FERGOUG TEFFAHA CARACTERISATION PHYSICO-CHIMIQUE ET ...
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MINISTERE DE L’ENSEINEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
FACULTE DES SCIENCES
DEPARTEMENT DE CHIMIE
THESE DE DOCTORAT
en Chimie
Spécialité : Chimie-physique
présentée par
FERGOUG TEFFAHA
intitulée
CARACTERISATION PHYSICO-CHIMIQUE ET
THERMODYNAMIQUE DE COMPLEXES D’INCLUSION
CYCLODEXTRINE/TETRACAINE
Soutenue le 22-04-2010 devant le jury composé de :
Mr. S. OuldKada Pr., Université d'Oran Président
Mme. N. Benharrats Pr., USTO Mohamed Boudiaf Examinateur
Mr. A.Krallafa Pr., Université d'Oran Examinateur
Mr. B. Meddah MCA, Université de Mascara Examinateur
Mme F. Bouanani MCA, ENSET d’Oran Examinateur
Mme D. Bendedouch Pr., Université d'Oran Rapporteur
REMERCIEMENTS
Cette thèse a été réalisée sous la direction de Madame Bendedouch Dalila, responsable
de l’équipe de physico-chimique du Laboratoire de Chimie Physique Macromoléculaire
(LCPM) à l’Université d’ORAN, Es-Senia. Je tiens à lui exprimer ma profonde
reconnaissance pour la confiance et le soutient qu’elle m’a toujours témoignés et de m’avoir
encadré tout au long de ce parcours. Ce travail n’aurait pas pu être ce qu’il est sans sa
compétence, son soutien scientifique et sa disponibilité. A travers nos nombreuses discussions
scientifiques, elle m’a fait partager ses grandes connaissances et son enthousiasme pour la
recherche. Qu’elle soit ici assurée de ma profonde reconnaissance.
Je suis également infiniment reconnaissante à Monsieur E. Aicart, Directeur de
recherches à l’Université Complutense de Madrid, de m’avoir accueillie dans son laboratoire
afin d’accomplir une partie de ce travail auquel je tiens à l’associer. Je le remercie pour son
amitié, son aide et sa disponibilité. Qu’il soit également assuré de mon profond respect.
Je remercie sincèrement Monsieur S. Ould Kada, pour l’honneur qu’il m’a fait en
acceptant de présider le jury de cette thèse.
Je tiens à remercier vivement Monsieur A. Krallafa, Professeur à l’Université d’Oran
Es-Sénia, Madame N. Benharrats, Professeur à l’USTO, Madame F. Bouanani, Maitre de
Conférences A à l’ENSET d’Oran et Mr B. Meddah, Maitre de Conférences A à l’Université
de Mascara, qui ont bien voulu porter de l’intérêt à ce travail en l’examinant malgré leurs
nombreuses taches pédagogiques et scientifiques.
Je tiens à remercier tout particulièrement Monsieur Bouhadda Youcef Maitre de
Conférences A à l’Université de Mascara pour m’avoir apporté un soutien sans faille, pour ses
discussions incontournables et pour son aide dans la réalisation des expériences de RMN et de
spectroscopie de masse.
Dédicaces
A mes très cher parents, à ma très
chère petite famille: Youcef mon mari et mes
enfants Mohamed, Amine et Meriem, présents
dans les bons comme dans les pires moments.
1
Table des matières
TABLE DES MATIERES ............................................................................................................. 1
INTRODUCTION GENERALE ................................................................................................. 4
CHAPITRE I
ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I.A. LES ANESTHESIQUES LOCAUX …….…………………….……………….....9
I.A.1. PHARMACOLOGIE………………………………………….……………...9
I.A.1.1. Cellule et fibre nerveuses……………………………….…............9
I.A.1.2. Mode d’administration …………………………………………..12
I.A.1.3. Effets indésirables et toxicité……………………….…….............13
I.A.2. PROPRIETES CHIMIQUES ……………...………………………………...13
I.A.2.1.Structure…....………………………………………………..........13
I.A.2.2. Classification …………………………. …………………….......14
I.A.2.3. Propriétés acido-basiques ..………………………………………15
I.A.2.4. Relation entre structure et activité………….……….…………....16
I.A.3. PROPRIETES SURFACTIVES.………...………………………………......18
I.A.3.1. Formation des micelles..………………………….……………....18
I.A.3.2. Concentration micellaire critique ……………….……………….20
I.A.3.3. Classification et notion de température critique...…..……………20
I.A.3.4.Taille et forme des micelles..… . ………….…………….………..23
I.A.3.5. Détermination de la CMC……………………….………………..23
I.A.3.6. Application ………..……………………………….…………......24
I.B. LES CYCLODEXTRINES……………………………………………………...25
I.B.1. STRUCTURE MOLECULAIRE………………...…………..………………26
I.B.2. COMPORTEMENT EN MILIEUX AQUEUX. ......……………………….....28
I.B.3.CYCLODEXTRINES MODIFIEES………………….....………………………..30
2
I.B.4. VECTORISATION DE PRINCIPES ACTIFS PAR LES CYCLODEXTRINE…...31
I.C. COMPLEXATION D’INCLUSION DES CYCLODEXTRINES………...........34
I.C.1. GENERALITES……….…………………….………………………………34
I.C.2. FACTEURS INFLUENÇANT LA COMPLEXATION …........……………........35
I.C.2.1.Taille………...……………………………………….……………35
I.C.2.2. Hydrophobicité…….……………………………………………...36
I.C.2.3. Solubilité……………….………………………………………....36
I.C.2.4.Milieu environnant……….………………………………………..37
I.C.3. PREPARATION D’UN COMPLEXE ..……………………………………...38
I.C.4. METHODES D’INVESTIGATION.…….....……….……………………….. 39
I.C.5. APPLICATIONS.....……......…………………………..…………………..40
I.C.5.1.Modèle enzymatique et chiralité……..…………………………….40
I.C.5.2.Dépollution des sols………………….……….……………………40
CHAPITRE II
THEORIES ET METHODES D’ANALYSE
II.1.CONDUCTIVIMETRIE……………..…………...……………………………....44
II.1.1.CONDUCTIVITE DES SOLUTIONS ELECTROLYTIQUES..……….……..........44
II.1.1.1.Définitions…………………………………………………………44
II.1.1.2.Loi de Kohlrauch…………...……………………………...………45
II.1.1.3.Loi d’additivité …….…………………………...…………………46
II.1.2.THEORIE DE DEBYE-HÜCKEL .....................………………………………..46
II.1.2.1. Principes fondamentaux…………………………………………..46
II.1.2.2.Loi restreinte………………………………………………………47
II.1.2.3. Loi étendue………………………………………………………..52
II.1.3.TRAITEMENT D’ONSAGER........……………..………………………………54
II.1. 3.1.Mobilité d’un ion solvaté ………….………………………………....54
II.1.3.2. Effet électrophorétique. .......…………..………………………………55
II.1.3.3.Effet de relaxation…..………………..………………………………....55
3
II.1.3.4.Mobilité effective…..…..…………………..……………………….........56
II.1.3.4 Conductivité équivalente…....………….……..………………….........56
II.1.4. APPLICATION A LA MICELLISATION…. ………………...................….....….57
II.1.4.1.Concentration micellaire critique ……….………….……………...57
II.1.4.2.Degré de dissociation(d) ………………………......………………58
II.1.4.3.Variation thermique de la solubilité et température de Kraft(TK).....61
II.1.4.4.Nombre d’agrégation (n)……… ……….…………….....…………61
II.2. SPECTROPHOTOMETRIE UV-VISIBLE………..……………………................62
II.2.1. ABSORPTION DE LA LUMIERE...…..…....………………………..………..62
II.2.2. POINT ISOBESTIQUE.….………………......……………………………...........62
II.3. SPECTOMETRIE RMN…………….…..........…………………………………….....63
II.3.1 DEPLACEMENT CHIMIQUE..…………….. …………………………….....64
II.3.2.MISE EN EVIDENCE DE LA COMPLEXATION D’UNE CYCLODIXTRINE..….64
II .4. SPECTROMETRIE DE MASSE ESI ….……..............…….………………….65
II.5.TENSIOMETRIE.………………………………..…………………………………...…66
II. 6. DETERMINATION DE LA CONSTANTE DE FORMATION D’UN
COMPLEXE 1:1………………….............................……………………..….67
II.6. 1.ECHANGE CHIMIQUE ET CONFORMATIONNEL..…...…..……………….68
II.6. 2.METHODE DE BENESI-HILDEBRAND….……..………………….............70
II.6. 3.METHODE ITERATIVE ...........…….……..……..……………………….73
CHAPITRE III
ETUDE PHYSICO-CHIMIQUE DE LA TETRACAINE
III.1. MATERIELS ET METHODES …….................……………………………….76
III.2.RESULTATS ET DISCUSSION..........................….....………………………...78
III.2.1.TENSIOMETRIE ........……………………………………………………78
III.2.2.CONDUCTIVIMETRIE......………………………………………………..80
III.2.2.1.Températures de Krafft et de fusion …..…………………………….80
III.2.2.2.Concentration micellaire critique…………..……….………………..82
4
III.2.2.3.Concentrations à l’équilibre de dissolution (solubilité)....………..84
III.2.2.4. Nombre d’agrégation ……………………………………...…………88
III.2.2.5.Diagramme de phases……………………………….......……….88
III.2.3. SPECTROPHOTOMETRIE UV-VISIBLE…………………………….............90
III.2.4. PHMETRIE............……………………………...........…………………………..93
III.2.4.1. Détermination du pKa .........……....…………………………….94
III.2.4.2. Diagramme de répartition des espèces ................. ……………….95
CHAPITRE IV
INCLUSION DE LA TC,HCL PAR UNE CD
IV.1.MATERIELS ET METHODES ………...............………………………………99
IV.2. RESULTATS ET DISCUSSION......……………….………………………..102
IV.2.1. MISE EN EVIDENCE DE LA COMPLEXATION.......….……………......…..102
IV.2.1.1. pHmétrie………………………………………………………..102
IV.2.1.2. Spectroscopie RMN……………….....…………………………106
IV.2.1.3. Spectrométrie de masse électro-spray….……………………….115
IV.2.1.4. Spectrophotométrie UV-visible………...………………………118
IV.2.1.5. Conductivimétrie………………………………………………..121
IV.2.2.DETERMINATION DE LA CONSTANTE D’ASSOCIATION DU COMPLEXE..127
IV.2.2.1.Spectrophotomètrie.……………………………………………..127
IV.2.2.2. Conductivimétrie..…………………………...………………….130
IV.2.3. ANALYSE THERMODYNAMIQUE...........….....…........................……132
CONCLUSION GENERALE ….……………………………………………………...137
ANNEXE……………………………………………………………………………139
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES SYMBOLES
5
Introduction Générale
Les médicaments à effet anesthésiant local comme la tétracaine ou la procaine,
sont utilisés pour réduire les douleurs liées aux interventions chirurgicales.
Néanmoins, l’administration de ces substances dans l’organisme est souvent
accompagnée par des effets secondaires indésirables, particulièrement toxiques. Ainsi,
des problèmes d’insolubilité, de stabilité chimique et de faible adsorption
membranaire du principe actif sont généralement à l’origine de la réduction de son
efficacité thérapeutique et de l’irritation des tissus dans le corps humain1, 2, 3
. Mais
depuis ces vingt ou trente dernières années, une nouvelle technologie est apparue, qui
consiste à vectoriser ces médicaments sous forme de complexes vers leur site
d’absorption, ou encore mieux, vers leur site d’activité. Dans cette optique, des
systèmes destinés à la délivrance d’une variété de principes actifs ont été mis au point.
Parmi les plus récents, on peut retenir les complexes avec des cyclodextrines (CD)4,
les liposomes, les nano et microparticules. En particulier, les CD comme nouvelle
famille d’excipients pharmaceutiques et transporteurs de médicaments, sont de plus en
plus privilégiées en raison de leur biodégrabilité et non toxicité et autres propriétés
exceptionnelles qui les caractérisent. Elles se présentent sous forme d’oligomères
cycliques comportant de 6 à 12 unités de glucose, et sont souvent schématisées sous
forme d’un tore ayant une cavité interne dont les dimensions varient selon le nombre
d’unités glucose . La nature duale de ces substances (hydrophilie de l’enveloppe
externe et hydrophobie de la paroi interne) en a fait des composés organiques
biocompatibles parmi les plus importants et intéressants car capables de former des
complexes d’inclusion avec une large variété de molécules actives lipophiles, en
mettant en jeu des liaisons non covalentes5,6
permettant la délivrance du
1 D. O. Thompson, Crit. Rev. Therap. Drug Carrier Syst., 1997, 14, 1. 2 T. Loftsson, H. Fridriksdottir, B.J. Olafsdottir, and O. Gudmundsson, Acat. Pharm. Nord., 1991, 3, 215. 3 B. G. Covino and H. G. Vassallo, Local anesthetics mechanisms of action in clinical use, Grune & Stratton, New York,
1976. 4 K. A. Connors, The Measurement of Molecular Complex Stability, John Wiley & Sons, New York, 1987. 5 K. Harata, Chem. Rev., 1998, 98, 1803. 6 Y. Bakkour, G. Vermeesch, M. Morcellet, F. Boschin, B. Martel, N. Azaroual, J. Incl. Phenom. Macrocycl. Chem., 2006,
54, 109.
6
médicament au site envisagé sous certaines conditions. Dans ce processus de
formation des complexes d’inclusion, la CD molécule « hôte » admet à l’intérieur de
sa cavité une ou plusieurs autres molécules « invitées ». La stabilité du complexe ne
repose donc que sur la compatibilité entre les deux partenaires.
Etant donné que le but de cet inclusion est d’aboutir à des complexes présentant
des propriétés physiques, chimiques et biologiques améliorées par rapport à celles de la
molécule active libre, la conception réussie d’une formulation pharmaceutique incluant
une CD exige donc une bonne connaissance du processus d'encapsulation sur un plan
structural, en particulier la stœchiométrie et la géométrie du complexe, et sur un plan
thermodynamique, en l’occurrence la constante d'association et l’effet de la
température et du pH. Cette problématique constitue l’essentiel des objectifs que nous
nous sommes proposé d’atteindre.
Les travaux entrepris dans le cadre de cette thèse concernent ainsi l’inclusion
de la tétracaine hydrochlorée (TC,HCl) dans une CD. Le choix s’est porté sur la
molécule de TC,HCl car elle appartient à une classe importante de molécules
synthétiques dont la structure chimique ressemble à celle des composés naturels se
trouvant dans le corps humain et participant activement dans la transmission des
impulsions nerveuses. C’est un ester de l’acide para-amino-benzoïque de la famille des
amino- esters qui en solution aqueuse se trouve sous la forme d’un acide faible selon le
schéma suivant :
N
O
O
NH
CH3
CH3CH3NH
+
O
O
NH
CH3
CH3CH3
+ Cl-
ClH
CH4
Sa forme cationique est le principe actif qui en pénétrant dans la membrane
d’une cellule nerveuse bloque le mécanisme de transmission des impulsions nerveuses
H2O
TCH+ TC,HCl
2-(dimethylamino) ethyl
4-(butylamino)benzoate
7
et réduit ainsi la sensation de douleur7,
8. Cette molécule étant par ailleurs dotée de
propriétés tensio-actives, la connaissance de son diagramme de phases en milieu
aqueux devrait permettre de déterminer les meilleures conditions d’activité ainsi que
son conditionnement (conservation et stabilité). En effet, un excès de produit entraine
le risque de former des agrégats micellaires qui peuvent diminuer l’efficacité du
principe actif libre.
Le contenu du mémoire est organisé en quatre chapitres. Le premier est
consacré à une étude bibliographique de TC,HCl, d’une part d’un point de vue
pharmacologique, donc comme molécule anesthésiante au niveau local, et d’autre part
d’un point de vue chimique comme molécule surfactive et agent acido-basique. Ce
chapitre comprend également une synthèse bibliographique sur les CD et leurs
propriétés d’inclusion. Dans le deuxième chapitre, les méthodes d’analyse employées
sont décrites, y compris leur mise en œuvre expérimentale. Par ailleurs, et en
particulier, les théories relatives à la conductivité des ions en solution sont brièvement
développées, étant donné l’impact considérable de la conductivimétrie sur l’ensemble
de nos travaux. Les différentes expériences menées pour déterminer les propriétés
physico-chimiques essentielles de TC,HCl se rapportant à nos objectifs sont décrites
et les résultats discutés dans le troisième chapitre. Le quatrième, quant à lui , traite de
la mise en évidence de la formation du complexe d’inclusion ainsi que de sa
caractérisation physico-chimique en relation avec nos préoccupations. Enfin, ce
mémoire s’achève par une conclusion générale qui présente le bilan global des
principaux résultats obtenus ainsi que les perspectives de recherche projetées.
7 W.C. Archer and M. J. Rand, Manual of Pharmacology, Backwell, Cambridge, 1990.
8 C. Avendaño, Introducción une La Química Farmacética, McGraw Hill Interamaricana, Madrid, 1993.
Chapitre I
8
Chapitre I
Etude bibliographique
Chapitre I
9
1.A. LES ANESTHESIQUES LOCAUX
I.A.1.PHARMACOLOGIE8-12
9,10,11,12
Les anesthésiques sont des médicaments capables de supprimer de façon
réversible la sensibilité sensorielle. Selon l‟étendue de leur action, on distingue les
anesthésiques locaux (AL) et les anesthésiques généraux. Les AL inhibent
momentanément l‟activité des éléments sensoriels et des fibres nerveuses (qui existent
au voisinage de la moëlle d‟une région du corps) vis-à-vis de la douleur en laissant les
autres sensibilités (pression, chaleur et toucher) plus ou moins actives.
Le premier AL répertorié est la cocaïne découverte en 1864 par Niemann. Sa
première utilisation clinique eut lieu en 1884 à Vienne par S. Freud et K. Koller, mais
en raison de ses redoutables propriétés toxicomanogènes, elle n‟est plus prescrite
actuellement. En 1905, Einhom et Braun synthétisèrent le premier anesthésiant local,
la procaine, caractérisée par un faible effet psychostimulant mais qui peut engendrer à
forte dose des états convulsifs. Depuis, de nombreux AL ont été découverts comme la
tétracaine (1930), la prilocaine (1960), l‟étidocaine (1972) et plus récemment la
tétrodotoxine qui est 2500 fois plus puissante que la procaine.
I.A.1.1. Cellule et fibre nerveuses
La douleur est une sensation qui résulte de la stimulation des récepteurs
spécifiques portés par les terminaisons nerveuses libres de la cellule nerveuse
schématisée sur la figure I.1. Ces terminaisons se prolongent par l‟axone qui est
constitué d‟une fibre nerveuse de diamètre variable entourée de myéline. La membrane
d‟une fibre nerveuse est composée de molécules phospholipidiques organisées en
bicouches et intégrant des structures protéiniques dont certaines constituent des canaux
sodiques perméables non seulement aux ions Na+ mais également aux ions K
+. La
conduction de l‟influx nerveux (ou potentiel d‟action) le long des fibres est liée aux
9 H. Schmit, Eléments de pharmacologie, Flammarion, Paris, 1957.
10 L. Lecron, Choix d'un anesthésique local dans l‟anesthésie locorégionale, Arnette, Paris, 1990.
11 P. Gauthier-Lafaye, Anesthésie locorégionale et traitement de la douleur, Masson, Paris, 2009.
12 R. Norbert et T. Holger, Atlas de poche d‟anesthésie, Flammarion, Paris, 2003.
Chapitre I
10
modifications du gradient électrique de part et d‟autre de leur membrane. Elle dépend
essentiellement des mouvements entre le milieu intérieur, riche en ions K+, et le milieu
extérieur, riche en ions Na+, comme nous allons brièvement l‟expliquer.
Figure I.1 : Schéma d’une cellule nerveuse. Adapté de la référence 10.
Polarité de la fibre nerveuse
Au repos, la fibre nerveuse est polarisée car la concentration en ion Na+
est plus
élevée à l‟extérieur qu‟à l‟intérieur de la cellule nerveuse qui contient en revanche un
excès en ions K+. Entre la cellule nerveuse et le milieu extracellulaire existe donc un
gradient électrochimique déterminant un potentiel électrique de repos d‟environ
-80mV comme indiqué sur la figure I.2. Au repos, ce gradient est maintenu constant
du fait de la perméabilité membranaire relativement élevée aux ions K+
vers le milieu
intracellulaire, et de transports actifs d‟ions Na+
vers le milieu extracellulaire.
Figure I.2 : Propagation du potentiel d’action le long d’un segment de la fibre
nerveuse. Adapté de la référence 10.
Chapitre I
11
Stimulation nerveuse
Lors de la stimulation d‟une fibre nerveuse, on assiste à une augmentation du
potentiel de repos de l‟ordre de -80 mV au dessus d‟une valeur seuil, aux environs de
-50mV, en raison d‟une entrée brutale et massive d‟ions Na+
à travers les canaux
sodiques. Ceci conduit provisoirement à inverser le potentiel transmembranaire
(dépolarisation) aux environs de +30mV, valeur qui constitue le potentiel d‟action
(PA). Ensuite, après inactivation des canaux sodiques et une sortie passive d‟ion K+, le
potentiel transmembranaire tend à revenir à sa valeur de repos (re-polarisation), car les
ions K+ qui passent à l‟extérieur vont compenser les ions Na
+ qui sont passés à
l‟intérieur. En fait, comme on vient de le mentionner, la dépolarisation est due à un
mouvement de Na+ vers l‟intérieur de la cellule à travers le canal sodique, tandis que
lors de la re-polarisation, c‟est la migration des ions K+ qui a lieu en sens inverse. Le
déséquilibre ionique résultant de la dépolarisation est corrigé par un processus
(repolarisation) mettant en jeu un mécanisme connu sous le nom de pompe ionique
Na+/K
+ ou pompe sodique qui rétabli l‟équilibre existant avant la stimulation. La
dépolarisation se transmet de segment en segment et propage ainsi le PA le long du
nerf, ce qui se traduit par une propagation de la sensibilité.
Mécanisme d’action des anesthésiques locaux
L‟effet analgésique résulte du blocage de l‟influx nerveux dans les fibres
sensitives. Effectivement, les AL entraînent une stabilisation du potentiel de repos en
bloquant de façon réversible les canaux sodiques, rendant difficile ou empêchant la
dépolarisation et donc la création d‟un PA. Ainsi, la propagation de l‟influx nerveux
est inhibée.
Les AL diffusent sous forme basique à travers la membrane nerveuse puis se
dissocient du fait d‟un pH intracellulaire inferieur comme cela est schématisé sur la
figure I.3. Les cations (forme protonique de l‟anesthésique local) se fixent alors au
niveau des canaux sodiques sur des récepteurs spécifiques (lipoprotéines) situés sur le
segment interne du canal, bloquant ainsi l‟entrée rapide des ions Na+. Leur forme non
ionisée peut également contribuer directement à l‟activité de l‟anesthésique local par
Chapitre I
12
diffusion à travers la bicouche phospholipidique en étant capable d‟entrainer des
modifications conformationnelles de la matrice lipoprotéique.
Figure I.3 : Action d’un anesthésique local sur les canaux sodiques 10
.
I.A.1.2. Mode d’administration 13
Anesthésie de surface
On utilise en général la forme non ionisée incorporée dans des pommades
grasses (application cutanées) ou des gels inertes (application sur muqueuses).
Certains anesthésiques qui ne seraient efficaces qu‟à des concentrations très
importantes comme par exemple la procaïne, ne sont pas utilisés de ce fait dans
l‟anesthésie de surface.
Anesthésie d’infiltration
Par injection intradermique ou sous cutanée, on recherche un blocage des
terminaisons nerveuses. Les AL trop puissants et présentant de ce fait une trop grande
toxicité potentielle, ne sont pas en général utilisés de cette manière sauf à des
concentrations très inférieures à celles généralement en usage.
Anesthésie de conduction
Elle se fait par injection au voisinage d‟un nerf ou d‟un tronc nerveux ou de
ganglions vertébraux postérieurs (dans l‟anesthésie spinale) ou encore de nerfs spinaux
para-vertébraux.
13
P. Lechat, G. Lagier, B. Rouveix et M. Vincens Weber, Pharmacologie médicale, Masson, Paris, 1982.
Chapitre I
13
I.A.1.3. Effets indésirables et toxicité14
Réactions allergiques
Relativement rares, mais classiquement décrites, la plupart des cas d‟allergie
sont en réalité liés au stress; l‟augmentation brutale du taux d‟adrénaline entraîne une
tachycardie parfois importante, s‟accompagnant d‟une sensation de malaise.
Manifestations cutanées
Les rares éruptions cutanées sont essentiellement dues aux conservateurs
utilisés, plus rarement aux solvants ou aux lubrifiants. Quelques cas d‟eczéma de
contact ont aussi été rapportés.
Nécrose
L‟injection rapide d‟une quantité trop importante d‟AL trop froid avec une
concentration trop élevée de vasoconstricteur peut entraîner l‟apparition d‟une nécrose,
surtout chez les sujets diabétiques.
I.A.2. PROPRIETES CHIMIQUES 15, 16
I.A.2.1. Structure
Tous les AL sont des composés dont l‟architecture moléculaire est constituée de
trois éléments schématisés sur la figure I.4.
1- Un groupement aromatique (acide benzoïque ou para-amino-benzoïque) qui
constitue le pôle lipophile et joue un rôle dans la diffusion et la fixation du
médicament. Etant donné que la liaison aux protéines conditionne la durée
d‟action, les AL fortement liés aux lipoprotéines des membranes nerveuses ont
un effet prolongé.
14 M. Freysz, L. Bealj, O. Timour et G. Faucon, Ann. Fran. Anesth. Réa., 1988, 7, 181. 15 D. Attwood and A. T. Florence, Surfactant Systems, Their Chemistry, Pharmacy and Biology, Chapman and Hall,
NewYork, 1983. 16
G. Lagan and H. A. McLure, J. Current Anaesth. critical care, 2004, 15, 247.
Chapitre I
14
Figure I.4: Anesthésiques locaux : structures chimiques générales. Adapté de la
référence13.
2- Une chaîne intermédiaire, de type ester ou amide, dont la longueur influence
directement la lipo-solubilité (allongement) ou l‟hydro-solubilité
(raccourcissement).
3- Un groupement fonctionnel, généralement une amine tertiaire, qui en se
quaternarisant constitue le pôle hydrophile qui conditionne la répartition et la
diffusion du médicament dans le sang.
Du fait de leur structure particulière duale (hydrophobe/ hydrophile), ces
composés possèdent des propriétés tensioactives. Cet aspect fondamental sera traité
ultérieurement.
I.A.2.2. Classification16
Les AL sont classés en fonction de leur chaîne intermédiaire en 2 groupes
principaux : les amino–esters ou amino-amides.
Dérivés amino-esters
Ces dérivés de l‟acide para-amino-benzoïque, possèdent une fonction amine en
position para comme par exemple la procaine:
Chapitre I
15
et la tétracaine qui est l‟objet de nos travaux :
Dérivés amino-amides
Ces composés ne possèdent pas de fonction amine en position para du cycle
aromatique comme par exemple la lidocaine (ou xylocaine ) :
I.A.2.3. Propriétés acido-basiques
Les propriétés pharmaco-chimiques des AL découlent de leur structure et nature
chimique qui dépendent en partie du milieu environnant. En solution aqueuse, les AL
existent soit sous forme ionisée (acide) soit sous forme non ionisée (basique) suivant
l‟équilibre chimique habituel:
.
BH+ + H2O B + H3O
+ (I.1)
caractérisé par la constante d‟acidité
Ka [B].[ H3O+]/ [BH
+] (I.2)
Dans l‟expression ci –dessus les interactions sont négligées et les activités remplacées
par les concentrations des différentes espèces. La proportion relative de chacune des
Chapitre I
16
deux formes de l‟AL dépend du pH du milieu et de son pKa selon l‟équation bien
connue d‟Henderson-Hasselbach :
pH pKa – log [B]/[BH+] (I.3)
Lorsque le pKa est égal au pH du milieu, les quantités en forme ionisée et non
ionisée sont équivalentes, comme illustré sur la figure I.517
. Pour la lidocaïne par
exemple, dont le pKa est de 7,89, la proportion de la forme non ionisée est de 10% à un
pH de 7 contre 40% à un PH de 7,40. L‟alcalinisation du milieu augmente donc la
proportion de molécules sous forme non ionisée.
6,0 6,5 7,0 7,5 8,0 8,5 9,0
10
20
30
40
50
60
70
pH physiologique pKa=8,5
pKa=7,6
fra
ctio
n n
on
-io
nis
ée
pH
Figure I.5 : Relation entre le pKa d’un AL et la prévalence en forme non ionisée en
fonction du pH17
.
I.A.2.4. Relation entre structure et activité
Les propriétés structurales des AL expliquent en grande partie leur variabilité
d‟action. Leur diffusion transmembranaire dans les cellules nerveuses sera dépendante
du gradient de concentration et des coefficients de diffusion propres à chaque AL. La
gaine nerveuse étant de nature lipidique, l‟anesthésique doit avoir un degré de
17
D. Chassard, K. Berrada and P. Bouletreau, J. Anaesth., 1996, 43, 384.
Chapitre I
17
liposolubilité suffisant pour pouvoir la traverser18
. En effet, l‟allongement de la chaîne
intermédiaire (jusqu‟à 0,9 nm) du composé ainsi que l‟augmentation du poids
moléculaire de l‟un de ses pôles (R, R1 et R2, sur la figure I.4) favorise la
liposolubilité. Cette affinité favorise également la fixation des AL sur la partie
hydrophobe des protéines membranaires en contact avec les phospholipides, ce qui se
traduit par une augmentation de l‟activité intrinsèque de l‟AL et une réduction du
délai d‟action, comme le montre le tableau I-1. En effet, la tétracaine, qu‟on peut
réduire à une molécule de procaine à laquelle un groupement butyle a été attaché à
l‟amine liée au noyau aromatique, présente une lipo-solubilité et un taux de liaison aux
protéines nettement supérieurs à ceux de la procaine. Néanmoins, il faut souligner que
cet aspect n‟est pas toujours prépondérant comme le montre le cas de la lidocaine et de
la bupivacaine. Cette dernière bien que possédant des groupements butyles au lieu des
éthyles sur sa fonction amine a un délai d‟action plus long que celui de la lidocaine en
raison de la valeur du pKa car plus celui ci est élevé, plus la quantité de la forme
basique qui traverse la membrane est faible et par conséquent plus long sera le délai
d‟action. Par conséquent, il est important de noter que c‟est l‟état d‟ionisation qui va
conditionner l‟activité et la distribution des AL19
. En effet, bien que ce soit la forme
ionisée qui contribue essentiellement à l‟activité de l‟AL, il faut souligner le fait que la
forme non ionisée est la seule forme capable de diffuser à travers les membranes
Tableau I-1 : Propriétés physicochimiques de quelques anesthésiques locaux18
.
