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ecole nationale de la statistique et del’administration economique
Mémoire d’actuariat
Etude d’un produit d’assuranceparamétrique contre le risque de pluie
torrentielle en Jamaïque
Présenté par :Florent Ritleng
Cuong Nguyen
Suivi par :Pierre Picard
Eric Strobl
Mémoire présenté devant l’ENSAE Paristechpour l’obtention du diplôme de la filière Actuariat
et l’admission à l’Institut des Actuaires
juin 2014
Résumé
Dans le contexte du réchauffement climatique, la région des Caraïbes est de plus en
plus touchée par des catastrophes naturelles en tout genre : ouragans, tempêtes tropicales,
séismes ou encore inondations. Pour faire face à ces aléas climatiques, le premier pool
d’assurance multi-pays à but non lucratif a vu naître le jour : le Caribbean Catastrophe
Risk Insurance Facility (CCRIF). Il s’agit d’un fonds régional de couverture des risques
catastrophiques pour les Etats des Caraïbes conçu pour limiter l’impact économique des
catastrophes naturelles en fournissant aux gouvernements des ressources suffisantes dans
de brefs délais.
Le CCRIF offre exclusivement des produits d’assurance paramétrique aux gouvernements
des Caraïbes. A l’inverse d’une assurance classique, les indemnités ne sont pas reversées
en fonction des dégâts réels mais selon la mesure d’un indice paramétrique défini dans le
contrat. Les produits existant couvrent les tremblements de terre et les Ouragans.
Le mécanisme initial du CCRIF ne couvre cependant pas le risque de pluie torrentielle,
pourtant fréquent dans les Caraïbes. C’est la raison pour laquelle un produit d’assurance
paramétrique de couverture du risque de pluie extrême a été développé avec l’expertise
de Swiss Re. Les pluies extrêmes sont détectées puis indemnisées en fonction d’un indice
agrégeant les précipitations sur l’ensemble du pays concerné. Ce produit, nommé XSR, a
été lancé pour la première fois en Jamaïque en 2013 et fera l’objet d’étude de ce mémoire.
Après avoir fait l’état des lieux du produit XSR, l’objectif est de caractériser la dis-
tribution de probabilité de l’indice paramétrique afin de pouvoir tarifier le produit. Le
coût actuariel d’une couverture pour la Jamaïque sera analysé en fonction du type de
contrat. La consistance du modèle sera mise à l’épreuve et des sensibilités sur le produit
seront calculées.
Mots-clés : Pluies torrentielles, CCRIF, Théorie des Valeurs Extrêmes, Generalized
Pareto Distribution, Chaînes de Markov, Copules, Prime pure, Indice paramétrique.
Abstract
In the context of global warming, the Caribbean has been increasingly affected by natu-
ral disasters such as hurricanes, tropical storms, earthquakes and floods. To cope with
climatic hazards, the first non-profit multi-country risk pool was launched in 2007 : the
Caribbean Catastrophe Risk Insurance Facility (CCRIF). This regional fund is designed
to limit the economic impact of natural disasters by providing governments with suffi-
cient resources in a short period of time.
The CCRIF offers parametric insurance products exclusively to Caribbean countries.
Unlike conventional insurance, payments are not made according to the damage obser-
ved on the ground but according to the measure of a parametric index defined in the
contract. The CCRIF has offered parametric insurance products that provide coverage
for hurricanes and earthquakes since 2007.
However, the initial CCRIF mechanism doesn’t provide coverage of extreme rainfall
that often affects the Caribbean. Thus, the CCRIF began a partnership in June 2013
with Swiss Re to offer a new coverage for excess rainfall. Extreme rainfalls are detected
using an index which aggregates rainfall in several geographic areas of the country. This
product, called XSR, was launched for the first time in Jamaica in June 2013 and will
be the main topic of this thesis.
After introducing the XSR product, the probability distribution of the parametric index
will be characterized in order to price the product. The actuarial cost of coverage for
Jamaica will be analyzed according to the type of contract selected. At the end, the
consistency of the model will be tested and several sensitivities will be calculated on the
product.
Keywords : Extreme Rainfall, CCRIF, Extreme Value Theory, Generalized Pareto Dis-
tribution, Markov Chain, Copula, Pure Premium, Parametric Index.
Remerciements
Nous tenons à remercier Pierre PICARD et Eric STROBL pour l’encadrement de ce
mémoire, leur disponibilité et leur confiance. Nous adressons aussi nos remerciements à
Oliver LOPEZ, correspondant de la voie Actuariat à l’ENSAE, pour sa compréhension
du sujet, ses remarques et sa bonne humeur. Enfin, nous souhaitons remercier Aurélie
MULLER-GUEDIN, Maître de Conférences à l’Université de Lorraine, pour ses échanges
par courrier électronique et ses travaux qui nous ont inspiré.
iii
Table des matières
Résumé i
Abstract ii
Remerciements iii
Table des matières iv
Introduction 1
I Etat des lieux et produit XSR 3
1 Présentation générale des concepts 41.1 Les catastrophes naturelles en Jamaïque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41.2 Le Caribbean Catastrophe Risk Insurance Facility . . . . . . . . . . . . . 51.3 L’assurance paramétrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
2 Le produit XSR 122.1 Description du produit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132.2 Méthodologie de calcul de l’indice paramétrique relatif au produit XSR
en Jamaïque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152.3 Comparaison avec le produit Ouragan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162.4 Présensation des données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
3 Calcul des indices et construction de la courbe de dommage 223.1 Détection des événements et calcul des indices . . . . . . . . . . . . . . . . 223.2 Choix de la fonction de vulnérabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273.3 Construction d’une courbe de dommage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
II Modélisation statistique de l’indice paramétrique 32
4 Modélisation de la pluie journalière en Jamaïque 344.1 Processus de Bartlett-Lewis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 344.2 Modélisation par chaîne de Markov . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
iv
Table des Matières v
5 Modélisation des extrêmes univariés 455.1 Théorie des valeurs extrêmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 455.2 Application aux indices locaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 525.3 Application aux 28 régions de la Jamaïque . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
6 Modélisation des extrêmes multivariés 586.1 Théorie des copules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 586.2 Application à la modélisation de la dépendance des pluies . . . . . . . . . 61
III Tarification et risques liés au produit XSR 64
7 Calcul des primes du produit XSR 667.1 Principe de calcul de la prime pure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 667.2 Primes pures par région . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 687.3 Prime pure nationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
8 Risques de modèle et calcul de sensibilités 748.1 Comparaison des primes pures locales et de la prime nationale . . . . . . . 748.2 Convergence numérique de la prime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 758.3 Les risques de modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 778.4 Calcul de sensibilités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
9 Les mesures de transfert de risque du produit XSR 889.1 La diminution du coût de la prime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 889.2 Réassurance du produit XSR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 909.3 Titrisation des risques catastrophes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
Conclusion générale 96
Annexes 99
A Evénements nationaux détectés 99
B Moyenne des pluies agrégées 5 jours dépassant 250 mm 100
C Rappels de probabilité 101C.1 Processus de Poisson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101C.2 Test d’adéquation de Kolmogorov-Smirnov . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
D Taux d’exposition des 28 zones de la Jamaïque fournis par le CCRIF 103
Bibliographie 104
Introduction
Les catastrophes naturelles représentent un risque particulièrement important à la fois
pour les habitants et les économies de l’ensemble des pays des Caraïbes. Les pertes en-
gendrées par ces événements rares et intenses affectent l’économie de ces pays et peuvent
atteindre des montants considérables, comme par exemple 8% du PIB de la Jamaïque
pour les dégâts causés par l’ouragan Ivan en 2004. En outre, les pays touchés n’ont par-
fois pas les ressources suffisantes pour faire face à ce type d’intempérie. De fait, l’enjeu
le plus important consiste à trouver les besoins en liquidité à court terme nécessaires au
maintien en état des infrastructures et des services publics, en attendant que des res-
sources supplémentaires soient disponibles pour financer des besoins de reconstruction
et d’adaptation à plus long terme. C’est dans ce contexte que 16 Etats des Caraïbes,
en association avec la Banque Mondiale, ont pris l’initiative en 2007 de créer pour la
première fois dans le monde un pool d’assurance multi-pays : le Caribbean Catastrophe
Risk Insurance Facility (CCRIF). C’est aussi le premier système d’assurance qui adosse
un mécanisme de couverture paramétrique. Par rapport à une assurance classique, les
indemnités ne sont pas reversées selon les dégâts réels constatés au sol mais en fonction
d’un indice paramétrique facilement mesurable lors d’un événement extrême (ex : vitesse
maximale du vent pendant un ouragan, pic de précipitation lors d’une inondation).
Le mécanisme initial du CCRIF ne couvre cependant pas un type de catastrophe natu-
relle particulièrement fréquent dans les Caraïbes : les pluies torrentielles. Ceci a conduit
le CCRIF à fournir une couverture pour le risque d’inondation. Depuis Juin 2013, le
CCRIF propose un produit d’assurance appelé CCRIF/Swiss Re Excess Rainfall (XSR)
qui offre une couverture des dommages dus à des pluies torrentielles. Ce produit est
principalement destiné à couvrir les dommages imputables à des événements de pluies
torrentielles d’extrême intensité sur une courte période. Il a été lancé en juin 2013 pour
la Jamaïque.
La problématique est la suivante : Comment construire un produit d’assurance
paramétrique sur le risque de pluie torrentielle en Jamaïque ? Comment modéliser la
1
Introduction 2
dynamique de l’indice paramétrique sous-jacent dans le but d’établir un profil de risque
de la Jamaïque ? Quels sont les risques engendrés par ce type de contrat ?
Dans un premier temps, un état des lieux des méthodologies existantes utilisées dans la
mise en place du produit XSR sera effectué. L’indice paramétrique utilisé dans la détec-
tion de pluies torrentielles sera calculé sur un historique de 15 ans de précipitations en
Jamaïque, et une courbe de dommage sera construite grâce aux données sur les dégâts
historiques. Dans un second temps, nous tenterons de construire une modélisation statis-
tique de l’indice paramétrique. En dernier lieu, nous analyserons de manière prospective
le produit XSR en calculant sa prime. Le modèle XSR sera confronté à des sensibilités
afin de rendre compte de ses limites. Enfin, nous verrons comment la réassurance et la
titrisation sur les marchés financiers permettent au CCRIF de couvrir les risques liés au
produit XSR.
Première partie
Etat des lieux et produit XSR
3
Chapitre 1
Présentation générale des concepts
1.1 Les catastrophes naturelles en Jamaïque
Une catastrophe naturelle est un événement d’origine naturelle, subi et brutal, qui
a en général des conséquences désastreuses sur le plan environnemental, humain et éco-
nomique. Selon le rapport sigma 2014 de Swiss Re 1, les catastrophes naturelles en 2013
ont engendré 140 milliards de dollars de pertes économiques, ont coûté 37 milliards de
dollars aux assureurs et ont fait plus de 26 000 morts. Les événements extrêmes ont
d’autant plus de conséquences graves que les biens et les personnes sont concentrés sur
des zones à risque. Deux phénomènes conjugués entrainent une augmentation des pertes
économiques et humaines :
— Le changement climatique lié à l’activité humaine augmentant la fréquence et
l’intensité des événements extrêmes
— L’urbanisation croissante et la concentration des populations et des richesses dans
des zones exposées à ces événements extrêmes.
Les Caraïbes sont l’une des régions les plus touchées par les catastrophes naturelles dans
le monde. Depuis le début des années 70, les ouragans y ont coûté au moins 9,5 milliards
de dollars américains. En moyenne, un ouragan ou un tremblement de terre affecte un à
trois pays des Caraïbes chaque année. En 2004, la région a connu une série d’ouragans
désastreux. L’ouragan Ivan a été le plus dévastateur avec des pertes économiques s’élevant
à 200% du PIB sur l’île de la Grenade.
A cause de sa localisation et de sa géographie, l’île de la Jamaïque est exposée à plu-
sieurs risques naturels. Les principales menaces sont des glissements de terrains, des
1. Source : http://media.swissre.com/documents/sigma1_2014_fr.pdf
4
Chapitre 1. Présentation générale des concepts 5
ouragans, des inondations, des sécheresses et des tremblements de terre. Ces risques na-
turels combinés à une forte vulnérabilité au sol peuvent avoir des conséquences humaines
et économiques importantes.
La Jamaïque a connu ces trente dernières années une augmentation de la fréquence des
événements naturels qui la touche, dont principalement des inondations causées par des
tempêtes tropicales et des ouragans. Une dizaine d’événements violents ont eu lieu entre
1998 et 2012 notamment des ouragans, des tempêtes tropicales et des pluies torrentielles.
A titre d’exemple, l’ouragan Ivan en septembre 2004 a engendré 37 milliards de dollars
Jamaïcain de pertes économiques, soit 8% du PIB du pays (cf. tableau 1.1).
Catastrophe naturelle Année Catégorie 2 Coût(M JMD 3)
Impact(%PIB)
Ouragan Michelle 2001 4 2.52 0.8Pluies torrentiells de Mai/Juin 2002 - 2.47 0.02Ouragan Charley 2004 4 0.44 0.8Ouragan Ivan 2004 3 36.9 8.0Ouragan Dennis & Emily 2005 4 5.98 1.2Ouragan Wilma 2005 5 2.6 0.7Ouragan Dean 2007 4 23.8 3.4Tempête tropicale Gustav 2008 - 15.5 2.0Tempête tropicale 2010 - 20.6 1.9
Table 1.1: Sélection de catastrophes naturelles en Jamaïque avec leur impact écono-mique
1.2 Le Caribbean Catastrophe Risk Insurance Facility
Les petits Etats insulaires ont des difficultés à absorber l’impact financier des dé-
sastres décrits plus haut. En effet, leur capacité budgétaire limitée les empêche d’établir
des réserves financières suffisantes et l’inter-financement régional est impossible en rai-
son de leur petite taille et de leur diversité économique. Après une catastrophe, le niveau
élevé de dette limite l’accès au crédit. De même, l’accès à l’assurance catastrophe est
difficile en raison des coûts de transaction élevés résultant d’une faible activité de ce
marché aux Caraïbes.
Le Caribbean Catastrophe Risk Insurance Facility (CCRIF) est le premier pool d’assu-
rance multi-pays crée dans le monde à adosser un mécanisme d’assurance paramétrique
2. La catégorie des ouragans (de 1 à 5) est établie selon l’échelle de Saffir-Simpson à partir de lavitesse des vents. A titre d’exemple, la catégorie 4 correspond à des vents soutenus entre 210 et 240km/h.
3. Milliards de dollars Jamaïcain (JMD). 1,00 USD ≈ 100 JMD en 2014.
Chapitre 1. Présentation générale des concepts 6
soutenu à la fois par les marchés traditionnels et de capitaux. Il s’agit d’un fonds régional
pour les gouvernements des Caraïbes visant à limiter l’impact financier des ouragans et
des tremblements de terres dévastateurs en fournissant rapidement des liquidités lors-
qu’une police est déclenchée. Le CCRIF a été développé grâce à un financement du gou-
vernement japonais et a été capitalisé à l’aide des contributions à un fond de coopération
technique par la Banque Mondiale, le gouvernement du Canada, l’Union Européenne, les
gouvernements du Royaume-Uni et de France, la Banque de développement des Caraïbes
et les gouvernements d’Irlande et des Bermudes.
Seize gouvernements sont actuellement membres de la structure à but non lucratif qu’est
le CCRIF : Anguilla, Antigua et Barbuda, les Bahamas, Barbade, Belize, Bermudes, les
îles Caïmans, la Dominique, Grenade, Haïti, la Jamaïque, Saint-Kittset Nevis, Sainte-
Lucie, Saint-Vincent, l’île de la Trinité et les îles Turques et Caïques. Ces pays mutua-
lisent leur risque via la structure du CCRIF qui constitue un intermédiaire entre ces pays
et les marchés internationaux de la réassurance. En effet, les gouvernements souscripteurs
mutualisent leur risque dans un fonds commun pour accéder à une aide budgétaire dont
nous étudierons le mécanisme dans la troisième partie du mémoire.
Figure 1.1: Structure du CCRIF
Le CCRIF permet d’atténuer les problèmes de flux de trésorerie des petites économies
en développement après avoir subi des catastrophes naturelles. A court terme, il est in-
dispensable de trouver la liquidité nécessaire au maintien des services gouvernementaux
(ex : assurer la sécurité dans le pays, envoyer des secours sur les zones touchées, . . . )
jusqu’à ce que des ressources supplémentaires soient disponibles. Le CCRIF constitue
donc un moyen pour combler l’écart entre une réponse immédiate et des besoins de fi-
nancement à plus long terme.
Chapitre 1. Présentation générale des concepts 7
Depuis son lancement en 2007, le CCRIF a réalisé 8 paiements totalisant près de 32
millions de dollars à 7 gouvernements. Tous les paiements ont été effectués dans les 14
jours après le déclenchement d’un événement extrême. Ces indemnités sont résumées
dans le tableau ci-dessous :
Evénement Pays affecté Indemnités (US$)Séisme, 29 Novembre 2007 Dominique 528,021Séisme, 29 Novembre 2007 Saint Lucia 418,976
Tempête Tropicale Ike, Septembre 2008 ÎlesTurques-et-Caïques 6,303,913
Séisme, 11 Janvier 2010 Haïti 7,753,579Tempête Tropicale Earl, Août 2010 Anguilla 4,282,733Tempête Tropicale Tomas, Octobre 2010 Barbades 8,560,247Tempête Tropicale Tomas, Octobre 2010 Saint Lucia 3,241,613
Tempête Tropicale Tomas, Octobre 2010 St Vincent & lesGrenades 1,090,388
Total pour la période 2007-2011 US$ 32,179,470
Table 1.2: Indemnités versées aux états fondateurs du CCRIF depuis 2007
1.3 L’assurance paramétrique
1.3.1 Généralités
Comme énoncé précédemment, le CCRIF est le premier fonds multi-pays a adossé
un mécanisme d’assurance paramétrique. Contrairement à une assurance traditionnelle
qui reverse des indemnités en fonction des dégâts réels constatés au sol, l’assurance pa-
ramétrique se base sur la mesure d’un indice spécifique pour établir le montant des
indemnités. En général, la police d’assurance se déclenche lorsqu’un événement prédé-
fini dans le contrat survient. Cet événement concerne le plus souvent des catastrophes
naturelles comme par exemple le dépassement d’un seuil de vent maximal sur une zone
géographique donnée et sur une période donnée. Ce principe peut être aussi appliqué à
l’assurance agricole comme par exemple le niveau de pluie en dessous d’un seuil lors d’un
épisode de sécheresse [15]. Cela permet à des petits agriculteurs de se protéger contre les
pertes engendrées par la destruction de leur récolte.
Un des points positifs de ce type d’assurance concerne la rapidité des paiements. A titre
d’exemple, le CCRIF garantit un délai maximal de 2 semaines entre la survenance d’un
événement et son indémnisation. Dans le cas de l’assurance indemnitaire classique, le
délai peut aller jusqu’à 2 ans avant que la totalité des dégâts ne soit évaluée. L’assurance
Chapitre 1. Présentation générale des concepts 8
classique est adaptée à des risques de faible intensité et/ou de faible fréquence comme
l’assurance automobile, mais semble moins appropriée aux risques rares et extrêmes que
constituent les ouragans ou les pluies torrentielles.
Par rapport à une assurance classique, le principal avantage de l’assurance paramétrique
repose sur l’absence d’asymétrie d’information. En effet, l’assureur et l’assuré disposent
de la même information donnée par la mesure d’une variable météorologique. Dans le cas
de l’assurance agricole classique, l’asymétrie d’information entraîne à la fois un phéno-
mène d’aléa moral (les agriculteurs savent qu’ils seront indemnisés en cas de mauvaises
récoltent donc prennent plus de risques) et un phénomène d’anti-sélection (les « mauvais
» agriculteurs ont plus intérêt à s’assurer contre le risque de mauvaise récolte que les «
bons »). L’assurance paramétrique permet alors la transparence de l’indemnisation grâce
à la mesure d’un indice géré par un organisme indépendant de la compagnie d’assurance,
ce qui réduit les phénomènes liés à l’asymétrie d’information.
En revanche, il est possible que la variable mesurée ne reflète pas totalement les dé-
gâts réels. Le risque de base est alors défini comme la différence entre le coût économique
des dégâts réels au sol et l’indemnisation apportée par l’assurance paramétrique. Il est
cependant à noter que la transparence pour l’investisseur, que ce soit au niveau de la
réassurance ou de la titrisation, est bien meilleure pour l’assurance paramétrique que
pour l’assurance classique car l’anti-sélection et l’aléa moral sont fortement réduits.
Figure 1.2: Risques de base et Transparence selon le type d’investisseur 4
4. Source : http://antoine.leblois.free.fr/Revue_fr.pdf
Chapitre 1. Présentation générale des concepts 9
1.3.2 Présentation d’un produit d’assurance paramétrique : la couver-ture contre les ouragans
Le CCRIF offre exclusivement trois types de produit paramétrique :
— Une couverture contre les ouragans utilisant comme indice la vitesse du vent
— Une couverture contre les tremblements de terre utilisant comme indice la magni-
tude sur l’échelle de Richter
— Plus récemment, une couverture face aux pluies torrentielles ou Excess of Rainfall
(XSR) dont l’indice paramétrique est construit grâce aux précipitations agrégées
sur différentes zones géographiques.
Le produit de couverture des pluies torrentielles étant très similaire à celui des ouragans,
nous nous sommes intéressés au mécanisme du dernier, celui-ci ayant fait l’objet d’un
mémoire d’actuariat dans les années précédentes [7].
