues
des
ressemblances superficielles
et
non
relles,
qui
consti-
tuent
par
consquent
de
vritables
erreurs.
Le
mot
alle-
mand
sauerkraut,
dans la
composition
duquel
entrent
deux
termes
signifiant,
le premier,
aigre
et l'autre
chou,
a
t
transform en
franais
en
choucroute,
sous
l'effet
d'une
similitude
assez
vague des
sons germaniques
avec
les
deux
mots
franais chou
et
crote.
En
wallon,
on
donne
au
loir
le
nom
de
sot-dwrmant,
sot
dormant,
c'est--dire
un
animal
qui
se
dort sot
,
qui
dort
outre
mesure
;
mais
on
prsume
que cette
appellation
tait
l'origine
un sept dormant, quivalant
l'allemand
siebenschlfer
et
renfermant
une
allusion
la
lgende
des
sept
dormants
d'phse
si
populaire au moyen
ge.
Le mot
cordon
n'avait
rien
de
commun
avec le
mot
cordonnier,
primitivement
cordouanier
(c'est--dire
l'ar-
tisan
en
cordouan
ou
en
cuir
de
Cordoue)
;
cependant
cordon
a
veill
l'ide d'une parent
commune
avec
cordouanier
et
a
dtermin le changement de ce mot
en
cordonnier.
4. Citons
encore
le
mot haut,
reprsentant
du
latin
altum
:
ce
mot
ne
devrait
pas
avoir
d'aspiration
initiale,
mais on l'a
rapproch
tort
du
mot germanique
hh,
qui possdait
la
mme signification
;
cette association
a
eu
pour
effet
de
doter
le
mot d'une
h
qui
lui
tait
tout
fait
trangre.
5. On
pourrait mentionner dans
chaque
langue beau-
coup
de changements
dus
aussi des
confusions ou
des
erreurs. Il
s'en
produit
trs souvent, et
l'on peut en
entendre
dans la bouche
des
ignorants ou des
demi-
-
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80
set,
avec
un t qui
est
la
rduction
d'un double
/
;
de
mme
septime
;
cf.
l'italien
seite
y
settimo. Salvage,
forme
ancien-
ne
de
sauvage,
continue
le
latin
silvaticum^
homme
des
forts
(silva, bois)
:
Yi
de
la premire
syllabe s'est
assimil
l'a
de
la seconde.
8.
Dans le
phnomne
que
l'on
appelle
dissimilation,
les
sortes de
rptitions qu'on vient
de voir sont cartes.
Le
mot latin
peregrinum renferme
deux
/
;
le franais
les
a
rduits
un
seul,
en
remplaant
le
premier par
un son
voisin ae
r, c'est--dire
par /:
plerin-,
paraveredum
est
devenu
palefroi
;
frigorosum,
frileux
;
ensorcerer,
ensor-
celer,
en
dpit
du
mot
sorcier
;
esquarterer,
quarteler,
malgr
le
mot
quartier.
Bononia,
avec deux
n,
a
donn
Boulogne.
Il existe des
dissimilations
qui s'exercent
rgulirement
dans
un
domaine
fort tendu
;
ainsi
le
grec
et
le
sanscrit
changeaient
en
explosives
simples
les
explosives
aspires
quand
la
syllabe
suivante
com-
menait
par
une
aspire
: grec
tithmi,
je
pose, au
lieu
de
thithmi.
Cette
loi
tait constante.
Il
en
tait de
mmo
en
latin
de
la
dissimilation de deux
/
conscutifs
:
le
suffixe
-alis
de
navalis, etc.
devient
-aris
dans
solaris.
consularis, etc.,
au
lieu de
solalis,
consulalis.
B.
Causes
des
transformations
lentes et
gnrales.
1.
Ces
sortes de
changements
constituent,
comme
nous
l'avons vu,
une
partie
essentielle
de
l'volution
des
sons.
Pour
expliquer
leur
apparition,
on
a
song
tout
d'abord
l'action
de
Y
euphonie
:
le
souci,
mme
inconscient,
de bien
parler
porterait
les
hommes
choisir
d'instinct
les sons
les plus
harmonieux
et
les
substituer
d'autres,
dont
l'audition
serait
moins
agrable.
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2.
Cette
proccupation
d'ordre
esthtique
ne
peut
tre
considre
comme
une
des causes
gnrales des
change-
ments
phontiques.
Rien
n'est
plus
variable en effet,
rien
n'est
plus
relatif
et plus
individuel
que le sentiment
de
la beaut
des
sons.
Dans
l'apprciation
que
nous
portons
sur
le
langage, nous ne nous laissons
point
guider
par
sa
sonorit
relle, par
son
harmonie intrinsque
:
nous obissons
la
tyrannie
de
l'habitude, et
les
sons
les
plus
recommandables
nous
paraissent,
sans
conteste
possible,
ceux
que
nous
entendons
et
que nous
mettons
tous
les
jours.
Nous considrons les autres
comme
inso-
lites,
bizarres,
dplaisants,
parfois
mme
comme
gro-
tesques.
