Étude retrospective des méningites bactériennes et à cryptocoques chez des sujets adultes...

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ARTICLE ORIGINAL/ORIGINAL ARTICLE E ´ tuderetrospectivedesme´ningitesbacte´riennes et a ` cryptocoques chez des sujets adultes infecte´s par le VIH a ` Abidjan (Co ˆte d’Ivoire) Retrospective study of bacterial and cryptococcal meningitis occurring in HIV adult patients in Abidjan (Ivory Coast) B. Ouattara a, * , S.P. Eholie b , K.D. Adoubryn c , O. Kra b , H. Tia d , C.G. Kouadio-Yapo c , V. Edo d , J. Ouhon c a Service de me ´decine interne, CHU de Treichville, 01 B.P.V 13 Abidjan, Co ˆte d’Ivoire b Service des maladies infectieuses, CHU de Treichville, 01 B.P.V 13 Abidjan, Coˆte d’Ivoire c Laboratoire de parasitologie mycologie, UFR des sciences me ´dicales, 01 B.P.V 166 Abidjan, Co ˆte d’Ivoire d Laboratoire central, service de bacte ´riologie, CHU de Treichville, 01 B.P.V 13 Abidjan, Coˆte d’Ivoire Rec¸u le 3 avril 2006; accepte´ le 14 fe ´vrier 2007 Disponible sur Internet le 30 mars 2007 Journal de Mycologie Me ´dicale (2007) 17, 82—86 MOTS CLE ´ S Me ´ningites ; S. pneumoniae ; Cryptoccocus neoformans ; VIH ; Mortalite ´; Abidjan ; Co ˆte d’Ivoire Re ´sume´ Objectifs.— Pre ´ciser la pre ´valence du VIH dans les me ´ningites bacte ´rienneeta`cryptocoquesa` Abidjan et en rapporter les caracte ´ristiques e ´pide ´miologiques, cliniques, paracliniques et e ´volutives. Me ´thodes.— Il s’agit d’une e ´tude re ´trospective portant sur 370 patients VIH positifs hospitalise ´s du 1 er novembre 2001 au 1 er avril 2003 dans les services de me ´decine interne et des maladies infectieuses du CHU de Treichville pour me ´ningites bacte ´riennes et a` cryptocoques. Re ´sultats.— La pre ´valence globale du VIH dans les me ´ningites est de 73 %. L’aˆge moyen des patients est de 33 ans (extre ˆmes : 19 et 65 ans) et le sex-ratio de 1,2. Le de ´lai moyen d’e ´volution de la symptomatologie avant hospitalisation repre ´sente 11 jours avec des extre ˆmes de un et 120 jours. Le tableau clinique, dans la majorite ´ des cas d’installation brutale (57,8 %), est celui habituellement de ´crit. Toutefois, cette e ´tude se singularise par un fort taux de me ´ningo- ence ´phalite fe ´brile (71,6 %) en rapport avec les consultations tardives. Les germes pyoge `nes rencontre ´s dans 72,4 % des cas sont surtout constitue ´s par des pneumocoques. Cryptococcus neoformans repre ´sente 27,6 % des cas. A ` l’analyse du liquide ce ´phalorachidien (LCR) dans la * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Ouattara). Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/mycmed 1156-5233/$ — see front matter # 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.mycmed.2007.02.003

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Journal de Mycologie Medicale (2007) 17, 82—86

ARTICLE ORIGINAL/ORIGINAL ARTICLE

Etude retrospective des meningites bacterienneset a cryptocoques chez des sujets adultes infectes

Dispon ib le en l igne sur www.sc iencedi rect .com

journa l homepage: www.e l sev ie r.com/locate/mycmed

par le VIH a Abidjan (Cote d’Ivoire)

Retrospective study of bacterial and cryptococcalmeningitis occurring in HIV adult patients in Abidjan(Ivory Coast)

B. Ouattara a,*, S.P. Eholie b, K.D. Adoubryn c, O. Kra b, H. Tia d,C.G. Kouadio-Yapo c, V. Edo d, J. Ouhon c

a Service de medecine interne, CHU de Treichville, 01 B.P.V 13 Abidjan, Cote d’Ivoireb Service des maladies infectieuses, CHU de Treichville, 01 B.P.V 13 Abidjan, Cote d’Ivoirec Laboratoire de parasitologie mycologie, UFR des sciences medicales, 01 B.P.V 166 Abidjan, Cote d’Ivoired Laboratoire central, service de bacteriologie, CHU de Treichville, 01 B.P.V 13 Abidjan, Cote d’Ivoire

