Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

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LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? LES ÉTUDES DE L’EMPLOI CADRE 2016-42 SEPTEMBRE 2016 – Partenariat de recherche avec Sophie Bernard (Université Paris- Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO) et Elise Penalva-Icher (Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO) DE L’ADHÉSION AU RISQUE DE DÉSAFFECTION

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–LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?–

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DRE N°2016-42

SEPTEMBRE 2016

– Partenariat de recherche avecSophie Bernard (Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO) et Elise Penalva-Icher (Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO)

DE L’ADHÉSION AU RISQUE DE DÉSAFFECTION

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– LES ÉTUDES DE L’EMPLOI CADRE DE L’APEC–

Observatoire du marché de l’emploi cadre, l’Apec analyse et anticipe les évolutions dans un programme annuel d’études et de veille : grandes enquêtes annuelles (recrutements, salaires, métiers et mobilité professionnelle des cadres, insertion professionnelle des jeunes diplômés…) et études spécifi ques sur des thématiques clés auprès des jeunes de l’enseignement supérieur, des cadres et des entreprises.Le département Études et Recherche de l’Apec et sa quarantaine de collaborateurs animent cet observatoire. Toutes les études de l’Apec sont disponibles gratuitement sur le site www.cadres.apec.fr rubrique observatoire de l’emploi

© Apec, 2016

Cet ouvrage a été créé à l’initiative de l’Apec, Associationpour l’emploi des cadres, régie par la loi du 1er juillet 1901 et publié sous sa direction et en son nom. Il s’agit d’une œuvre collective, l’Apec en a la qualité d’auteur.

L’Apec a été créée en 1966 et est administrée par les partenaires sociaux (MEDEF, CGPME, UPA, CFDT Cadres, CFE-CGC, FO-Cadres, UGICA-CFTC Cadres, UGICT-CGT).

Toute reproduction totale ou partielle par quelque procédé que ce soit, sans l’autorisation expresse et conjointe de l’Apec, est strictement interdite et constituerait une contrefaçon (article L122-4 et L335-2 du code de la Propriété intellectuelle).

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04 Présentation 04 Les partenariats de recherche de l’Apec 04 Le partenariat avec l’IRISSO 04 L’équipe

1 INTRODUCTION – 06 Problématique de la recherche 08 Terrain d’enquête et méthodologie 11 Organisation du rapport

– 2 LE CONTEXTE DE L’ÉTUDE – 13 Complexifi cation et diversifi cation des pratiques de rémunérations 17 Cadres et non-cadres

– 3 QUELLES VARIABILITÉS DES PRIMES CHEZ LES CADRES DU PRIVÉ ? – 20 Quelles primes pour quels cadres ? 29 De quoi peut-on se satisfaire ? 35 A quoi servent les primes variables ?

– 4 LES PERCEPTIONS DES PRIMES : DE L’ÉCART ENTRE PRINCIPE ET MISE EN ŒUVRE – 39 Une adhésion de principe à l’individualisation des rémunérations 42 Une distance à l’égard de l’épargne salariale 43 Une critique de la mise en œuvre des rémunérations variables 48 Perceptions et montant des rémunérations

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5 PRIMES ET MÉRITE : UNE ÉQUATION COMPLEXE DANS UNE ENTREPRISE BANCAIRE – 52 Présentation 53 Une rhétorique méritocratique 57 Une mise en œuvre sous contrainte 59 Le sentiment de primes «à la tête du client» 61 D’autres principes de justice

6 DES EFFETS CONTRASTÉS DES DISPOSITIFS DE PARTAGE DES BÉNÉFICES DANS UN HYPERMARCHÉ – 70 Présentation 71 De l’émulation du «salarié-actionnaire»... 75 ...A l’éclatement du collectif de travail

7 LE CONTEXTE RELATIONNEL – 82 Une monétarisation comme rationalisation du travail autour de la notion de performance... 83 ...Qui n’annule pas l’importance de la relation avec son supérieur 85 Les règles sociales : rituels, contrôle et solidarité au fi l des interdépendances 87 Les réseaux relationnels et la possibilité de la comparaison

– 8 CONCLUSIONS – 93 Les enseignements de l’enquête 95 Quelques éléments pour poursuivre

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– 9 ANNEXES – 97 Bibliographie 100 Tableau récapitulatif des entretiens 103 Guide d’entretien 106 Questionnaire 107 Dispositif d’enquête quantitative

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–LES PARTENARIATS DE RECHERCHE DE L’APEC –

En 2007, le département études et recherche de l’Apec a lancé un premier appel à projet auprès des laboratoires et centres de recherche. Cette démarche désormais renouvelée chaque année vise à renforcer les liens avec les milieux de la recherche en dévelop-pant des partenariats sur des thématiques intéres-sant l’Apec, les partenaires sociaux et les clients de l’Apec.Chaque recherche porte sur des sujets différents et l’apport de l’Apec varie selon les projets : apport fi -nancier pour optimiser des travaux en cours, appuis techniques pour des enquêtes sur internet, exploita-tion des données de gestion de l’Apec, soutien pour l’accès à certaines populations de cadres…L’objectif est de construire de véritables partenariats dans des logiques de complémentarité des exper-tises : les chercheurs apportent leurs expertises poin-tues et spécialisées pour approfondir les sujets et étudier des méthodologies spécifi ques, le départe-ment études et recherche de l’Apec apporte, lui, une connaissance approfondie de l’emploi cadre dévelop-pée depuis plus de quarante ans.

–LE PARTENARIAT AVEC L’IRISSO –

C’est en 2010 que l’équipe de l’Irisso répond à l’appel à partenariat en proposant une recherche sur les ré-munérations hors salaire et l’individualisation des rémunérations des cadres. Partant du constat que les parties variables des salaires, rémunérations pécu-niaires qui sortent du cadre régulé du salaire, des-sinent une nouvelle tendance notamment dans la rémunération des cadres, il s’agit d’interroger les re-présentations que les salariés en ont, les usages qui peuvent en être faits par ceux qui les mettent en œuvre et les impacts que ces dispositifs ont sur la vie des salariés ainsi que sur leur rapport au travail, à l’emploi et à l’entreprise.

–PRÉSENTATION–

Ce qui est proposé est une approche sociologique centrée sur l’individu, visant à la compréhension des dispositifs de rémunérations hors salaires à la fois du côté de ceux qui les mettent en œuvre et de celui de ceux qui en bénéfi cient, sachant que ces catégories ne sont pas systématiquement exclusives l’une de l’autre. En effet, ces dispositifs sont mis en place pour les cadres et par les cadres, ambigüité qu’il parait pertinente d’analyser. Il s’agit dès lors d’identifi er les différentes formes de rémunérations hors salaires, qui s’avèrent extrêmement diverses, pour les mettre en perspectives avec les usages et les représentations qu’en ont les uns et les autres.

–L’ÉQUIPE –

Sophie Bernard est maîtresse de conférences en sociologie à l’Université Paris-Dauphine, membre de PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO (Institut de Recherche Interdisciplinaire en Sciences Sociales) et membre Junior de l’Institut Universitaire de France.Elise Penalva Icher est maîtresse de conférences en sociologie à l’Université Paris-Dauphine et membre de PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO (Institut de Recherche Interdisciplinaire en Sciences Sociales). •

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06 Problématique de la recherche 08 Terrain d’enquête et méthodologie 11 Organisation du rapport –1–

–INTRODUCTION–

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INTRODUCTION–1–

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–PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE–

Depuis le début des années 1990, nous assistons à une diversifi cation et à une complexifi cation des pra-tiques de rémunérations qui se traduisent par une individualisation croissante de celles-ci et par le déve-loppement des primes dites « réversibles », c’est-à-dire que leur versement n’est pas garanti de manière sys-tématique (à l’inverse des primes irréversibles), mais dépend d’éléments comme la performance des sala-riés ou les résultats de l’entreprise (Demailly, 2012).

–ENCADRÉ 1 : LA DIVERSITÉ DES DISPOSITIFS DE RÉMUNÉRATIONS VARIABLES–

L’épargne salariale est un ensemble de dispositifs dont l’objectif est d’associer les salariés aux résultats de leur entreprise et de favoriser l’épargne collective et le développement des investissements des entreprises. L’intéressement est un dispositif facultatif qui permet aux salariés de bénéfi cier fi nancièrement des résultats ou des performances de leur entreprise. Disponibles immédiatement (sans délai de blocage), les sommes issues de l’intéressement sont calculées selon une formule défi nie par l’accord qui met en place le dispositif pour une durée de trois ans.

La participation est obligatoire dans les entreprises d’au moins 50 salariés et consiste à attribuer aux sala-riés, selon des règles précises, une fraction du bénéfi ce réalisé par l’entreprise. Jusqu’à l’intervention de la loi du 3 décembre 2008, les sommes correspondant à la participation étaient bloquées pendant 5 ans, exception faite des possibilités de déblocage anticipé.

Le Plan d’Epargne d’Entreprise (PEE) permet aux salariés de se constituer, avec l’aide de leur entreprise, un portefeuille de valeurs mobilières. Bloquées pendant 5 ans minimum, les sommes détenues dans le cadre du PEE proviennent des versements volontaires des salariés et de l’abondement de l’entreprise. Le PEE peut également être alimenté par l’intéressement et la participation.

Le Plan d’Epargne pour la Retraite Collectif (PERCO) permet aux participants de se constituer une épargne pour la retraite (site Internet de la DARES).

Par ailleurs, depuis une dizaine d’années, sous l’im-pulsion des gouvernements successifs, les dispositifs de participation, d’intéressement et d’épargne sala-riale (Encadré 1) se sont fortement diffusés (Amar et Pauron, 2013). On constate ainsi un écart de plus en plus important entre le salaire de base et la rému-nération effective des salariés (Castel, Delahaie, Pe-tit, 2011).

Ces évolutions des modes de rémunération ont sus-cité l’intérêt des économistes qui les abordent géné-ralement à un niveau macroéconomique, traitant en particulier du positionnement problématique de l’épargne salariale entre capital et travail (tels que Lechevalier, 2001 ; Montagne, 2006 ; Sauviat, 2002). On doit aussi citer ici les travaux comme ceux de

Thomas Piketty sur les effets de la structure et de la nature des revenus sur les inégalités, et notamment la question de la répartition entre les revenus du capital et ceux du travail, et qui ont récemment connu un succès sans précédent (Landais, 2007 ; Landais, Piketty, Saez, 2011 ; Piketty, 2013).

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De même, la littérature en sciences de gestion est abondante sur le sujet. Elle s’inscrit généralement dans les réfl exions sur le capitalisme managérial avec une problématique d’agence (Jensen, Meckling, 1976 ; Murphy, Zabojnik, 2004). Dans ce cas, le prin-cipal – l’actionnaire – essaie de contraindre l’agent – le dirigeant – à agir pour aligner les intérêts de ce dernier aux siens : la maximisation du profi t et donc la recherche de la performance du dirigeant. Cette littérature conduit à envisager les rémunérations variables comme un outil de mobilisation des sala-riés. En effet, ils y sont défi nis comme des outils d’incitation, qui doivent amener le salarié à travailler dans le sens des intérêts des actionnaires. Ces tra-vaux partent de la réfl exion sur la structure et les montants des rémunérations des dirigeants, et no-tamment la vérifi cation que ces mécanismes de mobi-lisation fonctionnent (Jensen et Murphy, 1990 a. ; Jensen et Murphy, 1990 b. Bertrand et Mullhaina-than, 2001), pour arriver aujourd’hui à réfl échir sur les modes de rémunérations des autres salariés et notamment des cadres.

En revanche, les travaux sociologiques consacrés à cet objet se font plus rares. Pour l’instant, ils se concentrent sur l’étude des élites et notamment les montants des rémunérations des très hauts revenus et, en accord avec les travaux économiques, sou-lignent les inégalités créées ainsi (Godechot, 2007 ; Dudouet et Grémont, 2010 ; Forsé et Galland, 2011 ; Steiner, 2011). L’objectif de notre étude est de com-bler un vide. En effet, nous ne souhaitons pas traiter des montants des très hauts revenus. Nous souhai-tons voir comment cette tendance, jusqu’ici réservée aux hauts dirigeants, irrigue aujourd’hui la structura-tion des rémunérations dans les entreprises. Parties des sommets des entreprises, les rémunérations va-

riables concernent aujourd’hui de nombreux cadres mais aussi des employés. Nous souhaitons mettre en évidence la pertinence d’une approche sociologique pour étudier cet objet, en nous posant la question suivante : comment ces populations perçoivent-elles, au sens propre comme au sens littéral, ces formes de rémunérations nouvelles ?

En interrogeant des cadres et des non-cadres tra-vaillant dans des secteurs différenciés et bénéfi ciant de dispositifs de rémunérations variables diversifi és, il s’agira d’analyser les conséquences de ceux-ci sur les relations avec la hiérarchie, sur le rapport à l’entre-prise, sur le travail et le rapport au travail, sur les trajectoires professionnelles. Comment les salariés – en particulier les cadres, que ce soient ceux qui mettent en œuvre ces dispositifs ou ceux qui en béné-fi cient – appréhendent-ils ces différents dispositifs ? Le fait que ces dispositifs soient mis en place par les cadres et pour les cadres ne brouille-t-il pas l’identité cadre et la frontière entre cadres et employeurs ? Ces rémunérations variables tendant à se diffuser parmi les non-cadres ne participent-t-elles pas d’une « bana-lisation du statut cadre » (Bouffartigue, 2010) ? Quels usages les bénéfi ciaires font-ils de ces rémuné-rations variables ? Quels effets ont-elles en termes d’attractivité vers les jeunes recrues ? Ou de fi délisa-tion des salariés ? Les rémunérations variables ont-elles pour effet de responsabiliser les salariés par rapport aux résultats de l’entreprise ? Ont-elles un impact positif ou négatif sur l’activité de travail des salariés et leur investissement au travail ? Sur leur rapport à l’entreprise ? Les différentes formes de ré-munérations variables produisent-elles des effets si-milaires ou peut-on repérer des effets spécifi ques à chacune ? •

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INTRODUCTION–1–

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–TERRAIN D’ENQUÊTE ET MÉTHODOLOGIE–

L’enquête combine différents types de matériaux et s’articule selon trois étapes. Il nous semble important de préciser dès à présent deux points qui ont émergé au fi l de l’enquête de terrain et qui ont orienté nos choix de recherche et notre volonté de mixer les dif-férents dispositifs de recherche qualitatifs et quanti-tatifs. Tout d’abord, même si des cadres du secteur public et d’autres salariés bénéfi cient de dispositifs de primes variables, il est apparu assez rapidement que la question de la variabilité des perceptions des primes était surtout signifi cative pour la population des cadres du secteur privé, justifi ant pleinement le partenariat avec l’Apec. C’est pourquoi notre disposi-tif d’enquête et en son sein plus spécifi quement le questionnaire vise principalement cette population. En effet, le questionnaire n’a pas d’autres objectifs que de décrire les pratiques et représentations des cadres du privé et n’est représentatif que de cette population (une question fi ltre remerciait donc les autres catégories au début de la passation). Néan-moins, le dispositif qualitatif quant à lui ne se concentre pas uniquement sur cette population. Lors des entretiens, nous avons interrogé des employés ainsi que des salariés du secteur public. Ces entre-tiens servent à élargir notre analyse de ces dispositifs à ces autres populations. Mais ils sont aussi là pour montrer, par comparaison et en creux, en quoi ces dispositifs sont déterminants dans la vie des cadres. Ainsi, ces derniers n’entretenant pas le même rapport au travail et à l’emploi que les autres catégories pro-fessionnelles et bénéfi ciant d’un salaire fi xe plus élevé, ils ne partagent pas les mêmes perceptions des primes. L’autre point concerne la nécessité de contextualiser les dispositifs de rémunérations. Assez rapidement, lors des entretiens exploratoires, la particularisation des dispositifs de rémunérations, complexes et diver-sifi és, s’est révélée déterminante. Nous avons donc choisi d’essayer de situer l’analyse des dispositifs de rémunérations variables dans leurs contextes. Ces contextes ont été saisis par deux prismes : l’entreprise et le salarié. Pour varier les secteurs nous avons réa-lisé deux monographies d’entreprises. Les parcours, profi ls et réseaux relationnels des salariés ont quant à eux été modélisé lors de la passation du question-naire.

La méthode de recherche décrite ci-après repose sur trois dispositifs alliant méthodes qualitatives et quan-titatives.

–DES ENTRETIENS AVEC DES CADRES –

Dans un premier temps, nous avons travaillé en étroite collaboration avec l’Apec qui nous a permis l’accès à 33 cadres travaillant dans des entreprises et des secteurs très diversifi és privé mais également public. Nous avons réalisé avec eux des entretiens semi-directifs entre octobre et décembre 2012 d’une durée comprise entre une heure et deux heures trente. Nous avons ainsi pu avoir une vision d’en-semble des dispositifs existants mais surtout de la variété de leur mise en œuvre. À une cause, il n’y a jamais un seul effet, mais des dispositifs similaires peuvent engendrer des effets variés selon leur contexte d’application. C’est la raison pour laquelle, sur la base des résultats obtenus, il nous est paru pertinent de poursuivre notre étude en réalisant des monographies d’entreprises.

–DEUX MONOGRAPHIES D’ENTREPRISES –

En nous focalisant sur une entreprise spécifi que, il s’agissait ainsi de contrôler les variables contextuelles pour étudier les effets d’un même dispositif sur les perceptions et vécus des salariés et faire émerger d’autres variables explicatives. Nous nous sommes donc engagées dans deux monographies d’entre-prises : l’une dans le secteur de la grande distribution au sein d’un hypermarché situé en banlieue pari-sienne (que nous appellerons Maximag) et l’autre dans le secteur bancaire au siège et dans plusieurs agences en région Parisienne, dans le Nord et en Pi-cardie d’une entreprise que nous nommerons Bank-corp. L’accès au terrain était conditionné par l’anony-misation des entreprises. Nous avons choisi ces secteurs de par la diversité des dispositifs de rémuné-

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rations variables qui y sont mis en œuvre – primes sur objectifs, intéressement, participation, actionna-riat – mais également pour les profi ls différents des salariés y travaillant. Nous avons mené 24 entretiens semi-directifs auprès des salariés de Maximag en juin et juillet 2013 et 41 auprès de ceux de Bankcorp entre juin et octobre 20141. Ils ont duré entre une heure et deux heures trente. Tous les entretiens ont été enregistrés et intégralement retranscrits. Nous nous sommes engagés auprès des enquêtés au res-pect de leur anonymat, condition permettant d’éviter des formes d’auto censure et libérant la parole durant les entretiens. Pour masquer leur identité, nous avons donc utilisé des pseudonymes.

–UN QUESTIONNAIRE –

Dans un dernier temps, avec le soutien de l’Apec, nous avons procédé à la construction, passation et analyse d’un questionnaire. Le questionnaire vise à décrire et encadrer la pratique des rémunérations variables pour la population des cadres du privé. Construit autour de sept parties, il a reçu 1 195 ré-ponses.

La première partie du questionnaire décrit le parcours professionnel des individus : leur nombre et type d’emplois, le nombre d’entreprises dans lesquelles ils ont travaillé, leur parcours et promotion jusqu’au poste de cadre, les évènements qu’ils ont pu connaître au cours de leur carrière comme les périodes de chô-mage ou de formation. La deuxième partie concerne l’emploi et renvoie à des questions pour décrire l’en-treprise (taille, secteur, santé économique), le poste occupé (type de contrat, ancienneté, fonction, niveau hiérarchique) et le rapport à l’emploi du répondant. En effet, on l’interroge sur son implication syndicale, on lui demande s’il exerce une autre activité et enfi n, on procède à une série de questions sur les conditions de travail.

Les troisième et quatrième parties sont l’occasion d’entrer dans le cœur du sujet avec la mesure des rémunérations. Nous avons divisé en deux grandes familles les questions sur les rémunérations : d’abord les questions d’opinion sur les rémunérations, puis les

1. Un tableau récapitulatif des entretiens fi gure en annexe ainsi que les guides d’entretien.

questions descriptives, notamment les variables quantitatives liées aux montants perçus et la compo-sition des différentes formes de rémunérations. Il a été fait le choix de commencer par les questions d’opi-nion. En effet, interroger d’abord les répondants sur leurs salaires et la composition de leur rémunération peut induire un biais. L’hypothèse que les répondants ne connaissent pas toujours exactement leur rémuné-ration a été formulée suite à l’enquête qualitative. Par exemple, interroger les répondants sur le montant total de leurs rémunérations les oblige à effectuer une opération de calcul que certains n’avaient peut-être jamais faite auparavant. L’enquête crée ici son objet en construisant un montant total des rémuné-rations ou en intégrant dans le calcul des rémunéra-tions des éléments qui jusque-là n’étaient pas consi-dérés comme tel par les enquêtés. C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix de commencer par les questions d’opinions sur les rémunérations, pour ne pas infl uencer celles-ci par des effets d’enquête et notamment un prise de conscience du montant total des rémunérations ou de leur complexité. Les ques-tions d’opinion sur les rémunérations portent sur la justesse et la satisfaction. Il y a une différence entre percevoir une rémunération qui nous paraît juste par rapport au travail fourni et percevoir une rémunéra-tion qui nous satisfait : la rémunération peut être juste, si on n’est pas très bien payé mais pas investi dans le travail par exemple. Nous avons également cherché à savoir sur quels élé-ments se fondent l’évaluation du salaire (compé-tence, effort, grille de salaire, ancienneté comparai-son sociale etc.) afin de voir quels critères sont mobilisés en termes de justice sociale concernant les rémunérations. Enfi n, nous avons demandé aux ré-pondants de situer leur salaire par rapport à leur mérite. La partie qui décrit les rémunérations cherche à saisir la complexité des rémunérations : existe-t-il un va-riable, comment est-il composé, sur quels critères est-il attribué, quand est-il perçu, quelle est son évolu-tion ? Mais elle n’oublie également pas d’interroger les enquêtés sur leurs salaires fi xes et leur rémunéra-tion globale afi n de resituer la part variable dans l’ensemble des rémunérations. Cette partie contient également des questions sur les montants des diffé-rentes formes de rémunérations. Il faut ici préciser que nous nous sommes inspirés de deux autres ques-tionnaires existants pour la rédaction de certaines

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INTRODUCTION–1–

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questions. Le questionnaire rémunérations de l’Apec pour les questions qui servent à décrire l’état des ré-munérations fi xes et variables; le questionnaire ISSP 2009 (programme international d’enquêtes sociales) et l’enquête Perception des Inégalités et Sentiment de Justice (PISJ) (Forsé et Galland, 2011), pour la rédaction des questions sur le sentiment de justice et la perception et les opinions sur les rémunérations et les inégalités. Cette démarche permet d’envisager des comparaisons avec la littérature existante sur la per-ception des inégalités et la justice sociale.

La cinquième partie du questionnaire interroge les cadres du privé sur leurs dépenses, c’est-à-dire la fa-çon dont ils utilisent leurs rémunérations. On se ren-seigne à la fois sur l’utilisation du salaire fi xe, mais également sur l’utilisation des différentes primes. Sont-elles associées à des dépenses en particulier ? Les répondants en ont-ils besoin pour vivre au quoti-dien ? Et donc sont-elles réintégrées par les dépenses à leurs rémunérations fi xes ? Ici ce sont les travaux de V. Zelizer (2005) sur le marquage de l’argent qui aiguillent les questionnements : les primes variables, parce qu’elles sont versées via des dispositifs spéci-fi ques, à des moments précis de l’année (intéresse-ment, participation), possèdent elles des utilisations différenciées ?

La sixième partie conclut le questionnaire pour la description des individus et de leurs rémunérations. Il s’agit de la partie relative au profi l des enquêtés qui regroupe leurs caractéristiques sociales classiques (sexe, âge, diplôme, conjoint, patrimoine, trajectoire sociale etc.).

La dernière et septième partie ne s’intéresse plus à la description des individus et de leurs attributs, mais à leurs réseaux relationnels. On change l’unité d’ana-lyse pour passer d’une unité individuelle à une unité relationnelle. Pour chaque individu, on procède donc à un questionnaire sociométrique capable de mesurer la taille et la composition de son réseau. Le réseau

choisi est relatif à une relation qui a une incidence dans la perception de l’argent : les relations de confi -dence autour de l’argent. Deux éléments sont impor-tants : la confi dence et le fait que les discussions tournent autour de l’argent. La littérature en analyse des réseaux sociaux (Ferrand 1991; Burt, 1984, Ferrand, 2007) a montré que les relations de confi -dence sont de bons indicateurs, car dans le cas de phénomènes sensibles socialement (comme par exemple la sexualité) le comportement n’est pas tant le fruit d’une socialisation primaire qu’un construit au sein des interactions sociales, notamment avec des confi dents. Ces confi dents peuvent tenir une place assez particulière dans le réseau en tant qu’in-termédiaire structuraux (Burt, 2005) qui mettent en relation des sous-groupes distincts dans l’univers rela-tionnel de l’enquêté. Ils peuvent aussi avoir un rôle social particulier. Il est donc important d’avoir des informations sur la structure relationnelle ainsi que sur la force des liens ou la nature des contacts. La méthodologie employée couple donc un générateur de noms pour mesurer les réseaux de confi dence autour de l’argent. Le générateur de nom est le sui-vant :

« Avec qui parlez-vous de votre rémunération ?Par exemple, vous discutez du niveau de votre salaire, de son évolution, de vos primes. Vous pouvez égale-ment aborder comme sujet ce que vous allez faire de cet argent en termes de dépenses ou de placements. On peut dire que vous vous faites des confi dences sur le sujet.»

À ce générateur de noms, il faut ajouter des ques-tions qualifi ant la relation (durée et fréquence des contacts), des questions qualifi ants les contacts (qui sont-ils ? collègue, ami, parent etc.) et enfi n des ques-tions permettant de mesurer les relations indirectes, c’est-à-dire les contacts entre les contacts, sans les-quelles la structure relationnelle échappe à l’enquê-teur. •

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–ORGANISATION DU RAPPORT–

Pour étudier les effets des primes sur le travail, le rapport au travail et à l’emploi des salariés, nous tâcherons dans un premier temps de décrire le contexte de l’étude et de décrire cette tendance à la complexifi cation et diversifi cation des dispositifs de rémunérations (2). Nous nous appuierons ensuite sur les résultats d’un questionnaire pour mettre au jour les caractéristiques de ces primes, de leurs bénéfi -ciaires et de leurs usages (3). Nous complèterons cette analyse par les résultats recueillis dans le cadre d’entretiens auprès de cadres grâce auxquels nous pourrons relever l’écart entre une adhésion de prin-

cipe aux rémunérations individualisées et une cri-tique de la mise en œuvre de ces dispositifs (4). Nous nous focaliserons ensuite sur deux cas : la mise en œuvre et les perceptions des primes sur objectifs dans une entreprise du secteur bancaire (5) et celles des dispositifs de partage des bénéfi ces dans une entre-prise du secteur de la grande distribution (6). Enfi n, nous terminerons ce rapport par une analyse du contexte relationnel qui prend une importance consi-dérable avec le développement de ces primes va-riables (7). •

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Complexifi cation et diversifi cation des pratiques de rémunérations Cadres et non-cadres

– CONTEXTE DE L’ÉTUDE–

–2– 13 17

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–COMPLEXIFICATION ET DIVERSIFICATION DES PRATIQUES DE RÉMUNERATIONS–

Saisir les conséquences des rémunérations variables sur le travail et sur le rapport au travail et à l’entreprise des salariés suppose de contextualiser notre propos pour rendre compte des évolutions des pratiques de rémunérations en France. Pour ce faire, nous nous appuierons sur les résultats de diverses enquêtes démontrant que nous assistons depuis le début des années 1990 à une complexification des modes de rémunérations. Celles-ci s’appuient sur différentes enquêtes : l’enquête sur le coût de la main-d’oeuvre et la structure des salaires (ECMOSS, Insee), celle sur l’activité et conditions d’emploi de la main-d’œuvre (Acemo, Dares), l’enquête Relations profes-sionnelles et Négociations d’entreprise (Reponse, Dares) ainsi que celle sur les pratiques de rému-nérations des cadres de l’Apec. Si les rémunérations variables prennent diverses formes, nous nous concentrerons ici sur les primes variables (sur objectifs essentiellement), l’intéressement, la participation et l’épargne salariale. Il s’agira également de mettre en évidence les spécificités de la population cadre au regard des non-cadres.

Si les pratiques de rémunérations ont toujours été relativement diversifi ées et ont évolué au cours du temps (Mottez, 1966), une norme s’est imposée en France à partir de la fi n de la seconde guerre mon-diale. Celle-ci s’appuyait sur les grilles de classifi ca-tion qui permettaient d’établir une hiérarchie de positions associées à des niveaux de rémunérations. Or depuis le début des années 1990, nous assistons à une diversifi cation et à une complexifi cation des pratiques de rémunérations. On constate une ten-dance à l’individualisation des salaires, à la multipli-cation de primes et à la promotion de l’épargne sala-riale partagée par les gouvernements de différents bords politiques (loi Fabius 2001, réforme des re-traites Fillon et introduction du PERCO, etc.) (Chaput, Wolff, 2008 ; Demailly et al., 2010). On considère généralement que l’ensemble de ces dispositifs ont pour effet de remettre en question le rapport salarial fordiste2 et introduisent des formes d’hétérogénéité dans l’emploi (Beffa, Boyer, Touffut, 1999). On constate ainsi un écart de plus en plus important entre le salaire de base et la rémunération effective des salariés. À partir des années 2000, on assiste ainsi à un tournant dans la composition de ces pac-kage car, à partir de cette date, les salaires de base restent stables et ce sont les primes variables qui vont

augmenter (Brizard, 2006). Par ailleurs, une étude récente met en évidence un effet de substitution des primes d’intéressement aux rémunérations dans les entreprises qui ont un accord entre 1999 et 2007. Comme le prévoit la loi, le principe de non-substitu-tion des primes aux salaires est respecté durant l’année de l’introduction de l’intéressement, mais au-delà, il n’est plus appliqué par les entreprises (Dela-haie et Duhautois, 2013). Et dans certains secteurs ou postes, comme les traders en fi nance, la part va-riable dépasse le salaire fi xe et entre en jeu de ma-nière déterminante dans les pratiques de recrutement (Godechot, 2006).

D’après la Dares (Sanchez, 2014), dans les entre-prises de 10 salariés ou plus du secteur privé, le sa-laire de base représentait en 2012 en moyenne 85,2 % de la rémunération brute totale. La rémuné-ration versée sous forme de primes et compléments de salaires représentait en moyenne 13,1 % de la rémunération brute totale avec des variations impor-tantes d’un secteur à l’autre. Dans l’industrie, elle correspondait à 15 % de la rémunération brute to-tale, atteignant 21,6 % dans la production et la dis-tribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air condi-tionné. Elle représentait une part plus faible dans la

2. Un rapport salarial est défi ni par des normes de production et de consommation. Le rapport salarial fordiste s’est développé de 1950 à 1970 et se caractérise notamment par une production massive et standardisée, une division du travail forte et un plein emploi. On a l’habitude de parler de la crise du rapport salarial fordiste depuis la fi n des Trente Glorieuses.

Page 16: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

LE CONTEXTE DE L’ETUDE–2–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?14

construction (9,2%) ainsi que dans les services mar-chands (12,4%), au sein desquels les activités fi nan-cières et d’assurance ainsi que les activités immobi-lières présentent les taux les plus élevés : respectivement 16,4% et 15,8%. D’après la même source, en moyenne, 83,4 % des salariés ont en 2012

touché des primes et compléments de salaires. On note que c’est dans les secteurs où la part des primes est la plus élevée que la proportion de salariés qui en bénéfi cient est la plus importante (tableau 1) : l’industrie (93,6%), les activités fi nancières et d’assu-rance (91,9%) et les activités immobilières (93,5%).

Décomposition de la rémunération brute

Éléments variables de la rémunération brute

Proportion de salariés concernés par...

Salaire de base

Éléments variables

de la rémunéra-

tion

Total Primes et com-

pléments

Heures supplé-

mentaires et complé-mentaires

Des éléments variables

de la rémunéra-

tion

Des primes

et complé-ments

Des heures supplémen-

taires et complémen-

taires

Ensemble 85,2 14,8 100 13,1 1,8 89,5 83,4 41,2

Secteur d’activité de l’établissement

B : Industries extractives 82,4 17,6 100 13,2 4,4 98,4 98,4 59,1

C : Industrie manufacturière 83,9 16,1 100 14,5 1,6 96,1 93,6 45,3

D : Production et distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné

77,4 22,6 100 21,6 1,0 95,0 94,8 38,2

E : Production et distribution d’eau ; assainissement, gestion des déchets et dépollution

81,2 18,8 100 16,4 2,4 97,1 92,0 55,6

F : Construction 86,3 13,7 100 9,2 4,5 93,3 76,3 68,8

G : Commerce ; réparation d’automobiles et de motocycles

84,6 15,4 100 13,4 1,9 92,5 86,1 47,2

H : Transports et entreposage 83,6 16,4 100 13,6 2,9 97,0 92,4 53,9

I : Hébergement et restauration 86,9 13,1 100 9,0 4,1 93,8 81,7 64,4

J : Information et communi-cation

86,9 13,1 100 12,3 0,7 90,1 87,8 19,3

K : Activités financières et d’assurance

83,3 16,7 100 16,4 0,2 93,4 91,9 11,1

L : Activités immobilières 83,6 16,4 100 15,8 0,6 94,0 93,5 16,4

M : Activités spécialisées, scientifiques et techniques

85,9 14,1 100 13,2 1,0 90,1 86,4 22,6

N : Activités de services admi-nistratifs et de soutien

87,1 12,9 100 11,0 1,9 87,1 76,3 45,0

P : Enseignement 91,1 8,9 100 7,8 1,2 61,0 55,1 22,6

Q : Santé humaine et action sociale

89,4 10,6 100 9,6 1,0 67,3 59,6 27,7

R : Arts, spectacles et activités récréatives

86,3 13,7 100 12,6 1,1 78,8 74,6 33,5

S : Autres activtés de services 88,9 11,1 100 10,1 1,0 72,8 67,0 24,0

Industrie (B à E) 83,4 16,6 100 15,0 1,6 96,2 93,6 45,8

Construction (F) 86,3 13,7 100 9,2 4,5 93,3 76,3 68,8

Services marchands (G à S) 86,5 13,5 100 12,4 1,1 83,2 76,9 30,0 Source : Insee-Dares, enquête sur le coût de la main d’œuvre et la structure des salaires en 2012.

– Tableau 1–Décomposition de la rémunération brute et proportion de salariés concernés par ses différentes composantes, par secteur d’activité (en %)

Page 17: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 15

Selon la Dares, en 2011, 56,5 % des salariés du sec-teur marchand non agricole, soit 8,8 millions de sala-riés, ont eu accès à au moins un dispositif de partici-pation, d’intéressement ou d’épargne salariale. Cependant, on enregistre une baisse de 4,2% des montants versés par rapport à 2010. La participation et l’intéressement reculent alors que les montants versés sur des dispositifs d’épargne salariale et no-tamment le PERCO augmentent. En moyenne un salarié a perçu 2 274 € de complément de salaire. La participation est le dispositif le plus répandu avec 43,6% des salariés le percevant, suivi des PEE (42,5 %) et de l’intéressement (36,2 %) et enfi n du

PERCO avec 16,6 % des salariés, qui depuis sa créa-tion en 2003 est en plein essor3. Si d’après l’Insee (Amar et Pauron, 2013), seules 14 % des entreprises du secteur marchand non agricole en 2010 propo-saient au moins un dispositif de participation, d’inté-ressement ou d’épargne salariale à leurs salariés, plus l’entreprise est grande et plus les salariés ont accès à l’épargne salariale (fi gure 1), et ce tout particu-lièrement à la participation à laquelle 74% des sala-riés employés dans les entreprises de plus de 50 sala-riés ont accès de par l’obligation légale de la mettre en place.

0

20

40

60

80

100

1 à 9 salariés

10 à 49 salariés

50 à 99 salariés

100 à 249 salariés

250 à 499 salariés

500 à 999 salariés

1 000 salariésou plus

Ensemble

– Figure 1–Part des salariés ayant un accès à un dispositif de participation, d’intéressement ou d’épargne salariale en 2010

Champ : France métropolitaine, ensemble des entreprises du secteur marchand non agricole, hors intérim et secteur domestiqueSource : Dares, enquêtes Acemo-Pipa 2011 et Acemo-TPE 2011

Fin 2010, 1,4% des salariés des entreprises de 1 à 9 salariés sont couverts par un accord de participation, 6% par un accord d’intéressement, 7,7% par un PEE et 2,6% par un PERCO.

3. Notons que depuis 2010, il est prévu un versement par défaut de la participation au PERCO (la loi n° 2010-1 330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites) dans le cas où le salarié ne demande pas de placement ou de versement.

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LE CONTEXTE DE L’ETUDE–2–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?16

Il faut noter que le recours à ces dispositifs ne s’effec-tue pas de manière massive ou linéaire vers l’indivi-dualisation des salaires. Le phénomène témoigne davantage d’une complexifi cation des politiques de rémunérations qui vont mélanger différents disposi-tifs individuel et collectif, réversibles et irréversibles. On parle de plus en plus de packages de rémunéra-tions dans lesquels sont incluses toutes les formes de rémunérations perçues : primes de performance indi-viduelles ou collectives, primes d’ancienneté, intéres-sement, participation, plan d’épargne salariale. À

partir des années 2000, on assiste à un tournant dans la composition de ces packages car à partir de cette date, les salaires de base restent stables et ce sont les primes variables qui vont augmenter (Brizard, 2006).

Plusieurs tentatives de typologies de ces multiples dispositifs existent. Elles articulent alors deux axes (tableau 2): leur degré d’individualisation et celui de réversibilité (Demailly et al., 2010 ; Chaput et Wolff, 2008).

Modes de rémunération Collectifs Individuels

Irréversibles Augmentations générales

Primes fixes communes au groupe (13ème mois, ancienneté, pénibilité…)

Augmentations individuelles

Réversibles Primes à la performance collective

Dispositifs d’épargne salariale : intéressement, participation et plan d’épargne entreprise (PEE

Primes à la performance individuelle

– Tableau 2–Grille de lecture des modes de rémunérations (Castel, Delahaie, Petit, 2011)

S’appuyant sur l’enquête Réponse 2004-2005, Cas-tel, Delahaie et Petit (2011) proposent notamment une typologie des politiques de rémunérations se révélant particulièrement riche dont nous synthéti-sons quelques caractéristiques ci-dessous. Ils dis-tinguent ainsi six profi ls caractéristiques :- La politique mixte (17,6 % des établissements et 31 % des salariés) regroupe les établissements mobi-lisant massivement l’ensemble des outils de rémuné-ration de manière indifférenciée pour les cadres et les non-cadres ;- La politique fl exible (10,2 % des établissements et 9 % des salariés) se caractérise par un recours très faible aux augmentations générales pour cadres et les non-cadres au bénéfi ce des primes et des disposi-tifs d’épargne salariale ;- La politique collective (24,1 % des établissements et 20 % des salariés) privilégie les augmentations générales, les primes collectives, l’intéressement, tant pour cadres que pour les non-cadres ;- La politique irréversible (22,5 % des établissements

et 17 % des salariés) privilégie l’augmentation indi-vidualisée des salaires ;- La politique irréversible collective (11,2 % des éta-blissements et 8 % des salariés) se caractérise par l’augmentation générale des salaires des cadres et non-cadres ;- La politique réduite (14,7 % des établissements et 10 % des salariés) se traduit par une absence ou un moindre recours aux dispositifs existants.

En dépit de cette diversité, il ressort de cette typolo-gie une forte prégnance de la politique mixte qui confi rme cette tendance à la complexifi cation des pratiques de rémunérations en France se traduisant par leur individualisation et leur réversibilité. Les dis-positifs collectifs et irréversibles ne disparaissent pas pour autant mais ils tendent davantage à se mêler à d’autres dispositifs formant des packages de plus en plus complexes. Les enquêtes démontrent que les cadres sont les premiers concernés par ces mutations des pratiques de rémunérations. •

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 17

–CADRES ET NON-CADRES–

En nous appuyant sur l’Enquête sur le coût de la main-d’œuvre et la structure des salaires (ECMOSS) 2006, menée par l’Insee (Bignon, Folques, 2009), on peut observer que selon le type de salariés, son statut ou sa fonction dans l’entreprise, la nature des primes change fortement. Si ces évolutions récentes touchent toutes les catégories de salariés, elles le font donc de manière différenciée et semblent avoir un poids spé-cifi que sur la population de cadres (Barreau, Bro-chard, 2003). Les primes liées à la performance indi-viduelle (qui sont des primes dites réversibles) sont très présentes dans les rémunérations des cadres, alors que les ouvriers sont particulièrement concernés

par les primes d’ancienneté ou de contraintes de postes qui s’avèrent être des primes irréversibles.

D’après les résultats de la dernière enquête Apec portant sur les rémunérations des cadres (2015), un cadre sur deux touche une part variable, dont 38 % une prime sur objectif, 8 % une commission sur le chiffre d’affaire, 7 % d’autres éléments de salaire variable (comme des primes de déplacement, des indemnités d’astreintes, etc.)4. La part variable « à court terme » peut ainsi représenter pour 10 % des cadres presque un quart de leur rémunération an-nuelle brute totale (tableau 3).