AL
Délai
d‟action (mn)
pKa
Liposolubilité
% de base
à pH 7,4
Puissance
anesthésiante relative
Procaïne 14 -18 8,9 0,02 2 1
Tétracaïne 10 – 15 8,5 4,1 5 8
Lidocaïne 2 – 4 7,8 2,9 20 2
Bupivacaïne 5 -8 8,1 28 35 8
18
M. Cathim, Anesthésiques locaux, Arnette, Paris, 1976. 19
J. F. Buttterworth and G. R. Strichartz, Anesth. Rev., 1990, 72, 711.
Chapitre I
18
nerveuses avant de s‟ioniser à l‟intérieur de l‟axone comme cela est schématisé sur la
figure I.310
. Effectivement, Richie et al.20
ont montré que la lidocaine est plus efficace
à réduire le PA d‟un nerf lorsque celui-ci baigne dans un milieu de conservation alcalin
(pH=8,8) que dans un milieu neutre (pH =7,2). Strobel et al.21 ont confirmé ces données
en montrant que la pénétration de la procaïne ainsi que celle de la lidocaine sont deux
fois plus rapides à pH =8,2 qu‟à pH =7,2. Plus le pKa de l‟AL sera alcalin, plus le délai
d‟action au pH physiologique sera long étant donné que la fraction de la forme non
ionisée sera plus faible dans ces conditions. De la même façon, au pH physiologique,
ces différences expliquent que les AL dont les pKa sont les plus acides (amides) aient
des délais d‟action plus courts que ceux des AL ayant des pKa plus alcalins (esters).
I.A.3. PROPRIETES SURFACTIVES22, 23
Les agents de surface ou tensioactifs, connus également sous le nom de
« surfactants » de l‟anglais „„surface active agent‟‟ sont des substances très actives
aux interfaces (liquide/liquide, liquide/solide et liquide/gaz). Ces substances
s‟adsorbent à l‟interface selon des orientations adéquates afin de former une mono-
couche moléculaire. Cette activité se manifeste surtout par la réduction de la tension
inter-faciale, même à de très faibles concentrations. Ces propriétés physico-chimiques
particulières leurs permettent de couvrir un large domaine d‟applications allant de la
synthèse organique à la conversion et au stockage de l‟énergie solaire, en passant par
la détergence et le traitement des surfaces.
Du point de vue chimique, l‟originalité de ces molécules découle du fait
qu‟elles sont constituées de deux parties antagonistes : l'une hydrophobe, peu ou non
polaire, insoluble dans l‟eau; l‟autre hydrophile, ionique ou polaire, soluble dans l‟eau.
C‟est la raison pour laquelle ces molécules sont aussi appelées des amphiphiles. La
partie hydrophobe correspond généralement à une longue chaîne hydrocarbonée
20
J. Ritchie, B. Ritchie and P. Greengard, J. Pharma. Exp. Therap., 1965, 150, 160. 21
G. E. Strobel and C.Bianchi, J. Pharma. Exp. Therap., 1970, 172, 1. 22
H. Clint, Surfactant agrégation,. Chapman and Hall, New york, 1992. 23
C. Tanford, The hydrophobic Effect : Formation of Micelles and Biological Membranes, Wiley & Sons, New
York, 1975.
Chapitre I
19
(queue) linéaire ou bien branchée qui peut contenir des hétéroatomes comme
l‟oxygène, l‟azote, le soufre ou le fluor. La partie hydrophile (tête) est habituellement
constituée d‟un atome, d‟un groupement d‟atomes ou d‟un ion. Le schéma
conventionnel de la représentation d‟une molécule tensioactive est indiqué sur la
figure I.6 .
Figure I.6 : Représentation schématique des différentes parties d’une molécule
tensioactive.
I.A.3.1. Formation des micelles
Lors de leur introduction en milieu aqueux, les molécules tensioactives
commencent à se rassembler à la surface et finissent par la saturer lorsqu‟on augmente
la concentration. Ensuite, lorsque la solution est saturée en molécules solvatées, les
molécules supplémentaires vont créer un milieu satisfaisant à leurs exigences
antagonistes au sein de la solution. Ce milieu est constitué d‟agrégats auto-associatifs,
appelés micelles, dont le cœur est un milieu apolaire (voir figure I.7) et peut exister
sous différentes architectures (sphère, cylindre, vésicule, lamelle, etc…)24,25
.
Aniansson26
a montré que les micelles ne sont absolument pas des structures figées
mais sont le siège de processus de formation et de destruction de l‟entité micellaire en
équilibre thermodynamique avec les molécules libres solvatées et celles adsorbées en
surface. Leur formation est expliquée par différents modèles, le plus simple et le plus
24
T. Yasunaga, K. Takeda and S. Harada, J. Coll. Inter. Sci., 1973, 42, 457. 25
E. A. G. Aniansson, S. N. Wall, M. Almgren, H. Hoffmann, I. Kielmann, W. Ulbricht, R. Zana, J. Lanng and C. Tondre, J.
Phys. Chem., 1976, 80, 905. 26
E. A. G. Aniansson, S. N. Wall, J. Phys. Chem., 1974, 78, 1024.
Partie hydrophile
Tête
Partie hydrophobe
Queue
Chapitre I
20
utilisé est le modèle basée sur la loi d‟action de masse27
qui s‟appuie sur l‟équilibre
(a) de la figure I.7 entre les micelles et les molécules libres solvatées28
.
Figure I.7 : Représentation schématique des trois états dans lesquels un surfactant
peut se trouver dans l’eau : adsorbé en surface, solubilisé et micellisé en
accord avec les équilibres (a) et (b). Adapté de la référence 28.
I. A.3.2 Concentration micellaire critique
La concentration micellaire critique (CMC) est définie comme la concentration
minimale en tensioactif nécessaire pour que l‟agrégation micellaire soit amorcée. Cette
CMC est influencée par plusieurs facteurs (qui favorisent ou parfois perturbent la
micellisation) liés à la nature des molécules surfactives, et à la formulation globale
dans laquelle se trouve le tensioactif comme la force ionique du milieu, et enfin à la
température. Par exemple, l‟introduction d‟un groupement hydrophile diminue
l‟hydrophobicité effective des groupes alkyles dans sa proximité et augmente ainsi la
valeur de la CMC. Par contre, une augmentation de la longueur de la chaîne carbonée
mène à des valeurs très faibles de la CMC.
I.A.3. 3. Classification et notion de température critique.
27
Y. Moroi, R. Suji and R. Matura, J. Coll. Interf. Sci., 1984, 98, 184. 28 K. Teixeira, Thèse de doctorat : Approche thermodynamique et cinétique de l‟extration à deux phases aqueuses à l‟aide
de tensioactifs non ioniques, Univ. Toulouse, France, 2004.
Chapitre I
21
Il existe plusieurs types de surfactants et leur classement est fondé sur la
nature de leur partie hydrophile ou tête polaire : ionique ou non ionique.
Les tensioactifs ioniques, dans lesquels se classe la tétracaine, sont caractérisés
par la possession d‟une tête polaire qui s‟ionise en solution aqueuse. Cette famille de
composés se divise en trois branches : anionique, cationique et zwiterionique. Elle est
caractérisée par la température de Krafft (TK) qui correspond à la température seuil à
partir de laquelle les cristaux hydratés de surfactant amorcent leur dissolution dans
l‟eau et forment des micelles. TK est formellement défini comme étant le point
d‟intersection de la courbe de variation thermique de la CMC avec celle de la
solubilité29
,30
comme le montre le diagramme de phases partiel typique de la figure I.8.
Figure I.8 : Allure typique d’un diagramme de phases partiel d’un surfactant ionique
dans l’eau ( Sh : solide hydraté; m: solution moléculaire; M : solution
micellaire) 31
.
En effet, au-delà de TK, la solution peut atteindre la CMC tout en étant saturée :
coexistence de molécules à l‟état libre, micellisé et solide32,
. C‟est la raison pour
laquelle les experiences sont généralement menées au-delà de la température de fusion
29
K.Shinoda and E.Hutchinson, J. Phys.Chem., 1962, 66,577. 30
R. Gaboriaud, G. Charbit et F. Dorion, J. Chem. Phys, 1984, 81(7/8), 497. 31
T. Fergoug, Thèse de Magister: Etude du comportement physico chimique d‟un surfactant partiellement fluoré à tête
pyridinium, Univ. Oran, Algérie, 2000. 32
E. Kissa, Florinated Surfactants, Marcel Dekker, New York, 1994.
m
M+m+ Sh
cx c
x c
x
Sh
Courbe de CMC
TK Température
Courbe de solubilité
M+m
Conce
ntr
atio
n
Chapitre I
22
du dernier cristal hydraté (Tf), c'est-à-dire dans le domaine délimité par la courbe de
solubilité au delà de TK.
TK constitue donc à la CMC un pseudo point triple du diagramme de
phases du système binaire du tensioactif dans l‟eau, associé à l‟équilibre chimique
global suivant :
Solide hydraté
Solution moléculaire
Solution micellaire
Les agents de surface non ioniques quant à eux, ne donnent naissance à aucun
ion en solution aqueuse, ce qui a pour conséquence une moindre sensibilité aux
électrolytes et aux changements de pH. L‟hydrophilie de ces molécules provient de
groupements polaires tels que les : éthers (ROR‟), alcools (ROH), carbonyles
(RCOR‟), amines (R-NH-R‟) et esters ( R-COO-R‟). Comme propriété particulière,
ces tensioactifs possèdent un point de trouble (Tt) correspondant à la température
critique de séparation de phases d‟une solution macroscopiquement homogène. Selon
une interprétation classique, ce phénomène est attribué à une déshydratation de la
chaine polyéthoxylée constituant généralement la tête du tensioactif non ionique. Cette
déshydratation est supposée être induite par le changement conformationnel de la
chaine polyéthoxylée associé à l‟élévation de la température 33
entrainant une baisse de
solubilité. Rupert 34
interprète le phénomène du point de trouble comme un point triple
lié à l‟existence simultanée des équilibres suivants :
Solution
moléculaire
33
T. Nakagawa and E.Schick, Nonionic surfactants, Marcel Dekker, New York, 1966. 34
L.A. M. Rupert, J. Coll. interf. Sc, 1992, 153, 92.
Chapitre I
23
Coacervat
Solution micellaire
Juste au-delà de Tt, les agrégats micellaires s‟associent pour former une phase très
riche en tensioactif, appelée « coacervat » qui est en équilibre avec une autre phase
aqueuse plus diluée, ce qui se traduit macroscopiquement par l‟apparition d‟un trouble
de la solution micellaire.
I. A.3.4. Taille et forme des micelles
La forme et la taille des micelles résultent des différentes interactions attractives
et répulsives directement liées à la nature et à la concentration des molécules, ainsi
qu‟à la température. Généralement, au voisinage de la CMC, les micelles sont plus au
moins sphériques et de tailles uniformes, mais lorsque la concentration augmente, la
taille des micelles peut croitre et pour des concentrations nettement supérieures à la
CMC, les micelles forment par exemple des bâtonnets cylindriques35
qui peuvent eux
même s‟associer pour construire une structure hexagonale puis éventuellement
lamellaire36
. Ces transitions morphologiques dépendent de la nature du tensioactif et
de celle du contre-ion éventuellement, de la température et de la force ionique de la
solution en particulier pour les systèmes ioniques37
.
I.A.3.5. Détermination de la CMC
La micellisation des tensioactifs entraîne des modifications relativement
importantes des propriétés physico-chimiques de la solution (tension de surface,
solubilité, viscosité, conductivité, turbidité, etc...). Le suivi de la variation d‟une de ces
propriétés en fonction de la concentration permet de déterminer avec une bonne
précision la CMC qui correspond à une discontinuité plus ou moins nette dans la
35
D.F. Evans et W. B. Ninham , J. Phys . Chem, 1986, 90, 226. 36
J. H. Flendler, Menbrane chemistry, Wiley & sons, New York, 1982. 37
K.Bijima, E.Rank et J.B.F.N.Enghert, J. Coll. interf. Sc., 1998, 205, 245.
Chapitre I
24
courbe observée lors des mesures. Toutefois, tout changement du comportement d‟une
propriété donnée ne correspond pas forcément à une CMC. Ainsi, une transition par
exemple de la forme des micelles au-dessus de la CMC provoque le même type de
modification. Le passage des micelles sphériques aux micelles cylindriques en est un
exemple classique38
.
I.A.3.6. Applications 39-42 39, 40, 41, 42
Les premiers travaux remontant aux années trente du siècle dernier ont traité
de l‟influence des milieux micellaires sur les constantes d‟acidité. Ces études se
développèrent ensuite à partir des années soixante en particulier en explorant la
catalyse micellaire. Cette dernière était initialement limitée aux milieux micellaires
aqueux dilués, et s‟est étendue par la suite à d‟autres structures ordonnées telles que
les microémulsions, les micelles inverses, les monocouches et les vésicules. Par
ailleurs, les surfactants sont également employés comme émulsifiants lors de la
polymérisation en émulsion ou en suspension de divers monomères. Durant les
dernières décennies, ils ont été utilisés comme des vecteurs de médicaments sous la
forme de capsules ou particules, de vésicules ou liposomes, d‟émulsions simples ou
multiples. Ils peuvent transporter également des cellules vivantes, enzymes, protéines,
huiles de saveur, vitamines, adhésifs, produits agro-chimiques, etc… Ils offrent de
nombreux avantages à l‟utilisation : les substances sensibles peuvent être protégées
des effets destructeurs de l‟environnement; les matériaux toxiques peuvent être
manipulés sans danger et la diffusion des médicaments peut être contrôlée et ciblée.
Les domaines d‟application technologique des tensioactifs qu‟ils soient
classiques, fluorés ou sous forme de mélanges sont multiples. Ils jouent le rôle soit de
matière première de base pour la formulation de produits détergents et cosmétiques,
soit de produits auxiliaires dans les procédés et les étapes de fabrication de l‟industrie
38
G.Pote, Y. Poggi, J. Appell and G. Maret, J. Phys. Chem., 1984, 88, 57. 39
E. A. Bekturov, S. E. Kudabergenov and S. R. Rafikov, J. Macromol. Sci., 1990, 30, 233. 40
F. Bouanani, D. Bendedouch, P. Hemery and B. Bounaceur, J. Coll. Interf. A: Phys. Eng. Asp., 2008, 317, 751. 41
R.Bordes, Thèse de Doctorat : Synthèse, physicochimie et polymérisation de tensioactifs paires d‟ions dérivés du
norbornene , Univ. Toulouse III - Paul Sabatier, France, 2007. 42
C. Onesippe, Thèse de Doctorat : Etude des systèmes poly électrolyte/tensioactif en phase aqueuse et à l‟interface
liquide/gaz, Univ. Montpellier II, France, 2005.
Chapitre I
25
textile, des métaux, du cuir, du pétrole, etc… Ils interviennent aussi dans le
dégraissage ou le décapage des métaux et facilitent les dépôts électrolytiques. Ils
servent par ailleurs dans le domaine du dessalement de l‟eau de mer.
I.B. LES CYCLODEXTRINES
Les CD sont des molécules naturelles obtenues par dégradation enzymatique de
l‟amidon43
. Elles se présentent sous forme d‟oligomères cycliques du glucose et
comportent de 6 à 12 unités. Les plus abondantes dans la nature sont l‟hexamère
(αCD), l‟heptamère (βCD) et l‟octamère (γCD).
En 1891, Villiers 44
isolait pour la première fois un groupe d‟oligosaccharides non
réducteurs provenant de la dégradation enzymatique de l‟amidon par une amylase
(cyclodextrine glucosyl transférase) produite par différents bacilles. Il a mis en
évidence la présence de deux produits, probablement l‟αCD et la βCD, possédant des
propriétés physico-chimiques proches de celles de la cellulose et les a donc baptisé
«cellulosines ». Plus tard, Schardinger45
a pu séparer la souche microbienne
responsable de la formation de ces cellulosines, qu‟il a dénommé Bacillus Macerans et
a décrit le mode de purification et de préparation de ces oligosaccharides. Il a montré
que ces dextrines (appellation générale des produits de dégradation de l‟amidon) sont
capables de former des adduits particuliers avec les molécules de di-iode. En effet, sur
la base de la couleur des complexes cristallins formés avec l‟iode, il a pu faire la
distinction entre l‟αCD et la βCD.
C‟est en 1932 que Prigsheim 46
et son équipe ont démontré que ces produits ont la
propriété de former des complexes avec des molécules organiques. Ensuite, durant les
années 1930-40, K. Freudenberg et al.47
contribuèrent à leur tour à la caractérisation
43
H. Khalil, Thèse de Doctorat : Etude de faisabilité de l‟utilisation de molécules cages dans la dépollution des sols,
solubilisation et extraction de polluants organiques par la cyclodextrine, INSA, Lyon, France, 2004. 44
A.Villiers, C. R. Acad. Sci., 1891, 112, 536. 45
F.Schardinger, Wien. Klin.Wochschr., 1904, 17, 207. 46
H.Prigshein, Chemistry of the saccharide, McGraw Hill, NewYork, 1932. 47
K. Freudenberg, G. Blomquist, L. Ewald and K.Soff, Ber. Dutsch. Chem. Ges., 1936, 69, 1258.
Chapitre I
26
des CD et à l‟élucidation de leur structure. Ils démontrèrent que ces oligosaccharides
sont constitués d‟un enchaînement cyclique de n unités α-D-glucopyranosidiques.
C‟est cette même équipe qui, en 1948, a découvert la γCD et déterminé entièrement sa
structure.
La forte tendance des CD à former des complexes d‟inclusion devient alors le
sujet d‟études intensives. Le tout premier brevet concernant l‟application des CD pour
la mise en forme d‟un composé à activité biologique est déposé en 195348
. A partir de
ce moment, on observe une recrudescence des études sur les CD, tant du point de vue
de leur fabrication et usage industriels49
, que de l‟exploitation de leurs propriétés
chimiques50-52.
50 ,51,52
I.B.1 STRUCTURE MOLECULAIRE
Les CD sont des oligomères cycliques de formule brute (C6H10O5)n comportant
de 6 à 12 unités α-D-glucopyranose comme le montre la figure I.9 pour les CD natives
α, β, et γCD. La spectroscopie RMN a montré que chaque unité glucose adopte une
conformation de type chaise53
, également schématisée sur la figure I.9. Les CD sont
souvent représentées sous forme d‟un tore avec une cavité interne dont les dimensions
varient selon le nombre d‟unités glucose43. Tous les groupes polaires hydroxyles sont
localisés à l‟extérieur de la structure de la molécule de CD et confèrent donc un caractère
hydrophile à l‟enveloppe externe. Les fonctions alcools primaires (une par unité glucose en
position C6) sont orientées vers la partie la plus étroite du tronc de cône appelée aussi face
primaire. Les fonctions alcools secondaires en position C2 et C3 sont situées à l‟opposé sur
la partie large de la couronne ou face secondaire. Cette organisation moléculaire délimite
ainsi une cavité interne rendue relativement apolaire, donc hydrophobe. C‟est grâce à ce
caractère amphiphile remarquable (hydrophile à l‟extérieur, hydrophobe à l‟intérieur) que
48
K. Freudenberg, F. Cramer and H. Plieninger, German Patent, 1953, 895, 769. 49
D.Duchène, Cyclodextrins and their industrial use, Santé, Paris, 1987. 50
G.Wenz, Angew. Chem. Int., 1994, 33, 803 51
J.L. Atwood, J.E.D. Davies, D. D. MacNicol, F.Vogtle and J.Lehn, Physical Methods in Supra molecular Chemistry,
Comprehensive Supramolecular Chemistry, Elsevier Science, Oxford, 1996. 52
C. G. Floare, Thèse de doctorat : Dynamique réactionnelle dans des environnements Restreints, Univ. Grenoble, France,
2005. 53
J.Szejtli, Cyclodextins and their inclusion complexes, Akademiai Kiado, Budapest, 1982.
Chapitre I
27
les CD sont capables d‟inclure dans leur cavité apolaire des molécules hydrophobes pour
former des complexes d‟inclusion solubles dans l‟eau 54.
Les CD cristallisent sous forme d‟hydrates non définis [CD, nH2O] et leur taux
d‟hydratation est largement dépendant de la pression de vapeur de l‟eau du milieu
environnant55
. Concernant par exemple la βCD qui a été la plus étudiée, l‟hydratation
Unité α- D-glucopyranose (Glu)
F igure I.9 : Structures des cyclodextrines natives. Adapté des références 43 et 52.
54
K.Matsunga, M.Imanaka et T.Ishida, Anal. Chem., 1984, 56, 1982. 55
M. Bilal, C.H. De Brauer, P.C. Laudy, P.Germain and J.M. Létoffé, J.Thermochimica Acta, 1995, 249, 63.
Chapitre I
28
moyenne indiquée sur le tableau I. 2 est de 10 à 12 molécules d‟eau. D‟un point de vue
énergétique, les mesures d‟enthalpies de dissolution des CD anhydres et hydratées ont
permis de déduire les enthalpies de déshydratation56
. Les résultats montrent que les énergies
de liaison H2O/ CD sont de l‟ordre d‟une dizaine de kJ par molécule d‟eau, valeur cohérente
avec les énergies mises en jeu dans les liaisons hydrogène (H).
I.B.2. COMPORTEMENT EN MILIEUX AQUEUX
Solubilité
Les valeurs de la solubilité pour les CD natives sont indiqués sur le tableau I.257
.
Elles montrent que malgré une forte similitude structurale, les différentes CD n‟ont pas un
comportement comparable vis-à-vis des molécules d‟eau. Etant donné que certaines études
ont montré qu‟il existe effectivement un échange permanent des molécules d‟eau intra- et
inter-moléculaire dans le cas de la βCD58
, sa solubilité limitée a été attribuée aux liaisons H
interglucosiques qui s‟établissent entre les fonctions alcools secondaires59
(C2 et C3)
contribuant à renforcer la stabilité du macrocycle. Cette effet rend sa structure très rigide et
peut justifier sa faible solubilité dans l‟eau par rapport aux autres CD, et par conséquent, sa
tendance plus prononcée à s‟auto-associer53. La solubilité dépend ainsi de la distance
moyenne entre les atomes d‟hydrogène et d‟oxygène des groupements OH en C2 et C3, qui
est fonction du nombre d‟unités glucose de la CD60
. Dans le cas de αCD, cette ceinture de
liaisons H est incomplète : l‟une des unités étant dans une position distordue, il n‟y a
donc que 4 liaisons formées au lieu des 6 prévues, laissant libres certains groupements
OH de former des liaisons H avec l‟eau. CD, de taille supérieure, se présente sous
forme d‟un cylindre non régulier, effondré en son centre et de ce fait non seulement sa
cavité déformée est plus accessible à l‟eau mais en plus elle se trouve être
effectivement plus petite que celle de la CD et donc moins hydrophobe (comme
56
M.P. Merlin, Thèse de doctorat : Energétique des interactions moléculaires eau/cycloodextrines, Univ. Lyon,
France, 1998. 57
M. J. Jozwiakowski and K.A.Connors, Carbohyd. Res., 1985, 143, 51. 58
P. Claudy, P.Gerrmain, J.M.Letoffe, A.Bayol et B.Gonzales, J.Thermochimica Acta, 1990, 161, 75. 59
S. Weisse, Thèse de doctorat : Complexes cyclodextrines / ester de vitamine A, solubilisation et promotion de
l‟absorption cutanée, Univ. Paris XI, France, 2002. 60
C. De Brauer, M.P. Merlin, P.Germain and T.Guerandel, J. incl. Phenom., 2000, 1(37), 75.
Chapitre I
29
illustré sur la figure I.10), ce qui augmente sa solubilité et agit de façon défavorable
sur les propriétés d‟inclusion59.
Tableau I.2 : Propriétés physico-chimiques des cyclodextrines57
CD α
β
γ
Masse molaire anhydre
[g.mol-1
] 972
1135
1297
Solubilité aqueuse à 25°C
[g.l-1
] 145
18,5
232
pKa 12,33
12,20
12,08
n
Hydratation du solide [CD,nH2O]
6 à 7
10 à 12
7 à 13
F igure.I.10: Structures tridimensionnelles des CD naturelles, avec de haut en bas:
une vue de la face des hydroxyles secondaires (« grand côté »), une vue
latérale et, une vue de la face des hydroxyles primaires « petit côté »59
.
Chapitre I
30
Stabilité
Les valeurs des constantes d‟acidité (pKa) pour les α, β, et γCD sont relativement
proches les unes des autres comme on peut l‟observer à partir du tableau I.3. C‟est la raison
pour laquelle les différentes CD ont un comportement similaire vis-à-vis du pH. En fait, la
stabilité des CD en solution est relativement peu influencée par les conditions de pH et de
température. Toutefois, selon Rajewski et Stella 61
, l‟hydrolyse des ponts glucosidique des
CD peut avoir lieu dans certaines conditions de pH très acide (< 1) et à 80°C, alors qu‟en
milieu très basique41, il y a possibilité de former des ions alcoolates plus solubles que les
CD neutres.
I.B.3 CYCLODEXTRINES MODIFIEES
La modification chimique des CD natives permet d‟obtenir des dérivés possédant
des propriétés physico-chimiques diversifiées et d‟élargir ainsi leurs champs d‟application.
Les objectifs attendus de ces modifications sont :
- l‟augmentation de la solubilité aqueuse ;
- la modification de la capacité de complexation (constante de stabilité,
sélectivité) ;
- l‟introduction de groupements à fonctions spécifiques (catalytique,
de complexation de cations métalliques, etc…)
Ces modifications chimiques portent sur :
- la substitution d‟un ou plusieurs groupements hydroxyles par des
halogènes, des groupements amines ou autres ;
- l‟oxydation des alcools primaires pour former des aldéhydes ou des acides
carboxyliques ;
- la substitution nucléophile interne avec la formation d‟époxyde.
Les modifications les plus courantes consistent à substituer un ou plusieurs atomes
d‟hydrogène des hydroxyles primaires ou secondaires pour former des éthers ou des esters.
61
R. A. Rajewski and V.J. Stella, J. Pharm. Sci., 1996, 85, 1142.
Chapitre I
31
Les CD modifiées les plus étudiées et utilisées sont l‟hydroxypropyl-β-cyclodextrine
(HPβCD), la méthyl-β-cyclodextrine (MβCD) et la carboxyméthyl-β-cyclodextrine
(CMβCD). Ces molécules possèdent une solubilité aqueuse relativement importante qui
peut être de l‟ordre de 100 à 1000g.l-1
. Pour illustration, la figure I.11 présente la
structure de la CMβCD ayant un degré de substitution moyen d‟environ 1 (une
fonction carboxylique par unité de glucose).
Figure I.11 : Structure moléculaire de la carboxyméthyl-β-cyclodextrine43
.
I.B.4 VECTORISATION DE PRINCIPES ACTIFS PAR LES CD41, 57, 62
Les CD sont couramment utilisés comme excipients de formulation dans les
médicaments. Les principes actifs étant souvent des molécules hydrophobes, ce qui
peut poser des problèmes d‟assimilation par voie orale lors de la digestion, leur
inclusion dans un complexe permet de mieux contrôler leur passage dans le circuit
sanguin ou la progressivité de leur diffusion. Par ailleurs, les CD permettent de
transformer des composés liquides en solides (poudres, comprimés) par précipitation
des complexes d‟inclusion.
62
T.Loftsonn, Cyclodextrins in pharmaceutical formulation, Nordic industrial fund Report, 1998.
Chapitre I
32
Comme mentionné précédemment, les membranes biologiques forment une
barrière lipophile vis à vis de la pénétration des molécules. Les principes actifs
relativement lipophiles sont donc capables de passer à travers ces membranes par
diffusion passive. Une plus grande perméabilité peut être obtenue avec des principes
actifs qui sont à la fois lipophiles et très solubles dans le milieu aqueux extérieur. C‟est
la raison pour laquelle les CD sont utilisées comme un outil pour améliorer la
pénétration de certains principes actifs. Pourtant, ce passage des CD à travers les films
membranaires a longtemps été considéré comme très improbable du fait de leur
hydrophilie et de leur haut poids moléculaire. Gerloczy et al.63
ont ainsi montré que
seule une très faible quantité de diméthyl-CD radiomarquée est absorbée
transdermiquement. Ainsi, les CD naturelles et leurs dérivés plus hydrophiles
traverseraient difficilement les membranes biologiques lipophiles telles la cornée, les
muqueuses ou la peau. Cette hypothèse a ensuite été démentie par Arima et al.64
qui
ont mis en évidence le passage important des CD à travers la peau dans les heures qui
suivirent leur application. Ces résultats apparemment contradictoires ont trouvé une
tentative d‟explication car il a été ensuite établi qu‟il existe une couche de diffusion
aqueuse à la surface de la peau et que le processus peut s‟expliquer par le modèle
classique de double diffusion membranaire, aqueuse puis lipophile.
