Essai de classification naturelle et d'analyse des ...

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ESSAI DE CLASSIFICATION NATURELLE ET D’ANALYSE DES PHÉNOMÈNES DE LA VIE PAR P.-N. GERDY, PROSECTEÜR A LA FACÜLTÉ DE MÉDECIIVE DE PARIS, PROFESSEUR D’ANATOMIE , DE PHYSIOLOGIE, DE CHIRURGIE, etc. L’éternitĂ© du temps n’est remplie que par les phĂ©nomĂšnes de la nature , et, malgrĂ© leur infini© multijplicitĂ© et leurs innombrables modifications, ils offrent des caractĂšres tellement analogues, qu’il est possible de les Ă©tudier d’aprĂšs une mĂ©thode universelle. L’art d’étudier n’est, en dernier rĂ©sultat, gnÂź l’art d’analyser et de classer. PARIS, \ 0 ' Chez J,-B. BAILLIERE, Libraire, rue de l’Ecole de MĂ©decine, N° 14. 1823,

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ESSAI DE

CLASSIFICATION NATURELLE ET

D’ANALYSE DES PHÉNOMÈNES DE LA VIE

PAR P.-N. GERDY,

PROSECTEÜR A LA FACÜLTÉ DE MÉDECIIVE DE PARIS, PROFESSEUR D’ANATOMIE ,

DE PHYSIOLOGIE, DE CHIRURGIE, etc.

L’éternitĂ© du temps n’est remplie que par les phĂ©nomĂšnes de la nature , et, malgrĂ© leur infini© multijplicitĂ© et leurs innombrables modifications, ils offrent des caractĂšres tellement analogues, qu’il est possible de les Ă©tudier d’aprĂšs une mĂ©thode universelle.

L’art d’étudier n’est, en dernier rĂ©sultat, gnÂź l’art d’analyser et de classer.

PARIS, \ 0 '

Chez J,-B. BAILLIERE, Libraire, rue de l’Ecole de

Médecine, N° 14.

1823,

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AVERTISSEMENT.

ti’ouvRAGE que je publie aujourd’hui a commencĂ© de paÂŹ

raßtre dans le Journal complémentaire du Dictionaire des

f Sciences médicales de M. Panckoucke^ en 1821 ; il a été

\ imprimĂ©, article par article, comme dans le Journal. Sa f ‱ ‱

publication, qui ne fait que de finir, aurait pu ĂȘtre beau-

■ coup plus rapide, car je l’ai livrĂ© tout eniier, a la fois, au

' Rédacteur général.

’ Je me suis proposĂ©, dans cet Essai, de classer et d’ana-

‱ lyser les phĂ©nomĂšnes de la vie d’aprĂšs leur nature, qui me

. semble la seule base de classification naturelle. Je les ai ainsi

: rapprochĂ©s d’aprĂšs leurs ressemblances les plus importantes,

indĂ©pendamment des organes oĂč ils se dĂ©veloppent et des

fonctions auxquelles ils concourent; je les ai considérés à peu

■ prĂšs, comme l’on fait en anatomie gĂ©nĂ©rale Ă  l’égard des divers

‘ tissus, lorsqu’on les dĂ©crit indĂ©pendamment des organes dont

ils font partie et des usages qu’ils remplissent. Mais de mĂȘme

i que dans l’exposition anatomique des diffĂ©rens organes, on

ß ne peut suivre une classification fondée sur la nature des

divers tissus, quoique ce soit la seule naturelle pour l’ana-

I tomie, de mĂȘme la classification dĂ©veloppĂ©e dans cet ouvrage

ne peut servir a la description des fonctions des organes ; et

Ăź de mĂȘme que l’anatomie gĂ©nĂ©rale doit faire le complĂ©ment

J d’un cours d’anatomie spĂ©ciale, de mĂȘme l’analyse des phĂ©no-

mĂšnes de la vie et de leur classement naturel doit couronner

[ la description particuliĂšre des fonctions de la vie.

me conduire a quelques ob«

a

f

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scrvations neuves. On en trouvera, je crois^ dans Tordre des

phénomÚnes vitaux, et surtout dans les phénomÚnes méca-

niques. J’ai tĂąchĂ© d’analyser ces derniers jusque dans leurs

dĂ©tails 5 et comme j’ai remarquĂ©, entre autres choses, que

tous les phénomÚnes de résistance mécanique aux forces qui

tendent a rompre la cohésion de nos tissus, à les comprimer,

h les entraĂźner, ou Ă  les pousser dans un sens quelconque ,

ne rentrent dans aucune des fonctions admises par les auÂŹ

teurs, je pense qu’il serait convenable d’en former une parti¬

culiÚre , à laquelle on rattacherait tous les modes de résistance

mécanique des parties molles et des parties dures aux forces

qui agissent sur elles. On devrait y rapporter, par exemple,

les rĂ©sistances composĂ©es que j’ai indiquĂ©es Ă  la page 47 et

aux suivantes.

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INTRODUCTION.

L’homme hasarde avec lĂ©gĂšretĂ© mille propositions irrĂ©flĂ©chies sur les objets dont il s’entretient Ă  chaque instant ; il ne pense pas qu’il puisse se tromper, il suit le torrent, et il rĂ©pĂšte des expressions et des erreurs banales, auxquelles il n’attache que des idĂ©es vagues. Il faudrait qu'il rĂ©flĂ©chĂźt pour s’éclairer, mais pour rĂ©flĂ©chir, il faudrait qu’il se doutĂąt de ce qu’il ignore.

La physiologie offre mille exemples de ces erremens de l’esÂŹ prit humain. C’est Ă  l’aide de la rĂ©flexion qu’il faut, ici, se diriger au milieu des tĂ©nĂšbres des opinions. La rĂ©flexion seule pourra suivre la rĂ©flexion, et juger si elle s’est Ă©garĂ©e.

J’ai cherchĂ©, et je vais dire ce que c’est que la physio- * logie, et comment on procĂšde et comment on peut procĂ©der a son Ă©tude.

La physiologie est la science des phénomÚnes et des pro priétés de la vie.