Recu le 3 avril 2006; accepte le 14 fevrier 2007Disponible sur Internet le 30 mars 2007

MOTS CLESMeningites ;S. pneumoniae ;Cryptoccocusneoformans ;VIH ;Mortalite ;Abidjan ;Cote d’Ivoire

Resume

Objectifs.— Preciser la prevalence du VIH dans les meningites bacterienne et a cryptocoques aAbidjan et en rapporter les caracteristiques epidemiologiques, cliniques, paracliniques etevolutives.Methodes.— Il s’agit d’une etude retrospective portant sur 370 patients VIH positifs hospitalisesdu 1er novembre 2001 au 1er avril 2003 dans les services de medecine interne et des maladiesinfectieuses du CHU de Treichville pour meningites bacteriennes et a cryptocoques.Resultats.— La prevalence globale du VIH dans les meningites est de 73 %. L’age moyen despatients est de 33 ans (extremes : 19 et 65 ans) et le sex-ratio de 1,2. Le delai moyen d’evolutionde la symptomatologie avant hospitalisation represente 11 jours avec des extremes de un et 120jours. Le tableau clinique, dans la majorite des cas d’installation brutale (57,8 %), est celuihabituellement decrit. Toutefois, cette etude se singularise par un fort taux de meningo-encephalite febrile (71,6 %) en rapport avec les consultations tardives. Les germes pyogenesrencontres dans 72,4 % des cas sont surtout constitues par des pneumocoques. Cryptococcusneoformans represente 27,6 %

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (B. Ouattara).

1156-5233/$ — see front matter # 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droitdoi:10.1016/j.mycmed.2007.02.003

des cas. A l’analyse du liquide cephalorachidien (LCR) dans la

s reserves.

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cryptococcose neuromeningee, il existe dans 29,2 % des cas une discordance entre l’aspectmacroscopique du liquide et les anomalies cytologiques. Le taux moyen de CD4 est bas surtoutdans la cryptococcose neuromeningee (55/mm3). La mortalite est elevee (78,6 %).Conclusion.— La prevalence du VIH dans les meningites est elevee. Il n’y a pas de predominancede sexe. La meningite a germes pyogenes est dominante. Le pronostic des meningites associees al’infection par le VIH est particulierement defavorable.# 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

KEYWORDSMeningitis;S. pneumoniae;Cryptoccocusneoformans;HIV;Mortality;Abidjan;Ivory Coast

Abstract

Objectives: To determine the prevalence of HIV in meningitis in Abidjan and to report on theepidemiological, clinical, paraclinical and changing features.Methods: This is a retrospective study of 370 HIV patients hospitalized for bacterial andcryptococcal meningitis from 1st November 2001 to 1st April 2003 in the internal medicine serviceand the infectious illnesses service of Treichville teaching hospital.Results: The global prevalence of HIV in meningitis was 73%. The mean age was 33 (extremes:19—65). The sex-ratio was 1:2. The mean delay of development of symptoms before hospitaliza-tion was 11 days (extremes: 1—120). The clinical signs were classic. However, in this study febrilecomas were frequent (71.6%) due to late consultation. The aetiologies of meningitis werepyogenic bacteria (72.4%) and Cryptococcus neoformans (27.6%). Analysis of the cerebrospinalfluid in cryptococcal meningitis revealed a divergence between the macroscopic aspect of theliquid and the cytological anomalies in 29.2% of the cases. The mean rate of CD4 was especiallylow in cryptococcal meningitis (55/mm3). Hospital mortality was high (78.6%).Conclusion: The prevalence of VIH in meningitis was high. Young adult patients withoutdistinction of sex were the most affected especially in the case of severe immunodeficiency.Bacterial meningitis was the most common form. The prognosis of meningitis was very bad.# 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

Introduction

Les meningites sont des affections frequentes et graves enAfrique. Lameningite purulente, surtout a pneumocoque, estde loin la principale cause avec une mortalite estimee entre21 et 35 % [2,3,8,10]. Cependant, avec l’avenement du VIH/Sida, on assiste a une explosion d’autres agents pathogenesautrefois rares [4,11,20]. Onze ans apres l’important congresorganise au Senegal par la Societe africaine de pathologieinfectieuse (SAPI) [4] qui a fait le point des connaissances surles infections du systeme nerveux central, il nous a paruinteressant de preciser la prevalence du VIH dans les menin-gites bacteriennes et a cryptocoques a Abidjan et d’enrapporter les caracteristiques epidemiologiques, cliniques,paracliniques et evolutives.