90% des cadres perçoivent une part variable supérieure à 3 %

75% des cadres perçoivent une part variable supérieure à 5 %

50% des cadres perçoivent une part variable supérieure à 8 %

25% des cadres perçoivent une part variable supérieure à 14 %

10% des cadres perçoivent une part variable supérieure à 22 %

– Tableau 3–Part de la rémunération variable à court terme dans la rémunération annuelle brute totale en 2014

Source : Apec, Enquête Situation professionnelle et rémunération des cadres 2015.Base des répondants : ensemble des cadres qui bénéfi cient d’une partie variable

Pour 90 % des cadres bénéfi ciaires d’une part variable à court terme, le montant de la part variable perçue est supérieure à 3 % de la rémunération brute totale.

Près de quatre entreprises sur cinq proposent 3, voire 4 éléments de rémunération en plus du salaire de base de tout ou partie de leurs salariés cadres. La diversifi cation des dispositifs de rémunération est particulièrement prégnante dans les grandes entre-prises, neuf entreprises de 1 000 salariés et plus sur dix proposant au moins 5 éléments de rémunération en plus du salaire de base. En 2014 (Apec), 39 % des cadres bénéfi cient d’un intéressement, 38 % d’une participation, 25 % d’un Plan d’Epargne Entreprise (PEE), 18 % d’un abondement du plan d’épargne, 16 % d’un plan d’épargne retraite collectif (PERCO)

4. Plusieurs réponses étaient possibles.

et seulement 2 % de stock-options (fi gure 2). Le rapport indique que dans un peu plus d’un cas sur deux, les sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation représentent moins de 1 500 €.

D’après l’Insee (Amar et Pauron, 2013), les dispositifs d’épargne salariale étant plus fréquents dans les entreprises dans lesquelles la part des cadres est la plus élevée, ceux-ci en tirent davantage partie. Ainsi, alors que 63 % d’entre eux sont couverts par un ac-cord, c’est le cas de 44 % des ouvriers et de 42 % des employés.

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LE CONTEXTE DE L’ETUDE–2–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?18

Stock optionAbondement du plan d'épargne

Plan d'épargne retraite

collectif (PERCO)

Participation Plan d'épargneentreprise (PEE)

Intéressement

39 %

2 %

16 %

38 %

18 %

25 %

–Figure 2–Part des cadres concernés en 2014 par les éléments de rémunération différée

Source : Apec, Enquête Situation professionnelle et rémunération des cadres 2015Base des répondants : ensemble des cadres

Si l’on assiste donc à un mouvement général de com-plexifi cation des politiques de rémunérations, les enquêtes statistiques démontrent que les cadres sont tout particulièrement concernés par cette tendance. Mais quelles perceptions ont-ils de cette individuali-

sation et diversifi cation des rémunérations ? Que leur évoquent ces packages ? Entretiennent-ils le même rapport aux primes variables individuelles qu’aux dispositifs d’épargne salariale ? C’est l’objet de la partie suivante que d’explorer ces aspects. •

Page 21: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 19

20 Quelles primes pour quels cadres ? 29 De quoi peut-on se satisfaire ? 35 A quoi servent les primes variables ?–3–

–QUELLES VARIABILITÉS DES PRIMES CHEZ LES CADRES DU PRIVÉ ?–

Page 22: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

QUELLES VARIABILITÉS DES PRIMES CHEZ LES CADRES DU PRIVÉ ?–3–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?20

Nous allons dans cette partie présenter les principaux résultats descriptifs du questionnaire. L’analyse du questionnaire laissera ensuite la place à l’analyse qualitative. Nous reviendrons au questionnaire lors du dernier chapitre du rapport pour traiter de l’évaluation des primes au cours de comparaisons qui ont lieu dans les réseaux relationnels des salariés. On peut regrouper ces premiers résultats en trois catégories. La première concerne la description de la population de cadres du privé interrogés et la réalité des primes qu’ils touchent. Ensuite, nous revenons sur la satisfaction ou l’insatisfaction que ces salariés cadres peuvent ressentir vis-à-vis de ces disposi-tifs et plus généralement sur leurs opinions vis-à-vis de leur rémunération. Et enfin, nous analy-serons la manière dont ces primes sont réparties dans le budget des cadres et finissent par être dépensées. Nous posons la question de savoir si cet argent, versé à des moments particuliers, possède des fonctions spécifiques.

Avant de présenter ces différents résultats, nous devons revenir sur le mode de passation du questionnaire. La passation s’est effectuée sur internet. Elle durait environ une demi-heure et les répondants pouvaient interrompre et reprendre le fil des questions. Cette passation s’est effectuée à l’automne 2014. Les enquêtés ont été sollicités par mail à partir d’un fichier d’utilisateurs des services de l’Apec. Les envois de mails ont été étalés au cours de différentes heures de la journée, pour éviter d’être perdus dans la charge de travail de la semaine ou de n’avoir que des réponses du vendredi soir. Nous avons effectuées deux relances.

Le questionnaire a obtenu 1496 réponses, soit un taux de retour assez élevé proche de 15%. Cependant, les répondants ayant la possibilité de passer certaines questions (dispositif nécessaire pour une enquête touchant un sujet parfois sensible), certaines ont un taux de non réponse élevé. Ce taux sera conservé dans la présentation des résultats chaque fois qu’il nous a semblé intéres-sant à interpréter. Lorsqu’il ne l’est pas, les fréquences des réponses sont calculées par rapport aux réponses exprimées. On arrive au final à un nombre de réponses exploitables de 1195 cadres salariés du secteur privé qui représente notre échantillon.

–QUELLES PRIMES POUR QUELS CADRES ? – –PRÉSENTATION DES CADRES AYANT RÉPONDU A L’ENQUÊTE –

Une rapide description de la population de cadres en France et de ses récentes évolutions (Bouffartigues, Gadéa, 2000) montre une féminisation de ces em-plois5 et un accroissement des professions d’expertise au détriment de celles de commandement. On note aussi l’importance du diplôme qui devient de plus en plus une condition nécessaire, mais non suffi sante pour entrer dans les fonctions d’encadrement. Notre étude montre qu’il existe une forte variabilité des dispositifs de rémunérations variables, qui se com-posent de « packages » hétérogènes, et différentes manières de vivre la perception de ces dispositifs. Les cadres en France ne sont pas concernés de manière homogène par les rémunérations variables : il existe

un effet du secteur, du poste, de la trajectoire profes-sionnelle, du moment dans la carrière etc. Nous avons donc choisi de proposer nos résultats à partir de notre échantillon. Cet échantillon est composé d’individus sondés en tant que cadre du secteur privé en activité et répon-dant à une étude sur les rémunérations variables (n=1195, voir tableaux descriptifs en annexe). Il com-porte une majorité d’hommes (29% de femmes dans notre échantillon), entre 25 et 45 ans, possédant un niveau de diplôme très élevé et pour la grande majo-rité vivant en couple. Ajoutons que 61% des enquê-tés ont des enfants, 35% des répondants ont un ou des enfants à charge, un quart leur donne de l’argent ou leur paye les frais d’inscription aux études supé-rieures. Ils ont pour un tiers un père issu de la caté-gorie cadres et professions intellectuelles supérieures, qui travaillait dans une entreprise privée et d’une

5. Un quart de femmes dans l’enquête emploi de 1997, taux aujourd’hui avoisinant les 36 % et en constante augmentation.

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 21

mère au foyer. Une autre part des sondés avait un père employé ou artisan, commerçant ou chef d’entre-prise (un peu plus de 10 % pour chaque catégorie).6 Ils vivent en banlieue, dans les environs d’une grande ville, ou en ville et sont pour près de la moitié des répondants propriétaire par achat. Seuls 7 % des répondants sont propriétaires d’un autre logement de rapport.

À propos de leur budget et la gestion de l’argent que perçoivent les cadres du privé en activité interrogés, voici quelques grandes caractéristiques des répon-dants. Le plus souvent, les couples possèdent deux comptes courants et un compte commun (22 % des réponses contre 11 % pour le compte commun). Près de 60 % des répondants possèdent des produits d’épargne et de placement (pour une somme géné-ralement comprise entre 10 000 et 50 000 €). Décrivons à présent le parcours professionnels des cadres interrogés. En moyenne, ils ont travaillé dans 3,5 entreprises, mais le plus souvent ils ont connu 2 ou 3 entreprises. Plus de 80 % des répondants sont en CDI, à temps plein. Un tiers possède des respon-sabilités hiérarchiques, alors qu’un autre tiers n’est responsable que de sa propre activité. Un peu plus de 8,6% des cadres interrogés sont syndiqués, ce qui correspond à un taux de syndicalisation à peine plus élevé que celui des salariés français durant ces der-nières années7 (7,7 % en 2013). Plus de la moitié a toujours été cadre et aspire à changer d’emploi dans l’année à venir, soit pour changer son environnement de travail ou pour bénéfi cier d’une augmentation de salaire. La grande majorité des enquêtés (77%) n’a jamais connu de longues périodes d’interruption de travail (plus de 6 mois) comme un congé sabbatique, un congé parental, une maladie, une formation. Plus précisément, près des trois quart des enquêtés n’a pas connu une période de chômage de plus de 6 mois. Quand il y a eu une telle période de chômage, elle concerne plutôt les femmes : 78 % des hommes n’ont pas connu de telles périodes de chômage contre 73% des femmes. Les femmes ont aussi plus souvent interrompu leur carrière pour une longue période, le plus souvent pour un congé parental ou une formation. Quand on pose la question aux en-quêtés de l’impact qu’a eu cet arrêt sur leur rémuné-ration, les réponses sont diffi ciles à évaluer. En effet, la réponse la plus fréquente est qu’il n’y a pas eu d’impact : c’est le cas pour 45% des réponses expri-

mées pour les enquêtés ayant connu une période d’arrêt de plus de 6 moins (soit 170 enquêtés). Les répondants n’associent donc peut-être pas les pauses dans leurs carrières à l’évolution de leurs rémunéra-tions. Viennent ensuite et quasiment à la même fré-quence les impacts positifs et négatifs, soit 29% d’impact positif et 26 % d’impact négatif. On ne peut donc pas conclure sur l’existence d’un effet de ces pauses dans la carrière, qu‘elles soient mises à profi t pour faire évoluer positivement la carrière comme les formations, ou qu’elles soient plus relatives à la vie personnelle des salariés comme le congé parental. Il est possible que l’enquête qualitative soit ici plus pertinente que l’enquête par questionnaire pour sai-sir la réalité de ces situations complexes.

Les cadres interrogés travaillent en majorité soit dans des entreprises de moins de 100 salariés, soit dans des entreprises de plus de 1000 salariés. Le tableau 4 ci-dessous répartit les enquêtés selon le secteur d’activité.

Quel est le principal secteur d’activité dans l’entreprise pour laquelle vous travaillez ? Total

Activités informatiques 11,9 %

Activités juridiques et comptables, conseil et gestion

2,6 %

Banques et assurances, immobilier 6,8 %

Commerce 7,2 %

Communication et médias 2,4 %

Construction 3,8 %

Formation initiale et continue 1,3 %

Hôtellerie, restauration, loisirs 1,7 %

Industrie 22,0 %

Ingénierie-R&D 9,5 %

Santé – action sociale, activités des organisations associatives

4,9 %

Services divers aux entreprises 5,2 %

Télécommunications 2,2 %

Transports et logistique 2,2 %

Autre 6,2 %

Non réponse 10, 3%

Total 100 % Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

–Tableau 4–Les cadres interrogés par secteurs d’activité

6. Ces chiffres sont comparables aux résultats de l’enquête de L’INSEE Emploi 1997.7. Source : http://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=UN_DEN&Lang=fr

Page 24: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

QUELLES VARIABILITÉS DES PRIMES CHEZ LES CADRES DU PRIVÉ ?–3–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?22

Le tableau suivant nous montre la manière dont les cadres jugent la santé de leur entreprise. Dans la dernière enquête Apec « Perceptions des pratiques RH en entreprises » (2016), la question de la percep-tion de la santé de leur entreprise par les salariés était également posée : une très grande majorité des cadres jugent « bonne » voire « très bonne » la situa-tion économique de leur entreprise (autour de 80 % selon le poste). Dans notre cas, où la question diffère un peu, les chiffres sont un peu moins élevés mais restent très positifs (tableau 5).

Selon vous, quelle est la santé économique actuelle de votre entreprise ? Total

Très bonne santé 22,4 %

Assez bonne santé 42,0 %

Situation délicate 17,2 %

Mauvaise situation 5,4 %

Sans opinion 1,0 %

Non réponse 12,0 %

Total 100 %

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

–Tableau 5–Opinion sur la santé de l’entreprise

% de réponses Tout à fait d'accord

Plutôt d'accord Plutôt pas d'accord

Pas du tout d'accord

Total

Je suis constamment sous pression à cause d’une forte charge de travail

19,3 % 38,8 % 29,5 % 12,4 % 100,0 %

Les relations avec mes collègues de travail sont bonnes

37,3 % 55,7 % 5,0 % 2,0 % 100,0 %

Mes relations avec la hiérarchie sont bonnes 27,5 % 52,2 % 15,0 % 5,3 % 100,0 %

J'ai l'opportunité de développer de nouvelles compétences

24,8 % 35,9 % 25,0 % 14,3 % 100,0 %

Je reçois de la reconnaissance dans mon travail (clients, collègues, hiérarchie,....)

14,2 % 49,0 % 23,6 % 13,2 % 100,0 %

Ma rémunération est correcte par rapport au travail effectué

9,6 % 47,3 % 29,0 % 14,1 % 100,0 %

Mes perspectives d'avancement, de progression professionnelle sont bonnes

7,2 % 28,6 % 36,9 % 27,3 % 100,0 %

Mes chances de conserver cet emploi sont bonnes 24,8 % 55,4 % 12,6 % 7,2 % 100,0 %

Ma charge de travail est excessive 15,6 % 29,5 % 41,2 % 13,7 % 100,0 %

– Tableau 6–Opinion des cadres du privé interrogés sur leurs conditions de travail

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

Il semble par ailleurs, que les modalités relatives à l’ambiance au travail, aux relations avec les collègues et la hiérarchie donnent plutôt satisfaction aux sala-riés interrogés. Ce sont plutôt les conditions liées à l’emploi, la charge de travail et les perspectives d’avancement, qui donnent le moins de satisfaction aux interrogés. À ce stade des questions, la rémuné-ration ne semble pas poser un problème particulier pour les cadres interrogés (tableau 6).

Page 25: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 23

–LA VARIABILITÉ DES PRIMES VARIABLES –

Concernant à présent leurs rémunérations, 46 % des cadres du privé interrogés disent recevoir une part variable (soit 61 % des réponses exprimées). Si cette forme de rémunérations s’est développée depuis les années 1990, elle ne s’est toutefois pas généralisée, étant donné qu’un tiers des enquêtés ne reçoit pas de primes variables. Quels sont les cadres qui per-

– Tableau 7–Existence de rémunérations variables selon les secteurs

Votre rémunération comprend-elle une part variable ?

Non Oui NR Total général

Activités informatiques 39,4 % 39,5 % 21,1 % 100,0 %

Activités juridiques et comptables, conseil et gestion

35,5 % 45,2 % 19,3 % 100,0 %

Banques et assurances, immobilier 17,3 % 66,7 % 16,0 % 100,0 %

Commerce 22,1 % 62,8 % 15,1 % 100,0 %

Communication et médias 34,5 % 55,2 % 10,3 % 100,0 %

Construction 42,2 % 40,0 % 17,8 % 100,0 %

Formation initiale et continue 80,0 % 6,7 % 13,3 % 100,0 %

Hôtellerie, restauration, loisirs 25,0 % 50,0 % 25,0 % 100,0 %

Industrie 29,7 % 58,5 % 11,8 % 100,0 %

Ingénierie-R&D 33,3 % 51,8 % 14,9 % 100,0 %

Santé – action sociale, activités des organisations associatives

56,9 % 29,3 % 13,8 % 100,0 %

Services divers aux entreprises 27,4 % 66,1 % 6,5 % 100,0 %

Télécommunications 26,9 % 57,7 % 15,4 % 100,0 %

Transports et logistique 26,9 % 57,7 % 15,4 % 100,0 %

Autre 41,9 % 43,2 % 14,9 % 100,0 %

NR 0,0 % 2,4 % 97,6 % 100,0 %

Total général 29,9 % 46,8 % 23,3 % 100,0 %

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

çoivent une part variables et ceux qui n’en perçoivent pas ? En termes de secteur d’activité, on remarque que les secteurs versant des primes sont plutôt ceux des services aux entreprises, de la banque et du com-merce. Les secteurs de la santé mais surtout de la formation ne mettent généralement pas en place ce type de dispositifs. Il faut toutefois interpréter les résultats avec mesure, étant donné le taux important de non réponses sur ces questions. Au-delà de ces différences sectorielles, il est important de souligner que ces dispositifs sont surtout fonction du type d’entreprise et notamment de la taille (tableau 7).

Page 26: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

QUELLES VARIABILITÉS DES PRIMES CHEZ LES CADRES DU PRIVÉ ?–3–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?24

Les cadres qui perçoivent ces primes variables sont plus nombreux à exercer des responsabilités hiérar-chiques. Les hommes sont surreprésentés : 62 % d’entre eux contre 47 % du total perçoivent une prime. En termes d’âge, seule la catégorie des 20-25 ans semble ne pas percevoir de primes variables. Enfi n quand il s’agit des postes occupés, les primes variables sont surtout perçues par les commerciaux, étant donné leurs modes de rémunérations spéci-fi ques, mais aussi les directions et les ressources hu-maines. On peut donc bien affi rmer que ces disposi-tifs, outre leur attractivité pour les rémunérations des fonctions commerciales, sont mis en place par et pour

– Tableau 8–La part variable selon la fonction occupée

Votre rémunération comprend-elle une part variable ?

Non Oui NR Total général

Commercial, Marketing 17,0 % 69,5 % 13,5 % 100,0 %

Communication, Création 50,0 % 30,0 % 20,0 % 100,0 %

Direction d'Entreprise 25,0 % 63,2 % 11,8 % 100,0 %

Etudes, Recherche et Développe-ment

36,3 % 51,8 % 11,9 % 100,0 %

Gestion, Finance, Administration (Juridique, Assistanat de Direction)

33,9 % 47,2 % 18,9 % 100,0 %

Informatique 42,9 % 39,3 % 17,8 % 100,0 %

Production industrielle 42,7 % 46,7 % 10,6 % 100,0 %

Ressources Humaines 30,2 % 56,6 % 13,2 % 100,0 %

Sanitaire, Social et Culturel 69,2 % 23,1 % 7,7 % 100,0 %

Services Techniques 30,6 % 49,4 % 20,0 % 100,0 %

Total général 29,9 % 46,8 % 23,3 % 100,0 %

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

les cadres. Les premiers à en bénéfi cier sont ceux qui les décident ou les mettent en place. Remarquons que ces dispositifs sont plus souvent appliqués à des fonctions dans lesquelles il est plus facile de défi nir ce qu’est une performance (fonction commerciale). Les fonctions pour lesquelles la performance est dif-fi cilement quantifi able ne recourent pas à ce type de dispositifs (communication et création, santé). No-tons enfi n l’exception notable de la production indus-trielle qui, selon les répondants, ne met pas en place de manière signifi cative ce type de dispositif, alors que ce secteur a l’habitude des indicateurs liés à l’activité (tableau 8).

Page 27: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 25

Les critères de la performance, sur lesquels sont, conformément à la théorie des incitations, générale-ment calculées les primes, sont défi nis par une com-binaison entre performance individuelle et collective. Il est rare qu’il n’existe qu’un seul critère pris en compte et la performance semble bien être le critère déterminant, à l’exclusion d’autres critères, beaucoup plus rares (fi gure 3). Notons que la performance collective peut être défi nie à plusieurs niveaux de collectif. C’est la performance du groupe qui semble être la plus souvent utilisée, en lien avec des disposi-tifs d’intéressement qui utilisent ce périmètre pour défi nir les objectifs de l’entreprise via le chiffre d’af-faires ou les bénéfi ces.

Autrescritères

Performance du site

Performance du groupe

Performancede l'équipe

Performance personnelle

36,1 %

4,4 %

11,0 %

26,8 %

11,7 %

–Figure 3–Critères sur lesquels sont définies les primes (Plusieurs réponses possibles), en % des cadres concernés

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

Pour aller plus loin, nous avons croisé l’existence de primes variables et l’opinion sur la santé de l’entre-prise, étant donné que ces primes sont souvent déter-minée par la performance du groupe, nous cherchons à vérifi er si une situation perçue comme délicate était liée à une absence de rémunération. Cependant il n’en est rien et il semble qu’il n’y ait pas de dépen-dance statistique entre l’existence de primes et la santé de l’entreprise.

Page 28: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

QUELLES VARIABILITÉS DES PRIMES CHEZ LES CADRES DU PRIVÉ ?–3–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?26

L’enquête par questionnaire confi rme l’existence de packages de rémunérations (fi gure 4). Plus d’un tiers des répondants perçoivent plusieurs dispositifs, surtout de la participation et de l’intéressement, les

Stock-option/Actions

Abondement PERCOParticipation PEE/PEIIntéressement

34,8 %

1,8 %

11,8 %

23,4 %

11,2 %

16,6 %

–Figure 4–Composition des packages de rémunérations variables (plusieurs réponses possibles), en % des cadres concernés

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

plans d’épargne sont plus rares. Ils occupent majori-tairement des fonctions de recherche et développe-ment ou de ressources humaines.

Dans le tableau 9 suivant, on peut voir si certains dispositifs sont plus utilisés pour certaines fonctions. On remarque les fonctions n’offrent pas toutes les mêmes dispositifs. Si on pouvait s’attendre au résul-tat que les stock-options sont surtout versées aux membres de la direction, on note également que la production reçoit surtout de la participation et de

– Tableau 9–Les types de dispositifs perçus par fonction

Participation Intéressement PEE PEI Abondement PERCO Stock-Options

Commercial, Marketing 38,5 % 25,5 % 17,5 % 9,0 % 11,5 % 2,0 %

Communication, Création 10,0 % 15,0 % 25,0 % 10,0 % 10,0 % 0,0 %

Direction d'Entreprise 32,9 % 21,1 % 17,1 % 6,6 % 13,2 % 4,0 %

Etudes, Recherche et Développement 48,2 % 36,7 % 18,4 % 21,1 % 17,4 % 2,8 %

Gestion, Finance, Administration (Juridique, Assistanat de Direction)

30,7 % 19,7 % 13,4 % 10,2 % 10,2 % 0,8 %

Informatique 36,7 % 22,5 % 22,0 % 12,6 % 11,5 % 3,1 %

Production industrielle 44,0 % 38,7 % 18,7 % 8,0 % 14,7 % 0,0 %

Ressources Humaines 49,1 % 26,4 % 26,4 % 15,1 % 17,0 % 1,9 %

Sanitaire, Social et Culturel 30,8 % 0,0 % 0,0 % 0,0 % 0,0 % 0,0 %

Services Techniques 35,3 % 21,2 % 17,7 % 11,8 % 12,9 % 0,0 %

NR 3,7 % 0,7 % 2,2 % 1,5 % 1,5 % 0,0 %

Total général 34,8 % 23,4 % 16,6 % 11,2 % 11,8 % 1,8 % Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

l’intéressement. L’abondement est quant à lui princi-palement perçu par les gens travaillant dans les ser-vices études, recherche et développement, qui avec les ressources humaines touchent le plus de types de dispositifs différents. Les plans d’épargne sont eux plutôt versés chez les communicants, créatifs, infor-maticiens et membres des ressources humaines.

Page 29: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 27

Si les sommes perçues peuvent être très importantes (en moyenne 16 250 €), elles n’augmentent en moyenne pas vraiment les rémunérations perçues par les salariés. Il existe donc des inégalités entre ceux qui touchent des rémunérations variables très élevées et ceux qui n’en touchent pas ou qui touchent de petites sommes.

Si on veut rentrer plus dans le détail en termes de montant, on peut regarder ce que les enquêtés touchent au titre de la participation et de l’intéresse-ment (tableau 10). Les sommes perçues restent en

% de répondants Montant total des rémunérations

variables

Intéressement Participation

Moins de 500 euros 5,6 20,8 24,2

De 500 à 1 000 euros 6,5 12,3 12,0

De 1 000 à 1 500 euros 6,7 11,3 7,6

De 1 500 à 3 000 euros 17,7 12,8 13,7

De 3 000 à 4 500 euros 11,4 5,6 3,5

De 4 500 à 6 000 euros 11,9 1,1 2,0

Plus de 6 000 euros 24,1 1,3 1,3

Pas de rémunération variable perçue 13,4 31,2 30,9

Ne sait pas 2,8 3,7 4,8

– Tableau 10–Montant versés selon le type de dispositifs de rémunérations variables (en % de répondants)

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

général inférieures à 500 €, en effet, 20,78 % et 24,18 % des répondants touchent respectivement moins de 500 € en intéressement et participation. Mais si on prend en compte d’autres dispositifs (mon-tant total des rémunérations variables), alors les sommes perçues peuvent devenir beaucoup plus im-portantes. Par exemple, on lit dans le tableau 10 que 24,1 % des enquêtés perçoivent plus de 6 000 € sur la totalité de leur rémunération variable. On suppose qu’il s’agit d’un effet de dispositifs rarement distri-bués, mais qui sont très avantageux, comme les stock-options.

Page 30: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

QUELLES VARIABILITÉS DES PRIMES CHEZ LES CADRES DU PRIVÉ ?–3–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?28

Si le salaire, et donc la part fi xe, ne peut pas dimi-nuer, la part variable, elle, accuse souvent une baisse et augmente moins que la part fi xe. On peut donc supposer que la part fi xe sert de variable d’ajuste-ment aux rémunérations (tableau 11).

On constate que la perception de la variation des rémunérations variables est liée à la perception de la santé de l’entreprise (tableau 12). En effet, 32% des cadres du privé qui disent avoir connu une aug-mentation de leur variable durant l’année écoulée disent également être dans une entreprise en très

part fi xe (en %) part variable (en %)

A fortement augmenté 4 3

A augmenté 41 25

Est restée stable 51 47

A diminué 3 18

A fortement diminué 1 7

Total 100 100

– Tableau 11–Variations des parts fi xes et variables des rémunérations au cours de l’année 2013

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

– Tableau 12–Perception de l’état de santé de l’entreprise et évolution du variable7

a fortement diminué

A diminué est restée stable

a augmenté A fortement augmenté

Total

Très bonne santé 6,8 % 14,4 % 44,7 % 31,8 % 2,3 % 100,0 %

Assez bonne santé 3,7 % 18,1 % 47,2 % 26,4 % 4,6 % 100,0 %

Situation délicate 11,5 % 19,8 % 46,9 % 17,7 % 4,1 % 100,0 %

Mauvaise situation 16,1 % 16,1 % 54,9 % 12,9 % 0,0 % 100,0 %

Sans opinion 25,0 % 25,0 % 50,0 % 0,0 % 0,0 % 100,0 %

Total général 7,0 % 17,7 % 46,9 % 24,9 % 3,4 % 100,0 % Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

7. Ce tableau est le résultat du croisement de deux questions : « Selon vous quelle est la santé économique actuelle de votre entreprise ? » et « Au cours de l’année dernière (en 2013), quelle a été l’évolution de votre rémunération annuelle brute totale, c’est-à-dire en tout : de votre fi xe et de votre variable ? Ma Rémunération annuelle brute totale A fortement augmenté / a augmenté /est restée stable / A diminué / a fortement diminuéMa partie fi xe A fortement augmenté / a augmenté /est restée stable / A diminué / a fortement diminuéMa partie variable A fortement augmenté / a augmenté /est restée stable / A diminué / a fortement diminué »

bonne santé. En revanche, 16 % des cadres du privé qui constatent que leur variable a fortement diminué estiment que leur entreprise est en dans une mau-vaise situation économique.

Concernant leur temporalité, les primes sont le plus souvent versées au printemps et en décembre. Néan-moins, les autres moments de l’année sont aussi l’occasion de versements, même si ces derniers sont plus rares. D’une manière générale, on peut dire qu’il y a plus de primes à des moments clés de la vie des salariés, comme la veille des fêtes de fi n d’année. Mais les versements ne se résument pas à ces mo-ments, ils rythment toute l’année des salariés et la vie de l’entreprise. Les primes sont également perçues plusieurs fois dans l’année pour 17 % des enquêtés. Il semble qu’il y ait une temporalité des primes qui soit liée aux évènements propres à la vie de l’entre-prise : comme par exemple avec l’annonce des résul-tats du groupe et donc de l’intéressement. Un autre exemple est celui de la corrélation entre l’entretien annuel et le versement de la prime qui donne parfois lieu à des formes de rituels (cf. chapitre 7). Le dernier exemple que l’on peut mobiliser est plus ancré dans la vie du salarié avec l’utilisation des primes pour payer les impôts ou les vacances. •

Page 31: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 29

–DE QUOI PEUT-ON SE SATISFAIRE ?–

Interroger les enquêtés sur la satisfaction liée à leurs rémunérations revient à leur poser des questions d’opinion. La question des rémunérations est assez déterminante dans la vie des individus pour qu’on puisse penser que leurs opinions sur ces sujets sont un objet de recherche légitime. Il ne faut cependant pas en conclure trop vite que les enquêtes ont une représentation exacte des sommes qu’ils perçoivent. Nous avons choisi d’analyser ces opinions selon quatre axes : la visibilité des rémunérations variables, la satisfaction en elle-même, les principes de justice les justifi ant et le rapport au mérite que ces primes à la performance créent chez ceux qui les perçoivent. Tout d’abord, nous avons fait l’hypothèse que les enquêtés ne connaissent pas forcément exactement le montant ou la structure de leurs rémunérations. Cette hypothèse a été formulée suite à l’enquête qua-litative.

« Alors … je crois que hors primes je dois être à 5 400, mais je ne suis même pas sûre. Je ne connais jamais mon salaire, c’est une catastrophe » (un cadre RH, dans l’outillage, la trentaine)

Par ailleurs, les enquêtés ont rarement exprimé des réticences à nous parler de leurs salaires et de leurs primes, contrairement à l’idée reçue qu’il y aurait un tabou très français autour des questions d’argent. Les travaux de Michèle Lamont (1995) analysent le rapport des cadres supérieurs français et américains à l’échelle sociale. Ils montrent que dans les deux pays, trois dimensions sont mobilisées : le rapport à l’argent, le rapport à la morale et enfi n le rapport à la culture. En fonction de ces trois dimensions les cadres tracent des frontières pour décrire leur groupe social et désigner également ceux qui n’en font pas partie. Ces frontières évoluent, et au-delà des clichés que les Français peuvent entretenir par exemple sur un rapport à l’argent décomplexé des Américains, l’auteur montre des modes de marquage de frontières différents selon le pays et qui s’expliquent autant par des facteurs structurels que culturels : il faut combi-ner les structures dans lesquels évoluent les individus,

les opportunités que celles-ci leur offrent ou pas, avec les ressources culturelles qu’ils peuvent posséder. Or, il semble bien que les rémunérations variables ont une infl uence sur les structures de l’emploi. Dans ce contexte, il paraît donc intéressant de décrire les ré-munérations variables mais également d’analyser les opinions que les salariés ont de celles-ci et la facilité (ou non) qu’ils ont à évoquer leurs rémunérations et plus largement leur rapport à l’argent.

De même, les 15 % de taux de réponses au question-naire sont assez élevés8. Pourquoi une telle facilité d’accès sur un terrain si particulier ? Aujourd’hui par-ler de son salaire ou de ses primes, c’est aussi évaluer sa place dans la société et faire une opération d’éva-luation de la stratifi cation sociale et de l’endroit où l’on se situe en son sein. Cette opération est impor-tante pour les acteurs. Si le niveau de salaire peut engendrer des frustrations, il traduit aussi un élément identitaire.

Nous avons donc voulu vérifi er que la complexité des primes variables induit une forme d’invisibilité, qui a des effets sur la connaissance des rémunérations, mais pas seulement. En effet, il semble que la multi-plication des dispositifs et l’incertitude liées à la ré-versibilité de certaines primes entraine un fl ou. Il n’est pas certain que les salariés sachent avec exac-titude combien ils ont perçu, encore moins qu’ils sachent anticiper leurs prochaines primes. Quand on demande aux cadres du privé de notre échantillon s’ils connaissent le total de leurs rémunérations sala-riales (salaires et primes sur une année), 58% ré-pondent qu’ils le connaissent exactement, 37% qu’ils ont une idée générale et 6% qu’ils ne la connaissent pas. La majorité des enquêtés connaît donc le total de ses rémunérations et a la capacité d’effectuer le calcul qui permet de savoir le montant total. Néan-moins, un gros tiers de l’échantillon ne connaît pas le montant exact et n’effectue pas l’opération intel-lectuelle de calcul qui permettrait de dévoiler la somme perçue. Une faible part ne connaît pas ses rémunérations.

8. On a l’habitude de considérer un taux de réponses de plus de 10% comme un bon taux de réponses.

Page 32: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

QUELLES VARIABILITÉS DES PRIMES CHEZ LES CADRES DU PRIVÉ ?–3–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?30

La première précaution liée à la formation d’une opi-nion sur les salaires et à la connaissance exacte de son salaire est posée. On peut rapprocher ce résultat d’un autre résultat de l’enquête Apec 2016 sur les perceptions des pratiques RH. Cette enquête montre que les cadres ont au mieux une vision fl oue des politiques RH et qu’ils réclament plus de transpa-rence pour les politiques de rémunérations. En addi-tion à ces convergences, il faut également prendre d’autres précautions et faire attention à l’idée que la formation des sentiments de justice n’est pas sépa-rable de l’action dans son contexte. L’enquête SalSa « Bien ou mal payés ? Les travailleurs du public et du privé jugent leurs salaires » (Baudelot et al., 2014)

suggère que la formation d’une opinion arrivera plu-tôt si on a une bonne raison d’avoir une opinion, si on est concerné par le problème ou si on a de l’infor-mation disponible à propos de celui-ci. Il n’y a pas d’opinion abstraite sur la justice salariale, mais des opinions liées à la situation et l’action des individus. C’est pour cette raison que nous avons choisi d’éva-luer le niveau de satisfaction des rémunérations en fonction certes de la satisfaction qu’en ont les enquê-tés, mais également en les interrogeant sur les prin-cipes de justice qu’ils mobilisent pour évaluer cette satisfaction. Enfi n, nous avons également choisi de demander aux enquêtés de mettre en rapport cette satisfaction avec l’idée de mérite.

Niveau de Satisfaction Tout à fait satisfaisant

Satisfaisant Plutôt pas satisfaisant

Pas du tout satisfaisant

NR

Votre travail vous satisfait-il ? satisfaction = 65,3 % insatisfaction = 20,5 %

19,9 % 45,4 % 15,7 % 4,8 % 14,2 %

Le montant de votre salaire fixe actuel vous paraît-il ?

satisfaction = 40,5 % insatisfaction = 37,6%

5,1 % 35,4 % 33,3 % 4,3 % 21,9 %

Le montant de l’ensemble de vos rémunérations variables (primes, participation, intéressement etc.) vous paraît-il ?

satisfaction = 39,9 % insatisfaction = 38,8 %

6,0 % 33,9 % 29,3 % 9,5 % 21,3 %

– Tableau 13–Niveau de satisfaction des enquêtés sur le travail, leurs rémunérations fixes, leurs rémunérations variables

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

Les enquêtés sont globalement satisfaits de leur tra-vail (tableau 13). Ils le sont aussi de leur rémuné-ration, mais de moindre manière (40,5% de satisfait, 37,6% d’insatisfaits et 21,9% d’indécis). D’ailleurs, on note une légère augmentation de la forte insatis-faction quand il s’agit des rémunérations variables (9,5%). Ces rémunérations peuvent ainsi être plus

clivantes : elles produisent plus de « très satisfait » et de « pas du tout satisfait », c’est-à-dire les catégories extrêmes. Peut-être est-ce relatif à la structure de ces rémunérations, qui elles aussi sont plus fréquentes aux extrêmes avec peu de primes très élevées ou inexistantes et beaucoup de primes d’un montant plus faible ?

Page 33: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 31

Nous avons formulé l’hypothèse, en partie vérifi ée, que tous les enquêtés n’ont pas une connaissance exacte de leur rémunération. Au-delà de la somme perçue, l’opinion sur les rémunérations mobilise d’autres éléments. En effet, l’économie morale (Thompson, 1971) nous apprend qu’il existe des échelles de valeurs sociales grâce auxquelles les indi-vidus imaginent ce que valent les différents métiers ou fonctions sociales. Reposant sur ces échelles, il existe donc des évaluations de ce qu’il est acceptable ou pas de recevoir comme rémunérations. Pour saisir

Le montant de votre rémunération actuel vous paraît-il ? Total

Beaucoup plus haut que ce qui serait juste 0,3 %

Un peu plus haut que ce qui serait juste 3,5 %

Correspond à ce qui est juste 27,3 %

Un peu plus bas que ce qui serait juste 36,8 %

Beaucoup plus bas que ce qui serait juste 10,7 %

NR 21,4 %

Total 100 %

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

–Tableau 14–Rémunération et justice

Diriez-vous que vous gagnez :Total

Beaucoup plus que ce que vous méritez 0,3 %

Plus que ce que vous méritez 1,9 %

Ce que vous méritez 26,9 %

Moins que vous méritez 41,0 %

Beaucoup moins que vous méritez 5,2 %

NR 24,7 %

Total 100 %

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

–Tableau 15–Rémunération et mérite

cette dimension, intéressons-nous à présent non plus à la satisfaction mais à la justice que les salariés perçoivent de leurs rémunération et aux principes qu’ils mobilisent pour justifi er leurs salaires. Aucun enquêté ne se considère trop payé de manière injuste. Ils ont plutôt le sentiment d’être rémunéré à leur juste valeur ou un peu en dessous (tableau 14). La distribution pour le mérite est semblable à celle de la justice, mais les réponses négatives sont un peu plus fréquentes (tableau 15).

Page 34: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

QUELLES VARIABILITÉS DES PRIMES CHEZ LES CADRES DU PRIVÉ ?–3–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?32

– Tableau 16–Niveau de satisfaction des rémunérations variables en fonction des secteurs

Pas du tout satisfaisant

Plutôt pas satisfaisant

Satisfaisant Tout à fait satisfaisant

NR Total général

Activités informatiques 11,3 % 38,7 % 31,0 % 3,5 % 15,5 % 100,0 %

Activités juridiques et comptables, conseil et gestion

19,4 % 22,6 % 29,0 % 9,7 % 19,3 % 100,0 %

Banques et assurances, immobilier 6,2 % 24,7 % 44,4 % 9,9 % 14,8 % 100,0 %

Commerce 12,8 % 27,9 % 39,5 % 8,1 % 11,7 % 100,0 %

Communication et médias 17,2 % 27,7 % 31,0 % 17,2 % 6,9 % 100,0 %

Construction 8,9 % 31,1 % 42,2 % 6,7 % 11,1 % 100,0 %

Formation initiale et continue 0,0 % 60,0 % 26,7 % 0,0 % 13,3 % 100,0 %

Hôtellerie, restauration, loisirs 20,0 % 30,0 % 20,0 % 5,0 % 25,0 % 100,0 %

Industrie 9,5 % 31,5 % 41,1 % 8,0 % 9,9 % 100,0 %

Ingénierie-R&D 13,1 % 34,2 % 37,7 % 1,8 % 13,2 % 100,0 %

Santé – action sociale, activités des organisations associatives

15,6 % 25,9 % 37,9 % 10,3 % 10,3 % 100,0 %

Services divers aux entreprises 8,1 % 38,7 % 35,4 % 9,7 % 8,1 % 100,0 %

Télécommunications 7,7 % 30,8 % 38,4 % 7,7 % 15,4 % 100,0 %

Transports et logistique 7,7 % 23,1 % 50,0 % 3,8 % 15,4 % 100,0 %

NR 0,0 % 0,0 % 1,6 % 0,0 % 98,4 % 100,0 %

Autre 6,8 % 43,2 % 35,1 % 2,7 % 12,2 % 100,0 %

Total général 9,5 % 29,3 % 33,9 % 6,0 % 21,3 % 100,0 %

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

Les secteurs qui produisent le plus d’insatisfaits sont les activités informatiques ou les activités juridiques et comptables, conseil et gestion, ou encore de for-mation (on a vu que les primes y sont très peu fré-

quentes). Les satisfaits se retrouvent plus dans les secteurs de la banque, de la communication ou de l’industrie et des transports (tableau 16).

Page 35: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 33

En ce qui concerne les fonctions, les « très insatis-faits » se situent surtout dans des fonctions liées au sanitaire, social et culturel, mais on trouve aussi

– Tableau 17–Satisfaction des rémunérations variables selon la fonction occupée

Pas du tout satisfaisant

Plutôt pas satisfaisant

Satisfaisant Tout à fait satisfaisant

NR Total général

Commercial, Marketing 9,5 % 30,0 % 41,5 % 8,0 % 11,0 % 100,0 %

Communication, Création 5,0 % 40,0 % 20,0 % 15,0 % 20,0 % 100,0 %

Direction d'Entreprise 7,9 % 42,1 % 34,2 % 6,6 % 9,2 % 100,0 %

Etudes, Recherche et Développement 11,9 % 32,7 % 41,7 % 4,1 % 9,6 % 100,0 %

Gestion, Finance, Administration (Juridique, Assistanat de Direction)

11,0 % 31,5 % 32,3 % 7,1 % 18,1 % 100,0 %

Informatique 8,3 % 36,1 % 36,7 % 3,7 % 15,2 % 100,0 %

Production industrielle 12,0 % 25,3 % 42,7 % 13,3 % 6,7 % 100,0 %

Ressources Humaines 9,5 % 26,4 % 41,5 % 11,3 % 11,3 % 100,0 %

Sanitaire, Social et Culturel 23,1 % 46,2 % 30,7 % 0,0 % 0,0 % 100,0 %

Services Techniques 14,1 % 31,8 % 31,8 % 5,9 % 16,4 % 100,0 %

NR 2,2 % 2,9 % 3,6 % 1,5 % 89,8 % 100,0 %

Total général 9,5 % 29,3 % 33,9 % 6,0 % 21,3 % 100,0 %

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

parmi les insatisfaits les membres des directions et la communication, qui paradoxalement sont aussi très satisfaits (tableau 17).

Mais quels sont les principes qui sous-tendent cette opinion, sur quoi se fondent ces échelles de valeurs (tableau 18) ? Les critères individuels restent très importants : la compétence et les efforts reçoivent les plus haut scores pour déterminer la justice des sa-laires. Néanmoins, la comparaison avec les collègues qui font le même métier compte aussi. Ceci témoigne bien de l’importance du contexte dans lequel on re-çoit ses rémunérations. Elles ne valent pas en soi, mais bien dans une procédure de comparaison so-ciale. Si les critères individuels restent primordiaux, les critères collectifs comptent aussi au travers de ce processus de comparaison. La défi nition du collectif ici est bien dans le travail : on se compare avec les collègues et pas forcément avec des pairs du même âge ou qui possèdent le même diplôme. Le contexte national compte moins que le contexte proche (sa-laire moyen ou médian). En revanche les salaires les plus élevés dans son entreprise sont un peu plus im-portants. L’entité collective signifi cative pour effec-tuer la comparaison reste ici le collectif de travail.

Nous allons parler des critères sur lesquels vous vous appuyez pour dire que votre rémunération est ou n’est pas équitable. Dites-moi pour chaque critère s’il est important ou pas dans votre jugement en notant à chaque fois de 1 pour « pas important du tout » à 10 pour « très important »

Votre propre compétence 8,2

Vos propres efforts 8,1

La comparaison avec la rémunération de vos collègues ou de ceux qui font le même métier que vous

6,7

La comparaison avec ceux qui ont la même formation initiale que vous 5,1

La comparaison avec les gens qui ont le même âge que vous 5,0

La comparaison avec les rémunérations les plus élevées dans votre entreprise ou le secteur dans lequel vous travaillez

5,6

La comparaison avec ce que vous pensez être la rémunération moyenne des Français

4,3

La comparaison avec les informations fournies dans les médias 4,3

La comparaison avec la rémunération des parents, 2,8

La comparaison avec la rémunération de vos frères et sœurs 2,8

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

–Tableau 18–Critères employés par les salariés pour juger l’équité de leur salaire

Page 36: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

QUELLES VARIABILITÉS DES PRIMES CHEZ LES CADRES DU PRIVÉ ?–3–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?34

Quels critères les enquêtés trouvent-ils importants pour décider de ce que quelqu’un doit gagner (fi -gure 5) ? On ne parle plus ici de son propre salaire mais des principes mobilisés pour défi nir les salaires de tous. Les critères traditionnels de référence pour défi nir les collectifs de travail comme les grilles et les indices ne semblent pas être utilisés par les salariés. Il en va de même pour les diplômes. Ce sont surtout

des critères témoignant de l’individualisation du tra-vail : les responsabilités, l’implication dans le travail et des critères liés à la perception du travail par le salarié. Ces critères mettent les salariés en concur-rence les uns vis-à-vis des autres et ce alors que le travail reste très interdépendant dans les équipes ou entre services et que certains dispositifs de variables tiennent compte de ces interdépendances. •

0

20

40

60

80

100

C'est très important

C'est plutôt important

Ce n'est pas très important

Cela n'a aucune importance

Les enfantsà charge

les grilles et indices

Le nombred'années passéesà étudier

Ce qui estnécessairepour fairevivre unefamille

Le fait detravailler

dur

Les responsabilités

dans letravail

Le degréauquel

le travailest bien fait

–Figure 5–À votre avis, pour décider de ce que quelqu’un doit gagner, quelle importance chacun des éléments suivants devrait-il avoir ?

Université Paris Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 Paris, France, Septembre 2016

Page 37: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 35

–A QUOI SERVENT LES PRIMES VARIABLES ?–

A présent regardons comment les cadres du privé dépensent l’argent qu’ils reçoivent. Si les salaires suf-fi sent en général à cette population pour payer les dépenses courantes, 5,4 % des interrogés recon-naissent que ce n’est pas le cas (fi gure 6). Globale-ment, le salaire est dépensé dans sa totalité pour près d’un quart de l’échantillon et plus de la moitié des cadres interrogés en épargnent une partie.

Une très faible part de cette population connaît des problèmes pour boucler ses fi ns de mois, les arbi-trages entre épargne ou consommation des primes sont à analyser sans cette contrainte. On verra que cette question ne se pose pas du tout dans les mêmes

5,4 %Ne suffit pas à payer les dépenses courantes

57,0 %Sert aux dépenses courantes du foyer en majorité et est pour partie épargné

33,4 %Est dépensé dans sa totalité pour les dépenses courantes du foyer

4,2 %Est majoritairement épargné

–Figure 6–Utilisation du salaire

Université Paris Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 Paris, France, Septembre 2016

termes pour des employés bien moins rémunérés qui parfois bloquent leurs primes pour un usage ultérieur, alors qu’ils n’ont pas assez d’argent pour vivre par ailleurs. La partie qualitative, notamment la mono-graphie de Maximag est révélatrice de tels compor-tements qui peuvent paraître irrationnels, mais qui s’expliquent par la valeur symbolique des primes et les fortes incitations (notamment fi scales) au blo-cage. Par ailleurs, la temporalité déjà évoquée, à la-quelle s’ajoute le fait que le versement est souvent différé, demande d’interroger la possible valeur sym-bolique des primes variables à l’aune de leurs dé-penses. Cet argent sert-il à réaliser des projets spéci-fi ques ? Cela lui confère-t-il une valeur à part ?

Page 38: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

QUELLES VARIABILITÉS DES PRIMES CHEZ LES CADRES DU PRIVÉ ?–3–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?36

Comment avez-vous dépensé votre dernière prime variable ? Plusieurs réponses possibles

Réponses données % de réponses données

% de cadres interrogés faisant

ce type de dépenses

Dans les dépenses courantes 248 17,0 % 20,7 %

Dans des vacances 223 15,3 % 18,6 %

Dans un achat exceptionnel et nécessaire à la vie du foyer : voiture, équipement électronique ou ménager

151 10,4 % 12,6 %

Dans un achat immobilier 45 3,1 % 3,8 %

Dans un achat exceptionnel et non néces-saire à la vie du foyer : bijoux, chirurgie esthétique etc.

20 1,4 % 1,7 %

Dans les impôts 238 16,3 % 19,9 %

Dans le remboursement d’une dette que vous aviez déjà contractée

104 7,1 % 8,7 %

Vous avez placé la totalité de la somme dans un plan d’épargne ou d’investissement

264 18,1 % 22,1 %

Autres 164 11,3 % 13,7 %

Total 1457 100,0 % _

– Tableau 19–Comment dépenser ses primes ?

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

Quand on interroge les cadres du privé sur la manière dont ils ont dépensé leur dernière prime variable, on note qu’il n’y a pas une modalité de réponse qui emporte la majorité des suffrages (tableau 19). Les primes peuvent être placées ou dépensées. Quand elles sont dépensées, elles ne retournent pas massi-vement dans le budget courant (17 %) et servent à des dépenses spécifi ques comme le règlement des

impôts ou les vacances. Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, les primes ne servent pas à amorcer l’achat immobilier : pour l’année de l’enquête, seuls 4 % des cadres y consacrent une partie de leur prime. Mais ces résultats doivent être nuancés : en effet certaines dépenses sont ici annuelle ou quotidienne alors que d’autres restent exceptionnelles.

Page 39: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 37

La particularité de ces dispositifs est qu’ils peuvent être perçus de manière immédiate ou différée. Dans le second cas, cela concerne le plus souvent des plans d’épargne entreprise. Ce type de placement est en-couragé par l’abondement de l’entreprise et des inci-tations fi scales. Les entretiens montrent effective-ment des directions d’entreprises qui favorisent par-fois très fortement le placement. Les primes variables ne sont donc pas toujours aussi facilement acces-sibles que le reste des rémunérations. Quelle inci-dence cette plus faible accessibilité a-t-elle sur la manière dont les primes sont utilisées ? On remarque que les salariés débloquent peu leur plan d’épargne (25 %), et qu’ils sont encore moins nombreux (19 %) à répondre avoir bénéfi cié d’un cas de déblocage anticipé (tableau 20). La raison principale est l’ac-quisition ou l’agrandissement de la résidence princi-pale pour 34,7 % des réponses données. Les ten-dances dans la dépense de ces primes, quand elles sont débloquées, sont les mêmes que quand elles sont perçues de manière immédiate : les dépenses courantes et les impôts prévalent. La caractéristique de ces primes ne tient donc pas tant dans l’objectif de leur utilisation que dans leur temporalité. Il s’agit d’argent qui arrive à des moments particuliers dans l’année, avec une régularité, qui n’est pas la régula-rité mensuelle du salaire. Ces sommes ne sont donc

Si oui, pour quelle raison ? (plusieurs réponses possibles)

Réponses données % de réponses données

Mariage 46 14,9 %

Naissance ou adoption 30 9,8 %

Divorce ou jugement de séparation ou dissolution d'un PACS

15 4,9 %

Invalidité 0 0,0 %

Décès 0 0,0 %

Cessation du contrat de travail 74 24,1 %

Création ou reprise d'entreprise 2 0,6 %

Acquisition ou agrandissement de la résidence principale 107 34,7 %

Surendettement 1 0,3 %

Jugement de liquidation judiciaire ou de cession totale de l'entreprise

1 0,3 %

Possibilité offerte depuis juillet 2013 sans condition 32 10,4 %

Total 308 100,0 %

– Tableau 20–Cas de déblocage anticipé

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

pas incluses directement dans le budget du ménage et sont là en réserve, un peu comme un bas de laine. Ici le rôle de l’employeur se confond un peu avec celui d’une banque qui garderait l’argent de ses sala-riés.

Au-delà de l’utilisation qui est faite de ces primes, on doit également s’interroger sur le contexte dans le-quel elles sont dépensées. Des travaux montrent l’importance de la construction sociale des attentes liées aux salaires attendus ou espérés : la famille ou le contexte infl uencent d’une certaine manière la valeur de ce que l’on perçoit (Godechot, Gurgand, 2000). Une fois mise en évidence la grande variabi-lité des structures et des dépenses des primes va-riables, il faut se pencher sur les contextes dans les-quels elles sont distribuées : contexte économique de l’entreprise, encastrement dans la vie du salarié, son histoire, ses aspirations et ses réseaux relationnels. Nous allons donc dans les trois chapitres suivants examiner les effets des primes variables grâce à une série d’entretiens et à deux monographies d’entre-prise de différents secteurs. La dernière partie portera sur les résultats du questionnaire en prenant en compte le contexte relationnel des salariés et notam-ment grâce à une analyse de leurs réseaux person-nels. •

Page 40: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?38

Une adhésion de principe à l’individualisation des rémunérationsUne distance à l’égard de l’épargne salariale

Une critique de la mise en œuvre des rémunérations variablesPerceptions et montant des rémunérations

–LES PERCEPTIONS DES PRIMES : DE L’ÉCART ENTRE PRINCIPE ET MISE EN ŒUVRE–

–4– 39 42 43 48

Page 41: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 39

La littérature justifiant l’usage des primes dans les entreprises, notamment gestionnaire, insiste sur leur aspect motivant pour les salariés. En utilisant une méthodologie qualitative centrée sur les perceptions et usages d’une trentaine de cadres, nous allons pouvoir comprendre comment les salariés perçoivent littéralement et symboliquement ces primes et vérifier si elles représentent réellement des éléments de motivations aux yeux des salariés. Les caractéristiques de ces cadres sont variables, selon le sexe, l’âge, le secteur (privé ou public), le statut matrimonial, les secteurs d’activité, le poste occupé et notamment ses aspects managérial ou technique. Certains d’entre eux possèdent l’avantage indéniable pour l’enquête de se situer des deux côtés des rémunérations variables : ils en conçoivent les dispositifs en tant que cadres des ressources humaines ou repré-sentant de la direction et les perçoivent. La plupart d’entre eux sont concernés par les primes de performance individuelle ou collective. Un nombre important mais plus restreint bénéficie de l’intéressement et de la participation. Peu d’entre eux ont eu l’occasion de recevoir des stock-options au cours de leur carrière. Ce qui ressort de l’analyse des entretiens montre que ces dispo-sitifs manquent de lisibilité pour les cadres. Ils témoignent d’une attitude ambivalente vis-à-vis de ces dispositifs : s’ils ne sont pas opposés (au contraire) à une reconnaissance de leur « mérite » via ces derniers, leur application, notamment sur la base d’objectifs plus ou moins difficiles à définir et au sein d’une relation forte avec leur supérieur, leur semble beaucoup plus arbitraire. Par ailleurs, ils manifestent une forme d’indifférence à l’égard de l’épargne salariale. Si l’on observe que les perceptions diffèrent en fonction du type de dispositifs, les montants des salaires et des primes ont également des effets sur celles-ci. L’écart entre principe et mise en œuvre se révèle très important.

–UNE ADHÉSION DE PRINCIPE A L’INDIVIDUALISATION DES RÉMUNERATIONS–Dans l’idéal, d’après les cadres interviewés, le mérite devrait être le moteur des primes, en particulier celles liées à la performance. Dans le principe, les cadres interrogés sont plutôt favorables à l’existence de primes variables individuelles, et ce pour diverses raisons. Ils y voient un moyen de se situer par rapport aux autres et de se distinguer par la mise en visibilité du travail réalisé, leur permettant de bénéfi cier de la reconnaissance de leur hiérarchie. Cela peut égale-ment être un moyen, un prétexte, d’entamer avec cette dernière une discussion sur son activité et son apport pour l’entreprise. Nombre de ces cadres, en particulier les plus jeunes, reconnaissent le fait que ces primes tendent à créer de la concurrence mais ils l’appréhendent alors comme une « saine » concur-rence dans laquelle « on baigne depuis tout petit » et qui serait source d’émulation. Ils vivent les objectifs sous le mode de la compétition sportive :

« Moi je sais tout de suite, j’ai déjà repéré deux, trois personnes avec qui on va être sur une compétition positive, on va s’appeler une fois tous les deux jours pour se dire : j’ai tel chiffre d’affaires… mais c’est vrai-ment bon enfant, mais moi je sais qu’il y aura une compétition positive. Contrairement en fait à d’autres qui sont pratiquement en fi n de parcours profession-nel, qui sont plus… sur comment je vous dirais… la routine, qui vont être moins dans la compétition et qui veulent juste faire leur travail et bien comme il faut » (Un commercial cosmétique, 29 ans)

Si le montant des primes a son importance, le gain fi nancier n’est pas le seul objectif. Les cadres inter-viewés insistent sur la reconnaissance symbolique qui découle de l’obtention des primes. Ils aspirent, pour la plupart et en particulier les plus jeunes, à être re-connus comme « le meilleur » :

Page 42: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

LES PERCEPTIONS DES PRIMES : DE L’ÉCART ENTRE PRINCIPE ET MISE EN ŒUVRE –4–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?40

« Moi je vais vous dire : la prime dans ma façon de travailler… ça me fait autant plaisir d’avoir le plus gros pourcentage que le montant. […] Le chef quand il me la donne, il me dit t’as eu la meilleure ou tu as eu la deuxième meilleure, parce qu’il le sait. Donc j’ai eu la meilleure pendant deux ans et là y’a une année où j’ai été deuxième, bon c’est pas grave. » (Un cadre contrôle de gestion, 31 ans)

Les primes sont vues par les cadres interviewés comme un moteur pour l’action. Le fait d’avoir des objectifs les mobilise sous un mode ludique comme un « challenge » personnel :

« Personnellement je trouve pas que ce soit une pres-sion, c’est plus une stimulation qu’une pression. » (Un commercial cosmétique, 29 ans)

Ils considèrent que l’atteinte des objectifs relève de leur responsabilité. Les cadres interviewés ont le sen-timent de pouvoir agir dessus pour « faire » leurs primes. Le montant de celles-ci dépendrait de l’inten-sité de leur travail :

« Moi je serai toujours à la recherche d’une part va-riable, c’est sûr que ma partie fi xe entretemps aura été bien négociée. (Rires) Mais je trouve que la partie variable c’est quand même très stimulant. […] J’ai un projet d’acquisition… je sais combien ça va me coûter, comme j’ai pu faire, cela dépend de moi des fois. Si je veux en fait réaliser, en fait, quelque chose sur le plan personnel, je sais que si je fais telle performance j’ai ma prime derrière qui fi nance. Donc je peux décider d’y aller comme un malade pour faire ma prime. » (Un commercial cosmétique, 29 ans)

Les objectifs sont vécus par les cadres interviewés comme des indicateurs qui rendent leur activité me-surable. Considérant que l’atteinte des objectifs re-lève de leur responsabilité individuelle, celle-ci est perçue comme particulièrement valorisante mais, à l’inverse, les cadres vivent le fait de ne pas y parvenir comme un échec personnel :

« Qu’est-ce qui m’anime ? Justement le challenge. Le fait d’aller chercher tout le temps la gratifi cation. Parce que c’est une vraie gratifi cation que d’atteindre

son objectif, se dire j’y suis arrivée, j’ai atteint cet ob-jectif, j’ai des résultats, je suis fi ère de moi, ça me re-booste pour aller au suivant. Je trouve que y’a rien de plus concret en entreprise que d’avoir justement ces paliers, des deadlines, des objectifs à atteindre, mais que ce soit quali ou quanti en fait. Ça peut être très bien de réaliser une mission, réaliser un projet ou gé-nérer x % d’économie sur un budget, ça oblige à se remettre en question et à se motiver et à chercher des solutions.- Vous avez toujours atteint vos objectifs ? - Presque. J’ai dû les rater deux fois. - Et vous avez quel sentiment à ce moment-là ? - ... de l’échec, un peu de la honte et du mécontente-ment vis-à-vis de moi-même et je me suis immédiate-ment remise en question, je me suis dit que je m’étais mal organisée, que je m’étais un petit peu reposée sur mes lauriers et que j’allais rattraper la fois suivante. » (Une responsable commerciale, 33 ans)

Cette responsable commerciale partage avec ses homologues une identité professionnelle spécifi que se caractérisant par un attachement plus grand que les autres à la part variable des rémunérations. Leur activité étant orientée vers l’obtention d’un certain niveau de chiffre d’affaire, les commerciaux ont tota-lement intégré le fait de bénéfi cier d’une part va-riable importante. Ils sont en quelque sorte précur-seur d’une tendance tendant à se généraliser :

« Je pense que j’y suis attachée parce que j’ai connu que ça et que c’était inhérent à l’excitation de mon poste de commerciale, c’est-à-dire que le commercial il part chasser, il ramène la proie à la maison (rires), il a sa satisfaction, on lui donne son biscuit. Mais c’est vraiment ça, on lui donne sa carotte. » (Une responsable commerciale, 33 ans)

Le management a pleinement conscience de cette spécifi cité des commerciaux et s’attache à leur offrir des conditions avantageuses :

« Un commercial s’il est pas bien dans sa tête au ni-veau de sa rémunération, c’est pas compliqué ça a un impact direct sur son activité.» (Un responsable du service de paie, 35 ans)

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 41

Si les plus jeunes et les commerciaux revendiquent davantage que les autres le bien-fondé d’une part variable dans leurs rémunérations, c’est également le cas des cadres d’origine sociale plus modeste. Leur réussite économique témoigne de leur ascension so-ciale et les primes, considérées comme relevant de leur responsabilité individuelle et de leurs efforts au travail, rendent compte à leurs yeux du fait qu’ils ne doivent cette réussite qu’à eux-mêmes et à leur mé-rite :

« Moi je suis d’une famille hyper modeste. Ma mère elle vient de l’assistance publique, elle est femme de ménage dans un hôpital, elle a vite divorcé, elle a élevé seule deux enfants, donc dans ma famille, ça a toujours été très dur et j’ai compris très jeune que c’était mieux d’avoir de l’argent et c’est ce qui a gou-verné ma vie. Pourquoi je suis allé dans la restaura-tion ? Parce que quand j’ai fait des saisons, je tra-vaillais 12 heures par jour de la mi-juin à la mi-septembre et quand je sortais de la saison je dor-mais une semaine tellement j’étais fatigué. Mais par contre je gagnais beaucoup d’argent. Ensuite quand je suis rentré dans l’immobilier, j’aurais jamais pensé aller dans l’immobilier, quand j’ai compris le fric qu’il y avait dans cette industrie, je me suis investi. Après moi ma passion, ce qui m’intéresse le plus c’est la cuisine. Je pense que ça me brancherait plus d’ouvrir un petit restaurant avec une dizaine de couverts et de faire du gastro. Je le ferai jamais parce que j’en vivrai pas mais… l’immobilier c’est intéressant parce que je gère plein de matières… » (Un asset manager, 41 ans)

Le principe des primes semble tellement intégré par les cadres que ceux qui, classiquement, n’en bénéfi -cient pas, tels que ceux travaillant dans la communi-cation ou dans l’administration, aspirent à en béné-fi cier et à avoir des objectifs fi xés. La part variable serait un moyen de rendre visible leur action, de valo-riser leur profession, de démontrer leur plus-value pour l’entreprise. Ainsi est-ce le cas de cette gestion-naire de service commercial dont une part de sa ré-munération est variable, liée au temps de traitement administratif des dossiers :

« Ce qu’il faut en ressortir, c’est que vraiment moi j’ai toujours fonctionné avec une part variable, ce qui est vraiment assez atypique dans ma branche… Et vous y êtes attachée…Très ! Très attachée. Parce que moi j’ai besoin de… à titre personnel, de savoir… de connaitre la valeur ajou-tée. Et je souhaite qu’en face ils sachent aussi quelle est la valeur ajoutée. » (Une gestionnaire service commercial, 42 ans)

Outre la reconnaissance qui pourrait se manifester au travers de l’obtention des primes, plusieurs cadres interviewés appréhendent ces dernières comme « des signaux de carrière » indiquant aux bénéfi ciaires qu’ils sont sur la voie de la promotion interne. À l’inverse, ne pas en obtenir serait le signe d’une sta-gnation :

« Les gens qui avaient de bonnes primes, ils savaient qu’ils étaient sur les rails au niveau carrière par rap-port à la direction, aux RH pour progresser et changer de poste tous les deux, trois ans. » (Une ancienne cadre communication-marketing, 40 ans, au chômage depuis 15 jours, en création d’entre-prise)

Sur le principe, les cadres interviewés apprécient le fait qu’une part de leurs rémunérations soit variable. C’est une source de motivation, et ce en particulier pour les plus jeunes et les profi ls commerciaux, mais aussi pour ceux qui les appréhendent comme la manifestation de leur réussite. Mais ils insistent sur-tout sur l’intérêt de bénéfi cier d’une part variable individuelle qui constituerait une forme de reconnais-sance de leur mérite personnel. Ils sont en revanche plus circonspects en ce qui concerne l’épargne sala-riale. •

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LES PERCEPTIONS DES PRIMES : DE L’ÉCART ENTRE PRINCIPE ET MISE EN ŒUVRE –4–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?42

–UNE DISTANCE A L’ÉGARD DE L’ÉPARGNE SALARIALE–

Une seule cadre a véritablement insisté sur l’impor-tance de l’intéressement. Elle a pour particularité de travailler dans une entreprise en restructuration per-manente au sein de laquelle l’avenir de son service n’est pas assuré. Dans ce contexte d’incertitude, elle perçoit le fait que son activité soit intégrée dans les critères de calcul de l’intéressement comme une preuve qu’« on intéresse ». Si le montant est élevé, c’est également un signe que l’entreprise fonctionne correctement :

« Notre délai de traitement client, notre respect des délais avec effectivement le minimum d’erreurs, donc ça c’est quelque chose qu’on communique, c’est un tableau de bord que nous faisons vivre, que nous com-muniquons chaque mois, donc justement au fi nancier pour le calcul de l’intéressement, qui est affi ché dans le magasin, sur lequel on communique souvent, parce que c’est un critère aussi de qualité de service. Donc l’intéressement on est vraiment, on va dire, intéressés, même si c’est un petit critère, parmi tous les autres, amené au chiffre global, on est là, on est présent. La distribution est présente dans le calcul de ce critère. Avant c’était pas le cas, donc on l’a fait rentrer main-tenant ça doit faire 4 ans et on a vu vraiment un inté-rêt supplémentaire des collaborateurs. Ce qui nous démobilise en ce moment, c’est l’entreprise qui se tourne vers certains métiers, qui se démobilise d’autres métiers. C’est-à-dire quand on voit notre entreprise qui se sépare de métiers opérationnels tels que la produc-tion et la distribution et qui fait faire son médicament par un autre laboratoire et qui ne garde que des mé-tiers recherche, développement, marketing ou régle-mentaire, ça, ça nous démotive. Donc là forcément on veut continuer à intéresser l’entreprise dans tous les sens du terme. […] Donc voilà ça c’est les petits stress de l’entreprise et des opérationnels en ce moment. C’est pour ça que c’est bien d’avoir des critères d’inté-ressement, alors on leur dit on s’intéresse à ce que vous faites et pour l’instant vous rentrez dedans. » (Une responsable d’un centre de distribution, 45 ans)

En revanche, à l’exception de ce cas, les cadres inter-viewés ne semblent guère sensibles au sujet, ce que déplore le service des ressources humaines qui tâche de mettre en œuvre des plans de communication et de formation sur le sujet de l’épargne salariale, mais sans grand succès :

« On n’a pas de question particulière sur ces choses-là. Donc par défaut on a l’intéressement qui est payé, la participation qui est placée et on se rend compte qu’en fait les gens font pas particulièrement atten-tion. […] De manière générale je pense qu’une fois que c’est mis en place : j’y ai droit, c’est cool, voilà on se dit que ça va faire un petit peu plus d’argent. Après y’a des entreprises où les enveloppes sont très consé-quentes, des grosses boites, on est dans des sommes qui sont très conséquentes. Chez nous c’est pas le cas. Donc je pense aussi qu’il y a peut-être un intérêt plus ou moins fort en fonction aussi de ce que ça repré-sente par rapport à sa rémunération. Nous ça repré-sente à peine un mois de salaire. Donc quand c’est moins signifi catif, je pense que par défi nition on s’y intéresse moins. » (Une responsable du service de paie, 35 ans)

Autant les cadres insistent sur le fait qu’ils peuvent « faire » leur prime lorsqu’elle est liée à des objectifs individuels, autant ont-ils le sentiment de ne pas avoir les moyens d’agir sur les montants de l’intéres-sement et de la participation puisque cela se passe « en haut ». Ils ne pourraient maîtriser ces dispositifs, leur contribution disparaissant dans la masse :

« C’était plus un système social parce que j’avais pas vraiment prise dessus vu que c’est lié à l’ensemble des résultats du groupe... Dans mon ancienne boîte, en plus, ils avaient même remonté ça au niveau euro-péen. Donc y’a des années où la France a fait des années minables et on a touché le super pactole, parce que les autres pays avaient cartonné et à l’in-verse des années où on a fait des super résultats, on

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 43

a rien touché. Donc pour moi c’était quelque chose sur laquelle j’avais pas prise, ça tombait c’était bien, ça tombait pas... Ou ça tombait toujours un petit peu, c’était juste la proportionnelle qui était différente. Donc c’était comme les quinze jours de RTT supplé-mentaires, ça faisait partie du package. C’est comme le comité d’entreprise, on avait des chèques vacances. Ça faisait partie des avantages. Mais c’est pas moi avec ma petite contribution, je gérais un portefeuille de 17 millions d’euros sur un chiffre d’affaire de 1,4 milliard en France et sur un chiffre de je sais pas com-bien en Europe. » (Une ancienne cadre communication-marketing, 40 ans, au chômage depuis 15 jours, en création d’entre-prise)

Appréhendant ces dispositifs comme éloignée de leur quotidien de travail, les cadres interrogés ne cherchent donc guère à se documenter dessus et ont donc assez peu de compréhension de ceux-ci. Peu d’entre eux sont à même d’expliciter leurs modes de calcul. Ainsi ne distinguent-ils jamais intéressement et participation mais les saisissent-ils comme un en-semble indissociable. Cette illisibilité des modes de rémunération variables est néanmoins un point com-mun aux primes individuelles et à l’épargne salariale mise en avant par les cadres interviewés. Si on constate une adhésion au principe de l’individualisa-tion des rémunérations, sa mise en œuvre est en re-vanche fortement contestée. •

–UNE CRITIQUE DE LA MISE EN ŒUVRE DES RÉMUNERATIONS VARIABLES–

Face à cette diversité de dispositifs, les cadres enquê-tés dénoncent l’opacité des politiques de rémunéra-tions. Cette illisibilité des packages est un point re-connu par tous, et ce en particulier concernant les primes de performance. Les cadres qui mettent en place les dispositifs insistent ainsi sur la pédagogie et la communication qu’il faut apporter autour de ces dispositifs :

« Ils ont accès à tout un tas d’informations qui leur permettent de bien suivre les indicateurs de perfor-mances, donc pour ces raisons-là je pense que ça tourne plutôt bien. […] Quand ils se posent une ques-tion sur une prime, on va leur renvoyer au cas où les fi ches récap qu’ils reçoivent également tous les mois, avec le détail de leur calcul et on prend le temps de leur expliquer y’a ça, y’a ça, telle ligne c’est comme ça, ça c’est calculé comme ça. » (Une responsable du service de paie, 35 ans)

Souvent, au moment de l’embauche, la politique sala-riale est l’objet d’une formation à part entière. Mais les dispositifs restent peu lisibles pour les cadres. Les managers ont l’impression qu’ils sont peu sensibles aux efforts que la direction semble témoigner par la mise en place de dispositifs de rémunérations va-

riables. De plus, ces dispositifs sont soumis au baro-mètre politique (comme récemment avec les déblo-cages anticipés de l’épargne salariale) ce qui crée de la confusion dans leur application et leur utilisation.

La théorie des incitations, héritière de la théorie des jeux et d’abord développée en économie, cherche à contraindre un acteur à agir selon les intérêts d’un autre plutôt que les siens. Elle a donc trouvé de nom-breuses applications dans le monde de la gestion d’entreprises et notamment une qui concerne plus particulièrement la structuration des rémunérations (Weitzman, 1986). Elle considère ces dispositifs comme pouvant servir à motiver les salariés, ce qui pourrait avoir des effets sur leur productivité (Cahuc, Dormont, 1992). C’est dans cette optique qu’ils sont mis en place dans les entreprises. En effet, Barreau et Brochard (2003) notent cette volonté de motiver les salariés dans les raisons invoquées par les direc-tions pour justifi er la mise en place de tels dispositifs. De manière schématique, quand une entreprise choi-sit les primes à la performance individuelle et/ou les augmentations individualisées, elle met en avant une logique d’individualisation qui vise à récompenser les plus « méritants » et donc à produire de l’investisse-ment et des efforts de la part des salariés. Lorsqu’un

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LES PERCEPTIONS DES PRIMES : DE L’ÉCART ENTRE PRINCIPE ET MISE EN ŒUVRE –4–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?44

établissement propose des outils de rémunération fl exible comme les dispositifs d’épargne salariale, il le fait dans une optique d’ajustement de ses coûts salariaux aux variations de l’activité économique. Dans les deux cas, pour que ces dispositifs produisent ces effets supposés sur les salariés, il faut que ces derniers y adhèrent. En effet, si le salarié n’est pas convaincu que ses efforts seront récompensés à leur juste valeur ou que les décisions sont prises effecti-vement en fonction du contexte économique, il n’a guère de raison d’être plus motivé. Sans l’adhésion des salariés, ces dispositifs peuvent être perçus comme des « marchés de dupes ». Castel, Petit et Delahaie (2011) mesurent les opinions que les sala-riés ont de ces dispositifs à partir des résultats de l’enquête Reponse. Ils montrent que les salariés sont plutôt convaincus de l’aspect motivant de ces poli-tiques, mais ils ne les considèrent pas toujours comme justes. Ils en concluent qu’« on peut lire dans ces ambivalences la conséquence d’un système met-tant l’individu en position de gestion des risques auparavant portés par l’entreprise : la responsabilité est valorisante sur le principe mais crée une tension diffi cilement conciliable avec le statut de salarié ap-partenant à un collectif de travail ». Ils montrent en effet que moins d’un salarié sur dix estime que la direction reconnaît son travail à sa juste valeur. La reconnaissance du mérite est teintée de doute, les salariés mettant en cause une forme d’arbitraire du système :

« Sur le système, fi nalement, j’ai un peu de mal à trouver un intérêt à la part variable. Dans mon petit monde, je me dis que la performance devrait être di-rectement liée au salaire, avec tous les revers que ça peut avoir. Ce système pourrait marcher à condition qu’on accepte d’avoir des réductions de salaire quand on est moins bon, et il permettrait pas de se reposer sur ses lauriers éternellement. Le système de parts variables peut aider à compenser ça justement, mais aujourd’hui, tel que c’est fait chez nous c’est pas le cas parce que c’est pas suffi samment important. Et sur-tout c’est trop aléatoire. C’est beaucoup trop lié au contexte plus qu’à la performance réalisée. (…) C’est très lié à la tête du client. Du coup, ça biaise un peu le système dans le sens où on peut être contre perfor-mant mais si on est copain avec celui qui signe à la fi n de l’année ça peut bien se passer, comme l’inverse.

Du coup, il y a trop d’inconnu dans le truc pour que ça refl ète vraiment la performance personnelle. Créer une part variable collective, à la limite, c’est pas plus mal, parce que ça permet d’être intéressé au fonction-nement global de l’entreprise, et ça peut rajouter un peu de solidarité entre tous. » (Un ingénieur, 28 ans)

Cet arbitraire s’exprime sur les indicateurs utilisés pour mesurer la performance. Ceux-ci seraient opaques et mal construits. Les enquêtés sont ainsi attachés à ce que soient défi nis des critères quanti-tatifs, considérés comme mesurables et donc objec-tifs, plutôt que qualitatifs suspectés d’être par trop malléables :

« Dans la mesure où j’ai toujours été dans le marke-ting ou dans les ventes y’avait quand même des objec-tifs factuels. La part de quali, hormis les dernières années... n’était pas si importante. Les objectifs étaient tangibles. C’était mesurable. Quantifi able, atteignables, raisonnables… objectifs. Quantitatifs. » (Une ancienne cadre communication-marketing, 40 ans, au chômage depuis 15 jours, en création d’entre-prise)

C’est la raison pour laquelle les critères qualitatifs sont jugés subjectifs. Est mis en cause l’arbitraire in-carné dans la relation personnelle avec le supérieur hiérarchique. Celle-ci joue dans les deux sens. C’est lui qui devrait être le plus à même de juger le travail du salarié et qui donc accorde ou pas les primes. Mais dans les faits, d’après les enquêtés, le supérieur ayant une marge de manœuvre pour gérer la distribution des primes, il tend à favoriser certains salariés alors même qu’il ne s’agirait pas toujours des plus méri-tants. Certains cadres ont ainsi le sentiment que le manager les pénalise sur des critères subjectifs pour davantage distribuer aux « copains » :

« Pour moi, c’est du « foutage de gueule ». Cette année mon objectif… enfi n quand on m’a versé 5 500 € là, le plafond c’était 6 000… c’est-à-dire qu’on m’avait dit vous pouvez prétendre à avoir 6 000 €, j’ai demandé pourquoi j’avais pas touché les 100 %, on m’a rétor-qué que… la différence c’était mon manque de séré-nité. On me met que je peux me montrer volcanique, donc on est sur du jugement et on n’est plus sur de l’évaluation. Donc y’a des gens qui peuvent prétendre

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 45

à une prime d’objectifs et d’autres pas. Donc c’est très inéquitable. Donc on peut affi cher des théories, enfi n on peut affi cher des beaux discours et on en entend de très très beaux, mais dans les faits… On contourne effectivement les principes parce qu’il faut qu’on serve le copain qu’on a fait venir, qu’on a embauché, qu’on a envie de payer plus et voilà. C’est dévoyé en fait. On est dans de l’arbitraire. » (Une cadre RH, 53 ans)

Dans ces circonstances, les cadres tendent à mettre en œuvre des stratégies visant à obtenir les faveurs de leur manager, ce que l’ingénieur ci-dessous nomme « le mois du oui à tout » :

« C’est que c’est un petit peu à la tête, mais comme je dis : décembre c’est le mois du oui à tout. On dit oui à tout parce qu’à la fi n du mois on aura une prime et quelque part si on a dit non en janvier ou les plus petits trucs de janvier dernier ou de l’année, à moins que ce soit des trucs très violents, mais si on dit oui à tout et qu’on apporte une grande satisfaction à nos chefs ils vont avoir tendance à dire : bon il a bien travaillé, je suis content de lui, parce que c’est hu-main, on se souvient de ce qui est récent et pas forcé-ment de ce qui est très ancien. Donc vis-à-vis de mon chef je sais qu’il y a une convention, on est sur scène et pour lui c’est un grand stress… donc moi je monte sur scène avec lui. Donc je sais que si je suis très actif, très positif, que quand il est un peu déprimé je lui dis : non mais ça va aller, tu vas voir on va faire un truc, on va encore tout exploser cette année etc. et que ça se passe bien, ben je sais qu’il va dire : oui il a fait un bon travail, je suis content de lui… et que si au contraire je traine des pieds, je suis le mec négatif, là forcément ça va se ressentir sur ma prime. Donc c’est psychologiquement que je vais essayer d’agir. » (Un ingénieur, 35 ans)

L’existence de dispositifs de rémunération variable permet de multiplier les occasions de comparer ses rémunérations avec ses collègues. Tous les enquêtés indiquent qu’il s’agit d’un sujet tabou mais tous connaissent approximativement le montant des ré-munérations de ceux-ci :

« J’ai une caricature qui est très expressive : c’est quelqu’un qui est dans le bureau de son patron, on voit que c’est le patron il a un bureau immense, il a une toute petite chaise et le patron est comme ça, la porte est ouverte, tous les salariés ont un peu l’oreille attentive comme ça et la personne dit au patron : donnez-moi une prime sinon je dis à tout le monde que j’en ai une… » (Un cadre dans une entreprise chimique)

La comparaison devient possible avec les autres, soit grâce à des discussions informelles ou bien lors de la consultation de fi chiers regroupant des informations relatives aux rémunérations et qui tournent dans les entreprises alors qu’ils ne devraient pas être consul-tables. On nous a également parlé de documents laissés à la photocopieuse… Bref, l’indiscrétion sur les salaires n’est pas l’exception, elle peut même s’orga-niser de manière informelle et rationnelle :

« On n’a aucune visibilité offi cielle, après j’ai une col-lègue qui est très portée sur la chose, et du coup elle s’est fait un petit tableau Excel, elle a demandé [à le partager avec] quelques personnes, on est six ou sept à avoir accepté, donc elle fait un petit Excel pour nous permettre de comparer. Mais c’est vraiment sous le manteau… rien d’offi ciel. »(Un consultant)

« Je sais pas, la comptable qui va imprimer les salaires à l’imprimante et quelqu’un va tomber sur la grille des salaires. C’est plus des indiscrétions ou… ou un com-mercial qui va se vanter d’avoir touché tant de com. sur tel truc et qu’on en déduit son salaire. » (Un cadre consultant en informatique)

Les cadres tendent ainsi à comparer leur niveau de primes avec celui de l’année précédente et avec leurs collègues. Dans cet arbitrage, c’est toujours le dernier niveau de comparaison qui importe vraiment, et ce au nom de l’idéal méritocratique. Le sentiment d’in-justice peut naître là et susciter une forte insatisfac-tion :

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LES PERCEPTIONS DES PRIMES : DE L’ÉCART ENTRE PRINCIPE ET MISE EN ŒUVRE –4–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?46

« Y’a un technicien de notre équipe, le type en ques-tion fait pas très bien son travail, […] et un des tech-niciens a vu qu’il avait touché la même année que moi 8 000 € de prime brute. Et là je me suis dit quand tu as touché 10 000 tu te dis c’est pas mal, puisque l’année d’avant c’était 6 500, et si lui il a touché 8 000 et toi tu touches 10 000 y’a un problème, y’a un truc qui colle pas quoi. Par rapport à ce que j’avais produit avec l’entreprise. » (Un asset manager, 41 ans)

La complexifi cation et la diversifi cation des disposi-tifs de rémunérations participent à rendre fl oue la perception des rémunérations. Ces dispositifs créent des zones d’incertitude dans la compréhension de ce que l’on touche, ce qui a pour effet d’ouvrir la possi-bilité de la comparaison avec les autres et surtout avec les pairs. Encore faut-il savoir défi nir qui sont nos pairs, à qui ressemblons-nous ? Est-ce que je dois gagner la même chose que ceux qui font le même travail, à effort identique, à diplôme égal, à ancien-neté similaire, à destin social comparable ? Toutes ces questions sont constamment soumises au salarié pour évaluer les rémunérations, ce qui le conduit à se comparer avec les gens qu’il connait. Ce qui im-porte ici c’est l’intégration du contexte relationnel, de l’encastrement du salarié dans son réseau person-nel de relations (Granovetter, 1985), pour saisir et comprendre ses propres éléments de rémunérations lors de procédures de comparaisons :

« En discutant avec mon ami et un autre ami je vois leur niveau de salaire aussi, on a fait le même par-cours, le même cursus et évidemment aujourd’hui ils sont facilement à 50 000 € donc en comparant ben c’est un peu dur. » (Une cadre dans l’événementiel)

« En gros les collègues de mon ancienne boite, avant la fusion, en gros ayant plus d’ancienneté que moi, enfi n tous ceux qui étaient plus anciens que moi avaient tous un salaire supérieur à moi, en tant que cadre, pas en fonction du diplôme d’origine je veux dire, du moment qu’on était cadre… je vous dis ça, parce qu’en fait il y en a une qui est responsable de service, elle grimpe d’un cran, même si elle a juste un BAC +2 à la base, mais elle est quand même cadre, et comme elle a 18 ans d’ancienneté elle a un très bon salaire. Enfi n très bon salaire, elle a mieux que moi.

Une collègue qui est rentrée après moi, elle était en-dessous de moi, elle a trouvé plus fort, bon elle s’en-nuie par contre depuis qu’elle a changé… elle est mieux payée mais elle a plus de travail… donc elle était en-dessous, maintenant dans sa nouvelle boite elle est au-dessus… une collègue qui était déléguée territoriale, qui avait 8 ans d’ancienneté touchait 5 K de plus que moi, mais elle avait quand même d’autres fonctions je trouve, je pense qu’elle doit être payée plus… Après, des collègues cadres qui étaient ex, ils sont quand même beaucoup moins bien payés sauf la chaine protectrice du DG, eux sont très bien payés. Très très bien. Je sais pas exactement combien mais… » (Une chargée d’études dans un syndicat profession-nel)

Certains profi ls se trouvent particulièrement défavo-risés dans la distribution des primes : les seniors et les femmes. S’opère ainsi par leur biais une déconsi-dération vis-à-vis des seniors. Ces dispositifs servent alors à faire comprendre à une partie du personnel plus âgé qu’il n’a plus sa place dans l’entreprise. On assiste à une contradiction forte dans le cas de ces salariés seniors entre deux logiques de rétribution : celle de l’ancienneté et celle du mérite :

« Sur l’année fi scale précédente il y a eu quand même une distribution de bonus aux cadres, à certains cadres, pas à tous.Vous savez sur quels critères on choisit les cadres qui ont du bonus ou pas ? Ah non, là c’est un peu le fait du prince. C’est un peu ce qui est critiqué d’ailleurs. Théoriquement au départ y’a les résultats du travail, y’a l’implication… […] La meilleure année j’étais à un demi mois de salaire. Pour l’ensemble de l’année d’activité. C’était le meilleur ré-sultat. Et là depuis plusieurs années c’est zéro. […] Y’a forcément mon supérieur hiérarchique qui intervient directement ça c’est sûr, mais je pense qu’il y avait le n+2 aussi et une politique générale des salaires n+3 qui est liée notamment à mon âge, à ma position hiérarchique actuelle… pourquoi ? Parce qu’il y a eu plusieurs collègues qui sont à peu près dans la même gamme d’âge que moi et à qui on a commencé à supprimer le bonus. Et le faire tomber à zéro. Avec blocage du salaire également et pour eux ça a été le licenciement cette année. Donc ça s’annonçait. Grosso-modo y’a une politique, y’a une stratégie de la business line, avec un nouveau manager qui est arrivé

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 47

début 2009 on va dire… il a vraiment modifi é le ma-nagement global. […] En les faisant tomber à zéro c’était un peu le critère d’annonce que le salarié doit faire gaffe maintenant. Soit il peut déjà chercher du boulot un petit peu ailleurs. Et donc moi j’ai été et j’en ai d’autres collègues qui ont été dans cette situation, on les a bloqués au niveau salaire… Bon y’a des col-lègues dès 2010 ils ont été en salaire bloqué et début 2012 ils ont été licenciés. » (Un ingénieur R&D, 53 ans)

Par ailleurs, on observe une scission entre hommes et femmes. Ces dernières dénoncent notamment l’effet négatif des maternités. Si leur salaire fi xe est garanti, leurs primes se trouveront souvent impactées par leur congé maternité au nom du principe selon lequel il n’était pas possible d’évaluer leurs perfor-mances durant cette période. Ces femmes dénoncent l’injustice de cette situation :

« En fait j’ai vu mon manager la semaine dernière et il ne sait pas trop quoi faire pour moi, parce que j’ai dû être arrêtée fi n janvier 2012, on m’a mis en mala-die et j’ai accouché en mai, j’ai eu une grossesse à risque et je suis revenue en septembre et mon salon avait lieu fi n octobre, donc en tout j’ai travaillé tout le mois de janvier et... un mois jusqu’à mon salon, donc j’ai travaillé deux mois sur l’année. Donc forcé-ment pour l’évaluation annuelle c’est pas évident, dans mon cas il sait pas trop quoi dire... sauf que j’ai quand même réalisé un certain nombre de choses, donc je me suis permis de lui rappeler, il y a quand même un historique, ça fait quand même huit ans que je suis dans l’entreprise et qu’il a toujours su compter sur moi et vu mes résultats de 2011 et ma note de 2011, j’ai de très très bonnes notes en 2011, y’a pas de raison que cette année je sois pénalisée par une grossesse, alors la maladie je veux bien comprendre que les quatre mois de maladie il puisse pas les prendre en compte, mais ensuite la période de gros-sesse normalement ne doit pas pénaliser le collabora-teur. » (Une responsable commerciale, 33 ans)

Il apparait également dans les entretiens que les femmes revendiquent, et ce bien plus que les hommes, de voir la part variable de leurs rémunéra-tions diminue au profi t d’un salaire fi xe plus élevé

quand elles s’inscrivent dans une phase de stabilisa-tion de leur vie personnelle et familial :

« Je suis quand même plus rassurée quand même avec une part de fi xe plus importante parce que là par exemple je suis en congé maternité, je travaille pas pendant six mois, tous mes objectifs sont pas atteints et je touche pas. En tant que femme d’autant plus je trouve ça plus intéressant de miser sur le fi xe. » (Une chef de projet évènementiel, 30 ans)

« Quand on est jeune on accepte peut-être plus le facteur risque et le facteur court-termiste et je vais chercher ma prime etc. après peut-être avec les dix ans d’expérience on se dit bon aujourd’hui je me connais, je sais que j’ai peut-être moins besoin de cette ca-rotte... C’est pas ça qui va me motiver à aller mener à bien ma mission. Aujourd’hui je souhaite aller sur des missions plus calées, plus... mais toujours dans l’inté-rêt commercial pour faire gagner de l’argent à l’entre-prise etc. Mais en étant plus sûre de son salaire. Sur-tout dans un contexte de crise comme celui-ci en fait. Où les choses deviennent plus diffi ciles, vraiment plus diffi ciles. » (Une responsable commerciale, 33 ans)

Autant le fait que la part variable soit importante ne pose pas de problème aux femmes interrogées lorsqu’elles n’ont pas de charge de famille, autant, à partir du moment où elles sont en couple et ont des enfants, elles aspirent à une certaine sécurité fi nan-cière, cette aspiration étant à mettre en lien avec des projets d’installation et d’achats immobiliers suppo-sant une certaine stabilité des revenus pour contrac-ter un crédit. Les hommes n’évoquent guère cette question dans les entretiens réalisés. On peut suppo-ser que cette différenciation entre hommes et femmes est liée à un rapport différent entretenu à l’articula-tion entre vie professionnelle et vie familiale. La mise en œuvre des primes suscite de fortes cri-tiques de la part des enquêtés qui dénoncent les critères mis en œuvre ainsi que le caractère arbitraire des décisions du manager. Les primes sont suspectées d’accroître les inégalités et tendent à pénaliser les seniors et les femmes. Un autre élément participe de la construction des perceptions de la part variable des rémunérations : le montant du salaire et des primes. •

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LES PERCEPTIONS DES PRIMES : DE L’ÉCART ENTRE PRINCIPE ET MISE EN ŒUVRE –4–

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Si les perceptions que les salariés ont des rémunéra-tions variables sont en partie liées aux modes de calcul mis en œuvre pour les déterminer, elles sont également en rapport avec les sommes qu’elles repré-sentent ainsi qu’avec le montant de leur salaire fi xe. Ceux qui touchent un salaire élevé sont les premiers à insister sur le fait que le salaire n’est pas le plus important dans la vie et à accorder une moindre importance aux primes. Ils insistent alors davantage sur la dimension expressive au travail que sur sa di-mension instrumentale (Méda et Vendramin, 2013) :

« A mon avis y’a un salaire plancher à partir duquel le salaire n’est plus la chose la plus importante. On a les valeurs sinon qui sont très importantes aussi, qui sont très intéressantes. Pour moi c’est plus important quand j’ai des gens en face de moi qui sont contents de travailler avec moi, mais vraiment je vous promets que c’est vrai en plus, c’est plus important, qui me font confi ance, qui me donnent des choses très intéres-santes à faire, qui me donnent des responsabilités, qui me donnent de la reconnaissance, c’est plus impor-tant pour moi ça, plutôt qu’une prime de 4 ou 500 €. J’en ai rien à [faire] de 4 ou 500 €. [...] ! Après si c’est 5 ou 10 000 € c’est autre chose, mais… je m’en fous, quand on me donne une prime exceptionnelle, enfi n je m’en fous pas, c’est bien, mais quand on me donne une prime exceptionnelle de voilà… je préfère qu’il y ait vraiment une relation de confi ance établie avec les gens et qu’il y ait de la satisfaction et que je sente que les gens sont contents de travailler avec moi, comme moi le matin quand je viens bosser. Je préfère cette qualité de vie au travail plutôt que des primes en fait. Quand on me donne une prime, qu’on me fi le un petit coup de pouce, c’est toujours pas désagréable, c’est même agréable… mais enfi n je fais pas ça unique-ment pour ça. Je fais ça parce que j’ai vraiment l’im-pression que c’est important, j’ai vraiment l’impression de me sentir utile. En fait y’a pas plus valorisant que de se sentir utile. » (Un cadre contrôle de gestion, 31 ans)

Le montant de la prime compte également. Les primes trop faibles passent complètement inaperçues aux yeux des salariés. Les cadres prennent d’autant moins au sérieux les entretiens d’évaluation que l’enjeu est faible :

–PERCEPTIONS ET MONTANT DES RÉMUNERATIONS–

« Après qu’on augmente ma part de variable par rap-port à celle qui est tellement minime aujourd’hui, qui est à 1 000 € là oui. Auquel cas je prendrais un peu plus au sérieux les évaluations trimestrielles et pas juste une simple formalité prétexte à discussion, je trouve que ça valoriserait un peu mon employeur en fait. Parce que y’a vraiment un côté risible. » (Une chef de projet évènementiel, 30 ans)

En outre, il semble aussi qu’il y ait des effets de seuil. En dessous d’un certain salaire, ces primes n’ont pas d’effets pour les cadres interrogés car elles compen-sent ce salaire trop faible. Elles sont alors envisagées comme un salaire fi xe sur lequel on compte :

« Ça sert vraiment à on va dire mettre un peu de beurre dans les épinards, on va pas se plaindre, mais c’est quand même diffi cile et c’est vrai qu’il y a des mois qui allaient souvent dans le rouge, négatifs et les primes servaient justement soit à éviter qu’on soit dans le rouge, soit à renfl ouer un petit peu… » (Un ingénieur, 35 ans)

En revanche, au-dessus d’un salaire défi ni comme « raisonnable », elles sont conçues comme un « bonus » sur lequel on ne compte pas et qui servira à payer toutes les dépenses jugées facultatives telles que les vacances, les biens non indispensables, mais égale-ment les impôts :

«A partir du moment où vous payez plus de 3 ou 4 000 € d’impôts vous commencez à être aisé quoi. Ça veut dire que vous commencez à avoir un salaire raisonnable. Vous commencez à avoir un salaire rai-sonnable. […] Vous êtes au-dessus du salaire naturel de Marx là, celui qui vous permet juste de vous repro-duire et de survivre et où le capitalisme il a la main mise sur vous et voilà. Vous passez au-dessus. Vous galérez plus quoi. Moi je galère pas ! J’ai envie d’aller au resto… un resto à 150 € ben je vais à un resto à 150 €, je calcule pas en fait, c’est plus des blocages qui sont dans ma tête et il me reste des sous sur mon compte tous les mois. Et ça… enfi n quand vous avez vécu dans une famille… que vous avez pas l’habitude de ça, ça c’est… enfi n je vais être vulgaire mais c’est un p... de luxe quoi ! » (Un cadre d’une entreprise publique)

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« C’est le plus. On a un prêt, on a un bien immobilier qu’on a acheté l’année dernière, on est obligés de bos-ser, on bosse tous les deux avec ma femme, et c’est impensable qu’il y en ait un des deux qui s’arrête de bosser. On pourrait. Après, on a un certain niveau de vie, on part en vacances, on a une voiture, j’ai une moto, on s’habitue. Mais j’ai toujours considéré le bonus comme la cerise sur le gâteau. Au quotidien je n’ai pas besoin de mon bonus pour me payer mon EDF, ma banque. On est bien. » (Un consultant, 35 ans)

« Le matelas. Le matelas ! (rires) Individuel pour les vacances et les impôts et puis chacun notre compte courant et en fait on met au pot commun ce dont on a besoin, mais nos salaires ils servent vraiment aux dépenses mensuelles. C’est comme ça qu’on a construit... le budget familial. Et sachant que même lorsque j’étais seule, mes primes je les ai toujours considérées comme du plus et comme quelque chose qui servait à payer mes impôts et mes extras, donc mes vacances. Mais en aucun cas je pouvais compter dessus pour payer... mes factures d’EDF, ma nourriture etc. » (Une responsable commerciale, 33 ans)

N’en ayant pas besoin pour subvenir à leurs dépenses quotidiennes, la plupart des cadres interviewés pré-fèrent bloquer leur participation et leur intéresse-ment pour cinq ans sur leur PEE et bénéfi cier des avantages fi scaux associés. C’est une épargne dans la perspective d’un « coup dur » ou pour la retraite :

« La participation aux résultats, le PEE, c’est de l’épargne bloquée, je peux la toucher tout de suite, mais si je la touche tout de suite, 20 % de charges salariales grosso-modo, plus l’imposition, c’est 30% donc il m’en reste moins de la moitié. Si je la laisse bloquée au moins cinq ans, au bout de cinq ans, je touche 100 % et en plus de ça comme c’est placé… tous les ans je place 15 000. Et cinq ans plus tard je peux la débloquer sans… zéro fi scalité, même avec un gain, puisqu’elle est placée sur des fonds, en général elle progresse de 2 à 3 %. Donc ça je l’épargne, en-suite le variable, quand je le touche en fi n d’année, quand j’arrive au mois de décembre j’ai toujours 3 /4 000 € de découvert donc ça bouche une partie de mon découvert. […] Vous pouvez considérer qu’une partie de mon variable, une bonne partie passe dans mon épargne. Si vous voulez avec les coûts de grisou

que j’ai eus dans ma vie professionnelle, si vous vou-lez… je mets de côté-là. C’est clair. […] C’est l’épargne retraite, parce que si je continue à ce rythme d’épargne, j’ai calculé alors c’est toujours dans cette nouvelle culture fi nancière, que quand je serai à la retraite, ce que ça me rapportera compensera la perte de rému-nération que j’aurai de mon salaire. On a grosso-modo notre génération si vous gagnez 100 vous aurez 40 de… si tout se passe bien ce que je toucherai en divi-dendes m’amènera peut-être pas les 60, mais au moins 50, 40 %. Alors je me serre un petit peu, mais dans le futur, un jour je n’aurai pas un effondrement de mes revenus. » (Un asset manager, 41 ans)

Certains envisagent également ces primes comme un moyen d’épargner dans la perspective d’un projet professionnel alternatif. C’est notamment le cas de cette jeune femme, mère célibataire de trois enfants, 40 ans, qui, lorsque nous la rencontrons, est au chô-mage depuis deux semaines. Elle vient d’acheter un commerce « en vue de développer l’artisanat fran-çais » après une carrière au sein de plusieurs entre-prises dans le marketing et la communication. Elle a épargné l’ensemble de ses primes pour devenir pro-priétaire de son logement avant 30 ans. Motivée par ce projet, elle s’est intensément investie au travail, ceci se traduisant par des horaires de travail longs et très peu de congés :

« J’ai tout bloqué, j’ai tout débloqué quand je suis partie. J’ai jamais touché. En fait mon treizième mois me permettait de payer mes impôts et le reste c’était de l’économie, parce que j’avais comme objectif d’être propriétaire avant 30 ans, donc voilà. Donc je mettais tout de côté. Et à l’époque je bossais comme une tarée donc je ne prenais pas de jour de congé et donc les jours de congés... on s’arrangeait… »(Une ancienne cadre communication-marketing, 40 ans)

Cette cadre revendique un « esprit entrepreneurial » et aspire avant tout à gagner de l’argent, partageant un idéal méritocratique selon lequel chacun serait rétribué en fonction de son mérite :

« Moi je suis un pur produit capitaliste, donc c’est vrai que par rapport à la mentalité française... enfi n mon mec est anglo-saxon, j’ai bossé dans des boites amé-ricaines... ma maman est fonctionnaire donc... On

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LES PERCEPTIONS DES PRIMES : DE L’ÉCART ENTRE PRINCIPE ET MISE EN ŒUVRE –4–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?50

peut pas parler par exemple de rémunération, elle comprend elle, dire qu’un PDG il est payé un million d’euros par mois... ça lui semble extraordinaire, je dis tu te rends pas compte derrière le boulot qu’il y a. S’il le mérite... voilà. Mais j’ai un esprit plutôt entrepreneu-rial. Demain je veux pas avoir honte parce que je vais gagner des sous, c’est mon objectif, mais... mais en France c’est pas très bien vu. ».(Une ancienne cadre communication-marketing, 40 ans)

Elle a connu une ascension professionnelle rapide, associée à des augmentations de salaire régulières avec des primes importantes qu’elle a systématique-ment épargnées. Elle a de grandes aspirations de carrière. Fortement investie dans son travail, elle a le projet de monter son entreprise, aspirant « à être son propre patron » :

« Ah être indépendante c’est une volonté que j’avais depuis longtemps ! A un moment donné je me disais quitte à bosser comme une malade autant le faire pour moi plutôt que pour des cons. (Rires) Bon ça va faire dix ans à peu près, ouais ça fait une dizaine d’années où je me dis j’ai personne au-dessus de moi qui me donne vraiment envie. Alors après moi dans ma personnalité, dans mon caractère je suis une bos-seuse, je suis volontaire, je suis ambitieuse, j’ai envie d’atteindre mes objectifs donc je me défonce, mais voilà je me disais... y’a des fois où on se demande pourquoi ils gagnent deux fois plus que moi alors que c’est moi qui fait tout le boulot, voyez ? Je me suis dit que voilà, y’avait pas de raison, des fois il faut juste aussi y croire et puis avoir envie quoi. […] Et puis après on fait un calcul rapide, on se dit de toute façon il me reste au moins 25 ans à bosser, alors quitte à ce que je bosse 10 ou 15 ans pour la banque autant que les dix dernières années soient pour moi. ». (Une ancienne cadre communication-marketing, 40 ans)

On observe ainsi un réel décalage entre le principe des primes et leur mise en œuvre. Les cadres enquêtés adhèrent pleinement à l’idéal méritocratique associé

aux rémunérations variables. Cependant, ils dénon-cent les critères et les objectifs mobilisés pour les attribuer, à leur yeux de manière injuste. Ils sont par-ticulièrement sévères à l’égard des managers chargés de l’évaluation des performances des salariés et de la distribution des primes dont ils contestent le carac-tère subjectif et arbitraire. Ce jugement est essentiel-lement à l’œuvre concernant les primes sur objectifs. On observe en effet des appréciations différentes en fonction des dispositifs mis en œuvre. Ainsi, s’ils ap-précient le fait de pouvoir bénéfi cier de l’épargne salariale, les cadres enquêtés l’appréhendent comme un bonus sur lequel ils n’ont aucune maitrise et qui a donc peu d’effet sur leur engagement au travail. Les perceptions de ces diverses primes sont égale-ment à mettre en perspective avec leur montant et celui du salaire fi xe. En dessous d’un certain seuil, elles sont sans effet sur l’investissement au travail. Par ailleurs, en fonction du montant du salaire fi xe, elles peuvent être conçues comme un complément indispensable pour satisfaire ses besoins ou, à l’in-verse, comme un bonus sur lequel on ne compte pas forcément. Les dispositifs de rémunération variable tendent à entretenir un fl ou sur le caractère « juste » des rémunérations des salariés et favorisent l’accrois-sement d’opérations de comparaison pour s’y repérer. Enfi n, les entretiens révèlent des clivages en fonction des profi ls de cadres. Si les jeunes diplômés et les commerciaux sont particulièrement attachés aux primes, les seniors et les femmes (en particulier celles qui sont en couple avec des enfants) se trouvent sou-vent pénalisés par ces dispositifs et tendent à aspirer à voir leurs rémunérations stabilisées. Par consé-quent, la perception de ces primes témoigne d’une grande variabilité. Pour autant, on ne peut en conclure que ces dispositifs en soi motivent ou pas les salariés. Ce constat manque de nuance car la ré-ception des primes par les salariés dépend d’un cer-tain nombre de variables très localisées : type d’entre-prise, parcours et profi l du salariés, réseau personnel, etc. C’est la raison pour laquelle nous allons dans les parties suivantes approcher les rémunérations va-riables par le biais de monographies d’entreprises. •

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 51

52 Présentation 53 Une rhétorique méritocratique 57 Une mise en œuvre sous contrainte 59 Le sentiment de primes «à la tête du client» 61 D’autres principes de justice–5–

–PRIMES ET MÉRITE : UNE ÉQUATION COMPLEXE DANS UNE ENTREPRISE BANCAIRE–

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PRIMES ET MÉRITE : UNE ÉQUATION COMPLEXE DANS UNE ENTREPRISE BANCAIRE–5–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?52

Nous allons dans cette partie mettre la focale sur les perceptions que les salariés d’une entreprise du sec-teur bancaire (que nous appellerons BankCorp) ont des primes sur objectifs et des effets de celles-ci sur leur rapport au travail et à l’entreprise, sur leur travail et leurs relations avec la hiérarchie. Les deux entre-prises présentent pour point commun le fait de déve-lopper une politique de rémunération « mixte », avec l’accès pour l’ensemble des salariés à des primes sur objectifs, de l’intéressement et de la participation. Pour autant, il est apparu durant les entretiens avec les salariés de BankCorp une sorte d’indifférence à l’égard des dispositifs d’épargne salariale, à l’image des résultats présentés dans la partie 3. En revanche, nous avons découvert que les primes sur objectifs suscitaient nombre de réactions et soulevaient de nombreux enjeux, raison pour laquelle nous nous focaliserons sur ce dispositif dans cette partie.

Nous nous appuierons dans ce chapitre sur les 41 entretiens réalisés en 2014 auprès de salariés de Ban-kCorp à Paris, en région parisienne, en Picardie et dans le Nord. Nous les avons réalisés dans les agences : auprès des agents d’accueil, des conseillers particulier, privé, patrimoine et professionnel, des Directeurs d’Agence, des DGA (Directeur Général d’Agence) ; dans le réseau entreprise : avec des atta-chés commerciaux, des chargés d’affaire ; avec des membres de la direction et des salariés des fonctions support. Nous nous appuyons également sur des documents internes (bilans sociaux, grilles d’évalua-tion, grilles de salaire, accords d’entreprise, etc.).

D’après le bilan social, en 2012, BankCorp comprend 21 000 salariés environ, dont 60 % de techniciens et 40 % de cadres. La part des femmes y est d’un peu plus de 60 %. L’âge moyen des salariés est de 43,2 ans. Près de 20 % des salariés travaillent à temps partiel dont 75 % sont à 4/5ème ou plus. L’ancien-neté moyenne est de 20 ans. La rémunération fi xe

brute annuelle moyenne s’élève à 33 000 € environ et représente 78,3 % de la rémunération totale, com-plétée par une rémunération variable individuelle de 9,2 % et une rémunération variable collective de 12,6 %. La rémunération mensuelle moyenne brute des techniciens s’élève à 2 500 € environ et celle des cadres à 4 300 € environ.

Les primes sur objectifs ont pour vocation de respon-sabiliser les salariés sur leurs résultats en les récom-pensant théoriquement en fonction de leur travail et de leur mérite. Leur mise en œuvre pose néanmoins l’épineuse question des critères d’évaluation et de leur justesse. Une place importante est ainsi accordée au jugement porté sur le travail par la hiérarchie, que ce soit dans le cadre des entretiens annuels d’évalua-tion ou de manière moins formalisée. Nous nous inté-resserons dans cette partie aux manières dont les managers utilisent ces primes pour mobiliser leur personnel, mais surtout nous décrirons comment ils défi nissent, construisent et mettent en œuvre des critères d’évaluation leur paraissant « justes ». Quels sont les critères de justice mobilisés et sont-ils consi-dérés comme légitimes par les salariés ? Comment les managers les justifi ent-ils auprès des salariés ? Comment s’opère concrètement la distribution des primes ? Comment les salariés les perçoivent-ils ? Nous verrons ainsi que, bien que les managers reven-diquent un idéal méritocratique dans la distribution des primes, coexistent plusieurs conceptions de la justice contradictoires – offi cielles et offi cieuses – participant d’une opacifi cation des critères de répar-tition. L’action des managers est prise dans de mul-tiples contraintes qui les obligent à opérer des choix jugés arbitraires par les salariés qui considèrent que les primes sont fi nalement distribuées « à la tête du client ». En réalité, les managers mobilisent d’autres critères de justice en vue de réparer certaines injus-tices, mais cela en tendant à en générer de nou-velles. •

–PRÉSENTATION–

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 53

–UNE RHÉTORIQUE MÉRITOCRATIQUE–

–LES CRITÈRES D’ÉVALUATION –

Chez Bankcorp, jusqu’en 2013, 80 % des primes des non-cadres étaient liées à la réalisation budgétaire

–ENCADRÉ 2 : EXEMPLE D’INDICATEURS DE LA PRIME TRIMESTRIELLE POUR UN ATTACHÉ COMMERCIAL EN 2014 –

Critères collectifs (au niveau de l’agence ou du groupe d’agences)34 % de l’opportunité Cible Totale : 544 €- Satisfaction client- Développement des encours- Conformité et risques

Réalisation budgétaire (au niveau individuel)33 % de l’opportunité Cible Totale : 528 €- Famille Conquête- Famille Banque au quotidien- Famille Epargne- Famille Crédits- Famille Assurances

Évaluation managériale (au niveau individuel)33 % de l’opportunité Cible Totale : 528 €- Contribution à la vie de l’unité- Méthode commerciale- Pratique tarifaire- Excellence opérationnelleOpportunité cible totale : 100 % = 1600 € (plafond : 4000 €)

et 20 % à la note managériale. Depuis 2013, ils touchent une prime trimestrielle calculée pour un tiers en fonction de critères quantitatifs collectifs, pour un autre tiers en fonction de la réalisation bud-gétaire et enfi n pour un dernier tiers en fonction de l’évaluation réalisée par le manager (encadré 2).

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PRIMES ET MÉRITE : UNE ÉQUATION COMPLEXE DANS UNE ENTREPRISE BANCAIRE–5–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?54

–ENCADRÉ 3 : EXEMPLE D’UNE GRILLE D’ÉVALUATION D’UN CADRE –

ÉVALUATION DES COMPÉTENCES

Échelle d’évaluation1 Non maîtrisée 2 En développement 3. Maîtrisée 4. Confi rmée 5. Expert N/A Non applicable

Compétences professionnellesAdapter son comportement et son discours aux exigences d’une situation nouvelleAdopter une attitude constructive en favorisant les échangesMaîtriser les risques de toutes naturesAgir en anticipant sur les problèmes et/ou opportunités futuresDévelopper ses savoirs professionnels au service de la performance individuelle et collectivePrendre des décisions en assumant ses responsabilités pour faire aboutir ses actions

Autres compétences observéesDépasser son cadre de référence pour enrichir ses réfl exions et améliorer son actionEntreprendre de façon autonomePrivilégier l’intérêt collectif en coopérant au-delà de ses propres préoccupationsPromouvoir une culture orientée client auprès de ses collaborateurs et/ou interlocuteurs

Evaluation globale• Non maîtrisée • En développement • Maîtrisée • Confi rmée • Expert

Commentaires du manager :

En revanche, en ce qui concerne la prime touchée par les cadres, elle relève uniquement de la responsabi-lité du manager et correspond à une matrice compre-

nant des critères essentiellement qualitatifs (enca-dré 3).

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–UNE APPROCHE INDIVIDUALISTE DE LA PERFORMANCE –

La distribution des primes correspond pour managers et bénéfi ciaires à la conception de la justice sociale centrée sur l’égalité des chances qui « consiste à offrir à tous la possibilité d’occuper les meilleures places en fonction d’un principe méritocratique » (Dubet, 2010, p. 10). Le caractère variable et individualisé des primes permettrait de distinguer et de valoriser les salariés « méritants ». Les managers considèrent ainsi qu’ils doivent établir des « inégalités justes » (Dubet, 2010) dans la distribution des primes – au sens où tous les salariés peuvent en bénéfi cier – en vue de reconnaitre le mérite de chacun et de distin-guer les meilleurs dans le cadre d’une compétition équitable. Ils opposent systématiquement les « mau-vais » managers, qui « achètent la paix sociale » en mettant la même note à tout le monde, des « bons » managers qui reconnaissent le mérite par une prime plus importante :

« Vous avez deux styles : soit vous voulez pas être emmerdé, et vous lissez. Pas de vague. Soit on dit c’est un vrai variable, et un variable sur performance, et on doit récompenser la performance. Et moi, je suis comme ça. Donc je suis prêt à donner plus, à la même typologie, y’en a bien un qui fait la différence, quand même, qui est différent, qui apporte autre chose, qui est le soir dans des réunions pour se créer un réseau, pour travailler, qui n’est pas là parce qu’à 6h j’ai sport. Ben ça, comment on fait la différence, c’est bien par la rémunération variable. […] Il faut garder les talents, ils sont chassés, donc la rémunération variable, c’est vraiment ça. Bravo, félicitations, on reconnaît ton job, ton travail. […] Par contre, la règle du jeu est très claire : le bonus, pour moi, ça sera pas lissé, sinon c’est pas logique. Si tout le monde dit : ben t’inquiète, de toute façon t’as 5000 ou tout le monde a 3000 parce qu’on fait le même poste, on va pas aller surperformer, on sait que ça va tomber. »(Un directeur de centre d’affaire, 40 ans)

Par ailleurs, les managers expliquent qu’il importe que le caractère variable des primes demeure pour que ce soit un outil de mobilisation. Le montant d’une prime doit logiquement varier d’une année à l’autre :

« Sur un chargé d’affaires, j’ai dû passer de peut-être 7 500 à 5 500... Je trouve que c’est la seule condition pour que le bonus soit motivant l’année suivante pour tout le monde, il faut que les gens aient vu qu’il y avait des écarts. S’il n’est pas variable, ça n’a pas tellement de sens. […] Enfi n moi je dis que sur des exercices de mesure salariale et de bonus, il faut avoir un peu de courage. Parce que tout moyenner, on ne fait de mal à personne mais on ne fait plaisir à per-sonne, et ça c’est pas bien. » (Une responsable commerciale entreprise, 51 ans)

Les managers conçoivent donc le mérite « comme une norme de justice. […] Il apparait comme la seule manière de construire des inégalités justes dans une société qui, par ailleurs, valorise l’égalité fondamen-tale des individus » (Dubet, 2006, p. 21). Sur le fond, les salariés partagent cette conception méritocra-tique de répartition des primes. En témoigne notam-ment leur fort attachement à une évaluation indivi-duelle de leurs performances, adossée à des données chiffrées leur permettant « de se situer ». C’est une démarche à laquelle ils seraient en somme habitués puisque « depuis qu’on est tout petit, on a des notes » (Un conseiller en patrimoine, 26 ans).

Les commerciaux sont les plus favorables au fait que les primes soient calculées en fonction de leurs per-formances individuelles :

« Justement, c’est plus motivant qu’autre chose. Parce que c’est aussi votre boulot, d’aller cravacher. Après, il y a beaucoup de partisans qui, comme moi, qui seraient juste pour être rémunérés là-dessus. […] Moi ce que je préfèrerais, c’est que tout soit sur l’individuel. Là, ça motiverait beaucoup plus. Pourquoi ça motiverait plus ?Ben parce que, juste, ce serait notre travail qui serait reconnu, c’est tout. Il ne serait pas confondu dans une masse, et ensuite redistribué de manière soit disant équitable. C’est juste : « tu travailles, t’es payé, point ». Parce que, enfi n, on redistribue d’une manière, enfi n de telle façon, que ce soit équitable pour tout le monde. Sauf que tout le monde n’a pas travaillé de la même manière, donc pour moi ce n’est pas équi-table. »

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PRIMES ET MÉRITE : UNE ÉQUATION COMPLEXE DANS UNE ENTREPRISE BANCAIRE–5–

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Nombre d’entre eux contestent ainsi la réforme des modes de calcul des primes mises en œuvre récem-ment et introduisant notamment des critères collec-tifs. Ceux-ci seraient moins maitrisables et favorise-raient les « passagers clandestins » tirant parti du travail des autres :

« Vous pouvez être dix à très bien travailler, et dix autres moins. Et vous n’avez pas la maitrise là-dessus. Et c’est diffi cile d’aller voir son collègue et de lui dire : t’es sympa, mais t’as intérêt à t’y mettre parce que là, ça va mal se passer. » (Une conseillère privée, 27 ans)

« L’indice de recommandation peut être changé à tout moment. Donc un client, aujourd’hui il peut me mettre 10, et demain, parce que j’aurais pas commandé son chéquier ou une bêtise, commander son chéquier au-jourd’hui et que je l’ai commandé le lendemain, sa-chant que ça n’aura aucune incidence, eh ben il va peut-être me mettre quatre, trois, deux. […]Ce qui vous pénalise aujourd’hui, c’est la partie collective. Parce que la partie collective, elle est calculée sur plein de critères. […] Ca a diminué fortement, j’ai bien perdu... En variable, en moyenne, j’étais à 900, 1 000, en brut, par trimestre. Et que là, je suis à... allez, entre 6 et 8, grand maxi. Donc je perds, en moyenne, sur une an-née, j’ai perdu pratiquement, entre 800 et 1 000. » (Un conseiller particulier en ligne, 40 ans)

Les salariés dénoncent les critères d’évaluation col-lectifs, les appréhendant comme une manière pour la hiérarchie de réaliser des économies en diminuant les primes. Ainsi, cadres et non-cadres partagent cette même représentation méritocratique des primes attachée à reconnaitre les mérites individuels, mais encore faut-il que la mise en œuvre corresponde à celle-ci.

–DES CRITÈRES MESURABLES ET OBJECTIFS AU SERVICE DE LA MÉRITOCRATIE –

Pour mener à bien cette mission, tous les managers insistent sur la pluralité et l’objectivité des critères mobilisés. Ce sont ceux qu’ils mobilisent durant les entretiens avec les salariés, laissant par là même peu

de place à la discussion. Ils insistent sur le fait qu’ils doivent aboutir à des résultats justes et équitables, raison pour laquelle ils y passeraient un temps consi-dérable. C’est un moyen pour eux d’éviter toute contestation de la part des salariés :

« Moi sur l’exercice salaire-bonus pour les collabora-teurs qui dépendent de moi, j’ai toujours passé beau-coup de temps. Souvent j’emmène les fi chiers chez moi. Même pour trente personnes, pour 200 je le fai-sais mais pour trente je fais pareil. Je passe autant de temps qu’il faut jusqu’à que je me dise : la copie que j’ai là si je devais la montrer à tout le monde, à mes collaborateurs, je peux la montrer, et j’ai pas d’états d’âme, et j’ai aucun favoritisme nulle part, j’ai rien fait à la tête du client, sur chacun je peux expliquer, tout est bien étudié et calculé et je suis contente de ma répartition. Et tant que je n’arrive pas à ce niveau de satisfaction-là, je continue et... Et le soir, au calme, je re-règle... alors après je m’arrête, parce que quand je re-règle à 100 € près, je me dis : laisses tomber là, c’est bon. C’est que la copie elle est bonne. Je voudrais qu’ils puissent dire : ben moi les augmentations que j’ai, je sais que mon chef elle fait ce qu’elle peut pour moi, et que c’est juste. Il y a un mot qui pour moi est important dans tout ça, c’est l’équité. Et je leur dis toujours : je peux pas faire des miracles, mais je vous assure que la répartition est équitable, et je leur dis à tous ceux qui dépendent de moi. Je fais au mieux pour que ce soit le plus équitable, qu’il n’y ait pas d’injus-tice. » (Une responsable commerciale entreprise, 51 ans)

Les managers font en sorte d’établir des critères mesurables. Par ailleurs, pour garantir la validité des évaluations et des répartitions, les managers ne tra-vaillent pas de manière isolée mais en collaboration avec d’autres managers. Le fait d’en discuter collec-tivement tend à les conforter dans leurs manières de procéder et à donner une caution du caractère objec-tif de leurs évaluations aux salariés : « Alors nous, dans notre direction, on a un grand souci d’équité et de justice, donc normalement c’est vu et revu, et on en discute beaucoup entre nous, entre managers et... Enfi n, moi et mes pairs, et ma respon-sable au-dessus. C’est revu. Si on voit des choses qui semblent bizarres, on a une petite explication. On donne des arguments, alors... et puis ça permet aussi, lorsqu’on argumente, vis-à-vis des autres, de se reposer

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peut-être des questions, et pourquoi pas réajuster. […] Nous on est quatre managers, moi et mes trois autres managers, on se challenge les uns et les autres, donc du coup, on est quand même assez justes. Et on a les arguments qui font que... On va pouvoir expliquer à untel. » (Un responsable du système d’informations, 47 ans)

Cependant, en dépit de cette aspiration à distribuer les primes en fonction de critères « justes » en vertu d’un idéal méritocratique, les managers sont pris dans des contraintes organisationnelles qui contraignent, voire rendent impossible cet exercice. •

–UNE MISE EN ŒUVRE SOUS CONTRAINTE–

Alors même que les managers revendiquent le fait d’établir des écarts entre salariés, les modes d’évalua-tion réduisent leurs marges de manœuvre. Ainsi, concernant la note managériale de la prime sur ob-jectifs des non-cadres, les salariés devraient offi ciel-lement être notés de 4 à 15 mais en réalité, si les managers respectent scrupuleusement les critères d’évaluation, les notes sont concentrées seulement entre 7 et 12, les différences des montants des primes étant de ce fait très réduites :

« Moi, mon hiérarchique m’a dit : tu notes personne exceptionnel, même moi, je suis pas exceptionnel, toi non plus. Donc déjà, pour avoir la note de 15, c’est pas possible. C’est-à-dire qu’au maximum, vous pou-vez avoir douze. Pratiques tarifaires : comment on peut être supérieur ? On peut pas vendre plus cher à un client que le prix. Enfi n moi je vois pas. Et l’excel-lence opérationnelle, c’est appliquer les procédures et tout ce qui est référencement, et le faire bien du pre-mier coup. Qui fait qu’on n’est pas obligé de retourner derrière, ou des réclamations parce que c’est mal fait... Donc pareil, on est conforme, on n’y est pas, on peut pas être supérieur. Alors des fois vous avez des conseil-lers qui disent : ailleurs, ça se passe pas comme ça. Alors je dis : oui mais je suis désolée, moi je vais pas truquer la matrice pour mettre une note. Enfi n, au-jourd’hui moi je suis toujours factuelle, je peux pas aujourd’hui moi mettre quelqu’un d’exceptionnel. Alors insuffi sant, c’est très rare. Alors en fait, voilà, aujourd’hui, la plus petite note, c’est 4, d’accord ? Et aujourd’hui, on n’est pas insuffi sant sur tout, c’est pas possible. Je sais très bien que pour eux c’est important, la note qu’on met, donc à part faire réagir quelqu’un, mais ce n’est pas un élément non plus de pression énorme côté rémunération. Regardez, entre un conforme et un supérieur aux attentes, vous avez 30 euros bruts, pour trois mois. C’est pas monstrueux. Je

leur dis : écoutez, de toute façon, à 20, 30 euros, je préfère les récompenser autrement, mais j’ai pas envie de biaiser un système en disant : expert. Parce qu’un collaborateur va retenir qu’il est expert alors qu’il ne l’est pas. Par contre, au travers de leur évaluation annuelle, je sais que dans les commentaires, c’est vrai que je passe du temps chez moi, les commentaires, chacun a son commentaire, parce que comme ils échangent, personne n’a le même. Je pense qu’au tra-vers du commentaire ils se sentent valorisés. » (L’adjointe commerciale d’un directeur d’agence, 31 ans)

Par ailleurs, les managers sont contraints par le mon-tant des « enveloppes » qui leur sont attribuées. Dé-pendants du montant de l’enveloppe qui leur a été attribuée, si les managers offrent une prime impor-tante à un cadre, ils doivent diminuer celle d’un autre. Reconnaitre le mérite, c’est en pénaliser un autre, ce qui n’est forcément « juste ». Aussi les mana-gers tendent-ils à limiter les écarts pour éviter de fortes déceptions et un désengagement des cadres :

« Nous la cible, sur attaché commercial entreprise elle est de 3 500, c’est 100 % du bonus, sachant qu’on peut surperformer à 150 %.... voire même 200 % si je ne dis pas de bêtise... Donc on peut dans l’absolu, obtenir 7 000 € de bonus, sur un poste comme celui-ci, sachant que ça n’est jamais donné. C’est une règle un peu offi cieuse mais... en fait, ils le justifi ent par une enveloppe qui est donné à chaque fois, sur un corps de métier, et donc... si on donne 200 % à une per-sonne, ça veut dire qu’on enlève aussi à une autre personne, donc le critère, enfi n le dispatch entre guil-lemets, est fait là-dessus. Et le discours des managers est aussi fait là-dessus en disant qu’on peut pas vous donner 7 000 € parce que ça veut dire qu’il y aura quelqu’un qui aura zéro. Donc dans l’absolu, ils es-

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sayent quand même de récompenser a minima, l’en-semble, la totalité des personnes, pour les motiver, mais c’est vrai que du coup on ne peut pas surperfor-mer comme ça peut être inscrit sur l’objectif de perfor-mance. » (Un attaché commercial, 29 ans)

D’un côté, les managers tâchent de mobiliser leurs équipes sur l’atteinte des objectifs en mobilisant des critères objectifs et mesurables, mais, d’un autre côté, ils n’ont pas la possibilité de distinguer ceux qui se sont le plus investi, au risque d’en pénaliser d’autres trop fortement. Les primes perdent de ce fait leur caractère distinctif et variable. Il peut même arriver que le montant de la performance soit inférieure à la cible, et ce même si le cadre a rempli ses objectifs, ce qui entraine incompréhension, déception, remise en cause de la légitimité de la hiérarchie :

« 2013, j’ai bien touché, j’ai touché 3 000 €. Il y a eu, pour moi, une erreur dans le discours, parce que, en fait, on vous fait signer une matrice en disant que l’objectif-cible, donc, des 100 % était à 3 500, et moi le jour, donc, où on m’a donné mon bonus, et on m’a dit que j’avais touché 3 000, donc il y a une différence entre l’annonce et... Ben moi, des critères et de l’inves-tissement que j’ai mis, j’étais même à plus que 100 %, donc j’ai pas compris le 3 000€, j’en ai parlé à ma supérieure, qui était désolée, et qui ne comprenait pas non plus, - enfi n, « comprenait pas » -, qui m’a dit qu’elle ne pouvait pas faire autrement dans le sens où il y a des gens qui avaient perdu. Donc elle m’a dit l’enveloppe a été réduite, malheureusement je ne peux pas donner plus, même si je le veux, donc elle l’a jus-tifi é comme ça, et moi je lui ai dit que dans l’absolu 3 000 c’est conséquent, mais dans la présentation du discours, quand on vous présente quelque chose à 100 % et qu’on estime avoir fait les 100 %, quand on reçoit 3 000 €, qui représente un peu moins de 100 %, on se dit, j’ai loupé quelque chose quelque part. Donc du coup, dans la perception du discours, et dans la perception de ce bonus, c’est vrai que... ça m’a mis un petit coup de barre, ça m’a mis un petit coup sur la tête en disant : « ben ouais, mais en fait que je me donne à 200 % ou que je me donne à 80 %, enfi n... […] Ils essayent de donner un petit peu à tout le monde, et pour ne pas trop dénigrer certaines personnes ils leur donnent quand même alors que c’est... enfi n, je dis pas que c’est pas forcément mérité mais, c’est vrai que on sait en tout cas qui s’est plus

investi ou pas dans l’année. […] Et là, ça a fait un petit peu l’effet inverse, j’étais là "bon ben... ils sont où les 500 ?" mais ma manager en était consciente, elle m’a dit "nous on passe pour des buses parce que toute l’année on vous dit c’est 3 500 et puis là au-jourd’hui on ne peut pas vous donner plus...", l’effet il est pervers en fait, il est... c’est l’inverse de ce que... enfi n de ce que ça devrait produire au début. À partir de ce moment-là, clairement, j’ai un peu changé mon attitude, dans le sens où, j’ai estimé que ça ne servait à rien de faire des horaires à rallonge si c’est pour avoir la même chose au fi nal, donc... ça peut changer la perception et la motivation des salariés, claire-ment. » (Un attaché commercial, 29 ans) Les managers se trouvent donc dans une posture très inconfortable, confrontés à leurs équipes qui, en dé-pit de bons résultats, peuvent voir leurs primes dimi-nuer. Alors que les managers revendiquent l’utilisa-tion de critères objectifs pour les évaluer, ils perdent toute crédibilité au moment de la distribution des primes :

« Plus l’enveloppe est grosse, plus on va pouvoir être généreux. Plus l’enveloppe sera petite, plus on va vrai-ment faire des vrais choix d’attribution. Parce qu’on pourra peut-être plus mettre des gens à 110 %, 120 % de la performance, parce que sinon on va [utiliser] la moitié de l’enveloppe. On sera peut-être obligés d’arro-ser tout le monde, on va pas mettre tout le monde à zéro. […] Et c’est là, où on peut avoir des variations, de vraies vraies variations… et des moments de com-munication compliqués. Ah ben il faut être objectif, factuel... Tout en disant : ben désolé, l’enveloppe a pris moins 20 %, donc même toi si t’es à 100 %, t’es à 100 % de ton enveloppe, mais... C’est pas fi xe. Là on a le regard de l’individu par rapport à ce qu’il a donné dans son exercice, par rapport à l’année dernière, il dit : mais qu’est-ce que j’ai changé... Mais non, c’est l’environnement qui a changé, toi t’as pas changé, tu perds 3 000 €... Mais bravo, c’est super ! bravo t’es à 100 % de ton opportunité ! C’est divisé par deux. Super ! Ben je vais continuer à m’investir, moi, je suis à bloc, là. » (Le directeur d’un centre d’affaires, 40 ans)

Cela explique en partie pourquoi les managers sont parfois suspectés par les salariés de distribuer les primes « à la tête du client ». •

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 59

–LE SENTIMENT DE PRIMES « À LA TÊTE DU CLIENT »–

Il est particulièrement intéressant de mettre en pers-pective les discours et les pratiques des managers. D’un côté, en tant que managers, ils insistent sur le fait qu’ils attribuent les primes en fonction de critères objectifs et, de l’autre, en tant que salariés et bénéfi -ciaires de ces dispositifs, ils tendent à affi rmer que cette distribution se fait « à la tête du client ». Ils ré-solvent cette contradiction en indiquant que ce sont « les autres » managers qui agissent ainsi, tandis qu’ils mettraient quant à eux en œuvre des procé-dures objectives. Pour autant, en dépit de cette aspi-ration à distribuer les primes en fonction de critères « justes » en vertu d’un idéal méritocratique, les mo-dalités de distribution des primes sont contestées par les salariés qui tendent à considérer qu’elles sont distribuées « à la tête du client ».

En dépit des efforts faits par les managers pour jus-tifi er la répartition des primes sur des critères mesu-rables et objectifs, ils sont sans cesse suspectés par les salariés de les distribuer « à la tête du client » en fonction de critères subjectifs :

« Il y a une partie, notamment sur la partie managé-riale, ben vous ne maitrisez pas. On a beau vous dire : ben effectivement, vous avez ça et ça et ça comme critères, mais le ressenti du manager, ça reste le res-senti du manager. Donc ça, vous ne pouvez pas le maitriser, en fait. »(Une conseillère privée, 27 ans)

« Le variable, c’est ni plus ni moins à la tête du client. C’est ce qu’on appelle le bonus. On vous fait signer une matrice de bonus au mois d’août, en vous disant : cette année, il faut que vous atteigniez tel objectif. Pour l’année en cours. Au mois d’août ?On est d’accord, on s’est bien compris. Donc autant dire que c’est de la foutaise. Et qu’en fi n d’année, votre manager, votre N+1, c’est uniquement à la tête du client. Notre chef, il fait ce qu’il veut. » (Un responsable territorial adjoint, 52 ans)

Indéniablement, outre les critères chiffrés, les mana-gers mobilisent des critères subjectifs, en particulier pour les cadres pour lesquels la notation managériale est primordiale. C’est notamment du fait de ces contradictions que les salariés considèrent que les primes ne sont en rien distribuées en fonction de critères objectifs, mais reposent uniquement sur l’opi-nion subjective du manager. Si les managers reven-diquent le fait de mobiliser des critères d’évaluation objectifs et mesurables pour attribuer les augmenta-tions de salaire et les primes, dans le but d’établir des écarts et de reconnaitre le mérite, ils sont considérés par leurs équipes comme totalement arbitraires et subjectifs.

Plusieurs salariés ont ainsi insisté durant les entre-tiens sur le rôle central joué par le manager pour freiner ou accélérer les augmentations de salaire. En effet, chargés de négocier les « enveloppes » des aug-mentations de salaire et de les répartir ensuite, les managers disposent d’un pouvoir important en la matière ouvrant la possibilité de décisions arbitraires. Certains salariés expliquent ainsi que leur « retard » relève de la responsabilité de leur hiérarchie qui au-rait eu la volonté de les « bloquer » :

« Si vous n’avez pas une bonne tête, vous pouvez être puni. Et c’est quoi être puni ?Etre puni, c’est pas d’évolution, ni sociale, ni profes-sionnelle, ni salariale.D’accord. Et ça vous est arrivé ?Oui. Une fois. Sept ans. Pas mal. Ça fait mal. Mais c’est la règle. On l’accepte ou on l’accepte pas, mais... En tout cas c’était comme ça. J’étais sous-directeur d’agence, à cette époque-là. Et justement, je caressais l’espoir de passer directeur, et ben... j’ai attendu. Et le jour où cette personne est partie, le lendemain, j’avais mon poste de directeur d’agence. Avec une augmen-tation. […] Moi je pense qu’aujourd’hui, sans changer de boite, je devrais être à 60, 65 000 hors bonus. Je demande pas d’être à 100 000. Je pense que ce serait

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PRIMES ET MÉRITE : UNE ÉQUATION COMPLEXE DANS UNE ENTREPRISE BANCAIRE–5–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?60

pas cohérent. J’ai 15 000 dans la vue. Ça fait 100 000 francs, quand même. Ces 15 000, c’est mes sept ans de punition. Je le sais. J’ai d’autres copains ici... Je vois combien ils gagnent, combien je gagne... On a quasi-ment les mêmes parcours. En moyenne, l’écart il est de 8 000 €, 9 000 €. C’est mes sept ans que je paye. On ne rattrape pas le temps perdu. » (Un responsable territorial adjoint, 52 ans)

Ce sentiment d’injustice ne donne néanmoins pas lieu, comme on pourrait s’y attendre, à une remise en cause du système et du pouvoir managérial en ma-tière d’évolution salariale. Ainsi, Pierre, alors même qu’il en a pâti, continue d’adhérer à l’idéal méritocra-tique dont relèverait l’individualisation des salaires, l’opposant aux augmentations collectives ou liées à l’ancienneté. En effet, « l’injustice est première. Si chacun de nous n’est pas forcément en mesure de dire très clairement ce qui est juste et ce que devrait être un monde juste, nous savons tous ce qui est in-juste et pourquoi » (Dubet, 2006, p. 9). Ainsi, ces dispositifs auraient pour principales limites de ne pas récompenser ceux qui le méritent, mais surtout béné-fi cieraient à ceux qui ne le méritent pas :

« Ma femme est fonctionnaire. Kinésithérapeute, mais fonctionnaire à l’Assistance Publique. Donc 52 ans, elle ne sera jamais plus augmentée jusqu’à la retraite. Ça aussi, c’est super motivant. C’est-à-dire qu’elle bosse bien, ou qu’elle bosse mal... Ça changera rien. Comment on peut motiver ses troupes comme ça ? C’est-à-dire qu’en fait, elle pourrait ne pas bosser, elle serait payée pareil. Parce que pour être virée de l’assis-tance publique... […] L’AP, moi je pourrais pas, à 52 ans, on me dit : tu seras plus jamais augmenté ? Et puis voir des gens qui font rien être augmentés tous les trois ans. Ça, ce serait insupportable, pour moi. […] Les syndicats, ce qu’ils veulent, c’est une augmenta-tion générale. Donc tout le monde touche. Moi, je suis

pas d’accord que tout le monde touche : ceux qui méritent, ils touchent, ceux qui méritent pas, ils touchent pas. Et que ces gens-là, ils touchent, moi je suis pas d’accord. Parce qu’ils méritent pas. Ils tirent la boite vers le bas, et pour moi, ils sont en train de spolier d’autres collègues, clairement. Parce qu’ils bossent mal, parce qu’ils bossent pas. Parce que voilà, ils ont un esprit de m..., je peux pas accepter ça. » (Un responsable territorial adjoint, 52 ans)

Si le manager a donc un pouvoir de nuisance, il peut à l’inverse être une ressource pour obtenir une aug-mentation. C’est notamment le cas des salariés qui menacent de quitter l’entreprise et qu’il s’agit de rete-nir. Dans ce cas, en fonction du poste qu’ils occupent, ils ont un pouvoir de négociation important et peuvent pousser leur manager à négocier une « enve-loppe exceptionnelle » en vue de les augmenter :

« Quand on veut garder une collaboratrice, on est capable d’augmenter, de réajuster pour qu’elle reste. On est aussi capable de le faire. Donc là, on va cher-cher une enveloppe exceptionnelle. » (Le directeur d’un centre d’affaires, 40 ans)

Les managers participent ainsi à créer des écarts sala-riaux entre les salariés, pouvant selon les cas ralentir ou accélérer l’évolution salariale. Quoi qu’il en soit, ils disposent d’un pouvoir important puisque c’est à eux que revient la charge de négocier les demandes d’augmentations de salaire et d’attribuer les primes. Cependant, pris dans des contraintes organisation-nelles et fi nancières qu’ils ne maitrisent pas, ils sont dans l’impossibilité de mettre en œuvre l’idéal méri-tocratique auquel ils aspirent. Ils n’y renoncent pas pour autant mais bricolent « en coulisses » selon d’autres critères de justice et en fonction des moyens disponibles. •

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 61

–D’AUTRES PRINCIPES DE JUSTICE–

Une autre conception de la justice coexiste avec celle centrée sur l’égalité des chances : celle centrée sur l’égalité des places qui vise « à réduire les inégalités de revenus, de conditions de vie, d’accès aux services, de sécurité, qui sont associées aux différentes posi-tions sociales occupées par des individus fort dissem-blables en termes de qualifi cation, d’âge, de talent, etc. » (Dubet, 2010, p. 9). Ainsi, les managers ont au sein de leurs équipes des écarts de salaire parfois conséquents liés au différentiel de salaire d’em-bauche établi en fonction du niveau de diplôme et tâchent en quelque sorte par la suite de « réparer les injustices ».

–DES ÉCARTS SALARIAUX –

Les salariés de Bankcorp ont rarement eu la possibi-lité de négocier leur salaire à l’embauche. Ceux pour lesquels il s’agissait de leur premier emploi men-tionnent l’existence d’une grille de salaires établie en fonction du niveau de diplôme et de l’établissement scolaire qui leur serait présentée lors de l’entretien d’embauche comme une règle non négociable :

« En fait, la rémunération se fait en fonction du di-plôme qu’on a eu. Il y a une grille pré-déterminée, on le sait... Il n’y a pas de négo possible, à l’entrée c’est comme ça. C’est après à nous de nous battre. Mais en gros voilà, pour celui qui a fait une école quelconque, il va être embauché à 35, 36. Celui qui a fait Dau-phine ou l’ESCP, ils vont être embauchés sur le même niveau. Et après, c’est inférieur, c’est tout. » (Un conseiller en patrimoine, 26 ans)

« Vous avez le contrat prêt au poste. Donc j’étais à 24 000 € brut pour une licence, pour un Bac +3. C’était pas négociable ça. Puis à l’époque, moi mon idée, c’était rentrer très vite dans la vie active, donc

j’avais plutôt cette optique-là. Donc en même temps je trouvais que par rapport à mon âge, c’était pas un mauvais salaire. » (L’adjointe commerciale d’un directeur de groupe, 31 ans)

Ces jeunes salariés ne contestent pas cette règle, considérant généralement le salaire proposé comme correct au regard de leur âge, de leur expérience pro-fessionnelle et de leur niveau de diplôme. Ils aspirent avant tout à s’insérer sur le marché du travail, le ni-veau de rémunération devenant à ce stade une don-née presque secondaire. Ce n’est que plus tard que certains salariés – en l’occurrence les moins diplômés – prennent réellement conscience des écarts de sa-laire les séparant de leurs collègues plus diplômés et du fait qu’ils ne pourront probablement jamais les rattraper. Ce sont les comparaisons qui sont à l’ori-gine du sentiment d’injustice (selon la thèse d’Adams et Homans présentées dans Kellerhals, Modak, Perre-noud, 1997). Ces salariés tendent alors à contester la légitimé des diplômes au fi l du temps, pour valori-ser l’expérience qui ne justifi erait plus les écarts sala-riaux avec leurs collègues occupant des postes équi-valents :

« J’ai pas négocié. J’ai signé un contrat de travail, on m’a dit : c’est comme ça. Et puis au départ, on connait pas tout le fonctionnement non plus. C’est au fur et à mesure où on est plusieurs à être intégrés, et au bout de 6 mois de poste, on voit peut-être des différences. Parce qu’on est encore jeune et on devient des fois potes et donc on discute de ce qu’il y a à côté, forcé-ment. Donc là, on sent qu’il y a une petite différence déjà sur une même typologie de poste. Et là, on sent que la marche va être longue pour rattraper le retard.Et ça le retard vous l’avez rattrapé, aujourd’hui ?Je pense pas complètement. Après, moi je suis passé cadre au bout d’un an, un an et demi après, donc forcément, à un moment donné j’ai gueulé aussi : attendez je fais le même poste... Parce que j’ai toujours

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PRIMES ET MÉRITE : UNE ÉQUATION COMPLEXE DANS UNE ENTREPRISE BANCAIRE–5–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?62

considéré – mais ça, ça revient à mon parcours – que voilà, les études c’est bien, mais ça fait pas tout. Voilà, je pense que c’est sur le terrain qu’on démontre et en tout cas, moi c’était aussi mon esprit un peu revan-chard par rapport à ça » (Le directeur d’un centre d’affaire, 40 ans)

On peut expliquer l’évolution de ces perceptions par le fait que les jeunes diplômés partagent encore au moment de leur recrutement une identité étudiante et qu’ils acquièrent progressivement une identité pro-fessionnelle. Or il a été montré qu’étudiants et adultes n’accordent pas la même importance au di-plôme, les premiers considérant que « le diplôme doit être pris en compte dans le salaire, ce qui est compré-hensible au vu de leur situation », tandis que les se-conds « donnent moins d’importance au diplôme en tant que tel et mettent davantage en exergue la multiplicité des critères concurrents, élaborés au fi l de l’expérience professionnelle », telles que les com-pétences (la qualifi cation, le savoir-faire) et l’adapta-tion au travail, et ce tout particulièrement les moins diplômés (Duru-Bella et Tenret, 2009). Ainsi, le critère du diplôme, qui paraissait légitime aux salariés au moment du recrutement, tend à être contesté au fi l du temps par les moins diplômés qui s’en trouvent pénalisés. Il empêche toute négociation et crée des écarts salariaux qui tendront à se maintenir sur toute la carrière et à générer des frustrations que les mana-ger vont tâcher par la suite de limiter.

–RÉPARER LES INJUSTICES –

Les managers, ayant parfaitement conscience des écarts de rémunérations au sein de leurs équipes, essayent de les diminuer pour maintenir la paix so-ciale et réduire les déceptions. Les managers moins diplômés ayant eux-mêmes le sentiment d’avoir été pénalisés par leur niveau de diplômes y sont particu-lièrement attentifs : « quand on n’a pas pu réaliser ses projets professionnels parce que l’obtention des titres scolaires requis a été, pour une raison ou une autre, impossible, et aussi quand la vie profession-nelle conforte chaque jour le sentiment que les di-plômes ne sont pas tout, alors on est volontiers plus critique sur la légitimité des diplômes comme critère

de salaire » (Duru-Bellat, 2009). En effet, « la force du mérite se manifeste moins dans la fi erté ou l’or-gueil qu’il confère aux travailleurs que dans l’ampleur des frustrations et des critiques que son absence pro-voque » (Dubet, 2006, p. 99). Aussi, lorsqu’il s’agit de décider des augmentations de salaire, les mana-gers ne tiennent pas uniquement compte de la per-formance des salariés mais également de l’historique et de leur niveau de rémunération. L’enveloppe n’étant pas extensible, ils établissent des « plans de gestion » qui consistent à examiner les parcours des salariés et les augmentations dont ils ont pu bénéfi -cier au cours de leur carrière. Priorité sera ainsi don-née aux salariés donnant satisfaction et ayant un niveau de salaire inférieur à la moyenne de la profes-sion, « parce que si la rémunération brute annuelle est faible mais qu’il ne donne pas satisfaction, on ne va pas l’augmenter » (Claire, 60 ans, Superviseur du Contrôle Permanent et Risques). Il s’agit de limiter les écarts salariaux et de tendre à l’égalité qui permettra alors de donner sens aux primes, dont l’objectif est de reconnaitre le mérite. Ainsi, le diplôme qui peut apparaitre à l’embauche comme un mérite et justifi er les écarts de salaire, peut ensuite être considéré comme un privilège injuste qu’il s’agit de réparer (Dubet, 2006). Cependant, disposant d’une enve-loppe restreinte pour les augmentations de salaire, les managers tendent à utiliser les primes comme un moyen de réduire certaines iniquités. Ils disposent en effet d’une enveloppe pour les augmentations de salaire et d’une autre pour les primes, ces sommes devant théoriquement être considérées comme tota-lement indépendantes l’une de l’autre. Pourtant, ils procèdent à des ajustements en tenant compte des faibles niveaux de salaire qu’il s’agit de compenser avec des primes plus importantes, composant ainsi entre principe de l’égalité et principe du mérite :

« On a des personnes qui viennent de fi lières diffé-rentes, à savoir il y a des personnes qui ont été recon-verties, qui viennent du réseau. Eux ils sont toujours à la traine au niveau salaire, parce qu’on n’a pas d’enveloppe de réajustement. C’est-à-dire que quand ils arrivent, ils arrivent avec leur salaire réseau, qui est beaucoup plus faible parce qu’en général, ils avaient un Bac +2, et nous les personnes c’est plutôt Bac +4, Bac +5. Du coup à l’embauche c’est plus faible. Et on les intègre dans nos équipes, et il n’y a pas de réajus-tement à ce moment-là. Donc du coup, ils se retrouvent

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 63

très bas par rapport aux autres, et là c’est très gênant. Alors nous, en tant que manager, on va ramer pour les remettre à niveau, mais on n’y arrivera jamais. Il y a trop d’écart. Donc ça c’est un problème. […] Quelqu’un qui est au-dessus des attentes ou qui est conforme, s’il est moins payé on va le mettre un peu au-dessus. Mais quelqu’un qui est en dessous, moi je vais le laisser en dessous. Mais quelqu’un qui est au-dessus, là oui. Vous allez lui donner un coup de pouce supplémentaire. Oui. Au même titre que les années où on n’arrive pas à augmenter quelqu’un parce que les enveloppes sont limitées, c’est pareil, on compense un petit peu. Même si on devrait pas, parce que c’est pas la même chose. Mais moi je compense un peu. » (Une responsable d’un système d’informations, 47 ans)

Si ces manières de faire relèvent souvent de l’infor-mel, elles sont parfois parfaitement explicites durant les entretiens d’évaluation, en particulier avec les plus anciens qui sont les premiers concernés par ces écarts salariaux. Les managers disposant de peu de marges de manœuvre pour répondre à leurs de-mandes d’augmentation, ils utilisent alors les primes pour limiter les frustrations :

« Et globalement je suis très bien servi depuis deux, trois ans. On compense un peu ma rémunération fi xe qui n’est pas au niveau par rapport à mon poste. Et comme on peut pas rattraper d’un coup, ben on y va comme ça, progressivement, et c’est le bonus qui fait que, globalement, on est récompensés. […] Je trouve pas ça logique, maintenant je vois bien avec mes propres équipes, je peux pas faire de miracle en aug-mentation brute, donc mon patron, je pense qu’il voudrait le faire, mais voilà... globalement, on me dit : j’ai proposé qu’on te change de classifi cation, mais je peux pas le faire parce que ta rémunération n’est pas assez forte. Donc tant que je peux jouer sur le bonus, je joue et c’est normal, parce que je m’investis, enfi n, je rentre chez moi il est 8h et demi, j’adore ce que je fais, je suis un passionné par ce que je fais... […] Di-sons que mon bonus progresse d’une année sur l’autre depuis cinq ans. Mais voilà. 9, 10, 12, 14, 16, 18. En gros. » (Le directeur d’un centre d’affaire, 40 ans)

L’augmentation de la part variable est également un moyen pour les managers de compenser une absence

d’augmentation de salaire. Ils établissent une sorte d’équilibrage entre fi xe et variable afi n d’éviter de mécontenter les salariés :

« Là, j’ai eu une année zéro et l’année suivante 2 000 €. J’étais déjà au-dessus de la moyenne. En fait, j’ai bénéfi cié de beaucoup au début, et après sur les métiers de réseau, je me suis trouvée vite au-dessus de la moyenne. Donc le constat que je fais, c’est que ces dernières années, je passe toujours après tout le monde, parce que je suis au-dessus de la moyenne. Pas que je mérite pas, sinon on m’aurait pas proposé ce job-là, mais on me dit : ben oui tu vois, c’est pas possible. Et là, ils vont tenir compte de la compensa-tion au variable. Parce que ce qu’ils vont faire, c’est que du coup ils vont me mettre mon variable à 33, 35, allez, et du coup ils ne vont pas me donner de fi xe. Donc en fait, eux, ils gèrent ça comme ça. [Ils font vase communiquant] voilà. Et ça, ça fait quand même six, sept ans que je vois qu’ils le gèrent comme ça. Donc l’année où j’ai eu plus de fi xe, mon variable n’avait pas bougé, etc. Mais ça monte quand même toujours, par petits pas. C’est-à-dire que s’ils me mon-tent le fi xe alors ils ne me montent pas le variable. L’année d’après ils vont monter le variable mais ils bougeront pas le fi xe mais le fi xe va pas régresser, quand même ! Donc le total des deux augmente tou-jours un petit poil, quand même. » (Une responsable commercial entreprises, 51 ans)

C’est aussi la raison pour laquelle nombre de cadres n’attachent aucune importance à leurs évaluations et considèrent que la matrice et ses critères n’ont aucun sens : « en fait je les [critères] regarde pas trop. Je les regarde pas, parce que je sais que mon patron va me dire "il y a 200 000 à répartir" et qu’il fera ça en regardant même pas mes objectifs, il fera comme ça, à la tête du client. Donc du coup, moi je travaille pas sur mes objectifs ». Le montant de l’enveloppe contraignant fortement ses actions, les décisions du manager se répercuteront irrémédiablement sur le montant des primes distribuées aux autres, confor-tant par là même les salariés dans leur sentiment que les règles pour obtenir une augmentation ou une prime sont opaques, résultat largement partagé par les salariés dans leur ensemble (Bigi, et al., 2014). Mais en tâchant de réparer certaines injustices, les managers peuvent être amenés à en créer d’autres.

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PRIMES ET MÉRITE : UNE ÉQUATION COMPLEXE DANS UNE ENTREPRISE BANCAIRE–5–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?64

–DE NOUVELLES INJUSTICES CRÉÉES ? –

C’est notamment le cas pour les salariés ayant un niveau de salaire jugé correct (plus souvent des jeunes diplômés), et dont la prime risque d’être re-vue à la baisse pour augmenter celle de ceux dont le salaire est considéré comme trop faible (en parti-culier pour les plus anciens et surtout les moins di-plômés). Cette répartition des primes, dont les sala-riés ne peuvent saisir les principes, peut en pénaliser

certains et être perçue par ceux-ci comme profondé-ment injustes. S’opère un arbitrage entre diplôme et ancienneté. Cependant, comme nous l’avons vu précédemment, il ne s’agit pas seulement de rétablir l’égalité à tout prix mais de l’accorder seulement à ceux qui le « méritent », ce qui laisse place à la subjectivité du manager. Le rattrapage n’est pas pour tout le monde, et notamment pas pour les femmes qui sont les premières à faire les frais de ces modalités d’attribution. Si le niveau de diplôme participe à créer des écarts salariaux entre les salariés, le temps partiel semble

0

1 000

2 000

3 000

4 000

3 259

3 657

3 002

En euros

Femmes Hommes Ensemble

–Figure 7–Rémunération menseuelle

2 500

2 520

2 540

2 560

2 580

2 600

2 562

2 594

2 548

En euros

Femmes Hommes Ensemble

–Figure 8–Rémunération menseuelle des techniciens

Source : Bilan social 2013 de Bankcorp

Source : Bilan social 2013 de Bankcorp

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 65

Source : Bilan social 2013 de Bankcorp

3 800

4 000

4 200

4 400

4 600

4 297

4 514

4 040

En euros

Femmes Hommes Ensemble

–Figure 9–Rémunération menseuelle des cadres

pénaliser fortement les femmes. En dépit de la si-gnature d’un accord relatif à l’égalité profession-nelle entre les femmes et les hommes, , les écarts de rémunérations se maintiennent au sein de Ban-

kcorp (fi gure 7, 8, 9). En effet, « les inégalités salariales restent un noyau dur indestructible des inégalités entre hommes et femmes » (Lemière et Silvera, 2010).

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PRIMES ET MÉRITE : UNE ÉQUATION COMPLEXE DANS UNE ENTREPRISE BANCAIRE–5–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?66

D’après le bilan social 2013 de Bankcorp, on constate un écart de 21,8 % entre les rémunérations men-suelles des hommes et celles des femmes, correspon-dant au constat selon lequel les inégalités salariales perdurent (Silvera, 1996). S’il est moindre chez les techniciens, il est en revanche plus important parmi les cadres : de l’ordre de 11,7 %. Ces données s’inscri-vent dans la continuité de celles recueillies au niveau national. Ainsi, d’après les chiffres de l’Insee (Chaput, Pinel, Wilner, 2015), si l’écart de salaire en équiva-lents temps plein entre hommes et femmes en France se réduit légèrement, les femmes gagnent encore 19 % de moins que les hommes en 2013. Toutes choses égales par ailleurs, cet écart est légèrement inférieur à 10 % et révèle la discrimination salariale dont les femmes sont victimes (Meurs et Ponthieux, 2000). Si les écarts de salaire entre femmes et hommes s’ex-pliquent en partie par des effets de structure, ceux-ci ne sont en effet pas les seuls en cause. Les entretiens réalisés auprès des salariés de Bankcorp permettent ainsi de mettre au jour deux raisons permettant d’expliquer ces écarts de rémunérations : les congés maternité et le temps partiel (sachant que 87% des salariés à temps partiel de Bankcorp sont des femmes). Certaines cadres enquêtées dénoncent ainsi le gel de salaire suite à un congé de maternité (ce qui est contraire à la loi)9bis et / ou à temps par-tiel. C’est notamment le cas d’Audrey, Conseillère particuliers, qui demande au retour de son congé maternité à réduire son temps de travail à 80 % et à laquelle on ne propose à ces conditions qu’un poste d’Attachée commerciale, soit un déclassement. Elle estime ne pas avoir d’autre choix que d’accepter cette offre qui se traduit par une baisse de son niveau de rémunération – outre les 20 % de baisse de salaire, les primes des attachés commerciaux sont moins éle-vées que celles des conseillers particuliers – mais aussi par un gel de son salaire depuis deux ans9 :

« Tous les ans, il y a une demande d’augmentation qui est faite. Par contre c’est selon le bon vouloir du hiérarchique. Soit il demande à la direction régionale l’augmentation, et vous l’obtenez, soit non. Là moi je sais, que, cette année j’ai rien eu. Parce que je reviens

9. Si nous nous focalisons ici sur la question du gel des salaires, il faut ajouter que durant le congé maternité, ces femmes ne toucheront pas leurs primes et que celles-ci sont proportionnelles au temps de travail, ce qui tend à diminuer les rémunérations des femmes à temps partiel d’autant. 9bis. La loi n°2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes impose aux employeurs d’octroyer à la salariée, à la suite de son congé de maternité, une majoration de salaire équivalente aux augmentations générales ainsi qu’à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée du congé par les salariés.

de congé de maternité. Or quand je suis partie en congé maternité, j’avais demandé une augmentation, on m’a dit “bah non tu t’en vas en congé maternité”. Vous voyez ? Mais, là cette année moi j’ai rien eu, l’année dernière j’ai rien eu non plus. […] J’ai repris à 80 %. Mais ça je vais le savoir, on me le dit toutes les semaines. » (Une attachée commerciale, 28 ans)

Les augmentations de salaire ne sont pas liées à l’ancienneté mais relèvent de la responsabilité du supérieur hiérarchique qui doit décider pour qui en faire la demande. Or d’après les enquêtées, il tendrait à les « oublier » durant leur congé maternité ainsi que les deux années suivantes :

« Ben globalement je dirais que j’ai été accompagnée, sauf que dès que vous partez en congés maternité, on vous oublie. L’’année 2013, vous avez en novembre, ce qu’on appelle les comités de gestion, en gros, gestion de carrière, où on parle des collaborateurs et on de-mande, justement, une augmentation ou non. Et en février on annonce les mesures. Et en février de cette année, j’ai été notée supérieure aux attentes et je n’ai rien eu. Donc j’ai pas compris, parce que je me suis dit : ça fait deux ans... Bon je suis revenue de ma première année de congé maternité, je suis arrivée en février, je peux comprendre... La deuxième année, j’ai pas compris. Et c’est vrai que mon chef m’a dit : je suis désolé, j’ai oublié de parler de toi. […] C’est qu’au-jourd’hui, je me dis : deux grossesses, vous comptez l’année où vous partez – parce qu’une fois que vous êtes partie avant la fi n de l’année, vous n’êtes pas là en novembre au moment des points de gestion – vous revenez – moi je suis revenue pour mon fi ls en février, on annonçait les mesures mais j’étais pas là et c’est tout. Et puis comme vous rentrez en cours d’année, en fi n d’année des fois, on n’a pas assez de recul sur le poste. Donc vous pouvez perdre facilement deux ans plus deux ans, donc je me dis : peut-être que je serais un peu plus haut... On sait pas. »(L’adjointe commerciale d’un directeur de groupe, 31 ans)

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 67

Que cache cet « oubli » des managers ? On peut sup-poser que « même si les mères restent en emploi et ne réduisent pas leur investissement professionnel, la maternité semble former pour les employeurs un si-gnal de moindre disponibilité et implication (Meurs, Pailhé, Ponthieux, 2010). Si elles optent pour le temps partiel, elles confi rment cette impression. Elles sont en quelque sorte sommées de refaire leurs preuves avant de pouvoir bénéfi cier à nouveau d’aug-mentations de salaire. Or ces femmes, loin de contes-ter ce principe, semblent l’avoir totalement intégré, présentant le congé maternité ou le temps partiel comme un « choix » (Laufer, 2004) dont il s’agirait d’assumer les conséquences :

« Après, les congés maternité, c’est un choix, on va pas revenir dessus, et je comprends qu’en étant chez soi, on a des enveloppes, qu’on n’a pas forcément envie de faire plaisir à des gens qui sont chez soi, on sait pas, après, ce que ça va devenir, je peux comprendre. » (L’adjointe commerciale d’un directeur de groupe, 31 ans)

On peut voir ici une certaine proximité avec un autre constat paradoxal fait dans les travaux de Baudelot et Serre (2006) selon lequel le niveau de satisfaction des femmes à l’égard de leur niveau de salaire diffère peu de celui des hommes alors même qu’il est en moyenne inférieur de 25% à celui des hommes. Une des réponses réside dans le fait que « le salaire à partir duquel les femmes diplômées évalueraient leur salaire ne serait pas celui que percevraient leurs ho-mologues masculins, à diplôme égal, mais plutôt celui des femmes non diplômées ». Il y aurait donc « primat de la perspective de genre sur la perspective de classe ». Dans le cas qui nous intéresse, ressentant de la culpabilité à avoir bénéfi cié d’un congé mater-nité ou réduit leur temps de travail, elles tâchent de démontrer leur implication par une intensifi cation du travail ou un allongement du temps de travail. Elles ont complètement intériorisé le fait qu’elles doivent faire leurs preuves pour mériter ces rétributions. Ainsi est-ce le cas d’Audrey qui dit maintenir la même charge de travail qu’auparavant à 80 % et qui insiste sur le fait que « c’est pas contre Bankcorp que je suis à 80 %, c’est pas parce que je me dis “j’aime pas

venir travailler”, mais pour aider son mari dans son projet de création d’entreprise. Quant à Mathilde, elle travaille également le soir et le week-end. Par consé-quent, les femmes sont victimes de discriminations et tendent à être pénalisées par le poids accordé aux managers dans la décision d’attribuer (ou pas) des augmentations de salaire. Et il ne semble pas qu’ils fassent le choix de les « rattraper par » des primes plus importantes : alors que les primes individuelles représentent chez Bankcorp en moyenne 14 % des rémunérations des hommes, elles correspondent à 10,9 % de celles des femmes. Autant le niveau de diplôme et les écarts qui en résultent sont jugés in-justes par les managers et peuvent faire l’objet d’un rattrapage par le biais des primes par les managers pour ceux qu’ils jugent « méritants », autant réduire les écarts de rémunérations entre hommes et femmes ne parait nullement être leur priorité. Ces écarts semblent en effet conçus comme résultats des « choix » que les femmes ont faits et se doivent d’as-sumer.

L’ensemble des salariés conçoivent les primes comme relevant d’une conception de la justice centrée sur l’égalité des chances : chacun devrait être récom-pensé en fonction de son mérite. Ils confi rment par là même l’attachement profond des Français pour cette conception de la justice (Tenret, 2011). Dans l’idéal, augmentations de salaire et primes auraient ainsi deux vocations distinctes : les premières vise-raient à accompagner les salariés dans la durée et seraient donc davantage liées à l’ancienneté ; Les secondes auraient pour objectif de reconnaitre le mérite et donc d’établir des écarts. De ce fait, leur attribution s’inscrirait dans des temporalités et selon des modalités distinctes : les augmentations de sa-laire dans la longue durée des « plans de gestion » orientés vers le passé ; les primes défi nies à un instant t en fonction de critères « méritocratiques ». En toute logique, ces deux opérations devraient être menées de manière autonome et objets de négociations dans le cadre des entretiens d’évaluation. Il en va tout autrement en pratique. Si les managers revendiquent le fait de mobiliser des critères objectifs et mesu-rables dans l’attribution des primes pour établir des écarts en fonction du mérite, ils se trouvent pris dans

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des contraintes financières et morales qui res-treignent considérablement leurs marges de ma-nœuvre. Contraints par des enveloppes dont ils ne maitrisent pas le montant et en prise avec les écarts de salaire au sein de leurs équipes, les managers tâchent de concilier deux fi nalités des primes qui se révèlent sources de tensions (Godechot, 2007) : à la fois un dispositif visant à reconnaitre le mérite et au service de l’égalité pour réparer les injustices. La tâche des managers relève donc davantage du « bri-colage » que d’un exercice formalisé et objectif. Dans l’impossibilité de tenir leurs promesses, ils suscitent des déceptions et des frustrations et confortent par là même les salariés dans la certitude qu’ils distri-buent les primes de manière arbitraire « à la tête du client » mobilisant en réalité des critères subjectifs. Par ailleurs, le rattrapage n’est pas envisageable pour tous mais relève une nouvelle fois du mérite du sala-rié pour pouvoir en bénéfi cier. Or, si la méritocratie

est devenue un modèle presque incontournable, « la notion de mérite est très protéiforme, sans défi nition consensuelle autour de laquelle s’accordent les ac-teurs sociaux. […] Le mérite est donc un terme parti-culièrement composite : au croisement de l’« inné » (les capacités, l’intelligence) et de l’« acquis » (les efforts, le travail personnel), le mérite comporte éga-lement une dimension morale (de droiture morale, d’investissement dans la réussite, de volonté) » (Ten-ret, 2011b). La distribution des primes place donc les managers dans une posture délicate, les obligeant à opérer des arbitrages soulevant des enjeux moraux, que la rhétorique méritocratique participe à opacifi er du fait d’une absence de défi nition convergente sur ce que recouvre la notion de mérite. Tâchant de répa-rer certaines injustices, ils tendent en revanche à en créer de nouvelles et, notamment, à renforcer les inégalités de genre. •

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 69

70 Présentation 71 De l’émulation du «salarié-actionnaire»... 75 ...A l’éclatement du collectif de travail

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–DES EFFETS CONTRASTÉS DES DISPOSITIFS DE PARTAGE DES BÉNÉFICES DANS UN HYPERMARCHÉ10–

10. Cette partie recoupe en grande partie un article paru en 2016 dans le n°16 de la Revue Française de Socio-Economie.

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DES EFFETS CONTRASTÉS DES DISPOSITIFS DE PARTAGE DES BÉNÉFICES DANS UN HYPERMARCHÉ–6–

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L’enseigne à laquelle appartient l’hypermarché étu-dié (que nous appellerons Maximag) a adopté une politique de rémunération « mixte » (Castel, Delahaie, Petit, 2011), développant à la fois les primes sur ob-jectifs, l’intéressement, la participation et l’actionna-riat salarié, à destination de l’ensemble des salariés, qu’ils soient cadres ou non. C’est la raison pour la-quelle cette entreprise nous est apparue comme un cas particulièrement intéressant à étudier. Par ail-leurs, celle-ci ayant développé une politique de com-munication offensive sur les dispositifs de partage des bénéfi ces et ayant découvert l’attachement des salariés à ces dispositifs dans le cadre des entretiens réalisés avec eux, nous avons fait le choix de focaliser notre analyse sur ceux-ci pour tâcher de mettre au jour leurs effets sur les relations avec la hiérarchie, le rapport à l’entreprise, le travail et le rapport au tra-vail, les trajectoires professionnelles.