Les phĂ©nomĂšnes de la vie sont les divers Ă©tats sous lesÂŹ quels les organes peuvent exister. Ainsi, c’est parce qu’un muscle n’est pas sans cesse contractĂ©, que sa contraction est un phĂ©nomĂšne, et ce n’en serait pas un si cette contraction Ă©tait permanente pour toute la vie. Ce terme n’exprime au fond que la relation du passage d'un Ă©tat Ă  un autre Ă©tat ; ce n’est rĂ©ellement qu’une expression relative, mĂ©taphysique et abstraite qui indique un changement. Donc un Ă©tat qui serait immuable ne serait pas un phĂ©nomĂšne j mais en est-il dans la nature? Je crois cependant avoir observĂ© qu’on attaÂŹ che particuliĂšrement l’idĂ©e d'Ă©tat matĂ©riel ou de disposition anatomique, i° aux Ă©tats les plus permanens des organes, comme la forme des os, 2Âź Ă  ceux qui changent peu, comme la forme fondamentale des parties molles, 3° et Ă  ceux qui sont les plus habituels, comme la direction verticale des membres. Le premier genre de ces Ă©tats matĂ©riels apparÂŹ tient presqii’exlusivement Ăą l’anatomie, parce qu’il change peu au-delĂ  d’un certain Ăąge. La forme des parties njolles, la di-

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rection des membres Ă©tant plus variables pendant la vie, leur connaissance appartient Ă  la fois a l’anatomie et Ă  la physioÂŹ logie. C’est Ă  la rĂ©flexion Ă  apprĂ©cier ce qu’il peut y avoir de juste dans ces observations.

Quant aux propriétés ou facultés de la vie, ce ne sont aussi que des abstractions dont on a embrouillé le sens dans ces derniers temps.

Lorsque nous concevons les corps douĂ©s Ă 'Ă©tendue et de mobilitĂ© y nous avons d’abord autant d’idĂ©es distinctes, et des corps, et de leur Ă©tendue, et de leur mobilitĂ©, et cependant nous savons que, ni les corps, ni leur Ă©tendue, ni leur moÂŹ bilitĂ© ne peuvent exister les uns sans les autres. Or, nous concevons sĂ©parĂ©ment, ou par abstraction, ce qui est insĂ©ÂŹ parable, et l’abstraction n’existe que dans notre esprit. Cette abstraction est idĂ©ale; mais ensuite, par mobilitĂ©, nous conÂŹ cevons que les corps possĂšdent la puissance de se mouvoir, lors mĂȘme qu’ils sont actuellement en repos. Ainsi les proÂŹ priĂ©tĂ©s, les facultĂ©s, les forces des corps sont : diverses maÂŹ niĂšres d’ĂȘtre, que nous concevons dans les corps et sĂ©parĂ©ÂŹ ment d’eux y comme principes des impressions quils font sur nous et des phĂ©nomĂšnes qu’ils nous prĂ©sentent ou peuvent nous prĂ©senter y quoique nous soyons tous bien persuadĂ©s que dans la rĂ©alitĂ©, un corps et ses propriĂ©tĂ©s ne sont qu’une seule et mĂȘme chose y ou une seule et mĂȘme existence. Ainsi, dire qu’un corps blanc est douĂ© de blancheur y qu’un organe sensible est douĂ© de la facultĂ© de sentir ou de sensibilitĂ©, ce n’est exprimer que la mĂȘme chose en des termes diffĂ©rens, et non supposer l’existence d’ĂȘtres rĂ©els, comme quelques criÂŹ tiques cherchent Ă  l’insinuer j c’est enfin dire, pour le derÂŹ nier, qu’il possĂšde la puissance de sentir lors mĂȘme qu’elle n’est pas en activitĂ©. Probablement que la discussion rĂ©duite Ă  d’aussi simples expressions ne trouvera plus de contradicÂŹ teurs. Ce langage, tant blĂąmĂ©, a-t il d’ailleurs rien d’obscur od de vague, pour celui qui veut prendre la peine de l’anaÂŹ lyser et de l’entendre?

Mais les phĂ©nomĂšnes de la vie peuvent se manifester avec libertĂ©, facilitĂ© et sans aucun risque pour l’individu; c’est le cas de la santĂ©. Ainsi les mouvemens de nos membres peuÂŹ vent ĂȘtre libres, volontaires, faciles et rĂ©guliers. Au contraire ces effets peuvent se passer avec gĂȘne, douleur, ou exposer plus ou moins la vie ou les facultĂ©s physiques et morales de rbomme; c’est le cas de la maladie. Ainsi, les mouvemens de nos membres peuvent ĂȘtre pĂ©nibles, irrĂ©guliers et mĂȘme inÂŹ volontaires.

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Et quelle que soit la maniĂšre dont ils se passent, c’est touÂŹ jours par le mĂȘme mĂ©canisme ^ par des contractions muscuÂŹ laires vitales et par des moiivemens mĂ©caniques de la part des tendons, des aponĂ©vroses, des os, et le plus souvent, mĂȘme, dans le cas de maladie, sous rinfluence de la volontĂ©. Ce mĂ©- canisme commun aux phĂ©nomĂšnes de la vie en santĂ© comme en maladie, voilĂ  le sujet de la physiologie.

Quant aux modifications dont il se revĂȘt dans les phĂ©noÂŹ mĂšnes de la santĂ© et des maladies, elles doivent faire le sujet de deux autres sciences : l’une, dĂ©jĂ  Ă©crite , a reçu le nom de pathologie ; l’autre, encore confondue par la plupart des auÂŹ teurs, est la science de la santĂ©. Je la nommerais volontiers hjgiologie.

A l’hygiologie se rapportent les modifications libres, faciles, agrĂ©ables mĂȘmes des phĂ©nomĂšnes des organes, les limites au- delĂ  et en-deçà desquelles la libertĂ© disparaĂźt pour faire place Ă  la gĂȘne de leurs fonctions. Ainsi cette science doit embrasÂŹ ser la connaissance des divers degrĂ©s de la faiblesse ou de la force musculaire au-delĂ  desquels la faiblesse et la force des muscles sont maladives, les divers degrĂ©s de frĂ©quence et de rĂ©gularitĂ© des pulsations artĂ©rielles, en-deçà ou au-delĂ  desÂŹ quels il y a gĂȘne, risque pour la vie de l’individu, ou maÂŹ ladie; les diffĂ©rons degrĂ©s de lenteur ou de promptitude de la digestion au-delĂ  ou en-deçà desquels la lenteur ou la promptitude de la digestion exposent ou gĂȘnent constamment la santĂ© ou les facultĂ©s de l’homme ou de l’animal.

L’bygiologie doit noter encore la frĂ©quence, la libertĂ©, l’étendue des mouvemens respiratoires ; elle doit connaĂźtre Ă  quels degrĂ©s s’élĂšve et s’abaisse la chaleur animale, quelles sont les qualitĂ©s des sĂ©crĂ©tions, dans l’état sain, etc.

Je ne m’arrĂȘterai pas maintenant sur l’importance d’un ouÂŹ vrage qui, en crĂ©ant une science nouvelle, nous apprendrait les limites de la santĂ©. Un praticien seul peut exĂ©cuter cet ouvrage d’bygiologie.

Cependant la physiologie rĂ©clame la connaissance des vaÂŹ riations les plus extraordinaires des phĂ©nomĂšnes et des proÂŹ priĂ©tĂ©s de la vie, par exemple de la force musculaire, de la raretĂ© ou de la multiplicitĂ© des pulsations artĂ©rielles dans un temps donnĂ©, etc., pour mieux saisir l’étendue des facultĂ©s de la vie, ce qui fait, surtout, son objet.

Outre qu’il est des phĂ©nomĂšnes et des propriĂ©tĂ©s des ĂȘtres vivans qui se modifient, il en est qui disparaissent, par exemple les sensations perçues, les contractions volontaires.

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dans certaines paralysies, du sentiment et du mouvement, ainsi que les propriétés dont elles sont le résultat.

D’autres qui n’existent pas se montrent pour un certain temps I des sĂ©crĂ©tions nouvelles, a la puberte, l animation des fluides sĂ©crĂ©tĂ©s sur une plaie, d’oĂč rĂ©sulte une cicatrice qui est une membrane de nouvelle formation, et par consĂ©quent des propriĂ©tĂ©s extraordinaires.

Parmi les nombreuses modifications des phĂ©nomĂšnes et des propriĂ©tĂ©s de la vie, il en est qui sont dues a des inÂŹ fluences accidentelles, comme au froid, a la chaleur, h une commotion Ă©lectrique, etc. Il est mĂȘme des phĂ©nomĂšnes entiĂšrement dus Ă  celles-ci, soit qu’ils appartiennent Ă  la santĂ© par la libertĂ©, la facilitĂ©, le plaisir qui les accomÂŹ pagne, comme ces Ă©motions agrĂ©ables que nous procure le spectacle et ces pleurs de joie et de sentiment qu’il nous fait verser avec dĂ©lices; soit qu’ils rentrent dans les maladies par la peine, la gĂȘne et la douleur qui les suivent, comme on voit ceux d’un grand nombre d’empoisonnemens. La connaissance des effets de ces influences appartient a la physiologie lorsÂŹ qu’elles agissent sur l’homme et les organes sains, comme sur

- l’homme et les organes malades. Si elles n’avaient d’action que dans l’une de ces deux circonstances, elles rentreraient spĂ©cialement dans l’hygiologie ou la pathologie.

Cependant la physiologie note seulement les effets immĂ©ÂŹ diats des influences, l’hygiologie ou la pathologie en rassemÂŹ blent exactement les caractĂšres et tous leur dĂ©tails.

La physiologie, comme toutes les sciences, est fille de l’obÂŹ servation et du raisonnement. MariĂ©es ensemble, l’observation recueille, la raison pĂšse et juge^ les faits se lient, les conÂŹ naissances s’arrangent en systĂšmes et les sciences viennent au monde. Dans beaucoup d’autres sciences, les mathĂ©matiques sont un moyen de plus pour les Ă©tudier, et leur emploi est des plus heureux ; il est au contraire a peu prĂšs impuissant entre les mains des physiologistes, tant il leur est difficile d’avoir de bonnes donnĂ©es pour bases.

TantĂŽt l’observation contemple simplement ce qui se passe sous ses yeux sans l’avoir demandĂ© Ă  la nature, elle examine les changemens qui s’opĂšrent dans la machine vivante, sur l’ĂȘtre sain, sur l’ĂȘtre malade, sur soi-mĂȘme; elle regarde les phĂ©nomĂšnes que dĂ©veloppent les puissances de l’univers diÂŹ versifiĂ©es Ă  l’infini, le froid, la chaleur, la lumiĂšre, les poiÂŹ sons , etc., l’influence que leur opposes! souvent l’habitude; elle interroge la disposition extĂ©rieure de l’ĂȘtre vivant, et par

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opposition celle du cadavre glacĂ©, et arrĂȘtĂ©e trop tĂŽt, sa cuÂŹ riositĂ© entraĂźnante demande aux dissections et Ă  expĂ©rimenÂŹ tation de nouveaux faits. Ces deux puissans moyens obĂ©issant Ă  ses dĂ©sirs, forcent la discrĂ©tion de la nature; celle-ci se dĂ©ÂŹ couvre et l’observation pĂ©nĂštre dans son sanctuaire, s’initie h une foule de merveilles mystĂ©rieuses, en suit les mouvemens, et Ă©coute ainsi la nature Ă  l’instant oĂč elle commence Ă  parÂŹ ler. T ant de richesses acquises, tant de secrets rĂ©vĂ©lĂ©s fĂ©conÂŹ dent la raison, et les sciences encore faibles sorteiit du nĂ©ant et grandissent avec rapiditĂ©.

Que de trĂ©sors les dissections n’ont-elles pas ouverts a la^ physiologie ! C’est de la que nous viennent la plupart de nos connaissances sur ce sujet, comme je m’en suis assurĂ© en dresÂŹ sant approximativement des tables comparatives et numĂ©riques des connaissances physiologiques dues a l’étude de l’anatomie et Ă  l’expĂ©rimentation. Dans cet essai, d’ailleurs incomplet, j’ai, obtenu plus de six cent cinquante vĂ©ritĂ©s physiologiques donÂŹ nĂ©es par l’anatomie, et je n’ai pu en compter plus d’une cenÂŹ taine fournies par l’expĂ©rimentation. Celles qui provenaient de l’observation simple Ă©taient, aussi, fort peu nombreuses, et j’ai acquis la certitude qu’en achevant cette comparaison nuÂŹ mĂ©rique et en comptant avec sĂ©vĂ©ritĂ© et exactitude, l’anato-^ mie gagnerait, bien davantage encore, au parallĂšle.

Les expĂ©riences oiitj sans doute aussi, contribuĂ© beaucoup Ă  Vas^ancement de la science ; mais combien de fois l’esprit s’est Ă©garĂ© Ă  leur lumiĂšre vacillante et trompeuse ! Rien de plus difficile que de bien interprĂ©ter le langage amphiboloÂŹ gique des expĂ©rimentations : mille choses dont on suppose l’impuissance ou dont on ne remarque pas l’action, mille autres choses rĂ©ellement impuissantes, auxquelles on accorde ^u pouvoir, y multiplient les illusions; portez sur elles l’Ɠil de la critique, comme nous l’avons fait nous-mĂȘme pour notre instruction, et votre conviction sera entiĂšre. Cependant il en est qui ont une utilitĂ© fort remarquable. Elles sont les plus, sĂ»res dans leurs rĂ©sultats et les plus propres a avancer la science au profit des arts qui en reçoivent le plus d’applications: l’hygiĂšne et la thĂ©rapeutique. Ce sont principalement celles qui nous apprennent l’action des diffĂ©rentes influences, soit individuelles, soit Ă©trangĂšres a l’individu, sur lui-mĂȘme, telles que la gymnastique, les travaux assidus de cabinet,, les passions, le froid, la chaleur, l’humiditĂ©, etc. Ici, on peut tenir un compte assez exact des circonstances du sujet soumis Ă  ces influence.^, soit que ces circonstances puissent les

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neulrallser, les activer ou n’agir d’aucune maniĂšre, et dĂšs- lors on peut connaĂźtre Ă  peu prĂšs positivement les rĂ©sulÂŹ tats de ces influences. Cependant, comme, toutes ces circonÂŹ stances Ă©tant Ă©gales d’ailleurs pour nos sens ou pour nos im- puissans moyens d’en apprĂ©cier les diffĂ©rences, les phĂ©noÂŹ mĂšnes produits par des influences identiques ne sont pas touÂŹ jours les mĂȘmes, on pourra encore rechercher et trouver les chances d’un effet, par une cause dĂ©terminĂ©e dans un cas qui paraĂźt absolument identique. C’est de la connaissance de ces chances dans des cas de santĂ© et de maladie parfaitement identiques poumons, que la mĂ©decine pratique dĂ©duit toutes ses opĂ©rations, aussi n’est-elle qu’un art de probabilitĂ©s, mais de probabilitĂ©s donnĂ©es par l’expĂ©rience. Ces probabilitĂ©s empiriques, voilĂ  la boussole du mĂ©decin, il n’y en a pas d’autre. Ce n’était pas celle de Philinus de Cos, disciple d’HĂ©rophile, ni de SĂ©rapion d’Alexandrie, ni d’Apollonius, ni de Glaucias, ni de Xeuxis, ni d’HĂ©raclide de Tarente, ni des autres empiriques de l’antiquitĂ©. L’expĂ©rience n’accorde les mĂȘmes rĂ©sultats qu’à deux conditions : VidentitĂ© des cas, VidentitĂ© des moyens, c’est-Ă -dire l’identitĂ© dans la santĂ© ou dans les maladies et l’identitĂ© dans les moyens d’hygiĂšne ou de thĂ©rapeutique. C’est un faux empirisme que celui qui en omet une seule ou qui croit Ă©viter l’omission par une supposition qui Ă©tablit contre la rĂ©alitĂ© une identitĂ© chimĂ©rique. Les emÂŹ piriques, de mĂȘme que les dogmatiques envers lesquels ils s’emportĂšrent quelquefois avec tant de violence, ainsi que les sectaires et les sectateurs passĂ©s et prĂ©sens qui ont occupĂ© et occupent encore le monde de leurs injures et de leurs extraÂŹ vagances, ont tous senti plus ou moins confusĂ©ment et sentent tous la nĂ©cessitĂ© de cette double identitĂ©. Et comment y ont- ils rĂ©pondu? tous, par des moyens de traitemens identiques dans des maladies qui ne l’étaient pas. Cependant tous se proÂŹ clament les apĂŽtres de l’expĂ©rience, et dans leur illusion ou leur charlatanisme, ils n’ont recours Ă  l’identitĂ© des moyens de traitement qu’aprĂšs avoir Ă©tabli l’identitĂ© des cas; les dogÂŹ matiques , par de subtiles suppositions de choses qui n’exisÂŹ tent pas, comme lorsqu’Hippocrate suppose qu’une maladie consiste dans telle altĂ©ration des humeurs ; les empiriques, en affirmant cette identitĂ© des cas par la simple observation du malade ou d’un concours de symptĂŽmes sans, ou presque sans connaĂźtre les altĂ©rations matĂ©rielles intĂ©rieures. CepenÂŹ dant , qui le croirait? leurs dĂ©cisions sont assises sur le trĂ©pied de l’empirisme 5 Vobservation , Vhistoire et Vanaloglsmc, que

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je traduis en un mot par l’identitĂ©] C'est qu’ils supposaient l’identitĂ© dans leur observation, leur histoire, leur analo- gisme, et elle n’y Ă©tait pas. Je ne demanderai pas si les secÂŹ taires modernes observent bien la rĂšgle de l’identitĂ© des cas lorsqu’ils nous prĂ©sentent l’irritation et la gastrite ou gastroÂŹ entĂ©rite sous des nuances variĂ©es Ă  Vinfini^ et si fugitwes quelles Ă©chappent Ă  nos sens. Je veux finir une digression dĂ©jĂ  trop longue, et je le rĂ©pĂšte , les expĂ©rimentations qui nous enseignent les rĂ©sultats de l’action des divers agens sur notre Ă©conomie dans des cas identiques, sont de toutes les plus importantes, et c’est la connaissance plus au moins juste des probabilitĂ©s de leurs effets qui distingue le praticien sa^^ vaut de l’ignorant et du vulgaire.

Les expĂ©riences faites pour reconnaĂźtre les usages d’un orÂŹ gane , ses rapports avec d’autres, la maniĂšre dont il agit, etc., me paraissent beaucoup moins utiles que les prĂ©cĂ©dentes a l’hygiĂšne et Ă  la thĂ©rapeutique, et cependant en gĂ©nĂ©ral beau^ coup plus difficiles et plus incertaines dans les consĂ©quences qu’on en peut tirer. Savoir les circonstances qui permettent, accompagnent et modifient ou entravent et arrĂȘtent le dĂ©ve^ lopdement d’un phĂ©nomĂšne, voila ce qu’il y a de plus imÂŹ portant. De semblables connaissances fournissent d’utiles donnĂ©es pour favoriser le dĂ©veloppement de ces effets ou l’em- pĂȘcher, selon les indications de l’hygiĂšne ou de la thĂ©rapeur tique.

Au contraire le mĂ©canisme de la digestion , de la respiraÂŹ tion n’est-il pas beaucoup moins utile et plus difficile Ă  saisir que la connaissance des substances propres Ă  ĂȘtre digĂ©rĂ©es ou Ă  ne l’ĂȘtre pas et des gaz convenables ou impropres Ă  la res.- piration? IN’est-il pas plus facile d’apprĂ©cier les circonstances les plus favorables a la santĂ©, les plus propres Ă  troubler les fonctions, que d’en saisir les actions secrĂštes, et ne vaut-il pas mieux se diriger dans ses recherches du cĂŽtĂ© le plus imÂŹ portant, le plus sĂ»r et le plus facile, a charge de s’occuper ensuite des objets de la science les moins utiles et les plus sujets aux disputes des opinions?

Ce n’est pas tout encore ; c’est surtout dans les expĂ©riences tentĂ©es pour connaĂźtre le mĂ©canisme de l’action d’un organe, que l’on ne peut y parvenir, le plus ordinairement, qu’en agissant sur d’autres organes que l’on coupe, que l’on irrite de plusieurs maniĂšres, en arrivant jusqu’à celui dont on veut examiner les phĂ©nomĂšnes. On modifie alors d’autres circous- 4ances que celle que l’on voulait modifier et Ă©tudier. 11 est le

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plus souvent impossible de tenir un compte juste, ou a peu prĂšs juste, des changemens que l’on a suscitĂ©s involontaireÂŹ ment , et les rĂ©sultats de l’expĂ©rience sont nĂ©cessairement faux en entier ou en partie.

Ainsi, par exemple, lorsque l’on remplace l’estomac par une vessie pour savoir si le vomissement peut arriver sansPaction de l’estomac, on suppose que les circonstances sont les mĂȘmes, moins cette action de Vestomac. Cependant le cardia est diÂŹ latĂ© par une canule, ou cet orifice est Ă©tranglĂ© par une ligaÂŹ ture sur une canule plus courte qui ne le dilate pas, et dont l’influence sur lui, qui rĂ©siste habituellement au vomisÂŹ sement, est supposĂ©e nulle ; cependant le pylore, par oĂč s’échappent des matiĂšres dans le phĂ©nomĂšne du vomisseÂŹ ment, n’existe plus, etc. On arrive Ă  des rĂ©sultats qui ne sont pas prĂ©cisĂ©ment le langage habituel de la nature, mais un langage de contrainte oĂč elle ne rĂ©pond pas Ă  la question qu’on lui fait et ne dit pas la vĂ©ritĂ© qu’on lui demande. En effet, que lui demandait-on dans cette expĂ©rience? Si l’estoÂŹ mac Ă©tait actif dans le vomissement. Et qu’a-t-elle rĂ©pondu ? Qu’un animal pouvait vomir avec un estomac postiche ou une vessie inerte. Je ne multiplierai pas les exemples. Il me suffit de faire observer que, malgrĂ© le trĂšs-grand nombre de tentatives expĂ©rimentales faites pour reconnaĂźtre le mĂ©canisme des organes, on a encore acquis peu de donnĂ©es prĂ©cises sur ce sujet, en sorte qu’il reste une foule de phĂ©nomĂšnes trĂšs- complexes pour nous dans l’économie, dont nous ne savons que le rĂ©sultat, comme on savait que le sang circule, que nous digĂ©rons, etc., avant que l’on connĂ»t les faits plus cachĂ©s et plus simples dont se composent ces actions vitales coiĂčpliquĂ©es.

Nous ferions une erreur si nous pensions que les physioÂŹ logistes doivent arriver par l’expĂ©rience a la mĂȘme exactitude que les physiciens ; cela sera Ă  jamais impossible, parce qu’on ne peut employer Ă  la fois les mathĂ©matiques et l’expĂ©rimenÂŹ tation a l’étude de la physiologie avec le mĂȘme succĂšs qu’à celle de la physique. En effet, lorsque les physiciens peuvent ne modifier dans leurs expĂ©riences que les circonstances dont ils recherchent l’influence, les physiologistes expĂ©rimentaÂŹ teurs voient se multiplier malgrĂ© eux mille influences de perÂŹ turbation^ lorsque les physiciens modifient d’autres circonsÂŹ tances ou d’autres phĂ©nomĂšnes que ceux qu’ils veulent Ă©tuÂŹ dier, ils peuvent les apprĂ©cier avec une exactitude mĂ©trique; les physiologistes ne peuvent le plus souvent apprĂ©cier ni mesurer en aucune façon une foule de circonstances nĂ©cessai-

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renient changĂ©es. Cela lient, pour les uns, a ce que les phĂ©noÂŹ mĂšnes physiques sont plus indĂ©pendans et immuables dans des circonstances semblables parfaitement apprĂ©ciĂ©es, et ont lieu d’aprĂšs une loi numĂ©rique et calculable ; comme la vitesse croissante de la chute des graves, l’aĂ©tion dĂ©croissante a disÂŹ tance de l’électricitĂ©, etc. ; pour les autres, Ă  ce que les phĂ©-

i nomÚnes vitaux sont dépendans les uns des autres par leurs sympathies réciproques, toujours trÚs-mobiles, variables

I souvent sans aucune circonstance appréciable, et le plus sou vent sans aucune rÚgle numérique, sensible et calculable, err sorte que beaucoup de différences leur échappent.

Cessons de reprocher entiùrement aux physiologistes l’en- I fance de leur science, et de mettre les sciences physiques en

parallĂšle. Les physiologistes ne pourront jamais arriver qu’à i des rĂ©sultats probables, tandis que les physiciens sont arrivĂ©s

dĂ©jĂ  a des certitudes. Celte diffĂ©rence est due a la nature du sujet dont chacun s’occupe ; et mĂ©connaĂźtre cette vĂ©ritĂ© serait

! mĂ©connaĂźtre l’une et l’autre science. Voyons maintenant ce que peut le raisonnement. AppuyĂ©

sur les faits que lui a donnĂ©s l’observation, il en dĂ©duit une sĂ©rie de consĂ©quences qui s’enchaĂźnent les unes aux autres, et si l’esprit est assez sĂ©vĂšre pour ne rien supposer, il ne se trompe jamais. Que les mathĂ©maticiens s’égarent en calculant la force du cƓur ou d’autres muscles, c’est qu’ils supposent

1 les premiĂšres donnĂ©es du calcul. Celui-ci pourrait ĂȘtre fort \ juste dans ses parties; comme des suppositions en font la I base, il ne serait pas Ă©tonnant qu’il fĂ»t faux, et que cepenÂŹ

dant il fut exact. Noser/’ewr^ proviennent ainsi^ toutes de nos I suppositions. Qu’on analyse tous les systùmes des hommes, on

arrivera toujours Ă  cette vĂ©ritĂ©. Nous supposons lorsque nous admettons un fait qui n’est pas, et nous supposons encore lors-

[ que, par ignorance, nous rejetons un fait qui existe. Cepen- \ dant si l’esprit s’égare Ă  la lumiĂšre incertaine des suppositions, I ses consĂ©quences sont presque toujours dans un exact rapport I avec elles, et ce sont alors de justes erreurs. MĂ©fions-nous \ donc sans cesse de cette tendance de notre esprit Ă  supposer.

Il ne faut pas non plus ne pas admettre assez, de peur de [' trop supposer. Ce scepticisme outrĂ© conduit nĂ©cessairement Ă  [ des erreurs. Il ne faut pas se refuser Ă  toute Ă©vidence qui ne j frappe point les sens. Il est, par exemple, des phĂ©nomĂšnes se- i*j condaires qui ne proviennent jamais que d’un mĂȘme effet I primitif; ne peut-on pas alors dĂ©duire l’effet primitif de l’effet r secondaire, Ă  charge de se rĂ©tracter si cet effet secondaire j

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'I

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pouvait provenir visiblement d’un autre effet primitif. Ainsi, jusqu’à ce qu’on voie des fluides se mouvoir d’eux-mĂȘmes^ indĂ©pendamment de la pesanteur, des affinitĂ©s chimiques et d’une force Ă©trangĂšre, ne peut-on pas assurer, lorsqu’on les voit s’agiter, qu’ils le doivent Ă  une de ces puissances ? Est-ce pa rce qu’on ne voit pas les capillaires qu’on peut les dĂ©clarer habituellement inactifs sur le sang qui y circule, et croit-on s’éloi gner en cela de la marche des physiciens et des chimistes ? Ce serait se tromper. En effet, voient-ils dans une tige qui oscille et se courbe alternativement d’un cĂŽtĂ© et de l’autre les molĂ©cules se rapprocher du cĂŽtĂ© concave et s’éloigner du cĂŽtĂ© opposĂ©, jusqu’à ce qu’enfin ces derniĂšres, entraĂźnĂ©es au-delĂ  de leur sphĂšre d’activitĂ© attractive, et successivement toutes celles qui les sĂ©parent de celles du cĂŽtĂ© concave dans l’épaisÂŹ seur de la tige, et les premiĂšres elles-mĂȘmes, s’abandonnent et la tige se brise? Les chimistes qui dĂ©composent l’eau par le contact du zinc et de l’acide sulfurique, voient-ils ces corps agir simultanĂ©ment sur l’oxigĂšne de l’eau; le premier, par son affinitĂ© pour ce principe; le second, par son affinitĂ© prĂ©disÂŹ posante Ă  la dĂ©composition de l’eau pour un oxide de zine qui n’existe pas encore? Voient-ils ensuite au milieu de ces choses invisibles, et cependant admises, l’oxigĂšne de l’eau se porter sur le zinc, qui se combine alors avec l’acide et forme un sulfate qui se dissout dans la liqueur, tandis que l’hydroÂŹ gĂšne rendu libre se dĂ©gage? Voient-ils l’oxigĂšne se combiner avec l’hydrogĂšne, lorsqu’ils enflamment leur mĂ©lange par l’é tincelle Ă©lectrique et forment de l’eau? Voient-ils enfin le caÂŹ lorique s’échapper des espaces intermolĂ©culaires des composĂ©s au moment oĂč ils se forment par le rapprochement de leurs parties qui se condensent ? Non sans doute. Ils ne voient de tout cela que les effets secondaires, les effets primitifs leur Ă©chappent, mais ils les dĂ©duisent de ces effets secondaires parce que l’expĂ©rience journaliĂšre, et l’analogie des sĂ©paraÂŹ tions et des rĂ©unions qui se passent dans les masses sous nos yeux, montrent sans cesse que ces phĂ©nomĂšnes molĂ©culaires doivent provenir d’effets primitifs analogues. Ainsi, pleins d’un zĂšle aveugle, ne rĂ©pĂ©tons pas sans rĂ©flexion que les sciences ne marchent en avant qu’autant que nous touchons du doigt et que nous voyons des yeux tous les faits que la raison admet comme dĂ©montrĂ©s, l’expĂ©rience nous donnerait sans cesse des dĂ©mentis nouveaux.

Entrons maintenant dans plus de dĂ©tails sur l’élude de la physiologie.

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Il est dans tous les phĂ©nomĂšnes de la nature, quels qu’ils soient, beaucoup de choses Ă  Ă©tudier, et il est toujours imÂŹ portant de savoir Ă  l’avance tout ce qu’il est possible d’y observer et tout ce qu’on doit y rechercher. La connaissance de ces choses serait un guide fort utile dans l’étude, elle serÂŹ virait de jalons dans la pratique ; et si Fesprit les coordonnait, il pourrait en rĂ©sulter une mĂ©thode universelle d’étudier les phĂ©nomĂšnes. Je l’ai cherchĂ©e long-temps, cette mĂ©thode, et je crois enfin l’avoir trouvĂ©e. Mais en embrassant, je pense,

' tous les caractĂšres que l’on peut Ă©tudier dans les phĂ©nomĂšnes de la nature, elle en indique plus qu’il n’y en a Ă  observer

Ăź dans certains phĂ©nomĂšnes. En outre, il en est qui, dans cer- I tains cas, sont peu importans, et auxquels il serait ridicule de I s’arrĂȘter. On doit en ĂȘtre prĂ©venu, et se persuader qu’une telle i mĂ©thode n’est qu’un flambeau propre a nous diriger et a nous ! montrer ce que nous devons rechercher. Je vais en dĂ©velopper 1 rapidement les principes et l’appliquer a l’étude des pliĂ©no- i mĂšnes de la vie.

Cette Ă©tude doit se composer : iÂź de celle de leurs caracÂŹ tĂšres, 2Âź de celle des propriĂ©tĂ©s des ĂȘtres ou des organes vivans dont ils dĂ©rivent, 3Âź de celle des causes habituelles qui les produisent, 4“ de celle des influences variables qui les modifient ou en dĂ©terminent de nouveaux, 5Âź de celles des

' effets qui en rĂ©sultent, 6” de celle de leurs usages ou de leurs fonctions, ’jÂź de celle des diffĂ©rences qu’ils prĂ©sentent dans des circonstances dĂ©terminĂ©es par la mĂ©thode. De ces sept articles, les cinq derniers ne sont que relatifs, et leur Ă©tude n’est que le complĂ©ment de celle d’un phĂ©nomĂšne.

Art. lÂź^ Je crois qu’on Ă©tudie et qu’on ne peut Ă©tudier gĂ©nĂ©ralement dans des phĂ©nomĂšnes ou dans un ensemble de phĂ©nomĂšnes quels qu’ils soient, et particuliĂšrement dans ceux de la vie, que les caractĂšres suivans :

IÂź. Les rapports de postĂ©rioritĂ©, de simultanĂ©itĂ©, ^antĂ©ÂŹ rioritĂ© d’un phĂ©nomĂšne avec un ou plusieurs autres, c’est-a- dire quels sont ceux qui le prĂ©cĂšdent, l’accompagnent et le suivent, qu’ils se montrent eux-mĂȘmes dans l’ĂȘtre oĂč se dĂ©ÂŹ veloppe ce phĂ©nomĂšne, ou qu’ils se passent au-dehors de lui dans les corps extĂ©rieurs.

Ces caractĂšres mettent sur la voie des causes et des effets du phĂ©nomĂšne Ă©tudiĂ©, ou font prĂ©voir entre ce phĂ©nomĂšne et ceux qui le prĂ©cĂšdent, l’accompagnent ou le suivent, une cause commune qui les rapproche.

2Âź. Leur siĂšge, c’est-a-dire la partie, l’organe, ou Iç point dans lequel ils se prĂ©sentent.

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3”. Leurs'caractĂšres spĂ©ciaux y c'est-Ă -dire ceux qui dĂ©ÂŹ pendent de leur nature particuliĂšre et lui sont propres, comme la force, la vitesse, TĂ©tendue, la direction, la grĂące, qui sont des caractĂšres presqu'excliisivement propres aux mouvemens; comme TagrĂ©raent, la peine, le plaisir, qui sont des caractĂšres propres aux sentimens et aux sensations.

4“. Leur caractùre extraordinaire et rare ou commun et habituel.

5”. Leur caractĂšre apercex^able ou inapercevahle. 6°. Leur uniformitĂ© depuis leur dĂ©veloppement jusqu’à

leur fin, ou 7Âź. Les modifications qu’ils prĂ©sentent, dans leur commenÂŹ

cement , leur accroissement, leur état stationnaire, leur dé croissement et leur fin.

8Âź. Leur durĂ©e qui peut ĂȘtre continue ou intermittente y et s’il en rĂ©sulte des accĂšs, comme ce sont des ensembles de phĂ©nomĂšnes, ils prĂ©sentent comme phĂ©nomĂšnes les mĂȘmes caractĂšres Ă  Ă©tudier que ceux dont je fais maintenant l’énuÂŹ mĂ©ration.

9". Leur nature, c’est-Ă -dire leur maniĂšre d’ĂȘtre, ou leur essence propre et manifeste, indĂ©pendamment des caractĂšres moins importons que j’ai indiquĂ©s, jusqu’ici, et de ceux que je vais exposer ensuite.

Ainsi, deux phĂ©nomĂšnes seront pour nous de mĂȘme nature, quand ce qu’il y aura de manifeste dans leur essence nous paraĂźtra identique ou Ă  peu prĂšs identique, et vice versĂą.

La nature des phĂ©nomĂšnes est simple ou composĂ©e. J’enÂŹ tends par phĂ©nomĂšne de nature simple celui qui rĂ©sulte pour nous d’un seul phĂ©nomĂšne; et par phĂ©nomĂšne dĂ©naturĂ© comÂŹ plexe, celui qui en prĂ©sente plusieurs, dont il est le rĂ©sultat total ou ^ensemble; ainsi la cbylification est un phĂ©nomĂšne complexe qui rĂ©sulte de plusieurs phĂ©nomĂšnes, tels que les contractions des intestins, les excrĂ©tions biliaire et pancrĂ©aÂŹ tique , les sĂ©crĂ©tions muqueuses et exhalatoires, etc., qui sont des phĂ©nomĂšnes simples pour nous, puisque nous ne pouÂŹ vons les dĂ©composer positivement eux-mĂȘmes en d’autres plus simples.

L’exposition des effets simples d’un pTiĂ©nomĂšne complexe ou l’exposition des phĂ©nomĂšnes intermĂ©diaires Ă  une cause et 'a son effet en est l’explication ou la thĂ©orie. On n’y parvient que par l’analyse; celle-ci n’est que l’étude particuliĂšre des Ă©lĂ©mens d’un composĂ© ou d’un ensemble, pour mieux conÂŹ naĂźtre ce composĂ© ou ce systĂšme.

10% Leurs lois y c’est-a-dire les rùgles calculables ou mn,

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calculables que l^on peut observer dans les caractĂšres d’un ou de plusieurs phĂ©nomĂšnes. L’enfant dort successivement vingt, dix-huit, quinze, douze heures par jour, Ă  mesure qu’il avance en Ăąge j l’adulte dort de sept Ă  huit heures. Ces moyennes-de la durĂ©e du sommeil en sont les lois aux diffĂ©rens Ăąges. La moyenne du nombre des inspirations et des expirations de l’air, des contractions du cƓur, etc., etc., aux diffĂ©rens Ăąges, la rĂ©apparition rĂ©guliĂšre des accĂšs de fiĂšvres intermittentes, la moyenne des succĂšs du quinquina dans ces fiĂšvres, des sucÂŹ cĂšs du mercure dans la syphilis, sont autant de lois rĂ©elles calculables, et d’ailleurs variables comme tout ce qui dĂ©pend de la vie.

Voyons maintenant des lois incalculables, et cependant sensibles et manifestes.

Nos sensations tantĂŽt s’émoussent, tantĂŽt deviennent graÂŹ duellement plus vives par l’exercice. ( Voyez page i3 ).

Notre entendement Ă©prouve avec l’ñge des changemens successifs et prĂ©vus ; l’imagination domine jusqu’à Tado- lescence, mais alors le jugement devenant plus actif et plus

1 sĂ©vĂšre, finit par Ă©touffer ou diriger les Ă©lans et les inspira- I tion de la premiĂšre. L’habitude donne graduellement plus I d’adresse Ă  nos mouvemens volontaires, et nous n’apprenons I qu’avec le temps Ă  balbutier les premiers mots de nos lan- ; guĂ©s, etc., etc. Toutes ces modifications rĂ©guliĂšres et gra^ 1 duelles sont des lois incalculables.

I En attribuant au mot loi l’idĂ©e d’une rĂšgle observable, ; sinon calculable, dans l’exercice des phĂ©nomĂšnes de la vie , i c’est indiquer un genre de caractĂšre distinct et cependant peu ; remarquĂ© dans les Ă©dites vivans, et en fixer le sens par un mot j qui n’en a pas de dĂ©terminĂ© en physiologie ; c’est enfin l’em- ' ployer dans le mĂȘme sens qu’on l’emploie gĂ©nĂ©ralement en i physique. En effet, on ne l’applique ici qu’à la rĂšgle obser- I vable dans les phĂ©nomĂšnes de la nature ; ainsi la loi de la I chute des graves est la rĂšgle calculable qu’ils suivent dans les i espaces qu’ils parcourent, dans un temps donnĂ©.

Dans les sciences de la structure de la matiĂšre, la loi est I encore une rĂšgle, car c’est la disposition rĂ©glĂ©e ou rĂ©guliĂšre, I apprĂ©ciable dans la structure des corps, des cristaux par ! exemple.

Il suit de'ces rĂ©flexions, qu’on abuse de cette expression lorsqu’on dit que le consensus Ă©tabli entre nos organes est une loi : ce n’est qu’un fait harmonique ou sympathique. Une ir-

Ăź

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ritaĂ»on amĂšne une phlogose, c’est un fait produit par une cause connue. L’ordre de dĂ©veloppement de chaque phĂ©noÂŹ mĂšne de la phlogose est la loi de leur dĂ©veloppement.

Art. 2. Quant aux propriĂ©tĂ©s vitales, l’esprit doit et ne peut arriver directement a leur connaissance que par celle des phĂ©nomĂšnes. Lorsque nous les vouions connaĂźtre, recherÂŹ chons donc quels sont les phĂ©nomĂšnes de l’ĂȘtre vivant, et que ces propriĂ©tĂ©s ne soient que des dĂ©ductions d’observations positives. Ne jugeons de leur nature que par la diversitĂ© paÂŹ tente de l’essence des phĂ©nomĂšnes, et ces propriĂ©tĂ©s offriront

- alors la réflexion fidÚle de ceux dont elles seront déduites. Ainsi, par conséquent, concevons autant de propriétés di

verses dans l’ĂȘtre vivant qu’il y a de phĂ©nomĂšnes de nature diffĂ©rente; que par exemple les facultĂ©s de sentir, de se con-r tracter, d’absorber, de sĂ©crĂ©ter soient autant de facultĂ©s ou de propriĂ©tĂ©s distinctes pour nous, parce que les phĂ©nomĂšnes dont elles sont dĂ©duites n’ont pas la moindre ressemblance dans leur nature.

Concevons en outre CQmmQfacultĂ©s complexes toutes celles qui sont dĂ©duites d’un phĂ©nomĂšne composĂ© ou de facultĂ©s plus simples, et ne rejetons pas la digestibilitĂ© ou la facultĂ© de digĂ©rer, du nombre des propriĂ©tĂ©s de la vie, car ce serait nier que des ĂȘtres vivans puissent digĂ©rer; mais classons-la dans les propriĂ©tĂ©s complexes.

Concevons an contraire comme facultĂ©s simples celles qui sont dĂ©duites d’un phĂ©nomĂšne simple pour nous, telle sera la contractilitĂ©, car elle est dĂ©duite des contractions dont nos organes sont susceptibles, et ces contractions, en effet, sont des phĂ©nomĂšnes simples qu’il faut isoler, par l’analyse, de l’action des nerfs et des autres causes qui les dĂ©terminent. Autrement, ce serait confondre la cause et l’effet sous une mĂȘme dĂ©nomination.

Mais si, au lieu d’en appeler aux faits dans la dĂ©duction des propriĂ©tĂ©s, on s’égarait dans des suppositions hasardĂ©es, ces suppositions enfanteraient des suppositions, et les propriĂ©tĂ©s seraient incertaines comme elles, et le plus souvent erronĂ©es.

Art. 3. Les causes des phĂ©nomĂšnes de la vie ne sont que des phĂ©nomĂšnes, on les nomme causes relativement Ă  ceux qu’ils produisent. Ces expressions sont donc toujours relatives, puisqu’elles indiquent la relation d'un phĂ©nomĂšne producÂŹ teur avec un autre qui en est le rĂ©sultat. Puisque les causes ne sont au fond que des phĂ©nomĂšnes, il s’en suit qu’elles dpi: vent revĂȘtir les mĂȘmes caractĂšres que ces derniers, et qu’il

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faut encore examiner chez elles ces caractĂšres, avec soin, Jorsqu^on veut faire une Ă©tude approfondie des phĂ©nomĂšnes qu’elles produisent.

Quoi qu’il en soit, disons d’oĂč viennent les causes qui peuvent agir sur nous.

Elles proviennent : tantĂŽt de nous-mĂȘmes, et sont des causes indwidueUes; 2" tantĂŽt de l’extĂ©rieur, et sont des causes extĂ©rieures.

Les causes individuelles rĂ©sultent elles-mĂȘmes, soit delĂ  disposition matĂ©rielle ou structure de l’individu, et je les nomme causes matĂ©rielles^ soit de ses phĂ©nomĂšnes, et je les nomme causes actives. Ces causes agissent, tantĂŽt, par la continuitĂ© des organes oĂč elles se dĂ©veloppent , comme le nerf excitĂ© qui en transmet l’impression au cerveau, par sa continuitĂ© avec cet organe ; tantĂŽt, par la continuitĂ© des parÂŹ ties oĂč elles apparaissent, comme les mouvemens du cƓur qui le font heurter le cĂŽtĂ© gauche de la poitrine, par la conÂŹ tiguĂŻtĂ© de cet organe avec ce cĂŽtĂ© ; tantĂŽt, par sympathie y c’est-k-dire sans moyen intermĂ©diaire matĂ©riel connu, comme l’action des organes gĂ©nitaux sur le larynx, surtout au moÂŹ ment de leur dĂ©veloppement, k la pubertĂ©* tantĂŽt enfin les causes paraissent provenir de la constitution entiĂšre et sont constitutionnelles : telles sont celles des affections scorbuÂŹ tiques , rhumatismales, etc.

D’une autre part, enfin, les causes agissent tantĂŽt direcle- j ment et immĂ©diatement, tantĂŽt indirectement et mĂ©diatement. 1 Art. 4* Les infl.uences sont les actions qui* modifient i les phĂ©nomĂšnes ordinaires de la vie ou en produisent d’acci- i dentels, tandis que les causes mĂȘmes ne donnent lieu qu’aux I effets qui la caractĂ©risent habituellement. Les influences sont

comme les causes, des relations abstraites. C’est en effet le rapport que l’esprit saisit entre ce qui influence et les rĂ©-

j sultats qui en sont la suite. Elles ont les mĂȘmes caractĂšres II et naissent des mĂȘmes sources gĂ©nĂ©rales que les causes. Leur l( histoire devrait toujours suivre celle des fonctions dans un I ouvrage de physiologie. i Art. 5. Les effets des phĂ©nomĂšnes de la vie ne sont eux-

\\ mĂȘmes que des phĂ©nomĂšnes considĂ©rĂ©s par rapport k celui i| qui les a produits. Ainsi ce ne sont encore que des relations, II et comme phĂ©nomĂšnes ils en possĂšdent tous les caractĂšres. Il Il est utile de les examiner lorsqu’on Ă©tudie spĂ©cialement le It phĂ©nomĂšne qui les produit. I De mĂȘme que les causes de nos phĂ©nomĂšnes peuvent venir

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de rindividu ou du dehors, de mĂȘme les effets peuvent se passer en nous-mĂȘmes ou au dehors, et parce que leurs causes peuvent agir par continuitĂ©, par contiguitĂ©, par sympathie ou par toute la constitution du sujet, ils peuvent ĂȘtre le rĂ©ÂŹ sultat de quatre genres de causes diffĂ©rentes.

Art. 6. Les usages des phĂ©nomĂšnes ou les fonctions qu’ils remplissent se conçoivent d’aprĂšs leurs rĂ©sultats. C’est donc l'a qu’il faut aller apprendre 'a les connaĂźtre. Ce ne sont encore ici, que des relations idĂ©ales analogues Ă  celles des proÂŹ priĂ©tĂ©s vitales. Et de mĂȘme qu’il y a des facultĂ©s simples, de mĂȘme aussi nous concevons Aes fonctions simples (ce sont celles que remplit un phĂ©nomĂšne simple et unique ) et des fonctions composĂ©es ( ce sont celles qui sont exĂ©cutĂ©es par un ou plusieurs phĂ©nomĂšnes simples ou complexes. )

Art. 7. Les diffĂ©rences des phĂ©nomĂšnes de la vie corÂŹ respondent 'a des circonstances que l’on peut dