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#FREEYOURORGANS
Campagne de l’association France ADOT, 2015Étude réalisée par Margot Miossec, Léna Ollivier et Eva Poncet — Avril 2016
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne — Master 1 Direction de projets ou établissements culturels
Source : Fédération France ADOT & l’Agence FCB Paris
2#freeyourorgans — 2016 — Conception
ENTRETIEN CONCEPTION
Pouvez-vous vous présenter ?
J.T : Je m’appelle Jérémy Treccani. Je suis directeur artistique chez FCB Paris. Mon métier consiste à m’occuper de l’image et des concepts dans la publicité.J.R : Je m’appelle Julien Rotterman. Je suis directeur de la création chez FCB Paris. Mon rôle consiste à diriger la création et d’être créatif.
Qui est à l’origine de cette campagne ?
J.T : La démarche vient de l’agence. L’association n’avait pas de demande précise. Elle avait besoin de communiquer autour de l’association et de leur cause. Aujourd’hui, le seul moyen de se faire entendre par rapport aux lois, c’est d’avoir la carte de dons d’organes. L’objectif était que les gens prennent leur carte. À partir de là, nous nous sommes informés sur le sujet. Plusieurs personnes ont travaillé sur la question suivante : « Comment dédramatiser le don d’organes ? ». Nous nous sommes rendus compte que c’est un sujet extrêmement tabou car le don d’organes est un sujet glauque. Ainsi, nous avons décidé de prendre le parti inverse et d’al-ler vers quelque chose de plus cool et décontracté. Nous souhaitions une campagne ludique pour tout le monde. Nous avons donc imaginé des organes emprisonnés qui tentent de s’enfuir. Cette affiche représente l’avis de recherche de cette fuite. »
Qui étaient les autres intervenants dans ce projet ?
J.R : J’étais le directeur de création. Jérémy et Baptiste constituaient l’équipe créative et étaient accompagnés de l’illustrateur Corentin Lecourt. Céline Pilicer était la commerciale de ce projet. Elle était en lien avec l’association et s’assurait que tout se passait bien avec le client. Il y avait aussi l’équipe de production pour le film. Avez-vous eu carte blanche ?
J.R : Comme nous travaillions pour une association, nous travaillions gratuitement. Contraire-ment aux autres clients, nous demandons alors un peu plus de liberté. C’est pour cela que nous leur avons proposé d’animer de petits personnages.
Quels étaient la cible et les objectifs de cette campagne ?
J.R : Nous ciblons les jeunes. C’est pour cette raison que nous avons essayé de faire de la publicité autrement, en créant des tee-shirts ou en ajoutant un packaging sur la carte de don-
Julien Rotterman (J.R) directeur de la création et Jérémy Trecca-ni (J.T) directeur artistique, chez l’agence FCB Paris, interviewés en avril 2016.
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neur par exemple. Ce n’était pas le but premier mais nous souhaitions que la cible diffuse les produits dérivés sur les réseaux sociaux comme Instagram. Nous souhaitions étendre le sujet car cette cause n’est pas visible sur certains réseaux sociaux. J.T : En stylisant la carte de donneur, l’objectif était d’être heureux de montrer sa carte mais surtout d’être donneur. Au-delà de la cause, on a envie d’avoir la carte.J.R : Peu de personnes faisaient la démarche de publier sur les réseaux sociaux. Générale-ment, les gens qui publiaient des photos sur les réseaux sociaux étaient principalement des personnes malades qui remerciaient leur donneur. Or, avec cette campagne, les gens se pre-naient en photo avec leur carte et écrivaient « À vous de faire la démarche. À vous de donner. ». L’idée était de rendre les gens fiers de donner leurs organes et ainsi d’abaisser les tabous. En créant les tee-shirts, nous souhaitions que les gens se baladent dans la rue en disant “Je suis donneur d’organes”.
Y a-t-il eu des dérives au cours de ce projet ?
J.R : Dès le départ, nous avions un but précis. Nous voulions être ludiques, joyeux, simples grâce au cartoon. La dérive était donc difficile.J.T : Après cette campagne, nous en avons réalisé une deuxième pour la journée internatio-nale du don d’organes. Cette fois, nous avons pris le chemin inverse. Le but était de choquer les gens mais surtout d’ouvrir le débat sur le don d’organes. Nous avons vendu un rein sur eBay dans le but de créer un “badbuzz” pour qu’il devienne ensuite un “goodbuzz”. On com-prend que c’est une association qui l’a vendu elle-même pour faire parler d’elle. L’objectif était de dire que si les gens ne donnent pas leurs organes, des gens vendent leurs organes parce qu’ils ont besoin d’argent. Au-delà d’une démarche visuelle, aviez-vous vraiment une démarche sociale ?