Le CCRIF propose une couverture paramétrique face aux ouragans par le biais d’un
indice lié au vent. Dans l’idéal, cet indice doit refléter les dégâts réels causés par l’évé-
nement assuré. Il est donc important d’établir au préalable la fonction de dommage qui
relie les pertes économiques réelles aux indices paramétriques mesurés lors des différents
événements.
Figure 1.3: Fonction de dommage
Les vitesses maximales des vents sont enregistrées sur plusieurs zones géographiques
pendant l’ouragan, ce qui permet le calcul de l’indice paramétrique. L’agrégation des
informations locales dans l’indice paramétrique permet de réduire le risque de base par
rapport à un indice qui prendrait en compte uniquement la vitesse moyenne des vents sur
le pays. L’indice paramétrique du produit contre les ouragans est donné par la formule
Chapitre 1. Présentation générale des concepts 10
ci-dessous :
Iévénement = α∑n
i=1wi ×max(vi − vseuil, 0)β
où
n nombre de stations de mesure
vi vitesse maximale du vent enregistrée dans la station
de référence de la zone
wi poids de la région i (∑n
i=1wi = 1)
α et β paramètres d’échelle
Les paramètres sont propres à chacun des 16 pays membres du CCRIF. Les pondérations
wi sont censées refléter l’importance économique de la zone géographique concernée et
traduisent leur exposition au risque d’ouragans. De plus, l’indice ne prend en compte que
les vitesses supérieures à un seuil vseuil prédéfini dans le contrat (ex : 22.5 m/s pour la
Jamaïque). Si N ouragans surviennent au cours de l’année, l’indice annuel des pertes est
défini par :
I =N∑k=1
Iévénement k
Une fois la fonction de dommage établie, le montant d’indemnité dû au pays est déter-
miné par la fonction de paiement définie dans le contrat. Cette fonction relie l’indice
paramétrique au paiement effectué par le CCRIF au pays souscripteur. Si l’indice an-
nuel I est inférieur à une borne inférieure appelée Attachment Point, le pays ne reçoit
aucune indemnité. Dans le cas où l’indice est supérieur à une borne supérieure appelée
Exhaustion Point, le pays reçoit comme indemnité le montant limite de couverture ap-
pelé Coverage Limit. L’introduction d’un paiement limite permet de caper les indices qui
seraient trop extrêmes afin de pouvoir tarifier le contrat. Enfin, le montant de l’indem-
nisation est proportionnel à l’indice paramétrique si ce dernier se situe entre les deux
bornes Attachment et Exhaustion. La fonction de paiement s’écrit :
Paiement =
0 si I < Attach.
I−Attach.Exhaustion−Attach. × Coverage Limit si Attach. < I < Exhaustion
Coverage Limit si Exhaustion < I
La représentation graphique de la fonction de paiement est donnée comme suit :
Chapitre 1. Présentation générale des concepts 11
Figure 1.4: Fonction de paiement
En général, les points Attachment et Exhaustion sont déterminés comme des quantiles
bien précis de la distribution de probabilité de l’indice I. Le montant Coverage Limit
peut être déduit grâce à la fonction de dommage, ou bien simplement être décidé par le
pays souscripteur.
La prime pure annuelle du contrat est définie comme l’espérance mathématique des
paiements versés au pays :
Prime Pure = E[Paiements]
L’aléa repose sur l’indice paramétrique qui dépend lui-même des vitesses des vents re-
levées sur les régions de mesure. Pour calculer la prime du produit, il est nécessaire de
connaître la distribution de probabilité du vent. La tarification se base sur la simulation
de cet indice avec des techniques de type Monte-Carlo dont nous verrons l’application
dans le troisième chapitre du mémoire.
Chapitre 2
Le produit XSR
Depuis 2008, le CCRIF s’est engagé dans le développement d’un produit d’assurance
pour faire face aux excès de pluie dans la région des Caraïbes. Cela a constitué une
réponse directe à l’intérêt manifesté par les pays membres et les actionnaires du CCRIF.
Le but d’un tel produit est de couvrir les inondations catastrophiques, c’est-à-dire les
pertes relatives à des pluies extrêmes de courte durée à savoir quelques jours. Ce produit,
nommé Excess of Rainfall ou XSR, a été développé à l’aide de l’expertise de Swiss Re
notamment sur la modélisation des catastrophes naturelles. Le produit XSR est construit
à l’aide de l’estimation paramétrique de l’impact de fortes pluies en utilisant les inputs
propres à un pays suivant :
— Précipitations mesurées par satellite. Il s’agit d’une part des données histo-
riques pour estimer les distributions de probabilités nécessaires à la tarification
du contrat, et d’autre part des données en temps réel pour calculer l’indice para-
métrique servant au paiement
— Exposition des différentes zones géographiques au risque de pluie. Les valeurs
d’exposition sont calculées et fournies par le CCRIF
— Vulnérabilité en ajustant une courbe empirique aux pertes historiques.
Malgré des recherches débutées en 2010, le produit XSR n’a pu être lancé qu’en 2013
à cause de la complexité de son développement. En effet, la pluie est l’un des aléas
climatiques les plus difficiles à modéliser et il n’y a pas de consensus scientifique quant
à la méthodologie à appliquer. Nous verrons plus en détails cette problématique dans le
second chapitre du mémoire.
12
Chapitre 2. Le produit XSR 13
2.1 Description du produit
2.1.1 La nécessité d’un produit XSR dans la région des Caraïbes
Une étude sur l’adaptation des économies au changement climatique menée par le
CCRIF en 2012 a révélé que les risques naturels pourraient augmenter les pertes prévues
de 1 à 3% du PIB de l’ensemble des pays des Caraïbes d’ici 2030. D’après ce rapport,
le changement climatique aura un impact indéniable sur l’augmentation du niveau de
la mer, de l’intensité des ouragans, des précipitations et des températures. L’étude a en
outre montré que de nombreuses mesures d’adaptation comme l’atténuation et le trans-
fert des risques sont disponibles pour répondre à la menace croissante du changement
climatique. En fonction des caractéristiques de chaque pays, ces mesures permettraient
d’éviter jusqu’à 90% de la perte attendue en 2030 dans un scénario catastrophique. Les
mesures de transfert de risque ou d’assurance jouent également un rôle clé dans la lutte
contre les conséquences financières de ces événements météorologiques et en particu-
lier sur les phénomènes hydrométéorologiques. Alors que la couverture d’assurance du
CCRIF a été extrêmement bénéfique dans le cas des ouragans et des tremblements de
terre, les gouvernements membres du CCRIF et certains pays non-membres (par exemple
la Guyane) ont encore une exposition significative aux inondations. Un questionnaire des
membres du CCRIF entrepris par la Banque mondiale en 2010 avait révélé que 94% des
répondants estiment que les risques de pluies torrentielles devraient être couverts. Ceci
explique le lancement du produit XSR par le CCRIF.
2.1.2 Le développement du produit : une collaboration entre le CCRIFet Swiss Re
Comme indiqué précédemment, le modèle du XSR a été développé après que les
membres du CCRIF et les intervenants avaient exprimé un vif intérêt pour l’achat de
couverture contre les pluies torrentielles. Entre 2009 et 2010, le CCRIF a retenu les ser-
vices de l’Institut de météorologie et d’hydrologie des Caraïbes (CIMH) et de Kinetic
Analysis Corporation (KAC) pour développer un modèle de simulation de précipitations.
Lors d’un examen approfondi de ce modèle, le CCRIF a jugé que le modèle CIMH / KAC
nécessitait d’autres tests avant de pouvoir être utilisé.
C’est à la suite de ce développement que le CCRIF a commencé en 2011 une collabora-
tion avec Swiss Re, réassureur mondial de premier plan, afin de développer un produit
Chapitre 2. Le produit XSR 14
paramétrique de couverture des pluies torrentielles. Grâce à l’expertise technique com-
binée du CCRIF et de Swiss Re, et en s’appuyant sur des données publiques, le CCRIF
est maintenant en mesure d’offrir un contrat d’assurance à ses membres.
2.1.3 Le modèle XSR du CCRIF et de Swiss Re
Le modèle XSR du CCRIF-Swiss Re se base sur les données de la mission de mesure
des précipitations tropicales (TRMM). Le TRMM est une initiative de recherche entre-
prise par la NASA et par l’agence d’exploration spatiale Japonaise (JAXA). Il fournit
une estimation satellitaire précise et en temps réel des pluies agrégées sur des cellules
géographiques de 625 km2 toutes les 3 heures.
La carte de la Jamaïque est divisée en 28 cellules géographiques. Un taux d’exposi-
tion au risque, qui traduit la propension de la zone à être impactée économiquement lors
de fortes pluies, est fourni sur chacune des 28 zones. La répartition est la suivante :
Figure 2.1: Répartition des 28 cellules géographiques sur la Jamaïque
Les données de précipitation journalière sont disponibles sur chacune de ces cellules 1.
Nous allons voir comment le modèle XSR utilise ces données pour calculer l’indice para-
métrique en question.
1. Les valeurs d’exposition sont données en annexe D.
Chapitre 2. Le produit XSR 15
2.2 Méthodologie de calcul de l’indice paramétrique relatif
au produit XSR en Jamaïque
Dans le contrat XSR proposé par le CCRIF, un évènement extrême ainsi que son
indice paramétrique associé sont définis selon les 4 étapes suivantes :
1) Sur chacune des 28 cellules géographiques de la Jamaïque, le cumul des 5 derniers
jours de pluie est calculé jour après jour (c.f figure 2.2)
Figure 2.2: Agrégation des pluies journalières sur 5 jours
Un événement local est déclenché lorsque ces précipitations agrégées sur 5 jours 2
dépassent 250 mm. L’événement se termine lorsque le cumul des pluies sur 5 jours
redescend en-dessous de ce seuil (cf. figure 2.3)
Figure 2.3: Détection des événements extrêmes locaux
2) Sur chacun des événements locaux détectés, seul le pic des pluies agrégées sur 5 jours
est utilisé pour calculer un indice de perte via une courbe de vulnérabilité qui relie
la quantité de pluie à un taux de vulnérabilité. 3
3) Le pourcentage d’exposition de la cellule géographique est appliqué au taux de vul-
nérabilité de chaque événement local afin de donner l’indice de perte de la cellule sur
l’événement local.2. On définit les prépcipitations agrégées 5 jours comme la somme des précipitations journalières sur
les 5 jours antérieurs.3. L’information sur cette fonction de vulnérabilité ne nous a pas été communiquée et nous tenterons
de remédier à ce problème ultérieurement.
Chapitre 2. Le produit XSR 16
Figure 2.4: Détection des événements extrêmes nationaux à partir des événements lo-caux
4) Pour calculer l’indice de perte national, les 28 indices de pertes locaux sont addition-
nés jour par jour. Au niveau national, un événement est défini comme une période
continue où l’indice de perte local est positif dans au moins une des 28 cellules.
Les indices locaux sont strictement positifs uniquement les jours où le pic de pluie est
atteint lors d’un événement de pluie intense. Par convention, l’indice est nul le reste du
temps. Dans l’exemple de la figure 2.4, trois événements au niveau national sont détectés.
Pour le premier événement, l’indice national correspond à la somme des trois indices
locaux. L’indemnité reversée au pays est calculée en fonction des indices nationaux via
la fonction de paiement 1.4.
2.3 Comparaison avec le produit Ouragan
Ce produit se distingue du produit contre les ouragans dans la mesure où les précipi-
tations sont enregistrées en temps réel 24h/24h et pas seulement lors des épisodes d’ou-
ragans ou de tempêtes tropicales. La problématique de tarification est donc différente.
Dans le cas du produit Ouragan, la prévision du nombre moyen d’Ouragan est fonda-
mentale car les vents n’y sont mesurés que dans ce cas. De plus, il est en théorie possible
que le produit XSR déclenche plusieurs événements locaux espacés dans le temps, donc
plusieurs événements nationaux lors d’une même tempête. Ce n’est donc pas forcément le
nombre d’événements nationaux qui est important mais plutôt le nombre d’événements
Chapitre 2. Le produit XSR 17
locaux. En écrivant l’indice national comme somme d’indices locaux I =∑28
i=1 Icellule i
le second chapitre du mémoire consistera à modéliser la dynamique des indices locaux
Icellule i afin de déduire l’indice national.
Par ailleurs, le contrat stipule que la couverture peut être offerte sur base événementielle
Figure 2.5: Deux cas de configuration possibles lors d’un épisode de pluies extrêmes
ou annuelle. La définition de la fonction de paiement et de son indice est importante dans
la tarification du contrat. En effet, les deux cas de configuration de pluie possibles sont
représentés dans la figure 2.5.
Dans le cas d’une fonction de paiement à base événementielle, le CCRIF doit indem-
niser la Jamaïque à chaque détection d’événements nationaux :
1. Dans le scénario 1, un seul indice est calculé en prenant en compte les 2 pics de
pluies locaux : I = Icellule i + Icellule j
2. Dans le scénario 2, deux indices sont calculés sur les deux jours Icellule i et Icellule j.
En accord avec la fonction de paiement de la figure 1.4, le CCRIF devrait payer un
montant probable plus important dans le scénario 1 que dans le scénario 2 alors que les
deux sont engendrés par le même épisode de pluie torrentielle, ce qui peut correspondre
à une limite du produit XSR.
Chapitre 2. Le produit XSR 18
2.4 Présensation des données
2.4.1 Données Pluviométrique
Nous avons à notre disposition les données de précipitation journalière en milimètre
de la Jamaïque de 1998 jusqu’en 2013. Il s’agit des données satellitaires en temps réel col-
lectées par la Tropical Rainfall Measurement Mission (TRMM). Les précipitations sont
estimées sur 28 noeuds satellitaires équidistants d’environ 25 km. Les 28 cellules d’obser-
vation associées aux 28 points d’observation recouvrent entièrement la Jamaïque (cf. 2.1).
Le choix des données satellitaires de la TRMM au détriment d’autres sources mesu-
rées sur place, même si ces dernières sont en général plus précises, s’explique par le souci
de consistence des données à travers la région des Caraïbes. De plus, la TRMM fournit
un degré d’indépendance important étant donné qu’elle prend ses sources directement
de la NASA.
i. Profil pluviométrique de la Jamaïque
La Jamaïque possède un climat tropical humide, marqué principalement par deux
périodes : une période pluvieuse entre Mai et Décembre et une période plus calme et
sèche de Janvier à Avril. Cette bi-saisonnalité est largement observée sur nos cellules
d’observation (figure 2.6 ) :
2 4 6 8 10 12
5010
015
020
025
0
month
x
Figure 2.6: Moyenne des précipitations mensuelles (en mm) depuis 15 ans
— De Décembre à Avril : la précipitation mensuelle est en dessous de 100 mm.
Chapitre 2. Le produit XSR 19
— De Mai à Novembre : la précipitation est au dessus de 100 mm. Il est également
à noter que la saison des cyclones est en général de Juin à Novembre.
On observe que les précipitations sont au-dessus des 200 mm pour les mois de Mai,
Septembre, Octobre, Novembre.
ii. Profil pluviométrique d’une cellule de la TRMM
Dans ce paragraphe, on s’intéresse à la précipitation journalière sur une cellule d’ob-
servation TRMM. Pour cela, on a décidé de regarder arbitrairement la cellule 20 qui
inclut l’agglomération de Kingston, Portmore et Spanish Town, où l’on peut trouver la
plus forte concentration de population et de richesse du pays.
a. Précipitations journalières – Figure 2.7.
Le profil pluviométrique jounalier de cette région peut être décrit comme suivant :
— La moyenne des précipitations journalières est de 11.4 mm. Cependant, 75% des
précipitations journalières sont inférieures à 21,83 mm donc il s’agit d’une distri-
bution très concentrée sur les petites valeurs.
— La bi-saisonnalité est bien présente dans cette région : une période pluvieuse entre
Mai et Novembre et une période plus sèche de Décembre à Avril.
— La précipitation maximale est de 303 mm, atteinte lors du passage de l’ouragan
Gustave en Jamaïque le 29 Août 2008.
Histogram of Rainfall
Rainfall
Fre
quen
cy
0 50 100 150 200 250 300
010
020
030
040
0
(a) Histogramme de précipitation journalière
2 4 6 8 10 12
5015
025
0
month
x
(b) Précipitation mensuelle
Figure 2.7: Précipitation d’une cellule TRMM de Jamaique
b. Précipitations agrégées – Figure 2.8.
On a vu que dans la construction de l’indice paramétrique, le CCRIF utilise les pré-
cipitations aggrégées 5 jours. Il est donc naturel de s’intéresser à cette distribution.
La forme de la distribution des précipitations 5 jours est similaire à celle des précipi-
tations journalières. En agrégant les pluies, on remarque que la queue de distribution
Chapitre 2. Le produit XSR 20
Histogram of 5 days Rainfall
Rainfall.5days
Fre
quen
cy
0 100 200 300 400 500
010
030
050
0Figure 2.8: Précipitation 5 jours aggrégés en Jamaique
semble plus épaisse que pour les pluies journalières. Ceci peut s’expliquer par la per-
sistance des pluies lors des pluies torrentielles.
2.4.2 Exposition
Le CCRIF possède une base de données d’exposition, le Multi-Risk Estimation Sys-
tem (MPRES), qui permet d’estimer les expositions aux pertes sur un pays membre à une
résolution de 1km2. Les exposition se basent sur des statistiques économiques, démogra-
phiques et les données de type "Remote Sensing" 4. La base de données a été construite
afin de pouvoir fournir une estimation convenable des pertes sur les actifs corporels dues
aux castastrophes hydrométéorologiques et géophysiques. Les données d’exposition sur
la Jamaïque dont nous diposons sont générées à partir de données internes datant de
2010. La Jamaïque est scindée en 12990 cellules de 1km2. La répartition des expositions
sur ces cellules est représentée dans la figure 2.9.
Figure 2.9: Répartition des expositions
4. système de détection spatiale à distance
Chapitre 2. Le produit XSR 21
Il est faciclement observable que les zones à exposition faible correspondent soit aux
zones inhabitées, soit des zones montagneuses à l’intérieur du pays. On remarque aussi
que les zones à exposition importante se trouvent sur le littoral de la Jamaïque et que les
zones à exposition les plus importantes correspondent à des villes ayant plus de 40.000
habitants : Kingston, Spanish Town, Portmore et Montegro Bay.
Par souci d’homogéneïté avec les données pluviométriques, nous avons regroupé les expo-
sitions niveau cellules CCRIF (12990 cellules) en expositions niveau TRMM (28 cellules).
Chapitre 3
Calcul des indices et construction de
la courbe de dommage
Dans cette partie, nous nous proposons d’appliquer la méthodologie utilisée par le
CCRIF sur les données dont nous avons à disposition, à savoir :
— L’historique des précipitations journalières de 1998 à 2013 sur les 28 cellules géo-
graphiques de la Jamaïque
— Les taux d’exposition au risque de pluie torrentielle pour ces 28 cellules
— Les montants globaux des pertes engendrées par les ouragans et les tempêtes
tropicales sur les 15 dernières années en Jamaïque
3.1 Détection des événements et calcul des indices
3.1.1 Evénements locaux
La première étape consiste à agréger les pluies, c’est-à-dire à cumuler les précipita-
tions sur les 4 jours précédents inclus la date de mesure. A l’issue de ce calcul, nous
disposons de 28 séries de pluies correspondant au 28 zones de la Jamaïque sur lesquelles
nous allons détecter les événements de pluies extrêmes définis par le CCRIF 1.
Entre 1998 et juin 2013, il y a eu exactement 200 pluies torrentielles locales extrêmes ce
1. Pour rappel, un événement local extrême débute lorsque les précipitations agrégées dépassent leseuil de 250 mm et se termine lorsqu’elles redeviennent inférieures à ce seuil.
22
Chapitre 3. Calcul des indices et construction de la courbe de dommage 23
qui représente en moyenne 13 événements locaux par an. Par ailleurs, le nombre d’évé-
nements diminue en fonction du seuil choisi (250 mm pour le CCRIF) comme le montre
la figure 3.1.
200 300 400 500
010
020
030
040
050
060
0
Seuil en mm
Nom
bre
d'év
énem
ents
loca
ux
Figure 3.1: Evolution du nombre d’événements détectés en fonction du seuil de préci-pitation
Répartition géographique Il peut être intéressant d’étudier la répartition géogra-
phique de l’occurrence de ces événements. La figure 3.2 retrace le nombre d’événements
locaux qui se sont produits les 15 dernières années par cellule géographique.
Figure 3.2: Répartition géographique des événements extrêmes en Jamaïque
Chapitre 3. Calcul des indices et construction de la courbe de dommage 24
La première chose à noter est que l’Est de l’île est plus touché par les pluies torrentielles.
Ceci aura un impact non négligeable sur la tarification du contrat car le tiers des ri-
chesses de l’île est concentré sur la région de la capitale Kingston (cellules 20, 21, 23 et
24 cf. 2.1). De même, 40% de l’exposition totale au risque est concentrée sur les zones
surlignées en rouge sur la carte précédente qui correspondent à plus de 10 événements
détectés sur les 15 dernières années.
Il est à noter que la durée moyenne d’un événement est de 3,5 jours. Sur les 15 der-
nières années, un seul événement a duré 6 jours sur la région de Kingston le 1er octobre
2010 et représente le 3ème indice le plus élevé.
Répartition annuelle La répartition annuelle des indices locaux est donnée via l’his-
togramme 3.3.
Figure 3.3: Répartition des événements extrêmes par mois
Aucun événement n’est détecté pendant les mois de Janvier à Avril et pendant le mois de
Juillet. Aussi, les pluies torrentielles ont lieu principalement en Mai, Septembre et Oc-
tobre. Cela concorde avec la saison des pluies décrite plus haut dans la partie descriptive
de la pluviométrie en Jamaïque.
Indice paramétrique local Une fois que les événements locaux ont été détectés sur
les 15 dernières années, nous calculons les indices associés. Pour rappel, le calcul de
l’indice local se base seulement sur le pic de pluie journalière de l’événement considéré. La
fonction de vulnérabilité permet de relier ce pic de pluie au pourcentage de vulnérabilité
de la zone touchée. Cette information nous étant inconnue pour le moment, nous avons
calculé les indices locaux sur base de la fonction de vulnérabilité de la figure 3.4.
Cette fonction a volontairement été choisie positive à partir de 250 mm : à tous les évé-
nements détectés sera reversée une indemnité. La vulnérabilité de 100% signifierait que
Chapitre 3. Calcul des indices et construction de la courbe de dommage 25
Figure 3.4: Fonction de vulnérabilité pour le calcul des indices locaux
le territoire de la cellule concernée serait entièrement détruit. Nous avons arbitrairement
choisi le niveau de 800 mm de pluie pour atteindre ce seuil. Nous reviendrons sur le choix
de la forme de la fonction de vulnérabilité dans le paragraphe suivant. Dans tous les cas,
cela n’a aucun impact sur la détection des événements de pluies extrêmes 2.
Les 6 indices les plus élevés sont sur les cellules 20 et 21 correspondant à la région
de Kingston. Les dates des événements sous-jacents sont le 25 Mai 2005 3, le 30 Août
2008 4 et le 1er Octobre 2010 5. Entre 1998 et 2012, les événements extrêmes n’ont pas
été distribués de manière uniforme comme le montre la figure 3.5.
Figure 3.5: Répartition annuelle des événements extrêmes
D’après l’histogramme 3.5, aucune pluie torrentielle n’a eu lieu en 1998 et en 2006. En
revanche, l’année 2002 a été particulièrement intense. La Jamaïque a connu des épisodes
de pluies torrentielles intenses les mois de Mai et de Juin 2002 et ceux sur une grande
partie de l’île (24/28 cellules ont été impactées). De plus, nous pouvons remarquer que les
pluies ne sont pas distribuées identiquement tous les ans. Par souci de simplification, nous
considérerons toutefois dans la partie modélisation du mémoire que les pluies suivent des
cycles saisonniers qui se répètent tous les ans. En d’autres termes, nous négligeons par
la suite l’effet d’un changement climatique potentiel sur les précipitations en Jamaïque.
2. Nous verrons dans le chapitre 3 que le taux de vulnérabilité maximal n’influence pas le calcul dela prime. Le taux à 100 % est choisi arbitrairement.
3. pluie torrentielle recensée sur le site internet de l’institut d’hydrologie des Caraïbes4. tempête tropicale Gustav5. tempête tropicale Nicole
Chapitre 3. Calcul des indices et construction de la courbe de dommage 26
3.1.2 Evénements nationaux
Une fois les indices locaux calculés, il est possible de déduire d’une part les dates
des événements nationaux et d’autre part les indices nationaux associés. Un événement
national se définit comme une succession continue d’événements locaux.
Toujours entre 1998 et 2012, les 200 événements locaux s’agrègent en 29 événements
nationaux. La liste des 29 indices nationaux est donnée dans l’annexe A.
Figure 3.6: Répartition dans le temps des événements extrêmes nationaux
L’histogramme 3.6 s’interprète de la même façon que la répartition des indices locaux
par années :
— Il y a au moins 1 événement tous les ans à l’exception de 1998 et de 2006
— L’année 2002 est la plus touchée avec 5 événements
Enfin, nous pouvons nous demander si les catastrophes naturelles en Jamaïque entre
1998 et 2012 décrites à travers le tableau 3.1 ont été détectées comme des événements
de pluie torrentielle via l’indice utilisé par le CCRIF. Nous comparons ainsi les dates des
événements nationaux de pluies extrêmes avec les dates des catastrophes naturelles :
Catastrophe naturelle Année Début Fin Détecté 6
Ouragan Michelle 2001 28/10/2001 05/11/2001 OuiPluies torrentiells de Mai/Juin 2002 22/05/2002 02/06/2002 OuiOuragan Ivan 2004 10/09/2004 12/09/2004 OuiOuragan Dennis & Emily 2005 18/07/2005 05/08/2005 NonOuragan Wilma 2005 13/10/2005 19/10/2005 OuiOuragan Dean 2007 19/08/2007 20/08/2007 NonTempête tropicale Gustav 2008 28/08/2008 29/08/2008 OuiTempête tropicale Nicole 2010 26/09/2010 01/10/2010 OuiOuragan Sandy 2012 23/10/2012 25/10/2012 Non
Table 3.1: Détection des catastrophes naturelles par l’indice CCRIF entre 1998 et 2012
6. Au niveau national selon l’indice XSR.
Chapitre 3. Calcul des indices et construction de la courbe de dommage 27
Sur les 9 catastrophes naturelles, trois ne sont pas détectées par les événements natio-
naux au sens du CCRIF. Une pluie torrentielle est tout de même détectée une semaine
avant l’ouragan Dean sur l’Est de l’île le 12 août 2007. Les ouragans peuvent en effet
être précédés de fortes précipitations. De même, il a extrêmement plu 3 semaines avant
l’ouragan Sandy sur les pointes Est et Ouest de l’île. Enfin, les ouragans Dennis et Emily
n’ont pas été détectés. La raison possible est que les ouragans sont généralement accom-
pagnés à la fois de forts vents et de pluies, contrairement aux tempêtes tropicales qui se
caractérisent par de fortes pluies.
3.2 Choix de la fonction de vulnérabilité
Une des étapes du processus de calcul de l’indice paramétrique consiste à relier le
pic de pluie à un taux de perte plus communément appelé taux de vulnérabilité. Cette
fonction est définie par le CCRIF mais ne nous a pas été communiquée. Nous considérons
qu’elle est identique sur toutes les cellules.
Cette fonction traduit les dégâts occasionnés par un événement local dont on connait
le pic de pluie journalière. Nous avons calculé l’indice via une fonction linéaire du type
de la fonction utilisée pour le calcul de nos indices locaux (cf. figure 3.7).
Figure 3.7: Fonction de vulnérabilité simple
— Choix de A : Nous avons vu que dans le contrat XSR, une pluie torrentielle
est détectée lorsque le pic de pluies agrégées 5 jours dépasse 250 mm. Il est donc
logique de choisir A = 250 mm de façon à ce qu’un indice local strictement positif
définisse un événement local.
— Choix de B : Nous avons observé sur l’historique de 15 ans que le pic maximal
des pluies agrégées est de 623 mm. Nous pensons qu’il est judicieux de choisir
Chapitre 3. Calcul des indices et construction de la courbe de dommage 28
un paramètre B supérieur à cette valeur. En effet, ce paramètre traduit un effet
de saturation des dégâts. A ce stade, nous choisissons B=800 mm. Nous verrons
dans le troisième chapitre que la prime est peu sensible à la valeur B.
— Choix de C : Pour l’instant, nous prenons la valeur C = 100 % ( destruction
totale à partir du seuil de saturation B). Nous verrons que nous pourrons choi-
sir C selon la fonction de dommage historique mais que ce paramètre n’aura pas
d’influence dans le calcul de la prime.
3.3 Construction d’une courbe de dommage
Un produit d’assurance paramétrique a pour objectif d’indemniser un pays dans les
plus brefs délais suite à la survenance d’un événement naturel extrême. Dans le cas du
produit XSR, l’indice de pluie agrégé sur 5 jours doit refléter les dégâts probables sur
chacune des régions de la Jamaïque. Pour réduire le risque de base de non adéquation
de l’indice avec les dégâts, il est important de pouvoir relier les indices détectés lors des
15 dernières années avec les dégâts réels, ces derniers nous étant inconnus.
En revanche, nous avons à notre disposition les rapports sur l’impact socio-économique
et environnemental des principales catastrophes naturelles ayant touché la Jamaïque ces
15 dernières années (cf. [14], tableaux 1.1 et 1.2). Ces rapports ont été rédigés en grande
partie par l’Institut de planification de la Jamaïque, mission gouvernementale rattachée
au ministère des finances, et par le comité de coopération et de développement des Ca-
raïbes. La première chose à noter est que les dommages ne sont connus qu’au niveau de
l’île entière et non par région. Dans ces rapports, les dommages liés aux catastrophes
naturelles sont catégorisés de la façon suivante :
— Impacts sociaux : destruction partielle ou totale de maisons et d’écoles
— Impacts sanitaires : destruction partielle ou totale d’infrastructures médicales,
pertes de fournitures et d’équipements, besoin en médicaments pour les popula-
tions touchées, propagation de maladies telle que la dengue
— Impacts productifs : pertes agricoles (submersion des cultures et perte de bétails),
déclin du tourisme
— Impacts sur les infrastructures : routes détruites ou impraticables, endommage-
ment des conduits d’eau et d’électricité, télécommunications interrompues
— Impact environnemental :érosion du sol, destruction d’arbres.
Chapitre 3. Calcul des indices et construction de la courbe de dommage 29
Pour construire une courbe de dommage, nous relevons les pertes totales directes dans
chacun des rapports et les relions aux événements extrêmes potentiellement détectés par
l’indice national XSR du CCRIF. Sur les 9 catastrophes naturelles, seules 6 d’entre elles
ont été détectées par l’indice XSR. Il est donc difficile d’analyser une courbe à 6 points,
mais c’est la seule information dont nous disposons. Il serait dangereux de vouloir simuler
des pertes dans le but d’avoir plus de points car la courbe de dommage est censée relier
les indices aux pertes historiques. De plus, nous avons pris en compte l’inflation afin de
comparer les montants de perte car le dollar Jamaïcain est 3 fois plus élevé en 2012 qu’en
1999.
La courbe de dommage devrait être construite grâce aux points précédents de la façon
schématique suivante :
Figure 3.8: Construction de la courbe de dommage à partir des pertes historiques
Les bornes Attachment et Exhaustion doivent soit être définies comme des quantiles pré-
cis de la distribution de l’indice national, soit être fixées par le pays lui-même. Dans le
cas où les bornes sont des quantiles, le montant limite de couverture (cf. fonction de
paiement 1.4) peut être déduit de la courbe de dommage comme l’écart entre les dégâts
correspondant aux points Attachment et Exhaustion. Dans le cas où la Jamaïque choisit
les bornes, la limite de couverture doit aussi être donnée par le pays.
Les dégâts sont en général beaucoup plus importants lors des ouragans que pour les
tempêtes tropicales car la force du vent est le facteur principal de destruction des in-
frastructures. L’indice XSR ne détectant que les pluies torrentielles, il est important de
connaître la partie des dégâts liés aux pluies dans les dégâts totaux. C’est pour cela que
nous avons ajusté les dégâts recensés dans les rapports aux données de vent. Pour cela,
nous avons utilisé le modèle de K. Emanuel dans le mémoire sur le produit Ouragan [7].
Ce dernier modèle estime la proportion de dommage liée à la force du vent lors d’un épi-
sode catastrophique. Le pourcentage de destruction p est défini de la manière suivante :
Chapitre 3. Calcul des indices et construction de la courbe de dommage 30
p = v3/(1 + v3) où v représente la vitesse maximale agrégée du vent lors d’un événement
extrême. A titre d’exemple, 80% des dégâts occasionés par l’Ouragan Ivan proviendrait
de la force du vent selon le modèle.
Après avoir isolé les dégâts liés à la pluie 7, les dommages par la pluie sont représen-
tés dans la figure 3.9. La première chose à noter est que le montant des dommages est
0 5 10 15 20 25
34
56
7
Courbe de dommage
Indice national XSR
Dom
mag
es e
n m
illia
rds
J$
Figure 3.9: Courbe de dommage en fonction de l’indice national XSR
croissant avec l’indice national, à l’exception des inondations de mai 2002 qui constitue
un indice élevé mais des dégâts moindre (2,47 milliards de dollars Jamaïcain) par rap-
port aux autres catastrophes naturelles. Il serait cependant imprudent d’émettre toute
hypothèse sur la forme de la fonction de dommage car nous ne pouvons pas juger sur
6 historiques de pertes. De plus, n’ayant pas les pertes historiques pour les 29 indices
nationaux calculés les 15 dernières années, il est probable que les 6 points constituent
la partie haute de la fonction de dommage. Il y a donc un problème de troncature à
gauche : seuls les dégâts des catastrophes naturelles majeurs sont observés.
7. Nous faisons l’hypothèse que les dégâts proviennent principalement du vent et de la pluie.
Conclusion de la première partie
Nous avons utilisé le maximum d’information dont nous avions à disposition pour
calculer les indices nationaux du produit XSR. La courbe de vulnérabilité ne nous ayant
pas été communiquée par le CCRIF, nous avons décidé de rester sur une forme linéaire
simple. De même, la construction de la fonction de dommage s’est avérée délicate dans
le sens où les données sur les dégâts historiques sont manquantes. Mais la détermination
de ces deux dernières courbes ne constitue pas un point crucial dans la tarification du
contrat. En effet, les paramètres de ces fonctions sont déterminés dès la signature du
contrat et peuvent être demandés explicitement par la Jamaïque. La pluie est le facteur
qui constitue la variable aléatoire du contrat, et c’est elle que nous allons tenter de
modéliser dans la seconde partie du mémoire.
31
Deuxième partie
Modélisation statistique de l’indice
paramétrique
32
Modélisation statistique de l’indice
paramétrique
Après avoir identifié les événements locaux et nationaux sur les 15 dernières années,
le problème essentiel consiste à trouver la prime du produit XSR, c’est-à-dire le coût ac-
tuariel qu’engendre une couverture contre les pluies torrentielles en Jamaïque. Le profil
de risque de la Jamaïque est donné par les expositions sur les 28 zones géographiques,
la courbe de vulnérabilité à la pluie et les précipitations. Pour tarifier correctement le
contrat XSR, il est nécessaire de comprendre le comportement des pluies. Cette partie
consiste à modéliser au plus juste les précipitations afin d’anticiper les indemnités re-
versées probables et donc la prime du contrat. La première étape consiste à modéliser
les pluies journalières afin d’en déduire les pluies agrégées sur 5 jours puis les indices
locaux. Nous verrons les limites de cette méthodologie et tenterons de modéliser dans
une seconde étape les pics journaliers sur chacune des cellules de façon indépendante par
la théorie des valeurs extrêmes. Enfin, nous tenterons de modéliser la dépendance des
pics de pluie entre cellules afin d’obtenir la dynamique de l’indice national.
33
Chapitre 4
Modélisation de la pluie journalière
en Jamaïque
Pour rappel, l’indice d’un événement local est calculé à partir du pic des pluies agré-
gées sur 5 jours. Le niveau de modélisation de l’indice local « le plus fin » repose sur
la modélisation des précipitations journalières. En effet, les pluies agrégées 5 jours puis
les indices locaux sont déduits une fois que le comportement des pluies journalières est
caractérisé. Afin de prendre en compte la saisonnalité des pluies, nous considérons dans
cette partie que les précipitations suivent des rythmes mensuels qui se répètent tous les
ans sur chacune des régions de la Jamaïque. En d’autre termes, la variable aléatoire «
pluie journalière » est homogène donc identiquement distribuée par cellules et par mois.
Il est vrai que nous avions recensé certaines années plus pluvieuses que d’autres mais il
est difficile d’établir des cycles annuels sur un historique de 15 ans. La littérature sur les
générateurs de pluie au pas de temps journalier étant très vaste, nous avons décidé de
nous concentrer sur deux appoches : les processus de Bartlett-Lewis et la modélisation
par Chaîne de Markov (cf. thèse de A.Muller [10]). Les deux types de modèles combinent
un processus d’occurrence des jours de pluie avec un modèle d’intensité de pluie pour
modéliser la quantité précipitée dans l’événement.
4.1 Processus de Bartlett-Lewis
4.1.1 Méthodologie
Le modèle de Bartlett-Lewis est basé sur des processus d’agrégation qui sont des
combinaisons de plusieurs processus stochastiques. Neyman et Scott furent les premiers
34
Chapitre 4. Modélisation de la pluie journalière en Jamaïque 35
à utiliser ce type de processus en 1958 pour traiter de façon probabiliste la représenta-
tion des galaxies dans l’univers. Dans le cas des pluies journalières, les trois processus
modélisés sont respectivement la date de début d’un événement pluvieux, la durée de
l’événement pluvieux et l’intensité des pluies journalières lors de l’événement. Le modèle
se résume de la façon suivante :
— Les dates de début d’un événement pluvieux suivent un processus de Poisson
homogène sur chaque cellule et chaque moi. En d’autre termes, les temps d’inter-
arrivées des dates de début de pluie suivent une loi exponentielle d’intensité
constante (cf. Rappel sur les processus de Poisson en annexe C.1).
— La durée d’un événement pluvieux suit une loi exponentielle
— A chaque date d’un événement pluvieux, l’intensité des précipitations suit une loi
exponentielle ou autre à définir.
— Si deux événements pluvieux se chevauchent, à savoir qu’un événement pluvieux
finit après que le suivant a commencé dans le modèle, alors les intensités journa-
lières s’additionnent.
Le modèle est résumé sur la partie gauche de la figure 4.1.
Figure 4.1: Principe des modèles basés sur un processus d’agrégation
4.1.2 Application aux précipitations journalières
La première limite du modèle concerne la continuité du processus de pluie par rapport
au temps. Le modèle suppose que les espacements entre les dates de début de pluie ainsi
Chapitre 4. Modélisation de la pluie journalière en Jamaïque 36
que la durée des pluies sont continues alors que nos données ne peuvent fournir que des
temps discrets (1 jour, 2 jours, 3 jours, . . . ).
Durées des événements pluvieux en Mai à Kingston
Durée en jours
Fré
quen
ce
1 2 3 4 5 6 7
010
2030
4050
60
Figure 4.2: Histogramme de durée de pluie à Kingston
A titre d’exemple, soit D la variable aléatoire correspondant à la durée des pluies dans
le modèle. Seule la variable durée est observée. Dans le cas d’un modèle exponentiel, le
passage du monde discret au monde continu s’écrit de la façon suivante :
P(durée = n jours) = P(n− 1 < D < n)
=
∫ n
n−1λe−λxdx
= e−λn(1− e−λ)
Ce qui correspond à une loi géométrique de paramètre θ = 1− e−λ. Ceci permet d’intro-
duire la seconde limite des modèles exponentiels pour les durées des événements pluvieux.
En effet, les jours pluvieux de durée 1 jour sont bien plus nombreux que la proportion
théorique donnée par une loi géométrique. A titre d’exemple, la répartition des durées
des événements pluvieux en Mai à Kingston (cellule 20) sur 15 ans est représentée dans
la figure 4.2.
Après avoir calculé la log-vraisemblance du modèle, l’estimateur du maximum de vrai-
semblance de θ est donné par θ =(1 + d
)−1 avec d la moyenne des durées des événements
pluvieux. Les distributions empirique et théorique de la durée de pluie sont affichées dans
la figure 4.3 (pour une durée allant de 1 à 7 jours en Mai à Kingston).
La figure 4.3 montre que aussi que les durées de pluies journalières mesurées sont plus
importantes que les durées de pluies journalières théoriques issues d’une loi géométrique.
Un test d’adéquation du χ2 entre la distribution théorique, de loi géométrique de para-
mètre θ, et la distribution empirique des durées pluvieuses est effectué sur le mois de Mai
Chapitre 4. Modélisation de la pluie journalière en Jamaïque 37
Figure 4.3: Comparaison des effectifs théorique et empirique des durée des événementspluvieux
à Kingston 1. La statistique de test du χ2 est de 21,53. Par ailleurs, le quantile d’ordre
99,5% d’une loi de la loi du χ2 à 7 − 1 = 6 degrés de liberté est de 11,07. Le test du
χ2 est donc rejeté (p-value < 0, 1%) et le modèle exponentiel n’est pas forcément le plus
adapté aux données journalières.
Dans la même idée, il est possible de tester si les dates de début d’événement pluvieux
suivent un processus de Poisson. Pour ce faire, nous pouvons effectuer un test d’adé-
quation à une loi exponentielle des temps d’inter-arrivées des dates de commencement
de pluie. Le processus étant supposé homogène par mois et par cellules, l’analyse se fait
toujours sur le mois de Mai dans la cellule correspondant à Kingston (c.f. figure 4.4).
Temps d'attente entre les premiers jours de pluies en Main à Kingston
Temps d'inter−arrivée des jours pluvieux
Fré
quen
ce
2 4 6 8 10 12 14 16
010
2030
40
Figure 4.4: Temps d’inter-arrivées des jours pluvieux
La structure des données impose que le temps d’attente entre deux dates de début de
période pluvieuse soit au moins de 2 jours. Si X correspond aux temps d’inter-arrivées,
1. Il est préférable de faire un test du χ2 plutôt qu’un test d’adéquation de Kolmogorov-Smirnov carnous avons des observations discrètes.
Chapitre 4. Modélisation de la pluie journalière en Jamaïque 38
il est judicieux de tester l’adéquation de la variable X − 2 ou encore X|X > 2 à une loi
exponentielle. Un test d’adéquation du χ2 est réalisé. La p-value est inférieure à 10−6 et
le test est fortement rejeté. La modélisation par un processus de Poisson homogène par
mois et par cellule n’est pas adaptée à nos données.
Enfin, nous étudions la distribution des pluies sur le mois de Mai à Kingston. Cette
fois-ci, nous disposons d’une distribution continue et pouvons dès lors effectuer un test
d’adéquation de Kolmogorov-Smirnov. Le processus d’intensité étant issu de l’agrégation
de plusieurs processus d’intensité exponentiel, nous pouvons tester l’adéquation à une
loi Gamma 2. Pour ce faire, il faut au préalable estimer les deux paramètres de la loi
Gamma. Nous choisissons la méthode des moments car les paramètres s’écrivent facile-
ment en fonction de la moyenne et de la variance empirique des pluies journalières. En
effet, si X ∼ Γ(a, b) et si m1 = E[X] et m2 = E[X2], alors a =m2
1
m2−m21et b =
m2−m21
m1.
Les estimateurs a et b sont calculés à partir des moments empiriques d’ordre 1 et 2. La
p-value du test de Kolmogorov-Smirnov étant 25,2%, nous acceptons l’hypothèse nulle
c’est-à-dire l’adéquation de l’échatillon à une loi Gamma. A supposer que les pluies jour-
nalières sont indépendantes, la loi Gamma semble adaptée à leur dynamique comme le
montre la courbe bleue représentant la loi Gamma théorique estimée sur les pluies de
Mai à Kingston (cf. figure 4.5).
Intensité des pluies journalières en Mai à Kingston
Intensité des pluies journalières en mm
Fré
quen
ce
0 20 40 60 80 100
020
4060
80
Figure 4.5: Interpolation de la pluie journalière par la loi Gamma
2. La loi Gamma(n,b) peut être vue comme une somme de n lois exponentielles indépendantes deparamètre b
Chapitre 4. Modélisation de la pluie journalière en Jamaïque 39
En résumé, le modèle des pluies journalières de Bartlett-Lewis semble compromis. En
effet, les distributions des temps d’inter-arrivées des pluies et des durées des événements
pluvieux ne répondent pas aux hypothèses de base du modèle. Il serait toutefois possible
d’estimer des lois discrètes pondérées par les probabilités historiques afin de pouvoir
simuler des pluies dans le futur. Cela constituerait cependant un sur-apprentissage de
notre base de données, ce qui est à éviter. En revanche, nous avons vu que l’intensité de la
pluie journalières pouvait se modéliser comme une loi Gamma. Dans la suite, nous allons
garder ce modèle de loi simple pour l’intensité des pluies. Nous préférons simuler les
occurrences des événements pluvieux par un modèle d’occurrence des pluies plus simple
comme le modèle de chaîne de Markov.
4.2 Modélisation par chaîne de Markov
4.2.1 Occurence des pluies
Nous pouvons voir le processus d’occurrence des jours de pluie comme une chaîne
de Markov à deux états : le jour j est soit sec soit pluvieux. La modélisation se fait
toujours par cellule et par mois. Les chaînes de Markov modélisées sont d’ordre 1 et les
probabilités de transition sont les suivantes :p0−→1 = P
[jouri+1 = pluvieux | jouri = sec
]p0−→0 = 1− p0−→1p1−→0 = P
[jouri+1 = sec | jouri = pluvieux
]p1−→1 = 1− p1−→0
(4.1)
En tout état de cause, cette modélisation implique que l’état du jour suivant ne dépend
que de l’état du jour actuel et non de tout l’historique des jours de pluie. Selon (Buishand,
1978), (Guttorp, 1995), (Racsko et al., 1991) et (Wilks,1999), cette mémoire courte a pour
conséquence de sous-estimer les durées des événements pluvieux. Cependant, l’ordre 1
reste beaucoup plus simple à implémenter que des ordres plus élevés dont nous ferons
allusion plus tard.
Pour caractériser l’occurrence des pluies, il suffit d’estimer les probabilités p0−→1 et
p1−→0 par mois et par cellule. La probabilité p1−→1 est censée refléter la persistance d’un
événement pluvieux : lorsqu’il pleut aujourd’hui, quelle est la probabilité qu’il pleuve
demain ? Intuitivement, une probabilité de transition p1−→1 élevée devrait traduire des
durées de pluie plus importantes. Les probabilités p1−→1 sont calculées par mois et par
cellule, ce qui représente 12 × 28 = 336 points. Les durées moyennes des événements
Chapitre 4. Modélisation de la pluie journalière en Jamaïque 40
Figure 4.6: Probabilités de transition et états de la Chaîne de Markov
pluvieux sur les 336 classes sont calculées et représentées en fonction de la probabilité
de transition.
Une fois que les probabilités sont estimées, nous pouvons simuler des événements pluvieux
sur les 28 cellules géographiques. Il suffit de simuler les états jour après jour sur chaque
cellule. L’état initial de chaque mois est tiré selon une loi de Bernouilli dont la probabilité
traduit la fréquence historique des jours pluvieux. Ces simulations sont effectuées un
grand nombre de fois sur les 15 prochaines années. Une fois que les jours pluvieux sont
simulés, nous avons comparé les durées moyennes des pluies historiques et simulées sur
les 15 prochaines années dans la figure 4.7.
0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8
23
45
6
Durée des évenements pluvieux en fonction de p(1,1)
Probabilité p(1−>1)
Dur
ée m
oyen
ne d
e pl
uie
HistoriqueSimulation
Figure 4.7: Durée des événements en fonction de p1−→1
La première chose réconfortante est que la durée moyenne des pluies calculée par mois et
par cellules est croissante avec la probabilité de rester dans un état pluvieux p1−→1. Pour
information, les probabilités élevées (supérieures à 0,7) correspondent bien aux cellules
et aux mois dans lesquelles il pleut le plus. De plus, la durée des pluies simulées sur les
Chapitre 4. Modélisation de la pluie journalière en Jamaïque 41
15 prochaines années suit la même dynamique que la durée des pluies historiques. Les
durées des pluies simulées semblent plus volatiles car le graphique correspond à un seul
jeu de simulation sur 15 ans. Le nuage de point se recentre lorsque l’on fait la moyenne
des durées sur toutes les simulations. En conclusion, le modèle de Markov ne semble pas
sous-estimer les durées de pluie sur nos données.
4.2.2 Intensité : modélisation par loi Gamma et Weibull
Dans le modèle de Bartlett-Lewis utilisé précédemment, les intensités des pluies jour-
nalières des jours de pluie pendant le mois de Mai à Kingston sont modélisées par des
lois Gamma et le test d’adéquation de Kolmogorov-Smirnov nous amène à accepter l’hy-
pothèse nulle. Nous testons sur les 28 cellules et les 12 mois si l’adéquation des intensités
à une loi Gamma est toujours satisfaisante. Si l’on fixe un seuil de risque à 5%, les p-
values qui sont inférieures à ce seuil nous inciterons à rejeter l’hypothèse soutenant que
les intensités suivent une loi Gamma. Sur les 28 cellules et 12 mois testés, 22% des tests
d’adéquation sont négatifs. Le pourcentage de tests acceptés sur les 28 cellules est donné
par mois dans le tableau ci-dessous :
Janvier Février Mars Avril Mai Juin82% 96% 93% 96% 68% 94%
Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre68% 82% 57% 89% 71% 61%
Table 4.1: Pourcentage de cellules dont les précipitations suivent des lois Gamma viale test de Kolmogorov-Smirnov
Les lois Gamma semblent être adéquates pour décrire les distributions des pluies lors des
mois de Janvier à Avril que pour le reste de l’année. Or nous savons que les événements
extrêmes ont lieu plutôt entre Mai et Décembre lors des 15 dernières années. Nous at-
tachons donc plus d’importance aux tests de cette période. De même, la fréquence des
pluies torrentielles était plus importante dans l’Est de l’île correspondant aux cellules 20
à 28. Parmi ces dernières cellules, seule la cellule 21 (nord de Kingston) a un pourcentage
d’acceptation de 100% des tests d’adéquation sur les 12 mois. Dans les autres cellules, on
a en moyenne 4 mois dont les pluies ne peuvent être modélisées par des lois Gamma. En
effet, les pluies intenses surviennent plus fréquemment que ce qu’un modèle de Gamma
prédit.
Un papier sur l’évaluation de la densité de probabilité des précipitations dans le Pacifique
Est 3 décrit comme modèle potentiel une loi de Weibull. En effet, les distributions de
Weibull ont de bonnes propriétés incluant l’inversibilité, l’intégrabilité et des moments
3. Source : http://and.lternet.edu/lter/pubs/pdf/pub2272.pdf
Chapitre 4. Modélisation de la pluie journalière en Jamaïque 42
Pluies journalières en Juillet au nord de Kingston
Intensité en mm
Fré
quen
ce
0 20 40 60 80 100 120 140
020
4060
8010
0
− loi de Weibull
Figure 4.8: Pluie journalière en Jullet au nord Kingston
qui sont semblables. A titre d’exemple, le modèle de Weibull a été utilisé par Selker et
Haith pour prédire les précipitations journalières dans l’Est des Etats-Unis en 1990. Le
nombre de paramètres d’une loi de Weibull à estimer est de 2. Nous allons estimer ces
paramètres sur les 28 cellules et les 12 mois afin de tester l’adéquation des pluies à une
loi de Weibull. Le pourcentage de tests acceptés sur les 28 cellules est donné par mois
dans le tableau ci-dessous :
Janvier Février Mars Avril Mai Juin96% 100% 100% 100% 100% 86%
Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre96% 100% 100% 100% 100% 93%
Table 4.2: Pourcentage de cellules dont les précipitations suivent des lois Weibull viale test de Kolmogorov-Smirnov
La calibration des intensités journalières des jours de pluie est nettement améliorée par le
modèle de Weibull. L’intensité des pluies journalières dans le nord de Kingston en Juillet
et sa distribution de Weibull sont représentées dans l’histogramme de la figure 4.8.
En conclusion, nous choisissons dans la suite de modéliser les intensités journalières par
des lois de Weibull.
4.2.3 Application à la simulation des pluies journalières
Après avoir calibré le modèle de chaîne de Markov sur les occurrences des jours
pluvieux et le modèle de Weibull sur les intensités des jours pluvieux, nous combinons
Chapitre 4. Modélisation de la pluie journalière en Jamaïque 43
les deux approches pour simuler les pluies dans les 15 prochaines années. L’idée est
toujours de dire que l’évolution des pluies futures se base sur la calibration d’un modèle
sur les données passées. Nous décidons de réaliser 100 simulations du processus de pluie
journalière car chacune d’entre elle est couteuse en temps. Sur chacune des simulations,
nous agrégeons les pluies simulées sur 5 jours et détectons les événements extrêmes locaux
potentiels.
En moyenne sur les 100 simulations, 40 événements sont détectés entre 2013 et 2028. Pour
rappel, 200 événements avaient été détectés entre 1998 et 2012. Nous pouvons affirmer
que ce modèle sous-estime le nombre de pluies torrentielles lors des prochaines années.
Il est toutefois intéressant de regarder de plus près la répartition des événements locaux
détectés par mois et par cellules :
Répartition des événements locaux par mois
Mois (1 à 12)
Fré
quen
ce
4 6 8 10 12
040
010
00
Répartition des événements locaux par cellules
Cellules (1 à 28)
Fré
quen
ce
0 5 10 15 20 25
040
010
00
Figure 4.9: Répartition des événements simulées
La proportion des événements simulés par mois est semblable à la répartition observée
sur les 15 dernières années. Sur les 3988 événements locaux détectés, 1 seul est en Mars et
10 sont en Avril. La grande majorité se concentre dans les saisons des pluies, c’est-à-dire
principalement en Mai, Septembre et Octobre et très peu en Juillet (pas d’événements
détectés entre 1998 et 2012). Aussi, la répartition spatiale est cohérente avec l’historique
des pluies torrentielles sur l’île. Pour rappel, l’Est de l’île (à partir de la cellule 20) était et
reste la zone la plus touché par des pluies extrêmes de plus de 250 mm sur 5 jours. En soit,
la répartition spatio-temporelle est satisfaisante mais le nombre d’événement détecté ne
l’est pas. De plus, le pic de pluie des événements extrêmes locaux est en moyenne de 300
mm sur les 100 simulations contre 330 mm sur l’historique des 200 événements locaux.
Le modèle combiné de Chaîne de Markov et de Weilbull a donc tendance à sous-estimer
Chapitre 4. Modélisation de la pluie journalière en Jamaïque 44
l’intensité des pluies torrentielles. A l’issu de cette modélisation, nous pouvons établir
plusieurs critiques :
— La modélisation par chaîne de Markov à deux états sec et pluvieux peut pa-
raître trop simpliste. En effet, la distribution des jours pluvieux est par hypothèse
la même lors d’un jour pluvieux quelconque ou lors d’un ouragan. Ceci a pour
conséquence de sous estimer les fortes pluies. Pour remédier à ce problème, il se-
rait possible de construire une chaîne de Markov à trois états : sec, pluvieux léger
et pluvieux fort. Il serait cependant opérationnellement plus délicat à définir les
probabilités de transition entre les deux états pluvieux, et nous préférons nous
concentrer sur la distribution des valeurs extrêmes dans la seconde partie.
— Les précipitations journalières ne sont en général pas indépendantes. En effet, il
est beaucoup plus probable qu’un épisode de pluie dure et soit intense lorsqu’a lieu
un événement climatique extrême comme une tempête tropicale. Mais nous avons
vu que la durée des événements n’étaient globalement pas modifiée (cf. figure 4.7).
— Il vaut mieux modéliser directement les valeurs extrêmes pour ne pas sous-estimer
le nombre d’événements locaux.
En conclusion, nous préférons nous pencher sur la modélisation des indices locaux grâce
à la théorie des valeurs extrêmes.
Chapitre 5
Modélisation des extrêmes univariés
Dans la partie précédente, nous avons vu que la modélisation journalière simple des
pluies ne suffisait pas pour modéliser les indices paramétriques. Pour rappel, le contrat
XSR se déclenche uniquement quand les pluies agrégées 5 jours dépassent un certain
seuil. Cela nous fait penser à l’approche de dépassement de seuil dont la modélisation est
possible grâce à la théorie des valeurs extrêmes. C’est pourquoi nous allons présenter les
résultats principaux de cette théorie afin de les appliquer à notre problème (c.f S.Coles
[5]).
5.1 Théorie des valeurs extrêmes
5.1.1 Les théorèmes fondamentaux
i. Loi des valeurs extrêmes
Le premier objet d’étude de la théorie des valeurs extrêmes est l’étude du comporte-
ment statistique de
Mn = maxX1, . . . , Xn
où X1, . . . , Xn sont des variables aléatoires indépendantes identiquement distribuées
ayant pour fonction de répartition F . En pratique, les Xi peuvent représenter les va-
leurs d’un processus mesuré à intervalle régulier de façon à ce que Mn représente le
maximum du processus sur n temps d’observation. En théorie, la distribution de Mn
45
Chapitre 5. Modélisation des extrêmes univariés 46
peut être obtenue en fonction de F :
PMn ≤ z = PX1 ≤ z, . . . ,Xn ≤ z
= PX1 ≤ z × · · · × PXn ≤ z
= F (z)n
Cependant, F est en général inconnue. Même s’il est possible d’estimer F , le comporte-
ment de Mn est difficile à prévoir lorsque n tend vers +∞. Le théorème suivant permet
de pallier ce problème lorsque Mn ne dégénère pas.
Théorème 5.1. Supposons qu’il existe deux suite réelles, (an)i=1,...,n et (bn)i=1,...,n, telles
que :
P
(Mn − bn
an≤ z)−→ G(z) lorsque n→∞
où G est une fonction d’une distribution non dégénérée, alors G appartient à la famille
de fonctions suivante :
I. Gumbel : G(z) = exp− exp
[−(z−ba
)],−∞ < z <∞;
II. Fréchet : G(z) =
0, z ≤ bexp−
(z−ba
)−α, z > b;
III. Weibull : G(z) =
exp−[
(z−ba
)−α], z < b
1, z ≥ b;
On dit que F appartient au domaine d’attraction de Fréchet (respectivement de Gumbel
ou de Weibull) lorsque la loi limite des maxima suit une loi de Fréchet (respectivement
de Gumbel ou de Weibull).
Les trois distributions ci-dessus peuvent être regroupées dans une famille plus générale de
distribution, connue sous nom loi d’extremum généralisée Generalized Extremes Values
(GEV) :
G(z) = exp
−[1 + ξ
(z − µσ
)]−1/ξ, où
−∞ < µ <∞
0 < σ
−∞ < ξ <∞(5.1)
Une GEV est définie par trois paramètres suivants :
— µ : le coefficient de position
— σ > 0 : le coefficient de dispersion
Chapitre 5. Modélisation des extrêmes univariés 47
0 200 400 600 800
0.00
00.
002
0.00
40.
006
GEV(ξ)
x
dGE
V
Weibull ξ=−0.5Gumbel ξ=0Frechet ξ=0.5
Figure 5.1: Densité de loi GEV (µ = 80, σ = 70, ξ)
— ξ : le coefficient de forme. Le paramètre ξ, parfois appelé "indice de queue", spé-
cifie le comportement de la distribution dans ses queues.
Distribution GEV (µ,σ,ξ) Valeur de ξ Distribution de queueGumbel ξ = 0 (limit lorsque ε→ 0) IntermédiaireFréchet ξ > 0 EpaisseWeibull ξ < 0 Finie
Table 5.1: Famille de loi GEV
ii. Loi des excès
La deuxième approche de la théorie des valeurs extrêmes est l’étude du comportement
des valeurs observées au-delà d’un seuil.
De manière similaire, si on note F la fonction de distribution commune des n variables
aléaloires i.i.d X1, . . . , Xn alors on a :
PX > u+ y|X > u =1− F (u+ y)
1− F (u), y > 0
Le théorème suivant nous permet d’approximer la loi des excès.
Chapitre 5. Modélisation des extrêmes univariés 48
Théorème 5.2. On suppose que F vérifie les mêmes hypothèses du théorème 5.1, pour
n assez grand :
P (Mn ≤ z) ≈ G(z)
où
G(z) = exp
−[1 + ξ
(z − uσ
)]−1/ξ
pour certain µ, σ > 0, ξ. Alors pour u assez grand, la fonction de répartition de (X − u),
conditionnellement à X > u, est approximativement égalée à :
H(y) = 1−(
1 +ξy
σ
)−1/ξ
(5.2)
définie sur y : y > 0 et (1 + ξy/σ) > 0, où
σ = σ + ξ(u− µ) (5.3)
0 200 400 600 800
0.00
00.
002
0.00
40.
006
GPD(ξ)
x
dGP
D
ξ=−0.8 Pareto II ξ=0 Expξ=0.8 Pareto I
Figure 5.2: Densité de loi GPD (seuil = 80, σ = 150, ξ)
Chapitre 5. Modélisation des extrêmes univariés 49
La famille de distribution définie par l’équation 5.2 est connue sous le nom de famille
de loi de Pareto Généralisée, Generalized Pareto family – GPD qui regroupe les lois sui-
vantes selon le paramètre de forme ξ :
— ξ > 0, il s’agit de la loi de Pareto simple
— ξ < 0, c’est la loi de Pareto de type II
— ξ = 0, loi exponetielle ( limite de H lorsque ξ → 0).
Nous constastons que le théorème 5.2 permet de faire la correspondance entre les lois
GEV et GPD. En effet, le paramètre de forme ξ reste toujours le même. Les lois GPD se
réduisent à deux paramètres σ et ξ , il n’y a plus le terme de localisation µ comme dans
les loi GEV. Toutefois, il existe une relation entre les µ, σ d’une GEV et σ de la GPD
correspondante.
5.1.2 Estimation
Nous nous intéressons à l’estimation des paramètres d’une GPD car la construction
des indices paramétriques repose essentiellement sur le dépassement d’un certain seuil
de précipitation. Par soucis de simplicité, nous supposons dans cette partie que les ob-
servations sont de même loi et indépendantes (i.i.d.).
i. Sélection de seuil
La sélection de seuil peut s’avérer délicate car il faut faire un compromis entre le
biais de modèle et la variance du modèle. En effet, une trop faible valeur de seuil u
peut introduire un biais important dans le modèle tandis qu’un seuil trop élevé génèrera
trop peu d’observations sur lesquelles le modèle peut être estimé, donc une variance trop
forte. La méthode standard consiste à trouver un seuil le plus faible possible qui fournit
toutefois un modèle raisonnable en terme d’approximation. Pour ce faire, il y a deux
étapes : la première est une technique exploratoire à effectuer avant d’estimer le modèle,
la seconde confirme la stabilité des paramètres estimés en se basant sur le calibration de
modèle.
a) Choix à priori
Cette étape se base sur la formule de l’espérance d’une loi Pareto Généralisée. Si l’on
note Y une variable aléatoire suivant une loi de GPD de paramètre (σ, ξ), alors :
E (Y ) =
σ
1−ξ si ξ < 1
∞ si ξ ≥ 1(5.4)
Chapitre 5. Modélisation des extrêmes univariés 50
Supposons qu’une loi GPD soit adaptée au problème de dépassement de seuil u0 d’un
échantillon X1, . . . , Xn dont le terme générique est noté X, alors :
E (X − u0|X > u0) =σu0
1− ξpour ξ < 1 (5.5)
Le modèle doit rester valide pour tout dépassement de seuil u > u0 :
E (X − u|X > u) =σu
1− ξ(5.6)
=σu0 + ξu
1− ξ(5.7)
Donc la moyenne des excès est une fonction linéaire du seuil u. Il suffit donc de tracer(u, 1
nu
∑nui=1
(x(i) − u
)): u < xmax
et de trouver le seuil à partir duquel la courbe
est linéaire.
A titre d’exemple sur la figure 5.3, la moyenne des excès au-delà du seuil est repre-
sentée en fonction de u. On observe que l’information fournie pour les grandes valeurs
de u (au delà de 300 mm) n’est pas très fiable à cause du nombre de données limité
pour les grandes valeurs. Le seuil de 100 mm semble être un bon compromis entre le
nombre d’observations retenues et la linéarité de la fonction "Mean Excess".
100 200 300 400 500
−50
5015
025
0
u
Mea
n E
xces
s
Figure 5.3: Moyenne des dépassements de la précipication agrégée en fonction du seuil
b) Choix de seuil revisité
Chapitre 5. Modélisation des extrêmes univariés 51
Par le théorème 5.2, si une loi GPD est adaptée au problème de dépassement de seuil
u0, alors les excès au delà du u > u0 devraient suivre aussi une loi GPD. Le paramètre
de forme ξ est identique pour les deux distributions. Cependant, le paramètre d’échelle
σ pour les excès au-delà de u > u0 est donné par :
σ(u) = σu0 + ξ(u− u0) (5.8)
σ varie donc linéarement en fonction de u si ξ 6= 0.
ii. Estimation des paramètres
Une fois que le seuil u est selectionné, les paramètres d’une loi GPD(σ, ξ) peuvent
être estimés via la méthode du maximum de vraisemblance.
Soient y = y1, . . . , yk la réalisation de Y = Y1, . . . , Yk qui représente l’échantillon des
excès de seuil u. Deux cas de figures s’écrivent selon la valeur du paramètre de forme ξ :
1. ξ 6= 0
La log-vraisemlance s’écrit :
l(σ, ξ) = −k log(σ)− (1 + 1/ξ)
k∑i=1
log(1 + ξyi/σ) (5.9)
En dérivant la log-vraisemlance par rapport à ξ σ, on obtient :
∂l
∂ξ(σ, ξ) = 0⇐⇒ −1 + 1/ξ
σ
k∑i=1
yi1 + ξyi/σ
− 1/ξ2k∑i=1
log(1 + ξyi/σ) = 0
∂l
∂σ(σ, ξ) = 0⇐⇒ −k
σ− (1 + ξ)
k∑i=1
yi1 + ξyi/σ
= 0
Le système d’équation ci-dessus qui permet de trouver les estimateurs de maximum
de vraisemblance des paramètres ξ et σ peut être résolu via la résolution numérique.
2. ξ = 0
Nous écrivons la log-vraisemblance pour des lois exponetielles :
l(σ) = −k log(σ)− 1
σ
k∑i=1
yi (5.10)
L’annulation de la dérivée par rapport à σ s’écrit :
∂l
∂σ(σ) = 0⇐⇒ −k
σ+
1
σ2
k∑i=1
yi = 0
Chapitre 5. Modélisation des extrêmes univariés 52
L’estimateur du maximum de vraisemblance est donc : σ = 1k
∑ki=1 yi
5.1.3 Problème de dépendance et méthodologie clustering
Rappelons que pour construire notre indice paramétrique, il est nécessaire de calculer
l’agrégation des pluies 5 jours. Si l’hypothèse d’indépendance entre les précipitations
journalières semble acceptable, alors celle sur l’indépendance des précipitations agrégées
ne parait pas être reçevable. Afin de pouvoir travailler sur des séries dépendantes en
théorie des valeurs extrêmes, il est usuel de supposer que les extrêmes sont indépendants
lorsqu’ils dépassent un seuil u assez grand. En d’autres termes, cela revient à supposer
que les événements extrêmes sont suffisament écartés dans le temps pour considérer qu’ils
soient indépendants. Dans l’ouvrage de Coles [5], une méthodologie pour travailler avec
des séries dépendantes est proposée comme suivante :
1. Utiliser une règle empirique de découpage pour définir des clusters d’excès. Les règles
empiriques se basent essentiellement sur l’observation des événements extrêmes. Un
cluster peut être défini comme une période continue de dépassement d’un seuil. Il est
possible d’introduire une contrainte sur l’espacement temporel minimal des clusters
afin de pouvoir considérer les événements indépendants.
2. Identifier la valeur maximale sur chaque cluster.
3. Estimer la loi GPD associée aux maxima des clusters.
Nous allons appliquer cette méthodologie sur les séries de pluies agrégées 5 jours.
5.2 Application aux indices locaux
5.2.1 Principe de modélisation par cellule
Dans cette partie, nous voulons modéliser les indices locaux et considérons que le
contrat XSR offre une couverture uniquement par région. Nous pourrons calculer plus
tard une prime par cellule reflétant la dynamique de chaque indice local.
Un indice local correspond à un dépassement du seuil de 250 mm des pluies agrégées sur
5 jours. C’est pour cela que nous voulons modéliser les dépassements de seuil, c’est-à-dire
la loi de X|X > 250. Pour ce faire, nous allons appliquer les modèles de dépassement de
seuil aux 28 séries de pluies agrégées. Dans le cas où les observations sont indépendantes,
la première étape consiste à sélectionner un seuil u0 pour lequel la modélisation par
loi de Pareto des dépassements X|X > u0 est vraisemblable (cf. sélection de seuil i.).
L’échantillon d’estimation est alors constitué de toutes les précipitations historiques ayant
Chapitre 5. Modélisation des extrêmes univariés 53
dépassé ce seuil. L’hypothèse d’indépendance des observations jours après jours n’est pas
valable car il s’agit de pluies agrégées sur 5 jours. Concrètement, si le cumul des pluies
dépasse 250 mm, il sera probable que le cumul du jour suivant soit élevé voire dépasse
250 mm. Pour cette raison, nous allons appliquer la théorie des dépassements de seuils à
des séries dépendantes.
L’échantillon d’estimation est obtenu par détection des dépassements de seuils, ou autre-
ment dit par technique de « Clustering ». L’idée est de prendre des données suffisamment
espacées dans le temps pour qu’elles soient considérées comme indépendantes les unes
par rapport aux autres. En pratique, les clusters sont définis comme les précipitations
successives dépassant un certain seuil. C’est exactement la façon dont les événements
locaux sont définis avec un seuil de 250 mm selon le CCRIF. Après avoir localisé les
clusters (événements locaux), seuls les maxima (pics de précipitations) sont utilisés dans
l’estimation des paramètres de la loi de dépassement. Le seuil sélectionné u0 est inférieur
à 250 mm pour que l’échantillon d’estimation soit suffisamment grand. Une fois que la
loi (X|X > u0) avec u0 seuil de sélection est connue, il sera possible d’en déduire la loi
de (X|X > 250). En effet, on sait par la formule 5.8 que si (X|X > u0) ∼ GPD(ξ, σ0)
alors (X|X > 250) ∼ GPD(ξ, σ0 + ξ(250− σ0)).
5.2.2 Application à la ville de Kingston
Nous nous proposons de détailler les étapes de la modélisation du dépassement de
seuil pour la cellule 20 correspondant à la ville de Kingston. Pour avoir assez de données,
nous effectuons la modélisation sur l’année et non par mois comme précédemment. Il
sera possible dans un second temps de ne prendre en compte que les saisons des pluies
(Mai et Juillet à Décembre) afin de ne pas sous-estimer le risque couvert lors du calcul
de la prime.
La première étape de la procédure consiste à choisir un seuil u0 < 250 mm qui permet de
définir les clusters ou événements locaux. Pour ce faire, nous affichons les dépassements
moyens résiduels de seuils c’est-à-dire E(X − u|X > u) en fonction de u avec X la série
des pluies agrégées sur 5 jours à Kingston (cellule 20) sur la figure 5.4.
D’après la formule 5.6, l’espérance résiduelle doit être croissante en fonction du seuil u
à partir de u0. Le seuil recherché doit être suffisamment élevé pour ne pas sous estimer
la loi des dépassements. S’il est trop grand, le nombre de données pour l’estimation sera
insuffisant ce qui augmente la variance des estimateurs. D’après la méthodologie utilisée
par Stuart Coles [5], nous choisissons ici un seuil de 94 mm. Pour vérifier que ce seuil n’est
pas aberrant, nous affichons les paramètres d’échelle et de forme modifiés en fonction du
seuil. Ces paramètres devraient être constants au voisinage du seul sélectionné d’après la
Chapitre 5. Modélisation des extrêmes univariés 54
50 100 150 200 250
2040
6080
100
140
Espérance résiduelle des précipitations
Seuil en mm
Dép
asse
men
t de
seui
l en
mm
Seuil sélectionnéSeuil sélectionné : 94 mm
Figure 5.4: Espérance résiduelles des dépassements de seuils des pluies agrégées sur 5jours
50 100 150 200 250 300
−15
000
Threshold
Mod
ified
Sca
le
Paramètre d'échelle modifié en fonction du seuil
50 100 150 200 250 300
03
6
Threshold
Sha
pe
Paramètre de forme en fonction du seuil
Figure 5.5: Paramètres de loi GPD en fonction du seuil
formule 5.8. Ce test visuel sur la figure 5.5 confirme que 94 mm (nous prendrons 100 mm
pour simplifier) est un seuil correct pour modéliser les dépassements de pluies agrégées
sur 5 jours par des lois de Pareto Généralisées. En choisissant le seuil u0 = 100mm, il y a
54 clusters entre 1998 et 2012. A titre d’exemple, la répartition temporelle des 5 clusters
en 2004 est représentée ci-dessous. La dépendance des pluies sur 5 jours, c’est-à-dire la
persistance des pluies torrentielles se traduit par la taille des clusters :
Les 54 données de dépassement maximal constituent l’échantillon d’apprentissage pour
estimer la loi GPD. Les valeurs obtenues pour les paramètres d’échelle et de forme sont
Chapitre 5. Modélisation des extrêmes univariés 55
mai juil. sept. nov.
050
100
150
200
250
Clusters en 2004 à Kingston
date
Inte
nsite
de
plui
e
Figure 5.6: Représentation des clusters / événements locaux pour un seuil de 100 mm
respectivement (σ) = 63, 3 et ξ = 0,2.
Nous voulons tester si ξ est significativement différent de 0 ou non. Pour cela, nous cal-
culons la statistique de Student ξ/SE(ξ) = 0, 2058/0, 2157 = 0, 954. Pour un test de
Student bilatéral de niveau de risque 5% et de 54 − 2 = 52 degrés de liberté, le seuil
limite est de 2,01>0,954. Nous acceptons donc l’hypothèse de nullité du paramètre ξ.
Cela correspond au cas où les dépassements résiduels du seuil 100 mm suivent une loi
exponentielle (la GEV sous-jacente est une loi de Gumbel), qui a une queue de dis-
tribution plus fine qu’une loi de Pareto lorsque ξ>0 (loi GEV de Fréchet). Pour s’en
convaincre, nous avons estimé le paramètre d’échelle (σ2) sous contrainte que ξ soit nulle
et avons trouvé σ2 = 78, 5. En simulant les modèles avec ξ > 0 puis avec ξ = 0, nous
nous rendons compte que les dépassements de seuil extrêmes atteignent des niveau plus
importants lorsque ξ > 0. La formule 5.6 permet de calculer les dépassements moyens
prédits dans les deux cas de figures :
— Si ξ > 0, E(X − 250|X > 250) = σ1+ξ(250−100)
1−ξ= 116 mm
— Si ξ = 0, E(X − 250|X > 250) = σ2 = 78, 5 mm
Le choix du modèle (prendre ξ = 0 ou non) joue un rôle important dans la détection des
événements extrêmes simulés et donc sur le calcul de prime. Nous reviendrons sur cette
Chapitre 5. Modélisation des extrêmes univariés 56
aspect dans la troisième partie de notre mémoire. En admettant que le modèle choisi est
celui estimé lorsque ξ 6= 0 , il est possible d’afficher les densités empiriques et théoriques
de la loi de (X|X > 100mm) ainsi que les niveaux de retour empiriques et prédits par le
modèle :
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
0.0
0.4
0.8
Probability plot
Empirical
Mod
el
−−−−−−−−−−−−−−−−
−−−−−−−−−−−−
−−−−−−−−−−−
−−−−−−−−−−
−−−−−
−−−−−−−−
−−−−−−−−−−
−−−−−−−−−−
−−−−−−−−−−−−
−−−−−−−−−−−−−−
100 200 300 400 500 600
100
300
500
QQ−plot
Model
Em
piric
al
−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−
−−−−−−− − − − −−
−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−−
−−−−−−−−−−−−
−−−−−
−−−
−
−
−
100 200 300 400 500 600
0.00
00.
010
Density Plot
Quantile
Den
sity
100 500 2000 500010
040
0
Return Level Plot
Return Period (Years)
Ret
urn
Leve
l
Figure 5.7: Adéquation des données à la loi GPD
Le Probability Plot affiche la courbe suivante paramétrée par x :(
1n
∑54i=1 1xi≤x, F (x)
)où F est la fonction de répartition de la GPD estimée sur la variable (X|X > 100 mm).
Les deux courbes de significativité enveloppent la courbe paramétrique affichée qui est
bien calibrée aux extrêmes.
Dans le Density Plot, la distribution empirique (X|X > 100 mm) met en exergue une
bosse des événements compris entre 250 et 300 mm. Cependant, si le seuil avait été choisi
à 250 mm, l’échantillon d’estimation aurait été réduit à 12 observations ce que nous
jugeons trop peu pour estimer une GPD dont les estimateurs aient une faible variance.
Enfin, le Return Level Plot indique la fréquence réelle et estimée des niveaux de dépas-
sement du seuil 100 mm des pluies agrégées. Il est à noter que l’abscisse est à échelle
logarithmique. Jusqu’à une période de retour d’environ 1000 ans, la distribution de Pa-
reto calibre bien les retours des données historiques. Au-delà, il est plus difficile d’estimer
des événements qui se produisent une fois tous les 2000 ans par exemple.
5.3 Application aux 28 régions de la Jamaïque
L’estimation des lois GPD a été itérée sur les 28 cellules. Les pluies sont prises sur
toute l’année. La procédure de sélection graphique étant couteuse en temps et difficile
Chapitre 5. Modélisation des extrêmes univariés 57
à automatiser, nous utilisons le seuil de 100 mm correspondant à la cellule de Kingston
pour l’ensemble des cellules. Ainsi, nous estimons 28 × 3 paramètres correspondant à ξ
(forme) et σ1 (échelle) et à σ2 (échelle lorsque ξ = 0). Les résultats avec les niveaux
moyens de dépassement prédits sont donnés en annexe B. Il est à noter que les cellules
11, 18, 19 et 26 ont des coefficients de forme négatifs (loi GEV de Weibull) mais sont
significativement égaux à 0. Dans le cas échéant, nous choisirons une distribution de
Gumbel comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédent.
Chapitre 6
Modélisation des extrêmes
multivariés
Dans le chapitre précédent, nous avons vu comment les dépassements de seuil des
pluies agrégées 5 jours peuvent être modélisés de façon indépendante sur chaque région.
Cependant, il est nécessaire de modéliser la structure de dépendance entre les indices
locaux dans le but d’obtenir la loi de l’indice national. Pour cela, nous allons modéliser
la loi jointe des dépassements des pluies agrégées 5 jours. Cela est possible grâce à l’uti-
lisation des copules qui permettent de modéliser la structure de dépendance de plusieurs
variables aléatoires.
6.1 Théorie des copules
6.1.1 Théorème de Sklar
Définition 6.1. Une copule de dimension m ≥ 2 est une application de Im = [0; 1]m à
valeurs dans I = [0; 1] véfiant les propriétés suivantes :
1. Pour tout u ∈ Im,
C (u) = 0 si au moins une des ses coordonnées est nulle (6.1)
C (u) = uk si toutes les coordonnées de u sont égales à 1 sauf uk (6.2)
2. Pour tout a, b ∈ In tels que a ≤ b,
VC ([a; b]) = ∆bmam∆bm−1
am−1. . .∆b1
a1C(u) ≥ 0 (6.3)
58
Chapitre 6. Modélisation des extrêmes multivariés 59
où ∆bkak
désigne la variation de la fonction C par rapport à la kième composante :
∆bkakC(u) = C(u1, . . . , uk−1, bk, uk+1, . . . , um)− C(u1, . . . , uk−1, ak, uk+1, . . . , um)
Théorème 6.2. Théorème de Sklar en dimension n. Soit H une fonction de répar-
tition de dimension n ayant pour maginales F1, . . . , Fn. Il existe alors une copule C de
dimension n tellle que pour tout x ∈ Rn :
H(x1, x2, . . . , xn) = C(F1(x1), F2(x2), . . . , Fn(xn)) (6.4)
Si F1, . . . , Fn sont toutes continues alors C est définie de manière unique.
Réciproquement, si C est une copule de dimension n et F1, . . . , Fn sont des fonctions de
répartition unidimensionelles alors la fonction H définie par la relation 6.4 est fonction
de répartition d’une distribution de dimension n.
Par le théorème de Sklar 6.2, trouver la loi multivariée de (X1, . . . , Xn) revient à estimer
les lois marginales (F1, . . . , Fn) et se donner une copule. La copule permet en somme de
relier les lois marginales à la loi multivariée en modélisant la structure de dépendance
entre les lois marginales. Dans notre cas, étant donnée que nous disposons déjà des lois
marginales de dépassements sur chaque cellule d’observation, il suffit d’introduire une
copule afin de pouvoir donner la loi multivariée des dépassements.
Il existe une multitude de classes de copules mais nous nous sommes restreints à l’usage
de la copule gaussienne multidimensionnelle car c’est la copule la plus utilisée pour
modéliser . La copule gausienne, malgré ses limites en terme de dépendance de queue,
nous permet de modéliser 27 × 27/2 = 378 relations de dépendance entre les cellules
d’observations.
6.1.2 Copule Gausienne
Définition 6.3. Soit φ la fonction de répartition de loi normale centrée réduite N(0, 1).
Soit ΦΣ la distribution d’un vecteur gaussien centré de matrice de covariance Σ. La
copule gausienne multidimensionnelle, CΓ est définie par :
CΓ(u) = ΦΣ(φ−1(u1), . . . , φ−1(un)) (6.5)
Chapitre 6. Modélisation des extrêmes multivariés 60
La structure de dépendance entre les lois marginales se trouve dans la matrice de cova-
riance. La figure 6.1 donne le nuage de points de la copule gaussienne bivariée en fonction
du paramètre ρ qui est le coefficient de corrélation entre deux marginales. 1
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
u
v
(a) ρ = 0, 2
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
u
v(b) ρ = 0, 5
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
u
v
(c) ρ = 0, 8
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
u
v
(d) ρ = −0, 8
Figure 6.1: Tracé (u,v) de la Copule Gaussienne en fonction de ρ
Une copule gaussienne est donc caractérisée par sa matrice de covariance qui peut être
estimées par les outils de mesures de dépendance suivantes :
Définition 6.4. Tau de Kendall
Soient X, Y deux variables aléatoires réelles, (X1,Y1) et (X2,Y2) deux versions indépen-
dantes et même loi que (X,Y). Le tau de Kendall est défini par :
τ(X,Y ) = P ((X1 −X2)(Y1 − Y2) > 0)− P ((X1 −X2)(Y1 − Y2) < 0) (6.6)
1. Rappelons que dans le cas bivarié, Σ de la définition 6.3 est[
1 ρρ 1
]
Chapitre 6. Modélisation des extrêmes multivariés 61
Le tau de Kendall peut s’interprêter comme la différence entre la probabilité des points
concordants ((X,Y) de même signe) et la probabilité des points discordants ((X,Y) de
signe opposé).
Définition 6.5. Rho de Spearman
Soient X, Y deux variables aléatoires réelles de fontions de répartitions F ,G. Le Rho de
Spearman, ρ(X,Y ) est la corrélation entre F (X) et G(Y ).
ρS(X,Y ) = ρ(F (X), G(Y ))
Proposition 6.6. Soit C une copule de (X,Y ) que l’on suppose gausienne de matrice
covariance
[1 ρ
ρ 1
]où ρ ∈ [−1; 1] alors :
1. τK(X,Y ) = 2π arcsin(ρ)
2. ρS(X,Y ) = 6π arcsin
(ρ2
)La proposition 6.6 va nous permettre d’estimer les paramètres de la copule gaussienne
modélisant la structure de dépendance des pluies extrêmes :
— Soit par la méthode d’inversion du tau de Kendall
— Soit par la méthode d’inversion du rho de Spearman.
D’autres méthodes d’estimation existent pour la copule gaussienne mais étant donnée que
la matrice de covariance à estimer est de dimension trop importante (28×28) dans notre
cas, la méthode d’estimation par maximum de vraisemblance via résolution numérique
n’a pas été retenue pour estimer la matrice de covariance.
6.2 Application à la modélisation de la dépendance des pluies
Dans la partie 5.3, nous avons modélisé les lois marginales des dépassements des pluies
de 5 jours de façon indépendante. Par le théorème de Sklar 6.2, il suffit de modéliser
la structure de dépendance des dépassements via une fonction de copule pour pouvoir
donner la loi multivariée des dépassements des pluies 5 jours. Nous avons décidé de
modéliser la distribution multivariée des dépassements de 100 mm et non de 250 mm.
Cela a pour but d’éviter le problème d’occurence simultannée des événements locaux, ce
qui surestimerait l’indice national. Le choix de 100 mm se justifie par les arguments de
Chapitre 6. Modélisation des extrêmes multivariés 62
la partie 5.3. La fonction de copule choisie est la copule gaussienne dont la matrice de
covariance a été estimée par la méthode d’inversion de taux de Kendall.
Nous avons simulé 10 000 fois la loi multivariée des dépassements des pluies agrégées 5
jours pour obtenir ensuite la distribution simulée de l’indice national. Sachant qu’il y a
en moyenne 2 événements nationaux par an, un événement de période de retour 10 ans
correspond à un événement de période de retour tous les 20 événements.
Période de retour Quantile simulée Indice national1/2 ans 75% 4,941/5 ans 90% 14,231/10 ans 95% 23,651/20 ans 97.5% 34,14
Table 6.1: Quantile et période de retour de l’indice national
Une fois obtenue la distribution de l’indice national par simulation, nous avons décidé
de replacer les indices historiques dans la distribution simulée :
Catastrophe naturelle Année Indice national QuantileOuragan Michelle 2001 0,43 36,23%Pluies torrentiells de Mai/Juin 2002 10,96 86,79%Ouragan Ivan 2004 4,39 73,16%Ouragan Wilma 2005 10,17 85,85%Pluie torrentielle pré Dean 2007 1,62 56,91%Tempête tropicale Gustav 2008 8,26 82,88%Tempête tropicale Nicole 2010 27,98 96,24%
Table 6.2: Répartition des événements extrêmes dans la distribution de l’indice natio-nal simulé
Il est à noter que les événements extrêmes historiques n’appartiennent pas tous à la queue
de distribution de l’indice simulé. Seul un événement extrême historique a une période
de retour au delà des 10 ans : il s’agit de la tempête tropicale Nicole en 2010. On voit
qu’il y a aussi des événements historiques dont la période de retour est très faible, par
exemple le quantile associé à l’ouragan Michelle qui est seulement d’odre 36 %.
Conclusion de la deuxième partie
En modélisant les pluies journalières, nous nous sommes rendu compte que le nombre
d’événements extrêmes ainsi que leurs pics étaieant sous-estimés. Pour remédier à ce
problème, nous avons directement modélisé les dépassements du seuil des pluies agrégées
grâce à la théorie des valeurs extrêmes. Cette modélisation donne lieu à la distribution
des indices locaux mais ne prend pas en compte leur dépendance, et c’est pour cela que
nous avons utilisé des copules. Cette étape de modélisation est nécessaire à la tarification
du produit XSR que nous allons aborder dans le partie suivante.
63
Troisième partie
Tarification et risques liés au
produit XSR
64
Tarification et risques liés au
produit XSR
Après avoir fait l’état des lieux du produit XSR et modélisé la dynamique de l’indice
paramétrique du produit, nous souhaitons dans ce chapitre étudier les risques sous-jacents
à la couverture contre les pluies torrentielles offerte par le CCRIF. Dans un premier
temps, nous tenterons de quantifier le risque en calculant la prime pure du contrat à
l’aide de plusieurs méthodologies. Dans un second temps, nous essayerons de calculer
plusieurs sensibilités de l’indice pour analyser le risque de base. Enfin, nous terminerons
cette partie en introduisant la problématique de réassurance et de titrisation des risques
à travers le marché des Cat bonds.
65
Chapitre 7
Calcul des primes du produit XSR
Ce chapitre consiste à calculer la prime que devrait payer la Jamaïque pour se couvrir
face au risque de pluie torrentielle via le produit XSR. La prime commerciale payée par
le pays doit être la somme d’une prime pure, des frais de gestion (ex : frais de sous-
cription, frais de développement, salaires) et de divers chargements correspondant aux
coûts des capitaux mis en réserves pour respecter les besoins réglementaires en solva-
bilité. Mathématiquement, la prime pure est définie comme l’espérance des indemnités
qui seront reversées au pays. Nous nous intéressons uniquement à la quantification de
la prime pure. Pour ce faire, nous allons utiliser les modélisations des indices de pluie
locaux et nationaux établies dans la partie II afin de proposer deux types de tarifications.
7.1 Principe de calcul de la prime pure
Nous considérons que le CCRIF propose à la Jamaïque une couverture annuelle contre
les pluies torrentielles. De fait, la prime exigée par le CCRIF se base sur le calcul des
indemnités probables qui seront reversées au pays dans l’année. La prime est déterminée
par les paramètres du contrat définis par le pays qui sont le montant limite de couverture
(Coverage Limit), l’Attachment et l’Exhaustion. A chaque pluie torrentielle, un indice
paramétrique est calculé et le montant d’indemnité reversé à la Jamaïque est déduit
grâce à la fonction de paiement ci-dessous :
66
Chapitre 7. Calcul des primes du produit XSR 67
Figure 7.1: Fonction de paiement
L’Attachment et l’Exhaustion correspondent à des bornes de l’indice paramétrique. Il
est donc plus vraisemblable de proposer au pays des quantiles de la loi de l’indice
associés à des niveaux spécifiques de risque. Dans l’exemple du produit Ouragan du
CCRIF, les quantiles ont été choisis tels que P(Indice < Attachment) = 96, 7% et
P(Indice < Exhaustion) = 99, 3% ce qui correspond à des niveaux de retour respec-
tifs de 30 événements 1 et de 150 événements. A titre indicatif, le montant de couverture
limite était de 57 millions de dollars en 2012 pour le contrat Ouragan.
Pour simplifier le calcul de la prime pure, nous considérons que le nombre d’événements
extrêmes est indépendant des paiements. De même, nous supposons que les paiements par
événement sont indépendants et identiquement distribués. Soit N le nombre d’événements
annuels pour lesquels le CCRIF doit indemniser la Jamaïque. La prime pure annuelle
s’écrit :
Prime = E
(N∑n=1
paiementn
)
= E
(E
(N∑n=1
paiementn
)|N
)= E (N ∗ paiement)
= E (N) ∗ E (paiement) par indépendance de N et de "paiement"
= E (N) ∗ E [fct_de_paiement (fct_vulnérabilité pic(X|X>250))]
= E (N) ∗ E [g(X|X > 250)] où X désigne les pluies agrégées sur 5 jours
(7.1)
1. l’assureur paye en moyenne 1 fois tous les 30 événements
Chapitre 7. Calcul des primes du produit XSR 68
La fonction g s’exprime en fonction de la fonction de paiement et de la fonction de
vulnérabilité du pic de précipitation agrégée. Ces deux fonctions ont été définies dans la
première partie.
E (N) peut être estimé par recensement des événements historiques sur les 15 dernières
années. Le calcul de la prime se résume donc au calcul de E [g(X|X > 250)]. La loi de
la variable aléatoire g(X|X > 250) n’étant pas explicitement connue, nous allons utiliser
des simulations de Monte-Carlo pour calculer son espérance. En effet, si (Y1,. . . ,Yn) est
un échantillon indépendant et de même loi que Y = X|X > 250 intégrable, alors la loi
des grands nombre s’écrit :1
n
n∑i=1
g(Yi) −→ E [g(Y )]
Dans la suite, nous allons utiliser ce principe pour calculer le montant des primes de
deux façons différentes. La première méthode consiste à calculer des primes par région
en utilisant la modélisation par extrême univarié (cf. chapitre 5). La seconde méthode
utilise le modèle de dépendance des extrêmes locaux par copule afin de calculer une prime
nationale (cf. chapitre 6 ).
7.2 Primes pures par région
Dans ce paragraphe, nous considérons que la couverture du produit XSR se fait au
niveau régional, et que chaque cellule est considérée indépendamment des autres. La
prime pure exigée pour une région est égale à l’espérance des indemnités reversées dans
la cellule considérée. Nous avons à notre disposition une fonction de paiement qui relie
l’indice local au montant reversé.
D’après le paragraphe précédent, la prime locale dépend essentiellement de la variable
aléatoire (X|X > 250) où X sont les précipitations agrégées sur la cellule considérée.
C’est pour cette raison que nous allons utiliser la modélisation des dépassements de seuils
mise en place dans le chapitre 5. Dans un second temps, nous simulons les dépassements
de seuil pour en déduire le montant de prime exigé pour chaque cellule géographique.
Sur chaque cellule, la loi de (X|X > 250) est estimée par modèle de dépassement de seuil.
Pour rappel, le seuil de modélisation sélectionné est u0 = 100 mm. Nous pouvons dès
lors simuler 10 000 fois la variable (X|X > 250) qui suit une loi de Pareto de paramètre
de forme ξ0 et de paramètre d’échelle σ0 + ξ0 × (250 − u0). Ceci permet d’obtenir une
estimation de E [g(X|X > 250)] par cellule.
Chapitre 7. Calcul des primes du produit XSR 69
Par ailleurs, E (N) est estimée par la moyenne annuelle des événements historiques locaux
de la cellule considérée. Le nombre moyen d’événements par cellule est donné dans la
figure 3.2 représentant la répartition géographique des événements locaux.
La fonction de paiement est la même pour toutes les cellules car l’indice local prend déjà
en compte l’exposition locale. Pour les calculs, nous considérons dans un premier temps
une limite de couverture d’un million de dollars par région.
Les bornes Attachment et Exhaustion sont prises comme des quantiles de la distribution
empirique des indices locaux simulés. Nous comparons la distribution historique des
200 indices locaux avec la distribution des indices simulés. Cela permet en particulier
de définir les bornes de la fonction de paiement selon les événements historiques que
la Jamaïque aurait voulu faire indemniser. Les distributions des indices simulés et des
indices historiques sont comparées dans la figure 7.2.
Distribution des indices simulés
Indice local
Fré
quen
ce
0 2 4 6 8 10 12 14
010
0000
Distribution des indices historiques
Indice local
Fré
quen
ce
0 1 2 3 4 5 6
040
80
Figure 7.2: Comparaison des distributions des indices locaux simulés et historiques 2
L’indice maximal simulé est de 14,33 ce qui correspond à l’exposition de la cellule 21
au nord de Kingston. Si l’on choisit une borne Attachment trop grande, alors aucun des
événements historiques détectés n’aurait été indemnisé par le CCRIF si le produit XSR
avait existé à partir de 1998. L’indice minimal historique est de 7×10−5 (le 14 novembre
1999 sur la cellule 28) ,associé au quantile 0,34% de la distribution simulée. Cela implique
que la borne Attachment doit être inférieure au quantile 0,34% de la distribution pour
que la totalité des 200 événements historiques soient indemnisés. De même, le plus grand
indice historique est de 6,68 (le 25 mai 2003 à Kingston) et correspond au quantile 99,05%
de la distribution de l’indice local simulé. En d’autre terme, la borne Exhaustion doit
être supérieure au quantile 99,05% de la distribution pour la même raison.
2. Attention à l’échelle des indices qui sont en pourcentage.
Chapitre 7. Calcul des primes du produit XSR 70
Dans un premier temps, nous allons choisir Attachment=7 × 10−5 et Exhaustion=6, 68
afin de donner un montant de prime par région. Les calculs sont effectués sur base de 10
000 simulations et d’un montant de couverture limite de 1 million de dollars par région.
Les primes pures sur les 28 cellules sont données dans la figure 7.3.
Figure 7.3: Primes pures par région
Les cellules dont les primes sont les plus importantes correspondent bien à l’Est du
pays où les pluies torrentielles sont les plus fréquentes. Pour 28 couvertures de 1 million
de dollars, ce qui représente 28 millions de dollars de couverture au niveau national,
la prime pure totale est de 1,29 millions de dollars. Ce montant permet de couvrir la
Jamaïque contre les 200 pluies torrentielles détectées sur les 15 dernières années. Il est
censé quantifier au mieux le risque supporté dans le contrat XSR selon la modélisation
des dépassements de seuils.
Une prime de 1,29 millions de dollars peut paraître élevée pour la Jamaïque. Nous allons
essayer de modifier les bornes de la fonction de paiement pour modifier la prime. A priori,
nous pensons qu’augmenter la borne Attachment fera diminuer la prime car les pluies
torrentielles dont les indices sont en dessous de cette borne ne seront plus indemnisées.
En revanche, les pluies torrentielles dont les indices sont plus grands que l’Attachment
seront d’avantage indemnisées car la pente de la fonction de paiement est plus élevée.
Nous avons modifié les paramètres un par un, et voici les variations de la prime :
— la prime augmente lors que la limite de couverture augmente
— la prime diminue lors que l’Attachment augmente
— la prime augmente lors que l’Exhaustion diminue.
Nous comparons simultanément le nombre d’événements historiques qui aurait été cou-
vert et la prime totale en fonction du quantile de la borne Attachment.
Chapitre 7. Calcul des primes du produit XSR 71
Figure 7.4: Augmentation de l’Attachment et de la pente des paiements
Quantile del’Attachment
Evénementscouverts
Prime totale enmillions de dollars
0.4 % 200 1,2910 % 174 1,2715 % 163 1,2620 % 150 1,2425 % 138 1,2130 % 126 1,1835 % 118 1,1540 % 115 1,1145 % 110 1,0750 % 106 1,0355 % 98 0,9960 % 79 0,9465 % 70 0,8870 % 63 0,8375 % 51 0,7680 % 37 0,6985 % 27 0,6190 % 13 0,5195 % 7 0,3896 % 5 0,3497 % 5 0,3098 % 3 0,2499 % 1 0,1899,1 % 1 0,17
Table 7.1: Evolution de la prime et du nombre d’événements indemnisés en fonctionde l’Attachment
Pour que les 200 événements locaux historiques puissent être indemnisés, la Jamaïque
devrait payer 1,29 millions de dollars au CCRIF ( cf. table 7.1 ). Elle aurait le choix de
payer 170 000 dollars mais elle ne se ferait indemniser qu’une seule fois sur les quinze
ans. En fait, il est possible de faire diminuer le montant de la prime en choisissant une
borne Attachment qui soit suffisamment élevé pour qu’aucun des événements historiques
n’aient pu être remboursé. Dans tous les cas, c’est à la discrétion de la Jamaïque et du
CCRIF de définir ces bornes. Nous verrons dans le chapitre 9 comment il est possible de
diminuer par des méthodes de transfert de risque.
Chapitre 7. Calcul des primes du produit XSR 72
7.3 Prime pure nationale
Pour le calcul de la prime nationale, nous avons appliqué la méthodologie du para-
graphe 7.1.
Rappelons que pour calculer la prime pure au niveau national, nous avons besoin de
connaître la distribution de l’indice national. Pour cela, nous allons simuler la distribu-
tion multivariée des indices locaux (I1, . . . , I28) dont la modélisation a été donnée dans
le chapitre 6, puis en déduire l’indice national Inat =∑28
j=1 Ij . La figure 7.5 met en
comparaison la distribution simulée avec la distribution historique de l’indice national.
Historique des indices nationaux
indice local
Fre
quen
cy
0 5 10 15 20 25 30
05
1015
20
(a) Historique
Simulation des indices nationaux
indice local
Fre
quen
cy
0 20 40 60 80
050
0010
000
(b) Simulation
Figure 7.5: Histogrammes de l’indice national
L’indice national minimal sur 15 ans d’observation est de 7, 34×10−05, associé au quantile
0, 39% de la distribution simulée. De même, la valeur maximale est de 27, 98 (tempête
tropicale Nicole en 2010). Ce maximum historique correpond au quantile 96, 24% de la
distribution simulée.
Une fois obtenue la distribution de l’indice national, nous avons besoin de fixer la fonction
de paiement. Bous souhaitons calculer la prime annuelle que la Jamaïque devrait payer
si elle voulait se faire protéger contre tous les événements nationaux ayant eu lieu sur
les 15 dernières années. Pour ce faire, nous fixons les points Attachment et Exhaustion
comme suivant :— Attachment = 7, 34× 10−05
— Exhaustion = 27, 98
Nous fixons le Coverage Limit à 28 millions de dollars.
Pour rappel, la prime pure nationale est :
Prime = E (N) ∗ E [paiement(Inat)]
Chapitre 7. Calcul des primes du produit XSR 73
Historiquement, nous avons relevé 29 événements nationaux, ce qui correspond environ
à E (N) = 2. La prime pure annuelle correspondant aux hypothèses précédentes est égale
à 8,68 millions de dollars, soit 31 % de la limite de couverture.
Afin de baisser la prime payée annuellement, la Jamaïque peut décider d’augmenter la
borne Attachment en contre partie d’une couverture moindre. Nous gardons toujours la
valeur de l’Exhaustion égal à 27, 98 et faisons seulement varier les quantiles de la borne
Attachment.
Quantile del’Attachement Evénements couverts Prime en millions de
dollars5 % 26 8,6810 % 23 8,6515 % 22 8,5920 % 20 8,5225 % 19 8,4330 % 19 8,3235 % 17 8,2040 % 15 8,0445 % 13 7,8650 % 11 7,6255 % 11 7,3560 % 8 7,0265 % 8 6,6470 % 8 6,2075 % 5 5,6780 % 5 5,0685 % 4 4,3690 % 2 3,5295 % 2 2,42
Table 7.2: Evolution de la prime nationale et du nombre d’événements couverts enfonction de l’Attachment
Le tableau 7.2 permet de voir l’impact de l’augmentation de l’Attachment sur la baisse
de la prime. La Jamaïque a la possiblité de payer une prime moins chère mais en contre
partie, il y a aura moins d’événements couverts. La baisse de la prime est significative
pour des valeurs de quantile supérieures à 60%.
Nous allons tenter de comparer dans le prochain chapitre la somme des primes locales
avec la prime nationale.
Chapitre 8
Risques de modèle et calcul de
sensibilités
8.1 Comparaison des primes pures locales et de la prime
nationale
Dans le chapitre précédent, nous avons calculé les primes locales et la prime nationale
selon deux approches différentes :
— Pour la tarification locale, nous proposons 28 produits d’assurance paramétrique
de montant de couverture 1 million de dollars. Les 28 indices locaux associés à ces
produits sont modélisés de façon indépendante selon la théorie des dépassements
de seuil.
— Pour la tarification nationale, nous proposons un produit d’assurance paramé-
trique de montant de couverture 28 millions de dollars. L’indice national associé
dépend des 28 indices locaux. La dépendance entre les indices locaux des 28 cel-
lules est modélisée selon la théorie des copules. La loi de l’indice national s’obtient
par la sommation des indices locaux dont la dépendance est modélisée par la co-
pule gausienne.
L’avantage de la seconde modélisation par rapport à la première est qu’elle permet de
prendre en compte la dépendance des événements extrêmes locaux. En effet, une pluie
extrême arrive en général simultanément dans plusieurs cellules de l’île. Le risque est
donc plus important lors d’un événement national et se traduira par une prime pure plus
importante que celle issue de l’agrégation d’événements locaux indépendants.
74
Chapitre 8. Risques de modèle et calcul de sensibilités 75
En premier lieu, il peut être tentant de comparer la somme des primes locales obtenues
selon l’approche univariée (1,29 millions de dollars) avec la prime nationale obtenue
selon l’approche multivariée (8,68 millions de dollars). Cependant, il n’est pas forcément
raisonnable de répartir le montant de couverture national uniformément sur les 28 cellules
car les expositions au risque sont différentes. En effet, il est plus stratégique pour la
Jamaïque d’allouer un montant de couverture plus important dans les zones à haut
risque. Pour ce faire, nous proposons de créer 28 fonctions de paiement différentes dont
le montant national est réparti selon les expositions des cellules. Nous recalculons la prime
totale avec ces 28 nouvelles fonctions de paiement. La prime totale est de 5,12 millions
de dollars au lieu des 1,29 millions de dollars obtenue avec une fonction de paiement
identique pour toutes les cellules. L’écart entre la modélisation univariée et multivariée
est ainsi réduit mais reste important. Voici plusieurs raisons possibles à cet écart :
— La modélisation des valeurs extrêmes univariées ne prend pas en compte la dé-
pendance des pluies sur les cellules, ce qui sous-estime le montant de prime de la
couverture sur l’ensemble du pays.
— Les fonctions de paiement ne sont pas les mêmes selon les deux approches. Les
points Exhaustion et Attachment sont définis comme des quantiles (Value at Risk
ou VaR) de la distribution de l’indice. Or nous savons que la VaR est une mesure
de risque non sous-additive, en particulier pour des lois de Pareto, ce qui implique
que V aR(Inat =
∑28i Iloc
)>∑28
i V aR (Iloc).
Dans tous les cas, il vaut mieux que le CCRIF propose le contrat national avec tarification
par modélisation multivariée car celui-ci intègre le risque global des indices. Cela dit, il
serait intéressant de rechercher quels sont les paramètres à l’origine de cet écart mais
nous n’avons pas eu le temps nécessaire pour approfondir cet aspect.
Dans la suite, nous analysons la sensibilité de la prime face à des changements de para-
mètre.
8.2 Convergence numérique de la prime
Nous avons vu que la tarification des primes locales et de la prime nationale se base
sur la méthode de Monte-Carlo. Dans les calculs effectués précédemment, nous avons fixé
le nombre de simulations à 10 000. Dans ce paragraphe, nous nous interrogeons sur la
convergence du calcul de prime en fonction du nombre de simulations avec les hypothèses
du chapitre 7.
Chapitre 8. Risques de modèle et calcul de sensibilités 76
8.2.1 Prime locale
La figure 8.1 reproduit l’évolution du montant de la prime totale en fonction du
nombre de simulations des variables X|X > 250. La convergence se stabilise dès 1000
simulations et le résultat des 10 000 simulations est de 1 290 180 $ (les montants sont
divisés par 10 000 dans les graphiques).
Figure 8.1: Convergence des simulations de Monte-Carlo pour la prime pure locale
8.2.2 Prime nationale
De la même manière, nous avons analysé la convergence de la prime nationale en
fonction du nombre de simulations. Le résultat est stable à partir de 5000 simulations.
Pour rappel, la prime calculée pour 10 000 simulations était de 8,69 millions de dollars.
Selon l’intervalle de confiance à 5% obtenu par le théorème central limite, la prime est
fiable à 400 dollars près.
0 5000 10000 15000 20000
040
080
012
00
Prime en fonction du nombre de simulation
Nombre de simulations
Prim
e na
tiona
le
Figure 8.2: Convergence des simulations de Monte-Carlo pour la prime nationale
En résumé, le nombre de 10 000 simulations est suffisant dans le calcul de nos primes.
Dans la suite, nous gardons ce paramètre pour analyser les risques liés au choix de modèle.
Chapitre 8. Risques de modèle et calcul de sensibilités 77
8.3 Les risques de modèle
La prime du produit XSR exigée par le CCRIF dépend du modèle choisi pour l’indice
paramétrique. Dans ce paragraphe, nous nous proposons de tester la sensibilité du calcul
de la prime face à un changement de modèle.
8.3.1 Choix de modèle GEV
i. Impact sur les primes locales
Dans la partie précédente, nous avons calculé des primes pures locales grâce à un
modèle de dépassement de seuil des pluies agrégées. Le modèle sous-jacent a pour para-
mètre de forme ξ > 0 (Fréchet) sur 24 cellules et ξ < 0 (Weibull) sur 4 cellules. Pour
rappel, nous avions effectué un test de Student sur le paramètre ξ de la ville de Kingston
et avions conclu qu’il n’était pas significatif. En choisissant ξ > 0, nous considérons que
les queues de distribution sont plus épaisses que dans le cas ξ = 0 (Gumbel), ce qui a
priori augmenterait la prime pure du contrat. C’est pourquoi nous recalculons les primes
en estimant à nouveau les modèles de dépassement sous la contrainte ξ = 0 pour les 28
cellules (cf. annexe B). Les primes sont recalculées sur les 28 couvertures locales dont le
montant limite de couverture est de 1 million de dollars. La prime totale est de 916 000
$ qui est à comparer avec les 1,29 millions de $ obtenues lorsque ξ 6= 0. La prime pure
est alors abaissée de 40%, ce qui est non négligeable. Cela illustre la problématique de
sélection du modèle de dépassement de seuil des pluies agrégées.
ii. Impact sur la prime nationale
De la même manière, nous avons simulé à nouveau la distribution jointe des pluies 5
jours sous la contrainte ξ = 0. A partir de celle-ci, nous en déduisons une distribution de
l’indice paramétrique national.
Avant de passer à la tarification du contrat XSR, nous comparons tout d’abord la nouvelle
distribution avec la distribution lorsque ξ 6= 0. Par la figure 8.3, nous pouvons voir que
la nouvelle distribution de l’indice national fournit une queue de distribution plus fine.
Cela est réconfortant car nous avons des marginales de Gumbel (ξ = 0) qui fournissent
une queue de distribution plus fine que les lois de Fréchet (ξ > 0). Nous comparons dans
la table 8.1 les quantiles de la distribution simulée lorsque ξ = 0 et lorsque ξ 6= 0. Les
niveaux de quantiles de la nouvelle distribution sont nettement en baisse, ce qui ne sera
pas sans impact sur la prime nationale.
Chapitre 8. Risques de modèle et calcul de sensibilités 78
0 20 40 60 80 100
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
Index
Pro
babi
lity
ξ>0ξ=0
Figure 8.3: Distribution de l’indice national selon la valeur de ξ
Période de retour Quantile Indice lorsque ξ 6= 0 Indice lorsque ξ = 0
1/2 ans 75% 4,94 3,411/5 ans 90% 14,23 9,321/10 ans 95% 23,65 14,791/20 ans 97.5% 34,14 20,77
Table 8.1: Quantile et période de retour de l’indice national
Avec les mêmes hypothèses du chapitre 7, la prime pure calculée est égale à 6,20 millions
lorsque ξ = 0 contre 8,68 millions lorsque ξ 6= 0, soit une baisse de 28 %. La prime
est donc un peu moins sensible au changement de modèle multivarié par rapport au
changement de modèle univarié.
Le fait de choisir la loi Gumbel pour modéliser les dépassements des pluies 5 jours permet
à l’assureur de faire baisser le tarif du contrat. Cela rend le contrat XSR plus attratif
pour les bénificaires potentiels mais en échange l’assureur prend plus de risque liée à la
sous-estimation des extrêmes.
8.3.2 Choix de copule
Dans ce paragraphe, nous revenons sur le choix de la copule gaussienne et nous
interrogeons sur l’adéquation de ce choix à notre problématique.
Pour rappel, la copule gaussienne est souvent utilisée pour modéliser la corrélation des
risques en finance car elle est simple à utiliser et à paramétrer. La structure de dépendance
de la copule gaussienne est représentée par la matrice de variance Γ. Dans le cas où nous
Chapitre 8. Risques de modèle et calcul de sensibilités 79
souhaitons modéliser la dépendance entre 28 variables aléatoires, la copule gaussienne
apparait comme un candidat opérationnel.
Cependant, il est souvent reproché à la copule gaussienne de ne pas pouvoir modéliser
la dépendance des risques extrêmes. La modélisation de l’indice paramétrique reposant
sur le dépassement des pluies agrégées 5 jours, leur corrélation doit être prise en compte.
Afin de quantifier la dépendance des valeurs extrêmes, nous introduisons une mesure plus
adaptée que le tau de Kendall et le rho de Spearman (c.f 6)
Définition 8.1. Soit (X,Y ) couple de variables aléatoires, X ∼ F , Y ∼ G :
1. Le coefficient de queue supérieure de (X,Y ) est :
λu = limt−→1−
P (G(Y ) > t|F (X) > t)
= limt−→1−
P (G(Y ) > t, F (X) > t)
P(F (X) > t)
2. Le coefficient de queue inférieure de (X,Y ) est :
λl = limt−→0+
P (G(Y ) < t|F (X) < t)
= limt−→0+
P (G(Y ) < t, F (X) < t)
P(F (X) < t)
Les coefficients de dépendance de queue sont des limites des probabilités condition-
nelles respectives P (G(Y ) < t|F (X) < t) (coefficient inférieur) et P (G(Y ) > t|F (X) > t)
(coefficient supérieur) lors que t tend respectivement vers 0 et 1. Afin de pouvoir représen-
ter graphiquement le comportement limite de ces coefficients, il est préférable d’utiliser
les fonctions suivantes :L(t) = P(F (X)≤t,G(Y )≤t)
P(F (X)≤t) pour la queue de distribution inférieure
R(t) = P(F (X)≥t,G(Y )≥t)P(F (X)≥t) pour la queue de distribution supérieure
Pour étudier la structure de dépendance des extrêmes entre les cellules, nous nous fo-
calisons sur deux cellules particulières qui sont la 20 et la 21. Pour rappel, la cellule 20
contient l’agglomération de Kingston tandis que la 21 se situe au nord de Kingston. Ce
sont les deux coefficients d’exposition les plus élévés parmi les 28 zones.
Sur la figure 8.4, nous avons représenté en trait noir plein d’une part la courbe (u, L(u))
pour 0 < u < 0, 5 et d’autre part (u,R(u)) pour 0, 5 < u < 1 sur les données historiques.
Les valeurs de R(u) et L(u) pour u = 0, 5 sont toutes les deux égales à 0, 81. Cette valeur
coincïde avec la covariance estimée 1 pour la copule gaussienne associé à l’indice national.
1. estimation par la méthode d’inversion du tau de Kendall
Chapitre 8. Risques de modèle et calcul de sensibilités 80
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
Queue inf. Queue sup.
Figure 8.4: Corrélation en fonction de quantile sur les données historiques (noir) et lesdonnées simulées par copule Gausienne (rouge)
Notons que pour les quantiles supérieurs à 90%, la dépendance en queue supérieure est
instable car le nombre d’observations est réduit. De manière globale, la corrélation est
plus forte pour les grandes valeurs que pour les petites valeurs. Cela est réconfortant
dans la mesure où les deux régions sont voisines et donc vraisemblablement impactées
de la même manière lors de la traversée d’une pluie torrentielle. Le profil de dépendance
entre ces deux régions est asymétrique par rapport au quantile 50%.
De la même manière, nous avons représenté en trait plein rouge les mêmes courbes mais
sur les données simulées à l’aide de la copule gaussienne. Rappelons que le paramètre de
corrélation pour la copule gaussienne est estimé à 0, 81. Le graphique nous permet de
visualiser comment les queues de distribution sont modélisées par la copule gaussienne.
Nous constatons en premier lieu que la copule gaussienne modélise de manière symétrique
(par rapport au quantile 50%) la dépendance de queue. Pour des valeurs intermédiaires,
situées entre les quantiles 40% et 60%, la copule gaussienne modélise de manière conve-
nable leur dépendance. Cependant, pour des valeurs extrêmes, la dépendance modélisée
par copule gaussienne est loin d’être convaincante. En effet, la corrélation de queue infé-
rieure est sur-estimée tandis que la corrélation de queue supérieure est sous-estimée en
raison du profil asymétrique de la dépendance historique. Etant donné que la modéli-
sation du produit XSR s’appuie essentiellement sur la queue supérieure de distribution,
une sous-estimation de la dépendance de celles-ci se traduirait en une sous-estimation de
la prime nationale.
Chapitre 8. Risques de modèle et calcul de sensibilités 81
Pour remédier à ce problème, nous avons tenté d’utiliser la copule bivariée de Gumbel
plus reconnue pour modéliser la dépendance des extrêmes.
Définition 8.2. Copule de Gumbel bivariée
La copule de Gumbel est défnie par la fonction bivariée :
Cα(u, v) = exp−[(− lnu)α + (− ln v)α]1/α,
où α ≥ 1 est le paramètre de la copule.
Le paramètre α de la copule de Gumbel permet de spécifier le comportement de la
dépendance en queue supérieure. Nous représentons la fonction Cα en fonction de (u, v)
pour α ∈ 2; 3 dans la figure 8.5. Comme l’on peut constater sur le tracé, pour des
valeurs de u et v proches de 1, la concentration des points devient importante dès lorsque
α augmente, ce qui signifie que la dépendance en queue supérieure est d’autant plus forte
que le paramètre α est grand.
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
u
v
(a) α = 2
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
u
v
(b) α = 3
Figure 8.5: Tracé (u,v) de la copule de Gumbel
Sans entrer plus en détails, nous avons utilisé la copule de Gumbel pour modéliser conjoin-
tement les dépassements des pluies des cellules 20 et 21. Les fonctions de dépendances
L(u) et R(u) sont ainsi re-calculées dans le cas de la copule de Gumbel. Elles sont repré-
sentées en trait bleu plein sur la figure 8.6.
Le profil de dépendance fourni par la copule de Gumbel est désormais asymétrique. La
dépendance en queue inférieure de distribution est beaucoup plus faible que celle en
queue supérieure. La fonction de dépendance inférieure L est une arc de parabole pour
des quantiles entre 0 et 50% tandis que la fonction R est plutôt linéaire décroissante
pour des quantiles supérieures à 50%. Il est à noter que la valeur de la dépendance au
quantile 50 % coincïde pour les trois courbes (historiques, copule Normale et copule
Chapitre 8. Risques de modèle et calcul de sensibilités 82
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
0.0
0.2
0.4
0.6
0.8
1.0
Queue inf. Queue sup.
Figure 8.6: Corrélation en fonction du quantile de la copule Gumbel
de Gumbel). Nous notons aussi que la copule de Gumbel reproduit de manière plutôt
convenable la dépendance en queue supérieure, surtout pour des quantiles entre 50%
et 90% (le comportement de R sur les données historiques est très aléatoire au delà
de 0,9 à cause du nombre d’observations). De plus, la calibration de la dépendance de
queue inférieure par la copule de Gumbel est meilleure que celle fournie par la copule
Gaussienne. L’utilisation de la copule de Gumbel est donc plus adaptée au problème de
dépassement de seuil dans le cas bidimensionnel.
Cependant, l’utilisation de la copule de Gumbel multidimensionnelle n’est plus adaptée
à notre problème lorsque la dimension est supérieure à 2. En effet, la copule de Gumbel
multidimensionnelle est toujours paramétrée par un seul paramètre α. Il est imprudent
de vouloir modéliser la structure de dépendance mutelle entre 28 cellules par 1 seul
paramètre. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons privilégié l’utilisation de la
copule gausienne en dimension 28. Cela dit, il est toujours possible d’utiliser la copule
de Gumbel mais il faudrait faire appel aux copules de type Nested Archimedean Copulas.
Leur connaissance et application dépassent le cadre de notre mémoire.
Chapitre 8. Risques de modèle et calcul de sensibilités 83
8.4 Calcul de sensibilités
8.4.1 Changement de la base d’estimation
Jusqu’à présent, les primes pures ont été estimées sur l’ensemble des pluies annuelles.
En effet, le produit XSR est censé protéger la Jamaïque sur toute l’année de souscription
du contrat. Si le CCRIF proposait une couverture par mois, alors la prime serait bien plus
importante en Mai qu’en Janvier. En proposant une couverture annuelle, le CCRIF se
heurte au problème de sous-tarification de la prime car le calcul ne prend pas en compte
la saisonnalité des pluies. Nous nous proposons d’estimer la prime pure lorsque la base
d’estimation ne comporte que les pluies de la saison pluvieuse de Mai à Décembre. Les
lois des indices locaux sont estimées à nouveau sur les 28 cellules. La nouvelle prime pure
résultant des 10 000 simulations de l’indice locale est de 932 000 $ lorsque ξ = 0 et de 1,27
millions $ de lorsque ξ 6= 0. En d’autre terme, la prime augmente de 1,7% lorsque seule
la saison des pluies sert à l’estimation des lois de Pareto pour ξ = 0 . Paradoxalement,
la prime diminue de 1,5% lorsque seule la saison des pluies sert à l’estimation des lois
de Pareto pour ξ 6= 0. Le paramètre d’échelle augmente car les pluies sont plus intenses
pendant la saison des pluies. Les pluies sont en revanche moins dispersées que sur la
totalité de l’année ce qui a pour conséquence de diminuer le paramètre d’échelle σ. Le
deuxième effet étant plus important que le premier, la somme σ + ξ × (250 − 100) va
faiblement diminuer rendant la prime plus faible que lors du premier calcul. Cependant,
l’effet reste négligeable par rapport à la sensibilité de la prime calculée dans le paragraphe
8.3.1.
8.4.2 Changement du seuil d’estimation
Pour rappel, les paramètres sont estimés sur un échantillon dont le seuil u0 est sé-
lectionné visuellement (cf. chapitre 5). N’ayant pu automatiser cette phase, nous avons
choisi le seuil de la cellule de Kingston (100 mm) sur les 28 cellules afin d’estimer les lois
GPD puis nous avons déduit les lois de dépassement du seuil 250 mm. Nous testons la
sensibilité du calcul des primes locales face au changement du seuil de modélisation u0.
L’augmentation du seuil provoque deux effets opposés plus connus sous le nom de biais-
variance. En augmentant le seuil u0, les pluies extrêmes sélectionnées sont en moyenne
plus intenses ce qui diminue le biais des estimateurs du dépassement de 250 mm. En
revanche, le nombre d’événements sélectionnés est moins important ce qui augmente la
variance des estimateurs. Les primes ont été calculées pour des seuils variant de 50 à 240
mm.
Chapitre 8. Risques de modèle et calcul de sensibilités 84
Lorsque le paramètre de forme est choisi nul, la prime totale augmente car le modèle
de Gumbel ne prend en compte qu’un paramètre d’échelle représentant la moyenne des
dépassements. La prime varie de 753 000 $ à 1 116 000 $ en fonction du seuil choisi
lorsque ξ = 0. L’évolution des primes en fonction du seuil u0 est représentée dans la
figure 8.7. La prime étant croissante en fonction du seuil de sélection, c’est l’effet biais 2
qui l’emporte sur l’effet variance 3.
50 100 150 200
8090
100
110
Prime en fonction du seuil de sélection
Seuil de sélection
Prim
e to
tale
Figure 8.7: Variation de la prime en fonction du seuil (ξ = 0)
En revanche, lorsque le modèle spécifie un paramètre ξ 6= 0, alors l’effet variance l’em-
porte sur l’effet biais car la prime estimée décroit avec le seuil de sélection d’après la
figure 8.8 .
50 100 150 200
105
115
125
135
Prime en fonction du seuil de sélection (Ksi<>0)
Seuil de sélection
Prim
e to
tale
Figure 8.8: Variation de la prime en fonction du seuil (ξ 6= 0)
En conséquence, si l’on choisit un seuil de sélection trop grande, la prime risque d’être
sous-estimée. Nous preférons un modèle qui discrimine cet effet. C’est la raison pour la
quelle il vaut mieux utiliser un modèle où ξ 6= 0.
2. Diminution du biais avec l’augmentation du seuil3. Augmentation de la variance avec l’augmentation du seuil
Chapitre 8. Risques de modèle et calcul de sensibilités 85
8.4.3 Changement des paramètres de la courbe de vulnérabilité
Comme énoncé dans le chapitre 3, la fonction de vulnérabilité reliant le pic d’un
événement local au pourcentage d’indemnité ne nous a pas été communiquée. Dès lors,
nous avons choisi de calculer les indices sur base d’une fonction de vulnérabilité linéaire
avec un seuil maximal B=800 mm et un taux d’indémnité maximal C=100%. Nous nous
proposons de démontrer que la modification des paramètres B et C n’a pas d’influence
majeure sur les primes calculées.
i. Calibration du paramètre C
La fonction de vulnérabilité reliant une précipitation à un pourcentage de destruction,
il serait légitime d’estimer un paramètre C reflétant un pourcentage historique lié aux
pluies torrentielles. Pour ce faire, nous utilisons les 6 données historiques de pertes afin
de calibrer un modèle linéaire sur fonction de dommage modifiée 4. Pour chacune des
6 catastrophes, nous prenons comme abscisse le maximum par cellule des pics de pluie
enregistrés lors de l’épisode et comme ordonné le pourcentage des pertes 5 par rapport
au PIB de la Jamaïque.
Catastrophe naturelle Pertes en % du PIB Max des pics deprécipitation (en mm)
Ouragan Michelle 0,8 306Pluie torrentielle Juin 0,02 407Ouragan Ivan 1,6 378Ouragan Wilma 0,7 358Tempête tropicale Gustav 2 419Tempête tropicale Nicole 1,9 503
Table 8.2: Pertes liées au catastrophe naturelle en fonction du pic de précipitation
Nous pouvons estimer un coefficient directeur de la vulnérabilité entre 250 mm et 800
mm par la méthode des moindres carrés ordinaires. Nous pouvons dans un second temps
déduire le taux d’indemnité limite C. Nous ne prenons pas en compte les pertes liées aux
pluies torrentielles en Juin car elles sont trop petites par rapport à la tendance historique
des autres pertes. Le calcul donne un coefficient directeur égal à 0.0084. On en déduit
que C = (800− 250)× 0.0084 = 4, 62% (cf. figure 8.9).
4. L’abscisse est une précipitation en mm et non plus un indice comme précédemment5. Les pertes ont été ajustées par les dommages liés à la force du vent.
Chapitre 8. Risques de modèle et calcul de sensibilités 86
0 200 400 600 800 1000
01
23
4
Estimation de la vulnérabilité par les pertes historiques
pic de précipitation en mm
Per
tes
en %
du
PIB
− Estimation de C=4.62%
Figure 8.9: Calibration de C sur les données historiques
ii. Impact sur la prime locale
Après avoir modifié le paramètre C de la fonction de vulnérabilité, nous recalculons
la prime locale sur les 28 cellules avec les hypothèses du chapitre 7. La prime totale reste
égale à 1,29 millions de dollars. En prenant différentes valeurs de C, nous réalisons que
la prime n’est pas modifiée. En effet, la valeur des quantiles des événements historique
change en même temps que la fonction de vulnérabilité est modifiée ce qui permet de
rendre la prime consistante.
Dans la même idée, il est possible de modifier le paramètre B. On fait varier B entre
600 et 10 000 mm. La prime totale n’est pas modifié et converge vers la valeur de 1,314
millions de dollars, soit une augmentation de 1,5% par rapport au calcul original.
iii. Impact sur la prime nationale
De même, nous calculons l’impact lié à la modification de la fonction de vulnérabilité
sur la prime nationale.
Comme pour les primes locales, cette dernière est insensible au changement de paramètre
C et reste toujours à 8,68 millions de dollars.
Lorsque B = 10 000 mm, la prime augmente de 0,04 % par calcul original, soit 8,72
millions de dollars. Pour B = 600 mm, la prime est de 8,52 millions de dollars, soit une
baisse de 2% par rapport à l’hypothèse initiale B = 800 mm.
En conclusion, le calcul de prime est peu sensible à la modification de la fonction de
vulnérabilité. Cependant, le choix du modèle de valeurs extrêmes est important dans
Chapitre 8. Risques de modèle et calcul de sensibilités 87
la mesure où la prime diminue de 40% si le modèle utilisé considère des queues de
distribution moins épaisses.
Pour limiter l’impact de la sous-estimation de la prime, le CCRIF a la possibilité à faire
appel à des acteurs externes afin de transférer une partie du risque supporté. C’est ce
que nous allons voir dans le dernier chapitre de ce mémoire.
Chapitre 9
Les mesures de transfert de risque
du produit XSR
Après avoir calculé les primes et les avoir confrontées à plusieurs sensibilités, ce
dernier chapitre a pour but d’ouvrir sur les concepts de transfert de risque potentiels
liés au produit XSR. Dans un premier temps, nous allons discuter des techniques de
réduction du coût de la prime. Nous allons ensuite introduire la notion de réassurance et
son impact dans la tarification du contrat. Enfin, nous parlerons du transfert potentiel
de risque sur les marchés financiers via la titrisation. Dans ce chapitre, nous considérons
uniquement le contrat basé sur l’indice national.
9.1 La diminution du coût de la prime
9.1.1 Modification de la fonction de paiement
Pour un montant de couverture de 28 millions de dollars, nous avons calculé que la
prime anuelle pure du contrat XSR national devait être de 8,68 millions de dollars. Les
bornes Attachment et Exhaustion sont choisies de sorte que les 29 événements nationaux
des 15 dernières années soient couverts. Cette prime représente 30% du montant de cou-
verture limite, ce qui est peu abordable pour un pays comme la Jamaïque. En pratique,
le montant de la prime peut être réduit de deux façons :
— La prime étant proportionnelle à la limite de couverture, cette dernière peut être
allégée. A titre d’exemple, la prime est 1 000e si le montant de couverture est
réduit à 3 225e.
88
Chapitre 9. Les mesures de transfert de risque du produit XSR 89
— Les bornes Attachment et Exhaustion peuvent être modifiées selon le niveau de
risque choisi par le pays. La prime de 8,68 millions de dollars est calculée avec une
borne Attachment égale au plus petit indice national historique, qui correspond à
une période de retour moyenne bi-annuelle (deux paiements par ans). Le nombre
moyen de paiement pourrait donc être réduit en augmentant la borne Attchament.
A titre de comparaison, le montant limite de couverture du produit Ouragan est de 57
millions de dollars et les bornes Attachment et Exhaustion sont définies respectivement
comme des périodes de retour moyennes de 1/30 ans et 1/250 ans. Si l’on prend les
paramètres Coverage Limit, Attachment et Exhaustion comme ceux du produit Ouragan,
la prime du produit XSR est réduite à 1,85 millions d’euros ce qui est proche des 2,1
millions d’euros de prime contre les Ouragan (cf. [7]). Même si le ratio prime/couverture
passe de 30,1% à 3,2%, la prime reste toujours élevée pour un pays comme la Jamaïque.
9.1.2 Nécessité de l’apport des bailleurs de fonds
Comme nous venons de le voir, le ratio de prime/couverture est relativement élevé à
cause du profil de risque de la Jamaïque. Le but du CCRIF est de rendre accessible son
produit contre les pluies torrentielles. Ce dernier peut réduire les coûts commerciaux de
la prime. Pour ce faire, le CCRIF reçoit des fonds publics (cf. chapitre 1) et des fonds
privés de la part des actionnaires afin de créer un pool XSR capable de soutenir le risque
lié à la sous-tarification potentielle de la prime. Ce mécanisme appliqué à la couverture
contre les Ouragans a permis au CCRIF de diviser la prime réclamée au pays par deux.
Selon Simon Young 1, une allocation en capital plus importante permettrait de souscrire
jusqu’à deux fois plus de contrats dans les autres pays des Caraïbes. Ceci permettrait
de diminuer la dépendance du produit en réassurance et diminuerait donc le coût des
chargements inclus dans la prime commerciale. Nous allons montrer dans les prochains
paragraphes quels sont les moyens dont le CCRIF dipose pour céder ses risques.
1. Président de la société Caribbean Risk Managers, partenaire du CCRIF. Source :http://www.ccrif.org
Chapitre 9. Les mesures de transfert de risque du produit XSR 90
9.2 Réassurance du produit XSR
i. Généralités sur la réassurance
La réassurance peut être vue comme « l’assurance de l’assurance ». Elle permet à
l’assureur de céder des risques à un tiers afin de limiter les fluctuations liées à la surve-
nance de sinistres de forte amplitude comme des catastrophes naturelles. Il existe deux
grands types de traités de réassurance :
— Les traités proportionnels dans lesquels la participation du réassureur aux
sinistres correspond à la même proportion que celle des primes versées par l’assu-
reur. On trouve d’une part les traités en excédent de plein où le réassureur paie
à l’assureur une part du sinistre au prorata de la prime qu’il a touchée quel que
soit l’importance du sinistre. Dans les traités en quote part, la cédante s’engage
à céder x% de la prime perçue et le réassureur à indemniser x% des sinistres.
— Les traités non proportionnels dans lesquels le réassureur indemnise les si-
nistres qui dépassent un certain seuil appelé priorité. L’indemnisation ne dépasse
pas un certain seuil appelé portée. Par analogie avec la fonction de paiement dé-
finie dans le chapitre 1, la portée correspond au point Attachment et la portée au
Coverage limit. Dans les traités en excédents de sinistres, le réassureur paye
tous les sinistres dépassant un certain seuil alors qu’il indemnise la somme des
pertes dans les traités en excédents de pertes.
En se réassurant, l’assureur diminue la probabilité de ruine et dispose d’une sureté finan-
cière accrue. En effet, la réassurance permet de mutualiser tout ou partie du portefeuille
de plusieurs assureurs et joue donc le rôle de marché secondaire des risques. De plus, le
transfert du risque vers le réassureur permet à la cédante d’alléger ses besoins en capi-
taux propres. Le bilan et le compte de résultat de l’assureur se retrouvent lissés car le
réassureur verse des indemnités les années où la sinistralité de l’assureur est importante.
Dans le cas où les capitaux propres du réassureur ne suffisent pas pour faire face aux
engagements contractés avec la cédante, nous verrons comment il est possible de céder
les risques sur les marchés financiers par la titrisation.
Chapitre 9. Les mesures de transfert de risque du produit XSR 91
ii. Détermination des prix des tranches de réassurance du produit XSR
Nous considérons que le CCRIF réassure le risque du produit XSR auprès de Swiss
Re, elle-même ayant fourni son expertise lors de la conception du produit. Il n’y a pas
d’asymétrie d’information entre l’assureur et le réassureur car le modèle paramétrique
XSR est partagé entre les deux entités. L’information sur l’indice paramétrique est simul-
tanément connue par le CCRIF et Swiss Re ce qui élimine le risque base entre l’assureur
et le réassureur. En pratique, le risque peut être réassuré sur l’ensemble des pays ayant
souscrit au contrat XSR mais nous faisons l’hypothèse que seule la Jamaïque est concer-
née.
Nous supposons que le CCRIF a vendu à la Jamaïque un contrat XSR ayant pour para-
mètre :
— Limite de couverture = 28 millions de dollars
— Attachment = 7, 34× 10−5 (indice national historique minimal)
— Exhaustion = 27, 98 (indice national historique maximal)
La prime pure du contrat est calculée dans le chapitre 7 et vaut 8,68 millions de dollars.
Imaginons que le CCRIF souhaite céder à Swiss Re les indices au-dessus d’un seuil de
priorité compris entre l’Attachment et l’Exhaustion :
Figure 9.1: Découpage de fonction de paiement avec un seuil de priorité
Le CCRIF ne garde que le risque des indices inférieurs à la priorité. En échange d’une
prime cédée à Swiss Re, ce dernier indemnise le CCRIF dans le cas où l’indice paramé-
trique est supérieur à la priorité.
Chapitre 9. Les mesures de transfert de risque du produit XSR 92
Dans la même idée, il est possible de céder des tranches de risque différentes à plusieurs
réassureurs qui utiliseraient le même modèle que le CCRIF :
(a) Découpage (b) Fonction de Paiement
Figure 9.2: Tranche de réassurances
Les tarifs des tranches ont été calculés par le modèle multivarié et sont donnés dans le
tableau ci-dessous :
Tranche Point de Priorité Portée en millionsde dollars
Prime en millions dedollars
CCRIF 0,4% 4,95 4,021 75% 9,3 2,932 90% 9,42 1,363 95% 4,33 0,37
Table 9.1: Prime par tranche
La somme Prime CCRIF + Prime T1 + Prime T2 + Prime T3 redonne bien 8,68 millions de
dollars. De même, la sommes des portées est bien égale à 28 millions de dollars. Si Swiss
Re réassure l’ensemble les trois tranches, la prime pure cédée en réassurance est de 4,65
millions de dollars soit près de la moitié de la prime originale. Le contrat de réassurance
couvre les événements qui ont une période de retour supérieure à 2 ans. Si le réassureur
décide de ne prendre en compte que le risque de la dernière tranche, alors la prime cédée
n’est plus que de 370 000 dollars soit 4% du risque du produit XSR.
Chapitre 9. Les mesures de transfert de risque du produit XSR 93
9.3 Titrisation des risques catastrophes
La titrisation en assurance est apparue au début des années 1990, suite à la survenance
de catastrophes à fortes pertes. A titre d’exemple, le cyclone Andrew qui a traversé
la Floride en Août 1992 a causé près de 20 milliards de dollars de dégâts. Devant les
difficultés à supporter les pertes liées aux catastrophes de telle ampleur, le marché de
l’assurance et de la réassurance s’est tourné vers les marchés financiers afin de mieux se
couvrir contre ces risques. L’émission de titres obligataires, notamment les Cat Bonds,
apparait comme une opportunité pour les assureurs et les réassureurs afin de mieux gérer
leur bilan financier.
9.3.1 Fonctionnement d’un Cat Bond
Une obligation catastrophe ou Cat Bond est un titre de dette obligataire dont le
remboursement du nominal est conditionné par la survenance d’un événement donné 2.
Les investisseurs en Cat Bonds versent en général un nominal dans un fond commun
de créances. Ce montant de nominal ne peut être utilisable qu’en cas de survenance de
sinistre définie selon les termes du Cat Bond. En l’absence de sinistre, l’investisseur de Cat
Bond reçoit de la part de l’entreprise cédante une rénumération qui est proportionnelle
à la prise de risque en plus des intérêts du placement du nominal. Les produits de
placements sont en général des titres de bonne qualité, liquide et de maturité moyenne
1 à 5 ans. Si le sinistre se produit, l’entreprise cédante reçoit une indemnisation prévue
lors de la souscription du Cat Bond.
En général, les Cat Bonds ne sont pas directement émis par le sponsor (les compagnies
d’assurance ou de réassurances), mais par l’intermédiaire d’une structure ad hoc appelé
Special Purpose Vehicle- SPV ou Special Pupose Reinsurer - SPR. Cette structure, ju-
ridiquement indépendante de l’assureur ou du réassureur permet de récolter des fonds
via l’émission de Cat Bonds. Ces fonds rattachés au SPV sont utilisés par le sponsor en
cas de sinistre pour honorer ses engagements. Il est à noter que le SPV est seulement
rattaché au sponsor par le risque de catastrophes naturelles.
Le fonctionnement général d’un Cat Bond [7] est schématisé dans la figure 9.3.
2. L’événement sous-jacent à un Cat Bond est une catastrophe naturelle par exemple une inondation,un ouragan ou un séisme, . . .
Chapitre 9. Les mesures de transfert de risque du produit XSR 94
Figure 9.3: Struture de Cat Bonds [7]
9.3.2 L’intérêt de la titrisation pour le CCRIF
Avant le début de la titrisation, la participation au marché des risques d’assurance se
faisait uniquement par une participation au capital des sponsors. Cependant, les inves-
tisseurs qui souhaitent diversifier leur risques en allant sur le marché d’assurance ne sont
pas tout à fait à l’abri du risque de marché impactant les compagnies d’assurance ou de
réassurance. Du point de vue des investisseurs, la titrisation apparait comme un excellent
moyen de diversification de leur portefeuille [4]. En effet, les risques catastrophes sont dé-
corrélés d’autres risques sur le marché. De plus, les Cat Bonds fournissent des rendements
plus élévés que d’autre produits financiers. En plus des intérêts liées à l’immobilisation
du capital, l’investisseur reçoit une prime de risque.
Les instruments dérivés de risque d’assurance deviennent de plus en plus attractifs à
la fois pour les investisseurs et les émetteurs. Dans une structure comme le CCRIF, la
titrisation peut apparaitre comme un excellent moyen de transférer les risques sur les
marchés financiers qui ont une capacité d’absorption de pertes plus importante que le
marché de l’assurance en cas de sinistre. De plus, les produits proposés par le CCRIF sont
des produits d’assurance paramétrique (ouragan, sésisme ou XSR). Les mêmes indices
paramétriques peuvent être réutilisés pour des contrats de Cat Bonds. Par ailleurs, le
développement de la titrisation au sein du CCRIF accroît ses activités et étend son
influence dans les régions voisines des Caraïbes. 3
3. Ceci a été exprimé par le président du CCRIF Isaac Anthony dans un communiqué du 13 Mai2014
Conclusion de la troisième partie
Le chapitre 7 a montré que le calcul des primes était différent suivant la structure
de couverture proposée par le CCRIF. En effet, l’agrégation des indices locaux dans
l’indice national illustre l’importance de l’agrégation des risques dans la tarification du
contrat. En offrant des couvertures régionales indépendantes, le CCRIF ne considère pas
la proximité géographique des pluies ce qui l’expose à une sous-estimation des risques au
niveau national. Dès lors, la combinaison du modèle de copule avec celui des dépassements
de seuil locaux apporte une structure de risque plus cohérente pour la tarification du
produit XSR.
Dans le chapitre 8, nous avons calculé plusieurs sensibilités et avons montré que le modèle
était globalement consistant à plusieurs modifications dont la fonction de vulnérabilité.
En revanche, la prime est d’avantage modifiée selon le modèle de dépassement de seuil
utilisé. Ces résultats confirment les informations données dans la brochure du produit
XSR : la prime est équitable même si l’estimation de la fonction de vulnérabilité est
incertaine car le risque dépend essentiellement des données de précipitations du pays.
Enfin, nous avons introduit les concepts de transfert de risque utilisés par le CCRIF
comme la réassurance et la titrisation. Ces mécanismes permettent de garantir la péren-
nité du CCRIF face aux risques auxquels elle est exposée.
95
Conclusion générale
Si l’on fait le bilan du mémoire, nous avons tout d’abord utilisé l’information publique
du CCRIF afin de détecter les événements de pluie extrême sur les 15 dernières années.
Pour calculer les indices locaux et nationaux, il a été nécessaire d’émettre des hypothèses
sur la forme de la fonction de vulnérabilité. En particulier, nous avons vu dans le chapitre
8 qu’une estimation basée sur les dommages historiques ne modifiait pas le montant de
la prime nationale obtenue dans le chapitre 7.
L’enjeu central de ce mémoire était donc de comprendre le comportement de l’indice
national par la modélisation de l’aléa pluvieux. Pour ce faire, nous avons commencé par
modéliser les pluies journalières mais il s’est avéré que cette approche sous-estimait le
nombre d’événements extrêmes. Dans la suite, nous avons directement estimé la loi des
dépassements de seuil grâce à la théorie des valeurs extrêmes. Cette approche étant in-
suffisante pour capter la dynamique de l’indice national, nous avons ajouté une structure
de dépendance entre les indices locaux grâce à la théorie des copules.
Une fois caractérisée la dynamique des pluies, la simulation des indices locaux et na-
tionaux permet de calculer une prime annuelle nationale que la Jamaïque devrait payer
au CCRIF. Celle-ci dépend fortement du modèle de dépassement de seuil retenu. En re-
vanche, la prime est consistante au changement de la base d’estimation et des paramètres
de la fonction de vulnérabilité.
Le montant de la prime étant sensible au modèle de valeurs extrêmes choisi, il est prudent
de céder une partie des risques via la réassurance. Nous avons vu également que la
titrisation sur les marchés financiers apportait une plus grande sérénité à la structure
du CCRIF. L’objectif à terme est d’offrir le produit XSR à d’autres pays des Caraïbes
et même à des pays frontaliers comme la Guyane ou les pays d’Amérique centrale. Le
modèle utilisé pour la tarification devrait alors prendre en compte la dépendance des
pluies extrêmes entre les pays de la région des Caraïbes car les risques ne sont pas
forcément diversifiables.
96
Chapitre 9. Les mesures de transfert de risque du produit XSR 97
Enfin, il est important de souligner que le CCRIF constitue une aide à but non lucratif et
que la prime demandée au pays souscripteur devrait être équitable. A titre d’exemple, le
CCRIF a versé 8 millions de dollars après le tremblement de terre en 2010 à Haïti qui est
l’un des pays les plus pauvres du monde. De même, les produits d’assurance paramétrique
sont offerts directement aux agriculteurs comme la police Livelihood Protection Policy en
Jamaïque qui permet de promouvoir la micro-assurance et de lutter contre la pauvreté.
Annexes
98
Annexe A
Evénements nationaux détectés
Evénement national Date Indice national1 14/11/1999 7,4×10−5
2 05/12/2000 0,4643 22/05/2001 0,0034 04/11/2001 0,4355 27/05/2002 10,1186 31/05/2002 0,8407 11/06/2002 0,0478 23/09/2002 1,6169 01/10/2002 4,64610 27/05/2003 27,71711 13/09/2004 4,39012 20/10/2005 10,16613 30/10/2005 0,17514 12/08/2007 1,62015 12/10/2007 3,66016 14/10/2007 0,10117 04/11/2007 0,33918 31/08/2008 8,25819 17/05/2009 0,01920 21/05/2009 0,37421 24/05/2009 1,34×10−4
22 23/12/2009 0,06723 02/10/2010 27,97724 21/10/2010 0,01125 03/06/2011 0,00526 07/06/2011 1,60627 09/06/2011 0,90328 16/10/2011 0,80629 01/10/2012 0,624
Table A.1: Evénements nationaux détectés par l’indice XSR
99
Annexe B
Moyenne des pluies agrégées 5 jours
dépassant 250 mm
Cellule Estimation ξ Moyenne de dépassementξ = 0 (en mm)
Moyenne de dépassementξ 6= 0 (en mm)
1 0.449 309.433 437.0602 0.337 303.740 382.2663 0.271 312.668 369.5814 0.387 294.055 391.0605 0.157 315.726 344.0966 0.191 313.740 350.1827 0.011 299.006 300.7918 0.144 301.495 326.9579 0.099 317.907 334.74210 0.287 300.253 362.10411 -0.025 296.699 293.05712 0.064 298.366 308.70113 0.193 322.177 358.96014 0.081 308.894 322.42415 0.104 300.185 317.94016 0.185 325.964 360.96917 0.172 324.183 356.20218 -0.026 321.109 317.29919 -0.064 318.551 309.44620 0.205 328.513 368.57021 0.363 321.714 410.74022 0.300 315.975 382.02823 0.234 326.314 373.82424 0.282 329.268 390.10425 0.311 319.380 389.00826 -0.008 336.737 335.39927 0.155 333.492 361.46228 0.195 331.895 369.436
Table B.1: Estimation des dépassements de 250 mm
100
Annexe C
Rappels de probabilité
C.1 Processus de Poisson
Définition C.1. Processus de Comptage
Soit (Xt)t≥0 un processus stochastique à valeurs réelles. On dit que (Xt)t≥0 est un pro-
cessus decomptage si, pour P−p.t. ω ∈ Ω, la trajectoire t −→ Xt(ω) est croissante par
sauts d’amplitude 1, continue à droite et telle que X0(ω) = 0.
Définition C.2. Un processus de comptage (Nt)t≥0 est appelé processus de Poisson
simple si :
(i) pour tous s, t ≥ 0, Nt+s −Ns ⊥⊥ σ(Nu, u ≤ s) (accroissements indépendants)
(ii) pour tous s, t ≥ 0, Nt+s −Ns ∼ Nt (stationnarité)
Théorème C.3. Soit (Nt)t≥0 est un processus de Poisson simple. Il existe λ ≥ 0 tel que
pour chaque t ≥ 0, Nt ∼ P (λt). Le paramètre λ, appelé intensité du processus de Poisson,
le caractérise entièrement.
Si 0 = T0 < T1 < T2 < . . . sont les instants de sauts du processus de Poisson simple
(Nt)t≥0 :
Nt =∑n≥1
1Tn≤t t ≥ 0
Théorème C.4. Les instants d’inter-arrivées (Tn − Tn−1)n≥1 du processus de Pois-
son simple d’intensité λ sont des v.a.r. indépendantes et de même loi E(λ). De plus,
(T1, . . . , Tn) possède une densité fn définie par :
fn(t1, . . . , tn) =
λn exp(−λtn) si 0 < t1 < · · · < tn
0 sinon
101
Annexe C. Rappels de probabilité 102
C.2 Test d’adéquation de Kolmogorov-Smirnov
Le test de Kolmogorov-Smirnov permet de tester l’adéquation des observations x1,
. . . , xn à une distribution continue spécifiée.
Soit X la variable aléatoire représentant x1, . . . , xn. On souhaite tester si X suit la loi
caractérisée par la fonction de répartition F. Les hypothèses de test sont :
H0 : X suit la loi F contre H1 : X suit une autre loi.
Soit Fn la fonction de répartition empirique de l’échantillon (x1, . . . , xn).
Définition C.5. Le test de Kolmogorov est défini par la statistique de test :
Dn = supx∈R|Fn(x)− F (x)|
Sous l’hypothèse H0, la loi de Dn est tabulée.
Annexe D
Taux d’exposition des 28 zones de la
Jamaïque fournis par le CCRIF
Figure D.1: Répartition des 28 cellulesTRMM
Cellule Exposition1 0,18%2 1,51%3 2,19%4 5,22%5 0,84%6 1,93%7 5,76%8 1,35%9 5,44%10 5,11%11 2,98%12 0,20%13 4,84%14 4,32%15 3,49%16 0,00%17 6,00%18 2,62%19 5,04%20 13,09%21 14,33%22 3,52%23 2,63%24 1,82%25 0,15%26 2,83%27 2,40%28 0,07%
Figure D.2: Taux d’exposition corres-pondant
103
Bibliographie
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Product – October 2012.
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Bibliographie 105
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