Ainsi
des
mots
congolais,
tels
que
Arouwimi,
Lou-
loualaba,
Monitikira,
Oua-Manyma,
etc.,
nous
tonnent
par
la
succession
de
leurs
voyelles,
alors
que
l'accumula-
tion
des voyelles augmente en
gnral
la
sonorit
et
l'harmonie
des
mots.
Les
voyelles
nasales,
si
frquentes
dans
la
langue
franaise, ne sont
pas sans
choquer cer-
taines
oreilles
trangres,
qui leur
prfrent
les voyelles
pures
de
l'italien ou de
l'espagnol
:
les nasales
contri-
buent
en
effet
assourdir
le
son
(1).
Nanmoins
les
mots
franais
produisent
sur
nous
un
effet
ridicule,
quand
nous
les
entendons
dire sans
nasalisation,
dans
les
dia-
(1)
Le
pote
ou
le
musicien
peuvent sans
doute
en
tirer des
effets
prcieux
;
cf.
par
exemple
les
vers
suivants
:
Avec des
grondements
nue
prolonge
un
long
rle
(Heredia).
Quelle
est
l'ombre
qui
rend
plus
sombre
encor
mon
antre
?
(Heredia).
A l'heure
o
dans
les
champs
l'ombre
des
monts
t'allonge. (Hug
Le
Mon
qui
jadis
au
bord
des
flots
rdant
Rugissait
aussi
haut que
l'Ocan
grondant.
(Hugo).
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l'allemand
strauch,
demande
un
effort de
plus
que
5/
dans
stern.
Inconsciemment,
nous
serions
tents
de
rendre
ces
sortes
de
groupes
plus
commodes
prononcer.
Ainsi
se justifierait
le
passage
des
deux
consonnes
et
du
latin
octo
au
/
long
de l'italien
otto,
dont l'articulation
ne
demande
qu'une seule
position
des organes.
7.
Mais
la difficult
des
sons,
pas
plus que
leur
eupho-
nie,
ne
peut tre
soumise
une
mesure
absolue. Le
sen-
timent
que nous en
avons
varie,
suivant
que nous
apprcions
notre
langage
ou
une
langue
trangre.
En
gnral, les
sons qui
nous
semblent
faciles
appartien-
nent
aux
mots dont
la prononciation
nous
est
familire.
L'habitude,
cette fois
encore,
rgle notre opinion.
Les
associations
de consonnes, si
frquentes et
si
touffues
dans
les langues
germaniques,
font sur les
Allemands,
sur
lts
Nerlandais,
etc.,
l'impression
d'tre
au
moins
aussi
aises
que
certains
sons
simples des
langues
latines
:
cf.
les
mots
nerlandais
schrijven,
allemands
schwin-
gungen,
zpfchen,
zwtschern,
ansichtsturm, etc.
8.
D'ailleurs,
les
sons nouveaux,
qui,
dans une
langue,
viennent
en remplacer
d'autres,
apparaissent
souvent
plus
compliqus
que
les anciens.
Ainsi, les
consonnes
explosives
manifestent
une
tendance
s'adjoindre
une
aspiration
parasite
:
p,
dans les
langues
germaniques,
devient
ph;t
=
th,
etc.
;
ces
groupes
s'alourdisstiit
encore
jusqu'
se changer
en
pj
: cf.
l'allemand
pierd,
du
latin
paraveredus,
en
nerlandais
:
paard
;
th
devient
ts
: le
mot
tard,
prononc
par
un
Danois,
sonne
comme le
mot
tzar.
C'est
un
changement
de ce
genre qui
a
boulevers
autrefois
le systme
phontique de
l'allemand :
il
y
a
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introduit l'ensemble
des phnomnes
runis
sous le
nom
de
zweite
lautverschiebung.
Des
mots qui,
jadis,
commenaient
par
des
consonnes
non
aspires,
ainsi
que
le
tmoignent
le gotique
et les
autres dialectes,
sont
devenus en
haut allemand
: zahn
(1)
:
got.
tunthus
;
zunge
: anglais longue
;
zhlen
:
anglais
tell,
nerlandais
taal
;
pfund
:
anglais
pound
;
pfau
est
emprunt
au
latin
pavo
(paon).
9.
On
prtend
parfois
que les
conditions
climatriques
ont
un
retentissement
sur
le
langage,
parce qu'elles
influent
sur l'tat physiologique
des individus.
On ne
peut
nier
de
prime
abord
cette
action, mais
on
prouve
une grande
difficult
en
trouver
des
exemples
certains.
Peu
d'entre
ceux qui ont t signals
rsistent
la
cri-
tique.
Le son
r
roul,
c'est--dire
pourvu
des
vibrations
nergiques
de
la
pointe
de
la
langue
ou
de
la
luette,
s'entend d'ordinaire
dans les
campagnes, tandis
que,
dans
les
grandes villes,
il cde
la
place
une
r
beaucoup
moins
sonore
:
les
roulements
de Yr
seraient, dit-on,
ncessits
par
le
besoin
de
se
faire mieux
entendre tra-
vers
champs,
de
longues
distances.
Il
a
paru plus
vraisemblable
d'attribuer
aux
poussires
du
dsert,
la
crainte
de les
respirer,
la
prdilection
que les
Arabes
montrent
pour les
laryngales
:
ces sons,
trs
rauques,
sont articuls