J.R : Oui, bien sûr. On ne peut pas dissocier le fond de la forme. On commence par trouver le fond, la forme vient par la suite. D’ailleurs, le fond est plus important que la forme.J.T : Pour nous, la forme est une histoire d’exécution, c’est-à-dire une finalité. On se demande comment véhiculer le message de la meilleure façon. Pouvez-vous expliquer le processus de création de cette affiche ?
J.T : J’ai commencé par dessiner des petits personnages avec un rédacteur. L’idée de base était que des organes s’échappent d’un corps. Ensuite, Julien et l’illustrateur Corentin Lecourt sont intervenus pour nous guider et savoir si on pouvait le développer sur plusieurs médias. Nous nous sommes inspirés de l’affiche de Usual Suspect avec des organes qui sont pris en photo sur le mugshot. Ensuite, nous avons pensé à leur donner des noms, comme dans un dessin animé. Il y a Serge le poumon pour Serge Gainsbourg, Michel le cœur pour Coluche, Gérard le foie pour Gérard Depardieu et les deux jumeaux sont Jérémy et Bastien. Nous avons ainsi ajouté de petits “caméo”. Avez-vous choisi ces organes parce qu’ils sont les seuls que l’on peut greffer aujourd’hui ?
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J.T : Non, ce sont les seuls organes que l’on peut prendre directement lorsque l’on vient de décéder. Après, il reste les yeux mais c’était plus compliqué car on prend seulement la cornée. On a voulu prendre des organes vraiment représentatifs du don d’organes et, surtout, ceux qui sauvent des vies. Il y a aussi les dons faits de son vivant, mais nous nous sommes focalisés sur ces organes pour ne pas brouiller le message et se concentrer sur la prise de la carte de dons. En effet, lorsque l’on vient de décéder, il est possible de donner ces organes grâce à cette carte mais ce n’est pas un don de son vivant. C’est un peu un point de départ qui peut ensuite porter une réflexion sur le don de son vivant. Selon vous, pourquoi l’association vous a-t-elle choisi ?
J.R : Je pense que la directrice connaissait la présidente de l’agence. De plus, ce genre de projet fonctionne beaucoup grâce au réseau car c’est une campagne gratuite. L’association avait besoin de communiquer et est venue nous voir. La démarche peut être inversée, c’est-à-dire que nous pouvons avoir une idée et la proposer à l’association. Quel est l’intérêt de travailler gratuitement pour une association ?
J.R : Premièrement, travailler pour une association donne toujours une bonne image pour l’agence. Ensuite, nous sommes plus libres dans la création par rapport à d’autres projets. Cela nous permet d’arriver à vendre de bonnes créations, ce qui est plus difficile avec de vrais clients. Il y a beaucoup de clients qui réfléchissent en terme de retour sur investissement, en se disant “Si je mets autant d’argent, il faut que je récupère tant. Nous n’y arriverons pas si on fait un projet créatif”. Ce n’est pas forcément vrai. Enfin, nous avons la possibilité de gagner des prix dans les festivals publicitaires avec les créations pour des associations.
Avez-vous fait plusieurs propositions pour cette association ?
J.R : Nous avons proposé cette idée et ils ont adoré.
L’illustrateur ne vous a fait qu’une seule proposition ?
J.T : Très touchés par la cause, nous avions très envie de travailler sur ce projet. Nous avons travaillé pendant plusieurs semaines avec Corentin Lecourt sur le character design. Nous avons quand même fait plusieurs aller-retour en interne pour présenter au client en disant “c’est ça qu’on a en tête, est-ce que ça vous plaît ? »
Combien de temps a duré cette campagne ?
J.R : La campagne a été réalisée en un petit peu moins d’un mois. Pour le film, nous avons mis une journée pour tourner. Il y a un animateur qui a travaillé dessus pendant un week-end. La post-production a duré 4 jours. J.T : La réalisation devait être rapide car nous avions une date limite. Tout devait être prêt avant juin. Pour que les gens en entendent parler, il fallait déployer tous nos médias.
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Quels ont été les retours sur la campagne ?
J.R : L’objectif était que les gens prennent la carte de don. Après cette campagne, il y a eu environ 80% de prise de cartes en plus. La campagne a très bien fonctionné. Nous avons eu beaucoup de retombées Relations Presse, à la télévision, à la radio, en presse, blog, etc.J.T : Comme je le disais tout à l’heure, nous avons eu pas mal d’images de gens qui se pre-naient en photo avec la carte sur Instagram. Sur ce type de réseau social, il y a énormément d’interactions en chaîne. Dès qu’une personne « aime » l’image, cela signifie que quelqu’un d’autre l’a vue. Nous allons demander à des élèves de 3ème d’interpréter votre affiche. Si vous étiez à leur place, quelle lecture de l’image feriez-vous ?
J.T : En terme d’agencement, nous nous sommes basés sur l’affiche d’Usual Suspect, c’est la référence de base. Le film date d’il y a une vingtaine d’années, je pense que les collégiens auront plus de mal à la reconnaître. Les organes sont en position centrale afin que l’on ait vraiment le regard sur eux. Les couleurs principales sont rouge, rose, violet et magenta. Nous avons utilisé des tonalités très neutres dans le fond afin de mettre en avant les organes. Si tu plisses bien les yeux, la ligne d’organes et la carte sont les deux choses qui ressortent. »J.R : Nous avons choisi aussi nos visuels en fonction des questions qui en découlent. C’est aussi pour cette raison que nous avons pris le don d’organes, car c’est très important d’en par-ler. Il faut que les jeunes soient au courant. Il faudrait leur dire qu’il ne faut jamais dissocier le fond de la forme. Ce n’est pas suffisant de demander à quelqu’un “Qu’est-ce que ça t’évoque visuellement, etc.”.Il existe des visuels sans texte qui fonctionnent très bien. Ici, si on ne lit pas le texte, on ne peut pas comprendre l’affiche. Le visuel est là pour attirer l’œil et donner envie de comprendre. Selon vous, quelle est la réaction des gens face à cette affiche ?
J.R : On souhaite qu’ils s’intéressent au message de l’association. La forme est là pour les in-téresser. Avec cette étude, ils vont entrer dans chaque personnage et les interpréter. La couleur bleu fait référence au logo.J.T : Pour nous, cette affiche est simple en terme de compréhension visuelle car c’est du des-sin animé. Je pense qu’un enfant ne va pas avoir la même vision qu’un adulte. En fonction de ses origines et de sa religion, je pense que chaque personne réagira différemment face à cette image.
Pourquoi avoir choisi la typographie grasse ?
J.T : Nous avons choisi une typographie ronde et grasse afin que le message soit impactant. Généralement, lorsque tu utilises une typographie fine, c’est pour que ce soit plus élégant, plus esthétique. Pensez-vous que l’éducation à l’image soit importante ?
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J.R : Nous sommes influencés par l’image du matin jusqu’au soir. Il est important de savoir décrypter une image. Vu le contexte actuel, l’éducation à l’image est réellement un sujet à dé-velopper.J.T : À l’époque, il y avait tout de même un équilibre entre les mots et l’image. Aujourd’hui, tout le monde prend des photos, fait des films. Tout le monde se sert de l’image, sans connaître sa portée, sa force, sa dangerosité, etc. L’interprétation est donc très importante.Les enfants ont une plus grande imagination. L’éducation à l’image n’est pas innée. Ils peuvent avoir aussi accès à des choses qui sont dangereuses visuellement et très difficiles à interpréter. C’est donc très important de décrypter, de connaître pour appréhender.
Où cette affiche a-t-elle été diffusée ?
J.T : La diffusion a été offerte par les médias. Nous avons eu de l’espace gratuit dans les journaux Libération, le Monde et Le Parisien. JC Decaux nous a offert l’affichage un peu par-tout en France. Nous avons pris à notre charge la production et diffusion des tee-shirts et du film.
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Élève 2 : Il y a quelques mois, j’avais déjà vu cette affiche dans un hôpital. Ma première réac-tion a été l’étonnement du fait que les organes soient personnifiés. Je l’ai trouvée plutôt acces-sible car c’est un dessin et non pas une photographie.
Quel sentiment aviez-vous ressenti en voyant cette image, ce film ?
Élève 1 : Je ressens de la tristesse mais aussi l’envie de la partager. Enfin, j’avais envie d’iden-tifier les différents organes.
Pouvez-vous me décrire cette campagne ?
Élève 1 : Cette image est sur un fond blanc. Au premier plan, il y a cinq organes : la prostate, les poumons, les reins et le cœur. Ces organes ont été personnifiés devant des barreaux de prison ajustés à la taille de chaque personnage. On a l’impression que les organes sont en train de se mesurer. Les organes sont en réalité des criminels qui sont pris en photo. En bas de cette affiche, on trouve un petit écriteau. En haut de cette affiche il est noté « #FreeyourOrgans».Élève 2 : C’est une affiche publicitaire en rapport avec le milieu médical. De plus, les organes me font penser au don d’organes. Les organes sont personnifiés. Comprenez-vous cette affiche de la même manière que lors du premier visionnage ?
Élève 2 : Grâce à la phrase « #FreeYourOrgans. », on comprend que cette publicité incite les personnes à faire des dons d’organes.Élève 4 : Les barres signifient que les organes sont emprisonnés. Le rein, la prostate, les pou-mons et le cœur. Je pense que ce sont des organes très recherchés.Élève 2 : On comprend l’image mais on pourrait imaginer un sujet totalement différent. À part la petite phrase et les organes, il n’y a pas forcément d’autres indices pour nous prouver que c’est une affiche pour le don d’organes. Je pense qu’il aurait fallu d’autres éléments pour ouvrir le sujet.Élève 1 : Même s’il y a des organes, l’histoire n’est pas directe. On nous montre des organes mais, mise à part la phrase, on ne nous dit pas ce qu’il faut faire. La carte nous parle de don d’organes mais il manque quelque chose.
Penses-tu que le texte aurait suffi pour comprendre cette publicité ?
Élève 2 : On aurait très bien compris avec seulement le texte du bas de l’affiche.Élève 5 : Je pense que l’image permet d’attirer plus de personnes. S’il n’y avait que le texte, les
ENTRETIEN RÉCEPTION — FOCUS GROUPE
Élèves d’une classe aménagée de Musique de 3e, du collège de Thiais, interviewés en avril 2017.
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personnes passeraient devant mais ne prendraient pas forcément le temps de la lire.Élève 1 : Le dessin va attirer les adolescents alors que le texte va attirer les adultes. Qui communique à travers cette image ?
Élève 6 : Les médecins ou les personnes atteintes de cette maladie ou ceux qui sont dans le besoin. Je pense que c’est aussi relié au Ministère de la Santé. Quel est le public visé ?
Élève 2 : Les organes dessinés et la présence d’un hashtag permet d’affirmer que cette affiche vise une catégorie jeune comme les adolescents.Élève 3 : C’est une affiche pour les enfants car les organes paraissent moins glauques. Selon vous, quelles sont les réactions attendues ?
Élève 5 : En réalisant cette affiche, ils attentent que les gens fassent des dons. Il n’y a certai-nement pas assez de dons. Les personnes atteintes ne peuvent pas être sauvées.Élève 1 : Je pense qu’ils ne cherchent pas à choquer les gens mais à les inciter à aller sur le site pour se renseigner. Pensez-vous que l’image corresponde au message ?
Élève 1 : Oui, sauf pour les barreaux de prison. Tous les enfants ne regardent pas Esprits Criminels. Ce n’est pas forcément clair pour eux.Élève 5 : Au début, je n’avais pas compris le rapport avec les barreaux de prison. J’ai compris à partir du moment où on me l’a dit. Comprenez-vous le hashtag ?
Classe : Oui, cela veut dire « Libérez vos organes ». Comment trouvez-vous cette affiche ?
Classe : Les couleurs sont bien. Le foie me fait penser à un éléphant. Le cœur, on dirait une fraise. Les reins ressemblent à des haricots.
Comment améliorer cette affiche ?
Élève 2 : J’aurais vu un cadenas ou des chaînes plutôt. Ou alors, j’imaginerais des organes habillés en noir et jaune.Élève 1 : J’imagine une affiche plus choquante pour culpabiliser les gens et les interpeler. Par exemple, on pourrait mettre des personnes à l’agonie avec le ventre ouvert sans organes. De cette manière, les gens s’arrêteraient devant cette affiche.Élève 3 : Je mettrais un lit d’hôpital avec un organe et une bouteille d’oxygène qui le relie à sa
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bouche. Quelles affiches vous font vous arrêter dans la rue ?