Nous mobiliserons ici le matériau recueilli dans le cadre d’un terrain réalisé dans un hypermarché de l’enseigne Maximag situé en banlieue parisienne. Il comprend des entretiens réalisés en 2013 avec des employés de rayon (10), des caissières (14), des chefs de rayon (7), des chefs de secteur (4), des chefs de caisse (2), des directeurs de magasin (2), des syndi-calistes, une DRH, le président du conseil de sur-veillance de l’actionnariat salarié Maximag ainsi que des observations effectuées pendant plusieurs mois et des documents internes (bilans sociaux, grilles d’évaluation, grilles de salaire, accords d’entreprise, etc.) D’après le bilan social, en 2012, le magasin étu-dié comprend environ 600 salariés, dont 86 % d’em-ployés, 3,5 % d’agents de maitrise et 10,5 % de cadres. L’ancienneté moyenne est de 13 ans. La rému-nération fi xe brute mensuelle moyenne s’élève à envi-ron 1 600 € pour les employés, 2 200 € pour les agents de maitrise et 3 100 € pour les cadres.

Pour la première fois depuis l’instauration de l’action-nariat salarié dans les années 70 dans cette enseigne de la grande distribution non cotée en Bourse, l’évo-lution de la valeur de part connaît une baisse en

2009, ce qui marquera fortement les esprits des sala-riés actionnaires. Ceux-ci, au regard des diffi cultés rencontrées chez les concurrents, avaient jusque-là le sentiment d’être restés relativement épargnés par la crise touchant le secteur depuis les années 1990 (Moati, 2001) et envisageaient encore la possibilité d’une reprise. Une nouvelle baisse, plus importante encore, intervient en 2015 et vient briser tous leurs espoirs. Dès les années 2000, on peut observer chez Maximag un ralentissement de la croissance de la valeur de part, ainsi qu’une forte baisse des primes d’intéressement et de participation, alors même qu’auparavant ces dispositifs de partage des béné-fi ces permettaient aux salariés de se constituer une épargne et de compléter leur faible salaire par une part variable pouvant représenter jusqu’à six mois de salaire supplémentaires. Ces dispositifs ont toujours été utilisés par la hiérarchie comme un outil de mana-gement visant à susciter une émulation individuelle et collective et un attachement à l’entreprise. De ce point de vue, si ces dispositifs se sont révélés particu-lièrement effi caces durant la « belle époque des taux à deux chiffres » pour susciter une forte émulation, qu’en est-il lorsque les résultats ne sont plus au ren-dez-vous ? La chute de ces « compléments de salaire » se traduit-elle par un désengagement de la part des salariés ? Nous verrons que tant que les résultats de l’entreprise étaient en croissance et avaient un im-pact positif sur les rémunérations des salariés, ceux-ci tendaient ainsi à se percevoir comme des « action-naires », solidaires et responsables de ces résultats. En revanche, à partir du moment où les résultats ne sont plus au rendez-vous, les salariés réalisent brus-quement que ces dispositifs génèrent une forme d’incertitude et consistent également en un partage des risques avec l’employeur venant affecter le ni-veau de leurs rémunérations. S’opère ainsi une pro-fonde transformation du rapport des salariés au tra-vail et à l’entreprise. Ces évolutions se traduisent par une remise en cause de la fi gure du salarié « action-naire » et un accroissement des inégalités venant mettre à mal l’unité du collectif de travail caractéris-tique de « la belle époque ». •

–PRÉSENTATION–

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–DE L’ÉMULATION DU « SALARIÉ-ACTIONNAIRE »…–

Des années 1970 aux années 2000, les salariés ont le sentiment de bénéfi cier des fruits de la croissance des Trente Glorieuses grâce aux dispositifs de par-tage des bénéfi ces mis en œuvre par l’entreprise qui permettent une augmentation constante de leurs primes. Une convergence des intérêts de l’entreprise et de ceux des salariés s’opère, se traduisant par une amélioration du niveau de vie des salariés concor-dante avec les résultats de Maximag. Pleinement associés au succès de leur entreprise, les salariés en tirent une source d’émulation individuelle et collec-tive qui suscite un fort attachement à celle-ci et un investissement conséquent au travail venant confor-ter ses résultats.

–UNE ENTREPRISE PATERNALISTE –

Au 30 juin 2014, le groupe Maximag employait envi-ron 300 000 salariés (dont 72 000 en France) et réalisait un chiffre d’affaire de 62 milliards d’euros. Il compte aujourd’hui près de 850 hypermarchés dans quatorze pays et plus de 800 supermarchés dans sept pays. L’entreprise se caractérise par une culture d’entreprise forte empreinte de paternalisme et reposant sur « le partage du savoir, du pouvoir et de l’avoir ». C’est au nom de ce dernier principe – « le partage de l’avoir » – que le fondateur de Maximag va mettre en place en 1968 un accord dérogatoire de participation aux bénéfi ces plus favorable aux sala-riés que la formule légale, l’intéressement en 1972 et l’actionnariat en 1977.

En plus du salaire fi xe (auquel s’ajoute un 13ème mois), le système de rémunération comprend ainsi

une part variable individuelle (en fonction d’objectifs à atteindre), l’intéressement (prime trimestrielle liée aux résultats du magasin sur un trimestre) et la par-ticipation aux bénéfi ces (liée aux résultats annuels de Maximag France). Les primes d’intéressement et de participation constituaient il y a encore une di-zaine d’années des compléments de salaire impor-tants, représentant de quatre à six mois de salaire supplémentaires. Les salariés ont la possibilité de les placer voire d’effectuer des versements volontaires dans l’actionnariat salarié, la période de souscription ayant lieu une fois par an et ces sommes étant blo-quées cinq ans. Ce fonds commun de placement in-vesti en titres non cotés est composé de 80 % de la valeur du Groupe Maximag et d’une caisse de rachat pour les 20 % restants. La valeur de part Maximag est estimée une fois par an par trois experts désignés par le tribunal de commerce en fonction des perfor-mances passées, actuelles et des perspectives d’évo-lution du Groupe. Elle a connu pendant une trentaine d’années une progression continue et très rapide – « à deux chiffres », avec un record en 1986 (59 %). Si en 1977, la valeur de part s’élevait à 1,88 €, elle vaut 427,97 € en 2014. En 2013, 160 500 salariés détenaient 11,3 % du capital du groupe et 97 % des salariés de Maximag France étaient actionnaires. Au travers de la mise en place de ces dispositifs de par-tage des bénéfi ces, et en particulier avec l’actionna-riat salarié, le fondateur de Maximag revendique le fait de « responsabiliser » les salariés et de leur per-mettre de bâtir des projets personnels, à l’image de cette caissière – dont l’exemple est fréquemment mobilisé par Maximag–, qui, après avoir économisé durant toute sa carrière, avait réussi à accumuler un capital de 500 000 €. L’entreprise développe une politique de communication offensive pour valoriser ces dispositifs d’épargne salariale et en tirer parti.

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–UNE POLITIQUE DE COMMUNICATION OFFENSIVE –

Dès l’entretien de recrutement, les dispositifs d’épargne salariale sont présentés aux candidats comme un des avantages principaux de l’entreprise qui témoigne des valeurs véhiculées au sein de celle-ci. Ils n’auront de cesse de leur être rappelés après leur recrutement, en particulier par leur hiérarchie lors des réunions d’équipe et des entretiens d’évalua-tion. Par ailleurs, des salariés sont nommés Relais Porteurs de Parts et, à ce titre, sont chargés de former, d’informer et d’inciter les salariés à investir dans l’actionnariat salarié. De nombreux panneaux sont également affi chés dans les couloirs du magasin pour informer de l’évolution de la valeur de part Maximag et du taux de la participation et des primes d’intéres-sement. D’autres incitent à la vigilance et à la respon-sabilisation au nom d’intérêts partagés entre em-ployeurs et salariés avec des formules chocs du type : « Quand on vole Maximag, on vous vole… La vigilance ça paye ! » ; « Le casse du siècle chez Maximag : 70 000 000 €. C’est le montant de la DI [Démarque Inconnue] en 2008. Parce que la somme de petits vols génère une perte énorme » ; « Tout le monde peut se tromper… Pas nous ! Les erreurs, nous pouvons les éviter, si chacun d’entre nous s’emploie à les tra-quer ». Les salariés reçoivent enfi n tous les mois « le journal des actionnaires de Maximag » leur donnant un ensemble d’informations sur l’entreprise et l’ac-tionnariat salarié. Ils ne peuvent donc ignorer l’exis-tence de ces dispositifs de partage des bénéfi ces qui sont utilisés par la hiérarchie comme un outil de mobilisation des salariés. Cette politique de commu-nication intensive associée aux montants importants que ces primes peuvent représenter expliquent l’atta-chement des salariés aux dispositifs de partage des bénéfi ces, et contraste avec l’indifférence affi chée en général par les cadres interviewés relatée dans la partie précédente.

–INTÉRIORISATION DU CONTRÔLE ET ÉMULATION COLLECTIVE –

Force est de constater que nombre de salariés, en particulier les « anciens » (en terme d’ancienneté dans le magasin), ne sont pas insensibles à ces argu-ments et se vivent réellement comme des « action-naires » partageant des intérêts communs avec l’employeur et se positionnant par rapport aux choix faits par ce dernier : Marco explique pourquoi il est opposé à l’implantation des caisses automatiques : « Ça c’est mon argent qui s’envole, moi je suis action-naire. Et me faire voler comme on est en train de se faire voler là aujourd’hui je peux pas accepter ça. […] Chaque client qui rentre qui dépense du fric, c’est mon client et je peux pas le laisser partir. Après c’est une autre mentalité. Ça fait 27 ans que je suis là, donc c’est Maximag qui m’a permis de m’acheter des appar-tements, des machins, voilà c’est Maximag qui m’a tout donné. Ça m’appartient ça. Le jour où je partirai ça me fera mal au cœur. On habite en face, je viens comme chez moi, je suis assis sur mon canapé, la ligne de caisses c’est comme chez moi. Tout ce que je peux dire j’ai les boules. J’ai beaucoup d’argent en jeu et c’est énorme, au bout de 27 ans c’est un couteau dans le dos qu’on est en train de me mettre indirecte-ment depuis qu’il y a les caisses automatiques ! […] Enfi n moi ces caisses-là moi je suis contre à 100 %. Parce que j’estime qu’on me vole. C’est comme si on ouvre la porte de chez moi et on se sert. » (Un chef de zone, 44 ans)

Ce sentiment de propriété partagé par certains em-ployés participe d’une forme d’intériorisation du contrôle qui se répercute directement sur le travail au quotidien par une attention constante à agir au mieux des intérêts de l’entreprise. Chaque salarié va faire en sorte, par une vigilance accrue, d’éviter les pertes et d’accroître les résultats du magasin à son échelle, sa prime étant directement associée à la

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croissance de ces résultats. Par conséquent, au nom de l’intérêt collectif, tout écart de conduite sera irré-médiablement sanctionné par les collègues. Les dis-positifs de partage des bénéfi ces constituent ainsi un outil de management extrêmement effi cace permet-tant, dans un contexte d’affaiblissement des rela-tions hiérarchiques dénoncées comme autoritaires « d’amener les gens à faire d’eux-mêmes, et comme sous l’effet d’une décision volontaire et autonome, ce qu’on désire leur voir faire » (Boltanski et Chia-pello, 1999, p. 557). S’opère une intériorisation des objectifs qui mène les salariés à opérer un contrôle de leurs pairs. Ces salariés ne se vivent pas comme des salariés assignés à une tâche, mais comme des « actionnaires » qui ne comptent pas leurs heures et n’hésitent pas à prendre en charge des tâches ne relevant pas de leur poste :

« Elle [la chef de rayon] me laisse faire sur mon do-maine, elle peut me faire confi ance, elle peut compter sur moi quand elle est pas là, s’il y a besoin d’aller dans un autre domaine que le mien, il n’y a pas de souci, je suis présente. Moi c’est la confection, mais ma priorité c’est le rayon, c’est le magasin, c’est le ré-sultat du magasin. On est tous actionnaires, donc je ne peux pas rester à me dire : je ne m’occupe que de la confection. […] Par exemple ce matin mon chef de rayon est allé avec d’autres personnes sur le rayon chaussures parce qu’il n’y avait personne hier soir et c’était la déroute. On est tous là pour la même chose. »(Une employée de rayon, 47 ans)

Ces « actionnaires », convaincus qu’ils sont en partie propriétaires de l’entreprise, ont le sentiment qu’ils sont responsables des résultats de l’entreprise et que la valeur de l’action et le niveau des primes dé-pendent de leur travail et de leurs efforts.

–UN ATTACHEMENT A L’ENTREPRISE –

Les anciens ont connu l’«ère de la croissance exten-sive » (Moati, 2001) de la grande distribution, se traduisant par une évolution très rapide du chiffre d’affaire. Durant cette période faste, les primes étaient très élevées et l’évolution de la valeur de part de Maximag était « à deux chiffres ». Si le niveau de leur salaire fi xe restait peu élevé – proche du niveau du SMIC pour les employés –, les dispositifs de par-tage des bénéfi ces leur ont permis d’améliorer leur niveau de vie et d’épargner pour devenir proprié-taires. Ils utilisaient leur salaire fi xe pour leurs dé-penses quotidiennes et plaçaient leurs primes dans l’actionnariat salarié, ce qui leur a permis de se constituer un apport pour acheter un logement au bout de quelques années d’épargne :

« Ça nous a permis d’acheter la maison. Les premières années qu’on a travaillé ici, pendant 10 ans, on a touché des super bonnes primes, tout ça qu’on plaçait. À l’époque, on touchait des 40 %, 50 % de notre sa-laire. C’était quelque chose de miraculeux. Et ça nous a permis, la plupart des anciens, d’acheter notre mai-son. » (Une employés de rayon, 59 ans)

Outre la dimension fi nancière, cet attachement à Maximag est à mettre en relation avec les trajectoires sociales et professionnelles de ces salariés. Beaucoup d’entre eux étaient des employés issus des catégories populaires immigrées qui considèrent que Maximag leur a donné leur chance alors qu’ils disposaient de faibles ressources pour s’intégrer sur le marché du travail :

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DES EFFETS CONTRASTÉS DES DISPOSITIFS DE PARTAGE DES BÉNÉFICES DANS UN HYPERMARCHÉ–6–

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Anabel est chef de caisse chez Maximag et gagne 2 100 € brut mensuel. Elle a 44 ans, mariée à un artisan et a deux enfants de 18 et 21 ans. Elle est née au Portugal et appartient à une fratrie de 8 enfants. Elle a été élevée par sa mère qui travaillait aux champs tandis que son père était maçon, travaillant en France une dizaine d’années. Les études étant payantes au Portugal, elle les a interrompues au ni-veau de la quatrième. Pour ses 18 ans, toute la fa-mille est venue s’installer en France. Anabel a occupé des emplois de jeune fi lle au pair et de serveuse avant de se marier. C’est à ce moment qu’elle a trouvé un emploi de caissière chez Maximag, entre-prise dans laquelle elle est depuis 21 ans. Elle a ac-cédé au poste de chef de caisse il y a cinq ans et envisage de rester chez Maximag jusqu’à la retraite : « J’ai commencé ici, j’ai appris beaucoup de choses, pour quelqu’un qui n’avait pas fait trop d’études, qui parlait pas très bien encore le français… après, je me dis, ils ont cru en moi, et moi j’y crois ». Anabel est donc très attachée à Maximag : « c’est mon entre-prise, j’y tiens, j’y crois » et estime qu’elle a un bon niveau de rémunérations en comparaison de ses proches. Elle a totalement confi ance en l’entreprise et place toutes ses économies dans l’actionnariat salarié, en vantant les mérites auprès des caissières qu’elle manage.

Ces employés issus des catégories populaires, peu ou pas diplômés, souvent immigrés, ayant connu des trajectoires professionnelles marquées par des inter-ruptions d’activité, par la précarité de l’emploi et/ou la pénibilité du travail, sont particulièrement atta-chés à Maximag où ils ont pu obtenir un CDI et par-fois connaître une évolution de carrière. Ils voient les dispositifs de partage des bénéfi ces et l’actionnariat salarié comme des éléments venant conforter le juge-ment positif porté sur l’entreprise et leur attachement à celle-ci. Ces primes témoignent de la volonté de l’entreprise d’associer les salariés à leur réussite, ce qui en fait à leurs yeux « une entreprise d’exception ». Le caractère « exceptionnel » de Maximag réside éga-

lement dans le fait qu’elle ne soit pas cotée en bourse. Tous les salariés insistent sur ce point, convaincus que c’est la raison pour laquelle la valeur de la part Maximag ne peut chuter, justifi ant qu’ils placent leurs économies en toute confi ance dans l’actionnariat salarié. Ils opposent ainsi systématique-ment le caractère sécurisant de l’actionnariat chez Maximag – « une entreprise familiale où il faisait bon travailler » (Béatrice) – avec le même dispositif placé en bourse chez les concurrents qu’ils jugent aléatoire et trop risqué :

« Mais c’est pas coté en bourse ? Non. Ça c’est à moi. C’est pour ça qu’on s’est battus, parce qu’il y a quelques années, le gouvernement vou-lait absolument qu’on soit cotés en bourse. Il y a eu une loi qui est passée, et nous au niveau de Maximag on ne voulait pas passer en bourse, parce que Maxi-mag appartient aux salariés, à la famille, et donc la famille et les salariés, on s’est battus, on a fait des pétitions, c’est remonté jusqu’aux députés, pour qu’on garde ce privilège, qu’on ne soit pas cotés en bourse. Pour vous, c’est un privilège, de ne pas être coté en bourse ? C’est un avantage. Alors qu’en étant cotés en bourse, ça peut être négatif comme positif. » (Une employée de rayon, 47 ans)

Preuve de l’attachement de ces salariés à Maximag, il n’est pas rare que leurs enfants y travaillent égale-ment. Ces trajectoires s’inscrivent dans la durée. Ayant établi une relation de longue durée avec Maxi-mag, les anciens sont les plus à mêmes de tirer parti des dispositifs de partage des bénéfi ces mis en œuvre dans l’entreprise. Cependant, ces avantages fi nan-ciers constituent, non pas un élément de motivation, mais un mode de reconnaissance de leur investisse-ment au travail qui participait de l’émulation collec-tive et de la solidarité qui unissait à l’époque les sala-riés et que ces derniers évoquent aujourd’hui avec nostalgie :

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 75

« Quand j’ai commencé, l’image Maximag était très importante. […] Bon, maintenant, quand je suis au boulot, je suis au boulot, et quand je suis chez moi, je suis chez moi. Alors qu’avant, il y a des années de ça, je vivais Maximag. […] Moi je pense à faire ma journée de travail, et être payée à la fi n du mois. Franchement, c’est tout ce que je me dis. J’ai un job, c’est déjà pas mal. […] Avant, il y avait une autre mentalité, parce que moi quand je travaillais ici il y a 20 ans, il y avait quand même un esprit familial, un esprit d’équipe. Nous on travaillait vraiment pour Maximag, on était à 100%. On travaillait pour Maximag mais on ne discutait pas chiffres. Tu peux me donner un exemple ? Quelqu’un qui vole, j’appelais la sécurité tout de suite, pour Maximag. » (Une employée de rayon, 48 ans)

Durant une trentaine d’années, les salariés de Maxi-mag tirent parti des dispositifs de partage des béné-fi ces. L’évolution de la valeur de part Maximag et les primes élevées d’intéressement et de participation confortent leur investissement au travail, leur atta-chement à l’entreprise et au collectif de travail. For-tement soudés entre eux, quel que soit leur niveau hiérarchique, les salariés entretiennent une relation affective à l’entreprise pour laquelle ils se donnent sans compter. Ils ont le sentiment de partager des intérêts convergents avec ceux de l’entreprise et d’être pleinement associés à la réussite de celle-ci. Grâce aux primes d’intéressement et de participation, ils voient de la sorte leur niveau de vie s’améliorer et l’actionnariat salarié leur permet de constituer un apport pour accéder à la propriété. Cependant, dans les années 2000, les résultats de Maximag stagnent, ce qui va se répercuter directement sur le niveau des primes et l’évolution de la valeur de part. •

–…A L’ÉCLATEMENT DU COLLECTIF DE TRAVAIL–

–UNE CHUTE DES RÉSULTATS –

Depuis le milieu des années 2000, les montants des primes d’intéressement et de participation ne cessent de diminuer. Ainsi, le taux de participation de Maxi-mag France atteint en 2013 un des plus bas taux jamais atteint : 5,93 %. Les primes d’intéressement connaissent elles aussi une forte chute du fait des diffi cultés rencontrées par nombre de magasins et se révèlent de plus en plus aléatoires :

« Il y a des primes trimestrielles, alors si ça tourne bien, tant mieux, mais dans la conjoncture actuelle, on ne peut pas vraiment compter là-dessus. La der-nière fois, elle était à 10 € et elle a déjà été à 900 € ! C’est très variable. » (Une hôtesse d’accueil, 41 ans)

De même, l’évolution de la valeur de part connaît un ralentissement depuis une dizaine d’années. Si la

tendance était plutôt « à deux chiffres » pendant une trentaine d’années, elle a connu pour la première fois une évolution négative en 2009 (-1,1 %) confi rmée par une nouvelle baisse de 3 % en 2015. D’après le président du conseil de surveillance de l’actionnariat salarié Maximag, le résultat de 2009 a eu l’effet d’un véritable « électrochoc » sur les salariés, présentant selon lui l’intérêt de faire prendre conscience à ceux-ci du risque inhérent à tout placement fi nancier :

« Ça a été un électrochoc hyper positif. En 2009, je pense que les gens ont compris qu’ils étaient action-naires et que actionnaires, c’est pas inscrit dans le marbre, que ça bouge tout le temps, même si histori-quement pendant 30 ans la valeur de part avait pro-gressé. Au vu de nos performances, au vu de ce qui se passe à l’extérieur, on n’est pas dans une bulle à l’abri de tout. Et ça, ça a été, je pense, hyperpédagogique. Ça a marqué les esprits. Les gens ont compris que c’était pas une rente viagère ad vitam aeternam telle qu’ils avaient pu l’imaginer par l’histoire de notre ac-tionnariat. »

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DES EFFETS CONTRASTÉS DES DISPOSITIFS DE PARTAGE DES BÉNÉFICES DANS UN HYPERMARCHÉ–6–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?76

Jusqu’en 2000, Maximag a été relativement épargné par la crise de la grande distribution en comparaison de ses concurrents. Cependant, lorsque ces dispositifs perdent de leur attractivité, c’est la faiblesse du ni-veau de salaire et son inadéquation avec des condi-tions de travail qui se dégradent qui deviennent fl a-grantes pour les salariés et suscitent de fortes déceptions. Si les dispositifs de partage des bénéfi ces ont eu pour effet de participer d’un effacement des clivages sociaux – que ce soit entre salariés et em-ployeurs ou entre cadres et employés – pendant une trentaine d’années, les diffi cultés de l’entreprise vont les raviver, ce qui va se traduire par l’émergence de trois populations.

–LE « RETRAIT » DES ANCIENS –

Les « anciens » (essentiellement des employés de rayon et des caissières, et seulement quelques chefs de rayon issus de la promotion interne), qui ont connu la « belle époque » et tiré parti de ces disposi-tifs d’épargne salariale, sont indéniablement les plus déçus par la chute des primes et de la valeur de part. Elle se traduit en effet pour eux par une baisse de leurs rémunérations et par là même de leur niveau de vie. Pour autant, même s’ils dénoncent celle-ci, ils ne mettent pas l’accent sur la dimension fi nancière lorsqu’ils évoquent leur déception dans les entretiens. S’ils tolèrent mal cette baisse de revenus, c’est surtout parce qu’elle intervient au moment même où ils ont le sentiment que leurs conditions de travail se dégra-dent :

« On est tous propriétaires à Maximag (rires). On est 60 000 employés propriétaires. Moi je ne sens pas ça comme ça. Je serais propriétaire de Maximag si je faisais une OPA et que je devenais majoritaire dans la bourse familiale. Là je pourrais faire ce que je veux, je pourrais prendre des décisions. Mais là on n’est pas

propriétaire. On est 60 000 petits actionnaires, mais les gros, c’est la famille. Et c’est une société familiale, ils se passent tout entre eux, c’est pour ça qu’ils ne veulent pas aller en bourse. C’est plus arrangeant. […] Avant, on travaillait, on donnait nos heures. Des fois, on dépointait pour fi nir le travail. Et aujourd’hui, ça n’arrive plus. Ah non. L’heure c’est l’heure. Tout est basé sur le chiffre. C’est le chiffre d’affaires en magasin, la per-formance, la part de marché, tout rentre en compte. Avant, il n’y avait pas ça. Et ça, ça fait une dizaine d’années que c’est comme ça. »(Une employée de rayon, 48 ans)

Alors que les « anciens » se vivaient comme des « actionnaires » partageant des intérêts convergents avec ceux de leur employeur, une grande partie d’entre eux dénoncent aujourd’hui ce qu’ils per-çoivent comme une mystifi cation. Bien qu’action-naires, ils n’ont en effet aucune infl uence sur les choix organisationnels opérés par la direction. Les salariés de Maximag tendent dès lors à opposer la logique économique de la « famille » basée sur la quête de performance à celle des salariés défendant « l’esprit familial » de l’entreprise. Ils ont ainsi le sentiment d’avoir été trompés par Maximag compte-tenu de l’investissement au travail conséquent qu’ils ont of-fert à l’entreprise durant de nombreuses années. Dès lors, la chute des primes est vécue comme une ab-sence de reconnaissance des efforts importants consentis au travail pour soutenir la croissance de l’entreprise, mais démontre également leur impuis-sance à agir sur les résultats de Maximag, alors même que la hiérarchie n’a eu de cesse de leur dire le contraire pendant des années. Très déçus et se sen-tant trahis par Maximag, ils adoptent alors une posi-tion de « retrait » (Sainsaulieu, 1977), dans la nostal-gie de l’époque révolue des « résultats à deux chiffres » et de « l’esprit familial ». Les employés em-bauchés plus récemment n’ayant quant à eux pas connu cette époque, leur situation n’est nullement comparable à celle des « anciens ».

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 77

–LE FATALISME DES « NOUVEAUX »11 EMPLOYÉS –

La situation des employés embauchés depuis les années 2000 s’est indéniablement dégradée en com-paraison de celle des générations précédentes. Issus des catégories populaires comme les « anciens », ces bacheliers ou diplômés du supérieur court subissent de plein fouet la crise du secteur. Embauchés pour leur majorité en CDI, ils se trouvent en situation de précarité économique, ne parvenant que diffi cile-ment à vivre avec leur salaire. Les employés en couple appréhendent leur rémunération comme « familiale », la situation des employées vivant seules et ayant des enfants à charge, et encore plus pour celles à temps partiel12, est particulièrement diffi cile :

« Je suis pauvre de chez pauvre (rires). […] Je ne pense même pas à l’avenir. […] Avec les collègues, on est tous dans la même panade, on travaille pour survivre. Après, il y en a d’autres qui arrondissent leur fi n de mois avec des petits boulots au black, d’autres qui sont en couple, il y a les célibataires comme moi. C’est diffi cile pour eux, même les célibataires sans enfant, ils se plaignent des impôts qu’ils payent sur les reve-nus alors qu’ils ne gagnent pas grand-chose. Du coup, on se dit qu’on travaille pour payer. On n’est pas en train de travailler pour bien vivre, on est en train de travailler pour payer des charges, des impôts. » (Une employée de rayon, 35 ans)

Les montants des primes d’intéressement et de par-ticipation n’ayant de cesse de diminuer, ces sommes ne permettent plus de compenser le faible niveau de salaire des employés, leur caractère aléatoire plaçant ceux-ci dans une situation de vulnérabilité, dimen-sion essentielle de l’appartenance aux « classes popu-laires », « qui n’est pas nécessairement la misère, mais qui signifi e assurément l’exposition récurrente au manque de ressources ou à l’insécurité » (Schwartz, 2011). Ils n’ont en effet aucune certitude concernant les sommes qu’ils vont toucher, ce qui rend toute pré-vision impossible puisque même le salaire peut être l’objet de fortes variations (en fonction des heures

supplémentaires et en cas de travail le dimanche ou les jours fériés). À cela s’ajoute le fait que ces rému-nérations s’inscrivent dans des temporalités diversi-fi ées : tous les mois pour le salaire « fi xe », tous les trois mois pour l’intéressement, une fois par an pour la participation, plusieurs années pour l’actionnariat salarié. Les salariés doivent également décider s’ils bloquent ces sommes pour cinq ans dans l’actionna-riat salarié (dès lors non imposables) ou s’ils les dé-bloquent (mais elles sont alors imposables). L’irrégu-larité et la complexité des modes de rémunérations les obligent donc à des calculs économiques aléa-toires les menant à opérer des arbitrages sans en maitriser pleinement les ressorts :

Suite à son divorce, Fatima, jusqu’alors femme au foyer, se trouve contrainte de trouver un emploi pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa fi lle dont elle a la charge. Elle est embauchée comme employée de rayon en 2006 et se trouve en surendettement en 2012.« Moi[les primes] je les bloque d’offi ce. Parce que si je débloque, je vais payer des impôts dessus. Et comme je suis toute seule avec un enfant, je ne peux pas payer des impôts sur le revenu. De 2006 jusqu’à 2012 j’ai pu épargner 22 000 € avec mes primes d’intéres-sement, mon 13ème mois et mes primes de participa-tion. Donc ça aurait pu être un apport pour acheter un appartement. Mais je paye un loyer trop cher, 850 € sans compter les charges qui me bouffent tout mon salaire. Heureusement pour moi, dernièrement, j’ai réussi à avoir un appartement avec le 1 % patro-nal et le loyer a baissé. […] Avant, je passais 1200 € par mois dans le chauffage, les charges et le loyer. Donc entre temps, j’ai été obligée de contracter des crédits à la consommation pour pouvoir vivre, et c’est un cercle vicieux, je me suis retrouvée avec des crédits, de 8 000 € ça a augmenté jusqu’à 28 000€ donc j’ai été obligée de faire une demande de surendettement et prendre 16 000 € de mon compte épargne salariale pour payer une partie de mes dettes. Donc mainte-nant je n’ai plus que 6 000 €. Cette somme m’a per-mis de payer mes dettes. […] Et donc vous essayez de vivre autant que possible avec votre salaire fi xe, et tout le reste, vous le placez ?

11. Par opposition aux « anciens » et facilité de lecture, nous qualifi erons les employés recrutés depuis les années 2000 de « nouveaux » bien qu’ils aient pour certains une dizaine d’années d’ancienneté. 12. Comme le rappellent nombre de travaux (notamment Angeloff, 1999), le temps partiel est une des causes principales de pauvreté laborieuse.

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DES EFFETS CONTRASTÉS DES DISPOSITIFS DE PARTAGE DES BÉNÉFICES DANS UN HYPERMARCHÉ–6–

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Oui. Et heureusement que j’ai fait ça, ça m’a servi à payer mes dettes. […] On n’est pas cotés en bourse. Donc c’est pas des actions qu’on peut spéculer avec. Si ça ne rapporte pas d’argent, ça ne peut pas vous faire perdre. C’est pour ça que je bloque mes primes. Si vous voulez, c’est un peu un compte fi xe. C’est le meilleur sur le marché. […] On n’a pas été atteints par la crise. Soit ça stagne, soit ça augmente. C’est vrai que les primes d’intéressement, on n’a plus des primes comme avant, on a moins. […] Les primes sont va-riables, mais le placement actionnariat c’est un pla-cement qui est sûr. Très sûr. »

Lorsque Fatima décide de placer toutes ses primes dans l’actionnariat salarié pour éviter de payer des impôts dessus et se voit contrainte de contracter des crédits à la consommation pour assurer ses dépenses courantes, ce qui la mènera au surendettement, cette décision paraît irrationnelle. Mais, et c’est ce qui nous intéresse ici, cela dévoile la croyance persistante en l’actionnariat salarié. En dépit de la précarité écono-mique dans laquelle ils se trouvent, ces employés tendent à adopter une posture fataliste, jugeant leur situation plus enviable que celle des chômeurs :

« Vu le taux de chômage qui augmente et la situation économique… quand vous avez un boulot, il faut s’accrocher. Même si ce n’est pas toujours ce qu’on veut, c’est déjà mieux que rien. Les conditions de tra-vail, franchement, je ne me plains pas trop, je me dis ce n’est pas rose, c’est pas parfait, aucun employé ne peut dire ça. Mais moi quand je me mets dans le contexte économique d’aujourd’hui, j’essaie d’être rai-sonnable. Moi je me dis estimons-nous heureux d’avoir un boulot aujourd’hui. »(Une caissière, 46 ans)

En outre, bien qu’ayant parfaitement conscience du fait que le niveau des primes ne cesse de diminuer et qu’ils ne bénéfi cient pas de taux aussi avantageux que ceux qu’ont connu les plus anciens, ces employés appréhendent ces dispositifs comme un « privilège » au regard des conditions de rémunérations d’autres entreprises :

« C’est vrai que de se dire que j’ai cette somme-là, c’est peut être un privilège par rapport à d’autres entre-prises. Il y a des entreprises qui n’ont pas ce système là et qui nous envient. Ma femme elle bosse à Pôle

emploi, elle me dit que c’est bien toutes les primes qu’on a. Elle n’a pas ça. » (Un employé de rayon 36 ans)

La plupart des salariés interviewés disent placer l’intégralité de leurs économies dans l’actionnariat salarié, mais les modalités d’usage de ce dispositif ont néanmoins évolué d’une génération à l’autre. Si les « anciens » insistent sur le fait que l’actionnariat salarié leur a permis de constituer un apport pour devenir propriétaires, les « nouveaux » employés disent que son principal avantage réside dans le fait qu’ils ont ainsi une épargne pouvant être utilisée en cas de « coup dur ». Les diffi cultés fi nancières rencon-trées par ces derniers ne se traduisent donc pas par un désinvestissement du travail, nombre d’entre eux maintenant leur engagement dans l’espoir que leurs efforts payent et que les primes augmentent. Pour autant, à la différence des anciens qui, à « la belle époque », entretenaient un rapport affectif à l’entre-prise, ces employés s’inscrivent plutôt dans une lo-gique de nécessité. En effet, Maximag pratique une politique de bas salaires et, « dans de telles condi-tions, les systèmes d’intéressement et de participa-tion sont un enjeu vital pour les salariés. […] La ca-rotte s’est donc transformée en un bâton redoutable, une véritable machine à accroître la pression sur les salariés, sans qu’ils obtiennent une quelconque ga-rantie sur le niveau du retour » (Boussemart, 2008, p. 280). Si ces employés subissent donc de plein fouet la crise du secteur, celle-ci frappe très inégalement les différentes catégories de salariés et de diplômés. On observe en effet une opposition nette entre les diplô-més de « l’autre enseignement supérieur » – les Sec-tions de Techniciens Supérieurs étudiées par Sophie Orange (2013) qui accueillent depuis une vingtaine d’années principalement les enfants des classes po-pulaires – et les diplômés du supérieur long, épar-gnés par la crise, qui occupent des postes de cadres.

–LES « PROFESSIONNELS » ET LES PERSPECTIVES DE CARRIÈRE –

Si Maximag pratique une politique de bas salaires à l’égard des employés, il en va tout autrement pour les jeunes cadres diplômés, ce qui tend à accroître les

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 79

inégalités au sein de l’entreprise. Face au taux impor-tant de turn-over des cadres de la grande distribution et en vue d’attirer et de fi déliser les jeunes diplômés, Maximag a procédé en 2011 à une réévaluation des grilles de rémunérations des cadres, associée à des augmentations de salaire régulières ; celles-ci sont donc venues compenser la baisse des primes :

« Je suis à 3 600 brut, mais en décembre, si je travaille les 3 dimanches, ça monte à 5 000, 5 500. Par jour férié, on est payés 250 %. Ce qui fait qu’en décembre, c’est très fatigant, parce que par exemple on travaille quasiment non-stop entre le 27 novembre et le 25 décembre, avec un seul jour ou deux de repos. Mais ça me permet de très bien gagner ma vie. […] Et à l’époque où je suis rentré, j’étais à 2 600 en tant que chef de rayon, et en fait, le gros avantage, c’est qu’en 2010 ils ont instauré les grilles. Il y a 7 grilles en fonction de l’école que tu as faite, et donc moi avec l’Essec j’ai eu la chance d’être dans le groupe 1 à 3 000 €. Et là en 4 ans, j’ai quasiment gagné 1 000 € brut par mois. Donc je n’ai vraiment pas à me plaindre. »(Un chef de secteur, 28 ans)

Les jeunes cadres diplômés ne rencontrant pas les diffi cultés fi nancières des employés, ils n’accordent pas la même valeur que ces derniers aux primes. Tout comme ce que nous avons vu dans la partie précé-dente, ils les appréhendent comme un « bonus » sur lequel ils ne comptent pas, celui-ci leur permettant de payer leurs vacances ou de faire des achats impré-vus :

« Je trouve ça vraiment intéressant [l’intéressement], ça peut représenter une très grosse somme. L’année dernière par exemple, j’ai eu presque 2000 € sur une prime trimestrielle ! C’est un mois de salaire, c’est vrai-ment génial. […] Ça arrondit les fi ns de mois. - Et le fait que ce soit variable et pas fi xe, pour vous c’est pas gênant ? - Non, pour moi c’est un bonus. Donc même si je touche 10 €, voilà. Tant pis, je ne comptais pas des-sus. J’ai mon salaire et peu importe ce que je touche, c’est du supplément. »(Un chef de rayon, 25 ans)

Ces jeunes cadres diplômés estiment par ailleurs que l’actionnariat proposé par Maximag constitue un excellent placement sur lequel ils investissent leur épargne :

« J’ai touché pas mal d’argent cette année, et j’ai mis mon quota Maximag dessus. Parce que je sais que c’est hyper bien rémunéré, même mon banquier il va me le dire. J’ai le droit de mettre 20 % de ma rémuné-ration annuelle sur l’actionnariat. Donc quand j’ai de la trésorerie, je vais mettre sur Maximag. J’ai plus de 50 000 €. Mais j’ai mis mes primes d’intéressement, 80 % de mon 13e mois… Et cette année j’ai aussi fait un versement de je ne sais plus combien, mais le maxi-mum de ce que je pouvais mettre. Parce que mon banquier ne peut pas me proposer quelque chose de mieux rémunéré que le placement Maximag. »(Un chef de secteur, 30 ans)

Pour autant, en dépit de ces avantages, les jeunes cadres diplômés aspirent avant tout à faire carrière et ne s’inscrivent pas dans la durée chez Maximag, comme cela pouvait être le cas de ceux issus de la promotion interne (Bernard, 2012). Ils n’ont pas d’attachement particulier à l’enseigne et, tout en ti-rant partie du système de rémunérations qui y est mis en œuvre, ils n’aspirent pas à y rester :

« L’idée c’est de mettre le plus possible et le plus rapi-dement possible sur ce compte, parce que 10 % de 5 000 ou 10 % de 30 000 ça fait pas la même chose. Et plus tu restes longtemps chez Maximag, et plus tu gagnes. Mais ça veut dire aussi qu’il faut avoir une vision de père de famille à long terme, parce qu’il faut savoir gérer avec tout cet argent bloqué. […] On a toujours été dans une entreprise familiale qui n’a ja-mais été cotée en bourse, qui était très paternaliste, mais le problème c’est qu’avec les nouvelles généra-tions qui arrivent, on est rattrapés. Je le vois avec ma collègue qui fait le bazar, ça fait 30 ans qu’elle est dans l’entreprise, elle a commencé hôtesse de caisse, elle a gravi tous les échelons. Et là, rester 30 ans au même endroit, moi je ne pense pas qu’on le fasse. Nous, maintenant, c’est trois ans et demi, quatre ans, maximum. Si on me propose par exemple d’aller ail-leurs, je pourrais y aller, parce que c’est autre chose. Mais je ne pourrais pas rester 30 ans au même en-droit. » (Un chef de secteur, 28 ans)

Tout en appréciant le système de rémunérations mis en œuvre chez Maximag, en particulier l’actionnariat salarié, les jeunes cadres diplômés gardent ainsi une distance à l’égard de l’entreprise et du secteur de la grande distribution qu’ils voient comme « une bonne

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?80

école » pouvant les mener par la suite vers d’autres métiers moins exigeants :

« Dès le départ, je ne me voyais pas faire ma vie dans la grande distribution. Pour moi c’est un tremplin, un moyen d’apprendre des choses, c’est aussi un défi pour moi-même. J’ai toujours su que la grande distribution c’était quelque chose de très diffi cile, et j’ai voulu m’y essayer, savoir si j’étais capable de tenir un rythme élevé, de gérer une équipe rapidement en sortant de l’école, c’était un moyen aussi d’absorber beaucoup de connaissances rapidement. Tant que je suis jeune, ça ne me dérange pas de passer énormément de temps au travail, mais passé un certain âge, je veux profi ter de la vie et après, je sais aussi que, et psycho-logiquement et physiquement, c’est quelque chose qui est dur, et je ne veux pas non plus me casser physi-quement au boulot. Je serai toujours reconnaissant à Maximag pour la formation qu’on m’a donnée, mais je ne veux pas passer ma vie dans la grande distribu-tion. […] C’était ce que je m’étais dit au départ. En gros, jusqu’à 30 ans, je tambourine, je travaille, je travaille, je travaille, et puis après je calme le jeu. Je me concentre sur la vie de famille. » (Un chef de rayon, 30 ans)

Aspirant avant tout à poursuivre leur carrière, ces jeunes cadres diplômés sont proches de la fi gure du « professionnel » décrite par P-M. Menger (2006). Ils ne se perçoivent donc pas comme « actionnaires » de Maximag, ce qui supposerait une forme d’attache-ment à l’entreprise et une inscription dans la durée dans celle-ci, ce à quoi ils n’aspirent pas pour leur majorité. S’ils apprécient le dispositif d’actionnariat salarié et en tirent avantage, c’est dans une visée purement instrumentale mais sans effet sur leur rap-port au travail ou à l’entreprise.

Par conséquent, si durant une trentaine d’années, les dispositifs de partage des bénéfi ces ont constitué un outil effi cace de reconnaissance du travail partici-pant d’une émulation individuelle et collective favo-risant un fort investissement au travail et un attache-ment à l’entreprise, la chute des résultats de Maximag, qui se répercute directement sur le niveau

des primes et de la valeur de part, est source de dé-ception pour les « anciens » ayant connu « la belle époque » de croissance exceptionnelle du secteur. Comme le note Delahaie et Diaye, « la mise en œuvre du partage du profi t résulte moins d’une incitation à l’effort que de la volonté d’un employeur de transfé-rer une partie des risques vers le salarié, via un mode de rémunération approprié » (2007, p. 44). Alors que les salariés de Maximag formaient ainsi un collectif soudé, se percevant « actionnaires » et partageant des intérêts communs avec l’employeur, la chute des primes tend à faire voler en éclats ce collectif, venant raviver d’une part l’opposition capital/travail et ac-centuer d’autre part les inégalités entre salariés et jeunes diplômés. Si les jeunes cadres diplômés sont épargnés par cette crise, on pourrait s’attendre à un mouvement de contestation de la part des « nou-veaux » employés, que l’on peut qualifi er de « nou-veaux prolétaires » (Abdelnour, 2011). Or, ceux-ci, alors même qu’ils sembleraient avoir toutes les rai-sons de se révolter, n’expriment pas de « sentiment d’injustice » (Benquet, 2011). Ils tendent au contraire à relativiser leurs diffi cultés à l’aune du chômage de masse et de la précarité du monde du travail aux-quels ils parviennent à échapper. En outre, ils consi-dèrent qu’en comparaison des conditions de rémuné-rations des emplois de niveau similaire à celui qu’ils occupent, les primes d’intéressement et de participa-tion et l’actionnariat salarié constituent des « privi-lèges » de Maximag. Lorsqu’ils comparent leur situa-tion à celle des « anciens », au lieu de l’appréhender comme dégradée, elle devient au contraire une source de mobilisation visant à renouer avec les ni-veaux des primes de la « belle époque ». Cette ab-sence de contestation n’est pas sans rapport avec la marginalisation des syndicats au sein de Maximag, à laquelle l’actionnariat salarié, participant pendant des décennies d’un rapprochement entre intérêts des salariés et des employeurs, n’est pas étranger. Cepen-dant, rien ne présage que des mouvements de contes-tation n’émergeront pas à l’avenir. Plusieurs mouve-ments de grève dénonçant la baisse des primes et réclamant une augmentation des salaires ont ainsi eu lieu dans plusieurs magasins en décembre 2014 et semblent aller dans ce sens. •

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 81

82 Une monétarisation comme rationalisation du travail autour de la notion de performance... 83 ...Qui n’annule pas l’importance de la relation avec son supérieur 85 Les règles sociales : rituels, contrôle et solidarité au fi l des interdépendances 87 Les réseaux relationnels et la possibilité de la comparaison–7–

–LE CONTEXTE RELATIONNEL–

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LE CONTEXTE RELATIONNEL–7–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?82

Une des conséquences importante de l’introduction de dispositifs de rémunération variable est l’introduction de la performance comme élément de référence. En effet, recourir à un dispositif variable, qu’il soit individuel ou collectif suppose de ne plus passer uniquement par les grilles et indices classiques liés souvent à l’ancienneté, mais par des objectifs sur lesquels est définie la performance des salariés. En faisant cela, on crée une évaluation quantitative, voire on transforme une évaluation du travail des salariés en une mesure ou même une note. Les enquêtés le disent, pour eux, les primes « c’est mathématique ! », ce qui suppose bien qu’une opération de calcul est réalisée. Reste à savoir quelles règles de calcul sont utilisées. En effet, ces évaluations vont déterminer le niveau de rémunération variable. Mais nous verrons qu’elle repose aussi sur des règles sociales. Certes, il existe alors une monétarisation de l’activité médiatisée par ces indica-teurs de performance : à tant de ventes, tant de primes ; pour un tel niveau de qualité, tel niveau de primes. Néanmoins, nous verrons dans un second temps que cette évaluation se lit à l’aune de critères situés dans le contexte social du travail, de l’organisation et des relations des salariés.

–UNE MONÉTARISATION COMME RATIONALISATION DU TRAVAIL AUTOUR DE LA NOTION DE PERFORMANCE…–

Malgré la revendication scientifi que que suppose la démarche de calcul, une telle opération est loin d’être simple à réaliser. Des travaux ont déjà montré les effets de construction, voire les effets performatifs des indicateurs sur l’activité économique (Gadrey, Jany-Catrice, 2010 ; Lebaron, 2011). Qu’en est-il sur les indicateurs de performance individuelle et collec-tive ? Les cadres responsables de créer ces dispositifs rentrent souvent dans des niveaux de complexité avancée, car il est diffi cile de traduire la réalité du travail dans de tels indicateurs. On voit dans l’extrait d’entretien suivant les calculs complexes et pondérés, qui peuvent naître dans le but d’évaluer les diffé-rentes dimensions de l’activité d’une employé, sur lesquelles repose sa part variable :

« J’ai trois objectifs : 50 % sur l’hygiène du rayon (une date périmée et c’est 50 % de la prime en moins) ; 30 % sur le balisage : c’est 99,5 % et l’année dernière, j’ai obtenu 99,4 % et donc je n’ai pas eu les 30 % et enfi n 20 % sur le cahier d’événement. » (Une caissière dans un hypermarché, la cinquan-taine)

Parfois des cabinets de conseil spécialisés viennent suppléer les cadres des Relations Humaines pour réa-liser cette tâche d’évaluation du travail sur laquelle repose la défi nition de la part variable. Mais, face à cette diffi cile normalisation de la performance au travail, au sein de laquelle il reste souvent des es-paces fl ous, les cadres responsables de l’évaluation des salariés mettent en place des outils plus locaux, inventés par leurs soins, pour adapter la défi nition de la performance à la réalité du travail dans leur orga-nisation. Ainsi, les cadres en charge de ces questions déploient de multiples dispositifs pour rationaliser et justifi er leurs indicateurs. Paradoxalement, la re-cherche de scientifi cité liée à l’évaluation de la per-formance entraîne souvent des dispositifs très com-plexes, voire bricolés pour laisser le plus de place possible à la nuance. Ce « bricolage » n’est pas un gage d’amateurisme, au contraire il est le fruit d’une démarche réfl exive effectuée par les cadres en charge de l’évaluation de la performance de leur équipe. Certains responsables Ressources Humaines ont lors des entretiens tenu à nous montrer concrètement leurs dispositifs : souvent des barèmes compliqués et

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–…QUI N’ANNULE PAS L’IMPORTANCE DE LA RELATION AVEC SON SUPÉRIEUR–

personnalisés sur des feuilles Excel pleines de cou-leurs et de formules, parfois des arborescences à plu-sieurs niveaux de hiérarchie, autant de repères de-vant témoigner de la recherche d’objectivité voulue dans l’évaluation. Cela a pour effet, l’introduction d’une personnalisation et d’un arbitraire qui a déjà été mis en avant précédemment. Néanmoins, la so-ciologie de l’éducation met bien en évidence le carac-tère non neutre ou scientifi que de la notation. Elle propose pour essayer de réduire les effets sociaux dans la notation d’établir des barèmes. On voit ici que les cadres qui mettent en place ces dispositifs ont bien conscience de ces limites et qu’ils essaient souvent de réduire le caractère socialement construit de l’évaluation de la performance par ces dispositifs.

Cette monétarisation cache en fait une tentative nou-velle de rationalisation du travail. Ce n’est plus l’acti-vité qui est rationalisée, mais le rapport de cette acti-

vité au chiffre comme résultat, c’est-à-dire la performance. Nous pensons que la diversité des mises en application, liée à la richesse des situations organisationnelles et de travail concrètes, a pour ef-fet que la recherche de rationalité dans la défi nition de la performance rate un peu ses objectifs. Cet échec se voit surtout dans l’importance que gardent les relations formelles, notamment celle qui lie le salarié à son supérieur direct, souvent celui-là même qui l’évalue. Mais, il se lit aussi dans les relations in-formelles, par exemple avec les collègues à l’intérieur de l’entreprise, et aussi avec d’autres connaissances comme les anciens camarades d’école, dans les pro-cessus d’évaluation des primes. Malgré une volonté souvent claire de neutralité, les évaluations restent une forme d’interaction personnelle et sont infl uen-cées par les relations que les salariés entretiennent entre eux et avec leurs supérieurs. •

Le premier élément qui montre que la tentative de rationalisation de la performance n’est pas exempte d’une dimension relationnelle repose sur le lien avec le supérieur hiérarchique. Intéressons-nous donc da-vantage à la teneur de cette relation si particulière qui existe entre un salarié et son supérieur. En effet, nombreux sont les enquêtés à avoir insisté sur la rela-tion particulière avec « leur n+1 » qui est générale-ment celui qui va réaliser, au moins partiellement, l’évaluation. La note est déterminante et elle se construit aussi dans la relation interpersonnelle avec le supérieur. Les références à l’école sont souvent explicites pour justifi er classements et notation.

« Alors, moi, je ne vais pas trop me plaindre, puisque je suis dans la bonne partie de la grille, et ça ne me choque pas, j’ai toujours connu ça. En prépa, c’était les classements, en école c’est les classements aussi… Ça ne vous gêne pas ? J’ai toujours connu ça. À l’école c’est pareil… il y a ceux qui ont les meilleures notes, et là c’est pareil, il y a ceux qui sont le mieux payés. » (Une cadre RH, dans l’outillage, la trentaine)

Comme le montre cet extrait, la référence pour défi nir les rémunérations devient la notation. Il s’agit d’ail-leurs non pas d’une mais de plusieurs notations. Mais, être évalué suppose d’évaluer aussi les autres membres de l’organisation. À partir de là un classe-ment devient possible. C’est ce classement qui fait entrer l’ordre marchand dans la justifi cation des ré-munérations et crée de nouvelles grilles moins vi-sibles que les anciennes, qui étaient liées à des cri-tères plus collectifs et objectivés comme l’ancienneté. Les salariés sont en concurrence avec eux même : « ont-ils donné le meilleur d’eux-mêmes ? » ; et avec les autres « qui a la meilleure prime ? ». Ce n’est pas l’expérience, critère qui renverrait à l’ancienneté, ou le talent, critère qui renverrait au don artistique, qui justifi e à présent le montant perçu, mais une évalua-tion de soi en comparaison avec celle des autres. Et cette évaluation comparative créée de la concurrence entre les salariés (Boltanski et Thévenot, 1991). D’ail-leurs pourquoi s’en étonner, comme le note cette cadre interviewée citée plus haut, car les individus ont déjà connu de telles évaluations dans d’autres univers sociaux comme l’école.

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?84

Un autre apport de la docimologie est de souligner que la notation n’a pas uniquement une incidence sur l’élève. Dans cette relation d’évaluation, celui qui note est aussi affecté par cette action. En effet, à l’école, la note est aussi un signe que le maître est un vrai maître, possédant une forme d’autorité qui s’ex-prime dans cette sanction. Il possède le savoir pour vérifi er le travail, ainsi que l’autorité pour le dire. La note évalue le noté et légitime l’évaluateur. Il en va de même pour les relations au travail, au cours des-quelles le pouvoir symbolique de la note rejaillit aussi sur le chef qui évalue.

Pour conclure, on peut encore une fois souligner l’écart entre une promesse des rémunérations va-riables et leur application, entre la mesure scienti-fi que de la performance par le biais d’indicateurs qui monétiseraient ensuite l’implication dans le travail et des notes qui restent ancrées dans le contexte person-nel, organisationnel et surtout relationnel du salarié.Comme le souligne ce cadre interviewé : le contexte prime, ce qui paradoxalement personnalise un dispo-sitif qui se voudrait scientifi que.

« C’est beaucoup trop lié au contexte plus qu’à la performance réalisée. (…) C’est très lié à la tête du client. Du coup, ça biaise un peu le système dans le sens où on peut être contre performant mais si on est copain avec celui qui signe à la fi n de l’année ça peut bien se passer, comme l’inverse. Voilà. » (Un cadre dans le secteur automobile, la trentaine) •

La docimologie, science qui étudie le processus de notation, montre que les notes si elles se reven-diquent des indicateurs objectifs sont des produits construit socialement et qui sont sous l’effet de dif-férentes variables (Leclercq, Nicaise et Demeuse, 2004 ; Merle, 2007 ; Gimonnet, 2007). En effet, se-lon le correcteur, la classe, l’établissement, les notes peuvent varier, et ce peu importent les matières. Elles sont bien plus proches de la boîte noire qui ne donne pas à voir ses secrets de fabrication que de l’indica-teur scientifi que. Souvent, il s’agit d’un « arrange-ment ». On retrouve cette idée d’arrangement dans l’évaluation de la performance qui est le fruit d’une négociation entre le salarié et son supérieur, généra-lement lors de l’entretien annuel. Une autre négocia-tion se noue aussi entre le N+1 et le N+2, notam-ment quand il faut répartir au sein de l’équipe et de manière plus ou moins juste des enveloppes globales. Les règles de répartition, aussi mathématisées soient-elles, sont le fruit d’arbitrages qui souvent prennent en compte d’autres critères (le profi l du salarié, son histoire personnelle, ses aspirations etc.). À l’école, on voit que les enseignants normalisent la distribution des notes : il faut peu de mauvaises notes, peu de très bonnes notes et la majorité des notes autour de la moyenne, et les enseignants essaient souvent de se conformer inconsciemment à cette règle de répar-tition. On retrouve ces pratiques dans les répartitions d’enveloppe globale. On essaie de faire en sorte que la répartition suive une loi normale (peu de très mau-vais, beaucoup de moyens et peu de très bons). Mais cette normalisation peut créer des frustrations, qui ont déjà été mises en évidence précédemment.

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–LES RÈGLES SOCIALES : RITUELS, CONTROLE ET SOLIDARITÉ AU FIL DES INTERDÉPENDANCES–Au-delà de la simple interaction avec son supérieur hiérarchique, il existe aussi d’autres relations dans lesquelles sont encastrées les rémunérations va-riables. Cet encastrement en permet d’abord la lec-ture. En effet, sans les relations sociales, il n’y aurait pas de phénomène de comparaison possible (Festin-ger, 1954), ce qui handicaperait la constitution des classements sous-jacents à l’évaluation de la perfor-mance. Un chiffre en soi ne parle pas forcément au salarié, qui a besoin de lire sa prime à la lumière de celles de ses collègues. Nombreuses sont les anec-dotes qui nous ont été racontées en entretien, où les interviewés décrivent les conciliabules informels qui se forment les jours de remise des primes, les histoires de feuilles de rémunération laissées trainées par inad-vertance, voire même les techniques de rationalisa-tion de ces comparaisons grâce à la constitution de petit fi chier Excel, entre collègues qui partagent, souvent « sous le manteau », l’information sur le mon-tant de leurs primes. Là encore, la comparaison avec les notations scolaires est riche d’enseignement. Les études (Merle, 2012) montrent les effets des rituels de remises de notes, effet qui peuvent notamment être dévastateurs, car stigmatisants en cas de mau-vaise note. On pense ici à la remise à voix haute, aux commentaires effectués par le professeur sur la copie ou à la distribution par ordre décroissant etc.

Notons que tous ne jouent pas ce jeu. Pour certains salariés, il est important de garder le montant de la prime secret. Nous reviendrons, grâce à la formalisa-tion des réseaux sociaux de confi dence, sur ce résul-tat. Mais il semble qu’il y ait deux pratiques diffé-rentes sur ce point : certains salariés se comparent entre eux, d’autres non.

Au-delà du phénomène de comparaison qu’il permet, en injectant des éléments concrets dans la lecture de la prime, l’encastrement des rémunérations variables possède aussi une dimension symbolique. Celle-ci s’avère assez cruciale pour les salariés, qui tiennent à l’aspect cérémoniel que les primes variables peuvent recouvrir. Elles rythment la vie de l’entre-prise, en créant des moments particuliers liés à l’an-nonce des résultats du groupe pour l’intéressement,

ou aux entretiens annuels. Les jours d’annonce ne sont pas des jours ordinaires, pendant lesquels cer-tains salariés partagent entre eux les « passages dans le bureau » ou « les remises d’enveloppe ». Comme le dit ce cadre interviewé, ce « cinéma » ne vaut pas que pour la forme.

« C’est bien qu’il y ait ce petit cinéma autour, ça, ça créée une petite…une personnalisation de l’événe-ment, ça…. Je pense que c’est important même si on en rigole, mais… qu’il y ait un peu, que ce soit l’occa-sion de… bon quand on rentre, quand il ferme la porte du bureau, tout ça. C’est un peu… le cérémoniel est important ». (Un cadre chargé de développement commercial dans le secteur cosmétique, 28 ans)

L’encastrement des primes variables au sein des rela-tions entre collègues joue sur la perception des primes, mais il est aussi un indicateur des interdépen-dances entre salariés. Ces interdépendances sont in-tensifi ées par la notion de performance individuelle, car le travail d’un salarié dépend aussi du travail des autres. Pour ce qui est par exemple des taux de décro-chés de téléphone, un salarié moins réactif va sou-vent faire baisser le taux des autres, soit parce que le taux de décroché est calculé collectivement, soit parce que les salariés peuvent se remplacer quand l’un deux est occupé et ne peux pas répondre. Les interdépendances sont encore plus fl agrantes quand il s’agit de la performance collective. La question alors est de savoir où se défi nit le collectif. Si les sala-riés ont peu la sensation de pouvoir peser sur les ré-sultats du groupe, ils peuvent se plaindre aussi de la non-adéquation entre le collectif sur lequel est défi nie la performance et leur collectif de travail. C’est le cas, par exemple, des regroupements d’agences effectués chez BankCorp : les interviewés racontent qu’autant ils peuvent infl uencer le travail d’un collègue dans leur propre agence, autant il leur est impossible de peser sur le travail de l’agence voisine, car il ne la fréquentent pas, alors que le regroupement d’agence est l’unité pertinente pour certains indicateurs. De la même manière, on ne peut pas toujours avoir les col-lègues « à l’œil », comme le décrit l’extrait suivant.

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« Je peux payer pour les autres si pendant mes va-cances quelqu’un fait mal le travail. » (Une caissière dans un hypermarché, la cinquan-taine)

Cet extrait nous montre également le contrôle social que ces interdépendances produisent. Les primes col-lectives sont l’occasion de mesurer les performances collectives et donc d’essayer de contrôler le travail des autres pour augmenter les primes. Les salariés vont parfois essayer d’encourager ou de réprimander les membres les moins performants. Dans cet autre ex-trait, la directrice d’une équipe nous relate comment elle utilise les relations informelles entre ses subal-ternes pour peser sur un salarié avec lequel elle est en confl it. Au lieu de réprimander frontalement son subalterne, elle souligne lors de la réunion en quoi son comportement a une infl uence négative sur les primes des autres et laisse donc les relations entre les salariés réguler ce problème. Ainsi, elle exerce une forme de contrôle sur le salarié en utilisant les primes et les interdépendances que celles-ci tissent entre les salariés pour la performance collective.

« Le problème c’est que c’est très délicat de... trouver le juste milieu entre euh, faire le constat, et entre guil-lemets, accompagner, en disant : ben voilà ce qu’il s’est passé, faudrait que ça serve de leçon à tout le monde, etc. Donc ça je le fais de temps en temps... Euh... Mais selon les personnes, notamment je sais qu’avec cette personne-là, je ne m’y risquerai plus, parce que ça va mal se fi nir de toute façon un jour. Euh, où là c’est plutôt interprété du style : ah ouais c’est encore toi, etc, et donc c’est un peu compliqué. Donc après je sais que moi, quelques fois, c’est arrivé régulièrement, je leur dit : voilà où on en est. Je leur dis : voilà, après – ça m’arrive même quand on est en réunion, parce qu’on fait la réunion dans la cuisine – je leur dis : on fait une pause, je vous laisse discuter deux minutes, moi je vais faire autre chose, et puis je reviens. » (Une directrice d’agence bancaire, la quarantaine).

Mais, le contrôle n’est pas le seul processus social à être généré par l’encastrement relationnel des rému-nérations variables. On voit aussi des phénomènes de solidarité se produire. Si un vendeur vend moins que ses objectifs, les supérieurs qui déterminent son variable peuvent tenir compte de la crise pour se

décider et revoir ses objectifs à la baisse. Il existe bien une règle de comparaison sociale de l’activité entre salariés. Cette règle est, de plus, encastrée dans un contexte général : la situation économique du pays, celle de l’entreprise ou les événements de la vie du salarié. L’extrait suivant en témoigne. Remarquons l’utilisation du verbe « pondérer », qui renvoie aux sciences mathématiques, alors que cette opération relève bien d’un « arrangement » dans la notation, comme décrit plus haut :

« Ben on pondère avec des résultats comparés. C’est-à-dire que si la personne fait -5 et que la société fait -15 sur le même territoire, on va lui donner [sa prime]. » (Une cadre dans un service RH, secteur de l’outillage, la trentaine)

Enfi n, il existe des phénomènes de solidarité ou les vendeurs qui ont atteint leurs objectifs partagent les clients avec les autres pour que tous puissent bénéfi -cier de la prime.

« C’est comme un vendeur, le 25 du mois, il a fait tout son objectif, moi ça m’est arrivé, si un client après le 25 il veut une télé, je vais le renseigner ou le basculer à un autre vendeur s’il est dispo. » (Un employé libre-service, rayon électroménager, la trentaine)

De ce fait, il existe des règles de calcul des rémuné-rations variables. Néanmoins, ces règles sont autant mathématiques que sociales. La nature et les mon-tants des primes perçues ne dépendent pas unique-ment d’indicateurs mathématiques, mais également de règles informelles établies entre des collectifs de salariés. Par exemple, quand un changement de poste pour un salarié ayant une grande ancienneté pose un problème de rémunération fi xe. Si le salarié sort des limites des grilles de rémunération du nou-veau poste du fait de son ancienneté. Ou encore, si la prise de poste entraîne une forte perte de salaire car la partie commerciale compte moins dans la struc-ture des rémunérations du nouveau poste, qui en revanche aura plus de responsabilités. Dans ces cas de fi gure, le variable va venir compléter le manque à gagner et palier des situations qui apparaissent comme illogiques.

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« A X on ne négocie pas le niveau, il y a des grilles ; après, à mon niveau, le problème c’est que je ne dois pas rentrer dans beaucoup de grilles. […] Après il y a quelques règles à X. Par exemple, mon directeur ad-joint qui est arrivé il y a peu de temps, avant, il était chef de secteur maîtrise, donc il était à un niveau de

salaire au-dessus de la grille du débutant directeur adjoint. Donc la règle, quand on est dans ce cas, c’est qu’il y a une augmentation de 5 %. On est bien au-dessus du début de sa grille mais c’est pour marquer le coup de son passage. » (Une cadre) •

–LES RESEAUX RELATIONNELS ET LA POSSIBILITE DE LA COMPARAISON–

Pour saisir cette opération de comparaison sociale, nous avons choisi d’interroger les enquêtés sur leurs relations de confi dence autour de l’argent. Avant de présenter les résultats qui décrivent le poids des rela-tions sociales dans la perception des rémunérations et notamment des primes variables. Nous devons revenir sur deux points. Le premier est le mécanisme de comparaison sociale (Festinger, 1954 ; Cartwright, Harary, 1956 ; Heider, 1946). Le second porte sur le choix d’un indicateur comme les confi dents pour décrire les réseaux relationnels des salariés.

Léon Festinger reste encore aujourd’hui l’auteur prin-cipal pour décrire les mécanismes de comparaison sociale. Il part du constat que les opinions des indi-vidus sont sous l’infl uence des groupes sociaux. En fonction des groupes sociaux dans lesquels on a grandi ou au sein desquels on évolue, les opinions vont être forgées différemment. Festinger continue en décrivant les opinions comme le produit de méca-nismes de comparaison sociale qui servent à générer une forme d’équilibre dans les systèmes d’opinions. En effet, une opinion va naître chez un individu aussi en réaction à celle d’un autre, soit en marquant une opposition, soit en marquant un accord. Le méca-nisme que décrit Festinger suppose que ces opinions se forment pour essayer d’éviter les phénomènes d’inconfort liés aux dissonances cognitives, c’est-à-dire aux opinions qui pourraient être contradictoire entre elles. Au-delà de cette idée de recherche d’équi-libre dans les opinions très présente chez d’autres auteurs comme Heider, ce qui nous paraît intéressant à retenir ici chez ces auteurs et notamment Festinger, c’est que quand il n’y a pas de repère pour évaluer ses aptitudes ou émettre de façon clair un avis, l’indi-

vidu a recours à des procédures de comparaison so-ciale pour se situer. Il nous semble que ces procédures sont particulièrement pertinentes dans le cadre incer-tain et fl ou des rémunérations variables comme nous les avons décrite jusqu’ici, à la fois grâce au question-naire et à l’enquête qualitative. Festinger ajoute que la tendance à se comparer est plus grande avec les gens qui nous ressemble : c’est-à-dire avec les pairs. Interroger les salariés sur les personnes avec qui ils discutent de leurs rémunérations revient à se poser la question de savoir qui sont ces pairs. Une fois que le salaire n’est plus le seul mètre étalon des échelles sociales dans les organisations, quelle(s) catégorie(s) sont utilisées pour se comparer ? Les pairs sont-ils principalement des collègues ? Ce qui revient à re-trouver le collectif de travail initial ; ou bien d’anciens collègues ? Ce qui suppose de prendre en compte les parcours biographiques et les carrières des salariés ; les anciens camarades d’école ? Cette catégorie ren-voie à la formation comme élément déterminant de l’accès mais aussi du parcours dans le monde du travail ; ou enfi n la famille ?

Nous pensons que les opinions sur les rémunérations variables se forment bien dans des processus de com-paraison sociale. Nous avons donc choisi de tenter d’expliquer la satisfaction liée aux rémunérations selon les réseaux relationnels des salariés. Mais com-ment saisir leurs réseaux ? Quelle(s) relation(s) choi-sir ? La littérature en analyse des réseaux sociaux fait une différence entre les liens forts et les liens faibles (Granovetter, 1973) selon le temps passé ensemble et le degré d’investissement dans la relation. Nous allons donc essayer de décrire ces relations selon la nature du lien. Pour aller plus loin, il faut néanmoins

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?88

saisir une relation particulière. Là encore, la littéra-ture propose d’interroger les individus sur les rela-tions de confi dence (Burt, 1984 ; Ferrand, 2007). Nous avons donc choisi d’interroger les cadres enquê-tés dans le questionnaire sur leurs relations de confi -dence autour de leurs rémunérations pour savoir avec qui ils parlent de leur prime et peuvent donc tenter de procéder à cette opération de comparaison so-ciale. Il faut comprendre ces relations de confi dence comme un indicateur méthodologique du processus de comparaison sociale lié aux rémunérations va-riables.

Tout d’abord nous devons dire que tous les enquêtés ne parlent pas de leurs primes, 13 % des répondants ne citent pas de contacts et affi rment donc ne pas parler de leur rémunération (tableau 22). Nous verrons que ce chiffre a une importance dans le ni-veau de satisfaction. En effet, la possibilité de la comparaison naît en partie avec ces discussions. On

peut donc faire l’hypothèse que les cadres enquêtés qui ne parlent pas de leur salaires ou primes ne pro-cèdent pas à une comparaison sociale. Peut-être s’appuient-ils sur d’autres éléments, comme les grilles et l’ancienneté pour lire les échelles sociales qui struc-turent leurs entreprises ? Nous noterons par la suite que les cadres enquêtés n’ayant pas de confi dents sur leurs rémunérations s’avèrent en comparaison plus satisfait de celles-ci. L’insatisfaction semble liée à la comparaison. Néanmoins, nombreux sont les cadres enquêtés à parler de leur rémunérations. En ce qui concerne ces salariés qui discutent de leurs rémuné-rations, leurs réseaux relationnels de discussion sont le plus souvent composés de 2 à 4 individus. En effet, près d’un tiers des cadres du privé qui répondent à cette question disent avoir entre 2 et 4 contacts, le nombre médian de contacts est 4 et le nombre moyen 6,05. Mais les très grands réseaux (jusque 100 membres) existent également (tableau 21).

Nombre minimum de contact aucun

Nombre maximum de contact 100

Moyenne du nombre de contacts 6,05

Premier quartile du nombre de contacts 2

Médiane du nombre de contacts 4

Dernier quartile du nombre de contacts 9

Nombre de non-réponses 382

– Tableau 21–Nombre de contacts dans les réseaux relationnels des enquêtés

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

Nombre de contacts directsen % de cadres

répondants

0 13,3

1 10,1

2 à 4 31,7

5 à 9 20,1

10 et + 24,8

Total 100,0

– Tableau 22–Avec combien de contacts parlez-vous de votre rémunération? Nb de relations directes

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 89

Ensuite, intéressons-nous à ces contacts, qui sont les gens avec qui les cadres enquêtés parlent de leurs rémunérations, ce qui revient de se poser la question de la parité dans la comparaison : quels sont les pairs signifi catifs ? Une des règles que l’on peut observer en termes de création des relations est l’homophilie : dans la vie sociale, on entretient des liens plutôt avec des gens qui possèdent les mêmes caractéris-tiques sociales que nous (McPherson, Smith-Lovin, et Cook, 2001). Cette règle est en partie respectée ici. Néanmoins, assez peu de femmes possèdent des confi dents homme (12,6 %). Ces contacts homo-philes sont en général des relations plutôt anciennes et qui s’entretiennent quotidiennement. On peut donc penser qu’il s’agit plutôt de liens forts. En effet, les cadres enquêtés se sentent majoritairement « très

Contact 1 homme

Contact 1 femme

Total

Répondant homme 31,7 % 35,5 % 67,2 %

Répondant femme 12,6 % 20,2 % 32,8 %

Total 44,3 % 55,7 % 100,0 %

– Tableau 23–Répartition des contacts selon le sexe

Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

proches » de ces contacts. Ces premiers pairs, c’est-à-dire ceux cités en premiers par les enquêtés comme étant des confi dents, sortent du monde de l’entre-prise. La comparaison sociale s’effectue d’abord par-delà les frontières de l’univers de travail. Les contacts cités appartiennent généralement au monde de la famille et sont souvent les conjoints. Ce premier résul-tat peut aussi expliquer pourquoi il y a une certaine homophilie de sexe mais que celle-ci n’est pas déter-minante et qu’on retrouve une certaine inégalité d’accès des femmes aux relations de confi dence avec les hommes (tableau 23). Quand il ne s’agit pas du conjoint, on reste hors de l’entreprise pour se faire des confi dences sur les rémunérations et c’est un ami proche qui est cité.

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?90

– Tableau 24–Satisfaction du salaire fixe selon le nombre de contacts

Nb de Contacts DirectsInsatisfaction Satisfaction NR Total

général

0 42,6 % 52,8 % 4,6 % 100,0 %

1 45,1 % 52,4 % 2,5 % 100,0 %

2 à 4 50,4 % 46,9 % 2,7 % 100,0 %

5 à 9 47,3 % 51,5 % 1,2 % 100,0 %

10 et + 50,5 % 47,5 % 2,0 % 100,0 %

Total général 48,2 % 49,3 % 2,5 % 100,0 % Base : ensemble des enquêtés ayant répondu aux questions sociométriques (les relations). Il n’y a donc pas de NR sur les données de réseaux. n=813. Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

Les second contacts cités sont eux aussi de vieilles relations, mais elles sont un peu moins quotidiennes que les premières. Là encore, ce sont des gens très proches, qui appartiennent toujours au cercle familial (hors conjoint qui sont surtout cités en premier contact, il s’agit des parents, frères et sœurs, cousins, belle-famille) ou des amis. Les collègues restent assez stables et sont cités comme étant 10 % des contacts quel que soit le rang du contact (deuxième, troisième, quatrième contact etc.). Il existe donc bien des phé-nomènes de comparaison, mais ils sont loin de se li-miter aux collègues. On parle d’abord à son conjoint et à ses proches (amis et famille), puis on parle de ses rémunérations avec ses collègues, qui restent

assez présents dans la comparaison sociale une fois le cercle proche informé. La comparaison sociale sort donc le salarié des frontières de l’entreprise et sup-pose qu’il compare sa situation avec celle d’autres personnes. Ce résultat entre un peu en contradiction avec ce qui a été vu au chapitre 3, où les collectifs de travail restaient premiers. Il semble donc qu’il y ait ici un apport de l’analyse de réseaux pour com-prendre ces processus de comparaison entre pairs.

Analysons à présent l’effet de ces réseaux relation-nels sur la satisfaction liée aux rémunérations fi xes et variables (tableau 24 et 25).

– Tableau 25–Satisfaction du salaire variable selon le nombre de contacts

Nb de Contacts DirectsInsatisfaction Satisfaction NR Total

général

0 46,3 % 52,7 % 0,9 % 100,0 %

1 53,7 % 45,1 % 1,2 % 100,0 %

2 à 4 48,5 % 49,6 % 1,9 % 100,0 %

5 à 9 51,5 % 46,6 % 1,9 % 100,0 %

10 et + 48,0 % 50,5 % 1,5 % 100,0 %

Total général 49,2 % 49,2 % 1,6 % 100,0 % Source : Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, UMR [7170], IRISSO, 75016 PARIS, France, Septembre 2016

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 91

Ce que ces tableaux nous permettent de dire, c’est qu’il semble qu’il y ait une opinion assez partagée sur la satisfaction liée aux rémunérations. L’échan-tillon est divisée en deux groupes d’égale impor-tance : les satisfaits et les insatisfaits, peu importe la nature des rémunérations. En revanche, l’insatisfac-tion semblerait moindre quand il n’y a pas de contacts et donc peut-être pas de comparaison. Quand on ne parle pas de ses rémunérations, on est légèrement moins insatisfait, et c’est d’autant plus vrai pour le variable.

Ensuite, on peut voir une tendance qui se dessine : dès que l’on parle de ses rémunérations, la satisfac-tion baisse et cela est particulièrement vrai pour les rémunérations variables et les petits réseaux (45,1% pour un contact), qui sont par ailleurs les plus nom-breux, c’est-à-dire ceux composés de 2 à 4 contacts (46,9 %). Mais, plus on parle avec de nombreuses personnes plus la satisfaction remonte (51,5 % et 50,5 %), avec une exception notable dans le cas des très grands réseaux pour le salaire fi xe (47,5 %). Pour résumer, on peut penser qu’il existe un phénomène lié à la possibilité d’une comparaison : si je ne me compare pas, je suis plutôt satisfait, et dès que je me compare, cela crée de l’insatisfaction. Mais, plus de points de comparaison sont possibles, moins l’insatis-faction est grande. Cette tendance est à vérifi er au-près d’autres populations, mais il semble que ce soit une hypothèse de recherche intéressante.

Dans cette partie nous avons donc mis en évidence l’importance du contexte relationnel pour construire, lire et dire les primes variables. La valeur d’une prime ne dépend pas uniquement de son montant, elle dépend aussi du montant reçu par les autres. Il faut donc comprendre les primes comme des dispositifs relationnels. Elles sont dépendantes de la relation avec le supérieur, malgré les efforts d’objectivation des indicateurs. Elles sont dépendantes des règles sociales et informelles en place dans l’organisation. Ainsi, on peut voir se mettre en place des processus de solidarité entre vendeur qui partagent des objec-tifs, ou des phénomènes de contrôle social, quand un supérieur s’appuie sur les relations dans un collectif pour essayer de changer le comportement d’un sala-rié. Enfi n, les primes variables permettent de mettre au jour les phénomènes de comparaison sociale qui se déploient dans les entreprises via les réseaux rela-tionnels. Il semblerait que sans comparaison, on ait plutôt tendance à être plus satisfait de ces rémuné-rations. Dès que la comparaison intervient, l’insatis-faction prend le dessus. Néanmoins, celle-ci diminue avec la multiplication des cas de comparaison pos-sibles. Pour fi nir, cette comparaison dépasse les fron-tières de l’entreprise. Le salarié ne s’identifi e pas qu’à ses collègues, mais les autres gens qu’ils côtoient et particulièrement ses proches lui servent aussi d’ai-guillon. On peut se demander dans quelle mesure ses aspirations futures ne sont pas aussi un élément en-trant dans ces phénomènes de comparaison. •

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Les enseignements de l’enquêteQuelques éléments pour poursuivre

– CONCLUSION–

–8– 93 95

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–LES ENSEIGNEMENTS DE L’ENQUÊTE–

D’après plusieurs enquêtes, nous assistons en France depuis les années 1990 à la complexifi cation et à la diversifi cation des rémunérations se traduisant par une individualisation de celles-ci. D’une manière gé-nérale, on peut conclure que si les salariés adhèrent de plus en plus au principe des rémunérations va-riables, mais leur mise en œuvre est beaucoup plus délicate. Cela a pour effet que la théorie des incita-tions (cf p. 43) ne semble pas être le cadre d’analyse pour comprendre ce qui se trame avec les rémunéra-tions variables. Si ces dispositifs ratent souvent leur cible c’est que leur mise en application dans la vie professionnelle et personnelle du salarié est plus délicate qu’une simple motivation mécanique. En effet, le matériau qualitatif et les données quantita-tives de notre enquête montre qu’il existe des inéga-lités d’accès à ces dispositifs : tous n’ont pas accès au même dispositif selon les secteurs, le poste, les mon-tants varient fortement. Les dispositifs eux-mêmes par leur complexité et leur temporalité ne peuvent être réduits à des réfl exes motivant les salariés, la diversité des package entraîne des variations dans la manière dont les primes sont reçues et perçues. Aux inégalités d’accès s’ajoutent donc des inégalités dans la perception des primes variables. Ainsi, les primes variables créent également de nouvelles formes d’iné-galités entre salariés. De manière schématique, quand une entreprise choisit les primes à la perfor-mance individuelle, elle met en avant une logique d’individualisation qui vise à récompenser les plus « méritants » et donc à produire de l’investissement et des efforts de la part des salariés. Mais, on oublie un peu vite que pour que ces dispositifs produisent leurs effets supposés sur les salariés, il faut que ces der-niers y adhèrent. En effet, si le salarié n’est pas convaincu que ses efforts seront récompensés à leur juste valeur ou que les décisions sont prises effecti-vement en fonction du contexte économique, il n’a guère de raison d’être plus motivé. Sans l’adhésion des salariés, ces dispositifs sont perçus comme des marchés de dupes. Il ne faut donc pas minimiser l’importance de la légitimation de ces dispositifs et la manière dont les salariés les réceptionnent, ce qui semble être peu le cas dans les théories des incita-tions qui établit un lien direct entre rémunération et motivation. Nous proposons donc, au-delà de l’ana-

lyse des primes variables et de leurs effets dans le cadre de la théorie des incitations, de compléter avec l’analyse des principes de justice que les salariés mobilisent pour évaluer leurs primes et donc de s’ins-crire dans le champs de l’économie morale. Si les cadres se trouvent en première ligne de cette évolution des politiques de rémunérations, c’est une tendance qui se généralise à l’ensemble des salariés. On note cependant une ligne de clivage entre cadre et non-cadres du point de vue des formes de rémuné-rations variables : plutôt des primes réversibles et individuelles pour les premiers et irréversibles et col-lectives pour les seconds. Pour autant, on observe une expansion des politiques « mixtes » de rémuné-rations qui mobilisent massivement l’ensemble des outils de rémunération, et ce de manière indifféren-ciée pour les cadres et les non-cadres. Les primes participent-elles d’un effacement du clivage entre cadres et non-cadres ? Nous souhaiterions, pour conclure, éprouver ce questionnement en nous ap-puyant sur le matériau recueilli.

Sur le principe, ces primes tendent indéniablement à neutraliser cette opposition. Ainsi, les primes sur objectifs visent théoriquement à reconnaitre le mérite de chacun et nous avons vu l’attachement que les salariés ont à l’égard de cet idéal méritocratique. Ils insistent sur les vertus d’une « saine concurrence » s’appuyant sur des critères mesurables et objectifs permettant de reconnaitre le mérite individuel et d’instaurer des « inégalités justes ». Le mérite serait ainsi un principe supérieur à tout autre. Si les primes sur objectifs visent avant tout à distinguer – et ce quel que soit le statut –, les dispositifs de partage de bénéfi ces ont pour but de responsabiliser chaque salarié pour qu’il participe à l’effort collectif et en récolte les fruits. Ils favorisent une convergence des intérêts de l’employeur et des salariés et la constitu-tion d’un esprit de corps. Ainsi, durant « la belle époque des taux à deux chiffres » et grâce également à une politique de communication offensive, l’en-semble des salariés de Maximag se vivaient comme un collectif « embarqué sur le même bateau » permet-tant de dépasser le clivage entre cadres et employés et suscitant un fort attachement à l’entreprise.

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CONCLUSION–8–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?94

Et pourtant, ces primes, si elles sont susceptibles de participer d’un effacement du clivage entre cadres et non-cadres, peuvent tout autant le renforcer, voire en créer d’autres. Ainsi, dans le cas de Maximag, la dimi-nution des primes est très mal vécue par les employés qui voient leur niveau de vie réduit drastiquement. Ils prennent alors conscience que ces dispositifs ne permettent pas seulement de partager les bénéfi ces avec l’employeur, mais également les risques. Par ail-leurs, en revoyant à la hausse le salaire des cadres pour favoriser l’attractivité vers les jeunes diplômés et leur fi délisation en maintenant leur niveau de ré-munération, l’employeur tend à raviver un clivage entre employés et cadres, remettant en cause le col-lectif soudé par les dispositifs de partage des béné-fi ces. De même, si dans le principe les salariés se disent attachés à l’idéal méritocratique auquel de-vraient à leurs yeux être adossées les primes sur ob-jectifs, ils dénoncent la mise en œuvre de celles-ci. Ils critiquent notamment le caractère arbitraire des cri-tères choisis ainsi que la subjectivité du manager en charge de distribuer les primes. Les décisions sont ainsi mises en cause et peuvent être sources de ten-sions entre collègues qui n’ont de cesse de comparer leurs rémunérations afi n d’être à même de juger de leurs propres rémunérations. Nous avons vu dans le cas de BankCorp que si les managers mettent en œuvre d’autres critères de justice pour « réparer les

injustices », la désignation des bénéfi ciaires de ces mesures de « rattrapage » relève de leurs propres cri-tères moraux et subjectifs. De ce fait, ils tendent à créer d’autres injustices, dont les femmes sont les premières victimes, comme nous l’avons également vu dans les entretiens menés avec des cadres. En outre, chez Maximag comme chez BankCorp, les primes ne revêtent pas le même sens pour les cadres et les non-cadres, la question n’étant pas tant celle du statut que celle du niveau de salaire. Si pour les cadres, dont le salaire est jugé « correct », les primes représentent un simple « bonus » sur lequel ils ne comptent pas forcément, il n’en va pas de même des non-cadres pour lesquels vivre uniquement sur la base de leur salaire fi xe les place dans une situation économique précaire. L’analyse des rémunérations variables suppose de penser leur articulation avec le salaire fi xe.

Il convient donc de se départir d’une conception mécaniste qui associerait à tel dispositif tels effets. Les entretiens menés avec les cadres et les monogra-phies de Maximag et BankCorp démontrent qu’ap-préhender les conséquences des politiques de rému-nérations sur le travail et l’emploi suppose de prendre en compte une pluralité de données locales plaidant en faveur de la complémentarité des méthodes qua-litatives et quantitatives. •

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–QUELQUES ÉLÉMENTS POUR POURSUIVRE–Cette recherche apporte des enseignements sur les perceptions que les salariés ont des primes et leurs effets en termes de rapport au travail et à l’entreprise, relations avec la hiérarchie et les collègues, travail et trajectoires professionnelles. Elle ouvre plusieurs pers-pectives de recherche dans diverses directions.

Dans le 4ème chapitre, nous avons étudié les effets très différents des dispositifs de partage des béné-fi ces sur l’engagement au travail, le collectif de travail et le rapport à l’entreprise des salariés d’un hypermar-ché entre une période de postérité à une période de crise. Nous avons souhaité poursuivre cette réfl exion sur les conséquences de la crise sur les politiques de rémunérations. Cette question a fait l’objet de plu-sieurs communications dans des colloques et un sé-minaire13. Elle va également donner lieu à une publi-cation dans une revue scientifi que14.

Par ailleurs, le cas de BankCorp a été l’occasion de mener une réfl exion sur l’idéologie méritocratique attachée aux primes sur objectifs et sa mise en œuvre pratique. Nous avons ainsi travaillé sur les processus par lesquels se construisent la répartition et la distri-bution des primes, et notamment sur l’activité concrète menée par les managers en la matière. Ce questionnement a donné lieu à plusieurs communi-cations dans des colloques15 et devrait donner lieu à une publication dans une revue scientifi que.

Cette recherche va également donner lieu au prolon-gement d’une réfl exion portant sur les frontières du salariat. Il s’agira de la compléter par un travail d’archives s’inscrivant dans une perspective socio-his-

torique qui devrait donner lieu à la publication d’un ouvrage.

Par ailleurs, le questionnaire a été l’occasion de dé-crire la réalité des primes perçues par les cadres du privé. Conformément à la littérature sur les « pac-kages » de rémunérations, nous avons confi rmé la variabilité des types de dispositifs existants : tous les cadres ne touchent pas la même chose, de la même façon. Cette variabilité s’incarne lors de la construc-tion des dispositifs : selon l’ancienneté ou le secteur des salariés, on met en place des dispositifs diffé-rents. Elle est d’autant plus présente qu’elle est un indicateur du fait que ces dispositifs sont fabriqués par des cadres pour des cadres. Ce phénomène peut parfois induire des formes d’incompréhension dans la façon dont ces dispositifs sont perçus. La variabi-lité des primes dépassent alors leur création pour s’exprimer également dans la perception que les cadres ont de leurs primes.

En fonction de son parcours, de ses ambitions, de ses relations avec sa hiérarchie ou de son réseau person-nel, un cadre ne vivra pas sa prime de la même façon. Il semble que la satisfaction dépende particulière-ment de la possibilité de pouvoir comparer ce que l’on touche avec ce que reçoivent les pairs. Ces résul-tats sont l’objet de présentation lors de manifesta-tions scientifi ques passées et à venir16. Ils seront également analysés dans des articles scientifi ques à venir. Ils participeront plus largement à une réfl exion sur le processus de comparaison sociale et la stratifi -cation sociale. •

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BibliographieTableau récapitulatif des entretiens

Guide d’entretienQuestionnaire

Dispositif d’enquête quantitative

– ANNEXES–

–9– 97 100 103 106 107

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ANNEXES–9–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?100

–TABLEAU RÉCAPITULATIF DES ENTRETIENS–

Durée (en minutes)

Secteur/Terrain Poste Sexe

1 40 Organisme public de recherche Chargée de mission F

2 21 Start up Responsable communication F

3 82 Hygiène beauté Responsable marketing F

4 72 Agro-alimentaire Responsable de recherche H

5 22 Entreprise de fenêtres Responsable des services supports H

6 70 Entreprise de services aux entreprises Responsable formation et recrutement F

7 71 Evénementiel Chef de projet événementiel F

8 88 Prestations de services aux entreprises Chef de projet international F

9 63 Entreprise de construction Chef de projet communication F

10 75 Evénementiel Manager (commercialisation de salon) F

11 90 Informatique DRH H

12 40 Banque Chef de secteur audit H

13 106 Hôtellerie Directrice d'hôtel F

14 43 Cabinet de comptables Comptable H

15 75 Transport Chef de projet H

16 48 Gestion immobilière Syndic H

17 62 Outillage Cadre RH F

18 134 Gestion immobilière Asset manager H

19 80 Recrutement Consultant F

20 75 Connectique Directeur H

21 51 Cosmétique Commercial H

22 72 Chimie Ingénieur chef de produit H

23 50 Informatique Consultant H

24 82 Conseil Consultant H

25 28 Ingénieur d'études H

26 55 Industrie automobile Ingénieur H

27 60 Electronique Juriste RH F

28 85 Transports Responsable nettoyage H

29 100 Intelligence économique Président d'une association H

30 63 Bankcorp Conseiller privé H

31 42 Bankcorp Attachée commerciale particulier F

32 102 Bankcorp Attachée commerciale particulier F

33 60 Bankcorp Conseillère privé F

34 70 Bankcorp Chef de projet F

35 87 Bankcorp Responsable filière H

36 60 Bankcorp Attaché commercial entreprise H

37 80 Bankcorp Contrôle et risques F

38 60 Bankcorp Conseillère particulier F

39 131 Bankcorp Attaché commerciale entreprise F

Page 103: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 101

Durée (en minutes)

Secteur/Terrain Poste Sexe

40 42 Bankcorp Directeur technologies et services bancaires H

41 66 Bankcorp Directeur banque des entrerprises H

42 52 Bankcorp DRH H

43 100 Bankcorp RRH H

44 60 Bankcorp Directeur d'agence H

45 83 Bankcorp Responsable système d'informations F

46 85 Bankcorp Directeur financier H

47 30 Bankcorp DDR F

48 153 Bankcorp Contrôle et risques H

49 92 Bankcorp Conseiller en ligne F

50 39 Bankcorp Juriste F

51 65 Bankcorp Chargé de développement commercial F

52 87 Bankcorp Chef de produit marketing F

53 93 Bankcorp Directeur entreprises F

54 44 Bankcorp Conseiller particulier H

55 71 Bankcorp Responsable métier H

56 65 Bankcorp Directeur d'agence F

57 81 Bankcorp Directeur d'agence F

58 54 Bankcorp Conseiller clientèle professionnelle H

59 45 Bankcorp Conseiller privé H

60 55 Bankcorp Conseiller clientèle professionnelle H

61 92 Bankcorp Logisticien H

62 90 Bankcorp Attaché commercial entreprise H

63 41 Bankcorp Conseillère d'accueil F

64 90 Bankcorp Chargée d'affaire entreprise F

65 87 Bankcorp Directeur de centre d'affaires H

66 93 Bankcorp Conseiller en ligne H

67 116 Bankcorp Inspecteur engagement H

68 118 Bankcorp Adjoint commercial direction générale d'agence F

69 68 Bankcorp Conseiller particulier H

70 45 Bankcorp Conseiller particulier H

71 100 Maximag Second de rayon H

72 75 Maximag Chef de rayon F

73 83 Maximag GD F

74 50 Maximag Employée libre-service F

75 83 Maximag Employée libre-service F

76 51 Maximag Caissière F

77 28 Maximag Stand service F

78 60 Maximag Réserve F

79 62 Maximag Caissière F

80 52 Maximag Chef de caisse F

Page 104: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

ANNEXES–9–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?102

Durée (en minutes)

Secteur/Terrain Poste Sexe

81 100 Maximag Second de rayon H

82 83 Maximag DRH F

83 43 Maximag Chef de rayon F

84 48 Maximag Chef de rayon F

85 131 Maximag Directrive F

86 43 Maximag Caissière F

87 120 Maximag Chef de rayon H

88 43 Maximag Employé libre-service H

89 62 Maximag Chef de rayon H

90 66 Maximag Maintenance F

91 90 Maximag Employé libre-service H

92 47 Maximag Caissière F

93 90 Maximag Chef de secteur H

Page 105: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 103

–GUIDE D’ENTRETIEN–

PARCOURS – Formation, études, parcours scolaire, aspirations professionnelles Professions des parents, parcours des parents Parcours professionnel : insertion sur le marché du travail ? Secteurs ? Bifurcations ? Chômage ? Mobilité professionnelle ? Entreprises ?– Evolutions du statut (toujours cadre ou autre statut avant ?) ? Parcours personnel : profession et parcours du conjoint ? Enfant(s) et âge ? Congés parentaux ? Congés maternels ? Rôle des rémunérations sur le parcours professionnel ? Au moment de l’entrée sur le marché du travail ? Des changements d’entreprise ? De secteur ? Au moment des congés maternels et/ou parentaux, de l’arrivée des enfants (effets sur les rému-nérations) ? Des moments particuliers importants par rapport aux salaires (35 h) ?

L’ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE – Description de l’entreprise et de son activité – Rapport à cette entreprise ? – Rapport à ce secteur ? – En quoi consiste votre travail ? – Tâches ? – Journée type ? – Organisation du temps de travail ? Horaires, durées, rythmes de travail ? Conditions de travail ? Objectifs ? Evaluations ? Contrôles du travail ? Rapport à ce travail ? Satisfactions et insatisfactions ? Travail et hors travail ? Articulation des deux ? Modes de garde des enfants ? Responsabilités ? Autonomie ?

COLLECTIFS DE TRAVAIL – Où vous situez vous dans l’organigramme de l’entreprise ? – Avec qui travaillez-vous ? – Relations entretenues avec les collègues ? Relations entretenues avec les subordonnés ? Relations entrete-nues avec la hiérarchie ? Relations entretenues avec les clients ? D’autres interlocuteurs ? Relations entrete-nues avec eux ? Participation à la vie de l’entreprise ? (CE, comité de direction, etc.)

POLITIQUES DE RÉMUNERATIONS DANS L’ENTREPRISE – Description des politiques de rémunérations et entreprise ? Rôle de la direction? Des syndicats ? De la négociation collective? – Communication sur ces sujets? – Appréciation de ces politiques de rémunérations ? Comparaisons avec autres expériences ?– Impact des 35 h ?

VOS RÉMUNERATIONS – Niveau de rémunération? Vous gagnez combien (fourchette) ? Evolutions ? Formes de rémunérations ? (prime individuelle, collective, ancienneté, poste, perfomance, intéressement, participation, plan d’épargne entreprise, abondement du plan d’épargne, plan d’épargne retraite collectif [perco], stock-options) Proportion de chacune de ces formes de rémunérations ? Représentations et symboliques de chacune ? – Comprenez-vous ce que vous touchez ? – Êtes-vous capable de prévoir ce que vous allez toucher ?

Page 106: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

ANNEXES–9–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?104

RÉSEAUX – Discutez vous de votre travail avec vos collègues, de quoi parlez vous ? des conseils ? des confl its ? Discutez-vous de rémunérations avec vos collègues ? Savent ils ce que vous gagnez? Savez-vous ce qu’ils ga-gnent ? Si oui, à niveau de qualifi cation égal, que pensez vous de ce que perçoivent vos collègues ? A niveau de qualifi cation inférieur ? Supérieur ? – Différences liées au sexe, à l’âge, au niveau de diplôme, etc. ?

Trois réseaux :

– Discussion à propos du TRAVAIL : – Avec qui est ce que vous discutez de votre travail, – Si vous avez un souci, vous lui demandez ? – Vous parlez de l’ambiance de l’entreprise, des conditions de travail, des plannings, des horaires etc. ? – Donnez tous les noms, décrire les personnes que vous citez (âge, poste, ancienneté, sexe etc.), est ce que ces personnes partage les mêmes liens entre elles ?

– Discussion REMUNÉRATION dans l’entreprise : – Avec qui parlez-vous de vos rémunérations salariales et de vos primes ? – Donnez tous les noms, décrire les personnes que vous citez (âge, poste, ancienneté, sexe etc.), est ce que ces personnes partage les mêmes liens entre elles ?

– Discussion REMUNÉRATION hors de l’entrerprise : avec qui qui ne travaille pas dans votre entreprise parlez vous de vos rémunérations et de vos primes ? (conjoint, amis, parents etc...) Donnez tous les noms, décrire les personnes que vous citez (âge, poste, ancienneté, sexe etc.), est ce que ces personnes partage les mêmes liens entre elles ?

PERCEPTION DE VOS REMUNÉRATIONS – Que pensez-vous de votre rémunération ? – Comment vous situez vous dans la société française ? Est ce que vous pensez que votre niveau de rémuné-rations est juste ? Avez-vous le niveau de vie auquel vous aspirez ? – Considérez-vous que vous avez une bonne rémunération ? Correspond elle à votre niveau de responsabilités ? Repères sur les rémunérations du marché ? – Quels seraient votre salaire et primes idéaux ? Qu’avez vous envie de toucher ? – Êtes vous attentif aux résultats de votre entreprise ? Pensez-vous avoir une part de responsabilités dans ceux ci ? – Votre rémunération est elle en rapport avec les résultats de l’entreprise ? Avec vos performances ? Avez vous le sentiment d’être partie prenante des décisions prises pour l’entreprise ? Comment concevez vous la part variable et fi xe de votre rémunération ? Le fait que ce soit réversible ou irréversible ? Individuel ou col-lectif ? – Dissociez vous les rémunérations des cadres et celles des autres ? Différences de primes ? Statuts informels liés aux différences de primes ? – Négociations du salaire et des primes au moment de l’embauche ? Dans les entretiens individuels ?

Page 107: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 105

USAGE DE VOS RÉMUNERATIONS – Propriétaire ou locataire ? Si propriétaire, détails sur le prêt ? – Patrimoine ? Savez vous combien gagne votre conjoint ? Votre conjoint sait combien vous gagnez ? Dé-penses et répartition des dépenses avec le conjoint ? Qui dépense quoi ? Comment ? Qui prend la décision ? – Vos différentes formes de rémunérations ont elles le même statut ? – Les distinguez-vous dans vos dépenses ? – Part réservée à la consommation ? A l’épargne ? Bloquer ou débloquer ? – Quels usages ? Rapport à la part variable (risques) ?

AVENIR – Projets personnels ? (enfant, devenir propriétaire....) Projets professionnels ? Projets de carrière ? Aspirez-vous à rester dans cette entreprise ? Vous sentez vous lié ? Aspirez vous à une mobilité interne ? Externe ? A monter votre entreprise ? Reprendre une formation ? Changer de secteur ? Aspirations salariales ? Rémuné-rations et rapport à l’avenir ?

MISE EN ŒUVRE DE POLITIQUES DE RÉMUNÉRATIONS – Mettez vous vous même en oeuvre des politiques de rémunérations au sein de l’entreprise ? – Diffi cultés ? Communiquez vous auprès de collègues ou salariés sur les politiques de rémunérations de l’entreprise ? – Appréhension de ce rôle ? – Marges de manœuvre ? – Vos subordonnés vous questionnent-ils ? Êtes vous en accord avec les politiques de rémunérations à mettre en oeuvre ? – Etablissez vous des différences ? Selon quels critères ? Dans quels buts ? – Négociations ? Evaluations ? – Considérez-vous être juste ?

Page 108: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

ANNEXES–9–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?106

–QUESTIONNAIRE–

%

Homme 71 %

Femme 29 %

Total 100 %

Sexe

%

Marié(e) ou pacsé(e) 64 %

Séparé(e) 6 %

Situation matrimoniale

%

20-30 ans 19 %

30-40 ans 38 %

40-50ans 30 %

50-60 ans 12 %

+ de 60 ans 1 %

Total 100 %

Age

%

Bac +2 13 %

Bac +3 7 %

Bac +4 10 %

Bac +5 60 %

> Bac +5 10 %

Diplôme

Quelques statistiques descriptives des répondants

Page 109: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 107

Ci-dessous est reproduit le texte de contact envoyé par mail aux enquêtés pour leur proposer de répondre au questionnaire.

Bonjour,Nous vous contactons pour participer à une enquête APEC-Université Paris Dauphine qui a pour objectif de décrire les rémunérations variables et de comprendre le poids de ces différents dispositifs de rémunérations sur la vie des cadres. Il s’agit d’un questionnaire en ligne auquel vous pouvez accéder en cliquant sur le lien suivant :http://www.webpanel.dauphine.fr/cgi-bin/HE.exe/SF?P=1z140z2z-1z-1z25799B6088Répondre à ce questionnaire vous prendra environ 20 minutes. À tout moment, vous pouvez vous interrompre et reprendre le fi l des réponses. Les informations recueillies font l’objet d’un traitement informatique destiné à la rédaction d’un rapport en partenariat avec l’Apec et à la recherche académique.Nous vous remercions vivement de votre participationLes responsables de l’enquête Sophie Bernard et Elise Penalva-Icher, Enseignantes-chercheures à l’université Paris Dauphine, Institut de Recherche Interdisciplinaire en Sciences SocialesPlace du Maréchal de Lattre de Tassigny,75775 Paris Cedex 16 Conformément à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifi ée en 2004, vous bénéfi ciez d’un droit d’accès et de

rectifi cation aux informations qui vous concernent, que vous pouvez exercer en vous adressant aux responsables de ce question-

naire

Vous pouvez également, pour des motifs légitimes, vous opposer au traitement des données vous concernant.

–DISPOSITIF D’ENQUÊTE QUANTITATIVE–

Page 110: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

ANNEXES–9–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?108

Remarque, certaines questions ont été reprises des questionnaires rémunérations de l’Apec et du question-naire ISSP 2009 (notamment les questions d’opinions sur les rémunérations, sur leur justesse)

1. Question Filtre

Quelle est votre situation professionnelle actuelle ?

Cadre salarié dans une entreprise du secteur privéCadre salarié dans une entreprise du secteur publicSalarié non cadreEn recherche d’emploiAutre situationSi les personnes cochent les 2e,3e, 4e et 5e situations, un message leur est affi ché :« Nous sommes désolés mais votre profi l ne correspond pas exactement à celui recherché dans cette enquête. Un grand merci pour votre participation ».

2. Votre parcours professionnel

Dans combien d’entreprises avez-vous travaillez (hors stages) ?

Menu déroulant de 1 à 10 + « plus de 10 »

Combien d’emplois avez-vous exercé (nb de contrats hors stages) ?

Menu déroulant de 1 à 10 + « plus de 10 »

Avez-vous toujours été cadre ?

Oui / Non

Depuis quand avez-vous le statut de cadre ?Menu déroulant :

Moins d’un an1 à 3 ans4 à 6 ans6 à 10 ans11 à 20 ansPlus de 20 ans

Envisagez-vous de changer d’emploi, de poste ou d’entreprise dans les 12 mois à venir ?

1. Oui2. Non

Page 111: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 109

Si oui, pourquoi ? (Plusieurs réponses possibles)- Augmentation de salaire, - Volonté de changer d’activité, - Souhait d’une progression hiérarchique, - Mobilité géographique, - Volonté de changer d’environnement de travail, - Autres : précisez

Avez-vous connu durant votre carrière une période de chômage de plus de 6 mois durant votre carrière (en dehors de la recherche de votre 1er emploi) ?

Oui, une fois,Oui, plusieurs foisNon, jamais

Avez-vous connu durant votre carrière des longues périodes d’interruption de travail (plus de 6 mois) comme un congé sabbatique, un congé parental, une maladie, une formation, etc. ?

Oui, une foisOui, plusieurs foisNon, jamais

Filtre : Si oui ,Quelle a été la raison de cette interruption ? (plusieurs réponses possibles)Maladie, congé sabbatique, congé parental, formation, autres : précisez

Filtre : Si oui Etes-vous revenu(e) dans votre entreprise depuis les 12 derniers mois ? OuiNon

Filtre :Si oui Selon vous, quel a été l’impact sur l’évolution de votre rémunération ?Impact positifImpact négatif,Pas d’impact

Filtre Si oui Selon vous, quel a été l’impact sur l’évolution de votre carrière ? Impact positifImpact négatif,Pas d’impact

Filtre : si impact (positif ou négatif) Précisez le ou les impacts : en clair

Page 112: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

ANNEXES–9–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?110

3. Votre emploi

Combien y a-t-il de salariés dans votre entreprise ?Moins de 100 salariés100 à 249 salariés250 à 499 salariés500 à 999 salariésPlus de 1 000 salariés

Quel est son principal secteur d’activité ?IndustrieConstructionCommerceTransports et logistiqueTélécommunicationsActivités informatiquesActivités juridiques et comptable, conseil et gestionBanques et assurances, immobilierIngénierie- R&DSanté – action sociale, activité des organisations associativesFormation initiale et continueCommunication et médiasHôtellerie, restauration, loisirsServices divers aux entreprisesAutre

Selon vous, quelle est la santé économique actuelle de votre entreprise ?Très bonne santé,Assez bonne santé,Situation délicate,Mauvaise situation Sans opinion

Actuellement vous occupez : Un CDDUn CDIAutre

Quel est le temps de travail prévu dans votre contrat ?Temps pleinInférieur à un mi-tempsMi-temps3/5e4/5e9/10e

Page 113: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 111

Quelle est votre ancienneté en année dans votre entreprise actuelle ? Moins d’un an1 à 3 ans4 à 6 ans6 à 10 ans11 à 20 ansPlus de 20 ans

Quelle est votre fonction ? Commercial, marketingCommunication, créationDirection d’entrepriseEtudes, recherche et développementGestion, Finance, Administration (Juridique, Assistanat de Direction)InformatiqueProduction industrielleRessources humainesSanitaire, Social et CulturelServices Techniques

Votre poste comporte-t-il une animation d’équipe ?Oui, je suis responsable hiérarchiqueOui, j’anime une équipe en permanence, sans être responsable hiérarchiqueOui, j’anime une équipe dans le cadre de projets limités dans le tempsNon, je suis responsable uniquement de ma propre activité

Etes-vous ou avez-vous été syndiqué(e) (avec ou sans responsabilité syndicale) ? Oui / Non

Exercez-vous une autre activité rémunérée ?Oui/Non(Si oui, laquelle ?)

Page 114: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

ANNEXES–9–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?112

Tout à fait d'accord

Plutôt d'accord Plutôt pas d'accord

Pas du tout d'accord

Sans objet

Mon travail me satisfait

Je suis constamment sous pression à cause d’une forte charge de travail

Les relations avec mes collègues de travail sont bonnes

Mes relations avec la hiérarchie sont bonnes

J’ai l’opportunité de développer de nouvelles compétences

Je reçois de la reconnaissance dans mon travail (clients, collègues, hiérarchie,….)

Ma rémunération est correcte par rapport au travail effectué

Mes perspectives d’avancement, de progression professionnelle sont bonnes

Mes chances de conserver cet emploi sont bonnes

Ma charge de travail est excessive

En pensant à votre emploi actuel, êtes-vous tout à fait d’accord, d’accord, pas d’accord ou pas du tout d’accord, avec les affi rmations suivantes

Actuellement, votre emploi (travail)…Ne vous intéresse pasVous intéresse peuVous intéresse assezVous intéresse beaucoup

Actuellement, votre durée de travail :Vous convientNe vous convient pas, vous souhaiteriez travailler davantageNe vous convient pas, vous souhaiteriez travailler moins

Si votre supérieur hiérarchique vous demande un travail en dehors de vos horaires et/ou de votre lieu de travail :Vous refusezVous le faites parce que vous êtes obligé(e) (astreinte….)Vous le faites parce que vous pensez que vous n’avez pas le choixVous le faites parce que vous allez récupérer ou serez payé(e) en heures supplémentairesVous le faites sans vous poser de question ni attendre de contrepartiesVotre hiérarchique ne vous fait jamais ce type de demande

Page 115: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 113

4. Votre avis sur vos rémunérations

Le montant de votre rémunération actuel vous paraît-il ?Beaucoup plus haut que ce qui serait justeUn peu plus haut que ce qui serait justeCorrespond à ce qui est justeUn peu plus bas que ce qui serait justeBeaucoup plus bas que ce qui serait justeVous ne pouvez choisir

Le montant de votre salaire fi xe actuel vous paraît-il ?Tout à fait satisfaisantPlutôt pas satisfaisantSatisfaisantPlutôt pas satisfaisantPas du tout satisfaisant

Le montant de l’ensemble de vos rémunérations variables (primes, participation, intéres-sement etc.) vous paraît-il ?Tout à fait satisfaisantPlutôt pas satisfaisantSatisfaisantPlutôt pas satisfaisantPas du tout satisfaisant

Nous allons parler des critères sur lesquels vous vous appuyez pour dire que votre rému-nération est ou n’est pas équitable. Dites-moi pour chaque critère s’il est important ou pas dans votre jugement en notant à chaque fois de 1 pour « pas important du tout » à 10 pour « très important »Votre propre compétenceVos propres effortsLa comparaison avec la rémunération de vos collègues ou de ceux qui font le même métier que vousLa comparaison avec les gens qui ont le même âge que vousLa comparaison avec ceux qui ont la même formation initiale que vousLa comparaison avec ce que vous pensez être la rémunération moyenne des FrançaisLa comparaison avec les rémunérations les plus élevées dans votre entreprise ou le secteur dans lequel vous travaillezLa comparaison avec la rémunération des parents, La comparaison avec la rémunération de vos frères et sœursLa comparaison avec les informations fournies dans les médias

Diriez-vous que vous gagnez (si vous ne travaillez pas actuellement, répondez pour votre dernier emploi) :Beaucoup moins que vous méritezMoins que vous méritezCe que vous méritezPlus que ce que vous méritezBeaucoup plus que ce que vous méritezVous ne pouvez choisir

Page 116: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

ANNEXES–9–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?114

C’est très important

C’est plutôt important

Ce n’est pas très important

Cela n’a aucune importance

Ne peut choisir

Les grilles et indices

Les responsabilités dans le travail

Le nombre d’années passées à étudier

Ce qui est nécessaire pour faire vivre une famille

Les enfants à charge

Le degré auquel le travail est bien fait

Le fait de travailler dur

À votre avis, pour décider de ce que quelqu’un doit gagner, quelle importance chacun des éléments suivants devrait avoir ?

5. Vos rémunérations

Votre rémunération comprend-elle une part variable ? OuiNon

Filtre Si oui, sur quels critères (plusieurs réponses possibles) ? :Performance personnellePerformance de l’équipePerformance du sitePerformance du groupeAutres critères

Combien en euros avez-vous perçu de primes ou rémunérations variables l’année dernière ? En clair, indiquer : (ne pas ajouter €)

A quel moment de l’année percevez-vous ces rémunérations ? (Plusieurs réponses pos-sibles)JanvierFévrierMarsAvrilMaiJuinJuilletAoutSeptembreOctobreNovembreDécembreVersement et/ou réalisation différéNe sait pas

Page 117: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 115

Votre rémunération comprend-elle les éléments suivants ? (Plusieurs réponses possibles) Intéressement Participation Plan d’épargne entreprise (PEE/PEI) Abondement du plan d’épargne Plan d’épargne retraite collectif (PERCO) Stock-optionsAutres, précisez : Aucun

Avez-vous accès aux dispositifs d’entreprise suivant ? (Plusieurs réponses possibles)Assurance vie Mutuelle (assurance complémentaire sécurité sociale) / prévoyanceLogement de fonction Voiture de fonction Téléphone, ordinateur, internet, messageriePossibilité de prêt de l’entreprise Tarifs préférentiels sur les produits et services de l’entreprise Restauration d’entrepriseGarde, gardiennage,…Avantages via le CE : chèques cadeaux, bons de rentrée, tarifs préférentiels voyages, spectacles, pratiques sportives,…Autre avantage, veuillez préciser : ____________________ Aucun

Filtre Si réponse OUI à rémunération variable

Quel est le montant de l’intéressement dont vous avez bénéfi cié l’année dernière ? Moins de 500 euros De 500 à 1 000 euros De 1 000 à 1 500 euros De 1 500 à 3 000 euros De 3 000 à 4 500 euros De 4 500 à 6 000 euros Plus de 6 000 euros Pas d’intéressement perçu Ne sait pas

Quel est le montant de la participation dont vous avez bénéfi cié l’année dernière (en 2013) ?Moins de 500 euros De 500 à 1 000 euros De 1 000 à 1 500 euros De 1 500 à 3 000 euros De 3 000 à 4 500 euros De 4 500 à 6 000 euros Plus de 6 000 euros Pas de participation perçueNe sait pas

Page 118: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

ANNEXES–9–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?116

Quel est le montant total de vos rémunérations variables (primes de performance, intéres-sement, participation, stock-option etc.) pour l’année dernière (2013) ?- Moins de 500 euros - De 500 à 1 000 euros - De 1 000 à 1 500 euros - De 1 500 à 3 000 euros - De 3 000 à 4 500 euros - De 4 500 à 6 000 euros - Plus de 6 000 euros - Pas de rémunération variable perçue- Ne sait pas

Quel est le montant de votre salaire fi xe Brut du mois dernier hors prime ?En clair, indiquer : (ne pas ajouter €)

Quel est le montant total (fi xe + variable) du total des rémunérations que vous avez per-çues l’année dernière (en 2013) ?En clair, indiquer : (ne pas ajouter €)

Au cours de l’année dernière (en 2013), quelle a été l’évolution de votre rémunération annuelle brute totale, c’est-à-dire en tout : de votre fi xe et de votre variable ? Ma Rémunération annuelle brute totale A fortement augmenté / a augmenté /est restée stable / A diminué / a fortement diminuéMa partie fi xe A fortement augmenté / a augmenté /est restée stable / A diminué / a fortement diminuéMa partie variable A fortement augmenté / a augmenté /est restée stable / A diminué / a fortement dimi-nué

6. Vos dépenses

Connaissez-vous le total de vos rémunérations salariales (salaires et primes) sur une an-née ?Oui, exactement J’ai une idée généraleNon, pas vraiment

Votre salaire du mois dernier ?Est majoritairement épargnéSert aux dépenses courantes du foyer en majorité et est pour partie épargnéEst dépensé dans sa totalité pour les dépenses courantes du foyerNe suffi t pas à payer les dépenses courantes

Comment avez-vous dépensé votre dernière prime variable ? (Plusieurs réponses possibles)Dans les dépenses courantesDans des vacancesDans un achat exceptionnel et nécessaire à la vie du foyer : voiture, équipement électronique ou ménagerDans un achat immobilierDans un achat exceptionnel et non nécessaire à la vie du foyer : bijoux, chirurgie esthétique etc.Dans les impôts

Page 119: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 117

Dans le remboursement d’une dette que vous aviez déjà contractéeVous avez placé la totalité de la somme dans un plan d’épargne ou d’investissementAutres

Au cours des 10 dernières années, est-ce qu’une rémunération exceptionnelle hors salaire personnelle a pu servir à un achat immobilier ou à un investissement important ? Oui/Non

Si vous bénéfi ciez d’un plan d’épargne entreprise ou d’un plan d’épargne retraite, avez-vous déjà débloqué une partie de la somme placée ? Oui/Non

Si oui, pour quel type de dépenses ? Plusieurs réponses possiblesUne dépense courante pour la vie du foyerDes vacancesDans un achat exceptionnel et nécessaire à la vie du foyer : voiture, équipement électronique ou ménagerDans un achat immobilierDans un achat exceptionnel et non nécessaire à la vie du foyer : bijoux, chirurgie esthétique etc.Dans les impôtsDans le remboursement d’une dette que vous aviez déjà contractéeVous avez placé la totalité de la somme dans un plan d’épargne ou d’investissementAutres

Avez-vous déjà bénéfi cié d’un cas de déblocage anticipé ?

Oui/Non

Si oui, pour quelle raison ? (plusieurs réponses possibles)MariageNaissance ou adoptionDivorce ou jugement de séparation ou dissolution d’un PACSInvalidité Décès Cessation du contrat de travail Création ou reprise d’entreprise Acquisition ou agrandissement de la résidence principaleSurendettementJugement de liquidation judiciaire ou de cession totale de l’entreprisePossibilité offerte depuis juillet 2013 sans condition

7. Votre profi l

Etes-vous ? - Un homme- Une femme

Quel est votre âge ? Menu déroulant par tranches d’âge quinquennales

Page 120: Etude Apec - Les primes variables : qu'en pensent les salariés ?

ANNEXES–9–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?118

Quel est votre niveau de diplôme le plus élevé ?< Bac + 2Bac + 2Bac + 3Bac + 4Bac + 5> Bac + 5

Quelle est votre situation matrimoniale ?Marié(e)Pacsé(e)Veuf ou veuveSéparé(e)Célibataire

Vivez-vous en couple aujourd’hui ? (question fi ltre pour la question suivante)OuiNon

Si vous vivez en couple, combien de comptes bancaires courants (sans compter les comptes épargne) possédez-vous ?Un seul compte commun pour le coupleDeux comptes personnels séparésDeux comptes personnels et un compte communPlus de trois comptes courantsAutres

Quelle est la situation actuelle de votre conjoint(e) ?- En emploi à plein temps (au moins 35 heures par semaine)- En emploi à temps partiel (entre 15 et 35 heures par semaine)- En emploi moins de 15 heures par semaine - Aide gratuite ou rétribuée un membre de la famille dans son travail - Chômeur indemnisé - Chômeur non indemnisé- Étudiant - En formation professionnelle- Retraité à 100 %- Retraité en cumul emploi-retraite- Femme/homme au foyer- Handicapé vivant de l’allocation adulte handicapé (AAH) - Autre situation : précisez

Quel est le montant du revenu fi xe Brut de votre conjoint du mois dernier ?En clair, indiquer : (ne pas ajouter €)

Lorsque vous aviez 15 ans, quelle était la catégorie socio-professionnelle de votre père ? 1 Agriculteur exploitant2 Artisan, commerçant et chef d’entreprise

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 119

3 Cadre et profession intellectuelle supérieure4 Profession Intermédiaire5 Employé6 Ouvrier7 Retraité8 Sans activité professionnelle9 Père décédé ou absent

Quel était le statut de son emploi ?- Fonctionnaire ou salarié de l’Etat ou des collectivités territoriales ou hospitalières- Salarié d’une entreprise nationalisée dans laquelle l’Etat détient la majorité du capital- Salarié d’une entreprise privée- À son compte- Ne sait pas

Lorsque vous aviez 15 ans, quelle était la catégorie socio- professionnelle de votre mère ? 1 Agricultrice exploitante2 Artisan, commerçante et chef d’entreprise3 Cadre et profession intellectuelle supérieure4 Profession Intermédiaire5 Employé6 Ouvrier7 Retraité8 Sans activité professionnelle9 Mère décédée ou absente

Quel était le statut de son emploi ?Fonctionnaire ou salarié de l’Etat ou des collectivités territoriales ou hospitalièresSalariée d’une entreprise nationalisée dans laquelle l’Etat détient la majorité du capitalSalariée d’une entreprise privéeÀ son compteNe sait pas

Avez-vous des enfants ? oui/nonSi oui, Combien ? Menu déroulant Combien sont à votre charge ? Menu déroulant

Quelles ressources prodiguez-vous à vos enfants à charge ? Plusieurs réponses possiblesArgentLogement au sein du domicile des parentsLogement hors du domicile des parentsFrais d’inscription scolaires ou universitairesAutres

Dans quel département se situe votre résidence principale ? (menu déroulant =code à 2 positions)

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ANNEXES–9–

APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?120

Vous diriez que vous vivez dans :Paris intra-murosUne grande ville La banlieue ou les environs d’une grande ville Une ville moyenne ou petiteUn village ou une habitation isolée

Concernant votre résidence principale, êtes-vous …? LocataireCo-locatairePropriétaire par achatPropriétaire par transmission

Etes-vous propriétaire d’autres biens immobiliers ? (plusieurs réponses possibles)Résidence(s) secondaire(s) Logement(s) de rapport Logement(s) mis à disposition gratuitement

Est-ce que votre foyer possède des produits d’épargne ou d’investissement (actions, obli-gations, un ou des plans d’épargne comme le livret A, le livret de développement durable, une assurance-vie etc.) ? OuiNon

Si oui, A combien estimez-vous la valeur de ces placements à l’heure actuelle ?Moins de 1 000 euros De 1 000 à 5 000 eurosDe 5 000 euros à 10 000 eurosDe 10 000 euros à 50 000 eurosDe 50 000 à 100 000 eurosDe 100 000 euros à 500 000 Plus de 500 000 euros

Si on imagine une échelle sociale, où diriez-vous que vous vous situez par rapport à vos parents au même âge ?Très au-dessusUn peu au-dessusAu même niveauUn peu en dessousTrès en dessous

8. Vos discussions sur le sujet

Votre rémunération et votre argent peuvent être un sujet de conversations. Nous aimerions savoir avec qui. Nous serons particulièrement attentifs à respecter l’anonymat de vos réponses dans cette dernière partie.

Question :Avec qui parlez-vous de votre rémunération ?Par exemple, vous discutez du niveau de votre salaire, de son évolution, de vos primes. Vous pouvez également

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APEC – LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ? 121

aborder comme sujet ce que vous allez faire de cet argent en termes de dépenses ou de placements. On peut dire que vous vous faites des confi dences sur le sujet.

Vous pouvez donner le prénom de vos contacts ou leurs initiales. S’il y a eu homonymie, pouvez-vous faire une différence, par ex MarieA et MarieB.

Vous pouvez citer autant de contacts que vous le souhaitez, y compris bien sûr aucun, cela dépend du nombre de personnes avec qui vous parlez de vos rémunérations.

Personne ou initiales du contact 1Personne ou initiales du contact 2Etc.

A présent nous allons vous poser des questions sur vos contacts

Ce contact est ? Un homme Une femme

Quel est l’âge (que vous estimez si vous ne le connaissez pas) de ce contact ?

Depuis combien de temps connaissez-vous cette personne ? moins de 1 an, de 1 à 2 ans, de 2 à 5 ans, de 5 à 10 ans, plus de 10 ans.

Avec quelle fréquence discutez-vous avec cette personne ? tous les jours, toutes les semaines, tous les mois, moins d’une fois par mois

Dans quelle mesure vous sentez-vous proche de cette personne ? peu proche, plutôt proche, proche, très proche

Qui est ce contact par rapport à vous ?votre conjoint / un frère, une sœur, un cousin(e) / un parent, beau-parent, oncle ou tante / un de vos en-fants/ un ami proche / une connaissance, un ancien camarade, un voisin /un collègue de même fonction ou de même niveau hiérarchique ou inférieure / un ancien collègue de même fonction ou de même niveau hiérarchique ou inférieure / un supérieur hiérarchique / un ancien supérieur hiérarchique / autres

Ces contacts se connaissent-ils entre eux ?

Nous vous remercions d’avoir participé à ce questionnaire !

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– LES PRIMES VARIABLES : QU’EN PENSENT LES SALARIÉS ?–

Au travers d’une enquête qualitative en deux monographies et quantitative, la recherche tentera de répondre aux questions sur la place du variable, et notamment des primes, dans la rémunération des cadres.Que dire des primes variables perçues par les cadres ? Quelles sont leurs conséquences en matière de rapport à l’entreprise, au travail et à la hiérarchie ? Que pensent les salariés de ces dispositifs et de leur mise en œuvre ?

ISBN 978-2-7336-0950-7SEPTEMBRE 2016

www.apec.fr

Etude réalisée dans le cadre d’un partenariat de recherche avec l’IRISSO/Paris Dauphine.Responsables du projet : Sophie Bernard (IRISSO/Paris Dauphine) et Elise Penalva-Icher (IRISSO/Paris Dauphine)

Equipe projet du département études et recherche de l’Apec : Raymond Pronier, Hélène Alexandre, Caroline Legrand, Claire MargariaDirection du département : Pierre Lamblin

ASSOCIATION POUR L’EMPLOI DES CADRES51 BOULEVARD BRUNE – 75689 PARIS CEDEX 14

CENTRE DE RELATIONS CLIENTS

DU LUNDI AU VENDREDI DE 9H À 19H

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–09.

16

N°2016-42SEPTEMBRE 2016

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