Patients et methodes

Il s’agit d’une etude retrospective portant sur les dossiers desmalades VIH positifs hospitalises pour meningites dans lesservices de medecine interne et des maladies infectieuses duCHU de Treichville du 1er novembre 2001 au 1er avril 2003. Lessources de donnees ont ete constituees par les dossiersmedicaux et les registres du laboratoire central. Tous lespatients ont eu une ponction lombaire. Le diagnostic demeningite a ete pose sur l’isolement d’agents habituelle-ment connus comme pathogenes. Ainsi, le diagnostic decryptococcose neuromeningee est retenu sur la mise enevidence du Cryptococcus neoformans dans le liquide cepha-lorachidien soit a l’examen direct a l’encre de Chine soitapres culture sur milieu de Sabouraud—chloramphenicol, etcelui des meningites bacteriennes est base sur l’existence

dans le liquide cephalorachidien de germes pyogenes al’examen direct apres coloration de Gram ou apres sa miseen culture. Ont ete exclus de cette etude : 127 cas demeningites purulentes soit 20 % des meningites chez desmalades VIH positifs dont le germe n’a pas ete identifie,tous les patients ages de moins de 15 ans ou VIH negatifspresentant une meningite et ceux dont les dossiers sontincomplets.

Resultats

Donnees epidemiologiques

Pendant la periode d’etude, sur 3072 patients qui ont bene-ficie d’une ponction lombaire, 507 d’entre eux presententune meningite bacterienne ou a cryptocoques soit 16,5 % descas. Parmi les 507 patients, 370 sont seropositifs soit 73 % descas. Il s’agit de 200 hommes (54 %) et 170 femmes (46 %) soitun sex-ratio de 1,2. L’age moyen des patients est de 33 ansavec des extremes de 19 et 65 ans (Tableau 1).

Donnees cliniques

Le delai moyen d’evolution de la symptomatologie avanthospitalisation est de 11 jours avec des extremes de un et120 jours. Le mode d’installation de la meningite est brutalchez 214 patients (57,8 %). Les signes a l’admission sont lafievre notee dans 90,4 % des cas, les cephalees dans 89,5 %des cas, la raideur de la nuque dans 83,1 % des cas, le comasans signes de localisation neurologique dans 72,2 % des cas(Tableau 1) avec un score de Glasgow inferieur a sept dans62 % des cas, les vomissements dans 62,7 % des cas et

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84 B. Ouattara et al.

Tableau 1 Donnees generales observees a l’admission despatientsTable 1 General data observed at the patient admission

Meningitesbacteriennes

CNM

n = 268 n = 102

Age moyen (ans) 37 (19—65) 32 (25—45)

Sex-ratio 1,2 1,1

Mode de debut (%)Brutal 201(76) 13(12,7)progressif 67(24) 89(87,3)

Duree d’evolutiondes signes cliniques (jours)

3 (1—7) 15 (7—120)

SymptomesFievre (> 37,5 8C) 268(100) 66(64,7)Raideur de la nuque 249(93) 59(57,8)Cephalees 233(87) 99(97)Vomissements 182(68) 51(50)Constipation 128(48) 61(59,8)Coma 190(71) 76(74,5)Convulsion 94(35) 28 (27,4)

Taux moyen de CD4 250 (5—450) 55 (1—155)

Letalite (%) 212(79,1) 79(77,4)

CNM : cryptococcose neuromeningee.

l’hypotension arterielle (TAS < 9 cm Hg) dans 10 % des cas.Dans les meningites bacteriennes, il existe une porte d’entreeotorhinolaryngee (sinusite, otite) chez 69 % des patients.