Élève 1 : Les affiches choquantes ou celles que l’on a déjà aperçues auparavant. Pensez-vous que cette campagne de communication est utile ?
Classe : Oui, car les personnes en ont besoin.Élève 8 : J’ai personnellement demandé à être donneuse d’organes. Je pense que les gens devraient y penser car après notre mort, nos organes peuvent servir à d’autres personnes. En dessinant ces personnages, quelle était la réaction recherchée ?
Élève 4 : La réaction souhaitée est de réfléchir au don d’organes et d’inciter à faire des dons d’organes.Élève 1 : Étant donné que ce sont des dessins, on peut imaginer que le donneur d’organes peut sauver la vie d’un enfant. Pensez-vous que des gens de votre âge peuvent agir pour cette cause ?
Élève 1 : Ils ne nous écouteront pas vraiment. Pensez-vous voir les images de publicité autrement ?
Élève 2 : Cela dépend si l’image m’attire. Par exemple, en ce moment, on retrouve beaucoup d’affiches sur le SIDA qui me choquent. Pensez-vous que l’école doit augmenter l’éducation à l’image ?
Élève 4 : Oui évidemment. Il faudrait commencer dès le collège ou en cours d’histoire de l’art une fois par mois.Élève 1 : Je trouve qu’il devrait y avoir plus d’interventions comme la vôtre. Par exemple en 5ème , on a travaillé sur la cigarette, en 4ème sur la drogue et le SIDA. Il devrait y avoir plus d’interventions de ce genre parce qu’on ne connaissait pas. Les publicitaires souhaitent étendre cette campagne sur les réseaux sociaux. Ça conforte votre idée que cette affiche cible les jeunes ?
Élève 2 : Les personnes plus âgées utilisent moins les réseaux sociaux. Les jeunes ont tous le temps le téléphone à la main. De plus, la typographie sur la carte me fait penser à « Je suis Paris » et « Je suis Syrie ». Est-ce que cette affiche doit être choquante pour s’adresser aux adultes ?
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Élève 1 : Oui, je pense.
Est-ce qu’une image de ce genre a sa place dans un journal comme Le Monde ?
Élève 2 : Non, car Le Monde est un journal intellectuel. Cette affiche aurait sa place dans un journal comme Le Parisien. Dans un quotidien comme Le Monde ou Libération, des dessinateurs viennent illus-trer les articles par des dessins. Finalement, cette affiche peut entrer dans le thème du Monde. Que pensez-vous du film de cette campagne ?
Élève 1 : Je trouve le film vraiment choquant.Élève 2 : Personnellement, j’aurais préféré voir seulement l’affiche car je trouve l’image plus parlante. Que signifie cette affiche ?
Élève 1 : Le fond de prison signifie que les organes ne sont pas libres. Cette affiche veut faire passer le message que ces cinq organes se font rares et sont donc très recherchés. Ainsi, l’objectif est de réaliser un don d’organes. De plus, en mettant le site en gros tout en haut, cela nous incite à aller voir ce site, à être curieux et même à pouvoir donner un de ses organes.Élève 3 : Selon moi, sa signification principale est de montrer que, peu importe la taille de l’or-gane, ils sont tous importants. Cette affiche incite les gens à parler du don d’organes.Élève 4 : Sa signification principale est d’inviter les gens à donner leurs organes. Cependant, ils ont besoin d’organes de taille précise car les gens qui en ont besoin ont des tailles particu-lières.
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Sollicitée par l’association France ADOT, l’agence FCB Paris a réalisé la campagne de publicité « Free Your Organs ». Ils ont choisi de créer une histoire avec des personnages représentant les organes. Ils ont personnifié cinq organes sous la forme de personnages de cartoon. Ils ont opté pour ce langage universel afin de pouvoir toucher toutes les catégories d’âges ou d’ori-gines sociales.Pour réaliser cette campagne de communication, les publicitaires n’ont pas reçu de contraintes précises de la part du commanditaire et ont ainsi pu laisser libre cours à leur imagination. L’objectif était de dédramatiser le don d’organes et d’inciter les gens à prendre leur carte de donneur. Ainsi, l’agence FCB Paris souhaitait toucher le plus de monde possible avec un visuel sympathique et agréable à regarder.
La campagne a réussi à augmenter le nombre de cartes de donneur, surtout pour le public de 20 à 35 ans. Malgré la simplicité du dessin et sa compréhension rapide, l’affiche n’a pourtant pas convaincu les collégiens.
En effet, un public adolescent est aujourd’hui habitué à vivre dans une société où l’image est omniprésente. Ils ont besoin que le visuel soit la première chose qui leur parle afin de com-prendre le plus vite possible l’essentiel du message. Pour les publicitaires, il est indispensable de penser d’abord le fond (le message) et de le traduire par la forme (le visuel). Or, les récep-teurs sont accaparés par la forme qui doit leur parler très rapidement au risque de s’en désin-téresser tout aussi vite.
Pour cette campagne, les publicitaires ont pensé le travail dans un ensemble où chaque sup-port fonctionne les uns avec les autres afin que le message soit compris à travers une unité cohérente. Or, c’est une diffusion fragmentée, sur différents supports, qui a été mise en place, et il est très rare de pouvoir observer l’ensemble de la campagne d’un même mouvement. De ce fait, chaque support se retrouve destiné à un type de public et cela peut alors limiter le public touché et la compréhension qu’en fait ce dernier. L’affiche présentée à la communauté de ré-ception est celle qui a été diffusée dans la presse écrite, en particulier Le Monde ou Le Parisien. La quantité de supports différents qui ont été offerts par les médias montre tout de même que ces derniers soutiennent la cause et ont également les moyens d’offrir des espaces de diffusion importants.
Notre entretien avec les élèves de troisième d’un collège de Thiais nous a montré que la mise en place d’une idée globale est souvent un travail délicat. Bien qu’aucun d’entre eux n’aient émis la moindre hésitation à déterminer le sujet de l’image et son ambition finale, les choix faits par les publicitaires semblaient manquer de clarté. Ils se sont tous accordés pour dire que l’em-
ANALYSE ET SYNTHÈSE DES MÉDIATEURS
12#freeyourorgans — 2016 — Réception
ploi de dessin permettait d’intéresser un plus large public, bien que très axé sur la jeunesse. En effet, cette esthétique, peu utilisée dans le domaine de la publicité, permettait d’accrocher un public plus jeune. Cependant, l’emploi du cartoon, le caractère « gentillet » des personnages et la simplicité qui s’en dégageait, ne leur semblaient pas répondre correctement à l’urgence de la campagne : sensibiliser au don d’organes. Les élèves ont affirmé que le cartoon et les personnages fictifs ne parviennent pas à impliquer réellement le spectateur car ils ne trouvent aucune accroche dans le réel. La publicité ne crée pas le « choc » nécessaire pour interpeller réellement le public sur la nécessité du don d’or-ganes. Il est possible de comprendre son but – celui de traiter du don d’organes et du manque de donneurs – mais l’image ne permet pas de dire aux gens qu’ils sont tous concernés par le don.L’image comporte aussi une indication écrite. Le hashtag, utilisé sur les réseaux sociaux, per-met de mettre en exergue l’idée et les mots importants d’une publication. Le hashtag #Freeyou-rOrgans est apposé sur le haut de l’image, surplombant les personnages. La communauté de réception nous a fait remarquer que l’emploi du hashtag pour cette campagne de publicité était certainement un choix pour toucher un public de « jeunes », compris entre 13 et 35 ans. En effet, ils sont ceux qui sont le plus à même de comprendre la signification du « dièse » dans une affiche publicitaire comme celle-ci. Pourtant, le hashtag #FreeyourOrgans n’est pas suffisant pour éclaircir le propos de l’affiche de campagne. Selon les collégiens, un texte de sensibilisa-tion aurait dû accompagner l’image. Ce texte aurait appuyé le cartoon et touché un plus grand nombre de personnes sur l’urgence du don d’organes en France. Selon FCB Paris, le genre cartoon est attractif pour tous les publics, sans distinction d’âge, car souvent empreint d’humour et facile à comprendre. Le groupe de collégiens rencontrés n’était pas du même avis. D’après eux, le genre cartoon est destiné aux enfants, éventuellement aux jeunes de leur âge, mais n’interpelle pas les adultes et personnes âgées. Ils ont aussi émis l’impression de ne pas être invités à s’impliquer dans la cause. En effet, la légèreté et la non réalité dont le style cartoon fait preuve empêcherait une identification à ce qui est représenté et, de fait, empêcherait de se sentir impliqué. Il semblerait plutôt que le visuel ait été regardé comme l’affiche d’un divertissement et non d’une cause humaine. C’est au contraire un visuel plus “choc”, plus réaliste, représentant des personnes dans le besoin, qui aurait, selon eux, mieux fonctionné. En revanche, la retranscription des interviews témoigne de l’insistance de lire les textes présents sur le visuel pour comprendre cette affiche. Le texte est capital dans la compréhension du message. Ce support publicitaire aurait mieux atteint ses objectifs par une présence accrue de textes.Il est toujours étonnant de constater le fossé entre les intentions - introduites dans un objet pour parvenir à un but très précis - et la perception de cet objet par l’extérieur. Les choix effectués pour représenter une idée étant très subjectifs, il est souvent très difficile de parvenir à mettre en place un langage universel qui puisse toucher tout le monde. La volonté des publicitaires d’augmenter le nombre de prises de cartes de donneurs d’organes a très bien fonctionné grâce à cette campagne, mais celle de dédramatiser ce sujet par l’utilisation d’un nouveau vocabu-laire visuel n’a pas été efficace sur l’ensemble des publics visés.
13#freeyourorgans — 2016 — Synthèse et tableau comparatif
01L’item et son contexte
En 2015, l’association France ADOT a contacté les jeunes concepteurs de l’agence FCB Paris pour réaliser une campagne sur le don d’organes. Cette campagne intervient dans une re-cherche de sensibilisation des publics à la cause du don d’organes.
SYNTHÈSE ET TABLEAU COMPARATIF
02Communauté de production
Le don d’organes est un sujet des plus tabous. L’agence FCB Paris a donc choisi une esthé-tique de type cartoon dans le but de dédramatiser le sujet. L’objectif final était d’accroître le nombre de prises de cartes de dons et donc de donneurs d’organes.
03Communauté de diffusion
Les espaces de diffusion ont été offerts par les propriétaires des médias (le Monde, le Pari-sien ou JC Decaux). L’agence FCB Paris a pris en charge la diffusion des tee-shirts et du film. Enfin, les réseaux sociaux (en particulier Instagram) ont été le média le plus efficace puisque les personnes se prenaient en photo avec la carte ou le tee-shirt et provoquaient ainsi une réaction en chaîne. La volonté de l’agence était que les gens eux-mêmes constituent le média.
04Communauté de réception
Les élèves de la classe de troisième du collège de Thiais n’ont présenté aucune difficulté à la lecture de l’image. Ils ont rapidement établi une énonciation des éléments – cartoon, person-nification des organes, hashtag – qui leur semblaient être employés par les publicitaires pour toucher un large public sur la question du don d’organes. Cependant, les choix esthétiques adoptés par les producteurs manquaient de clarté. L’image cartoon ne leur paraissait pas assez puissante et, de fait, ne correspondait pas à sa cible.
14#freeyourorgans — 2016 — Synthèse et tableau comparatif
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ers
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gane
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s so
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rison
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libé
rés
pour
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.
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unau
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xièm
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tion
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clar
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com
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ensi
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loba
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m-
pris
onne
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org
anes
vi
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saire
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libé
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ins
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aiss
aien
t l’e
xist
ence
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cette
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tion
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inté
grée
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suel
pou
r sus
cite
r l’e
nvie
de
pren
dre
sa c
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de
donn
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d’or
gane
s.
La c
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est
mis
e su
r l’a
ffich
e en
rapp
el a
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e fa
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om-
pren
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le m
essa
ge q
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st
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cite
r les
gen
s à
pren
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cette
car
te d
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nneu
r.
La c
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ent
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oins
inté
ress
é la
co
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unau
té d
e ré
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Ils
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s.
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de la
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x où
les
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onne
s se
pre
naie
nt e
n ph
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ient
su
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r pro
fil.
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s si
gnes
pr
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grat
ion
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atio
n. T
oute
fois
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e pa
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e se
nsib
ilisat
ion
par l
e m
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timen
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icat
ion
cons
taté
.
exéc
uté
par l
’hum
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rtoon
et u
n te
xte
préc
is
L’af
fiche
tran
smet
le m
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sage
de
l’ass
ocia
tion
Fran
ce
ADO
T po
ur in
cite
r les
gen
s à
pren
dre
leur
car
te d
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nneu
r.
La c
omm
unau
té d
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rcep
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n a
com
pris
le m
essa
ge
trans
mis
par
l’af
fiche
san
s po
ur a
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t res
sent
ir un
e né
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ssité
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ir so
i-mêm
e do
nneu
rs.