La CD fonctionne comme un vecteur, amenant le principe actif de la phase
aqueuse donneuse constituant le médicament vers la barrière aqueuse à partir de
laquelle il passe dans la couche lipophile de la peau en fonction de son coefficient de
partition. Il est ainsi actuellement largement reconnu que les CD se comportent comme
de véritables vecteurs du principe actif qui est ainsi maintenu en solution, et le
redistribuent dans les membranes cellulaires. Ces dernières ayant peu d‟affinité pour
les molécules de CD, la majeure partie de celles-ci reste toutefois dans le milieu
aqueux extérieur environnant.
Les promoteurs d‟absorption classiques, comme les alcools ou les acides gras,
agissent en bouleversant les couches lipidiques de la membrane. Ce n‟est pas le cas
pour les CD malgré leur faculté à inclure dans leur cavité le cholestérol et les lipides.
63
A.Gerlocsy, S.Antal and J. Szejtli, 4th Int. Symp. on cyclodextrins, Munich, 1988. 64
H.Arima, H.Adachi, T. Irie and K.Uekama, Drug. Invest., 1990, 2, 155.
Chapitre I
33
En effet, le prétraitement de la peau par une solution de CD non complexée n‟améliore
pas le passage cutané d‟un principe actif. De plus, les CD présentes à la surface le sont
généralement sous forme déjà complexée et leur aptitude à capter les constituants
membranaires dépend alors des différentes constantes d‟affinité mises en jeu. En fait,
les CD exercent leur rôle de promoteur d‟absorption en augmentant la solubilité du
principe actif et donc la quantité disponible à la surface de la barrière biologique.
Toutes les études de toxicité ont démontré que l‟administration orale de CD est
non-toxique, ceci étant dû à sa très faible absorption gastro-intestinale (0,1 à 3%). Le
caractère hémolytique des CD est bien connu mais n‟apparaît en fait qu‟à fortes
concentrations. En effet, à faible concentration les CD protègent les globules rouges
contre l‟hémolyse alors qu‟à forte concentration elles provoquent l‟hémolyse en
complexant et relarguant le cholestérol des membranes cellulaires. En raison de ce
pouvoir hémolytique et de leur capacité potentielle à inclure les différents constituants
des membranes, les CD ont longtemps été rendues responsables des irritations lors de
leur application cutanée65
. Mais des études basées sur des tests d‟application de CD
naturelles sur la peau ont démontré clairement l‟absence d‟effets irritants 66
. Bien au
contraire, il a été montré que l‟utilisation du complexe d‟inclusion CD/acide rétinoïque
permettait de réduire significativement l‟irritation cutanée produite par le principe actif
seul 67
.
65
K. Uekama, T. Irie, M. Sunada, M. Otagiri, Y.Arimatsu and S. Nomura, Chem. Pharm. Bull, 1982, 30, 3860. 66
P. Montassier, Thèse de doctorat : Inclusion de la trétinoine dans les cyclodextrines, Univ. Paris XI, France, 1996. 67
D. Amdidouche, P. Montassier, M. C. Poelman and D. Duchêne, Int. J. Pharm., 1994, 111, 111.
Chapitre I
34
I.C. COMPLEXATION D’INCLUSION DES CYCLODEXTRINES
I.C.1. GENERALITES
Par définition, un composé d‟inclusion est formé à partir d‟une espèce réceptrice
qui inclue plus ou moins profondément en son sein un substrat moléculaire ou ionique.
Cette inclusion n‟est pas en général accompagnée de la formation d‟une liaison
covalente ou de coordination. Dans le cas des CD, le caractère hydrophobe de la cavité
permet d‟insérer des molécules dont l‟hydrophobicité est comparable à celle de la
cavité, tandis que les fonctions hydroxyles assurent la solubilisation des complexes
dans l‟eau. Une ou plusieurs molécules peuvent être encapsulées simultanément dans
une, deux et même parfois trois molécules de CD68, 69
. Un des facteurs déterminants est
d‟ordre géométrique : la partie incluse doit évidemment avoir une taille ajustée par
rapport à celle de la cavité de la CD considérée. Les tailles de la molécule de CD et
celle du substrat conditionnent généralement la stœchiométrie du complexe70
.
Les interactions mises en jeu dans la formation d‟un composé d‟inclusion font
appel aux forces électrostatiques, de van der Waals, hydrophobes ainsi qu‟aux liaisons
H. En effet, la stabilisation énergétique du système gouvernant la formation de ces
complexes est associée au remplacement, dans la cavité, des molécules d‟eau par des
molécules hydrophobes qui créent des associations plus favorables de type hydrophobe
(apolaire-apolaire). En fait, l‟exclusion des molécules d‟eau suite à l‟inclusion du
composé invité dans la cavité de la CD peut être considérée comme une des étapes clés
de la complexation56, 71 . Toutefois, l‟équilibre qui s‟établit entre les molécules invitées
68
X.Wang and M. L. Brusseau, Environ. Sci. Technol., 1995, 27, 2346. 69
Y.Bakkour, Thèse de Doctorat : Etude par RMN des complexes d‟inclusion avec des cyclodextrines natives et
polymérisées, Univ. de Lille 1, France, 2005. 70
F. Cramer and H. Hettler, Naturwiss., 1967, 54 ,624. 71
L. Lui and Q.S Gao, J. Incl. Phenom., 2002, 42, 1.
Chapitre I
35
à l‟état libre et complexé, ne permet d‟aboutir qu‟à des constantes de complexation de
l‟ordre de 103M
-1 59
pour toutes les CD natives.
La stabilité dépend par ailleurs du contexte physico-chimique du milieu
environnant. La destruction du complexe peut se faire soit par effet thermique, soit par
hydrolyse en modifiant le pH, ou en utilisant des solvants organiques72
. Une molécule
hydrophobe pourra avoir plus d‟affinité pour un solvant apolaire que pour la cavité de
la CD. La décomplexation a alors lieu par transfert de la molécule invitée dans la
phase organique, ce qui régénère de ce fait la CD. Par contre, cela peut permettre de
séparer physiquement les constituants du mélange ou de recycler la CD pour des
usages ultérieurs.
I.C.2. FACTEURS INFLUENÇANT LA COMPLEXATION
I.C.2.1.Taille
La taille des molécules de CD peut être un facteur limitatif important quant à
leur capacité à former des complexes d‟inclusion comme nous venons de le
mentionner. En effet, des molécules trop volumineuses pour pénétrer, même
partiellement, dans la cavité de la CD ne pourront pas former de complexes stables; il
en est de même pour des molécules très petites qui bien que pouvant pénétrer dans les
cavités auront des interactions trop faibles pour les y maintenir. Par conséquent, plus
la taille de la molécule invitée est ajustée par rapport à celle de la cavité de la CD, plus
le complexe sera stable: plus de contacts avec la cavité induisent plus d‟interactions
attractives de van der Waals72,73
. A titre d‟exemple, le naphtalène est trop volumineux
pour αCD mais forme un complexe stable avec βCD, par contre l‟anthracène ne peut
pénétrer que dans γCD. Les complexes d‟inclusion les plus fréquents sont de type 1:1. Par
contre, si une molécule est trop volumineuse pour s‟infiltrer entièrement au sein de la cavité,
son extrémité laissée libre peut alors à son tour être encapsulée par une autre CD, et on
aboutit dans ce cas à un complexe de type 2:159
.
72
L.A Blyshak, T.M.Rossi, G.Patonay and I.Warner, Anal. Chem., 1988, 60, 2127. 73
Wang.J and M.L Brusseau, Environ. Sci. Technol., 1998, 32, 1907.
Chapitre I
36
I.C.2.2. Hydrophobicité
Le caractère hydrophobe des molécules invitées joue un rôle déterminant dans leurs
aptitudes à être encapsulée. En effet, si les molécules invitées sont ajustées par rapport à
la nature de la cavité, il existera une bonne corrélation (linéaire) entre les constantes de
complexation et l‟hydrophobicité73. En d‟autres termes, plus la molécule est
hydrophobe, plus le complexe formé est stable. Ainsi, les AL qui ont une nature
amphiphile présentent généralement un caractère hydrophile faible qui les rend peu solubles
dans l‟eau, mais une hydrophobicité suffisante pour les prédisposer à être inclus dans la
cavité d‟une CD, comme c‟est d‟ailleurs le cas de la tétracaine.
I.C.2.3. Solubilité
La solubilité des complexes d‟inclusion des CD peut varier considérablement en
fonction de la nature de la molécule invitée et de celle de la CD. A titre d‟exemple,
l‟inclusion de l‟anion décanoate par βCD présente une constante d‟association 10 fois
plus grande que celle du complexe formé avec γCD74
, bien que la βCD présente une plus
faible solubilité aqueuse, comme souligné auparavant. Ainsi, la βCD possède un pouvoir
solubilisant de l‟ion décanoate plus important que celui de γCD.
D‟autre part, les CD modifiées, en fonction de leur degré de substitution,
présentent en général une capacité plus importante que les formes natives à solubiliser
les composés organiques75,76
. Il est même possible de synthétiser des CD “sur mesure”,
c‟est à dire modifiées de façon à accroître leur affinité pour une molécule précise77
.
Par exemple, parmi les CD modifiées, MβCD semble présenter une efficacité plus
74
M. Meier, M. Luiz, P. Farmar and B.Szpoganicz, J. Incl. Phenom., 2001, 40, 291. 75
M. Sazuki and Y.Sazaki, Chem. Pharm. Bull, 1979, 27, 609. 76
S. Gao, L.Wang, Q.Huang and S.Han, Chemosphere, 1998, 37, 1299. 77
P. F. Djedaïni, B. Perly, S. Dupas, M. Miocque and H. Galons, Tetrahedron Letters, 1993, 34, 1145.
Chapitre I
37
importante que HPβCD pour inclure les composés chlorés, cette capacité étant
probablement due au caractère hydrophobe remarquable de la cavité de MβCD78
. De plus,
Kawasaki et al.79 ont montré que le pouvoir solubilisant de HPβCD vis à vis du 4-
nonylphénol dépend de son degré de substitution.
I.C.2.4.Milieu environnant
Force ionique et pH80
Selon le pH, les acides et bases faibles existent en solution sous différentes
espèces chimiques qui ne présentent pas les mêmes caractéristiques physicochimiques
(solubilité, hydrophobicité, constante d‟acidité, etc…). Par conséquent, l‟affinité de la
CD pour ces substances ne sera pas la même selon le pH. La complexation des CD
avec des molécules ionisables devra donc nécessairement prendre en compte
l‟influence du pH. Ainsi, l‟inclusion d‟un AL (base faible) par une CD depend du pH
du milieu car les proportions relatives des formes ionisée et non ionisée varient.
L‟effet de la force ionique sur la solubilité aqueuse des molécules invitées ainsi que sur
leur complexation par les CD est fonction de leur nature, selon évidemment qu‟elles soient
ionisables ou non. Par exemple, la solubilisation de la pancratistatine (qui est une
molécule ionisable) dans HPβCD augmente lorsqu‟on ajoute un sel d‟hydroxyde
d‟ammonium81
. Par contre, Brusseau et al.82
ont montré que la solubilisation de
l‟anthracène par CMβCD n‟est pas affectée par la présence de CaCl2.
Présence d’un solvant organique en milieu aqueux
Bien que les CD peuvent former des composés d‟inclusion dans certains solvants
organiques comme les alcools, le diméthylsulfoxyde ou le diméthylformamide,
l‟association est en général plus faible que celle observée pour le même composé en milieu
78
T. Boving, X.Wang and M.L Brusseau, Environ. Sci. Technol., 1999, 33, 764. 79
N. Kawasaki, M. Araki and S. Tanada, J. Coll. Inter. Sci., 2001, 238, 215. 80
K. T. Valsaraj, Element of Environemental Engineering, Thermodynamics and kinetics, CRC Lewis publishers,
1995. 81
H. Torras, Clinics in Dermatology, 1996, 14, 207. 82
M.L. Brusseau, X. Wang and Q. Hu, J. Sci. Technol., 1994, 28, 952.
Chapitre I
38
aqueux72. Par exemple, Pitha83
a indiqué que la présence d‟éthanol ( 30%) inhibe la
formation du complexe d‟inclusion de la testostérone dans βCD. Brusseau et al. 82 ont utilisé
le mélange eau / méthanol (50/50) pour dissocier les complexes de CD avec des
hydrocarbures aromatiques polycycliques. Ainsi, l‟addition d‟un solvant organique au
milieu aqueux peut modifier les solubilités individuelles du complexant et du soluté 73 et
donc déplacer les équilibres de complexation CD/soluté. L‟influence du cosolvant sur la
complexation va dépendre évidemment de sa nature et de sa concentration.
Température43, 84
Généralement, il apparait qu‟une augmentation de la température a souvent un effet
défavorable sur la formation des complexes. En effet, bien que la plupart des complexes
commencent à se dissocier vers 50-60°C, certains peuvent demeurer stables à de plus
hautes températures, particulièrement si la molécule invitée est fortement hydrophobe. Par
exemple, le rendement de la complexation de dérivés d‟imidazoles par CD diminue
considérablement quand la température augmente de 8 à 70°C. Par contre, le rendement de
la complexation de CD avec l‟acide chlorogénique augmente quand la température
augmente jusqu‟à 25°C à l‟inverse de celles avec αCD et γCD pour lesquelles une
diminution est relevée dans le même domaine thermique. Notons toutefois que la stabilité
du complexe dépend aussi comme discuté précédemment de la solubilité, et de la nature
du substrat et de la CD.
I.C3. PREPARATION D’UN COMPLEXE 52
I l y a deux méthodes générales de préparation des complexes d‟inclusion : à partir
d‟une phase liquide ou en phase solide.
En phase liquide, la méthode courante consiste soit à mélanger deux solutions
aqueuses (froides ou chaudes, neutres ou acides) contenant dans l‟une la CD et dans
l‟autre la molécule invitée (C‟est cette méthode qui a été utilisée lors des expériences
83
J. Pitha, Pharmacological role of hydroxypropylβcyclodextrin, In New trends in cyclodextrins and derivatives,
Santé, Paris, 1993. 84
E.Simer et C. Kurvits, Thermochimica Acta, 1998, 140, 161.
Chapitre I
39
menées dans le cadre de cette thèse), soit à ajouter l‟un des constituants à l‟état solide
dans la solution aqueuse de l‟autre. La molécule invitée s‟ajoute le plus souvent dans la
solution chaude de CD. Le complexe est obtenu par agitation intense suivi d‟un
refroidissement lent pendant quelques heures. Pour isoler le complexe, l‟eau est
généralement éliminée par séchage à froid.
En phase solide, le complexe est obtenu par la méthode de pétrissage. Dans ce
cas la CD n‟est pas dissoute, elle se malaxe avec une petite quantité d‟eau dans laquelle
la substance invitée a été rajoutée préalablement.
I.C.4. METHODES D’INVESTIGATION
Il existe diverses méthodes expérimentales permettant d‟une part de confirmer
la formation effective des complexes d‟inclusion et d‟autre part de déterminer leur
stœchiométrie et leur stabilité. Elles reposent toutes sur l‟observation des
modifications, liées à la solubilité ou au microenvironnement, de propriétés physico-
chimiques ou optiques de la molécule (CD ou invitée) au cours de la complexation.
Les plus couramment utilisées dépendent en premier lieu de la nature de la molécule
invitée. Ainsi, si cette dernière est ionique , alors la conductivimétrie ou
l‟électrophorèse capillaire sont recommandées4 ; si elle est dotée d‟un caractère
amphiphile, la tensiométrie51 est adéquate ; si le substrat contient des chromophores,
alors la spectroscopie d‟absorbance (UV et visible) 76 et la spectroscopie d‟émission
moléculaire (fluorescence) 85
sont recommandées. Par exemple, pour ce dernier cas, le
passage d‟une molécule de la phase aqueuse vers la cavité de la CD modifie la polarité
de son microenvironnement. Ceci provoque une modification de sa capacité
d‟absorption ou d‟émission qui devrait permettre de suivre l‟avancement de la
complexation et de déterminer la constante de stabilité du complexe en dosant la
quantité de CD non complexée dans l‟eau86
. Enfin, les méthodes telles que les mesures
85
H. Reeuwijik and T. Irth, J. chroma., 1993, 614, 95. 86
M. E. L McBain and E. Hutchinson, solubilization and related phenomena, Academic Press, New York, 1955.
Chapitre I
40
de solubilité87
, la résonance magnétique nucléaire (RMN)88
et la titration
microcalorimétrique89
sont aussi utilisées.
I.C.5. APPLICATIONS
Le phénomène d‟inclusion dans les molécules cages amphiphiles que sont les CD,
fournit à la recherche fondamentale un modèle d‟étude des réactions enzymatiques,
catalytiques ou de complexation. De nombreuses et diverses applications des CD sont
décrites dans la littérature49,62. Toutes ces applications découlent des propriétés
complexantes des CD en milieu aqueux avec une large gamme de molécules invitées
dont la stabilité, la solubilité, la bio-disponibilité, la durée de vie et la toxicité se
trouvent favorablement modifiées90
.
I.C.5.1.Modèle enzymatique et chiralité
Les CD ont été largement étudiées en tant que modèle enzymatique de l‟α-
chymotrypsine, de l‟anhydrase carbonique et des ribonucléases ainsi que comme
inducteur de chiralité dans des réactions aussi diverses que la réduction de céto-acides,
l‟halogénation, l‟oxydation de sulfures, l‟époxidation, certains réarrangements
sigmatropiques, l‟addition de Michaël, les réactions de Diels-Alder et de Wittig, en
utilisant un réactif achiral et un substrat prochiral 91
.
Les CD sont également utilisés en séparation énantiomérique par électrophorèse
capillaire, chromatographie en phase gazeuse ou liquide à haute performance.
L‟emploi de CD permet de changer l‟affinité des composés à analyser pour la phase
stationnaire, et donc de modifier leur temps de rétention. Les CD ont aussi été utilisées
en RMN comme auxiliaires chiraux pour la discrimination entre les énantiomères 92
.
87
F. Cramer, W. Saenger and H. C. Spatz, J. Am. Chem. Soc., 1967, 89, 14. 88
Y. Inoue, Ann. Rep. NMR Spectrosc., 1993, 27, 59. 89
P. Irwin, P. Pteffer, L. Doner, G.Sapers, J.Brewster and K.Hicks, Carbohydrate Research, 1994, 256, 13. 90
J.Szejtli and T.Osa, Cyclodextrin, Pergamon,Oxford, 1996. 91
R. Breslow, S.D. Dong, Chem. Rev., 1998, 98, 1997. 92
M. Gosnat, Thèse de doctorat : Relations entre paramètres thermodynamiques et géométriques dans la résolution chirale
Chapitre I
41
I.C.5.2. Dépollution des sols
Les CD présentent de bonnes caractéristiques pour être utilisées en dépollution
des sols41. D‟une part, elles peuvent agir comme des surfactants éco-compatibles pour
améliorer fortement la biodisponibilité de molécules polluantes très peu solubles et
donc leur dégradation dans le biofilm où se trouve la microflore du sol. Leur faible
coût relatif, leur biocompatibilité et leur effet accélérateur significatif de la
biodégradation du polluant en font un choix pertinent pour des usages en
bioremédiation. D‟autre part, de par leur nature chimique, les CD constituent une source de
carbone et d‟énergie aisément utilisable par les micro-organismes présents dans les sols93
.
Fava et al.94
ont montré que les bactéries endogènes du sol se multiplient en présence de CD
avec un taux de croissance proportionnel à la concentration. La biodégradabilité dans les
sols des CD natives est rapide et complète tandis que celle des CD ramifiées est plus faible
et dépend du degré de substitution95
. Selon Verstichel et al.96
, dans des conditions
expérimentales idéales, le pourcentage de biodégradation des CD natives atteint 90% après
15 jours d‟incubation, tandis que seulement 5,6% de dégradation des CD acétylées a été
observé après 45 jours.
Une autre approche de décontamination est l‟extraction des polluants. Cette
méthode est traditionnellement réalisée à l‟aide de surfactants ou dans certains cas de
solvants organiques, qui servent à évacuer dans une solution de lavage les polluants.
Ces décontaminants étant plus ou moins toxiques pour l‟écosystème du sol, leur
remplacement par des CD apparaît comme une amélioration majeure de ce procédé41.
par des cyclodextrines modifiées, Univ. Paris XII, 2000.
93
E.Fenyvesi, K.Casabi, M.Molanr, K.Gruiz, L.Leitgib, G.Balgoh and A.Murany, J. Incl. Phenom., 2002, 44, 413. 94
F. Fava, L.Bertin, S. Fedi and D. Zannoni, Biotechn. and Bioeng., 2002, 81, 1. 95
M. Singh, R. Sharma, U.C. Banerjee, Biotechnol. Adv., 2002, 20, 341. 96 S.Verstichel, B. De Wilde, E. Fenyvesi and J. Szejtli, J. polym. Env., 2004, 12, 1.
42
Chapitre II
Théories et méthodes
d’analyses
Chapitre II
43
De nombreuses techniques d’analyse physico-chimiques telles que les
spectroscopies UV-visible, RMN et de masse, ou bien encore les méthodes
électrochimiques, permettent de mettre en évidence la formation du complexe formé par
l’encapsulation d’une molécule invitée au sein de la cavité d’une molécule de CD. La
démarche générale se base sur l’analyse de la variation d’une propriété physico-
chimique donnée, entrainée par l’ajout dans le milieu réactionnel de l’un des deux
composés au sein d’un échantillon contenant l’autre. Néanmoins, la détection de
l’inclusion n’est que l’étape préliminaire pour une description complète du complexe et
donc une caractérisation plus approfondie est nécessaire pour explorer la topologie du
complexe et sa stabilité thermodynamique, par exemple. Il devient alors indispensable
de choisir parmi les diverses techniques disponibles celles qui s’adaptent au mieux à la
nature de la molécule invitée en question ou à celle de la CD.
Etant donné que TC,HCl s’ionise en milieux aqueux, la conductivimétrie
constitue une technique de choix. En effet, la théorie des électrolytes offre des
potentialités pour mettre en évidence et analyser les différents mécanismes et
interactions mis en jeu aussi bien lors de la micellisation de cette molécule tensioactive
que lors de sa complexation avec la CD. De ce fait, la conductivimétrie sera traitée en
détails dans ce chapitre. Ainsi, les équations fondamentales décrivant le phénomène
électrodynamique sont explicitées de manière à mettre en relief l’importance des
contributions de chaque espèce chimique. L’influence de la force ionique d’un
électrolyte sur la mobilité des ions en solution est exprimée selon les équations de
Debye-Hückel dérivées des théories classiques des électrolytes. Dans un premier
temps, les notions de conductivité équivalente et de mobilité ionique sont rappelées
pour aboutir à l’équation de Debye-Hückel qui permet de déterminer les coefficients
d’activité des ions en solution. Ensuite, les principales étapes menant à l’équation
générale d’Onsager sont exposées afin d’évaluer les conductivités équivalentes et les
mobilités des ions en solution.
Généralement, la formation du complexe produit des modifications dans les
spectres d’absorption UV-visible et RMN de la molécule invitée sous la forme d’un
déplacement et/ou d’un élargissement d’une ou plusieurs bandes. Ces variations
Chapitre II
44
peuvent être attribuées au changement d’environnement accompagnant l’encapsulation
de la molécule invitée.
Concernant la détermination de la constante d’équilibre et de la stœchiométrie du
complexe, nous présentons les deux méthodes les plus courantes et mises en œuvre
utilisées dans le cadre de ce travail. D’une part, la méthode de Benesi Hildebrand qui
consiste à produire une dépendance linéaire entre la variation de la propriété observée et
la constante d’équilibre, et d’autre part la méthode itérative utilisant un ajustement non-
linéaire des données expérimentales n’exigeant aucune approximation.
II.1. CONDUCTIVIMETRIE
II.1.1.CONDUCTIVITE DES SOLUTIONS ELECTROLYTIQUES42, 97-99.
97
II.1.1.1.Définitions
Soit une solution aqueuse d’un électrolyte (AB) de type 1:1 tel que sa
dissociation dans l’eau soit totale suivant la réaction :
𝐴𝐵 𝐴+ + 𝐵− (II.1)
Sous l’effet d’u champ électrique E
, chaque type d’ion acquiert une vitesse limite v
proportionnelle à E
; les ions positifs se déplacent dans le sens du champ et les ions
négatifs en sens opposé. On a donc :
Eu
(II.2)
et
Eu
(II.3)
où u et u désignent les mobilités électrique des ions A
+ et B
-, respectivement. Les deux
types d’ions contribuent à la densité de courant total j
:
j = j + + j − = CF ν + + ν − = CF u + + u − = CFuΕ (II.4)
97
C. Audigie, G.Dupont, F.Zouszain, Principes et méthodes d’analyses biochimiques, Doin, Paris, 1982.
Chapitre II
45
C étant la concentration molaire en électrolyte et F la constante de Faraday; CF
représente la charge positive par unité de volume et u la mobilité totale de l’électrolyte.
Les termes F u et F u désignent respectivement la conductivité ionique des cations ( )
et celle des anions ( ). La conductivité de la solution qui est par définition le
coefficient de proportionnalité entre j et Ε , selon l’équation
j = κ Ε (II.5)
est donc égale à :
CFu = neu (II.6)
n = C 𝒩A (II.7)
e étant la charge élémentaire, 𝒩A le nombre d’Avogadro et n la concentration
moléculaire. de la solution est reliée à la conductance par la relation :
κ = σΚcell (II.8)
où la constante de cellule Κcell dépend de la géométrie de la cellule électrolytique. Etant
donné que les conductivités de solutions de différentes concentrations ne sont pas
directement comparables, il est quelquefois préférable d’utiliser la conductivité
équivalente (nommée également conductivité molaire, , pour le cas particulier d’un
électrolyte 1:1) telle que :
Λ = 𝜅/𝐶 (II.9)
d’où
Λ = 𝜆+ + 𝜆− (II.10)
II.1.1.2.Loi de Kohlrausch
Kohlrausch a montré en 1900 que pour les électrolytes forts la variation de de
solutions très diluées est linéairement dépendante de la racine carrée de la concentration
selon l’expression :
CA 0
(II.11)
Chapitre II
46
où Λ0 représente la conductivité équivalente limite à dilution infinie, et A est une
constante liée au solvant. La linéarité observée est perdue quand les ions libérés sont de
type divalent ou bien que l’électrolyte est faiblement dissocié.
II.1.1.3.Loi d’additivité
Selon Kohlrausch, à dilution infinie la contribution de chaque ion à la
conductivité est indépendante des autres ions présents, ce qui permet d’écrire que :
Λ0 = λ+
0 + λ−0 (II.12)
λ𝑖0 désigne la conductivité ionique à dilution infinie d’un ion donné i. Sa connaissance
pour chaque ion permet de calculer Λ0 pour les électrolytes faibles pour lesquels il est
impossible de procéder par extrapolation à concentration nulle de la variation de
avec C.
Pour les solutions réelles toutefois, il faut tenir compte des interactions électrostatiques
entre ions, ce qui impose l’utilisation des coefficients d’activité qui rendent compte de
ce phénomène.
II.1.2.THEORIE DE DEBYE-HUCKEL
II.1.2.1. Principes fondamentaux98
L’expression du potentiel chimique d'un composé neutre en solution peut se
mettre sous la forme:
µ = µ0 + 𝑅𝑇 ln𝑎 = µ0 + 𝑅𝑇 ln 𝛾𝐶
𝐶0 (II.13)
avec 𝑎 et 𝛾 représentant respectivement l’activité et le coefficient d’activité du
composé. C0 désigne la concentration molaire dans les conditions standards (1mol/l). R
est la constante des gaz parfait et T est la température absolue.
Pour les solutions électrolytiques et par analogie avec les espèces neutres, les
potentiels chimiques d’un cation (μ+) et d’un anion (μ-) s’écrivent :
98
J.B. Hasted, Aqueous dielectrics, Chapman and hall London, 1973.
Chapitre II
47
µ+ = 𝜇+0 + 𝑅𝑇 ln𝑎+ = 𝜇+
0 + 𝑅𝑇 ln 𝛾+𝐶+
𝐶0 (II.14)
µ− = 𝜇−0 + 𝑅𝑇 ln𝑎− = 𝜇−
0 + 𝑅𝑇 ln 𝛾−𝐶−
𝐶0 (II.15)
L’équilibre général de dissolution d’un électrolyte dans un solvant est donné par
l’équation chimique suivante :
AαBβ αΑ+β
+ βB-α
Comme en solution il est impossible d’étudier séparément une entité chargée car son
comportement dépend de celui de son contre-ion, on définit un potentiel chimique
moyen pour l’électrolyte tel que :
µ± =αµ++βµ−
α+β= µ±
0 + 𝑅𝑇 ln 𝛾±𝐶±
𝐶0 (II.16)
= µ±0 + 𝑅𝑇 ln
𝐶±
𝐶0 + 𝑅𝑇𝑙𝑛𝛾± (II.17)
Les expressions suivantes définissent chacun des termes moyens :
𝜇±0 =
α𝜇+0 +β𝜇−
0
α+β (II.18)
𝐶± = 𝐶+α𝐶−
β 1
α+β (II.19)
𝛾± = 𝛾+α𝛾−
β 1
α+β (II.20)
Dans la suite de ce mémoire le terme 𝛾± est remplacé par γ par commodité, étant donné
qu’il n’y a pas de confusion possible.
D’après l’expression (II.17), le terme 𝑅𝑇𝑙𝑛𝛾± représente l’excès d’énergie dû
aux interactions électrostatiques responsables de l’écart à l’idéalité.
II.1.2.2.Loi restreinte
En 1923, les physiciens Peter Debye et Erich Hückel ont élaboré une théorie
permettant de calculer le coefficient d'activité moyen γ d'un électrolyte en solution.
Dans cette théorie, l'écart à l'idéalité pour un ion est uniquement lié à la présence
Chapitre II
48
d'interactions électrostatiques avec les autres ions de la solution, les interactions de van
der Waals étant négligées. Pour ce faire, ils ont eu recours à un certain nombre
d’hypothèses visant à simplifier la prise en compte des interactions ioniques en solution.
En premier lieu, ils ont considéré un ion ponctuel unique comme système de référence.
Ensuite, ils ont supposé que seules les forces coulombiennes étaient importantes en
considérant le solvant comme un milieu continu de constante diélectrique ε. Enfin, ils
ont posé l’hypothèse que les ions entourant l’ion de référence ont une charge de valeur
égale mais de signe opposé à ce dernier. Ces contre-ions sont unis en un continuum
chargé appelé nuage ionique ou atmosphère ionique d’épaisseur D (longueur de Debye)
comme illustré sur la figure II.1. C'est l'interaction entre l'ion central et son
environnement électrostatique qui est responsable de l'écart à l'idéalité.
Figure II.1 : Représentation de l’atmosphère ionique autour d’une charge centrale par la
longueur de Debye (D) 99
.
La distribution spatiale ionique autour d’un ion central peut être décrite par la
distribution de Boltzmann, sachant que l’énergie thermique tend à distribuer les ions de
même nature de manière homogène dans la solution. Ainsi, la densité ionique pour
chaque espèce i s’écrit :
𝑛𝑖(𝑥,𝑦, 𝑧) = 𝑛𝑖∞𝑒−𝑧𝑖𝑒Φ(𝑥 ,𝑦 ,𝑧)
𝑘𝐵𝑇 (II.21)
où Ф(x,y,z) est le potentiel électrostatique créé par cette charge centrale ; ni
correspond à la population des charges i loin de l’ion central et peut être confondue
99 D.A.McQuarrie, Statistical Mechanics, University Science Books, California, 2000.
Chapitre II
49
avec la concentration moléculaire de l’espèce i (ni ~ 𝑛𝑖); kB est la constante de
Boltzmann et zi est la valence de l’ion i.
La distribution de charges est décrite par l’équation de Poisson qui lie Φ à la
densité de charge 𝜌 dans le milieu. Dans le cas isotrope, selon une direction x, on a :
𝜕2Φ(x)
𝜕𝑥2 = −𝜌(𝑥)/εε0 (II.22)
0 étant la permittivité du vide et
𝜌 𝑥 = i
𝑧𝑖𝑒 𝑛𝑖(𝑥) (II.23)
La combinaison de ces trois dernières équations nous donne l’expression connue sous le
nom d’équation de Poisson-Boltzmann. Pour illustration, dans le cas d’un électrolyte de
type1:1 de valence z, l’équation s’écrit :
−𝜕2Φ(x)
𝜕𝑥2 =𝑧𝑒𝑛
εε0 𝑒
−𝑧𝑒Φ(x )
𝑘𝐵𝑇 − 𝑒+𝑧𝑒Φ(x )
𝑘𝐵𝑇 (II.24)
ou bien encore
𝜕2Φ(x)
𝜕𝑥2 = 2𝑧𝑒𝑛
εε0𝑠𝑖𝑛ℎ
𝑧𝑒Φ(x)
𝑘𝐵𝑇 (II.25)
Suivant la valeur du potentiel qui agit à la surface de l’ion (Φ0
), deux cas peuvent se
présenter pour permettre la résolution analytique de cette équation.
1- Le premier correspond au cas où Φ0 évolu selon la concentration des contre-ions
entourant l’ion central. Ce cas correspond à la solution proposée par Gouy
Chapman et n’est pas traité ici.
2- Le second est lié au cas où l’énergie thermique kBT est prépondérante (𝑧𝑒Φ ≪
kB T).
Dans cette dernière hypothèse, le terme hyperbolique de l’équation II.25 se
simplifie pour donner l’équation bien connue :
𝜕2Φ(x)
𝜕𝑥2 = 2𝑧𝑒𝑛
εε0 𝑧𝑒Φ(x)
𝑘𝐵𝑇 . (II.26)
Chapitre II
50
Dans le cas plus général d’un système comportant plusieurs espèces ioniques i,
on peut développer au premier ordre, l'exponentielle intervenant dans l’équation II.21:
𝑒−𝑧𝑖𝑒Φ(x )
𝑘𝐵𝑇 ≃ 1 −𝑧𝑖𝑒Φ(x)
𝑘𝐵𝑇 . (II.27)
L'équation de Poisson-Boltzmann devient alors :
−𝜕2Φ(x)
𝜕𝑥2 =1
εε0
i
𝑧𝑖𝑒 𝑛𝑖(1 −𝑧𝑖𝑒Φ(x)
𝑘𝐵𝑇) (II.28)
La neutralité électrique de la solution imposant que :
i
𝑧𝑖𝑒 𝑛𝑖 = 0 (II.29)
on obtient finalement l’expression :
𝜕2Φ(x)
𝜕𝑥2 =Φ(x)
εε0𝑘𝐵𝑇
i
𝑧𝑖2𝑒2𝑛𝑖 = 𝐷−2Φ(x) (II.30)
en posant
𝐷−2 =1
εε0𝑘𝐵𝑇
i
𝑧𝑖2𝑒2𝑛𝑖 (II.31)
qui définit D. La valeur de ce paramètre indique l’amplitude de l’effet d'écrantage de
l'atmosphère ionique, plus l’écrantage est important est moins le nuage ionique est
étendu. L’équation II.31 peut être réécrite en introduisant la force ionique I du système :
I=1
2 i
𝑧𝑖2𝐶𝑖 (II.32)
d’où
𝐷−2 =2𝑒2𝒩A
εε0𝑘𝐵𝑇𝐼 (II.33)
et finalement
𝐷 = εε0𝑘𝐵𝑇
2𝑒2 𝒩A 𝐼
12 (II.34)
L’équation différentielle du second ordre (équation II.30) admet des solutions du type :
Φ(x) = 1
e−𝑥 𝐷 + 2
e 𝑥 𝐷 (II. 35)
Chapitre II
51
ou bien, en coordonnées polaires
𝑟Φ r = 1
e−𝑟 𝐷 + 2
e 𝑟 𝐷 (II.36)
1 et
2 sont des constantes qui dépendent des conditions limites. Sachant que le
potentiel s’annule pour r→ ∞, alors 2
= 0 et donc l’équation (II.36) devient :
𝑟Φ r = 1
e−𝑟 𝐷 (II.37)
En combinant les équations (II.22), (II.30) et (II.37), on obtient l’expression de la
densité de charge :
𝜌 𝑟 = −1εε0𝐷
−2 𝑒−𝑟 𝐷
𝑟 (II.38)
L’électro-neutralité imposant que
4𝜋𝑟2𝜌 𝑟 𝑑𝑟 = −𝑧𝑒∞
0 (II.39)
z étant ici la valence de l’ion central, la détermination de la constante 1 s’appuie alors
sur l’équation :
4𝜋1εε0𝐷
−2 𝑟𝑒−𝑟 𝐷 𝑑𝑟 = 𝑧𝑒∞
0 (II.40)
qui permet de déduire que
1 =𝑧𝑒
4𝜋εε0 . (II.41)
L’expression finale du potentiel est alors donnée par :
Φ r =𝑧𝑒
4𝜋εε0
e−𝑟 𝐷
r (II.42)
Au voisinage de l’ion central, le potentiel total peut être linéarisé de la manière
suivante :
Φ r =𝑧𝑒
4𝜋0
e−𝑟 𝐷
r≃
𝑧𝑒
4𝜋εε0r−
𝑧𝑒
4𝜋εε0𝐷 (II.43)
Cette expression montre que le potentiel peut se réduire à la somme de 2 contributions :
un terme en 1/r due à l’ion isolé; et un terme en D-1 qui rend compte de l’effet de
Chapitre II
52
l’atmosphère ionique autour de l’ion central. Ce dernier terme est équivalent au
potentiel induit par une charge unique –ze à la distance D. On peut donc écrire :
Φ r = Φion + Φatm (II.44)
L’écart à l’idéalité (ou l’énergie d’excès) comme souligné précédemment,
W = 𝑅𝑇𝑙𝑛𝛾 = 𝒩A 𝑘𝐵𝑇𝑙𝑛𝛾 . (II.45)
est due, aux interactions électrostatiques entre l’ion central et l’atmosphère ionique. Il
est par définition équivalent au travail électrique qu’il faut fournir pour créer la charge
globale q = ze de l’atmosphère ionique égale mais de signe opposé à celle de l’ion
central dans la configuration considérée. Ainsi, on peut écrire que pour 1mol
d’électrolyte :
W = 𝒩A Φatmze
0dq = 𝒩A −
𝑧𝑒
4𝜋εε0𝐷
ze
0dq = −𝒩A
𝑧𝑒 2
8𝜋εε0𝐷 (II.46)
En combinant les équations (II.45), (II.46) et (II.34), γ peut être défini en fonction de I
selon:
log𝛾 = −A𝑧2 𝐼 (II.47)
avec
𝐴 =𝑒3𝒩A
1/2
(2,303)4𝜋 2 εε0𝑘𝐵𝑇 3/2 (II.48)
A 25°C, la valeur de la constante A est égale à 0,5093 M-1/2
.
Notons toutefois que l’équation (II.47) constitue la loi limite de Debye et
n’est valable que pour les très faibles valeurs de I (< 10-2
M).
II.1.2.3. Loi étendue 100
Une hypothèse importante associée à l’équation restreinte de Debye-Huckel est
que l’ion de référence est ponctuel. Cette hypothèse reste parfaitement valable pour
des électrolytes dilués. En effet, par exemple, pour un électrolyte 1:1 dans une
solution de force ionique 10-3
M, on estime que la taille du nuage ionique est 100 fois
100 G.N. Lewis and M. Randall, Thermodynamics, McGrawHill, NewYork, 1961.
Chapitre II
53
supérieure au rayon de l’ion de référence. Pour des forces ioniques plus élevées (10-2
<I<10-1
M) par contre, l’ion de référence ne peut plus être assimilé à un point en
raison de la contraction de l’atmosphère ionique. C’est la raison pour laquelle
l’équation étendue de Debye-Huckel relative aux coefficients d’activité moyens fait
intervenir un terme supplémentaire qui prend en compte la taille finie de l’ion.
Soit « a » le rayon de l’ion central, alors l’équation (II.40) doit s’écrire de la façon
suivante :
4𝜋1εε0𝐷
−2 𝑒−𝑟 𝐷 𝑟𝑑𝑟 = 𝑧𝑒∞
𝑎 (II.49)
et par conséquent
1 =𝑧𝑒
4𝜋εε0
𝑒𝑎 𝐷
1+𝑎 𝐷 (II.50)
L’expression du potentiel électrique est alors :
Φ r =𝑧𝑒
4𝜋εε0
e−𝑟 𝐷
r 𝑒𝑎 𝐷
1+𝑎 𝐷 (II.51)
La contribution de l’atmosphère ionique au potentiel peut alors s’écrire dans ce cas
d’après les équations (II.43) et (II.44):
Φatm r =𝑧𝑒
4𝜋εε0
e−𝑟 𝐷
r 𝑒𝑎 𝐷
1+𝑎 𝐷 −
𝑧𝑒
4𝜋휀휀0𝑟 . (II.52)
Ainsi, le potentiel créé par l’atmosphère ionique au niveau de l’ion de dimension a
s’écrit :
Φatm a = −𝑧𝑒
4𝜋εε0
𝐷−1
1+𝑎 𝐷 (II.53)
Le travail qu’il faut fournir pour créer la charge ze de l’atmosphère est donc :
W = 𝒩A −𝑧𝑒
4𝜋εε0
𝐷−1
1+𝑎 𝐷
ze
0dq = −𝒩A
𝑧𝑒 2
8𝜋εε0
𝐷−1
1+𝑎 𝐷 (II.54)
Ce qui permet finalement de déduire que :
log 𝛾 = −A𝑧2 𝐼
1+B a 𝐼 (II.55)
avec
𝐵 = 2𝑒2𝒩A
εε0𝑘𝐵𝑇 (II.56)
A 25°C, la valeur de B est égale à 0,3287 Ǻ-1
M-1/2
.
Chapitre II
54
Il faut noter ici que le terme entre crochets de l’expression II.54 constitue le
terme correctif tenant compte de la taille finie de l’ion central.
Le paramètre a désigne en fait la distance minimale d’approche entre l’ion
central et les contre-ions environnants, c'est-à-dire le rayon minimum de l’atmosphère
ionique entourant l’ion central. Lorsque sa valeur est de l’ordre du diamètre d’un atome
soit environ 3Ǻ, le produit B.a est de l’ordre de 1 et l’équation (II.55) se réduit à :
log𝛾 ≃ −A𝑧2 𝐼
1+ 𝐼 (II.57)
En ce qui concerne le calcul des coefficients d’activité dans le cas d’une force
ionique pouvant aller au-delà de 0,5 M, une équation empirique a été proposée par
Davies :
log𝛾 = −A𝑧2 𝐼
1+B.a 𝐼− 0,3I (II.58)
II.1.3.TRAITEMENT D’ONSAGER , 101
Dans le cas d’un ion soumis à un champ électrique, les effets du nuage ionique
sont plus complexes car cet ion est en mouvement. Onsager a utilisé le modèle du
nuage ionique introduit par Debye et Huckel pour établir une expression relative aux
conductivités ioniques et équivalentes.
II.1.3.1.Mobilité d’un ion solvaté
L’évaluation de la mobilité d’un ion solvaté peut être obtenue en utilisant un
modèle mécanique dans lequel sa vitesse limite résulte de l’équilibre entre deux
forces : celle due au champ électrique et celle résultant du frottement avec le fluide
visqueux représentée par exemple par la loi de Stokes. Si l’on assimile l’ion solvaté à
une sphère de rayon a, l’équation de la dynamique donne pour la vitesse limite:
a
zeE
6 (II.59)
où désigne la viscosité du liquide environnant. La mobilité de l’ion qui résulte de ce
modèle est donc donnée par l’expression:
101 H.S.Harned and B.Owen , The physical chemistry of electrolytic solutions, Reinhold, New York, 1964 .
Chapitre II
55
a
ze
Eu
6 (II.60)
En utilisant la définition de la mobilité ionique électrochimique 0u , la mobilité d’un ion
peut être réécrite sous la forme suivante :
u zFu0 (II. 61)
avec 0u
1
a6 𝒩A
II. 1.3.2. Effet électrophorétique
Le champ électrique appliqué a un effet sur le nuage ionique, celui-ci étant poussé
à migrer dans le sens inverse de l’ion de référence et entraînant ainsi tous ses
composants dont l’ion de référence lui-même en retardant davantage la progression
de ce dernier. Ce phénomène est comparable à une augmentation locale de la
viscosité de l’électrolyte et est connu sous le nom d’effet électrophorétique . Les
forces coulombiennes attractives entre le nuage et l’ion ont ainsi tendance à freiner la
migration de ce dernier. Ainsi, à cause de cet effet électrophorétique, l’atmosphère
ionique de rayon moyen D se déplace en contre courant de l’ion avec une mobilité :
euzF
D6 𝒩A
(II.62)
En prenant en compte la correction due à la taille de l’ion, la mobilité
éléctrophorétique de l’atmosphère ionique devient :
eu
zF
6 𝒩A
Da
D
1
1 (II.63)
II.1.3.3.Effet de relaxation
Comme mentionné précédemment, lorsque le champ électrique E est appliqué
l’ion va se déplacer dans le même sens que la force électrique mais son nuage
électronique ne va le rejoindre qu’après un temps de relaxation τ. Le résultat est que
le nuage prend une forme allongée formant une traînée derrière l’ion de référence. Le
rapport entre la distance qui sépare l’ion du barycentre de son nuage et le rayon de
Chapitre II
56
Debye exprime la dissymétrie de l’atmosphère ionique. En effet, la rupture de la
symétrie sphérique se traduit par une force de rappel de l’atmosphère ionique sur
l’ion central. L’hypothèse d’Onsager est de considérer que le champ électrique E est
partiellement compensé par un champ de relaxation ∆E. Le terme correctif qui tient
compte de l’effet de relaxation corrigé de l’effet de la taille de l’ion pour le cas d’un
électrolyte 1:1 est donné par l’expression suivante :
E 22ez
12𝜋 TkB0
1
D−1
1+a D E.
(II.64)
avec ω = 0,5 dans ce cas.
II.1.3.4.Mobilité effective
La mobilité relative de l’ion central freiné par l’effet électrophorétique due à
l’atmosphère ionique est donnée par
𝑢𝑟𝑒𝑙 = 𝑢 + 𝑢𝑒
(II.65)
où 𝑢 est donnée par l’équation (II.61)
En tenant compte de l’effet de relaxation, qui ralentie également la vitesse de
l’ion central, la vitesse effective peut s’exprimer sous la forme :
𝑣𝑒𝑓𝑓 = 𝑢𝑟𝑒𝑙 𝐸 − ∆𝐸
(II.66)
Ce qui permet de déduire la mobilité effective de l’ion central pour un électrolyte 1:1:
𝑢𝑒𝑓𝑓 = 𝑣𝑒𝑓𝑓
𝐸=
𝑢𝑟𝑒𝑙 𝐸−∆𝐸
𝐸 (II.67)
𝑢𝑒𝑓𝑓 = 𝑢0𝑧𝐹 1 −1
6 0u 𝒩A
Da
D
1
1
𝐸−ΔE
𝐸 (II.68)
II.1.3.5. Conductivité équivalente
De manière générale, la conductivité ionique pour un ion donné de valence z
s’exprime par:
𝜆 = 𝑧 𝑢𝑒𝑓𝑓𝐹 (II.69)
En remplaçant les différents termes par leurs valeurs respectives et en négligeant les
Chapitre II
57
termes croisés, on obtient l’expression finale :
𝜆 = 𝜆0 − 𝜆0 𝑧2𝐹2
12𝜋𝒩A εε0RT
𝜔
1+ 𝜔 +
𝑧𝐹2
6𝒩A
D−1
1+a D (II.70)
où 𝜆0= 𝑢0𝑧2𝐹2, represente la conductivité ionique limite. La conductivité équivalente
de l’électrolyte étant la somme des conductivités ioniques des différents ions présents
(ion central et contre-ion), on obtient :
Λ = Λ0 − Λ0 𝑧2𝐹2
12𝜋𝒩A εε0RT
𝜔
1+ 𝜔 +
2𝑧𝐹2
6 𝒩A
D−1
1+a D (II.71)
qui peut être réécrite en fonction de I sous la forme :
Λ = Λ0 − Λ0𝐵1 + 𝐵2 𝐼
1+𝐵𝑎 𝐼 = Λ0 − 𝐴′
𝐼
1+𝐵𝑎 𝐼 (II.72)
𝐴′ = Λ0𝐵1 + 𝐵2 (II.73)
avec 𝐵1 =𝑧2𝐹3
3𝜋𝒩A εε02RT
𝜔
1+ 𝜔 (II.74)
et 𝐵2 =𝑧𝐹3
3 𝒩A
2
εε0𝑅𝑇 (II.75)
Par exemple à 25°, B1=0,23M-1/2
et B2=60,65 Ω-1
cm2 l
1/2mol
-3/2.
II.1.4 APPLICATION A LA MICELLISATION
II.1.4.1 Concentration micellaire critique
Nous avons vu précédemment que la conductivité d’une solution évolue en
fonction des concentrations de chaque espèce ionique en solution. Ainsi, lors de la
formation des micelles à partir d’un agent tensioactif ionique, les concentrations des
différentes espèces ioniques sont modifiées, ce qui se répercute sur la conductivité de la
solution.
La figure II.2 schématise le processus de micellisation et son impact sur la
conductivité d’une solution tensioactive d’un composé ionique AX dans l’eau.
Chapitre II
58
Figure II.2 : Représentation schématique de l’évolution de la conductivité en fonction
de la concentration selon l’état d’agrégation d’un tensioactif ionique. Les
pentes des droites avant et après la CMC sont notées S1 et S2,
respectivement. Adapté de la référence 28 .
La conductivité évolue linéairement (pente S1) en fonction de la concentration pour
les systèmes dilués, mais à la CMC la diminution de la mobilité des molécules
amphiphiles agrégées dans les micelles ainsi que le confinement partiel des contre-ions
dans l’atmosphère ionique des micelles, provoquent une rupture de pente (pente S2). Ce
comportement est mis à profit pour la détermination expérimentale de la CMC
identifiée comme étant la concentration à laquelle s’effectue le changement de pente.
II.1.4.2 Degré de dissociation (d) 102,103
Soient Cs , CA, CX, CM et C les concentrations respectives en tensioactif ionique
non agrégé, en ions tensioactifs libres, en contre-ions, en micelles et totale. Dans le
domaine pré-micellaire, la dissociation des molécules est totale et donc la conductivité
est la somme des conductivités individuelles des ions tensioactifs A et de celle des
contre-ions X.
C<𝐶𝑀𝐶 = 𝜆𝐴 + 𝜆𝑋 𝐶 (II.76)
La pente de la droite représentative de ce comportement est donc :
102 D. G. Hall, Aggregation Processes in Solution; Elsevier , Amsterdam, 1983. 103 J. Toullec et S. Couderc, C. R. Acad. Sci. Paris Série II b, 1997, 324, 773.
Chapitre II
59
𝑆1 = 𝜆𝐴 + 𝜆𝑋 (II.77)
En régime micellisé, l’expression de 𝐶>CMC comprend un terme supplémentaire
correspondant à la contribution des micelles :
C>𝐶𝑀𝐶 = 𝜆𝐶𝐴 + 𝜆𝑋 𝐶𝑥 + 𝜆𝑀 𝐶𝑀 (II.78)
𝜆𝑀 étant la conductivité ionique molaire des micelles. Sachant que dans ces conditions
CA=Cs ~ CMC, cette dernière équation peut se mettre sous la forme suivante :
𝐶>CMC = 𝜆𝐴 .𝐶𝑀𝐶 + 𝜆𝑋 𝑑𝐶 + 1 − 𝑑 𝐶𝑀𝐶 + 𝜆𝑀 𝐶−𝐶𝑀𝐶
𝑛 (II.79)
n étant le nombre d’agrégation moyen des micelles, et d le degré de dissociation ionique
micellaire. L’expression de 𝜆𝑀 diffère selon les modèles. Ainsi, Zana104
, suivi de
nombreux auteurs, a fait l’hypothèse qu’un ion tensioactif au sein d’une micelle dont la
charge n’est pas neutralisée par un contre-ion contribue à la conductivité de la solution
dans les mêmes proportions que s’il était libre, d’où :
𝜆𝑀 = 𝑛 𝑑𝜆𝐴 (II.80)
Si l’équation (II.80) est insérée dans l’équation (II.79), on obtient:
𝐶>CMC = 1 − 𝑑 𝜆𝐴 + 𝜆𝑋 𝐶𝑀𝐶 + 𝑑 𝜆𝐴 + 𝜆𝑋 𝐶 (II.81)
d’où 𝑆2 = 𝑑 𝜆𝐴 + 𝜆𝑋 (II.82)
Le rapport des pentes 𝑆1et 𝑆2 (équations (II.77) et (II.82)), permet de déterminer d :
𝑑 =𝑆2
𝑆1 (II.83)
Ainsi, dans le cadre de ce modèle, d est indépendant de la concentration en tensioactif.
L’expression (II.83) à été très largement utilisée pour déduire la valeur de d des
systèmes tensioactifs à partir des mesures conductivimétriques. Cependant,
l’approximation (II.80) sous-estime la contribution des micelles dans la conductivité
totale et conduit à des valeurs surestimées de d.
104 R. Zana, Surfactant Solutions, New Methods of Investigation, Marcel Dekker, New York, 1987.
Chapitre II
60
Une estimation de la conductivité ionique micellaire qui donne de meilleurs
résultats pour d est basée sur la théorie d’Evans 105
qui propose que:
𝜆𝑀 = 𝑛5/3𝑑2𝜆𝐴 (II.84)
Cette hypothèse permet de déduire que :
𝐶>𝐶𝑀𝐶 = 𝑆1 1 − 𝑛2
3𝑑2 + 𝜆𝑋𝑑 𝑑𝑛2
3 − 1 𝐶𝑀𝐶 + 𝑛2
3𝑑2 𝑆1 − 𝜆𝑋 + 𝑑𝜆𝑋 𝐶 (II.85)
et donc
𝑆2 = 𝑑2𝑛2
3(𝑆1 − 𝜆𝑋) + 𝑑𝜆𝑋 . (II.86)
Lorsque n peut être déterminé par une méthode indépendante, et que 𝜆𝑋 est connue, les
pentes S1 et S2 permettent de déterminer d.
Cependant, des méthodes plus élaborées et plus récentes d’analyse des données
expérimentales conductivimétriques basées sur la loi d’action de masse permettent de
déterminer simultanément les deux paramètres n et d. En particulier, celle de Shanks et
Frances106
, permet de déterminer la CMC, d et n par l’usage d’une régression non-
linéaire. Des améliorations à cette procédure ont été apportées ensuite, en particulier par
Herrington et al.107
. Ces auteurs assimilent la solution micellaire à une solution mixte de
deux électrolytes, d’une part les molécules libres solubilisées entièrement dissociées, et
d’autre part celles agrégées au sein des micelles partiellement dissociées. La
conductivité 𝜅 du système est alors exprimée selon la somme de deux termes . Le
premier terme correspond aux ions amphiphiles libres solubilisées associée à une
concentration équivalente de contre-ions, tandis que le deuxième est relatif à la
contribution des micelles et des contre-ions associés assurant la neutralité électrique.
L’expression de 𝜅 établie sur la base de la théorie de Debye-Huckel qui rend compte
des effets des interactions inter-ioniques sur la conductivité électrique (voir section
II.1.3.5) permet l’analyse des données expérimentales à l’aide d’une procédure itérative
tenant compte de la conservation des masses et des charges des différentes espèces
105 D. F. Evans, D.J. Mitchell and B.W. Ninham, J. Phys. Chem., 1984,88, 6344 . 106
P.C. Shanks and E.I. Franses, J. Phys. Chem., 1992, 96, 1794. 107
K.L. Herrington, E.W. Kaler, D.D. Miller, J.A. Zasadzinski and S. Chiruvolu, J. Phys. Chem., 1993, 97, 13792.
Chapitre II
61
chimiques présentes, et la déduction simultanée non seulement les paramètres d et n,
mais également de la CMC108
.
II.1.4.3. Variation thermique de la solubilité et température de Kraft (TK)
La conductivimétrie permet de suivre la dissolution d’un tensioactif ionique dans
l’eau en fonction de la température. Pour rappel, TK étant définie comme étant la
température à laquelle la solubilité devient égale à la CMC, il en découle que la
solubilité, et par suite la conductivité, présente une croissance plus rapide à partir de
cette température. Cette propriété est généralement exploitée pour la détermination de
TK. Ainsi, les variations thermiques des courbes de solubilité et de CMC sont sécantes
et la température correspondant à leur point d’intersection est TK.
TK et la variation thermique de la solubilité totale du surfactant dans l’eau sont
déterminées à partir de l’analyse des données expérimentales suivant la démarche de
Gaboriaud28 qui consiste à analyser les données expérimentales de la conductivité à
différentes concentrations, aussi bien supérieures qu’inferieures à la CMC, en fonction
de la température afin d’accéder aux variations individuelles des solubilités thermiques
des monomères et des micelles au sein de la solution aqueuse. Les détails de la
procédure seront explicités dans le prochain chapitre109.
II.1.4.4. Nombre d’agrégation (n)
La connaissance des variations des solubilités aussi bien micellaire que celle des
molécules non agrégées peut servir à la détermination de n. Une méthode relativement
simple d’évaluation de n basée sur la loi d’action de masse et développée par Maroi 27
liant la solubilité au voisinage de TK à la structure micellaire, en particulier n, est
valable pour des températures proches de TK
CM(T) = CM(TK) x CS(T) / CS(TK)n
(II.87)
Avec Ci(T) représentant la solubilité de l’espèce i à T donnée.
108 A.A.Dar, M.A.Bha and, G.M.Rather, J. Coll. Inter. Sci., A., 2004,248, 67. 109
T. Fergoug, D.Bendedouch and E.Aicart, J.Coll. Surf. A, 2004 ,237, 95.
Chapitre II
62
II.2. SPECTROPHOTOMETRIE UV-VISIBLE
II.2.1. ABSORPTION DE LA LUMIERE 110
Beer et Lambert ont montré que la proportion de lumière absorbée par un milieu
transparent est dépendante de l’intensité de la lumière incidente (I0), de l’épaisseur du
milieu traversé (l) par le rayonnement et de la concentration en composé absorbant (C).
L’absorbance A (ou densité optique) est ainsi définie par l’expression suivante :
A = log10 𝐼0
𝐼𝑡= 휀𝐶𝑙 (II.88)
où It est l’intensité de la lumière après passage à travers le milieu (ou intensité
transmise) et est le coefficient d’absorption molaire caractéristique du milieu et de la
longueur d'onde (λ) considérée. Cette loi étant additive, l’absorbance d’un mélange est
égale à la somme des absorbances de chacun des composants du mélange pour une
valeur de λ donnée.
Il s’avère cependant que cette loi n’est parfaitement valable que pour les faibles
concentrations pour lesquelles les interactions intermoléculaires sont négligeables.
II.2.2.POINT ISOBESTIQUE111
, 112
Soit une substance absorbante X susceptible de se transformer en composé Y. Le
spectre d’absorption de X est généralement différent de celui de Y, mais il peut exister
une longueur d'onde (λiso ) pour laquelle ces deux substances possèdent le même ε
(εx
= εy
= ε). Dans ce cas, les courbes d’absorption des mélanges de X et Y pour une
concentration totale C constante se coupent en un seul point appelé point isobestique,
comme le montre la figure II.3. En effet, comme X et Y sont en équilibre chimique, on
aura pour λ = λiso , la relation :
A = εx CX l + ε
y CY l = ε C l (II.89)
110 R. Ruyssem et L. Molle, Principe de chimie physique, 5éme édition. Paris, Vol. 55, 1965. 111
C. Merino, E. Junquera, J. Barbero and E. Aicart, Langmuir, 2000,16 , 1557. 112
O. Thomas and V. Cerda, UV-Visible Spectrophotometry of Water and Wastewater, Elsevier, 2007.
Chapitre II
63
La valeur de A reste donc indépendante des proportions respectives de X et Y pour
λiso
. En cinétique chimique, il peut exister plusieurs points isobestiques qui sont utilisés
comme points de référence dans l'étude des taux de réaction, A étant constante tout au
long de la réaction pour chacune de ces valeurs de λiso
. Inversement, si le mécanisme
Figure II. 3 : Courbes d'absorption typiques de mélanges de 2 composés en équilibre
chimique à une concentration totale constante112
.
d'une réaction suivie spectroscopiquement est inconnu, l'observation d'un point
isobestique prouve qu'il s'agit d'une réaction s’effectuant en une seule étape et se
traduisant par un équilibre entre le composé de départ et le produit de la réaction (ou un
mélange de produits dans des proportions fixes).