Caracteristiques biologiques

Le liquide cephalorachidien (LCR) est hypertendu, d’aspecttrouble ou puriforme chez 298 patients et clair chez 72patients (Tableau 2). Dans la cryptococcose neuromeningee,

Tableau 2 Aspects macroscopique et biologique du LCRTable 2 Macroscopic and biological aspects of the cerebrosp-inal liquid

Meningitepurulente

CNM

n = 268 n = 102

Aspect macroscopique (%)Clair — 72(70,6)Trouble ou purulent 268(100) 30(29,4)

Cytologies (%)PN alteres (>5 elements/mm3) 268(100) —Lymphocytes (>5 elements/mm3) — 72(70,6)Formule mixte — 30(29,2)

Chimie (%)Proteine (>0,45 g/l) 268(100) 102(100)Glucose (<0,45 g/l) 268(100) 102(100)

LCR normal : leucocytes <5 elements/mm3 ; glycose >0,45 g/l ;proteine >0,45 g/l) [9].

le LCR est clair chez 72 patients (70,8 %) et trouble chez 30autres patients (29,2 %). Il est lymphocytaire dans 70,8 % descas et de formule mixte dans 29,2 % des cas. Le LCR est richeen polynucleaires alteres. La cellularite moyenne est de300 elements/mm3 avec des extremes de 30 et 1000(VR < 5 elements/mm3), la proteinorachie moyenne de1,3 g/l avec des extremes de 0,60 et 2 g/l (VR < 0,45 g/l)et la glycorachie moyenne de 0,16 g/l avec des extremes de0,0 et 0,4 g/l (VR > 0,45 g/l).

Le taux de CD4 (Tableau 1) est recherche chez 100patients dans les meningites purulentes et chez 65 patientsdans la cryptococcose neuromeningee.

Devenir des patients

Tous les patients sont pris en charge dont 165 patients enreanimation. Ces derniers qui presentent un coma avec lescore de Glasgow inferieur a sept ont beneficie d’une equili-bration hydro-electrolytique et d’une intubation avec venti-lation mecanique.

Dans les meningites bacteriennes, l’antibiotique prescritest l’amoxicilline a la dose de 200 mg/kg/j en intraveineusedirecte pendant au moins dix jours avec une apyrexie de cinqjours. La premiere dose est administree en moyenne uneheure apres l’admission du patient. Dans la cryptococcoseneuromeningee, l’amphotericine B est prescrite a la dose de1 mg/kg/j en perfusion tous les deux jours pendant huit a dixsemaines en traitement d’attaque puis demi-dose en traite-ment d’entretien. Vingt-cinqmalades (24,5 %) qui presententdes signes d’hypertension intracranienne avec des cephaleesintenses ont beneficie d’une ponction lombaire avec evacua-tion du LCR qui est constamment hypertendu.

Le sejour hospitalier moyen est de sept jours dans lesmeningites purulentes avec des extremes de 1 a 21 jours, etde 25 jours dans la cryptococcose neuromeningee (CNM) avecdes extremes de 1 a 50 jours. L’evolution est favorable sansaucune anomalie neurologique chez 79 patients (21,4 %). Elleest mortelle chez 291 patients, soit dans 78,6 % des cas. Ledeces est survenu dans la premiere semaine chez 226patients soit dans 77,6 % des cas. La letalite est de 77,4 %(79 cas) pour la cryptococcose neuromeningee et de 79,1 %(212 cas) pour les meningites bacteriennes (Tableau 1).

Discussion

Aspects epidemiologiques

La prevalence des meningites bacteriennes et a cryptocoquesparmi les patients qui ont fait l’objet d’une ponction lom-baire dans cette etude est de 16,5 %. Ce taux est nettementinferieur a celui rapporte par Hakim et al. (50,7 %) dans uneetude prospective [13]. Cette difference montre bien lesdifficultes des etudes retrospectives. En effet, ont ete exclusde cette etude tous les patients admis pour meningite qui ontdes dossiers incomplets ou chez qui l’agent pathogene n’estpas identifie. En outre, l’indication de la ponction lombaireest large et concerne la plupart des patients qui presententdes signes neurologiques ou psychiatriques febriles. La sero-prevalence du VIH chez les sujets atteints de meningites estde 73 %. Ce taux se rapproche de celui de Hakim et al. qui estde 90 % [13]. Le sex-ratio des patients est de 1,2. Si au debut

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de l’epidemie de Sida, les hommes sont les plus atteints[14,17,27], on assiste actuellement a la parite voire a unefeminisation de l’affection en rapport avec la specificiteanatomique et la vulnerabilite feminine [25]. L’age moyendes patients est de 33 ans (19—65 ans) en rapport avec celuide la plupart des auteurs africains [3,4,9,20].

Aspects cliniques

Le tableau clinique des meningites purulentes est d’installa-tion brutale dans 76 % et associe, comme dans la litterature,un syndrome meninge et infectieux [8,12,28]. Toutefois,cette etude se singularise par la frequence elevee demeningo-encephalites febriles en rapport d’une part avecla virulence des germes tels que les pneumocoques [1,6,23]et d’autre part avec le retard de consultation compte tenu dudetour chez les traditherapeutes de la plupart des patientsafricains avant de consulter a l’hopital [21]. Il existe uneporte d’entree otorhinolaryngee (sinusite, otite) chez 69 %des patients. Dans l’etude de Mbelesso et al. [19], les infec-tions otorhinolaryngees representent 92,2 % des cas. Lesinfections ORL et pulmonaires constituent un foyer potentiela partir duquel l’essaimage se fait au niveau des meninges[19].

Les manifestations cliniques de la cryptococcose neuro-meningee ne sont pas specifiques. Elles sont dominees par lafievre et les cephalees, le plus souvent d’installation pro-gressive (88 %). Le syndrome meninge franc etant peu fre-quent et rarement complet, il apparaıt, comme le pensentd’autres auteurs [18,20], que le diagnostic de CNM doit etreevoque chez tout patient VIH+ presentant des cephaleespersistantes febriles ou isolees.

Aspects paracliniques

Les causes des meningites dans cette etude sont de loindominees par les germes pyogenes et moins frequemmentpar C. neoformans. Dans d’autres etudes, ce sont plutotC. neoformans (Tableau 3) et le bacille de Koch qui sont lesplus frequents [4,23,24,29,30]. Toutes ces etudes montrentbien l’emergence de ces affections avec l’avenement du VIH/Sida. Dans les meningites a germes pyogenes, le resultat del’analyse du LCRest celui classiquement decrit [22,23,26]. Parcontre, dans la cryptococcose neuromeningee, on observe unediscordance dans certains cas entre l’aspectmacroscopique etles anomalies cytologiques. Cette atypie du LCR a ete egale-ment rapportee par Bissagnene et Domoua [4], Bissagneneet al. [5], Kadjo et al. [15] et Laroche et al. [17]. Avecl’avenement de l’epidemie du Sida, il faut donc s’attendre

Tableau 3 Bacteries isolees dans les meningites purulentesTable 3 Bacteria isolated from the purulent meningitis

Germes n %

Streptococcus pneumoniae 185 69Haemophilus influenzae 62 23,1Neisseria meningitis 13 4,9Autres streptocoques 7 2,6Bacillus 1 0,4

Total 268 100

a un nouveau profil du LCRdans lesmeningites. Commedans lalitterature, le taux de CD4 est bas dans la cryptococcoseneuromeningee. Cette affection survient presque toujoursau stade tardif du VIH/Sida [9,13,16]. Toutefois, Millogoet al. [20] rapportent dans une serie recente des cas deCNM survenus chez des patients avec des taux de CD4 supe-rieurs a 200/ml, suggerant ainsi que, dans le contexte de cetteetude, cette affection est possible meme lors des stadesd’immunodepression moderee.

Le devenir des malades

Les meningites sont des affections reputees mortelles enAfrique surtout a la premiere semaine [4,8,19]. La mortalitedes meningites bacteriennes est de 79,1 %. Cependant, leS. pneumoniae, principal germe isole, est tres sensible al’amoxicilline qui est prescrite a tous les patients avec uneefficacite de 100 % pour Akoua-Koffi et al. [1] et de 96,4 %pour Dosso et al. [6]. La mortalite tres elevee observee danscette serie comme dans la plupart des series africaines[3,5,7,14,22,26] s’explique par le retard de la prise en chargedes patients en rapport avec les consultations tardives [8,9].

Conclusion

Cette etude met en evidence :

� u

ne prevalence elevee du VIH dans les meningites ;

� u

ne atteinte des adultes jeunes sans distinction de sexe ;

� u

ne frequence elevee des meningo-encephalites severesen rapport avec le retard de consultation ; � u ne etiologies variable des meningites dominees de loinpar les germes pyogenes suivis de C. neoformans ; � u n pronostic sombre.

Ces donnees viennent rappeler avec beaucoup de perti-nence la necessite de mener des campagnes de lutte energi-que contre le VIH/Sida.

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