Fiche 4 Le Pouvoir Reglementaire 2012 2013
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Fiche 4 : Le pouvoir réglementaire
L’organisation administrative de l’Etat
Il s’agit d’étudier ici l’administration directement soumise à l’autorité du gouvernement, en
vertu de l’article 20 de la Constitution.
Traditionnellement, on distingue l’administration centrale, compétente pour tout le territoire
et les services extérieurs (déconcentrés) qui ont une compétence territorialement limitée.
Remarquons la création de plus en plus importante, depuis le début des années 1970,
d’autorités spécifiques, les autorités administratives indépendantes, dont la nature est
ambivalente puisqu’elles sont à la fois parties intégrante de l’administration centrale, mais
qu’elles disposent d’une importante autonomie par rapport au gouvernement.
Section 1 L’administration centrale
Il convient de se référer aux articles 13, 20, et 21 de la Constitution pour déterminer les
compétences des différentes autorités administratives de l’Exécutif. Après avoir étudié les
attributions respectives des deux « têtes » de l’Exécutif que sont le Président et le Premier
ministre, nous envisagerons le rôle des ministres.
§1 Les attributions respectives du chef de l’Etat et du gouvernement.
A/ Les attributions du Président de la République
Le Président dispose d’un pouvoir réglementaire et d’un pouvoir de nomination. Ses
attributions sont considérablement étendues lorsque est mis en œuvre l’article 16 de la
Constitution.
Pouvoir réglementaire : il signe les ordonnances et les décrets délibérés en CM (art 13 de la
Constitution).
Les interprétations de l’article 13 par le Conseil d’Etat sont globalement favorables à la
compétence du Président.
En effet, dans l’arrêt Meyet du 10 décembre 1992, il considère qu’un décret délibéré en
Conseil des ministres, alors même que cette délibération n’était pas obligatoire, doit être signé
par le chef de l’Etat. En 1994, il pose le principe selon lequel un tel décret ne peut être
modifié que par un décret de même nature (CE, 23 mars 1994, Comité d’entreprise de la
Région Renault). Cela étend de façon contestable la compétence du Président de la
République sous la Cinquième.
Cependant, un décret délibéré en Conseil des ministres alors que cela n’était pas obligatoire,
peut prévoir sa modification ultérieure par un simple décret du Premier ministre (CE, 9 sept
1996, Collas).
Analyse des documents : Documents 8 et 9
En matière de pouvoir réglementaire, l’article 13 alinéa 1er
de la Constitution précise que le
Président de la République signe les décrets délibérés en conseil des ministres (contresignés
par le Premier ministre et, le cas échéant, par les «ministres responsables»), alors qu’en vertu
de l’article 21 alinéa 1er
de ce texte le chef du Gouvernement exerce ce pouvoir réglementaire
sous réserve de l’article 13 (avec des décrets non délibérés en conseil des ministres et
contresignés, le cas échéant, par les «ministres chargés de leur exécution» en vertu de l’article
22 du même texte). Le pouvoir réglementaire de droit commun appartient en conséquence au
Premier ministre, le chef de l’Etat ne recevant en la matière qu’un pouvoir réglementaire
d’exception.
La pratique élyséenne a néanmoins conduit les différents Présidents de la République, d’une
part à s’arroger le droit de signer des décrets non délibérés en conseil des ministres («décrets
présidentiels simples» selon la doctrine «Tricot» du nom du Secrétaire général de l’Elysée
sous le général de Gaulle), d’autre part à attirer en conseil des ministres des décrets alors
même qu’ils n’avaient pas à y passer. Ces comportements juridiquement contestables (les
décrets présidentiels étaient entachés d’illégalité en raison de l’incompétence du signataire
dans le premier cas, en raison d’un vice de procédure dans le second cas) ont été validés par le
Conseil d’Etat. Concernant les premiers, des arrêts Sicard (Ass.) et Syndicat national des
élèves-conseillers et conseillers au travail et à la législation sociale du 27 avril 1962 (mais
aussi CE 23 juin 1965, Syndicat des conseillers aux affaires administratives et Sieur
Brossard) ont affirmé «que s’il est constant que le décret attaqué n’a pas été délibéré en
conseil des ministres, la circonstance qu’il ait été néanmoins signé par le chef de l’Etat n’est
pas de nature à l’entacher d’illégalité, dès lors que le Premier ministre, investi du pouvoir
réglementaire par l’article 21 de la Constitution, y a lui-même apposé sa signature».
Concernant à l’inverse la seconde variété de déviation, la pratique comme la jurisprudence ont
longtemps été hésitantes. Les contreseings exigés pour un décret délibéré en conseil des
ministres étaient dans un premier temps ceux de l’article 19 de la Constitution alors même
qu’aucun texte n’imposait que le décret ait été ainsi attrait dans la compétence présidentielle
(CE Ass. 24 novembre 1978, Syndicat national du personnel de l’énergie atomique et autres,
et CE Sect. 12 juin 1981, Grimbichler et autres).
Tempéraments en raison de la situation de cohabitation :
Puis ont été exigés les contreseings de l’article 21 de la Constitution parce que rien n’imposait
le passage en conseil des ministres (CE 16 octobre 1987, Syndicat autonome des enseignants
de médecine). La signature du Président est en effet jugée «superfétatoire» et n’entache ce
faisant pas le décret litigieux d’incompétence puisque le décret du Président est requalifié en
décret du Premier ministre.
Le Conseil d’Etat a définitivement arrêté sa jurisprudence le 10 septembre 1992 par un
arrêt d’Assemblée Meyet et Galland dans lequel il offre une définition formelle du décret
en conseil des ministres, définition tautologique (un décret en conseil des ministres est un
décret qui est passé en conseil des ministres) pour déterminer la procédure à suivre. Il
n’est désormais plus nécessaire de s’interroger sur le point de savoir si le décret devait
ou non passer en conseil des ministres mais simplement sur le fait de savoir s’il est ou
non passé en conseil des ministres. Si le décret est passé en conseil des ministres alors
même que ce passage n’était pas prévu, il est légal et pourra ultérieurement être modifié
ou abrogé que par un autre décret en conseil des ministres (CE 23 mars 1994, Comité
d’entreprise de la Régie nationale des usines Renault et autres, et CE 27 avril 1994,
Allamigeon et Pageaux), sauf si ce décret prévoit lui-même que certaines de ses
dispositions pourront être modifiées par décret simple (CE 9 septembre 1996, Ministre
de la défense c/ M.Collas et autres).
La conséquence est importante. En effet, cela signifie qu’en raison de la pratique le président
est maître de la détermination de sa compétence. Il peut en effet, attraire un règlement à
l’occasion d’un passage inutile en CM tout en réservant la possibilité de maintenir ou de
déléguer la compétence pour sa modification postérieure.
CE, Labonne, 1919
Le requérant s’est vu retirer son certificat l’autorisant à circuler en automobile. Il conteste la
légalité du Décret de 1899 qui a institué 1) le régime d’autorisation 2) la possibilité d’un
retrait.
Le CE ici, estime que même en l’absence de disposition législative, la sécurité au niveau
nationale relève des pouvoirs propres du Chef de l’Etat au titre de son pouvoir de police qu’ils
tient de la constitution, compétence qui peut être complétée si nécessaire au niveau local.
Il est conféré ensuite au chef du gouvernement c’est à dire le Président du conseil sous la
Quatrième République (CE, Restaurant Nicolas, 13 mai 1960) puis le Premier ministre sous la
Cinquième (CE, Association cultuelle des israélites de France, 2 mai 1973).
Le Conseil Constitutionnel a consacré ce pouvoir dans la décision loi relative à la chasse de
2000 en se fondant sur les pouvoirs propres du PM ce qui lui permet d’avoir une compétence
générale et non dépendante de l’articulation des articles 34 et 37 de la Constitution.
Au-delà de la simple personne du Premier ministre, c’est en réalité tout le Gouvernement qui
dispose désormais d’un pouvoir réglementaire de police selon d’une part, l’arrêt de Section du
Conseil d’Etat du 22 décembre 1978, Union des chambres syndicales d’affichage («En
donnant compétence au législateur pour fixer les règles concernant les garanties
fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, l’article 34 de la
Constitution n’a pas retiré au Gouvernement les pouvoirs de police générale qu’il exerçait
antérieurement») et d’autre part, l’arrêt de ce même juge du 4 juin 1975 Bouvet de la
Maisonneuve («Il appartient au Gouvernement de prendre, en vertu des articles 21 et 37 de la
Constitution, les mesures de police applicables à l’ensemble du territoire»).
B/ Les attributions du Premier ministre
Il dispose d’attributions administratives très étendues.
En effet, en vertu de l’article 21 de la Constitution, il dirige l’action du gouvernement.
Il détient donc, sous réserve de ce qui précède, le pouvoir réglementaire :
Il s’agit aussi bien du pouvoir règlementaire d’exécution des lois que du pouvoir
règlementaire autonome. Les décrets non délibérés en CM n’ont pas à être signés par le
Président. Cependant, si ce dernier signe un tel décret, cela n’a pas pour effet de le rendre
illégal, dès lors que le Premier ministre l’a signé (CE, Sieur Sicard, 27 avril 1962).
Il contresigne tous les actes du Président de la République autres que ceux dont la liste figure
à l’article 19 (ce qui inclut les actes délibérés en Conseil des ministres).
L’article 22 de la Constitution impose le contreseing des décrets du Premier ministre par les
ministres chargés de leur exécution. Remarquons qu’ici le contreseing ne correspond pas à un
transfert de responsabilité politique, mais permet simplement une certaine coordination entre
les membres du gouvernement.
L’interprétation de la notion de « ministre chargé de l’exécution » a été précisée par le
Conseil d’Etat dans l’arrêt Sicard précité : il s’agit des ministres qui « ont compétence pour
signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comportent
nécessairement l’exécution du décret ».
Le non-respect de l’article 22 entraîne l’annulation de l’acte (arrêt Sicard précité).
La compétence du premier ministre ne se limite pas à la seule exécution des lois. Il est
également reconnu comme compétent pour édicter sur l’ensemble du territoire national les
mesures de polices nécessaires à la sauvegarde de l’ordre public ;
Ainsi en est-il de la réglementation relative au port du casque et de la ceinture de sécurité
(Document 2 : CE, 4 juin 1975, Bouvet de la Maisonneuve).
C/ Le rôle des ministres
Ils dirigent leurs départements ministériels respectifs et disposent, à ce titre, du pouvoir
hiérarchique.
Le Premier ministre leur délègue souvent un pouvoir de nomination (lorsqu’il n’est pas
directement attribué par la loi). En outre, ils affectent les personnels et exercent un pouvoir
disciplinaire.
Ils donnent des instructions (circulaires ou notes de service), ou bien des directives dont le
régime est un peu hybride.
Ils ne disposent pas, en principe, du pouvoir réglementaire. En réalité il existe à ce principe
deux exceptions :
- La première, assez ancienne, a été énoncée par l’arrêt Jamart du Conseil d’Etat du 7
février 1936. Dans cet arrêt le Conseil d’Etat rappelle que les ministres ne tiennent
d’aucune disposition législative un pouvoir réglementaire, néanmoins il appartient en
tant que chef de service (et non en tant que membre du gouvernement) d’adopter les
mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’administration placée sous leur
autorité dès lors que l’intérêt du service l’exige. Ce pouvoir « réglementaire
d’exception » est néanmoins encadré au seul service placé sous l’autorité hiérarchique
du ministre comme en témoigne la jurisprudence ALIS du 3 mars 2004. En effet,
l’instruction du ministre de la Défense en ce qu’elle rend obligatoire certaines
vaccinations participe selon le Conseil d’Etat à l’exercice de la fonction militaire, il en
conclut que le ministre n’a pas excédé sa compétence sur ce point.
- En revanche, il est incompétent pour procéder à une telle obligation au sein des
établissements de prévention ou de soins qui relève de la seule compétence du ministre
de la santé et du travail. Sur ce dernier point le Conseil d’Etat rappelle que les
ministres n’ont en principe pas de pouvoir réglementaire mais uniquement un pouvoir
d’instruction générale sur les services dont ils ont la charge.
- Un pouvoir règlementaire peut leur être expressément confié par la loi (ex : en
matière de réglementation des prix pour le Ministre de l’économie). Tel était le cas
dans l’affaire ALIS de 2004 en ce qui concerne les vaccinations obligatoires pour les
personnes exposées à des risques de contaminations dans des établissements de soins
en vertu de l’article L 3111-4 du code de la santé publique, mais au seul bénéfice du
ministre de la santé et du travail.
Section 2 Les autorités administratives indépendantes
- Des garanties d’indépendance des membres qui bénéficient d’une inamovibilité de fait
ou de droit et, en principe, d’un mandat non renouvelable.
- Le cumul d’un pouvoir réglementaire et d’un pouvoir de sanction
- La plupart du temps, elles n’ont pas la personnalité morale
La question de la constitutionnalité de la création de telles autorités a été posée pour deux
raisons. D’abord, s’agissant du pouvoir qui leur est, la plupart du temps reconnu, d’infliger
des sanctions administratives alors qu’elles ne sont pas formellement des juridictions ; ensuite
s’agissant du pouvoir réglementaire qui leur est conféré.
S’agissant de l’exercice de leur pouvoir de sanction
Dans la décision sur la loi relative au CSA du 17 janvier 1989, le Conseil Constitutionnel a
considéré que cette faculté n’était pas contraire à la Constitution, dès lors que les sanctions
adoptées ne sont pas privatives de liberté, et que les principes de la matière répressive sont
respectés au fond soit :
- L’absence de caractère automatique de la sanction.
- La proportionnalité de la sanction au regard de la gravité des faits reprochés.
- Le respect des droits de la défense (PFRLR)
En outre, la sanction doit être susceptible d’un recours de pleine juridiction. Ce recours sera
en principe exercé devant le Conseil d’Etat, qui veillera au respect des principes qui
précèdent. Notons que le législateur peut prévoir la compétence du juge judiciaire pour
exercer ce contrôle (Conseil Constitutionnel, 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence).
De surcroît, la Cour de cassation, puis le Conseil d’Etat, ont considéré que les autorités
administratives présentent, lorsqu’elles infligent des sanctions, le caractère de juridictions au
sens de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il en résulte leur
soumission aux exigences de cet article.
S’agissant de leur pouvoir réglementaire
La difficulté tient aux termes de l’art 21 de la Constitution : le PM exerce, sous réserve de
l’art 13 le pouvoir réglementaire. Ce pouvoir peut-il être délégué ? Le Conseil
Constitutionnel répond par l’affirmative, dès lors que cette délégation :
- Est prévue par la loi,
- S’exerce dans un domaine déterminé
- Se borne à permettre à l’autorité en question de mettre en œuvre la loi.
II/ L’obligation d’exercer le pouvoir réglementaire
1) la faculté de réglementer
a) Deux cas doivent être soulignés, lorsque le pouvoir réglementaire est autonome il exprime
une volonté et une opportunité politique, il ne saurait dès lors y avoir d’obligation. Seule les
exigences parallèle relevant de la transposition des directives semblent consacrées une
obligation :
Par ailleurs la loi ne faisant plus écran entre le directive et l’acte administratif le Conseil
d'Etat juge qu’une disposition législative ne peut justifier le refus d’adopter les mesures
réglementaires répondant aux objectifs de la directive si elle est incompatible avec les
objectifs d’une directives (CE, Association ornithologique et mammologique de Saône-et-
Loire, 1999).
L’autre volet concerne la liberté de choix quant à la réglementation des services déconcentrés,
ainsi en est il de l’exercice du pouvoir réglementaire limité des chefs de services (CE, 7
février 1936, Jamart). Il s’agit en réalité d’une illustration de la compétence liée.
b) En revanche, s’agissant de l’exercice de la réglementation de police les choses semblent
moins figées. L’autorité administrative a le devoir de prendre les mesures nécessaires à la
protection de l’ordre public, mais aussi d’assurer leur application effective. Toutefois, le refus
d’agir n’est illégal que dans le cas d’un péril grave (CE, Sieur Doublet, 23 octobre 1959). De
même, l'administration a l'obligation de s'assurer de l'application d'une réglementation
préétablie que ce soit pour une réglementation qui émane de l'autorité de police chargée de
son exécution (CE, sect., 14 décembre 1962, Doublet) ou même d'une autre (CE, sect., 14
décembre 1962, Doublet).
Le juge administratif exigeait cependant une faute lourde pour engager la responsabilité de
l’autorité de police en cas de carence (CE, Sieur Doublet, 14 décembre 1962). On notera que
les préfets exercent ce pouvoir au nom de l’Etat (art L2215-1 CGCT) dès lors que le trouble à
l’ordre public excède le territoire d’une commune (circulation des nationales hors
agglomération). Ils doivent se substituer au maire demeuré passif après une mise en demeure
(art L2215-1 CGCT). La jurisprudence semble assouplir la condition très restrictive de la
jurisprudence Doublet, ainsi l’arrêt du 8 juillet 1992, Ville de Chevreuve évoque « une gravité
telle que l’autorité ne pouvait s’abstenir sans méconnaître son obligation ».
En matière d’exécution des lois l’obligation d’exercer n’a pas une portée absolue, en effet le
juge administratif a dégagé une telle obligation mais uniquement en cas de dépassement d’un
délai raisonnable dans la nécessaire exécution des lois. Ainsi, l’arrêt association France nature
environnement prévoit une telle obligation sauf à ce que l’exercice du pouvoir réglementaire
ne contrevienne à un engagement internationale (ici invocabilité préventive de l’objectif d’une
directive). La détermination du délai raisonnable est variable il dépendra de la difficulté et des
circonstances. La jurisprudence semble néanmoins fixer un délai de 4 mois. Le juge peut alors
en raison de ses pouvoirs issus de la loi de 195 prononcer une injonction de réglementer.
Les hypothèses énoncées montrent une certaine variabilité de l’obligation, ici il serait faux de
parler d’une simple faculté en revanche l’obligation est nécessairement encadrée.
2) L’exercice du pouvoir de modifier la réglementation est différent, il repose sur le principe
de mutabilité des actes administratifs qui laisse un large choix à l’administration. Ainsi, la
jurisprudence Vannier du 2è janvier 1961, énonce la possibilité d’abroger un acte avant son
terme, voire même avant son entrée en vigueur. Cette faculté résulte du principe selon lequel
« nul n’a de droit acquis à la réglementation » même si le juge aménage ce principe en raison
des risques d’atteinte aux droits acquis des administrés en cas de retrait des règlements.
Par conséquent, l’exercice du pouvoir réglementaire dérivé ne repose que sur l’exigence
d’adaptation de la réglementation tel est particulièrement le cas lorsque est en cause la légalité
d’un acte. Comme on a pu le voir le retrait d’un tel acte est exceptionnel, en revanche la
jurisprudence est très exigeante en matière d’abrogation. De plus, selon un principe général du
droit dégagé en 1989, «l’autorité compétente saisie d’une demande tendant à l’abrogation
d’un règlement illégal, est tenu d’y déférer» (CE Ass. 3 février 1989, Compagnie Alitalia),
peu importe que le règlement ait été illégal dès son origine, ou qu’il le soit devenu par la suite
en raison d’un changement dans des circonstances de fait ou de droit.
Cette jurisprudence ne s’applique qu’aux règlements illégaux, ce qui explique que la
jurisprudence Despujol (CE Sect. 10 janvier 1930) ait été transposée aux actes non
réglementaires illégaux non créateurs de droits comme nous l’avons constaté. Surtout la
possibilité de prononcer une injonction sur demande du requérant permet de concrétiser une
telle obligation lorsque l’annulation concerne le refus d’abroger (CE, GISTI, 7 février 2003).
Il existe néanmoins un cas particulier lorsqu’ en réalité le pouvoir réglementaire dérivé
s’assimile au pouvoir réglementaire initial, ainsi le Conseil d'Etat a-t-il consacré une
obligation dans un délai raisonnable de modifier les dispositions réglementaires inadaptées à
un changement de réglementation sans pour autant consacré ici une obligation d’abrogation.
Ici l’exercice sera conditionné par le même délai raisonnable d’exécution de la loi (CE Ass,
28 juin 2002, Villemain).
3) Une obligation renforcée en matière de pouvoir réglementaire dérivé.
Une première spécificité ici, la jurisprudence Alitalia ne prévoit que l’obligation d’abroger le
juge refusant de fixer le contenu de la réglementation à adopter. Si bien que les requérants qui
obtiennent l’abrogation ne sont pas toujours satisfaits, bien souvent en effet le but est d’élargir
le domaine du règlement et non de le faire disparaître. Ici la contestation du refus d’exercer
est moins intéressante sur le plan contentieux que la demande d’abrogation d’un règlement
illégal. En effet, dans ce second cas les débats révèlent le contenu à adopter (au moins en
partie) ce qui réduit le cas échéant la marge d’appréciation du pouvoir réglementaire.
Le Conseil d'Etat renforce l'obligation pour le gouvernement d'appliquer les lois
Arrêt rendu par Conseil d'Etat, 29 juin 2011, Cryo-Save
Sommaire : Avec sa jurisprudence Dame Veuve Renard (CE 27 nov. 1964), le Conseil d'Etat avait affirmé
que le pouvoir réglementaire devait rendre applicable une loi dans un délai raisonnable.
Poursuivant son raisonnement, le Conseil d'Etat a estimé que le décret d'application qui
renvoie à un arrêté impose au pouvoir réglementaire d'intervenir là encore dans un délai
raisonnable.
Dans cet arrêt du 29 juin 2011, la haute assemblée affirme « que l'exercice du pouvoir
réglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l'obligation de prendre dans un
délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, hors le cas où
le respect d'engagements internationaux de la France y ferait obstacle ; que lorsqu'un décret
pris pour l'application d'une loi renvoie lui-même à un arrêté la détermination de certaines
mesures nécessaires à cette application, cet arrêté doit également intervenir dans un délai
raisonnable ».
a) Deux cas doivent être soulignés, lorsque le pouvoir réglementaire est autonome il exprime
une volonté et une opportunité politique, il ne saurait dès lors y avoir d’obligation. Seule les
exigences parallèle relevant de la transposition des directives semblent consacrées une
obligation :
Par ailleurs la loi ne faisant plus écran entre le directive et l’acte administratif le Conseil
d'Etat juge qu’une disposition législative ne peut justifier le refus d’adopter les mesures
réglementaires répondant aux objectifs de la directive si elle est incompatible avec les
objectifs d’une directives (CE, Association ornithologique et mammologique de Saône-et-
Loire, 1999).
En l'espèce, toutefois, le juge a estimé que le décret qui renvoyait à un arrêté était
suffisamment précis pour s'appliquer même en l'absence d'arrêté.
Section 1 La séparation des domaines de la loi et du règlement.
Les domaines de la loi et du règlement sont séparés par les articles 34 et 37 de la Constitution,
qui prévoit certains mécanismes de protection de cette séparation.
§1 les domaines respectifs
La loi se définit organiquement comme étant l’acte juridique voté par le Parlement.
Expression de la volonté générale, elle a longtemps été considérée comme la norme suprême
de l’Etat de droit.
La loi apparaît cependant désormais comme une norme en déclin. Cela tient à la conjonction
de trois facteurs :
- la concurrence d’autres normes comme la Constitution ou les traités
- l’inflation législative qui va de pair avec une qualité moindre des textes de loi
- le fait que son domaine est désormais borné par l’article 34 de la Constitution.
Ce dernier distingue les matières pour lesquelles le législateur fixe les règles et celles où il
détermine les principes fondamentaux.
L’article 37 quant à lui se borne à affirmer que tout ce qui n’est pas du domaine de la loi
relève du règlement.
Si la distinction opérée par les articles 34/37 a pu être considérée comme une révolution
juridique, il faut en relativiser la portée.
En effet, la liste dressée par l’article 34 est très étendue et couvre les domaines les plus
importants :
- pour les droits des citoyens (droits civils, libertés publiques, nationalité…) ainsi
qu’institutionnels
- sur le plan institutionnel (création des catégories d’établissements publics, ou de collectivités
territoriales)
- les lois de finances et de financement de la sécurité sociale.
Ensuite, le Conseil Constitutionnel a une interprétation extensive de la compétence du
législateur qui peut trouver son fondement dans d’autres articles de la Constitution (art 66 ou
72 par exemple).
Enfin, le Conseil Constitutionnel considère que l’immixtion du législateur dans le domaine de
l’article 37 n’est pas un motif d’inconstitutionnalité dès lors que le gouvernement n’a pas mis
en œuvre les mécanismes de protection de sa compétence au cours de la procédure législative
(Conseil Constitutionnel, 30 juillet 1982, Blocage des prix).
§2 Les mécanismes de protection des domaines respectifs de la loi et du règlement
Au cours de la procédure législative, le gouvernement peut opposer l’exception
d’irrecevabilité à une proposition de loi ou d’amendement ne relevant pas du domaine de
la loi. En cas de désaccord avec le Président de l’Assemblée, le Conseil Constitutionnel
est saisi de la question.
S’agissant des lois adoptées : l’article 37 alinéa 2 prévoit deux procédures de
déclassement :
- après avis du Conseil d’Etat pour les lois antérieures à la Constitution.
- après que le Conseil Constitutionnel a constaté le caractère règlementaire des
dispositions en cause pour les lois postérieures. Il arrive en outre au Conseil
Constitutionnel de constater le caractère règlementaire d’une disposition législative
lorsqu’il en contrôle la constitutionnalité ce qui constitue une sorte de déclassement
préventif (CC, 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école)
Remarquons enfin que l’immixtion du pouvoir règlementaire dans le domaine de la loi
sera quant à elle sanctionnée par le juge administratif pour incompétence.
Document 5
LE DÉCLASSEMENT PRÉVENTIF PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL
On a pu croire que, pour encore simplifier les choses, le Conseil constitutionnel s'autorisait à
procéder à un tri des dispositions qui, dans une loi, ont un caractère réglementaire et, sans les
déclarer contraires à la Constitution, précise cette nature, autorisant par là même le
Gouvernement à les modifier par voie réglementaire sans avoir recours, au préalable, à la
procédure de l' article 37, alinéa 2, de la Constitution (Cons. const. 21 avr. 2005:
no 2005-512 DC § 23), rapprochant ainsi l'intervention du législateur dans le domaine
réglementaire de celle du législateur organique dans le domaine législatif ordinaire
Il semble en fait qu'il n'en soit rien. Invité à procéder de la sorte lors d'une saisine
parlementaire, il a rappelé que la Constitution n'a pas pour autant entendu frapper
d'inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi et que par
suite, les requérants ne sauraient se prévaloir de ce que le législateur est intervenu dans le
domaine réglementaire pour soutenir que la disposition critiquée serait contraire à la
Constitution ou pour demander que soit déclaré son caractère réglementaire (Cons. const. 15
mars 2012: no 2012-649 DC § 10). La solution de 2005 doit donc être considérée comme un
cas d'espèce.
Ce changement d'optique trouve certainement son fondement dans l'apparition de la question
prioritaire de constitutionnalité. En effet, selon les commentaires autorisés, «S'il faisait le
choix de se prononcer sur la nature réglementaire d'une disposition qui lui est déférée dans le
cadre de l'article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel s'exposerait à la possibilité
d'être saisi de la disposition déclarée comme ayant le caractère réglementaire mais non encore
modifiée par décret à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité». Ce risque
semble pourtant particulièrement ténu dès lors que le Conseil constitutionnel peut, dans le
cadre de l'article 61-1 de la Constitution, soulever d'office la question de sa véritable nature
juridique et conclure que, s'agissant d'une disposition de nature réglementaire, il n'y a pas lieu
d'en connaître (Cons. const. 22 juill. 2011, Claude C.: no 2011-152 QPC).
Le domaine du pouvoir réglementaire, le champ du pouvoir réglementaire
CE, M et Mme Hofmann, 21 décembre 2001
Un décret fixant les modalités de la répresentation par ministère d’avocat est attaqué.
Deux griefs lui sont adressés :
1) le decret serait entaché d’incompétence en ce qu’il excéderait ce qui relève du pouvoir
réglementaire
2) Le décret serait contraire au droit au recours au sens de la constitution et de la CESDH
1) les modalités de réprésentation relève de l’exercice du pouvoir réglementaire
2) la réponse du juge se fait en plusieurs temps : tout d’abord la compétence réglementaire
pour définir les condition de mise en œuvre du recours effectif devant la juridiction
administrative ne méconnaît pas cette exigence.
Par ailleurs, l’obligation de recourir au ministère d’avocat n’est pas contraire à ce principe dès
lors que l’objectif poursuivi est une bonne administration de la justice, et d’autre part que
cette obligation est compensée par une aide juridictionnelle
Par ailleurs la situation que l’Etat est dispensé d’une telle obligation n’est pas en raison de la
situation objectivement différente contraire au principe d’égalité.
Les exigences de la « bonne administration de la justice » administrative n'affectent pas
seulement l'office du juge administratif. Elles peuvent aussi peser sur les requérants, usagers
de la justice administrative, qu'il convient de « responsabiliser ». Un arrêt du Conseil d'Etat,
rendu le 21 décembre 2001 et faisant expressément référence aux contraintes de la « bonne
administration de la justice », en témoigne. Après avoir rappelé que « le Premier ministre a
compétence pour décider s'il y a lieu de rendre obligatoire le ministère d'un avocat dans les
instances portées devant les juridictions administratives ou, le cas échéant, de les en
dispenser en certaines matières ou selon la nature du recours introduit », les juges du Palais-
Royal soulignent que les dispositions contestées, « sous réserve des exceptions qu'elles
prévoient rendent obligatoires le ministère d'avocat, ont pour objet tant d'assurer aux
justiciables la qualité de leur défense que de concourir à une bonne administration de la
justice(20) en imposant le recours à des mandataires professionnels offrant des garanties de
compétence » (CE, 21 déc. 2001, M. et MmeHofmann, préc note 5). Un arrêt d'Assemblée
antérieur du Conseil d'Etat avait déjà invoqué expressément les exigences d'une « bonne
administration de la justice » pour justifier l'amende civile susceptible d'être prononcée à
l'encontre d'un justiciable pour recours abusif (CE, Ass., 5 juill. 1985, Confédération
générale du travail et autres, req. n° 21893, Lebon p. 217).
Au titre des mesures d'accompagnement, il faut remarquer que si l'appel a été supprimé pour
certaines catégories de litiges d'importance limitée, il a aussi été rendu plus coûteux pour les
litiges où il subsiste, puisque désormais les recours pour excès de pouvoir ne sont plus
dispensés du ministère d'un avocat devant les cours administratives d'appel (art. 10 du décret
du 24 juin 2003 qui laisse néanmoins la dispense subsister pour les recours des
fonctionnaires et agents publics). Le ministère obligatoire d'un avocat est une mesure qui
peut dissuader certains justiciables de former appel et qui, une fois encore, est de nature à
porter atteinte au principe d'égalité devant la justice, à l'occasion de la restriction du double
degré de juridiction, même si le Conseil d'Etat ne le pense pas (CE 21 décembre 2001,
Hofmann, Lebon p. 652et CE 17 décembre 2003, M., préc.).
Compatibilité avec la Constitution et la Conv. EDH de l'obligation de constituer avocat devant
les juridictions administrative
s
a) Les dispositions de la procédure à suivre devant les juridictions administratives relèvent de
la compétence réglementaire dès lors qu'elles ne mettent en cause aucune des matières
réservées au législateur par l'article 34 ou d'autres dispositions constitutionnelles. Le Premier
ministre a donc compétence pour décider s'il y a lieu de rendre obligatoire le ministère d'un
avocat dans les instances portées devant les juridictions administratives ou, le cas échéant, de
les en dispenser en certaines matières ou selon la nature du recours introduit.
b) Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen à laquelle
renvoie le Préambule de la Constitution de 1958 : « Toute société dans laquelle la garantie des
droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n'a point de Constitution ».
La garantie ainsi proclamée implique le droit pour les personnes intéressées d'exercer un
recours effectif devant une juridiction. La définition par le pouvoir réglementaire des
modalités de mise en oeuvre de ce droit devant la juridiction administrative ne saurait
conduire à porter atteinte à sa substance même. Les dispositions du code de justice
administrative qui, sous réserve des exceptions qu'elles prévoient, rendent obligatoires le
ministère d'avocat, ont pour objet tant d'assurer aux justiciables la qualité de leur défense que
de concourir à une bonne administration de la justice en imposant le recours à des mandataires
professionnels offrant des garanties de compétence. Eu égard à l'institution par le législateur
d'un dispositif d'aide juridictionnelle, l'obligation du ministère d'avocat ne saurait être
regardée comme portant atteinte au droit constitutionnel des justiciables d'exercer un recours
effectif devant une juridiction.
c) 1) La circonstance que l'Etat est dispensé devant les juridictions administratives du
ministère d'avocat n'est contraire ni au principe d'égalité devant la loi, ni au principe d'égalité
devant la justice, dès lors qu'en raison tant de sa position de défendeur dans les instances où il
est mis en cause que du fait qu'il dispose de services juridiques spécialisés, l'Etat se trouve
dans une situation différente de celle des autres justiciables.
2) Pour ces mêmes motifs, est inopérant le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations
de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales qui prohibent les discriminations dans la mise en oeuvre des droits
garantis par cette convention, au nombre desquels figure le droit à un procès équitable rappelé
par son article 6 1 ainsi que le droit d'accès au juge mentionné par son article 13.
d) Si le paragraphe 3 de l'article 6 de la convention précitée énonce que « tout accusé a droit
notamment à :.... c) se défendre lui-même... », ces stipulations ne visent que la matière pénale.
En admettant même qu'elles s'appliquent à l'amende encourue en cas d'atteinte à l'intégrité du
domaine public, elles ne sont pas méconnues par le décret du 4 mai 2000 relatif à la partie
réglementaire du code de justice administrative pour le double motif que l'article R. 431-3 du
code de justice administrative, qui lui est annexé, apporte devant le tribunal administratif une
exception à la représentation par un avocat en matière de contravention de grande voirie et
qu'il n'est en rien dérogé aux dispositions de l'article L. 774-8 du code selon lesquelles les
recours contre les jugements des tribunaux administratifs rendus dans cette même matière «
peut avoir lieu sans l'intervention d'un avocat »
CE, 29 avril 2002, Ullmann
Un requérant attaque le refus du ministre d’execer sa compétence au titre de l’article 37 alinéa
2 afin de procéder au déclassement de certaines disposition de la loi 2000 mdifaint l’étendue
de l’accès au document administratif ?
Il y a ici deux questions :
1) le refus est il suceptible de recours ?
2) les dispositions en cause en ce qu’elles portent sur de garanties relatives aux libertés
fondamentales sont elles du domaine de la loi ?
Le Consel ici fait apllication de sa jurisprudence récente (CE, Association ornithologique et
mammologique de Saône etLoire, 1999) en estimant que le recours à l’article 37 alinéa 2 est
acte susceptible de recours, et par ailleurs refuse d’annuler le refus du ministre en ce qu’il a
bon droit considérer que les dispositions litigeuses ressortaient du domaine de la loi.
CE, 17 mai 2002, Hoffer
Le legislateur avait ici autorisé le gouvernement à légiférer par ordonnance.
Deux problème se posent ici
1) quel est le régime juridique d’une ordonnance non ratifiée ?
2) Quelles formes eput revêtir la ratification ?
1) en l’absence de ratification l’ordonnace demeure un acte réglementaire délibéré en conseil
des ministres (compétence du président), elle est donc suscetible de REP. On notera que
l’habilitation est informelle puisque un gouvernement de composition différente à celle qui
existait au moment de l’habilitation demeure compétent (CE Sect. 5 mai 2006, M.Schmitt).
2) le CE souligne ici que contrairement à ce que soutient le ministre de l’économie les deux
lois de 2001 n’ont pas entendu ratifier les ordonnances, donc le ratification n’est pas explicite.
Tioutefois, relève le juge les dispositions législatives en cause reprennent en substance les
dispositions des ordonnances litigieuses ce qui consiste donc en une ratification implicite.
Désormais, ce mecanisme n’est plus possible en raison de la révision du 23 juillet 2008 qui
prévoît que les ordonnances ne peuvent ratifiées que de manière explicite.
Section 2 : Les régimes dérogatoires
Des dérogations au principe de séparation sont prévues par la Constitution aux articles 16 et
38.
§ 1/ Les ordonnances de l’article 38
Il s’agit d’actes adoptés par le conseil des ministres après avis du CE, signés par le Président
de la République et contresignés par le Premier ministre et qui interviennent dans le domaine
de l’article 34 suite au vote d’une loi d’habilitation par le Parlement.
La valeur des ordonnances est précisée par l’article 38 (voir schéma ci-dessous). Notons que
la loi d’habilitation doit être suffisamment précise quant à son champ et devra être interprétée
et appliqué conformément à la Constitution (Conseil Constitutionnel 95-370 DC du 30
décembre 1995).
Le gouvernement peut opposer l’exception d’irrecevabilité à une proposition de loi ou à un
amendement qui empièterait sur le domaine de l’habilitation mais ce n’est pas un motif
d’inconstitutionnalité (Conseil Constitutionnel, 86-224 DONC du 23 janvier 1987).
Schéma Récapitulatif
Loi d’habilitation
Elaboration en CM (avis du CE)
Entrée en vigueur à compté de la signature par le Président (valeur réglementaire)
Contrôle possible par le CE
Hypo 1 Absence de dépôt Hypo 2 Dépôt du projet de loi de ratification (contrôle possible
par le CC)
Hypo 2a) ratification Hypo 2 b) absence de ratification
Caducité Valeur législative Valeur réglementaire
RFDA 2004 p. 1069
Réflexions sur les fonctions juridiques de l'interprétation administrative
Pascal Combeau, Professeur à la Faculté de droit de Metz, Institut de recherches en droit
public de Bordeaux - Centre d'études et de recherches sur le droit des obligations des
personnes publiques (IRDPB-CERDOPP)
L'essentiel
L'interprétation administrative dont l'importance n'est plus à démontrer est
traditionnellement étudiée à travers le prisme contentieux de la circulaire. Cette
déformation inductive entraîne une méconnaissance de ce phénomène en le réduisant à
un simple problème de contrôle juridictionnel et en l'enfermant dans une zone de non-
droit. L'analyse à partir de la théorie générale de l'interprétation juridique permet au
contraire de l'appréhender dans sa dimension régulatrice et normative. Elle permet alors
une nouvelle lecture de la notion jurisprudentielle de circulaire impérative, ainsi qu'une
prise en compte de la place occupée par l'interprète administratif dans l'espace juridique.
L'interprétation juridique, c'est-à-dire « le processus ou le résultat de la détermination
du sens des règles juridiques ou de leurs éléments » (1) est un phénomène aujourd'hui
bien connu des théoriciens du droit et du langage. Perçue comme une opération suspecte
dans la mesure où elle ébranle la toute-puissance de la vertu du texte frappé
d'incertitude, elle se présente aussi comme une opération d'autorité en ce qu'elle tente
de dissiper « l'obscurité que les textes recèlent, en tranchant entre les différentes
lectures possibles, en fixant le sens du texte, en arrêtant la dérive des significations »
(2). Les théories volontaristes de l'interprétation ont largement contribué à la diffusion
du phénomène interprétatif en lui donnant une assise normative. Pour Kelsen, en effet,
l'interprétation est à la fois acte de connaissance et acte de volonté dans la mesure où
elle indique et détermine le sens et la signification d'une chose (3). Les théories
réalistes iront plus loin encore : l'interprétation doit être analysée uniquement comme un
acte de volonté de l'interprète qui n'est plus simplement l'éclaireur du droit mais son
véritable créateur (4).
Si l'interprétation juridique apparaît bien balisée dans sa fonction régulatrice - acte de
clarification du droit - aussi bien que normative - acte de volonté -, telle n'est pas la
situation de l'interprétation administrative qui reste une activité méconnue, sous-évaluée
et pour tout dire négligée par les analyses doctrinales actuelles si l'on excepte les écrits
de Geneviève Koubi sur ce sujet (5). Cette carence est d'ailleurs un paradoxe :
l'importance de l'interprétation administrative est largement soulignée par les auteurs
qui insistent sur sa nécessité pratique dans le fonctionnement interne de l'administration
(6). Elle est néanmoins une réalité qui s'explique essentiellement par une double
déformation des analyses traditionnelles : une déformation inductive d'abord, une
déformation contentieuse ensuite.
La déformation inductive consiste selon le schéma traditionnel positiviste à appréhender
un phénomène normatif, une réalité juridique à partir de l'acte censé traduire ce
phénomène. C'est ainsi que l'ordre administratif intérieur a toujours été appréhendé à
partir de la seule mesure d'ordre intérieur (7). C'est ainsi également que l'interprétation
administrative est traditionnellement analysée à partir de la théorie de la circulaire
administrative : on évoque alors la fonction interprétative de la circulaire (8).
L'avantage de cette méthode inductive est de donner un contenu matériel aux circulaires
qui, au-delà de leur régime juridique, traduisent une fonction spécifique et réelle ; c'était
d'ailleurs exactement la démarche de Jean Rivero à propos des mesures d'ordre intérieur
qui s'analysent « comme les manifestations juridiques d'une vie intérieure des
organismes de droit public » (9). L'inconvénient de cette méthode est de lier l'activité
administrative d'interprétation à l'évolution du régime juridique de la circulaire. Or
l'interprétation existe en dehors des circulaires, elle peut être « véhiculée » par d'autres
actes, des arrêtés ministériels ou des directives administratives. Par ailleurs, la circulaire
traduit bien plus que la fonction interprétative de l'administration : elle peut révéler aussi
une fonction d'orientation, une fonction hiérarchique, une fonction politique ou une
fonction sociale (10).
Cette déformation inductive se double traditionnellement d'une déformation
contentieuse. Eu égard à l'importance du recours pour excès de pouvoir dans la
définition de l'acte administratif en droit français, ce dernier n'est souvent analysé que
par ses effets sur l'ordonnancement juridique ou son grief à l'égard des droits subjectifs,
seuls susceptibles d'ouvrir la recevabilité du recours pour excès de pouvoir. On
comprend dès lors la place primordiale de l'acte décisoire ou de l'acte faisant grief : ils
ne sont que les traductions contentieuses de l'acte administratif unilatéral. C'est ainsi
que le prisme contentieux de la mesure d'ordre intérieur a réduit très sensiblement
l'analyse de l'ordre intérieur lui-même. L'ordre intérieur n'est plus analysé que comme
un ensemble de justifications expliquant l'immunité juridictionnelle de ces actes alors
qu'il correspond à une fonction administrative bien plus vaste ; l'adage de minimis non
curat praetor a envahi les analyses, réduisant à l'extrême la vie juridique intérieure de
l'administration (11).
L'analyse de l'interprétation administrative n'a pas échappé à cette déformation
contentieuse. Elle est passée au second plan. Réduite, phagocytée par la théorie de la
circulaire interprétative dont les contours ont été dégagés par le juge administratif puis
par la doctrine, elle a suivi et subi l'évolution du régime juridique de ces actes. La notion
de circulaire interprétative est en effet apparue progressivement. Elle a été dégagée par
opposition à la circulaire réglementaire à partir de l'arrêt Notre-Dame du Kreisker de
l'Assemblée du Conseil d'Etat en 1954 (12). En fixant le seuil de la recevabilité du
recours à l'égard des seules circulaires dites réglementaires, cet arrêt fut à l'origine de
multiples confusions (13) et signe le point de départ de la défiguration contentieuse de
l'analyse de la fonction d'interprétation. Cette dernière est confondue dans les analyses
juridiques avec la circulaire interprétative, qualifiée parfois de « vraie circulaire » (14),
c'est-à-dire avec un acte non décisoire insusceptible de recours devant le juge de l'excès
de pouvoir. Or cette assimilation est déformante pour plusieurs raisons. D'abord parce
que le « pavillon » des circulaires interprétatives regroupe bien plus que les circulaires
qui donnent une interprétation du droit, ces circulaires recoupent toutes sortes de
circulaires non décisoires qui ont un rapport lointain avec l'interprétation (15). Ensuite
et surtout parce qu'elle recale l'interprétation administrative dans une zone de non-droit
(au sens où l'entend le doyen Carbonnier), de négativité, d'absence de droit (16) :
l'interprétation, parce qu'elle ne modifie pas l'ordonnancement juridique, se présente
comme l'antithèse du contrôle juridictionnel et donc du droit.
De ce point de vue, l'analyse contentieuse, en liant normativité et contrôle par le juge,
restreint très fortement les critères de l'acte juridique. Dans le cas des circulaires,
l'identification normative passe par le caractère réglementaire, ce qui correspond à la
place traditionnelle du pouvoir réglementaire dans l'action administrative ; logiquement,
la circulaire interprétative ne peut être un acte normatif comme le soulignait déjà Duguit
(17).
Cette vision contentieuse de l'interprétation est contestable. De manière générale, on
peut discuter du rôle du contrôle juridictionnel d'un acte comme facteur de normativité.
Comme le souligne Denys de Béchillon, « une norme indiscutable peut parfaitement
n'être l'objet d'aucun contrôle juridictionnel ; cela fut assez longtemps le cas des lois ; il
n'est pas besoin d'y insister » (18). De manière plus particulière, dénier à
l'interprétation administrative tout caractère normatif va à l'encontre du sens
volontariste de l'interprétation et méconnaît son importance dans les rapports entre
l'administration et les agents ou les usagers.
Les évolutions récentes du contrôle juridictionnel des circulaires consacrées par l'arrêt
Mme
Duvignères de 2002 (19) ne change pas grand-chose à l'analyse contentieuse de
l'interprétation administrative. Certes, en substituant à la théorie réglementaire la
nouvelle théorie de la circulaire impérative, le juge a déplacé le curseur de la recevabilité
sans faire disparaître la notion de circulaire réglementaire qui est désormais un élément
d'appréciation de la légalité de la circulaire et non plus un facteur de détermination de la
recevabilité du recours (20). Le recours pourra être recevable à l'égard non seulement
des circulaires qui créent des droits ou des obligations, mais aussi à l'égard de « celles
qui tendent à imposer une interprétation du droit applicable en vue de l'édiction de
décisions » (21). La catégorie des circulaires interprétatives a éclaté puisque certaines
peuvent être impératives.
Une partie de l'interprétation est donc susceptible d'annulation en particulier si elle
méconnaît le sens et la portée des textes qu'elle interprète ou si elle réitère une règle
juridique contraire à une norme supérieure.
Mais cette remise en ordre ne fait que confirmer l'analyse contentieuse de l'interprétation
: si cette dernière peut être impérative, donc normative au sens contentieux, elle peut
demeurer a-normative si elle est n'est pas impérative ; elle relève alors d'une catégorie
contentieuse naissante, les circulaires indicatives, nouvelle version plus réduite des
circulaires interprétatives. Par ailleurs, le juge ajoute à ses catégories contentieuses
traditionnelles - acte faisant grief, décision, acte réglementaire - une nouvelle notion, la
circulaire à caractère impératif, qui ne peut s'entendre que dans un sens procédural.
Le prisme de la théorie contentieuse de la circulaire s'est donc toujours avéré très
restrictif pour analyser l'interprétation administrative. Il méconnaît la spécificité d'un
phénomène essentiel dans l'activité administrative en le réduisant à un problème de
contrôle juridictionnel et en méconnaissant sa fonction propre. Même s'il est toujours
possible de dépasser la conception contentieuse de la circulaire administrative au profit
d'une analyse matérielle intégrant l'étude fonctionnelle de ces actes (22), il semble
préférable d'adopter une logique plus déductive qui permette de saisir et d'appréhender
ce phénomène interprétatif en lui-même. Si cette méthode replace la logique
contentieuse en aval et non comme un préalable, elle permet aussi certainement de
résoudre certains problèmes posés au juge. En effet, si l'analyse inductive a inversé le
champ conceptuel de l'interprétation - le point de départ est contentieux -, elle n'a pas
résolu paradoxalement toutes les questions contentieuses posées à propos des
circulaires. Ce paradoxe résulte certainement d'une méconnaissance de la fonction
d'interprétation par l'administration.
L'interprétation administrative doit être analysée à partir de la théorie générale de
l'interprétation juridique (23). De ce point de vue, il apparaît que, comme toute
interprétation, sa fonction juridique, c'est-à-dire sa contribution au système juridique,
est double. Elle assure d'abord une fonction régulatrice entre différents acteurs :
interface entre l'autorité administrative et les agents ou les usagers, intermédiaire
nécessaire entre le texte et ses destinataires, elle apparaît comme un rouage
incontournable en assurant la diffusion et donc la continuité de l'action administrative.
Plus encore, elle assure une fonction proprement normative : l'interprète administratif ne
se contente pas d'indiquer le sens d'un texte, il en détermine la signification et la portée
: c'est donc bien un acte de volonté.
La fonction régulatrice
Gérard Timsit faisait de l' « Institution Notre-Dame-du-Kreisker, la mère de la régulation
» (24). Certes, l'auteur établissait cette filiation pour montrer que le célèbre arrêt était
à l'origine de la consécration d'un pouvoir de régulation administrative qui prenait place
à côté de la réglementation et de l'interprétation. Mais si l'on veut bien définir la
régulation au sens premier de fait consistant à « maintenir en équilibre, (à) assurer le
fonctionnement correct d'un système complexe » (25), il apparaît bien que
l'interprétation administrative elle-même joue ce rôle en s'interposant entre le texte et
son application, entre le droit et les faits ; elle assure alors un rôle essentiel de diffusion
de la règle en l'adaptant à l'examen particulier d'une situation. C'est en somme une
nouvelle figure, l'interprète administratif, qui assure cet équilibre. La place de cet acteur
aujourd'hui incontournable doit être revalorisée car si l'administration apparaît bien
comme un interprète authentique au sens kelsenien du terme, reste à savoir si elle est
un interprète légitime.
L'administration, un interprète authentique
1. Si l'on considère, à l'instar de Kelsen, que « l'interprétation est un processus
intellectuel qui accompagne nécessairement le processus d'application du droit dans sa
progression d'un degré supérieur à un degré inférieur » (26), l'administration prend
place incontestablement à côté des innombrables interprètes du droit (27).
L'importance de ce pouvoir place cependant l'administration dans une situation
particulière faisant d'elle un interprète hors catégorie. Plusieurs raisons expliquent cette
particularité.
D'abord, l'administration est à l'origine d'une véritable doctrine administrative,
constituée de l'ensemble de tous les supports de l'interprétation administrative
(circulaires, mais aussi directives, notes et instructions) dont on connaît la place dans le
fonctionnement des services administratifs : l'entrée en vigueur des textes, même ceux
qui n'appellent pas de mesures d'application, reste sans effet s'ils n'ont pas été explicités
par une circulaire, s'ils ne sont pas passés au crible de l'interprétation. Cette réalité pose
d'ailleurs question au regard de la hiérarchie des normes qui se trouve parfois renversée,
comme le montre l'exemple de la doctrine fiscale (28).
Par ailleurs, l'interprétation administrative joue un rôle singulier qui va bien au-delà de la
description ou de l'explication d'un texte juridique. Comme le souligne Geneviève Koubi,
l'interprétation est une diffraction (29), elle amplifie ou déforme le texte pour mieux
l'adapter et donc l'appliquer. Ce rôle d'interface qui caractérise le mieux l'interprétation
administrative est multiple. L'interprétation est d'abord une interface normative dans la
mesure où elle correspond à cette volonté d'adaptation et de flexibilité du droit. Jouant
un rôle indispensable par l'atténuation de l'unilatéralité, elle est un intermédiaire
nécessaire permettant la conciliation de la règle juridique avec des intérêts parfois
contradictoires. Permettant l'adaptation au cas par cas d'une réglementation au premier
abord trop rigide, elle facilite une application sereine et donc effective du droit (30). Le
langage de l'interprète est ici primordial car il opère une explicitation des données d'un
texte à la lumière d'autres textes ou de situations concrètes : certains outils linguistiques
sont donc privilégiés dans les circulaires interprétatives (31).
L'interprétation est également une interface sociale entre différents acteurs. Produit de
l'administration, elle a une vocation légitimante et politique qui vise à expliquer, voire
amplifier et anticiper une réforme comme le montrent la circulaire du Premier ministre
du 26 août 2003 relative à la maîtrise de l'inflation normative et à l'amélioration de la
qualité de la réglementation et celle du 30 septembre 2003 relative à la qualité de la
réglementation : ces deux circulaires prises en marge de la loi du 2 juillet 2003 habilitant
le gouvernement à simplifier le droit, en adoptant différents mécanismes, montrent que
l'interprétation peut précéder et donc impulser une réforme non encore effective (32).
Destinée aux agents publics, l'interprétation concerne aussi les administrés puisqu'elle
traite de situations concrètes auxquelles sont confrontés les agents. Elle assure une
application uniformisée de la règle de droit et, partant, constitue un filtre entre
l'administration et les citoyens. Les circulaires du ministre de l'Education nationale de
1989, 1993 et 1994 relatives au respect du principe de laïcité dans les établissements
scolaires illustrent cette fonction de filtre : en définissant un cadre souple au principe
constitutionnel de la laïcité républicaine, elles tentent une conciliation entre ce principe et
le principe de la liberté d'expression et de manifestation religieuse (33). La dernière
circulaire de 2004 prise en application de la loi du 15 mars 2004 relative au principe de
laïcité des les écoles et lycées publics ne déroge pas à cette fonction puisqu'elle organise
in fine une phase de dialogue (34).
2 - Au-delà de sa particularité, l'interprète administratif apparaît bien comme un
interprète authentique. L'interprétation authentique est, selon Kelsen, l'interprétation
selon les organes d'application du droit. Elle seule crée du droit, ce qui la distingue de «
l'interprétation du droit donnée par des personnes privées, et en particulier par la
science juridique, par les juristes, qui ne sont pas des organes du droit » (35). La
théorie réaliste de l'interprétation va également dans ce sens : l'interprétation
authentique est comprise comme « seulement celle à laquelle l'ordre juridique attache
des effets, celle qui ne peut être contestée et qui par conséquent, dans le cas de
l'interprétation d'un texte, s'incorpore à ce texte » (36). Pour Michel Troper, il y a deux
temps dans l'analyse : « une interprétation n'a de valeur normative que si elle présente
un caractère authentique et elle ne présente un caractère authentique que parce qu'elle
émane d'un organe habilité à produire une telle interprétation » (37) ; ce qui ne veut
pas dire que c'est la qualité de l'organe qui détermine la qualité de l'interprétation : c'est
l'ordre juridique, et lui seul, qui lui confère cet effet (38).
Dans ce sens, l'administration a la qualité d'interprète authentique dans la mesure où
elle peut être considérée comme un organe d'application du droit, une autorité
compétente pour donner cette interprétation. Deux arguments peuvent ici être évoqués.
D'abord, on peut considérer que le système juridique reconnaît et atteste l'existence
d'une telle interprétation en habilitant l'administration à y procéder. Cette habilitation qui
est à la base du mécanisme même de la juridicité (39) se fonde, en droit public, sur la
théorie des compétences (40). Or le pouvoir d'interprétation ressort d'une compétence
de l'administration que l'on peut qualifier d'implicite : résultant du pouvoir d'instruction
et du pouvoir hiérarchique, elle est comme lui inhérente à la qualité de supérieur
hiérarchique comme le pouvoir d'organisation est inhérent à la qualité de chef de service
(41). C'est d'ailleurs la solution que consacre l'arrêt Quéralt de 1950 (42) à partir
duquel la doctrine considère que le pouvoir hiérarchique est détenu de plein droit par
l'autorité supérieure « qui en est investie sans qu'un texte soit nécessaire, ce pouvoir
étant lié à sa qualité de supérieur hiérarchique » (43). En reconnaissant ainsi -
implicitement - à l'administration une compétence hiérarchique générale, le système
juridique l'habilite aussi à interpréter les normes ; il juridicise, par là, le pouvoir
d'interprétation administrative, il l'authentifie, pour reprendre le vocabulaire kelsenien.
Par ailleurs, selon Michel Troper, le signe distinctif de l'interprète authentique est sa
grande liberté par rapport au texte interprété, il n'est pas lié « par l'énoncé lui-même ou
il n'est pas tenu d'appliquer certaines méthodes d'interprétation » (44). Or cette liberté
est bien le propre de l'interprète administratif : la réécriture du droit opérée par
certaines circulaires interprétatives, notamment en matière pénitentiaire (45) atteste
suffisamment de cette qualité. En outre, le Conseil d'Etat a affirmé dernièrement, dans
un arrêt Louis le Guidec de 2003, à l'occasion du rejet d'une demande d'annulation du
refus d'un ministre de prendre une circulaire, que « l'administration n'était jamais tenue
de prendre une circulaire pour interpréter l'état du droit existant » (46). Cet arrêt
souligne bien la liberté de l'interprète et accorde à l'administration un pouvoir
discrétionnaire pour apprécier si une norme a besoin d'être éclaircie, ou pour déterminer
la forme et le contenu de l'interprétation.
Admettre que l'administration puisse être un interprète authentique - en tant qu'organe
d'application du droit - conduit à des difficultés qui heurtent la compréhension de l'ordre
juridique comme le relèvent certains auteurs pour qui seul le juge a qualité pour
authentifier une interprétation (47). L'introduction du paramètre de la légitimité s'avère
dès lors nécessaire.
L'administration, un interprète légitime ?
1 - Jacques Chevallier a montré que la distinction entre interprètes authentiques et
interprètes non authentiques se situait avant tout au niveau de la théorie du droit : elle
vise à déterminer le statut de l'interprète ainsi que sa marge de manoeuvre dans
l'opération d'application du droit (48). Elle demeure toutefois impuissante « à dévoiler
les enjeux et à éclairer les processus inhérents au jeu de l'interprétation » (49). Il
plaide pour un éclairage sociologique de l'interprétation qui puisse notamment prendre
en compte et expliquer les relations et les stratégies entre les différents interprètes
authentiques.
C'est dans ce contexte qu'apparaît la distinction entre interprètes légitimes et interprètes
non légitimes : « la distinction kelsenienne de l'interprétation authentique et de
l'interprétation non authentique ne rend pas compte des mécanismes d'autorisation,
dont dépend l'accès au statut d'interprète légitime, et des liens qui unissent les
interprètes autorisés » (50).
Le juge apparaît comme l'interprète par excellence car son pouvoir d'interprétation est
strictement encadré par les contraintes de l'organisation judiciaire : les éventuelles
divergences interprétatives sont gommées par l'effet de l'organisation pyramidale de la
justice au profit d'une interprétation uniforme aux mains de la plus Haute Juridiction. Par
ailleurs, l'interprétation juridictionnelle a autorité car elle accède au rang de
jurisprudence qui s'imposera aux différents organes d'application du droit.
Par rapport à cet interprète légitime, l'administration, en tant qu'acteur de
l'interprétation est forcément subordonnée. En effet, c'est bien l'interprète légitime qui
détient en dernière instance la vérité de l'interprétation puisque le juge peut l'imposer en
la substituant à celle de l'administration : il peut l'annuler ou l'orienter avec la force de
chose jugée. Comme le souligne justement M. Chevallier : « le pouvoir d'interprétation
administrative est donc précaire et subordonné, les interprétations données par les
services et les agents ayant besoin d'être authentifiées par un interprète légitime du
droit » (51). Consacré, l'interprète administratif ne se substitue pas pour autant au
juge, interprète officiel du droit.
2 - Si l'interprète administratif ne peut donc être qualifié de légitime au regard du
monopole du juge fondé sur la règle du dernier mot, une tendance se manifeste
cependant ces dernières années d'« une volonté administrative de récupération du
pouvoir de dire le droit » (52). Cette tendance s'opère par l'interprétation qui est faite
par l'administration elle-même de la jurisprudence (53). Dans certains cas, les
circulaires interprétatives se bornent à faire référence à cette dernière : elles s'appuient
sur des décisions de justice pour expliciter un texte (54). Dans d'autres cas,
l'interprétation va plus loin puisqu'il s'agit de tirer les conséquences d'un arrêt en
interprétant le sens à donner de cet arrêt qui lui-même interprète un texte. L'interprète
se cache alors derrière une interprétation textuelle pour opérer une véritable relecture de
l'interprétation juridictionnelle de ce texte. Il y a alors un va-et-vient continu entre
lecture administrative du texte et lecture administrative de l'interprétation
juridictionnelle.
Ce processus de légitimation de l'interprète administratif, qui s'approprie non seulement
l'interprétation des textes à proprement parler mais aussi l'interprétation faite par les
tribunaux, pose question. En reprenant en effet la prescription juridique à la lumière de
son interprétation juridictionnelle, il reformule l'interprétation juridictionnelle elle-même
et tend donc à supplanter le juge dans sa mission (55).
Un exemple type nous est fourni par la circulaire sur la mendicité de 1995 : exposant le
cadre légal de l'action de la police municipale, le ministre rappelle le contrôle important
opéré par le juge dans sa jurisprudence, en tire alors toutes les conséquences pour
rappeler les interdictions possibles et pour donner de nouvelles pistes permettant
d'interdire la mendicité (56).
Beaucoup de circulaires opèrent le même raisonnement où la règle est posée et éclairée
par son interprétation juridictionnelle (57). Cette technique permet à l'interprète
administratif de diffuser le droit de manière complète dans les services administratifs,
mais aussi et surtout de réinterpréter la règle juridique à la lumière d'une première
interprétation donnée par le juge afin d'en donner une deuxième version. En dernier lieu,
c'est bien l'administration qui est maître de l'interprétation qu'il effectue en toute liberté
: « ces circulaires interprétatives de la jurisprudence exposent des raisonnements
particuliers qui usent des arguments juridictionnels soit en intégrant sans détours la
décision de justice dans le discours administratif, soit en commentant la solution
jurisprudentielle pour lui offrir un sens pragmatique, soit plus laborieusement, selon des
rédactions plus subtiles, pour en contourner les répercussions dans l'orientation de
l'action administrative. La décision de justice est alors incorporée dans les systèmes
d'action administrative » (58).
Certes, il ne faut pas exagérer la portée de cette substitution car, en définitive, le juge
pourra toujours avoir le dernier mot comme nous le montre d'ailleurs le contentieux
récent de l'enseignement bilingue par immersion dans les écoles, l'affaire des écoles
Diwan. A la suite de la suspension par le Conseil d'Etat d'un arrêté du 31 juillet 2001 et
d'une circulaire du 5 septembre 2001 relatifs à la mise en place de ce type
d'enseignement (59), le ministre a édicté un nouvel arrêté le 19 avril 2002 suivi de
plusieurs circulaires dont celle du 30 avril 2002 qui contournent littéralement
l'ordonnance du juge et confirment la mise en place de ces écoles.
Dans un premier temps, le juge des référés a suspendu ces nouveaux textes sur la base
du même type de raisonnement qu'en 2001 (60) ; dans un second temps, procédant à
une analyse sur le fond, il annule ces dispositions en les jugeant illégales, se fondant sur
les règles relatives à l'usage du français dans les services publics (61).
On voit par là toute les limites de l'interprétation administrative : même si elle se
conjugue à une volonté de réappropriation d'une interprétation juridictionnelle soit en la
transformant soit en l'occultant, elle demeure subordonnée à l'interprétation définitive
donnée par le juge. Les stratégies des interprètes authentiques sont cependant ici
intéressantes : elles montrent qu'il y a un jeu, une concurrence entre les interprètes, et
la volonté administrative de substitution est permanente.
La fonction régulatrice de l'interprétation administrative apparaît désormais balisée :
interprète authentique, l'administration forge une doctrine qui joue comme un filtre entre
le texte officiel et ses destinataires ; elle se pose par là en véritable concurrent de
l'interprète officiel. L'existence et l'importance de cette fonction conduit à s'interroger
maintenant sur la portée normative de l'interprétation administrative.
La fonction normative
L'analyse contentieuse de l'interprétation administrative tend, à travers la théorie de la
circulaire administrative, à occulter la réalité normative de l'interprétation. La
subordination de la normativité à la recevabilité du recours pour excès de pouvoir ainsi
que la place dominante du pouvoir réglementaire dans l'expression normative de
l'administration expliquent que l'interprétation soit reléguée dans une zone de non-droit.
L'arrêt Notre-Dame-du-Kreisker opère d'ailleurs le lien entre recevabilité du recours et
caractère réglementaire de la circulaire : l'interprétation ne modifiant pas
l'ordonnancement juridique, elle est à ce titre insusceptible de recours, elle est donc a-
normative.
Pour autant, la fonction normative de l'interprétation ne peut se réduire à l'analyse du
contrôle juridictionnel des circulaires. Les théories volontaristes de l'interprétation
montrent qu'au-delà du positionnement du juge, l'interprétation administrative peut
toucher l'administré de manière directe en créant à son égard une véritable obligation
juridique à laquelle il doit se plier. Plus encore, la spécificité même de l'interprétation
administrative montre que sa portée normative peut intervenir ex post en lui imposant
un changement de doctrine qui s'impose à lui : l'interprétation n'est pas seulement
source d'obligations juridiques, elle peut être aussi source d'insécurité juridique.
L'interprétation administrative, source d'obligations juridiques
1 - Si l'on définit la norme comme « la signification d'un acte par lequel une conduite est
ou prescrite ou permise et en particulier habilitée » (62), il faut reconnaître alors que
l'obligation juridique ou l'impératif, regroupant au sens large devoir et pouvoir (63), est
au coeur de cette notion : « (...) l'arrière-pensée du discours normatif juridique, c'est
l'obligation, le fait qu'une norme aboutit le plus souvent à interdire, à réduire le champ
du possible à l'alternative du licite et de l'illicite, du permis et de l'interdit » (64). Cette
définition de la norme par rapport à la notion d'impérativité transparaît également dans
les écrits de Duguit pour qui la règle de droit se conçoit comme « un règlement de
l'activité individuelle, la détermination des actes que l'homme est obligé de faire ou de
ne pas faire » (65).
L'acception du phénomène normatif par rapport à l'obligation juridique permet ainsi
d'affirmer que l'interprétation administrative est normative au moins à l'égard des
agents. Le pouvoir d'interprétation n'est en effet qu'une forme du pouvoir d'instruction
qui s'impose à l'agent à travers l'obligation d'obéissance hiérarchique. Or l'obéissance
hiérarchique est bien une obligation juridique mentionnée dans les statuts de la fonction
publique (66) et sanctionnée par l'engagement éventuel d'une procédure disciplinaire
(67). L'obligation d'obéissance hiérarchique explique que l'interprétation s'impose à
l'agent, elle est bien normative.
Cette normativité est matériellement interne (68), elle s'applique aux agents mais aussi
et plus largement à ceux qui sont inscrits dans une relation hiérarchique avec
l'administration, comme les usagers à qui s'impose, selon les mots de Carré de Malberg
empruntés du droit allemand, un rapport spécial de subordination (69). La répression
disciplinaire de l'usager prouve d'ailleurs que ce dernier est soumis aux mêmes types
d'obligations hiérarchiques que les agents (70).
Cette théorie de la sphère normative interne a été utilisée par Hauriou pour évoquer le
régime juridique des instructions ministérielles qui n'étaient à l'époque susceptibles de
recours que de la part des fonctionnaires : « elles ne produisent (...) d'effet de droit et
n'ont valeur de règle de droit qu'à l'intérieur de l'administration, mais à l'intérieur de
l'administration, elles ont cette valeur » (71). Elle a été exploitée plus largement pour
caractériser les mesures d'ordre intérieur dans leur ensemble (72), elle reste très
utilisée dans le contentieux communautaire des actes internes (73) ou dans la théorie
allemande des circulaires administratives fondée sur la dichotomie entre effet externe et
effet interne (74).
2 - Si l'interprétation peut être considérée comme normative à l'égard des personnes
incluses dans un cercle hiérarchique, peut-elle l'être à l'égard des personnes qui ne sont
pas les destinataires directs de l'interprétation ? C'est là certainement la question la plus
controversée car la théorie de la sphère normative interne est inapplicable ici, le tiers
n'étant pas engagé dans un rapport spécial de subordination.
Pour Geneviève Koubi, l'interprétation administrative ne peut être normative dans ce cas
: « (les circulaires interprétatives) ne sont pas en elles-mêmes porteuses de normes
juridiques. Elles imposent certes des conduites plus ou moins précises de la part des
agents administratifs, mais elles n'ont d'effet sur les situations juridiques des particuliers
que par ricochet » (75). Cette relation indirecte par ricochet entre le particulier et
l'interprétation n'est toutefois pas un obstacle à la reconnaissance d'un rapport normatif
si l'on veut bien admettre deux postulats.
La normativité de l'interprétation administrative peut exister en dehors de la sphère
administrative interne et concerner des tiers, des administrés non usagers.
Le recours à la théorie volontariste de l'interprétation s'avère ici très utile dans la mesure
où le choix d'une interprétation authentique par un organe d'application du droit est
analysé comme un acte de volonté, créateur de droit (76).
C'est le sens également de la théorie réaliste de l'interprétation (77). L'interprétation
administrative, comme toute interprétation, est créatrice de sens et donc génératrice de
normativité : « interpréter, c'est faire oeuvre de création juridique (...) » (78).
Elle possède en effet deux faces qui sont autant de réalités normatives (79). Elle vise
d'abord à éclaircir un texte en explicitant des dispositions souvent obscures, il s'agit ici
de la découverte du sens du texte où, à partir du texte, l'interprète révèle le contenu de
pensée porté par un énoncé juridique. Comme en matière d'interprétation
juridictionnelle, l'interprète administratif replace l'objet interprété dans son contexte ou
remonte vers ses sources : il s'agit bien d'un processus de création normative car, en
précisant le sens du texte à partir d'une volonté supposée de son auteur, l'interprète
ajoute forcément aux dispositions obscures. La seconde face de l'interprétation concerne
l'adaptation des textes : l'interprète se détache un peu plus de l'auteur du texte allant
jusqu'à corriger et compléter la réglementation initiale en fonction de l'évolution des
circonstances. Il s'agit ici non plus simplement de la découverte du sens mais de la
construction d'un sens. La circulaire Fillon de 2004 relative à la mise en oeuvre du
principe de laïcité illustre cette création normative car en définissant les tenues et signes
religieux ostensibles, elle ajoute une nouvelle catégorie, les signes ostensibles par
destination (80).
Ces deux faces de l'interprétation administrative lui donnent incontestablement la qualité
normative : la volonté de l'interprète s'impose à l'administré qui sera confronté moins au
texte lui-même qu'à sa réactualisation réalisée par l'administration, c'est en ce sens
qu'elle peut être considérée comme source d'obligations.
La normativité de l'interprétation administrative à l'égard des tiers peut ne pas être
absolue et peut générer des obligations minimales. Il faut admettre la théorie des seuils
de la normativité développée par certains auteurs qui distinguent entre impératif
catégorique et impératif conditionnel (81). Le premier signe l'existence d'une norme
traditionnelle en ce qu'il prescrit le but et les moyens, alors que le second révèle en
quelque sorte la crise du phénomène normatif car il génère des obligations facultatives
liées au consentement des destinataires, des normes non prescriptives (82).
L'analyse de l'activité interne de l'administration révèle l'existence de cet impératif
conditionnel, le pouvoir d'orientation administrative à travers les directives en est une
illustration (83). L'interprétation administrative peut également engendrer ce type
d'obligations à l'égard des particuliers en lui permettant de s'engager dans une
démarche de sollicitation de mise en oeuvre d'un texte. La circulaire du 18 mai 2004
relative au principe de laïcité organise ainsi un dialogue entre l'établissement scolaire et
les élèves dans le souci de convaincre ces derniers de l'importance du respect du
principe de laïcité (84) : en cherchant une adhésion préalable, elle contient une
proposition à impératif conditionnel. Certes, l'interprétation administrative n'est pas,
comme l'orientation administrative, une recommandation ou une incitation (85), mais
elle peut déboucher sur le même type d'obligations.
3 - Cette réalité normative dépasse la simple circulaire impérative pour reprendre la
terminologie du juge administratif depuis l'arrêt Mme
Duvignères de 2002. Les circulaires
impératives regroupent une partie seulement de l'interprétation administrative : celle qui
modifie l'ordonnancement juridique ou qui impose une interprétation (86).
En ce sens, le caractère « impératif » dégagé par le juge ne peut pas être synonyme de
« normatif » : l'interprétation, normative par principe, sera en plus impérative si elle
détient certains caractères qui permettront au juge de l'excès de pouvoir de la contrôler.
La notion d'impérativité dégagée par le juge doit s'entendre de manière contentieuse,
comme un moyen de recevabilité du recours ; en ce sens, elle se rapproche davantage
de l'acte décisoire, condition objective de la recevabilité du recours, que de l'acte
normatif dont l'existence est déterminée en dehors du contrôle juridictionnel (87). C'est
sous cet angle que l'on peut affirmer qu'il n'y a pas vraiment de rupture entre Notre-
Dame-du-Kreisker et Mme
Duvignères (88). Cette dissociation nécessaire entre impératif
et normatif peut d'ailleurs surprendre le théoricien du droit car au fond de la norme, il y
a cette idée d'impératif comme le souligne Denys de Béchillon : « l'assise du discours
normatif, c'est l'impératif » (89). On peut regretter à cet égard l'utilisation par le juge
d'un concept qui revêt d'un point de vue théorique une toute autre signification.
Poser la fonction normative de l'interprétation administrative permet ainsi de souligner
en creux les insuffisances du contrôle des circulaires. Même si le juge a
incontestablement ouvert la recevabilité du recours depuis l'abandon de la théorie de la
circulaire réglementaire, il laisse de côté toute une partie des circulaires interprétatives
qui ne sont pas impératives au sens contentieux, alors mêmes qu'elles sont normatives
au sens de la théorie de l'interprétation. Cette insuffisance marque les limites du contrôle
juridictionnel.
L'interprétation administrative, source d'insécurité juridique
1 - L'interprétation donnée par les circulaires administratives est d'autant plus créatrice
de droit pour les administrés qu'elle peut être source d'instabilité juridique pour eux.
L'administration n'étant pas liée par sa propre interprétation, elle peut donner une
interprétation différente d'un texte qui constituera un véritable changement de doctrine
pour l'administré. L'effet normatif de l'interprétation est alors inversé : après l'imposition
d'une première doctrine, créatrice de droits et d'obligations, son retrait et l'imposition
d'une deuxième doctrine, au détriment de la stabilité des situations juridiques, créent
une nouvelle réalité normative.
Ce changement de doctrine heurte le principe de la confiance légitime qui imprègne
aujourd'hui l'ordre juridique (90). Issu du droit allemand (91) et du droit
communautaire (92), il y reçoit des applications diverses : « il a été invoqué en vue de
faire protéger les droits acquis des particuliers, de limiter les possibilités de retrait des
décisions administratives individuelles, pour contraindre l'administration à respecter ses
propres décisions, promesses ou engagements » (93). En droit communautaire par
exemple, une application remarquable de ce concept se retrouve dans le principe selon
lequel l'administration se lie elle-même par la voie d'une pratique administrative
constante, pratique qui peut justement résulter d'un acte interne selon la jurisprudence
(94). L'idée est d'obliger l'administration à respecter sa propre doctrine quelle que soit
l'origine de cette dernière : l'ensemble de ces textes, même s'ils ne sont pas susceptibles
de recours, constituent en quelque sorte une pratique administrative que l'administré
peut invoquer.
En droit français, si le principe de confiance légitime n'a pas vraiment été consacré
(95), il est certain qu'il irrigue l'idée d'invocabilité des instructions internes, c'est-à-dire
la possibilité pour l'administré de s'en prévaloir devant l'administration. L'article L. 80 A
du livre des procédures fiscales s'inspire fortement de ce principe en interdisant la
rétroactivité de la doctrine fiscale quelle que soit son origine (96) ; c'est aussi l'objet de
l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 qui entendait, en généralisant l'invocabilité
des instructions et circulaires, étendre en même temps le mécanisme de garantie contre
les changements de doctrine administrative (97). L'échec de cet article 1er montre que
le Conseil d'Etat n'est pas encore prêt à une telle généralisation qui conduirait à nuancer,
dans certains cas l'application du principe de légalité (98).
2 - La réflexion sur la portée normative de l'interprétation administrative passe
aujourd'hui moins par un renforcement du recours pour excès de pouvoir que par les
moyens à trouver pour obliger l'administration à respecter sa propre doctrine interne.
L'idée de généraliser le mécanisme d'invocabilité de l'interprétation administrative est
toujours à l'ordre du jour même si la question a été évacuée lors de la réforme du 12
avril 2000 (99). La vague de réforme relative à la simplification du droit a débouché sur
l'adoption d'une seconde loi d'habilitation le 9 décembre 2004 (100) semble avoir pris
la mesure de cette carence mais de manière très ciblée : elle contient en effet une
disposition permettant l'invocabilité des circulaires et de la doctrine administrative dans
le droit de la sécurité sociale sur le modèle de l'article L. 80 A du livre des procédures
fiscales (101).
La généralisation de cette technique se heurte toutefois à plusieurs problèmes. Le
premier est la crainte d'enfermer l'administration dans un cadre trop étroit et de lui ôter
tout liberté d'action dans l'usage de son pouvoir d'interprétation. Cette objection a été
déjà soulevée pour les directives pour lesquelles on souligne que l'orientation de l'usage
du pouvoir discrétionnaire par l'administration n'est possible que si elle n'enlève à
l'autorité administrative la possibilité d'y déroger (102). Plus fondamentalement,
l'invocabilité heurte le principe de légalité et plus précisément le principe de hiérarchie
normative car elle permettrait de faire prévaloir une interprétation illégale sur la loi, c'est
d'ailleurs l'objection qui a été faite au mécanisme de l'article L. 80 A du livre des
procédures fiscales, frappé d'un soupçon d'inconstitutionnalité (103). C'est d'ailleurs
aussi pour cette raison que le décret de 1983 a subordonné l'invocabilité des circulaires à
leur conformité aux lois et règlements.
Comment dès lors surmonter ces obstacles incontestables à la généralisation de
l'invocabilité de l'interprétation administrative, composante pourtant essentielle du
principe de la confiance légitime ? Le droit étranger peut constituer un élément de
réflexion.
Le droit allemand considère de manière générale que les circulaires administratives
(Verwaltungsvorschriften) sont certes des règles juridiques mais essentiellement internes
(Innenrecht) et non externes (Aussenrecht) dans le sens où elles ne créent pas de droits
et d'obligations pour le particulier (104). Elles peuvent néanmoins avoir des effets
externes indirects quand elles heurtent deux principes fondamentaux : le principe
d'égalité et surtout le principe de confiance légitime (105). Dans ce cas, le juge admet
qu'un contrôle incident est possible, c'est-à-dire que le requérant peut invoquer la
circulaire lors des différentes actions permises par la loi sur la juridiction administrative
(VwGO), comme l'action en annulation ou l'action tendant à l'obtention d'une prestation
(106).
Plus éloquent encore, la nouvelle loi néerlandaise sur la procédure administrative,
codifiant la jurisprudence sur ce point, dispose que « les directives et circulaires
administratives contraires à une règle de droit ne peuvent être invoquées par un
particulier à moins que leur application ne lèse aucun droit des tiers : dans ce cas, le
principe de confiance légitime oblige l'administration à appliquer ces instructions mêmes
si elles sont illégales » (107).
Cet exemple néerlandais pourrait inspirer une réforme législative en France. Cette
dernière pourrait intervenir en deux temps. Il s'agirait d'abord d'obliger l'administration à
se lier à la doctrine qu'elle s'est fixée par la voie de l'interprétation ou de l'orientation
tout en maintenant certaines dérogations, elle doit alors justifier de raisons valables pour
s'en écarter (motifs d'intérêt général, circonstances particulières, illégalité...). Il s'agirait
ensuite de généraliser l'invocabilité de l'interprétation administrative véhiculée par les
circulaires et instructions.
Faut-il maintenir ici la réserve de la non-contrariété aux lois et règlements comme le
dispose l'article 1er du décret de 1983 ? Le principe de légalité commande le maintien de
cette réserve. Le problème est que le juge administratif l'a interprété très strictement,
paralysant ainsi l'effet de l'article 1er : ce dernier est écarté quand l'instruction est
directement contraire à l'une de ces normes mais aussi quand elle ajoute simplement à
ces normes (108).
La reprise telle quelle de cette réserve est donc risquée : si le juge administratif
maintient une interprétation stricte, le mécanisme risque d'être vidé de sa substance. Il
faut alors trouver une formule qui incite le juge à en avoir une interprétation ouverte. Le
principe de légalité peut en effet être interprété de manière plus ou moins souple (109)
: il peut s'entendre comme un principe de stricte conformité - c'est le sens donné par le
juge administratif - ou comme un principe de non-incompatibilité - c'est plutôt le sens
donné par le juge judiciaire.
Comment pousser le juge administratif à interpréter la réserve de non-contrariété aux
lois et règlements comme une réserve de non-incompatibilité et non de conformité ? Une
voie intéressante serait peut-être de libeller le mécanisme d'invocabilité ainsi : les
circulaires et instructions sont invocables sous réserve qu'elles ne soient pas
manifestement contraires aux lois et règlements. Le contrôle du « manifeste » est
familier au juge administratif : il lui permet d'avancer dans son contrôle tout en
respectant certaines exigences. L'illégalité manifeste pourrait ainsi être réservée aux
circulaires qui violent directement les lois et règlements ; si elles ajoutent simplement à
ces normes, elles pourraient être considérées comme compatibles et donc invocables.
L'invocabilité demeure pour l'instant un mécanisme largement défaillant en droit
français. Ce constat n'est que la traduction d'une méconnaissance de la place aujourd'hui
acquise par l'interprétation administrative, activité de régulation normative essentielle.
Une réhabilitation s'impose donc. Elle suppose certainement une redéfinition des
fonctions de l'administration aujourd'hui. Elle suppose également une réflexion plus
générale sur la manière d'aborder le droit administratif, encore très marqué par des
préoccupations contentieuses. L'interprétation administrative ouvre donc un chantier.
Celui-ci est immense.
Mots clés :
ACTE ADMINISTRATIF * Circulaire * Circulaire impérative * Interprétation administrative
* Dimension régulatrice et normative
GENERALITES * Méthodologie * Interprétation administrative * Dimension régulatrice et
normative * Circulaire impérative
(1) Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, LGDJ, 1993, p. 314.
(2) J. Chevallier, « Les interprètes du droit », in P. Amselek (dir.), Interprétation et droit,
Bruylant Bruxelles, 1995, p. 115.
(3) H. Kelsen, Théorie pure du droit, Dalloz, 1962, p. 453 et s.
(4) V. les analyses de M. Troper, notamment, Pour une théorie juridique de l'Etat, PUF «
Léviathan », 1994 ; La théorie du droit, le droit, l'Etat, PUF « Léviathan », 2001 ; La
philosophie du droit, coll. Que sais-je, n° 857, PUF 2003 ; V. également Droits 2003, n°
37, « Michel Troper ».
(5) V. notamment, Circulaires interprétatives entre incertitudes socio-politiques et
indécisions juridiques, RRJ 1996, p. 785 s. ; Circulaires interprétatives et jurisprudence
administrative, Petites affiches 24 janv. 1996, p. 17 s. ; « Les circulaires du Premier
ministre (argumentations et justifications) », Etudes en l'honneur de Georges Dupuis.
Droit public, LGDJ, 1997, p. 187 s. ; surtout : Les circulaires administratives, Economica,
2003, p. 201 s. et « Distinguer « l'impératif » du « réglementaire » au sein des
circulaires interprétatives », RD publ. 2004, p. 499 et s.
(6) Notamment R. Chapus, Droit administratif général, T. 1, Montchrestien,15e éd.,
2001, p. 513 : « Dans les faits, un fonctionnaire attend d'avoir reçu la circulaire
adéquate pour faire application des dispositions législatives ou réglementaires, qui
pourtant sont déjà en vigueur ».
(7) Sur cet aspect, notamment, P. Combeau, L'activité juridique interne de
l'administration, contribution à l'étude de l'ordre administratif intérieur, Thèse Bordeaux
IV.
(8) V. notamment G. Koubi, Les circulaires administratives, op. cit. p. 201 s.
(9) Les mesures d'ordre intérieur. Essai sur les caractères juridiques de la vie intérieure
des services, Sirey, 1934, p. 380.
(10) Pour une analyse des fonctions et objets des circulaires, V. G. Koubi, op. cit.
(11) V. P. Combeau, Thèse précitée.
(12) CE, Ass., 29 janv. 1954, Institution Notre-Dame-du-Kreisker, Lebon p. 64 ; RPDA
1954, p. 50, concl. Tricot ; AJDA 1954, II, p. 5, chron. MM. Gazier et Long.
(13) V. notamment, P. Combeau, Un oubli dans la réforme : l'invocabilité des circulaires
et instructions de services, AJDA 2000, p. 495 ; Une avancée dans le contrôle
juridictionnel des circulaires ?, note sous CE, Sect., 18 déc. 2002, Mme
Duvignères,
Petites affiches 23 juin 2003, p. 22.
(14) R. Chapus, Droit administratif général, t. I, préc., p. 512.
(15) Les circulaires peuvent transmettre un acte, contenir une simple information, inviter
les agents publics à adresser à l'administration des informations ou indications, ou
donner des instructions aux agents publics sur leur fonction...
(16) Flexible Droit, pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, 10e éd. 2001, p. 25
(17) Traité de droit constitutionnel, t. II, Albert Fontemoing 1928, p. 359.
(18) Le contrat comme norme de droit public positif, RFDA 1992, p. 25 .
(19) CE 18 déc. 2002, RFDA 2003, p. 280, concl. P. Fombeur , p. 510, note Petit ;
AJDA 2003, p. 487, chron. F. Donnat et D. Casas ; JCP 2003, n° 5, note J. Moreau ;
Petites affiches 23 juin 2003, note P. Combeau ; GAJA, 14e éd., 2003, n° 118 ; V. aussi :
J.-B. Auby, Le juge et les interprétations administratives, Dr. adm. mars 2003, p. 2 ; J.
Moreau, Sur l'interprétation du mot interprétation, à propos des circulaires
réglementaires et des circulaires interprétatives, JCP éd. A 2003, n° 5, 1064 p..
(20) Sur cet aspect, V. les analyses de G. Koubi, Distinguer l'impératif du réglementaire
au sein des circulaires interprétatives, préc., p. 499 et s.
(21) Concl. P. Fombeur préc.
(22) C'est le sens des analyses de G. Koubi, Les circulaires administratives, op. cit.
(23) Pour une analyse différente, V. G. Koubi, Distinguer l'impératif..., préc. ; l'auteur
souligne en particulier que « le maintien d'une distanciation entre interprétation juridique
et interprétation administrative est (...) essentiel pour la stabilité du système juridique et
la cohérence du droit (...) », p. 507, note 36.
(24) G. Timsit, in Etat, Loi, Administration, Mélanges Ep. Spiliotopoulos, Bruylant
Bruxelles, 1998, p. 441.
(25) Définition du Nouveau Petit Robert.
(26) Théorie pure du droit, Dalloz, 1962, p. 453.
(27) Pour une analyse de ces acteurs, J. Chevallier, « Les interprètes du droit », in P.
Amselek (dir.), Interprétation et droit, Bruylant Bruxelles, 1995, p. 115.
(28) V. notamment J.-J. Bienvenu, T. Lambert, Droit fiscal, PUF, 2e éd., n° 84 s. ; L.
Vapaille, La doctrine administrative fiscale, L'Harmattan, 1999.
(29) G. Koubi, Les circulaires administratives, préc., p. 215
(30) G. Koubi, Circulaires administratives, entre incertitudes socio-politiques et
indécisions juridiques, préc. p. 787.
(31) Pour G. Koubi, il s'agit de différents « marqueurs temporels (chaque fois que,
pendant, toutefois), factuels (par là-même, lorsque, puisque), conceptuels
(distinctement, indépendamment, fondamentalement), « aspectuels » (encore, déjà,
également) », Les circulaires administratives, préc., p. 214.
(32) Ces deux circulaires (JO 29 août 2003, p. 14720 et JO 2 oct. 2003, p. 16824)
demandent aux ministres de mettre en place des chartes de la qualité de la
réglementation et de désigner des hauts fonctionnaires en charge de cette question.
(33) Circulaire du 12 déc. 1989, dite Circulaire Jospin, JO 15 déc. 1989, p. 15577 ;
Circulaire n° 93-316 du 26 oct. 1993 relative au respect de la laïcité, BOEN, 18 nov.
1993, n° 39, p. 3609 ; Circulaire n° 1649 du 20 sept. 1994, dite Circulaire Bayrou, sur le
port de signes ostentatoires dans les établissements scolaires, BOEN, 29 sept. 1994, n°
35, p. 2529.
(34) Circulaire du 18 mai 2004 dite Circulaire Fillon relative à la mise en oeuvre de la loi
n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de
signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et
lycées publics, JO 22 mai 2004, p. 9033 ; pour un commentaire, O. Dord, Laïcité à
l'école : l'obscure clarté de la circulaire « Fillon » du 18 mai 2004, AJDA 2004, p. 1523 .
(35) H. Kelsen, Théorie pure du droit, préc., p. 454.
(36) M. Troper, « Une théorie réaliste de l'interprétation », in La théorie du droit, le
droit, l'Etat, PUF, 2001, p. 80 ; V. également : M. Troper, La Philosophie du droit, Que
sais-je, n° 857, PUF, 2003, p. 100 s. ; v° Interprétation, in D. Alland et S. Rials,
Dictionnaire de la culture juridique, Quadrige Lamy PUF, 2003.
(37) M. Troper, Réplique à Otto Pfersmann, RFD const. 2002, p. 342.
(38)Ibid. Pour O. Pfersmann, au contraire, l'une des difficultés essentielles de la théorie
réaliste de l'interprétation serait de renvoyer « au statut d'organe le seul critère de la
normativité », Contre le néo-réalisme juridique. Pour un débat sur l'interprétation, RFD
const. 2002, p. 323.
(39) Pour D. de Béchillon, « la juridicité d'une norme suppose l'existence d'une
habilitation de son auteur à exercer un pouvoir normatif », Qu'est-ce qu'une règle de
droit ?, O. Jacob 1997, p. 252.
(40) Pour une application de la théorie des compétences à l'administration, V. F.-P.
Bénoit, Le droit administratif français, Dalloz, 1968, p. 470.
(41) Sur ce rattachement du pouvoir d'instruction à la théorie des compétences
implicites, V. P. Combeau, thèse préc. p. 239 s.
(42) CE, 30 juin 1950, Lebon p. 413 ; D. 1951, p. 593, note F. Marion ; Dr. soc. 1951, p.
246, concl. J. Delvolvé ; S. 1951, III, p. 85, note J.-M. Auby.
(43) R. Chapus, Droit administratif général, T. 1, préc., n° 545.
(44) M. Troper, Réplique à O. Pfersmann, RFD const. 2002, p. 341.
(45) V. E. Péchillon et M. Herzog-Evans, Droit pénitentiaire : la réécriture de la loi par
voie de circulaires, Petites affiches 20 mars 2001, p. 8 et 21 mars 2001, p. 8 : à propos
de la circulaire du 31 octobre 2000, relative à la procédure disciplinaire des détenus qui
applique aux détenus l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des
citoyens dans leurs relations avec les administrations.
(46) CE, 14 mars 2003, Louis le Guidec, AJDA 2003, p. 1446, note G. Koubi ; Petites
affiches 5 nov. 2003, p. 7, note B. Seiller.
(47) V. ici G. Koubi, Distinguer l'impératif..., préc. p. 509.
(48) J. Chevallier, « Les interprètes du droit », in P. Amselek (dir.) Interprétation et
droit, Bruylant Bruxelles, 1995, p. 115 s.
(49) J. Chevallier, préc., p. 115.
(50) J. Chevallier, préc., p. 116.
(51) J. Chevallier, Les interprètes du droit, préc., p. 118.
(52) G. Koubi, Circulaires interprétatives et jurisprudence administrative, Petites affiches
24 janv. 1996, p. 18.
(53) Pour une analyse, V. G. Koubi, Les Circulaires administratives, préc., p. 256 s.
(54) Par ex. circulaire 12 mai 1998 relative à l'application de la loi du 11 mai 1998
relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, BOMI 2e
trimestre 1998, n° 98-2, p. 29.
(55) « Retenant plus ou moins les variables pertinentes de l'interprétation
juridictionnelle, la circulaire se superpose à la décision de justice, interprétant la loi ou le
règlement à la lumière de l'arrêt », ibid.
(56) Circulaire du 20 juillet 1995 relative à l'interdiction, pendant la période estivale, de
certaines activités s'exerçant sur la voie publique, notamment la mendicité : elle apporte
de nouvelles pistes pour interdire l'activité de mendicité (il s'agit du préjudice esthétique
prévu à l'art. L 131-4-1 du code des communes issu de la loi du 3 janv. 1991 donnant la
possibilité au maire d'instituer des secteurs protégés dans certaines parties de la
commune considérées comme particulièrement sensibles).
(57) Par exemple la circulaire du 7 mars 1997 relative à la déconcentration des décisions
administratives (JO 13 mars 1997, p. 3905) et celle du 24 déc. 1997 sur le même sujet
(JO 27 déc. 1997, p. 46005) reprenant la définition jurisprudentielle de la décision
administrative individuelle.
(58) G. Koubi, Circulaires interprétatives et jurisprudence administrative, préc., p. 18.
(59) CE, ord., 30 oct. 2001, Syndicat national des enseignants du second degré et
autres, Lebon p. 521 ; D. 2002, Jur. p. 601, note G. Koubi et G. J. Gugliemi .
(60) CE, ord., 18 juill. 2002, Union nationale des syndicats autonomes Education et
autres, Lebon, tables, p. 861 ; RD publ. 2002, p. 1351, étudeA. Viola ; Petites affiches
30 oct. 2002, p. 17, note P.-Y. Chicot.
(61) CE, 29 nov. 2002, Syndicat national des enseignants du second degré et autres (1re
espèce), Union nationale des syndicats autonomes (2e espèce), JCP éd. A 2002, Savoir,
1295, p. 329, note G. Koubi et G. J. Guglielmi ; AJDA 2002, p. 1512, note A. Viola .
(62) H. Kelsen, Théorie pure du droit, préc. 7.
(63) Pour cette définition large : R. Capitant, L'impératif juridique, Dalloz, 1928, p. 63 s.
(64) D. de Béchillon, Qu'est-ce qu'une règle de droit ?, préc., p. 175 ; pour l'auteur,
cette obligation se forme dans l'esprit de chacun à partir du moment où apparaît le
sentiment que le respect de cette règle est essentiel au maintien de la solidarité sociale.
(65) Traité de droit constitutionnel, T. I, de Boccard, 3e éd., 1927, p. 82.
(66) Par ex., art. 28 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations
des fonctionnaires.
(67) Art. 29 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des
fonctionnaires.
(68) Sur cet aspect, V. P. Combeau, thèse préc., p. 213.
(69) La confrontation de la théorie de la formation du droit par degré avec les idées et
les institutions consacrées par le droit positif français, Sirey, 1933, p. 124. Pour J. du
Bois de Gaudusson, « parce qu'il devient membre de l'institution, qu'il pénètre dans
l'institution administrative, il incombe à l'usager des services publics, une obligation
générale d'obéissance au pouvoir du chef de service », L'usager du service public
administratif, LGDJ 1974, p. 237.
(70) J. du Bois de Gaudusson, thèse préc., p. 253.
(71) Note sous CE, 22 févr. 1918, Cochet d'Hattecourt, S. 1921, 3, p. 9.
(72) V. notamment les analyses de M. Waline, Traité de droit administratif, Sirey, 9e éd.,
1963, p. 510.
(73) V. par ex., CJCE, 9 oct. 1990, République française c/ Commission, AJDA 1991, p.
57, note P. Le Mire .
(74) V. notamment, H. Maurer, Allgemeines Verwaltungsrecht, Verlag CH Beck München,
14e éd., 2002, § 24, p. 15; pour l'auteur, les circulaires (Verwaltungsvorschriften)
déploient leurs effets juridiques dans le domaine administratif intérieur (Innenwirkung) ;
en tant que règles internes, elles s'imposent aux autorités administratives subordonnées
et aux agents mais pas aux citoyens pour qui elles ne créent pas d'obligations.
(75) Distinguer l'impératif..., préc., p. 519.
(76) V. ici H. Kelsen, Théorie pure du droit, préc., p. 460.
(77) V. M. Troper, La théorie du droit, le droit, l'Etat, PUF « Léviathan », 2001.
(78) A. Cocâtre-Zilgien, La nature juridique des mesures d'ordre intérieur en droit
administratif français, RISA 1958, p. 493-494. Pour M. Mockle, « qu'elle soit comprise
dans un sens classique ou dans un sens plus étendu, l'interprétation administrative est
un procédé proprement normatif », Recherche sur les pratiques pararéglementaires,
LGDJ, 1984, p. 228.
(79) D. Mockle, Recherches sur les pratiques administratives pararéglementaires, LGDJ,
1984, p. 228.
(80) V. les remarques de O. Dord, art. préc. : les signes ostensibles par destination
s'opposent aux signes ostensibles par nature en ce qu'ils sont portés en dehors de toute
signification religieuse et qui deviennent des signes confessionnels par le comportement
de l'élève. Pour ces signes, la circulaire prévoit qu'il revient à l'administration, et non
plus au juge, d'identifier l'existence du caractère ostensible.
(81) Kant fut à l'origine de cette distinction : Métaphysique des moeurs, Introduction, T.
I, GF-Flammarion, 1994, p. 172 et s. ; théorie reprise par R. Capitant, Introduction à
l'étude de l'illicite, l'impératif juridique, Dalloz 1928, et D. de Béchillon, Qu'est-ce qu'une
règle de droit ?, O. Jacob, 1997.
(82) Sur ce phénomène, V. notamment, J-B. Auby, Prescription juridique et production
juridique, RD publ. 1988, p. 673.
(83) V. notamment, G. Timsit, Archipel de la norme, PUF, 1997, p. 162, également, P.
Combeau, thèse préc., p. 129.
(84) Préc.
(85) V. ici les remarques de G. Koubi, Distinguer l'impératif..., préc., p. 521. L'auteur
précise également que l'interprétation administrative ne peut révéler une obligation de
type conditionnel que si elle est convenablement diffusée et publiée, ce qui n'est pas le
cas des circulaires.
(86) V. concl. P. Fombeur préc. sur CE, Sect., 18 déc. 2002, Mme
Duvignères, RFDA
2003, p. 274 .
(87) Sur cet aspect, P. Combeau, Une avancée dans le contrôle juridictionnel des
circulaires ?, note sous CE 18 déc. 2002, Mme
Duvignères, Petites affiches 23 juin 2003,
p. 22 s., préc.
(88) V. J. Moreau, Sur l'interprétation du mot « interprétation », à propos des
circulaires..., préc. ; G. Koubi, Distinguer l'impératif..., préc., p. 501 ; l'auteur affirme
d'ailleurs clairement que « la notion de « disposition impérative » est donc bien d'ordre
procédural », préc. p. 522.
(89) Qu'est-ce qu'une règle de droit ?, préc. p. 175.
(90) Sur ce principe, V. en particulier : J.-P. Puissochet, « Vous avez dit confiance
légitime ? (le principe de la confiance légitime en droit communautaire) », dans L'Etat de
droit. Mélanges en l'honneur de Guy Braibant, Dalloz, 1996, p. 581 et s. ; E.
Prevedourou, Le principe de la confiance légitime en droit public français, éd. Sakkoulas,
Athènes 1998 ; J.-M. Woehrling, « La France peut-elle se passer du principe de confiance
légitime ? », Gouverner, administrer, juger, Liber Amicorum Jean Waline, Dalloz, 2002,
p. 749.
(91) Sur ce point, O. Pfersmann, Regard externe sur la protection de la confiance
légitime en droit constitutionnel allemand, RFDA 2000, p. 236 et s.
(92) CJCE, 5 juin 1973, Commission c/ Conseil, aff. 81/72, Rec. p. 575 ; ce principe a
été ultérieurement qualifié de « principe fondamental de la Communauté » (CJCE 5 mai
1981, Dürbeck, aff. 112/80, Rec. p. 1095, p. 1019).
(93) J.-P. Puissochet, art. préc., p. 585.
(94) V. CJCE, 30 janv. 1994, Louwage c/ Commission, aff. 148/73 à propos d'une
directive interne.
(95) Contrairement au droit allemand où il a une valeur constitutionnelle car constitutif
du principe de l'Etat de droit ou au droit communautaire où il est un véritable principe
général du droit, le principe de la confiance légitime comme celui de la sécurité juridique
duquel il s'inspire, n'a aucune valeur de principe pour l'instant malgré la position du
Tribunal administratif de Strasbourg qui l'invoque expressément pour reconnaître une
responsabilité administrative du fait d'un changement brusque de réglementation (TA
Strasbourg, 8 déc. 1994, Freymuth, AJDA 1995, p. 555, concl. J. Pommier ; JCP 1995,
II, n° 22474, concl. ; RFDA 1995, p. 963, note M. Heers ; 9 avr. 1997, Caisse
régionale de Crédit agricole mutuel d'Alsace, Rev. Europe févr. 1998, n° 45).
(96) P. Bern, La protection du contribuable contre les changements de doctrine
administrative, RSF 1971, p. 751 et s. ; également : S. Austry, La garantie contre les
changements de doctrine, RJF 1996, p. 478 ; E. Mignon, Doctrine administrative :
jurisprudence récente, questions en suspens, RJF 2000, p. 487.
(97) Sur l'article 1er spécifiquement : P. Amselek, L'opposition à l'administration de sa
propre doctrine, les innovations apportées par le décret du 28 novembre 1983, RD fisc.
1984, n° 4, p. 19 ; M. Heinis, L'article 1er du décret du 28 nov. 1983 devant le juge de
l'impôt, Petites affiches 1er juill. 1994, n° 78, p. 7 ; G. Noël, Les vicissitudes des
circulaires opposables, RJCO 1989, p. 17 ; P. Combeau, Un oubli dans la réforme :
l'invocabilité des circulaires et instructions administratives, préc
(98) Sur ce point : X. Prétot, De l'esprit des circulaires et instructions... et des rapports
qu'elles entretiennent avec le droit social, RJS 1997, p. 422 ; Les grands arrêts du droit
de la sécurité sociale, Dalloz, 2e éd., 1998, n° 7. La Cour de cassation, dans la mesure
où elle tient compte de cet article 1er est, en ce sens, plus en phase avec le principe de la
confiance légitime.
(99) P. Combeau, Un oubli dans la réforme : l'invocabilité des circulaires et instructions
administratives, préc.
(100) Loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, JO 10 déc., p.
20857, avalisée par le Conseil constitutionnel, décision n° 2004-506 DC du 2 décembre
2004. La première loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à
simplifier le droit ne comporte pas de dispositions relatives à l'invocabilité de
l'interprétation administrative.
(101) C'est l'objet de l'article 52 de la loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit :
« dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le gouvernement est
autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures de nature à renforcer les droits des
cotisants dans leurs relations avec les organismes chargés du recouvrement des
contributions et des cotisations de sécurité sociale aux fin de : 1° - permettre aux
cotisants de se prévaloir des circulaires et instructions ministérielles publiées 2° -
permettre aux cotisants d'invoquer l'interprétation de l'organisme de recouvrement sur
leur situation au regard de la législation relative aux cotisations et aux contributions de
sécurité sociale (...) ». Cette disposition qui fait un parallèle (contesté) entre cotisations
de la sécurité sociale et impositions constituera, quand elle sera aménagée une
intéressante contribution au régime des circulaires en matière de droit social ; sur ce
point, X. Prétot, De l'esprit des circulaires et instructions... , préc.
(102) V. R. Chapus, Droit administratif général, T. 1, préc., n° 691.
(103) Pour une synthèse, V. L. Vapaille, La doctrine administrative fiscale, L'Harmattan,
1999, p. 180 et s. ; V. Haim, L'article L 80-A est-il inconstitutionnel ?, Dr. fisc. 1995, p.
549.
(104) V. notamment, C. Autexier, Introduction au droit public allemand, PUF, 1997, n°
149 ; H. Maurer, Allgemeines Verwaltungsrecht, 14e éd. München, 2002, § 24 ; H.J.
Wolff & O. Bachof & R. Stober, Verwaltungsrecht I, 11e éd., München, 1999, §2 4 ;
Erichsen & Martens (Hg), Allgemeines Verwaltungsrecht, 11e éd., Berlin, 1998, § 6.
L'étude fondamentale est celle de F. Ossenbühl dans sa thèse, Verwaltungsvorschriften
und Grundgesetz, Berlin, 1968.
(105) V. notamment, H. Maurer, préc., § 24, 24.
(106) Pour une présentation du système des actions, V. C. Autexier, Introduction au
droit public allemand, préc., n° 323 et s., W-R. Schenke, Verwaltungsprozessrecht, C.F.
Müller, 9e éd., 2004. Ce système de contrôle incident n'est cependant possible qu'à
l'égard de certaines circulaires ; quant aux les circulaires interprétatives, le juge reste
assez réticent à leur reconnaître un effet externe, v. H. Maurer, préc, § 24, 29.
(107) Cité par J.-M. Woehrling, La France peut-elle se passer du principe de confiance
légitime ?, préc., p. 759.
(108) P. Combeau, Un oubli dans la réforme : l'invocabilité des circulaires et instructions
administratives, préc., p. 499. Cette position est d'autant plus restrictive que le juge
judiciaire, de son côté, a une interprétation plus souple de cette réserve : il accepte
l'invocabilité de la circulaire qui ajoute aux lois et règlements.
(109) V. l'étude de C. Eisenmann, Le droit administratif et le principe de légalité, EDCE,
1957, p. 25.
RFDA © Editions Dalloz 2012