II.3. SPECTOMETRIE RMN113
La RMN utilise les propriétés magnétiques que possèdent certains noyaux
atomiques. En effet, Ces derniers placés dans un champ magnétique extérieur B 0
provoque une levée de dégénérescence des niveaux énergétiques de spin de ces noyaux
dont la séparation entre niveaux adjacents (ΔE) est proportionnelle à 𝐵0. Les transitions
énergétiques entre ces niveaux satisfont à la condition de Bohr : ΔE= h 𝜐 où 𝜐 est la
fréquence de résonnance, encore appelée fréquence de Larmor ou de précession.
L’ordre de grandeur des 𝜐 mises en jeu appartient au domaine des ondes radio.
113
H.Gunther, La spectroscopie RMN, Masson, Paris, 1993.
Chapitre II
64
II.3.1 DEPLACEMENT CHIMIQUE
Tous les atomes ne perçoivent pas de la même manière le champ magnétique
appliqué. En effet, les électrons liés à un noyau ou appartenant à d'autres créent leur
propre champ magnétique très faible mais opposé à B 0. Ce nuage électronique
spécifique pour chaque noyau dans une molécule induit une modification de 𝜐 exprimée
par la relation :
𝜐 =𝛾 1−𝜍
2𝜋B0 = 𝜐0 1 − 𝜍 (II.90)
où est un facteur de proportionnalité appelé rapport gyromagnétique, et est la
constante d'écran ou de blindage qui représente les modifications apportées au champ
subi par le noyau. 𝜐0 est la fréquence de résonance de fonctionnement de l'appareil. La
fréquence 𝜐 caractérise un noyau avec un environnement propre, mais dépend de
l’intensité de B0 de l'expérience. C’est pourquoi, on défini un paramètre appelé
déplacement chimique δ indépendamment de B0, selon l’expression:
𝛿(𝑝𝑝𝑚 ) =𝜐−𝜐𝑟𝑒𝑓
𝜐0106 (II.91)
où 𝜐𝑟𝑒𝑓 est la fréquence de résonance d’une substance de référence, en général le
tétramethylsilane (TMS).
II.3.2.MISE EN EVIDENCE DIRECTE DE LA COMPLEXATION DE LA CD69
L’encapsulation d’une molécule organique par une molécule de CD induit des
modifications de la densité électronique locale à l’intérieur de la cavité entraînant des
variations de 𝛿 de certains protons, aussi bien ceux de la molécule hôte que ceux de
l’invitée. Si la molécule invitée pénètre dans la cavité de la CD, on peut supposer que
les atomes d’hydrogène situés à l’intérieur de la cavité (H-3 et H-5) seront
considérablement perturbés, tandis que ceux qui se trouvent sur la surface externe (H-2,
H-4 et H-6) ne subiront pas d’influence notable. Comme la conversion entre la CD
complexée et non-complexée est généralement rapide et réversible, on n’observe
généralement que des signaux moyens pour H-3 et H-5. Dans l’éventualité où la
variation de 𝛿 de H-3 serait moins importante que celle de H-5, ce serait un signe clair
Chapitre II
65
que la molécule aurait pénétré profondément dans la cavité, H-5 se trouvant dans la
partie la plus étroite de la cavité. A partir de variations de de ces deux protons en
fonction de la concentration en CD, la constante d’association caractérisant la stabilité
du complexe peut être déterminée comme cela sera développé plus loin.
II.4. SPECTROMETRIE DE MASSE ESI114,115
La spectrométrie de masse est une technique d’analyse des ions selon leur
rapport masse/charge. Elle permet la détection, la caractérisation et la quantification de
substances. Le principe général est le même pour tous les spectromètres de masse :
l'échantillon, initialement en phase liquide, solide ou gazeuse est ionisé suite à une
éventuelle nébulisation ou désorption. Les ions produits acquièrent une énergie
cinétique qui conditionne leur trajectoire. Le trajet étant fonction du rapport
masse/charge, il provoque la séparation des ions et régit l’information contenue dans le
spectre de masse qui renseigne sur les espèces ioniques présentes ainsi que sur leur
éventuelle abondance.
Dans le domaine biologique, la spectrométrie de masse combinée à l’électro-
nébulisation capillaire (Electrospray Ionization - ESI) est maintenant considérée comme
incontournable. En effet, l’'ESI est l’une des techniques d'ionisation avec la
désorption /ionisation laser assistée par matrice (MALDI) conduisant à un gain minimal
d’énergie interne par les ions émis. L’attrait de cette technique d’ionisation est donc
qu’elle permet d’observer des composés fragiles comme des complexes non covalents
ou des composés à faible énergie de seuil de fragmentation ou de dissociation.
Un champ électrique intense appliqué à la sortie d’un capillaire contenant
l’échantillon en solution provoque la formation d'un nuage de gouttelettes chargées qui
traversent simultanément un gradient de champ électrique et un gradient de pression
dans la direction de l'analyseur du spectromètre de masse. Durant ce transport, la taille
des gouttelettes diminue en raison de l’évaporation du solvant par explosions
114 E.De Pauw, Thèse de doctorat : Caractérisation et Dissociation du Complexe Hydrosoluble C60, (γcyclodextrine)2 par
Spectrométrie de Masse, Univ. Liège, 2005. 115
J. Vinh, Thèse de doctorat : Etude et caractérisation structurale de modifications posttraductionnelles de la Tubuline par
spectrométrie de masse, Univ. Pierre et Marie Curie, Paris VI, France, 1999.
Chapitre II
66
"coulombiennes" successives, c’est à dire par des divisions spontanées (de la gouttelette
chargée en gouttelettes plus petites) provoquées par une charge surfacique très élevée,
comme on peut le voir sur la figure II.4. Les ions formés détectés en mode positif sont
des espèces généralement multi-protonées.
Figure II.4 : Schéma de principe du processus ESI. Adapté de la référence 117 .
II.5.TENSIOMETRIE
La tension superficielle (γ) est formellement l’énergie qu’il faut fournir à la
surface d’un liquide en équilibre pour provoquer l’extension de cette surface d’une
unité. Elle s’exprime en erg/cm2 ou en dyne/cm. Contrairement à la conductivimétrie, la
tensiométrie est applicable même aux tensioactifs non-ioniques puisqu’elle est
insensible aux électrolytes ; elle dépend directement du comportement de ces molécules
à la surface.
Les molécules tensioactives causent une déformation de la structure de l’eau
autour de leurs parties hydrophobes. Les torsions internes des chaînes hydrophobes se
trouvent alors limitées par cette structure plus ordonnée de l’eau qui agit alors comme
une barrière. Pour minimiser ces interactions défavorables avec l’eau, ces molécules se
concentrent préférentiellement à la surface en s’orientant avec la partie hydrophobe
dirigée directement hors de l’eau. Ce phénomène d’adsorption du tensioactif provoque
une diminution de γ qui va s’accentuer avec l’augmentation de la concentration bien au
delà de la saturation de la surface à la concentration Csat . γ ne se stabilise que lorsque la
Chapitre II
67
micellisation est amorcée, c'est-à-dire lorsque C=CMC, car alors la concentration des
molécules non associées reste relativement constante (voir figure II.5), toute quantité
supplémentaire de tensioactif se solubilisant sous forme micellaire.
Figure II.5 : Tracé typique de la tension superficielle en fonction du logarithme de la
concentration en surfactant116
.
Lorsque la température s’élève, les corps se dilatent et les forces d’attraction
mutuelles entre les molécules aussi bien au sein de la solution qu’en surface diminuent
entrainant un abaissement de γ.
II. 6. DETERMINATION DE LA CONSTANTE D’ASSOCIATION D’UN COMPLEXE 1:1
La mise en évidence de la formation d’un complexe peut être effectuée par
diverses méthodes, la RMN constituant l’outil le plus généralement utilisé88, 117. Dans le
cas d’une complexation faisant intervenir des espèces chargées ou acido-basiques,
d’autres techniques comme la conductivimétrie et la pH-métrie sont également
appropriées118
. Pour les composés qui présentent une activité dans le domaine UV-
visible, les spectroscopies d’absorption53 et de fluorescence sont bien adaptées71.
116
A.Sardi, Thèse de magister : Effet de la nature de la chaine hydrophobe sur les propriétés physico-chimique
d’un système mixte cationique dibranché non ionique fluoré, Univ. Oran, 2009. 117 S. Moutard, Thèse de Doctorat, Relation entre la structure et les propriétés d’organisation de nouvelles cyclodextrines
amphphiles, Univ. de Picardie Jules Verne, 2003. 118 K.Hirose,. J. Incl. Phenom., 39, 2001, 193.
Chapitre II
68
En ce qui concerne les méthodes spectroscopiques, il y a lieu de prendre en compte
les effets liés aux échanges chimiques et conformationnels. En fait, ces méthodes sont
restrictives quant aux conditions expérimentales comme c’est le cas pour un échange
rapide, comme nous le verrons dans la section suivante.
II.6.1.ECHANGE CHIMIQUE ET CONFORMATIONNEL115
La valeur d’une fréquence de résonnance ν résulte d’une moyenne temporelle et
orientationnelle de la molécule engagée dans un processus réactionnel ou bien
orientationnel au sein du milieu environnant. Dans le cas de la formation d’un complexe
entre deux molécules, l’existence de l’équilibre suivant :
molécules libres molécules liées
implique un échange caractérisé par une constante de vitesse totale : 𝒌𝒗𝒕 = 𝒌𝒗(𝟏) +
𝒌𝒗(−𝟏) . Les temps de vie dans chaque état sont respectivement : 𝜏lié = 1/𝒌𝒗(𝟏) , 𝜏libre =
1/𝒌𝒗(−𝟏) et le temps de relaxation global est 𝜏 = 1/𝒌𝒗𝒕 . A l’échelle du temps d’une
expérience spectroscopique et pour une fréquence d’observation donnée, trois cas sont à
envisager comme cela est schématisé sur la figure II.6.
Echange lent
Les populations relatives des molécules libres et associées sont alors détectées aux
fréquences νlibre et νlié, respectivement. Pour ce cas limite de l’échange, la largeur à
demi-hauteur de chacune des bandes spectrales concernées dépend de la cinétique
d’échange selon :
∆ν12 = (∆ν1
2 )0 +
𝒌𝒗𝒕
𝜋 (II.92)
(∆ν 1/2)0 étant la largeur à demi-hauteur en l’absence d’échange. C’est un régime pour
lequel les deux états moléculaires (libre et lié) sont observables séparément pendant le
temps caractéristique de l’expérience (1/∆ν).
(1)
(-1)
Chapitre II
69
Figure II.6 : Illustration de l’influence de la vitesse d’échange sur la forme des bandes
et sur les valeurs des déplacements chimiques obtenus en RMN115.
Ainsi, plus rapide sera l’échange, plus court sera le temps de vie dans un site et plus
large sera la raie en accord avec le principe d’incertitude d’Heisenberg.
Echange rapide
Une bande unique est observée et apparaît au barycentre de ν liée et ν libre , car en
moyenne une molécule passe 50% de son temps sur chaque site. A l’inverse de
l’échange lent, pour lequel chaque bande est élargie par le passage d’un état à l’autre, le
signal unique observé dans l’échange rapide s’affine lorsque la cinétique s’accélère.
Ceci traduit le fait que l’environnement d’un atome ou d’un groupement d’atomes est
de mieux en mieux moyenné. L’élargissement de la raie est exprimé alors par la
relation:
∆ν12 = (∆ν1
2 )0 +
𝜋(| ν lié− ν libre |)2
2𝑘𝑣𝑡 (II.93)
Echange intermédiaire (coalescence)
Il est associé aux cinétiques intermédiaires. Expérimentalement, on observe la
coalescence des deux bandes correspondant l’une à l’état libre et l’autre à l’état lié, et se
Chapitre II
70
traduit par la disparition de la vallée entre les deux bandes. Cette condition est remplie
pour :
𝑘𝑣𝑡 = π(|ν lié− ν libre |)
2 ≈2,2 (ν lié- ν libre) (II.94)
En résumé :
- si 𝒌𝒗𝒕 > 2,2 (ν lié- ν libre), alors une seule bande est observée ;
-si 𝒌𝒗𝒕 < 2,2 (ν lié- ν libre), alors deux bandes séparées sont observables.
II.6.2.METHODE DE BENESI-HILDEBRAND
Une des approches possibles adaptée à la détermination de la constante de
complexation d’une molécule invitée par la CD est la méthode développée par Benesi et
Hildebrand119
dans laquelle la concentration du ligand (L) est généralement maintenue
constante, alors que celle de la CD varie dans une gamme donnée de concentrations. Au
cours de la titration, la variable de la propriété physique observable dépend de la
technique adoptée et de la nature de la molécule invitée ainsi que celle de la CD. Cette
approche que nous allons développer permet de déterminer graphiquement la constante
de complexation d’un complexe 1:1 (K11 ) à condition que l’espèce non observée soit en
large excès (d’au moins un facteur 10) par rapport à l’espèce observée.
Soit l’équilibre de formation du complexe 1:1 :
CD + L CD/L (II.95)
Alors , en négligeant les interactions :
𝐾11 ≃ 𝐶𝐷/𝐿
𝐶𝐷 𝐿 (II.96)
où les crochets expriment les concentrations des espèces présentes en solution à
l’équilibre thermodynamique.
Soit une propriété physique P dont l’expression en fonction des concentrations
des différentes espèces i s’écrit sous la forme :
119
H. A. Benesi and J. h. Hidebrand, J. Am. Chem. Soc., 1949, 71, 2703.
Chapitre II
71
P = pi[i] (II.97)
pi ayant la signification soit d’un coefficient d’extinction en spectrophotométrie, soit
d’une conductivité ionique en conductivimétrie, soit d’un déplacement chimique en
RMN. Considérons la variation de la valeur de P définie par :
𝛥𝑃 = 𝑃 − 𝑃∗ (II.98)
où 𝑃 est la valeur observée à l’équilibre en présence de la CD, et 𝑃∗ celle du système
mesurée en l’absence de la CD.
Soient [CD/L] la concentration en complexe à l’équilibre, 𝐶𝐷 𝑡 et [L]t, les
concentrations totales en CD et en espèce invitée respectivement, alors 𝛥𝑃 peut être
exprimée sous la forme :
𝛥𝑃 = 𝐶𝐷/𝐿 𝑝𝐶𝐷/𝐿 + 𝐿 𝑡 − 𝐶𝐷/𝐿 𝑝𝐿 − 𝑃∗ (II.99)
avec 𝑃∗ = 𝐿 𝑡 𝑝𝐿 (II.100)
et donc 𝛥𝑃 = 𝐶𝐷/𝐿 𝑝𝐶𝐷/𝐿 − 𝐶𝐷/𝐿 𝑝𝐿 (II.101)
ou encore 𝛥𝑃 = 𝐶𝐷/𝐿 𝛥𝑝 (II.102)
avec 𝛥𝑝 = 𝑝𝐶𝐷/𝐿 − 𝑝𝐿 (II.103)
Toutefois, l’espèce observée étant généralement L, il est permis d’écrire également :
𝛥𝑃 = 𝑝𝑒𝑓𝑓 𝐿 𝑡 (II.104)
Par ailleurs, la conservation des masses se traduit par:
𝐾11 = 𝐶𝐷/𝐿
𝐶𝐷 𝑡− 𝐶𝐷/𝐿 𝐿 𝑡− 𝐶𝐷/𝐿 (II.105)
Chapitre II
72
Sous réserve que 𝐿 𝑡 soit faible devant 𝐶𝐷 , il est possible de négliger le terme
[CD/L]2
dans l’expression précédente, ce qui conduit à :
𝐾11 ≃ 𝐶𝐷/𝐿
𝐶𝐷 𝑡 𝐿 𝑡− 𝐿 𝑡 𝐶𝐷/𝐿 − 𝐶𝐷 𝑡 𝐶𝐷/𝐿 (II.106)
ou bien, en introduisant les équations (II.102) et (II.104) :
𝐾11 ≃𝑝𝑒𝑓𝑓
𝐶𝐷 𝑡𝛥𝑝− 𝐿 𝑡 𝑝𝑒𝑓𝑓 − 𝐶𝐷 𝑡 𝑝𝑒𝑓𝑓 (II.107)
A partir de cette équation et en négligeant 𝐿 𝑡 devant 𝐶𝐷 𝑡, on établit une relation
linéaire entre 𝐶𝐷 𝑡−1
et (𝑝𝑒𝑓𝑓 )−1:
1
𝑝𝑒𝑓𝑓≃
1
𝐾11 𝛥𝑝 𝐶𝐷 𝑡+
1
𝛥𝑝 =
𝐿 𝑡
𝛥𝑃 (II.108)
L’équation II.108 permet de déterminer les deux paramètres recherchés, à savoir
𝛥𝑝 et 𝐾11 , en portant sur un graphe les valeurs de 𝐿 𝑡/ 𝛥𝑃 en fonction de 𝐶𝐷 𝑡−1
.
Cette méthode n’est valable que pour des constantes d’association faibles et pour
une gamme de concentrations en CD très restreinte. En effet, lorsque la valeur de 𝐾11
devient importante, la pente de la droite décrite par l’équation II. 108 diminue fortement
et par voie de conséquence la précision sur la détermination de 𝐾11 diminue. Enfin,
cette procédure implique que la valeur de 𝑝𝐿 soit connue pour la substance invitée à
l’état libre.
Pour illustration, dans l’application à la spectrophotométrie d’absorption UV-visible,
l’équation II.108 s’écrit:
𝐿 𝑡
𝛥𝐴=
1
𝐾11 ∆ε 𝐶𝐷 𝑡+
1
∆ε (II.109)
avec, 𝛥𝐴 = 𝐴 – 𝐴∗ (équation II.98), où 𝐴 et 𝐴∗ sont respectivement les absorbances en
présence et en absence de CD, et Δε représentant la différence en valeur absolue entre
les ε du complexe et du soluté libre (équation II.103). Cette méthode n’est évidemment
applicable que si l’absorbance de la molécule invitée solubilisée est modifiée lorsqu’elle
est complexée par la CD.
Chapitre II
73
II.6.3.METHODE ITERATIVE117
Cette méthode numérique permet de s’affranchir de toutes les conditions
restrictives précédentes et consiste à utiliser la méthode des variations continues et les
données expérimentales de 𝑃 pour déterminer la stœchiométrie de l’association.
Sous réserve de l’applicabilité de la relation décrite par l’équation (II.102), la
combinaison des équations (II.98) ,(II.102) et (II.104), permet de déduire que :
𝛥𝑃
𝐿 𝑡=
∆𝑝 𝐾11 𝐶𝐷 𝐿
𝐶𝐷/𝐿 + 𝐿 =
∆𝑝 𝐾11 𝐶𝐷
1+𝐾11 𝐶𝐷 (II.110)
Par ailleurs, à partir de l’équation (II.96), il est possible de déterminer [CD]
comme solution de l’équation suivante :
𝐾11 𝐶𝐷 2 + 𝐶𝐷 𝑡 − 𝐿 𝑡 𝐾11 + 1 𝐶𝐷 − 𝐶𝐷 𝑡 = 0 (II.111)
La résolution des équations (II.110) et (II.111) fait intervenir deux données
expérimentales ( 𝐶𝐷 𝑡 et 𝛥𝑃) et deux paramètres libres d’ajustement (𝑲𝟏𝟏 et 𝛥𝑝) dans
une procédure de régression non linéaire des moindres carrés multiparamétriques.
Il est important de souligner ici qu’il est facile de se défaire de toute hypothèse
concernant les interactions entre les différentes espèces présentes, les concentrations
devront être simplement remplacées par les activités correspondantes comme nous le
verrons lors de l’application de cette méthode en conductivimétrie (détaillée dans le
chapitre IV).
Partie expérimentale
CHAPITRE III
75
Chapitre III
Etude physico-chimique de la tétracaine
CHAPITRE III
76
La particularité de TC,HCl est qu’elle est à la fois un sel d’acide faible et un
agent tensioactif. De ce fait, parmi toutes les méthodes dévolues à la caractérisation
physico-chimique, la conductivimétrie, la pH-métrie et la tensiométrie apparaissent
comme les plus appropriées pour sonder son comportement. En effet, l’information
concernant la nature de l’espèce chimique (TC,HCl ou TCH+) prépondérante dans un
milieu aqueux donné est une donnée cruciale quant à son inclusion au sein d’une
molécule de CD, sachant que seule la forme protonée est dotée d’une activité
thérapeutique. Par ailleurs, la connaissance du diagramme de phases de TC,HCl dans
l’eau, permettant de cerner les domaines d’existence des formes monomériques et
micellaires en fonction de la concentration et de la température, est aussi décisive pour
optimiser les conditions sous lesquelles la complexation devrait être conduite. En effet,
l’activité de la molécule de TC,HCl est directement associée à son état solubilisé mais
non agrégé, ce qui exige de travailler d’une part à une concentration inferieure à la
CMC, et d’autre part à une température supérieure à Tf pour s’affranchir des
problèmes liés à la présence de l’agrégat micellaire et du cristal hydraté.
La détermination de la constante de complexation par spectrophotométrie
d’absorption UV-visible impose par ailleurs une analyse spectrophotométrique de
TC,HCl. Il s’agit d’établir son spectre d’absorption, de déterminer les coefficients
d’absorption correspondants aux différentes bandes et de cerner l’applicabilité de la loi
de Beer Lambert.
Au passage, il faut noter que la caractérisation de la CD pure en solution
aqueuse est superflue car son comportement est généralement connu et largement
documenté 3,5
.
III.1. MATERIELS ET METHODES
TC,HCl fournie par la société Sigma est pur à plus de 99% et utilisé sans autres
purifications. Toutes les solutions ont été fraîchement préparées avec de l'eau distillée
et dé-ionisée, de conductivité égale à 4µS/cm et de tension superficielle de
75dynes/cm à 25°C. L’homogénéité des solutions mères a été assurée par sonification
pendant trois heures dans un bain ultrasonique.
CHAPITRE III
77
Les différentes mesures effectuées en fonction de la concentration ont été
réalisées sur des solutions obtenues à partir de dilutions successives d’une solution
mère de TC,HCl à 650 mM. En tensiomètrie et conductivimètrie, les dilutions ont été
effectuées directement dans la cellule de mesure. Pour assurer la reproductibilité des
mesures, chaque solution a été préparée au départ à température ambiante (~ 30°C)
puis chauffée lentement (0,1°C/min) jusqu’à dissolution complète du soluté et ensuite
refroidie (~2°C) jusqu’à la recristallisation complète. Une fois le système en équilibre,
la solution est chauffée de nouveau de la même manière jusqu’à la température choisie
pour l’expérience. La température de la solution est maintenue constante à
±0,01°C.
Tensiométrie
La tension superficielle (γ) a été mesurée au moyen d’un tensiomètre de type
Du Nouy. Il est constitué d’un anneau en platine suspendu par un fil à un dispositif en
forme de poulie qui permet d’exercer progressivement une force verticale nécessaire
pour arracher l’anneau immergé dans la solution, permettant ainsi de mesurer des γ
variant de 0 à 90 dynes/cm avec une précision de 0,05 dynes/cm, après étalonnage de
l’appareil.
Conductivimètrie
Les mesures de conductivité (κ) ont été effectuées à l’aide d’un conductimètre
de type EC 214 Bench Conductivity Meters (HANNA) avec une cellule de mesure à 4
pôles de constante de cellule égale à 0,805 cm- 1
placée dans une enceinte thermostatée.
L’appareil fonctionne en toute fiabilité dans une large plage de conductivité allant de
1,00 µS/cm à 1000 mS/cm avec une précision de 0,01 µS/cm.
Pour la détermination du point de Kraft (Tk) et du point de fusion du dernier
cristal hydraté (Tf), l’évolution de la conductivité de l’échantillon en fonction de la
CHAPITRE III
78
température est suivie au-delà de la disparition du dernier cristal pour différentes
concentrations.
Pour les mesures de la CMC, la variation de la conductivité en fonction de la
concentration est suivie à différentes températures.
pH-métrie
Le pH-mètre est de type Prolabo, utilisant une électrode de verre combinée
contenant une solution de KCl comme référence et est équipé d’une enceinte
thermostatée. L’appareil fonctionne avec une précision de 0,01 unité de pH.
Spectrophotométrie d’absorption UV-visible
Les absorbances (A) des échantillons placés dans des cuves en quartz, de
chemin optique de 1cm, ont été déterminées à l’aide d’un spectrophotomètre de
type Shimazu UV-Visible. Les spectres d’absorption situés dans une gamme de
longueurs d’onde () variant de 190 à 350nm ont été obtenus pour différentes
concentrations en TC, HCl à une température d’environ 25°C et une précision de 0,01
unité d’absorbance.
III.2.RESULTATS ET DISCUSSION
III.2.1.TENSIOMETRIE
La courbe de variation de γ en fonction de la concentration en TC,HCl à 30°C
visible sur la figure III.1permet d’accéder à la valeur de la CMC correspondant au
point de changement de pente. En effet, l’évolution de γ est d’abord linéairement
décroissante avec l’augmentation de la concentration, puis atteint un plateau (γ = γmin)
au-delà de la CMC. L’intersection des deux droites, qui représentent des ajustements
linéaires des points expérimentaux dans les domaines pré-micellaire et micellaire
correspond à une valeur de la CMC de 83 ± 0,4 mM. Cette valeur est comparable
à celle publiée par Miller et al.122
obtenue avec la même technique, et avec celle de
H.Satake123
.
10 100
40
45
50
55
60
65
70
CMC= 83 mM
[d
yne
/cm
]
C [mM]
Figure III.1:Variation de la tension superficielle de TC,HCl en fonction de la
concentration à 30°C. Les droites sont des ajustements linéaires.
L’abaissement de γ (γmin = 43 dynes/cm) observé sur la figure III.1, n’est pas
aussi prononcé que celui généralement observé dans le cas des molécules tensioactives
hydrocarbonées (γmin ~ 30 dynes/cm) ou bien fluoro-carbonées (γmin ~20 dynes/cm).
Cette aspect est sûrement lié à la présence du groupement polaire, en l’occurrence la
fonction ester, associée aux groupements benzyle et amine, encastrée dans la partie
hydrophobe de la molécule de TC,HCl et qui de ce fait réduit le caractère tensioactif
122
K.J. Miller II, S.R. Goodwin, G.B. Westermann Clark, and D.O. Shah, Langmuir, 1993, 9, 105. 123
H.Satake, H.Matsuki and S.Kaneshina , J. Coll. and interf. Sci., 1993, 71, 135
CHAPITRE III
80
du composé. Le fait que la courbe ne présente ni minimum dans la région de la CMC,
ni irrégularités dans la variation de γ au-delà de la CMC, confirme que le produit en
question est caractérisé par une grande pureté22, 31
, ce qui suggère fortement par
ailleurs que le composé ne subit pas d’hydrolyse détectable dans les conditions
expérimentales.
III.2.2.CONDUCTIVIMETRIE
III.2.2.1.Températures de Krafft et de fusion
La figure III.2 montre la variation de en fonction de la température pour une
concentration de 400mM. Les points d’intersections des ajustements linéaires des
différentes parties de la courbe correspondent, le premier à TK = 7,8 ± 0,2°C, et le
deuxième à Tf = 26,2±0,2°C.
0 10 20 30 40
0
1
2
3
4
Tf=26,2°C
TK=7,8°C
[S
/cm
]
T[°C]
Solution micellaire
+
Solide hydraté
Solution micellaire Solide hydraté
+
Solution saturée
Figure III.2: Détermination par conductivimètrie de TK et Tf de TC,HCl à une concentration
de 400mM à l’aide d’ajustements linéaires.
CHAPITRE III
81
L’allure générale de la courbe est caractéristique des équilibres de dissolution
successifs intervenant dans les systèmes de type tensioactif ionique/eau30
. En effet, la
portion qui caractérise le domaine des basses températures (T< TK) correspond à une
solution saturée qui ne contient que des espèces monomériques non agrégées en
équilibre avec le cristal hydraté. Elle est suivie d’une branche intermédiaire
caractérisée par une augmentation importante de la conductivité et donc de la solubilité
lorsque T augmente. Cet effet est directement lié à la formation micellaire. La limite
inférieure de ce domaine (dans lequel la phase solide se trouve alors en équilibre avec
la phase micellaire constituée par l’ensemble des micelles, les monomères libres ainsi
que la phase aqueuse) est associée à un point invariant (TK) par rapport à la
concentration. Cet aspect est mis en évidence sur la figure insérée dans la figure III.3
qui rassemble les courbes de variation de la conductivité en fonction de la température
pour différentes concentrations en TC,HCl. En effet, TK est par définition la
température d’équilibre lorsque la solubilité est égale à la CMC 32
. La limite supérieure
de ce domaine intermédiaire correspond à Tf qui diffère d’une concentration à l’autre
comme le montre la figure III.3. Au delà de Tf, la courbe présente une croissance plus
lente de la conductivité due essentiellement à l’effet thermique et reflétant la
disparition complète du solide hydraté en faveur de la phase micellaire qui s’opère à la
température Tf.
Sur la figure III.3, les valeurs de ont été normalisées à zéro à dilution infinie
afin de mettre en évidence les différences de comportement. Ces courbes diffèrent
selon la concentration par l’étendue du domaine entre TK et Tf, directement lié à la
micellisation. Plus la concentration est importante, plus Tf qui est lié à la solubilité
totale est élevée. La valeur de Tk retenue (8,4°C) est une moyenne des valeurs
déterminées à partir des différentes courbes et est proche de celle obtenue au moyen de
la calorimétrie différentielle à balayage par Matsuki et al.124
124
H. Matsuki, R. Ichikawa, S. Kaneshina, H. Kamaya and I. Ueda, J. Coll. Inter. Sci., 1996, 181, 362.
CHAPITRE III
82
Figure III.3: Variations thermiques de la conductivité normalisée pour différentes
concentrations en TC,HCl.
III.2.2.2.Concentration micellaire critique
Les variations de la conductivité en fonction de la concentration en TC,HCl
mesurées à des températures supérieures à Tf sont représentées sur la figure III.4. Elles
présentent toute un changement de pente caractéristique attribué à la formation des
micelles, c.à d. qu’au point de rupture, on a C= CMC. En effet, la présence croissante
des espèces chargées au sein de la solution augmente la conductivité linéairement
jusqu’à la CMC à partir de laquelle les monomères s’agrègent entrainant ainsi une
CHAPITRE III
83
baisse de mobilité des charges qui participent à cette auto-association. A partir
d’ajustements linéaires réalisés en régime pré et post- micellisation, les valeurs de la
CMC en fonction de la température sont obtenues avec une précision supérieure à 5 %,
et regroupées dans le tableau III.1
0.00 0.05 0.10 0.15 0.20
0
2
4
6
8
10
0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25
0
2
4
6
8
10
12
14
0.0 0.1 0.2 0.3 0.4
0
2
4
6
8
10
12
14
0.0 0.1 0.2 0.3 0.4
0
2
4
6
8
10
12
CMC
T=25°C
[
S/c
m]
C[M]
T=40°C
[
S/c
m]
C[M]
T=39°C
[
S/c
m]
C[M]
T=37°C
[
S/c
m]
C[M]
Figure III.4 : Variations de la conductivité en fonction de la concentration de TC,HCl
à différentes températures. Les droites sont des ajustements linéaires.
CHAPITRE III
84
Tableau III.1 : Valeurs de la CMC de TC, HCl en fonction de la température.
T [°C] 40 39 37 25
CMC[mM] 91 81 80 70
III.2.2.3.Concentrations à l’équilibre de dissolution (solubilité)
Afin d’établir le diagramme de phases de TC,HCl dans l’eau, la courbe de
solubilité thermique doit être établie aussi bien en régime pré-micellaire que
micellaire. Pour ce dernier, étant donnée la définition de Tf, il s’en suit que les
concentrations associées aux différentes valeurs de Tf sur la figure III.3
sont simplement égales, respectivement, aux concentrations liées à l’équilibre de
dissolution pour chacune des valeurs de Tf. En d’autres termes, ces concentrations sont
égales à la solubilité à la température Tf correspondante. Ces résultats sont reportés sur
le tableau III.2; les températures et les solubilités sont déterminées à 2 et 4% prés,
respectivement.
Tableau III.2 : Variation thermique de la solubilité de TC,HCl pour C > CMC .
Tf[°C] 28,7 26,2 24,5 20,4 17,2
C[mM] 614 400 300 203 105
Dans le domaine prémicellaire, correspondant par définition aux cas pour
lesquels la concentration totale est inférieure à la CMC, la solubilité a été déterminée
de la manière suivante. On considère la courbe de variation thermique de la
conductivité pour C=2mM (< CMC) reportée sur la figue III.5 qui met en évidence
une variation linéaire difficilement détectable sur la représentation de la figure III.3.
Les conductivités mesurées étant celles de la phase aqueuse en équilibre avec les
cristaux hydratés, il s’agit donc de déterminer les concentrations des molécules libres
de TC,HCl solubilisées correspond aux différentes concentrations totales. Pour ce
faire, une courbe de calibration (voir figure III.6) dans le domaine C<CMC est établie
CHAPITRE III
85
à une température (8°C) à laquelle les cristaux hydratés ne sont pas présents. Ainsi, à
partir des ajustements linéaires des données des figures III.5 et 6, une correspondance
est établie entre la solubilité CS de TC, HCl en dessous de la CMC et la température,
conduisant à adopter l’équation suivante :
LogCS (T)= 0,01 T - 3,21 (III.1)
avec CS (T) exprimée en mM et T en °C.
0 10 20 30 40
0
100
200
300
[
s/c
m]
T [°C]
Figure III.5 : Variation thermique de la conductivité pour TC,HCl à C= 2mM.
CHAPITRE III
86
1E-3 0.01
0
100
200
300
400
500
600
700
800
[S
/cm
]
C [mM]
Figure III.6: Courbe de calibration : variation de la conductivité de TC,HCl en
fonction de la concentration dans le domaine C<CMC à T=8°C.
Pour décrire la variation thermique de la solubilité totale, on admet que celle-ci
provient de la somme de deux contributions28
:
C(T) = CS(T) +CM(T) (III.2)
La première, résultant de la dissolution simple sous forme de monomères est décrite
par l’équation III.1. La deuxième, représentant la dissolution sous forme micellaire est
obtenue par différence entre les valeurs de la solubilité totale pour les C > CMC,
indiquées sur le tableau III.2, et les valeurs de CS(T) correspondantes et déduite de
l’équation III.1. Il en est déduit que CM(T) est donnée par l’équation suivante :
CHAPITRE III
87
LogCM (T) = 0,31 T - 8,51. (III. 3)
Ainsi, la concentration à saturation peut être décrite par l’expression empirique
suivante :
C(T) = 10 [0,01 T – 3,21]
+ 10 [0,31 T - 8,51]
(III. 4)
L’ensemble des résultats concernant la solubilité pour tout le domaine des
concentrations (C < CMC et C > CMC ) est regroupé sur la figure III.7, ainsi que les
5 10 15 20 25 30
1
10
100
Données expérimentales
CS(eq.III.1)
CM(eq.III.3)
C (eq.III.4)
C [
mM
]
T[°C]
ANDBF
Figure III.7: Variation thermique des solubilités monomérique, micellaire et totale
de TC,HCl.
CHAPITRE III
88
courbes d’ajustement des données relatives aux expressions III.1 (CS(T) ), III.3 (
CM(T) ) et III.4 ( C(T) ) qui expriment les corrélations entre la solubilité totale et les
solubilités partielles (monomérique et micellaire) avec la température. Cette figure met
également en relief l’additivité des solubilités partielles. La courbe correspondant à la
variation thermique de la solubilité totale obtenue par cette simulation numérique
permet de prévoir la solubilité du système aussi bien agrégé que non agrégé à
n’importe quelle température, sous réserve qu’il n’y ait pas de modification du
système micellaire (par exemple une transition structurale).
III.2.2.4. Nombre d’agrégation
Le nombre d’agrégation n est évalué à partir de l’équation de Moroi27
(équation
II.87) qui suppose que la solubilité au voisinage de TK (généralement pour TK T Tf)
est dépendante du mode de formation de la micelle, en particulier de n. Ainsi, et à titre
illustratif, n a été déterminé pour un échantillon dans les conditions de dissolution
totale à C=100mM et T= Tf=16°C. La valeur obtenue (n=27) est comparable à celle
trouvée dans la littérature pour des molécules de nature similaire125
.
III.2.2.5.Diagramme de phases
Le diagramme de phases partiel représenté sur la figure III.8 est établi pour
TC,HCl dans l’eau à des concentrations inferieures à 500mM dans l’intervalle de
température de 0 à 40°C, à partir des mesures de conductivité. La courbe
représentative de la variation thermique de la solubilité, celle de la variation thermique
de la CMC et la droite T = TK sont sécantes et leur point d’intersection correspond à la
CMC (5,6 ± 0,1 mM) au point critique TK 126
.
125
S. Schreier , S.V.P. Malheiros and E. de Paula , Biochim. Bioph. Acta, 2000, 1508, 210. 126
F. Krafft et H. Wiglow, Berichté, 1895, 28, 2566.
CHAPITRE III
89
Figure III.8 : Diagramme de phases partiel de TC,HCl dans l’eau.
Il existe 4 domaines délimités par ces courbes : (I) est constitué de solutions
aqueuses moléculaires non saturées; (II) est associé à un système biphasique constitué
d’une solution moléculaire en équilibre avec du tensioactif hydraté solide; (III)
correspond à l’existence de phases micellaires proprement dites, c.-à-d.
macroscopiquement homogènes et limpides ; (IV) est biphasique et constitué d’une
solution micellaire en équilibre avec la phase solide. Au point T=TK et C=CMC, il y a
un équilibre entre les solutions monomérique, micellaire et le cristal hydraté.
Ce diagramme de phases montre que le réchauffement d’une solution saturée
(domaine (II)) ne peut conduire à une solution micellaire homogène (domaine (III))
qu’en passant par le domaine (IV) où coexistent la phase solide et les micelles.
L’existence de ce 4ème domaine, c’est à dire d’une courbe de solubilité pour des
températures supérieures à TK, implique que les micelles ne peuvent, en toute rigueur,
être considérées comme constituant une phase distincte et l’équilibre entre les trois
0 200 400
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
solution micellaire solution
moléculaire
solution moléculaire
+ cristal hydraté
solution micellaire
+ cristal hydraté
Courbe de solubilité
Courbe
de CMC
T
[°C
]
C [mM]
(II)
(I) (III)
(IV)
CMC=5,6mM T=Tk
CHAPITRE III
90
phases solide─monomères─solution micellaire n’est pas invariant puisqu’elles
coexistent dans tout ce domaine. D’après la loi d’action de masse, la micelle est traitée
comme une espèce chimique qui présente un équilibre en solution avec les tensioactifs
libres. Dans ce cas et d’après la règle des phases, la variance donnée par l’équation de
Gibbs
v = 2+c-f-r
est égale à 2 étant donné que :
c: nombre de constituants (eau -surfactant libre-micelle) =3,
f: nombre de phases ( solution - solide) =2,
r: nombre de relations qui relient les constituants entre eux =1.
Ce diagramme de phases montre que la solubilité du surfactant en question est
définie par deux paramètres intensifs (variance=2), la température et la pression, dans
la région où s’établit l’équilibre de micellisation (domaine (IV)). Ce résultat est en
accord avec les lois régissant le modèle de la loi d’action de masse27, 30
, 32
. Ainsi, dans
un cas hypothétique expérimental pour lequel le domaine IV serait inexistant, ce
dernier se réduira au point invariant (v=0) (C= CMC et T = TK) en accord avec le
diagramme de phases théorique de Shinoda 29
à trois domaines basé sur le modèle de
séparation de phases, et qui assimile de manière erronée TK àTf.
III.2.3. SPECTROPHOTOMETRIE UV-VISIBLE
En raison de sa structure chimique comportant des chromophores, TC,HCl
présente un spectre d'absorption caractéristique dans le domaine de l’UV-visible. La
figure III.9 présente la variation de A en fonction de λ à différentes concentrations en
TC,HCl à 25°C. Chaque spectre comprend trois bandes centrées à 195, 225nm et
318nm. La bande centrée à 311 nm est caractéristique des transitions électroniques de
type π → π* au sein des liaisons insaturées de type C=C du cycle aromatique ; celle
centrée à 225 nm est associée aux transitions de type n → π* des doublets non liants
CHAPITRE III
91
des atomes d’azote127
; quant à la bande centrée à 195 nm, elle est généralement liée
aux transitions n → π* des doublets non liants des atomes d’oxygène mais peut
également contenir d’autres contributions comme celle des transitions π → π* .
200 250 300 350
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
C[mM]
0,057
0,044
0,031
0,022
0,008A
[nm]
Figure III.9 : Spectres d’absorption de TC,HCl à différentes concentrations à 25°C.
L’applicabilité de la loi de Beer Lambert est testée à partir des courbes de
variation de A en fonction de la concentration tracées sur la figure III.10 pour les λ
correspondant aux maxima des 3 bandes d’absorption. Les comportements linéaires
observés montrent que la loi est vérifiée dans le domaine de concentrations choisi et
permettent de déterminer les coefficients d’absorption (ε) pour chacune des 3 valeurs
caractéristiques de λ. Il faut cependant noter que pour λ =195 nm, la linéarité se perd à
des concentrations plus faibles que pour les autres valeurs de λ, suggérant que les
transitions électroniques prépondérantes associées sont affectées préférentiellement
127
E. Junquera and E. Aicart, J. intern. Pharma., 1999, 176, 169
CHAPITRE III
92
par les interactions intermoléculaires conséquentes à l’augmentation de la
concentration.
0.00 0.02 0.04 0.06 0.08 0.10
0.0
0.5
1.0
1.5
2.0
2.5
3.0
[nm]
311
225
195
A
C[mM]
Figure III.10: Variation de l’absorbance en fonction de la concentration de TC,HCl pour
les pics d’absorbance.
Les valeurs de ε sont déterminées à partir d’ajustements linéaires des données
expérimentales et sont égales à 37522, 13547 et 19825M-1
.cm-1
respectivement pour λ
égale à 195, 225 et 311 nm, avec une précision de 8%.
Ces résultats nous permettent de sélectionner le domaine de travail approprié
en ce qui concerne les mesures de A lors de l’étude de la complexation.
CHAPITRE III
93
III.2.4. pH-METRIE
Comme l’ion TCH+ est un acide faible, sa dissociation en milieu aqueux
entraine l’apparition de l’espèce basique non ionisée TC128
. De ce fait, deux
équilibres de dissociation peuvent coexister (comme nous l’avons exposé dans le
chapitre I):
TCH+ + H2O TC + H30
+ (Ia)
𝐾𝑎= 𝑎H30+ . 𝑎TC / 𝑎TCH +
TC + H2O TCH+ + OH
- (Ib)
𝐾𝑏= 𝑎OH − . 𝑎TCH + / 𝑎TC
Ka et Kb étant les constantes d’équilibre de dissociation de l’acide et de la base
conjuguée, respectivement. En présence de βCD, chacune des deux espèces est
susceptible d’être incluse dans la cavité. Dans l’hypothèse que seuls les
complexes de stœchiométrie de type 1:1 peuvent être formés, alors les équilibres
d’association suivants peuvent avoir lieu:
βCD + TCH+ βCD/TCH
+ (II)
𝐾1= 𝑎βCD /TCH +/ 𝑎TCH +.𝑎βCD
βCD+ TC βCD /TC (III) 𝐾2= 𝑎βCD /TC / 𝑎TCH . 𝑎βCD
βCD/TCH+
+ H20 βCD/TC+ H30
+ (IV) 𝐾3= 𝑎βCD /TC . 𝑎H30+ /𝑎βCD /TCH +
K1 et K2 sont les constantes d’association du complexe formé par βCD et la forme
ionisée et non ionisée de la tétracaine, respectivement. A ce propos, Junquera et
Aicart127
ont montré que si le pH d’une solution de ce type d’acide faible est
maintenu à des valeurs éloignées de plus de ±2 unités de pH du pKa, alors seul
l’équilibre (II) (pH ≤ pKa-2) ou l’équilibre (III) (pH≥pKa+2) s’établit quand βCD
est ajoutée. La connaissance de la valeur de Ka est donc déterminante pour
l’étude de l'association de ces composés avec βCD à un pH donné, car elle
permet de prévoir quelle espèce sera présente dans des conditions
128
H. Satake, H. Matsuki, S. Kaneshina, J. Coll. Inter. Sci., A, 1993, 71, 135
CHAPITRE III
94
expérimentales données, d’où l’intérêt également d’établir le diagramme de
prédominance des espèces.
III.2.4.1. Détermination du pKa
Selon l’équilibre (Ia) de dissociation de l’acide, il est possible d’écrire les
relations habituelles suivantes :
- bilan de matière : C= [TCH+] +[TC] (III.5)
- bilan de charges : [TCH+] + [H30
+] = [OH
-] (III.6)
En combinant ces équations avec l’expression de Ka et en supposant en première
approximation que les coefficients d’activité des différentes espèces sont tous
égaux à 1, on peut écrire :
𝑝𝐻 ≃ −log −𝐾𝑎 + 𝐾𝑎
2+4𝐾𝑎𝐶
2 (III.7)
La figure III.11 montre la variation du pH mesuré en fonction de la
concentration de TC,HCl à 25°C. La valeur pKa = 8,4 est déduite à partir de
l’ajustement non linéaire des données expérimentales selon l’équation (III.7). Cette
valeur est comparable à celles relevées dans la littérature129
, 130
, et indique que
l’hydrolyse de l’ester n’a pas lieu , renforçant ainsi les résultats déduits à partir
de la tensiométrie. Par conséquent, la proportion entre les formes ionisée et non
ionisée présentes dépendra directement du pH du milieu. Ainsi, à titre
d’exemple, on peut noter que dans le cas où la cellule nerveuse baigne dans un
milieu de pH égal au pKa, les quantités présentes des formes ionisée et non
129
M. Lucia Bianconi , J. Biochemical Education, 1998, 26, 11 130 S.A. Fermandes , L.F. Cabeça, A.J. Marsaioli and E. de Paula, J. Inclu. Phenom. and Macrocycl. Chem., 2007, 57, 95
CHAPITRE III
95
ionisée de la tétracaine seront égales. Par ailleurs, sachant que seule la forme
non ionisée est capable de traverser la membrane nerveuse17
alors seulement la
moitié de la quantité de la tétracaine introduite interviendra comme matière
thérapeutique.
0 2 4 6 8 10
5,0
5,2
5,4
5,6
5,8
6,0
pH
C[mM]
Figure III.11 : Variation du pH en fonction de la concentration en TC,HCl. La courbe est un
ajustement non linéaire (équation III.7).
III.2.4.2.Diagramme de répartition des espèces
Les fractions molaires en TC et TCH+ liées à l’équilibre (Ia) sont définies
respectivement par :
𝑌𝑇𝐶 = 𝑇𝐶
𝐶= 1 +
𝐻3𝑂+
𝐾𝑎 −1
(III.8)
CHAPITRE III
96
et
Y𝑇𝐶𝐻+ = 1 − Y𝑇C ( III. 9)
Les courbes de variation de 𝑌𝑇𝐶 et 𝑌𝑇𝐶𝐻+ en fonction du pH constituent le
diagramme de répartition des différentes espèces qui est représenté sur la figure
III.12. Ainsi, pour pH ≤ 6,4 (pKa-2), l'équilibre de dissociation (Ia) est presque
totalement déplacé vers la formation de la forme ionisée (TCH+) avec une contribution
négligeable de la forme non ionisée (TC). De ce fait et dans ce cas, βCD va interagir
exclusivement avec la forme ionisée.
0 2 4 6 8 10 12 14
0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
pKa
TC
TCH+
TCTCH+
Fra
ctio
n M
ola
ire
pH
Figure III.12: Diagramme de répartition des espèces de la tétracaine.
CHAPITRE VI
Chapitre IV
Inclusion de TC,HCl par une CD
CHAPITRE IV
98
L’étude de la formation du complexe d’inclusion peut être scindée en deux
étapes principales et complémentaires dont la première a pour priorité la mise en
évidence de la formation exclusive du complexe d’inclusion et la deuxième se focalise
sur sa caractérisation physicochimique.
Le choix des techniques sur les quelles s’appuie la première étape met à profit
nécessairement les caractéristiques de chacune des 2 molécules formant le complexe.
En raison de la nature ionique et acido/basique de la molécule invitée, la
conductivimétrie et la pHmétrie sont particulièrement appropriées. La spectroscopie de
masse ESI constitue également un choix adéquat car la structure chimique de TC,HCl
contient des hétéroatomes qui représentent des centres facilement ionisables. D’autres
techniques plus spécifiques comme la spectrophotométrie UV-Visible ou plus générale
comme la RMN peuvent être sollicitées pour mettre en évidence l’existence du
complexe. En effet, la RMN est une technique de choix pour détecter sans ambiguïté
l’occurrence de la complexation à condition qu’il n’y ait pas de recouvrement entre les
signaux des molécules des différents réactifs, que le complexe formé ait une durée de
vie suffisamment longue, et enfin que l’échange entre les espèces à l’équilibre soit
rapide, comme cela a déjà été mentionné dans le chapitre II.
La seconde étape de l’étude peut exploiter ces mêmes techniques pour la
détermination de la stœchiométrie du complexe, de sa constante d’équilibre et de la
topologie de l’encapsulation. Néanmoins, étant donné que la spectrophotométrie UV-
Visible et la conductivimétrie sont plus accessibles et faciles à mettre en œuvre, elles
ont été les plus généralement sollicitées.
Afin d’évaluer la valeur de la constante d’association, deux approches ont été
adoptées. La première développée par Benesi –Hildebrand (voir chapitre II), la plus
classique et la plus facile à mettre en œuvre, permet d’extraire la valeur de la constante
de complexation des données expérimentales à condition que la quantité en CD soit en
excès par rapport à celle de la molécule invitée. La seconde détermine la constante
d’équilibre directement en ajustant les données expérimentales aux équations
théoriques correspondantes grâce à un processus itératif de régression non linéaire.
Dans les deux approches citées, les différents échantillons doivent être analysées:
CHAPITRE IV
99
d’une part en fonction de la concentration en TC,HCl pour le système binaire constitué
de TC,HCl et d’eau (objet du chapitre III) ; et d’autre part en fonction de la
concentration en CD en gardant la concentration de TC,HCl constante pour le système
ternaire comprenant CD ,TC,HCl et l’eau.
Les CD utilisées dans ce travail sont βCD et HPβCD, cette dernière ayant été
utilisée exclusivement en conductivimétrie. Pour chaque méthode, les gammes de
concentrations en CD devront être sélectionnées de manière à garantir une
détermination appropriée de la constante d’équilibre 131
comme nous allons le développer
dans ce chapitre. Ensuite, une analyse thermodynamique s’appuyant sur la variation
thermique de la constante d’association sera développée, pour étudier la stabilité des
complexes (TC,HCl / βCD et TC,HCl/ HPβCD) vis- à-vis de la température et tenter
d’explorer les forces principales qui gouvernent ces inclusions.
IV.1.MATERIELS ET METHODES
βCD a été fournie par la société Sigma et HPβCD, contenant une moyenne de
0,64 groupement hydroxypropylique par unité de glucopyranose, a été fournie par
Janssen Biotech. Tous les composés sont purs à plus de 99% et ont été utilisés sans
autres purifications. L'analyse thermogravimétrique indique que βCD et HPβCD
contiennent respectivement 11,0 et 2,8% en masse d’eau. Toutes les solutions ont été
fraîchement préparées avec de l'eau distillée et dé-ionisée de conductivité inférieure à
18 µS.cm-1
. L’homogénéité des solutions mères a été assurée par sonification pendant
trois heures dans un bain ultrasonique.
Conductivimétrie
Les mesures de conductivité ont été effectuées à l’aide d’un conductivimètre
de type Hewlett-Packard 426ALCR et une électrode de verre combinée Metrohm, dont
le calibrage avec une solution standard de KCl a donné une constante de cellule égale à
0,8129 cm - 1
.
131
E. Junquera and E. Aicart, J. Phys. Chem. B, 1997, 101, 7163.
CHAPITRE IV
100
Le schéma de la figure IV.1 montre le processus fonctionnel de la méthode
conductivimétrique adoptée dans ce travail127
. L'échantillon est placé dans une
cellule de mesure dotée d’un couvercle pour prévenir toute évaporation. Une
burette numérique (Metrohm 665 Dosimat de capacité totale de 36ml avec une
précision de 0,002 ml), contient le liquide qui doit être ajouté à la cellule de
mesure. Un agitateur en polypropylène activé par un moteur externe qui lui impose
une vitesse constante garantit l’homogénéité du mélange. La cellule de mesure et la
burette sont maintenues à la même température à l’aide d’une pompe de Lauda qui
permet la circulation du fluide du bain thermostaté. Le conductivimètre ainsi que
la burette sont pilotés par ordinateur.
Figure IV.1: Schéma fonctionnel de l'équipement conductivimétrique: (1) conductivimètre,
(2,3) électrode de verre combinée, (4) cellule de mesure thermostatée, (5)
couvercle, (6) agitateur, (7) burette numérique thermostatée, (8) bain
thermostaté , (9) microordinateur 127
.
La préparation des solutions et leur placement dans la cellule de mesure ou
dans la burette, constituent les seules opérations effectuées manuellement par
l'opérateur. La molarité des solutions contenues dans la cellule et dans la burette,
ainsi que le volume initial introduit dans la cellule, sont les données initiales de la
CHAPITRE IV
101
programmation. La reproductibilité de la conductivité spécifique (κ) obtenue avec
une moyenne de 2400 mesures pour chaque concentration est de l’ordre de 0,03%. Les
compositions des mélanges sont déterminées avec une précision supérieure à
0,1%, et la température de la solution est maintenue constante à ± 0,001 °C.
pH-métrie
Les mesures sont effectuées à des intervalles de temps réguliers et suffisamment
longs pour garantir la stabilité du système avec une précision de l’appareillage de
± 0,01 unité de pH. La température de la solution est maintenue constante avec une
incertitude de l’ordre de ± 0,01 °C grâce à un bain thermostaté.
Spectroscopie 1H-RMN
Le spectromètre RMN de mesure est un Brucker 200 MHz à Transformée de
Fourier. Les échantillons sont préparés 24h à l’avance dans de l’eau deutérée à 298°K.
Les déplacements chimiques sont relatifs à ceux du tétra méthyle silane (TMS) pris
comme référence.
Spectroscopie de masse ESI
Les spectres de masse sont réalisés au moyen d’un appareil Waters-Micromass
(LCQ-DUO Finningan) équipé d’une source d’ions par électro-nébulisation capillaire
(ESI). L’azote est utilisé comme gaz de désolvatation et de nébulisation avec un débit
de 0,6l.mn-1
. Les températures de la source et du gaz de désolvatation sont
respectivement fixées à 80 et 150 °C. La tension du capillaire est de ± 35V et la
tension du cône à l’extrémité du capillaire métallique est de ± 5000V. L’échantillon
aqueux est directement introduit dans la source électro-spray par l’intermédiaire d’une
seringue avec un débit de 5µl.mn-1
.
CHAPITRE IV
102
Spectrophotométrie d’absorption UV-Visible
La concentration de TC,HCl de départ C = 4,4.10-2
mM est choisie d’après la
figure III.9 de manière à satisfaire la loi de Beer Lambert (car pour des concentrations
supérieures les bandes sont moins bien résolues) et est maintenue constante durant
toute l’expérience, alors que celle de βCD varie au cours de la titration dans une
gamme de concentrations correspondant à un rapport molaire βCD/TC,HCl variant de
0 à 200.
L’effet du pH du milieu sur la formation du complexe d'inclusion a été observé
à partir d’une solution aqueuse équimolaire, condition favorable à la formation du
complexe 1 :1 dans les conditions stœchiométriques comme nous le verrons
ultérieurement après l’analyse des résultats de différentes manipulations. En ce qui
concerne l’acide utilisé pour faire varier le pH, le choix s’est porté sur l’acide
sulfurique car l’ion SO42-
ne forme pas de complexe d’inclusion avec βCD étant plus
volumineux que la cavité d’une molécule de βCD132
.
IV.2. RESULTATS ET DISCUSSION
IV.2.1. MISE EN EVIDENCE DE LA COMPLEXATION
IV.2.1.1. pHmétrie
La figure IV.2 montre à titre d’illustration pour T=38°C, la variation du pH
normalisé (ΔpH) en fonction de la concentration en βCD pour une concentration C en
TC,HCl constante et égale à 1mM. ΔpH est simplement la variation du pH relative à
celle du pH (pris comme référence) du système en l’absence de βCD. L’augmentation
observée de ΔpH (et donc du pH) avec la concentration de βCD indique que la teneur en
ion H3O+ diminue du fait de l’inclusion progressive de TCH
+dans la βCD
127. Cet
accroissement a lieu selon deux régimes approximativement linéaires successifs. Le
premier est rapide et indique que la réaction est fortement orientée dans le sens de
132
G.Jun, Z.Yong and Pan Jnghao, J. Macrochemical, 1998, 60, 26
CHAPITRE IV
103
l’encapsulation car dans ce domaine la quantité en βCD est faible devant celle de
TC,HCl. Par contre, le second est plus lent et s’amorce à partir d’une concentration
(~1,1mM) qui correspond à celle de la complexation dans les conditions
stœchiométriques de la réaction1,59 ,127,133
. Ainsi, le point d’intersection des ajustements
linéaires correspondant à ces deux régimes informe sur le type de complexe formé,
dans le cas présent, il s’agirait principalement d’un complexe de type 1:1.
0 1 2 3
0,00
0,05
0,10
0,15
0,20
0,25
pH
[CD] [mM]
Figure IV.2: Variation du pH normalisé en fonction de la concentration en βCD pour des
mélanges aqueux à une concentration constante en TC,HCl d’environ1mM,
à 38°C. Les droites sont des ajustements linéaires.
La figure IV.3(a) rassemble les courbes de variation du ΔpH en fonction de la
concentration en βCD à différentes températures s'étalant de 15 à 40°C pour une
concentration en TC,HCl constante et égale à ~ 1mM. L’allure générale des courbes
est similaire à celle présentée sur la figure IV.2, le même traitement et analyse
effectués pour le cas à T=38°C peuvent être adoptés pour chaque température. La
133
V.T. Souza and K.B. Lipkowitz, Chem. Rev., 1998, 98, 1741
CHAPITRE IV
104
détermination du point d’intersection pour chaque courbe de la figure IV.3(a) permet
de calculer une valeur moyenne (1,1±0,1) du rapport [βCD] /[TC,HCl] correspondant
au rapport stœchiométrique de l’inclusion. Cette valeur indique que le complexe formé
serait constitué par l’association d’une molécule de βCD avec une seule molécule de
principe actif, en accord avec la plupart des résultats de la littérature pour des
complexes de βCD avec d’autres A.L1,59
. Ce résultat confirme à postériori l’hypothèse
de départ, en l’occurrence l’existence exclusive du complexe de type1:1. En effet, en
ne prenant en compte que la formation du complexe de type 1:1, lorsque la quantité en
βCD est en excès (au delà de 1mM), le surplus en βCD ne contribue alors que
faiblement au processus de complexation et de ce fait ΔpH augmente moins rapidement
avec la concentration, comme on peut le constater à partir de la figure IV.3.(a) pour
chacune des températures de l’expérience.
Figure IV.3. (a): Variation du pH normalisé en fonction de [βCD] pour des mélanges aqueux à
une concentration constante de TC,HCl d'environ 1mM, à différentes
températures.
0 1 2 3
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
T[°C]
40
38
30
25
15
p
H
[CD][mM]
CHAPITRE IV
105
15 20 25 30 35 40
0,05
0,10
0,15
0,20
0,25
0,30
pH
T[C°]
Figure IV.3. (b): Effet de la température sur la valeur du pH normalisé correspondant
à la formation du complexe 1:1 dans les conditions stœchiométriques.
A partir de la figure IV.3.(a), il est possible également de déduire l’affinité
entre les molécules hôte et invitée en fonction de la température. L’augmentation
de la température a un effet déstabilisant pour le complexe formé comme on peut le
constater à partir de la figure IV.3.(b) qui montre la variation du ΔpH correspondant
à la formation du complexe dans les conditions stœchiométriques en fonction de la
température. En effet, une affinité importante entre TC,HCl et βCD se traduit par une
variation de pH élevée. On observe également, que le taux de déstabilisation du
complexe (ou rendement de la dissociation du complexe) s’accélère à partir d’une
température comprise entre 30 et 38°C.
CHAPITRE IV
106
IV.2.1.2. Spectroscopie 1H-RMN
La figure 1V.4 représente le spectre 1H-RMN de βCD comprenant l’affectation
des bandes spectrales. L’analyse spectrale est réalisée en se référant à la littérature5.
Le doublet centré à 5,06 ppm est attribué aux signaux des protons H-1 qui sont plus
déblindés que les autres protons de la structure saccharidique, en raison de
l’électronégativité des atomes d’oxygène en position α qui réduisent très sensiblement
la densité électronique. Le triplet centré à 3,96 ppm est attribué aux signaux des
protons H-3 alors que les deux signaux dédoublés vers 3,64 et 3,57 ppm sont affectés
aux protons H-2 et H-4, respectivement. Le signal du proton H-6 est reconnaissable à
l’intensité de la bande centré à 3,86ppm, tandis que le proton H-5 résonne vers 3,84
ppm. Cette attribution, rassemblée dans le tableau IV.1, a été confirmée à l’aide du
logiciel ACD-NMR (version 6 du 11 juin 2002 et grâce au module ACD
SpectManager).
Tableau IV.1 : Déplacements chimiques du spectre 1H-RMN de βCD.
Protons multiplicité δ(ppm)
1
2
3
4
5
6
d
dd
t
dd
/
/
5,06
3,64
3,96
3,57
3,84
3,86
Le spectre de TC,HCl est donné sur la figure IV.5 et son allure générale
confirme que le produit est hautement pur. Etant donné qu’aucun pic n’est détecté aux
environs de 8-10 ppm, zone spectrale où les protons des acides carboxyliques
résonnent généralement, il est donc permis de conclure que l’hydrolyse de l’ester n’a
CHAPITRE IV
107
pas lieu de manière détectable dans les conditions expérimentales de ce travail. Ce
résultat est en accord avec les observations déduites des expériences de pHmétrie et de
tensiomètrie exposées précédemment. Les principales attributions spectrales déduites
de l’analyse spectrale sont compilées dans le tableau IV.2. L’analyse des différents
signaux a été réalisée grâce au logiciel ACD NMR et les résultats sont comparables à
ceux publiés dans la littérature134
. En effet, les protons du cycle benzénique 2, 6, 3 et 5
résonnent sous forme de doublets aux environs de 7,81 ppm, 7,76 ppm, 6,69 ppm et
6,64 ppm respectivement. Evidemment, ceux se trouvant du coté de la fonction ester( 2
et 6) d’acide sont plus déblindés que ceux se trouvant du coté de la fonction amine du
fait du pouvoir attracteur de la fonction carboxyle. Les protons 8 et 9, se trouvant
encastrés entre deux pôles électro-attracteurs (oxygène et azote quaternaire), résonnent
sous forme de deux triplets moins déblindés que ceux portés par le cycle benzénique.
De plus, étant donné que l’atome d’oxygène est plus électronégatif que l’atome
d’azote quaternaire les protons 8 sont les plus déblindés et apparaissent à 4,53ppm
alors que les protons 9 sont observables à 3,45ppm. Toutefois, ces derniers sont plus
déblindés que ceux des deux groupements méthyliques équivalents, liés à l’atome
d’azote quaternaire, qui sont reconnaissables à l’intensité de leur pic singulier à
2,90ppm. Les protons 1’ de la chaine butylique liés à l’atome d’azote résonnent sous
forme d’un triplet à 3,09ppm suivi par deux multiplets à 1,28 et 1,51 ppm représentant
les signaux des protons en positions 3’ et 2’, respectivement. Finalement, le triplet à
0,83 ppm est attribuable aux protons du méthyle se trouvant en bout de la chaine n-
butylique.
134
L.Van Santvlier, K. Caljon, L. Pieters. and A. Ludwig, J. Inten. Pharm., 1998, 171, 147
CHAPITRE VI
108
Figure IV.4 : Spectre 1H-RMN de βCD dans D2O (1mM).
CHAPITRE VI
109
10 9 8 7 6 5 4 3 2 1
0,00
0,25
0,50
0,75
1,00
4'
ppm
2,6 3,58 9
1'
N-methyl
2'3'
Eau
Figure IV.5 : Spectre 1H-RMN de TC,HCl (1mM) .
CHAPITRE VI
110
Tableau IV. 2 : Déplacements chimiques du spectre 1H-RMN de TC,HCl.
Protons multiplicité δ(ppm)
2-6
3-5
8
9
N-methyl
1’
2’
3’
4’
d
d
t
t
s
t
m
m
t
7,81 -7,76
6,69-6,64
4,53
3,54
2,90
3,09
1,51
1,28
0,83
La mise en évidence de l’inclusion de TC,HCl dans βCD repose directement sur
l’observation des variations des δ des différents protons de chacune des molécules de
départ considérées à l’état isolé puis dans le mélange130,
69
. Toutefois, ces variations
pouvant être faibles, il est nécessaire au préalable de comparer les spectres de TC,HCl
dans l’eau, obtenus à différentes concentrations, afin de cerner l’amplitude des
variations attribuables à l’effet de concentration. A cet effet, la gamme de
concentration choisie (0,1 à 1 mM) comprend la concentration TC,HCl (0,5 mM) dans
le mélange équimolaire avec βCD soumis à l’analyse 1H.RMN. Les spectres obtenus
sont reproduits sur la figure IV.6. Il apparait à partir de cette analyse que pour ce
domaine de concentrations approprié il n’y a pas de variation détectable de δ pour les
différents protons, et que le seul changement observable se situe au niveau de
l’intensité des bandes.
CHAPITRE VI
111
8 6 4 2 0
8 6 4 2 0
8 6 4 2 0
a
b
c
Figure IV.6 : Spectre 1H-RMN de TC,HCl dans D2O à différentes concentrations :
a (1mM) ; b (0,5mM) ; c (0,1mM).
CHAPITRE VI
112
5,0 4,5 4,0 3,5
mélange CD et TC,HCl
ppm
4
2 CD
35
6
1
1
2
4
3 5
Figure IV.7: Spectres 1H-RMN de βCD isolée et du mélange équimolaire (0,5mM/0,5mM) βCD et TC,HCl dans D2O (1mM).
CHAPITRE VI
113
Les spectres 1H-RMN de βCD, dans l’eau pure (1mM) et en présence de
TC,HCl, dans des proportions équimolaires (0,5mM/0,5mM), sont visibles sur la
figure IV.7. L’analyse de ces spectres a permis de relever des variations de δ de l’ordre
de 0,06 ppm pour le proton 6 et respectivement 0,09 et 0,06 ppm pour les protons 3 et
5, tous deux situés à l’intérieur de la cavité de βCD (voir chapitre I), ainsi qu’une
variation plus faible de 0,01 ppm pour les autres protons.
L’analyse comparative des spectres 1H-RMN de TC,HCl dans l’eau pure et en
présence de βCD présentée sur la figure IV.8 montre une variation de δ de 0,03 ppm
au niveau du groupement N-méthyl, ainsi que des protons 3 et 5. Une variation plus
faible de 0,01 ppm est relevée pour les autres protons. Ces valeurs sont comparables à
celles trouvées par Van Santvliet et al. 134
pour un mélange équimolaire de TC,HCl
avec HPβCD.
Les résultats obtenus indiquent fortement que la complexation a bien eu lieu et
que l’extrémité portant la fonction dimethylaminoethyl est la plus concernée par
l’inclusion car les protons la constituant sont les plus perturbés mis à part H3 et H5 du
cycle benzénique. Cette conclusion est inattendue et intéressante du fait que la
présence de la charge positive sur l’atome d’azote du groupement dimethylaminoethyl
a pour effet de le rendre plus solvatable donc moins hydrophobe et du coup devrait
abaisser sa candidature pour être la partie encapsulable. Par conséquent, il semble que
l’inclusion au sein de la βCD n’est pas régie exclusivement par l’hydrophobicité de la
molécule invitée mais que d’autres paramètres y contribuent, hypothèse qui sera
renforcée comme cela apparaitra ultérieurement.
Par ailleurs, les faibles variations de δ observées à partir des figures IV.7 et IV.8
(la plus élevée étant égale à 0,09) constituent un argument en faveur de l’hypothèse
que le complexe d’inclusion formé possède une constante d’association faible5. En
effet, l’éventuelle présence d’interactions importantes permettant de stabiliser
fortement le complexe devrait probablement entrainer une perturbation plus
conséquente de l’environnement électronique des principaux protons mis en jeu, et par
conséquent des variations plus marqués des δ associés.
CHAPITRE VI
114
7.0 4 3 2 1 0
TC,HCl
3 5
N-methyl
9 1'2' 3'
4'
3 5
9
mélange CD et TC,HCl
6,5
Figure IV.8 : Spectre 1H RMN de TC,HCl isolée et du mélange équimolaire (0,5mM/0,5mM) βCD et TC,HCl dans D2O(1mM),
le domaine [4-6,5 ppm] à été volontairement omis pour faire apparaitre au mieux la variation des δ.
.
CHAPITRE VI
115
IV.2.1.3. Spectrométrie de masse électro- spray
Sur le spectre de masse de l’échantillon contenant TC ,HCl et βCD dans des
proportions équimolaires (1mM/1mM), apparaissant sur la Figure IV.9, plusieurs pics
de différentes intensités sont observables, en particulier les plus intenses correspondent
à des rapports m/z de 176, 265 et 1399. Le premier correspond à un ion formé suite à
la fragmentation de TCH+ et dont 4 structures chimiques possibles sont représentées
sur la figure IV.10; tandis que le deuxième, le plus intense, est associé à l’ion TCH+
qui est donc l’espèce prédominante. Les structures sur cette figure ont été obtenues au
moyen d’une simulation à l’aide du logiciel ACD-NMR , et représentent donc des
structures hypothétiques parfaitement compatibles avec les données expérimentales.
Enfin, le troisième pic signe la présence du complexe 1:1 de βCD avec la tétracaine
ionisée (βCD/TCH+). La présence de ce dernier pic démontre clairement que le
complexe se forme dans les conditions opératoires. D’autres pics moins intenses
existent comme en particulier ceux à 1154 et 1722. Le premier cité est attribuable à
l’adduit formé par une molécule de βCD et l’ion Na+, et le second correspond à
l’adduit mettant en jeu un complexe de type 1:2 (βCD / (TCH+)2) et un ion Na
+ plus un
ion K+ qui proviennent généralement de la verrerie de stockage des solvants. La
présence d’une faible proportion (~11%) de complexe 1 :2, le rapport des intensités
des pics correspondants étant d’environ 8/1, confirme le résultat sur la stœchiométrie
de la réaction (1 :1) obtenu par pHmétrie. Effectivement, cette dernière valeur peut
être interprétée comme une indication que 11% des molécules complexés de βCD
contiennent 2 ions TCH+
et le reste, soit 89%, n’en contiennent qu’un seul.
CHAPITRE VI
116
Figure.IV.9 : Spectre de masse du mélange aqueux équimolaire βCD et TC,HCl (1mM/1mM).
CHAPITRE VI
117
NH+
O
O
NH
CH3
CH3CH3
m/z 265
C15H25N2O2
M
O
NH
CH3
m/z 175
C11H13NO
M - C4H12NO
O
NH
CH3
m/z 175
C11H13NO
M - C4H12NO
OH+
NH
CH3
m/z 176
C11H14NO
M + H - C4H12NO
O
NH2+
CH3
m/z 176C11H14NO
M + H - C4H12NO
OH+
NH
CH3
m/z 176C11H14NO
M + H - C4H12NO
O
NH2+
CH3
m/z 176
C11H14NO
M + H - C4H12NO
-C4H12NO -C4H12NO
Figure IV. 10 : Structures chimiques hypothétiques suite à la fragmentation de l’ion
TCH+.
TCH+
CHAPITRE VI
118
IV.2.1.4. Spectrophotométrie UV-visible
De l’évolution de l’absorbance (A) en fonction de la concentration en βCD, à
T~25°C présentée sur la figure IV.11.(a) pour des mélanges aqueux ayant une
concentration en TC,HCl maintenue constante à environ 4,4.10-2
mM, on peut observer
200 250 300 350
0.0
0.5
1.0
1.5
2.0
2.5
3.0
3.5
5
0
A
(nm)
245nm
290nm
Figure IV.11.(a) : Spectres d’absorption de mélanges aqueux de βCD et de TC,HCl à
concentration constante d'environ 4,4. 10-2
mM en TC,HCl et différentes
concentrations en βCD : (0) = 0,0mM; (1) = 0,5mM; (2)= 0,8mM;
(3) = 4,0mM ; (4) = 6,6mM ; (5) = 8,0mM
CHAPITRE VI
119
0 3 6 9
0,8
1,2
2,4
2,8
[nm]
311
225
195
A
[CD] [mM]
Figure IV.11.(b) : Variation de l’absorbance en fonction de la concentration
de βCD pour λ = 311, 225, et 195 nm
.
que les intensités des bandes positionnées à environ 195, 225 et 311 nm dépendent de
la concentration en βCD. Ce comportement révèle que la formation du complexe
βCD/TCH+135
,
113 a bien eu lieu étant donné que la concentration de TC,HCl est
maintenue constante et que βCD n’absorbe pas dans ce domaine de λ. Ces observations
permettent également de déduire que l’intensité spectrale reflète indirectement la
proportion des molécules de TC, HCl qui est concernée par l’inclusion comme on peut
le voir sur la figure IV.11 (b) qui présente les variations de A en fonction de la
concentration en βCD pour chacune des positions des bandes spectrales. Un autre
indicateur de la formation effective du complexe est la présence de points isobestiques
135
N.B. Li, S.P. Liu, H.Q. Luo, J. Analyt. Chimi Acta, 2002, 472, 89
CHAPITRE VI
120
à 245 et 290nm, prouvant l’existence d’un équilibre entre des molécules complexées
d’un coté et des molécules libres de βCD et TC,HCl de l’autre.
L’effet du pH sur le complexe est mis en évidence sur la figure IV.12 (a) qui
rassemble les courbes de variation de A en fonction de λ à différents pH, pour une
solution équimolaire de βCD et TC,HCl (4,4.10-2
mM/4,4.10-2
mM). L’évolution des
spectres indique que la formation du complexe est affectée par le pH du milieu. En
effet, l’intensité de chaque bande diminue avec l’augmentation de l’acidité du milieu
(comme illustré sur la figure IV.12(b)) et donc lorsque le pH croit la complexation
200 220 240 260 280 300 320 340
0.0
0.5
1.0
1.5
2.0
2.5
pH
7,00
4,18
3,18
1,91
A
[nm]
Figure IV.12 (a): Spectres d’absorption pour un mélange aqueux équimolaire, de
βCD et TC,HCl (4,4.10-2mM/4,4.10
-2mM) à différents pH.
CHAPITRE VI
121
2 3 4 5 6 7
0,0
0,5
1,0
1,5
A
pH
Figure IV.12 (b): Variation de l’absorbance en fonction du pH pour λ=311nm.
est favorisée dans des proportions en rapport avec l’intensité du signal. Par ailleurs, il
en résulte d’après le diagramme de prédominance des espèces (figure III.12) que c’est
la forme de la tétracaine ionisée (TCH+) qui intervient principalement dans l’inclusion
lorsque pH 7,00. Ainsi, on peut en déduire que l’affinité de la cavité de βCD pour la
forme ionisée est plus élevée que pour la forme non ionisée. Ces résultats sont en
accord avec ceux déduits à partir des spectres 1H-RMN.
IV.2.1.5. Conductivimétrie
Dans cette section, la mise en évidence du complexe formé va être présentée
aussi bien pour βCD que pour son homologue modifiée HPβCD dont la structure
chimique est présentée pour rappel sur le schéma de la figure IV.13. Avant de procéder
aux mesures concernant le mélange βCD et TC,HCl, il est nécessaire de déterminer
les conductivités ioniques limites de la tétracaine à différentes températures.
CHAPITRE VI
122
Figure IV.13 : Structure chimique de :
- βCD avec R= H ;
- HPβCD avec R= CH2CH(OH)CH3 .
La figure IV.14 rassemble les courbes de variation de la conductivité (κ) de
solutions aqueuses de TC,HCl en fonction de la concentration à différentes
températures s'étalant de 15 à 40°C.
Un ajustement non linéaire des données expérimentales de la figure IV.14 à
l’équation (II.72) multipliée par C (κ= Λ. 𝐶) permet la détermination des valeurs de
λ0TCH
+ pour chaque température de l’expérience. Les détails de la procédure sont présentés
en annexe. L’incertitude sur les résultats rassemblés sur le tableau IV.3 est estimée à
moins de 0,4%. Les valeurs de λ0Cl
- à différentes températures, présentées dans le même
tableau, sont disponibles dans la littérature 136
avec une précision supérieure à 0,2%.
136
R.A. Robinson and R.H. Stokes, Electrolyte Solutions, Butterworth, London, 1965.
CHAPITRE VI
123
0,0 0,5 1,0 1,5 2,0
0
50
100
150
200
250
300
T [°C]
15
20
25
30
40
K [S
.cm
-1]
[TC,HCl] [mM]
Figure IV.14: Variation de la conductivité de solutions aqueuses de TC,HCl en fonction de
la concentration à différentes températures.
Tableau IV.3 : Conductivités molaires ioniques à dilution infinie de TCH+et de Cl
-
à différentes températures.
T
(°C)
λ 0
TC H+
(Scm2.mol
-1)
λ 0
Cl – 136
(Scm2.mol
-1)
15
20,5 61,4
20 23,0 68,9
25 24,6 76,4
30 29,0 84,2
40 36,7 100,4
CHAPITRE VI
124
La figure IV.15 montre les variations de κ pour des solutions à une concentration
de TC,HCl constante d'environ 1mM, en fonction de la concentration en βCD à
différentes températures. Des courbes de variation d’allure semblable ont été obtenues
dans les mêmes conditions opératoires pour le mélange HPβCD et TC,HCl et sont
présentées sur la figure IV.16. La formation des complexes d'inclusion aussi bien avec
βCD qu’avec HPβCD peut être plus facilement appréhendée sur la représentation de la
figure IV.17 sur laquelle les variations de κ pour les deux systèmes à une seule
température (25°C) sont regroupées. En effet, la décroissance de κ qui accompagne
l’ajout de la CD (aussi bien βCD que HPβCD) montre que l’inclusion de TCH+dans la
cavité de la CD a bien lieu car la vitesse limite et donc la mobilité du cation associé à la
CD est plus faible que celle qu’il possède à l’état libre.
0 1 2 3 4 5
7,5
9,0
10,5
12,0
13,5
T[°C]
15
20
25
30
40
K [S
.cm
-1]
[CD] [mM]
Figure IV.15 : Variation de la conductivité pour des solutions à une concentration de
TC,HCl constante d'environ 1mM, en fonction de la concentration en βCD,
à différentes températures.
CHAPITRE VI
125
0 1 2 3 4 5
7
8
9
10
11
12
13
T[°C]
15
20
25
30
40
K [S
.cm
-1]
[HPCD] [mM]
Figure IV.16 : Variation de la conductivité pour des solutions à une concentration de TC,HCl
constante d'environ 1mM, en fonction de la concentration en HPβCD, à
différentes températures.
La stœchiométrie du complexe d'inclusion a été estimée à partir de la
concentration en CD dans les conditions stœchiométriques de l’équilibre de
complexation qui est déterminée à partir de l’intersection des droites représentant les
ajustements linéaires des données de la figure IV.17 (voir figure insérée pour HPβCD),
la concentration initiale en principe actif étant gardée constante durant l'expérience
([TC,HCl] ~1 mM).
CHAPITRE VI
126
0 1 2 3 4 5
8.4
8.6
8.8
9.0
9.2
9.4
0 2 4
8.7
9.0
9.3
CD
HPCD
K[
S.c
m-1]
[CD] [mM]
Figure IV.17 : Variation de la conductivité pour des solutions à une concentration de TC,HCl
constante d'environ 1mM, en fonction de la concentration en CD, à 20°C. Les
droites sur la figure insérée sont des ajustements linéaires.
Pour chaque complexe d'inclusion, une valeur de 1,1 ± 0,1 (représentant la
moyenne de toutes les valeurs obtenues aux différentes températures) est déterminée
indiquant que les complexes βCD/TCH+ et HPβCD/TCH
+ sont majoritairement formés
par une association de type 1:1, en accord avec la littérature concernant une variété de
complexes de type CD/A.L 1, 59,
127, 137
. Par ailleurs, ce résultat est en accord complet
avec les conclusions déduites des expériences de pHmétrie et spectroscopie de masse.
137
E. Junquera, L. Peña and E. Aicart, J. Pharm. Sci., 1998, 87, 86.
CHAPITRE VI
127
IV.2.2. DETERMINATION DE LA CONSTANTE D’ASSOCIATION DU
COMPLEXE
L’ensemble des résultats précédents est en faveur de la formation de manière
préférentielle (>89%) d’un complexe de stœchiométrie 1:1. Pour cette raison, l’analyse
des données des différentes expériences présentée dans cette section sera basée, en
première approximation, sur l’hypothèse de la formation exclusive d’un complexe de
type 1:1.
IV.2.2.1.Spectrophotomètrie
La stœchiométrie du complexe d’inclusion étant déterminée, il est maintenant
possible de procéder à l’évaluation de la constante d’association du complexe (K11).
Pour cela, la méthode développée par Benesi et Hildebrand121
à été adoptée pour
analyser les données spectrophotometriques. Cette approche permet de déterminer
graphiquement K11 à condition que la quantité en βCD soit en excès par rapport à
celle de la molécule invitée (voir chapitre II).
Sachant que la loi de Beer-Lambert est valable dans le domaine de
concentrations sélectionnées pour chacune des espèces réactives présentes dans le
milieu (comme nous l’avons démontré précédemment) et en supposant que la loi
d’additivité des absorbances est valable, on peut écrire la relation suivante 138
:
𝐴 = 𝑇𝐶𝐻+[𝑇𝐶𝐻+]𝑙 + βCD /𝑇𝐶𝐻+[βCD/𝑇𝐶𝐻+]𝑙 (IV.1)
avec 𝑖 le coefficient d’absorption de l’espèce i et l le chemin optique. La valeur de A
est mesurée en fonction de la concentration de βCD pour le système ternaire constitué
de βCD, TC,HCl et d’eau, tout en gardant la concentration du principe actif constante.
Sous ces conditions , Benesi et Hildebrand ont établi la relation (équation (II.109 )) qui
lie 𝛥𝐴 =A-A* (A
* étant l’absorbance d’un échantillon pour lequel [βCD] = 0) à la
concentration totale en βCD:
138
Y. Dotsikas and Y.L. Loukas, J. Biochem. Biophys. Methods, 2002, 52, 121
CHAPITRE VI
128
TCH +
𝛥𝐴=
1
𝐾11 𝛥 βCD 𝑡+
1
𝛥 (IV.2)
avec
Δ = βCD /𝑇𝐶𝐻+ − 𝑇𝐶𝐻+
(IV.3)
C’est la relation (IV.2) qui permet de déterminer les valeurs de βCD /𝑇𝐶𝐻+ et de K11 en
procédant de la manière suivante.
1°/- La variation du rapport [TCH+]/ 𝛥𝐴, ou de manière équivalente
[TC,HCl]/ 𝛥𝐴 , en fonction de la concentration totale en βCD est représentée sur la
figure IV.18. Les données proviennent des spectres d’absorption UV (pour des
mélanges de différentes concentrations en βCD) de la figure IV.11, correspondant à la
valeur de =311 nm pour laquelle la variation de A, et par conséquent de 𝛥𝐴, est
maximale.
2°/- L’ajustement linéaire des données de la figure IV.18 selon la relation
( IV.2), apparaissant sur la même figure, est nommée courbe de Benesi. Elle permet de
déduire les valeurs de 𝛥 et K11.
3°/- La valeur de βCD /𝑇𝐶𝐻+ est déduite de l’équation (IV.3), sachant que 𝑇𝐶𝐻+
a été évalué précédemment à partir de la figure III.10.
Finalement, on obtient βCD /𝑇𝐶𝐻+= 35451 M-1
cm-1
et K11=208M-1
à T=25°C,
avec une précision supérieure à 12%. La valeur de K11 indique que l’interaction
TCH+/βCD est relativement faible mais néanmoins suffisante pour assurer le transport
et la livraison du médicament au cite ciblé137
.
CHAPITRE VI
129
Figure IV.18: Courbe de Benesi de la complexation de TC,HCl par βCD
(pour λ= 311 nm).
Néanmoins, cette valeur de K11 ne peut être qu’approchée car la méthode de
Benesi-Hildebrand s’appuie sur l’hypothèse que la concentration de la molécule
invitée est négligeable devant celle de βCD, en excès dans le mélange. En fait, il est
possible de déterminer K11 sans contraintes en utilisant un ajustement non linéaire des
données expérimentales et en adoptant la méthode dite de Job ou des variations
continues138
. Cette dernière méthode quoique simple, nécessite cependant des
variations importantes de A, ce qui n’est pas le cas pour le complexe étudié. Dans la
section suivante, une procédure, plus rigoureuse est développée permettant d’aboutir à
des résultats plus précis.
CHAPITRE VI
130
IV.2.2.2. Conductivimétrie
Cette technique ayant engendré des données expérimentales de très grande
précision, permet d’aboutir à une meilleure estimation de K11 à l’aide de la méthode
de régression non linéaire, basée sur l’algorithme de Marquardt et Newton–
Raphson décrite au chapitre II. En outre, l’effet de la température peut facilement être
exploré par l’intermédiaire de cette technique. C’est ce qui va être décrit dans cette
section.
Tableau IV.4 : Conductivité ionique à dilution infinie du complexe, et constante
d'association pour βCD et HPβCD à différentes températures.
T
[°C]
K 11 [M-1]
λ 0
CD/TCH + [Scm
2.mol
-1]
β CD HP β CD β CD HP β CD
15 293 205 11,7 11,1
20 260 177 11,4 12,7
25 225 138 11,3 14,0
30 180 108 13,8 13,3
40 111 73 17,9 18,5
Les constantes d’équilibre K11 des complexes TCH+/βCD et TCH
+/HPβCD sont
déterminées respectivement à partir des figures IV.15 et IV.16. Les détails de la
procédure sont présentés en annexe. Pour résumer, les données expérimentales de κ
en fonction de la concentration en βCD (ou HPβCD) sont ajustées à la relation
(II.110), afin d’accéder aux valeurs des paramètres d’ajustement, en l’occurrence
CHAPITRE VI
131
𝜆TCH +/CD0 𝑒𝑡 𝐾11 139. Les résultats obtenus à différentes températures sont
rassemblés dans le tableau IV4. Les incertitudes sur λ
0TCH
+/ CD
et 𝐾11
sont estimées à
moins de 0,9 et 8%, respectivement.
Les valeurs de K11 aux différentes températures, regroupées sur le tableau
IV.4, traduisent une affinité modérée de TC,HCl aussi bien pour βCD que pour
HPβCD, ce qui est favorable d'un point de vue pharmacologique137,138
.
Effectivement, une affinité élevée entre le principe actif et la CD se traduit par
une livraison difficile du premier à l'organisme, alors que dans le cas d’une
association très faible, il n'y a pas de différence significative entre
l'administration du médicament seul ou complexé49
. La comparaison des valeurs
de K11 à 25°C déduites à partir, d’une part, du traitement de Benesi-Hildbrand
des données expérimentales spectrophotométriques (section précédente), et
d’autre part, de la méthode de régression non linéaire des mesures de
conductivité, amène à noter le bon accord entre les deux, dans la limite de la
précision de la méthode la plus rigoureuse (~8%). Ainsi, la méthode de Benesi-
Hildbrand, malgré ses contraintes et limitations, a engendré des résultats
parfaitement acceptables avec l’avantage d’une mise en œuvre simple et plus
facilement accessible. Néanmoins, cette observation ne devrait être valable que si
l’échange est rapide car dans ce cas la variation de la propriété mesurée du
système est faible.
La figure IV.19 présente les variations de λ0
TCH+, λ
0Cl
-,
λ0TCH
+/βCD et
λ0TCH
+/HPβCD avec la température. Il apparait que ces variations sont linéaires et
que les valeurs λ0
TCH+
/βCD et λ0
TCH+
/ HPβCD sont inferieures à celles de λ0
TCH+ (autour
de 40 à 50%) quelque soit la température. Ce résultat peut être directement lié à la
baisse de mobilité des cations TCH+ piégés par l’association avec les molécules
de CD, en accord avec le comportement de κ avec la concentration de CD déduit
de l’analyse des figures IV.15 et IV.16. Par ailleurs, la différence entre les
valeurs de λ0
TCH+
/β CD et λ0
TCH+
/HPBCD est faible, quelque soit la température, ce qui
indique que les mobilités des deux complexes sont très proches. Ainsi, il
semblerait que la substitution d'un atome d'hydrogène par un groupe
139
T. Fergoug, E.Junquera and E.Aicart, J. Inclu. Phenom. Macroc. Chem., 2003, 47, 65.
CHAPITRE VI
132
hydroxypropylique sur le C6 d’une molécule de βCD n’entraine pas de
modification détectable de la mobilité de l’ion TCH+ à l’état lié.
280 285 290 295 300 305 310 315 320
0
20
40
60
80
100
120
°Cl
-
°TCH
+
°TCH
+/HPBCD
°TCH
+/CD
° i [
Scm
2.m
ol-1
]
T[°K]
Figure IV.19: Variations des conductivités ioniques à dilution infinie de différents
cations en fonction de la température. Les droites sont des ajustements
linéaires.
IV.2.3 ANALYSE THERMODYNAMIQUE
Cette analyse se base exclusivement sur les résultats obtenus par
conductivimétrie en raison de considérations liées à la précision des mesures.
CHAPITRE VI
133
Effectivement, le dispositif expérimental décrit précédemment permet d’atteindre
un niveau de précision suffisant.
Une dépendance inverse de K11 avec la température peut être notée à partir
du tableau IV.4. Ces données permettent d’effectuer l’analyse de Van’t Hoff
basée sur l’expression de l’énergie libre de la réaction de complexation:
R lnK11 = [∆H0+ (T – T
0) ∆Cp
0]/T + ∆Cp
0 ln[(T / T
0) ∆S
0]
(IV.4)
T0 = 298,15 °K étant la température de référence. Les résultats pour les processus
d’association de TCH+avec βCD et HPβCD, permettent de tracer ce qui est
habituellement nommé courbes de Van’t Hoff (figure IV.20), c'est-à-dire RlnK11
en fonction de T-1
. Un comportement linéaire de ces données indique que ∆H0
et ∆S0
sont indépendants de T et donc que ∆Cp0 ~ 0 , Cp
0 étant la capacité thermique molaire
standard ( à P constant). ∆H0 et ∆S
0 peuvent alors être déterminés à partir de la pente et
de l’ordonnée à l’origine, respectivement, de l’ajustement linéaire des données
expérimentales. Généralement, l'analyse de Van't Hoff suppose que ∆Cp0 est
négligeable, mais ce n’est pas toujours vrai pour ce genre de réaction140, 141
.
Toutefois, cette hypothèse permet d’appréhender au moins qualitativement le
caractère enthalpique ou entropique du processus.
Par contre, un comportement non linéaire indique que le processus
d’association se fait avec ∆C0
P 0. Alors dans ce cas, ∆H0, ∆S
0 et ∆Cp
0 peuvent être
déterminés à partir d’un ajustement non linéaire des données expérimentales. Le
tableau IV.5 regroupe les résultats obtenus pour les différents paramètres
thermodynamiques de la réaction d’association de TCH+ avec chacune des CD, selon
chacune des deux méthodes. Il apparait que pour HPβCD, les deux types d’ajustement
donnent des résultats identiques aux erreurs expérimentales prés, et donc dans ce
cas ∆C0
P est négligeable. Ce n’est pas le cas pour βCD pour laquelle seul
l’ajustement non linéaire doit être retenu.
140
S.J. Gill, S.F. Dec, G. Olofsson and I. Wadso, J. Phys. Chem., 1985, 89, 3758. 141
D.A. Stauffer, R.E. Barrans, and D.A. Dougherty, J. Org. Chem., 1990, 55, 2762.
CHAPITRE VI
134
3,15 3,20 3,25 3,30 3,35 3,40 3,45 3,50
35
40
45
50
CD
HPCD
R ln
K1
1 [
kJ.m
ol-1
]
T-1[ 10
-3K
-1]
Figure IV.20 : Courbes de van't Hoff de l’association de TCH+ avec chacune des CD.
Les courbes (trais plein) et les droites (tirés) représentent respectivement
des ajustements non linéaires et linéaires des données.
Tableau IV.5 : Valeurs des paramètres thermodynamiques liés à l’inclusion de TC,HCl
par CD selon l’analyse de Van’t Hoff (linéaire et non linéaire).
CD
Ajustement
∆H0
[kJ.mol-1
]
∆S0
[J.mol-1
.K-1
]
∆C0
P
[J.mol-1
.K-1
]
βCD linéaire -29 ± 3 -54 ± 10 /
Non-linéaire -26 ± 2 -44 ± 4 -1350 ± 90
HPβCD
linéaire -31 ± 2 -65 ± 5 /
Non -linéaire -31 ± 2 -64 ± 6 -300 ± 100
CHAPITRE VI
135
La valeur négative de ∆C0
P pour βCD apparaissant sur le tableau IV.5 est très
proche de valeurs généralement trouvée lors de l’inclusion de solutés apolaires dans les
CD 142,143
. Cette valeur est en particulier typique des processus de reconnaissance et
d’association biologiques mettant en jeu des liaisons hydrogène ou des groupements
polaires 142,
144
. La différence constatée dans les valeurs de ∆C0
P pour βCD et HPβCD
est due probablement à la substitution des groupements OH de la molécule de
βCD par des groupements hydroxypropyles dans la molécule de HPβCD qui
défavorise la formation de liaisons hydrogène avec l’eau environnante. Par
ailleurs, on notera l’erreur relativement importante sur ∆C0
P pour HPβCD,
suggérant qu’une étude complémentaire, avec éventuellement un intervalle de
température entre 2 mesures plus étroit, serait intéressante en perspective.
L'analyse de Van't Hoff indique par ailleurs d’après les résultats portés sur
le tableau IV.5 que l’encapsulation de l’espèce TCH+ par βCD, ou bien par
HPβCD, se déroule avec une contribution enthalpique favorable (∆H0
< 0) et un
terme entropique défavorable (∆S0< 0). Des observations de la même nature sont
souvent relevées pour les mécanismes exothermiques lors de l’inclusion de petites
molécules invitées dans des cavités apolaires en milieu aqueux comme les CD140,
141. Ce comportement thermodynamique est généralement associé à une
combinaison de facteurs, principalement l’effet hydrophobe (∆H0
~ 0 ; ∆S0
> 0), les
forces de van der Waals (∆H0
< 0 ; ∆S0 < 0 ) et une réorganisation du solvant
mettant en jeu les forces de solvatation et les liaisons hydrogène. Etant donné que
∆S0 et ∆H
0 sont tous les deux négatifs pour nos 2 complexes, il est possible d’en
déduire que les interactions hydrophobes ne sont pas prépondérantes. Dans la limite de
la précision avec laquelle ces paramètres sont obtenus, on voit que le terme
enthalpique varie peu pour l’association de TCH+ avec chacune des deux CD. Il
apparait donc que la contribution des différentes interactions de van der Waals et
de l’effet hydrophobe est comparable dans les deux mécanismes d’inclusion. Par
contre, le terme entropique est plus défavorable dans le cas de HPβCD. Cela peut
142
M.V. Rekharsky, R.N. Goldberg, F.P. Schwarz, Y.D. Tewari, P.D. Ross, Y. Yamashoji, and Y. Inoue, J. Am. Chem. Soc.,
1995, 117, 8830. 143
J.C.Harrison, M.R.Eftink, J. Biopolymers, 1982, 21, 1153 144
T.Hahashi, T.Miyahara, N.Koide, Y.Kato, H.Masuda, H.Ogoshi, J. of Am. Chem. Soc., 1997, 119, 7281.
CHAPITRE VI
136
être justifié par la contribution due à une réorganisation de l’eau environnante
plus importante dans ce dernier cas. Ce serait donc cet effet qui favoriserait de
manière prédominante la plus grande affinité de TCH+ pour βCD par rapport à
HPβCD. Cet effet pourrait trouver une explication si on considère que dans le cas
de la complexation avec HPβCD (possédant une enveloppe plus hydrophobe que
celle de βCD, donc moins susceptible de créer des liaisons hydrogène ou polaires
avec l’eau), les molécules d’eau se réorganisent de manière à régénérer les
liaisons hydrogène brisées, produisant une baisse plus importante de l’entropie.
137
Conclusion Générale
La problématique abordée concerne la vectorisation d’une molécule anesthésiante
au niveau local (TC,HCl) par une molécule hôte (ßCD) et son dérivé synthétique
(HPßCD) sous forme de complexes d’inclusion. Les résultats de cette étude convergent
pour indiquer que la vectorisation de TC,HCl par une de ces CD, en vue d’un usage
pharmaceutique, satisfait potentiellement à tous les critères de performance; des
essais in vivo étendus à différents sites d’action devraient en confirmer la
faisabilité et l’efficacité.
Bien que βCD d’origine naturelle soit relativement moins soluble (18,5g/l)
que HPβCD (450g/l), elle reste performante. En effet, son affinité pour TC,HCl est
supérieure à celle de HPßCD pour cet A.L. Par ailleurs, l’instabilité du complexe
βCD/TC,HCl observée en milieu acide n’est pas contraignante étant donné qu’en
pratique pour son conditionnement et mode d’administration le médicament est
rarement en contact avec un milieu acide, par contre cet aspect favorise la
délivrance du principe actif dans des sites acides.
Les complexes d'inclusion constitués par βCD (ou HPßCD) et TC,HCl se forment
avec une contribution enthalpique favorable et un terme entropique défavorable , effet
plus marqué pour l'association moléculaire mettant en jeu HPβCD. Ce comportement
thermodynamique indique que l’effet hydrophobe n’est pas prépondérant,
soulignant ainsi le rôle important des autres forces telles que celles de van der
Waals, de solvatation et les liaisons hydrogène. Un des aspects les plus intéressants
car inattendu des résultats de cette étude est que c’est le pôle chargé de la molécule
de TC,HCl qui semble être le plus directement affecté par l’inclusion, comme le
montre les résultats de RMN et ceux concernant l’effe t du pH par
spectrophotométrie U.V. En effet, la plupart des processus de formation de
complexes d’inclusion des CD sont régis principalement par des interactions
hydrophobes qui favorisent plutôt l’encapsulation du groupement le plus
hydrophobe de la molécule invitée. Afin d’élucider complètement le mécanisme et
138
la nature exacte des forces impliquées dans cette inclusion, une étude par des
méthodes adéquates de simulations numériques serait d’un apport certain.
En perspective, une prochaine étape concernerait l’analyse des données de
conductivité (par les méthodes décrites) en tenant compte de la formation
simultanée des complexes 1:1 et 1:2 afin de déterminer les constantes d’équilibre
relatives à chacun des équilibres de complexation. A cet effet, des mesures
expérimentales complémentaires devraient être effectuées sur des domaines de
concentrations et de températures plus étendus.
139
Annexe
140
A-Processus itératif pour la détermination de 𝝀 𝐓𝐂𝐇+𝟎
d’une solution de TC,HCl
I - Equations
Loi d’additivité de Kohlrausch de la conductivité :
κ = λTCH+ [TCH+] + λCl- [Cl-] = (λTCH+ + λCl-) [ TC,HCl] (1)
Théorie de Debye –Hückel- Onsager : conductivité ionique de chaque
espèce chargée(λi) est liée à la valeur correspondante à dilution infinie ( 𝜆𝑖0
) :
- λi = λi0 −
B1λ i0+B2 I
12
1 + Bai I12
(2)
avec
ai (Å) = 216 zi 1/2/ λi0 (3)
II - Constantes (pour une température donnée T)
Valeur de λ0Cl :
à partir du tableau IV.3
Valeur de aCl− d’après l’équation (3)
Paramètres de Debye –Hückel- Onsager
B = 2e2𝒩A
0kB T (4)
B1 =z2F3
3π𝒩A ε02RT
0,5
1+ 0,5 (5)
B2 =2z F3
6 𝒩A
2
εRT (6)
141
Tableau.A.1
T
[°C]
𝐵1
[M-1/2
]
𝐵2
[Ω-1
cm2 l
1/2mol
-3/2]
𝐵
[Ǻ-1
M-1/2
]
aCl−
[Å]
15
0, 2261 47,18 0, 3273 3,5
20 0, 2280 53,73 0, 3282 3,1
25 0, 2300 60,65 0, 3291 2,8
30 0, 2321 67,91 0, 3301 2,5
40 0, 2366 83,46 0, 3323 2,1
III- Paramètre d’ajustement : λ0TCH+
IV- Paramètres calculés:
Pour une concentration donnée de TC,HCl : I = [ TC,HCl]
1)- aTCH+ équation (3)
2)- λCl- équation (2)
3)- λTCH+ équation (2)
4)- κ théo = (λTCH+ + λCl-) [TCH+] équation (1)
142
V- TEST : calcul de 𝜒2
𝜒2 = (𝜅exp − 𝜅théo ) 2 ≤ =10-6
VI- Résultats
Tableau A.2
T
[°C]
λ 0
TC H+
[Scm2.mol
-1]
aTCH+
[Å]
15
20,5 10,5
20 23,0 9,4
25 24,6 8,7
30 29,0 7,4
40 36,7 5,8
143
B-Processus itératif pour la détermination de la
constante de complexation K11
I – Equations
Application de l’équation (II.110) aux mesures de conductivité
𝛥𝜅
𝑇𝐶𝐻+ 𝑡=
𝛥𝜆𝐾11 𝐶𝐷
1+𝐾11 𝐶𝐷 (7)
𝛥𝜅 = 𝜅 − 𝜅∗ (8)
𝜅 et 𝜅∗expriment respectivement, la conductivité en présence et en absence de la CD
𝛥𝜆 = 𝜆CD /TCH + − 𝜆TCH + (9)
Equilibre de complexation (équation II. 96) :
CD = solution de l’équation (II.111)
CD = − K11 TCH +
t−K11 CD t +1 + K11 TCH + t−K11 CD t +1 +4K11 CD t
2
2K11 (10)
II - Constantes (pour une température donnée T et I= [ TC,HCl] )
Valeurs de λ0Cl
- et λ
0TAC
+ : tableau IV.3
Valeur de aCl− : tableau A1
Valeur de a𝑇𝐶𝐻+ : tableau A2
Valeur de 𝐵 d’après l’équation (4)
Valeur de 𝐵1 d’après l’équation (5) Tableau A1
144
Valeur de 𝐵2 d’après l’équation (6)
Valeur de λCl- d’après l’équation (2)
Valeur de λTCH+ d’après l’équation (2)
Tableau.A. 3
T
[°C]
λ TC H
+
[Scm2.mol
-1]
𝜆 Cl−
[Scm2.mol
-1]
15
19,0 59,5
20 21,3 66,7
25 22,6 73,9
30 26,8 81,5
40 33,9 97,0
III- Paramètres d’ajustement :
λ0
CD/TCH+
𝐾11
VI. Paramètres calculés (pour une concentration donnée de CD)
1)- aCD/TCH+ équation (3)
2)- λCD/TCH+ équation (2)
3)- 𝛥𝜆 équation (9)
4)-[CD] équation (10)
Tableau A3
145
5)- 𝛥𝜅 théo équation (7)
V. TEST : calcul de 𝜒2
𝜒2 = (𝛥𝜅exp − 𝛥𝜅théo ) 2 ≤ =10-6
IV. Résultats
Tableau A. 4
T
[°C]
K 11 [M-1]
λ 0
CD/TCH + [Scm
2.mol
-1]
β CD HP β CD β CD HP β CD
15 293 205 11,7 11,1
20 260 177 11,4 12,7
25 225 138 11,3 14,0
30 180 108 13,8 13,3
40 111 73 17,9 18,5
146
Liste des figures
Figure I.1 : Schéma d’une cellule nerveuse ....................................................……………….. 10
Figure I.2
Figure I.3
Figure I.4
Figure I.5
Figure I.6
Figure I.7
Figure I.8
Figure I.9
Figure I.10
Figure I.11
Figure II.1
Figure II.2
Figure II.3
: Propagation du potentiel d’action (ou influx nerveux) le long d’un segment de la
fibre nerveuse ........................................................................................................
: Action d’un AL sur les canaux sodiques. B est la forme basique de l’AL...........
: Anesthésiques locaux : structures chimiques générales……….............…………
: Relation entre le pKa d’un AL et la prévalence en forme non ionisée en
fonction du pH …………………………………………………….………….......
: Représentation schématique des différentes parties d’une molécule tensioactive..
: Représentation schématique des trois états dans lesquels un surfactant peut se
trouver dans l’eau : adsorbé en surface, solubilisé et micellisé ici sous forme
sphérique) en accord avec les équilibres (a) et (b).................................................
: Allure typique d’un diagramme de phases partiel d’un surfactant ionique dans
l’eau ( Sh : solide hydraté ; m : solution moléculaire ; M : solution micellaire)..
: Structures des cyclodextrines natives…………………………….......................
: Structures tridimensionnelles des CD naturelles (α, β et γCD de gauche àdroite),
avec de haut en bas: une vue de la face des hydroxyles secondaires (grand
côté),une vue latérale et, une vue de la face des hydroxyles primaires (petit
côté) ......
: Structure moléculaire de la carboxyméthyl-β-cyclodextrine……….....................
: Représentation de l’atmosphère ionique autour d’une charge centrale par la
longueur de Debye (D) ………………………………………………….........….
: Représentation schématique de l’évolution de la conductivité en fonction de la
concentration selon l’état d’agrégation d’un tensioactif ionique. Les pentes des
droites avant et après la CMC sont notées S1 et S2, respectivement ......................
: Courbes d'absorption typiques de mélanges de 2 composés en équilibre
chimique à une concentration totale constante ......................................................
10
12
14
16
19
20
21
27
29
31
48
58
63
147
Figure II.4
Figure II.5
Figure II.6
Figure III.1
Figure III.2
Figure III.3
Figure III.4
Figure III.5
Figure III.6
Figure III.7
Figure III.8
Figure III.9
Figure III.10
Figure III.11
Figure III.12
Figure IV.1
Figure IV.2
: Schéma de principe du processus ESI……….........……………………..............
: Tracé typique de la tension superficielle en fonction du logarithme de la
concentration en surfactant ……………………………………………..............
: Illustration de l’influence de la vitesse d’échange sur la forme des raies et sur
les valeurs des déplacements chimiques des signaux obtenus en RMN..............
: Variation de la tension superficielle de TC,HCl en fonction de la concentration à
25°C. Les droites sont des ajustements linéaires ………................................…...
: Détermination par conductivimètrie de TK et Tf de TC,HCl à l’aide d’ajustements
linéaires à une concentration de 400Mm……………...........................................
: Variations thermiques de la conductivité normalisée pour différentes
concentrations en TC,HCl…………………………………….....…………….....
: Variations de la conductivité en fonction de la concentration de TC,HCl à
différentes températures. Les droites sont des ajustements linéaires……............
: Variation thermique de la conductivité pour TC,HCl à C= 2Mm…….........…….
: Courbe de calibration : variation de la conductivité de TC,HCl en fonction de la
concentration dans le domaine C<CMC à T=8°C………………...............……..
:Variation thermique des solubilités monomérique, micellaire et totale de TC,HC ..
: Diagramme de phases partiel de TC,HCl dans l’eau…..........……………………
: Spectre d’absorption de TC,HCl à différentes concentrations à 25°C…........…..
: Variation de l’absorbance en fonction de la concentration de TC,HCl pour les
pics d’absorbance………………………………………………...........…………
: Variation du pH en fonction de la concentration en TC,HCl. La courbe est un
ajustement non linéaire (équation III.7). …………………………...................…
: Diagramme de répartition des espèces de la tétracaine……….........…………….
: Schéma fonctionnel de l'équipement pour la mesure de la conductivité dans
les mélanges liquides:(1) conductivimètre, (2,3) électrode de verre combinée,
(4) cellule de mesure thermostatée, (5) couvercle, (6) agitateur, (7) burette
numérique thermostatée, (8) bain thermostaté, (9) microordinateur...............
: Variation du pH normalisé en fonction de la concentration en βCD pour des
mélanges aqueux à une concentration constante en TC,HCl d’environ 1mM à
38°C, les droites sont des ajustements linéaires…………………............………...
66
67
69
79
80
82
83
85
86
87
89
91
92
95
96
100
103
148
FigureIV.3.a
FigureIV.3b
Figure IV.4
Figure IV.5
Figure IV.6
Figure IV.7
Figure IV.8
Figure IV.9
FigureIV.10
FigureIV.11a
FigureIV.11b
FigureIV.12a
FigureIV.12b
Figure IV.13
Figure IV.14
Figure IV.15
Figure IV.16
: Variation du pH normalisé en fonction de [βCD] pour des mélanges aqueux à
une concentration constante de TC,HCl d'environ 1mM, à différentes
températures…………………………………………………………………......
: Effet de la température sur la valeur du pH normalisé correspondant à la
formation du complexe 1 :1 dans les conditions stœchiométriques……..............
: Spectre 1H-RMN de la βCD dans D2O (1mM)……………………………........
: Spectre 1H-RMN de la TC,HCl dans D2O (1mM)…………………...................
:Spectre 1H-RMN de la TC,HCl dans D2O à différentes concentrations a (1mM) ;
b (0,5mM) ; c (0,1mM)……………......................................................................
: Spectres1H-RMN de la βCD isolée et dans le mélange équimolaire βCD/TC,HCl
dans D2O…........……………………………………………………
: Spectre 1H RMN de TC,HCl isolée et dans le mélange équimolaire βCD/TC,HCl
dans D2O. Le domaine [4-6 ppm] à été volontairement omis pour montrer au
mieux la variation des δ………………………………..........................................
: Spectre de masse du mélange aqueux équimolaire βCD et TC,HCl(1mM/1mM).....
: Structures chimiques proposées suite à la fragmentation de l’ion TCH+….........
: Spectres d’absorption de mélanges aqueux de βCD et de TC,HCl à concentration
constante d'environ 4,4. 10-2
mM en TC,HCl et différentes concentrations en
βCD : (0) = 0M; (1) = 0,5mM; (2)= 0,8mM; (3) = 4mM ;(5) =6,6mM ;(5) =8mM........
: Variation de l’absorbance en fonction de la concentration en βCD pour =311,
225 et 195nm………………………………………………………….................
: Spectres de l’absorbance en fonction de la longueur d’onde pour une solution
équimolaire, βCD/TC,HCl (4,4.10-2Mm/4,4.10-2Mm) à différents pH. ..................
: Variation de l’absorbance en fonction du pH pour la longueur d’onde =311nm...
: Structure chimique de : βCD avec R= H ; HPβCD avec R= CH2CH(OH)CH3 ...
: Variation de la conductivité spécifique de solutions aqueuses de TC,HCl en
fonction de la concentration à différentes températures .......................................
: Variation de la conductivité spécifique pour des solutions, à une concentration de
TC,HCl constante d'environ 1mM, en fonction de la concentration en βCD, à
différentes températures………………… …….......................................................
: Variation de la conductivité spécifique pour des solutions, à une concentration de
TC,HCl constante d'environ 1mM, en fonction de la concentration en HPβCD, à
différentes températures.........................................................................................
104
105
108
109
111
112
114
116
117
118
119
120
121
122
123
124
125
149
Figure IV.17
Figure IV.18
Figure IV.19
Figure IV.20
: Variation de la conductivité pour des solutions à une concentration de TC,HCl
constante d'environ 1mM, en fonction de la concentration en CD, à 20°C. Les
droites sur la figure insérée sont des ajustements linéaires ...................................
: Courbe de Benesi de la complexation de TC,HCl par βCD (pour λ= 311nm).......
: Variations des conductivités molaires ioniques à dilution infinie de
différents cations en fonction de la température. Les droites sont des
ajustements linéaires ..................................................................................
: Courbes de van't Hoff de l’association de TCH+ avec chacune des CD. Les
courbes (trais plein) et les droites (tirés) représentent respectivement des
ajustements non linéaires et linéaires des données…………..........
126
129
132
134
150
Liste des tableaux
TableauI.1
Tableau I.2
Tableau III.1
Tableau III.2
Tableau IV.1
Tableau IV.2
Tableau IV.3
Tableau IV.4
Tableau IV.5
: Propriétés physicochimiques de quelques anesthésiques locaux………….
: Propriétés physico-chimiques des cyclodextrines………………………….
: Valeurs de la CMC de TC, HCl en fonction de la température……………...
: Variation thermique de la solubilité de TC,HCl pour C > CMC……………
: Déplacements chimiques du spectre 1H-RMN de βCD …………………..
: Déplacements chimiques du spectre 1H-RMN de TC,HCl……………….
: Conductivités molaires ioniques à dilution infinie de TCH+
et de Cl- à
différentes températures…………………………………………………..
: Conductivités molaires ioniques à dilution infinie du complexe, et
constantes d'association pour βCD et HPβCD à différentes températures....
: Paramètres thermodynamiques liés à l’inclusion de TC,HCl
par CD selon l’analyse de Van’t Hoff (linéaire et nonlinéaire) ...............
17
29
84
84
106
110
123
130
134
151
Liste des symboles
Remarque : Le même symbole peut avoir 2 ou plusieurs significations mais apparaissant dans
des contextes complètement différents et indépendants, il n’y a pas de confusion possible.
j : densité de courant total.
E : champ électrique
: niveau énergétique
𝑢𝑖 : mobilité électrique de l’espèce i
𝑢𝑒 : mobilité éléctrophorétique de l’atmosphère ionique
𝑢𝑒𝑓𝑓 : mobilité apparente de l’ion
0u : mobilité ionique électrochimique
: vitesse limite
a : rayon de l’ion central
𝑎𝑖 : activité de l’espèce i
: conductivité
: constante d'écrantage ou de blindage
: conductance
: coefficient d’absorption molaire
: constante diélectrique du milieu
0 : permittivité du vide
: tension superficielle
: rapport gyromagnétique en RMN
γmin : tension superficielle minimale à la micellisation
: viscosité
𝛬 : conductivité équivalente
: conductivité molaire dans le cas d’un électrolyte 1:1
𝛬𝑖0 : conductivité équivalente limite de l’espèce i
1, 2 : constantes dépendant des conditions limites du potentiel électrique (équation :
II.35).
𝐵 0 : champ magnétique extérieur
152
𝑌𝑖 : fraction molaire de l’espèce i
Ф : potentiel électrostatique
𝛷𝑎𝑡𝑚 : potentiel électrostatique créé par l’atmosphère ionique
𝐴𝑖′ : terme correctif de Debye-Huckel-Onsager dans l’expression de Λ pour l’espèce i
𝑘𝑣 𝑖 : constante de vitesse de la réaction dans le sens i
𝜐𝑖 : fréquence de résonance de l’espèce i
λi0 : conductivité ionique à dilution infinie de l’espèce i
𝜆𝑖 : conductivité ionique de l’espèce i
∆E : champ de relaxation
∆H0
: variation d’enthalpie standard
∆S0
: variation d’entropie standard
∆ν 1/2 : largeur d’une bande spectrale à mi-hauteur
µ : potentiel chimique
A : absorbance (ou densité optique)
: constante électrochimique (équation. II.48)
B : constante électrochimique (équation. II. 56)
𝐵1 : constante électrochimique (équation. II. 74)
𝐵2 : constante électrochimique (équation. II. 75)
𝐶𝑖 : concentration molaire de l’espèce i
n : concentration moléculaire
: nombre d’agrégation micellaire
ni : population des charges i loin de l’ion central
C0 : concentration molaire dans les conditions standards
CMC : concentration micellaire critique
Cp0 : capacité thermique molaire standard.
Csat : concentration en tensioactif à la saturation de la surface
D : longueur de Debye ou épaisseur de l’atmosphère ionique
e : charge élémentaire
F : constante de Faraday
h : constante de Planck
I : force ionique
I0 : intensité de la lumière incidente
It : intensité de la lumière transmise
153
Ki : constantes de l’équilibre i
kB : constante de Boltzmann
Kcell : constante de cellule de l’électrode
l : longueur
𝒩𝐴 : nombre d’Avogadro
P : propriété physique
R : constante des gaz parfait
Si : pentes d’une droite i
T : température
Tf : température de fusion du dernier cristal hydraté
TK : température de Krafft
Tt : température du point de trouble
TMS : tetramethylsilane
𝑊 : travail
zi : valence de l’ion i
𝛿 : déplacement chimique
τ : temps de relaxation
𝛾 : coefficient d’activité
𝜌 : densité de charge dans le milieu
Résumé
La problématique abordée concerne la vectorisation d’une molécule
anesthésiante au niveau local (TC,HCl) par une molécule hôte (ßCD) et son dérivé
synthétique (HPßCD) sous forme de complexes d’inclusion. Les résultats de cette
étude convergent pour indiquer que la vectorisation de TC,HCl par une de ces
CD, en vue d’un usage pharmaceutique, satisfait potentiellement à tous les
critères de performance. Bien que βCD d’origine naturelle soit relativement
moins soluble (18,5g/l) que HPβCD (450g/l), elle reste performante. En effet,
son affinité pour TC,HCl est supérieure à celle de HPßCD pour cet A.L. Les
complexes d'inclusion constitués par βCD (ou HPßCD) et TC,HCl se forment avec
une contribution enthalpique favorable et un terme entropique défavorable, effet
plus marqué pour l'association moléculaire mettant en jeu HPβCD. Ce
comportement thermodynamique indique que l’effet hydrophobe n’est pas
prépondérant, soulignant ainsi le rôle important des autres forces telles que
celles de van der Waals, de solvatation et les liaisons hydrogène. Un des aspects
les plus intéressants car inattendu des résultats de cette étude est que c’est le
pôle chargé de la molécule de TC,HCl qui semble être le plus directement
affecté par l’inclusion, comme le montre les résultats de RMN .
Mots clé : tétracaine, Cyclodextrine, complexe, vectorisation, diagramme de phase,
comportement thermodynamique, pH-métrie, conductivimétrie, UV-visible, RMN ,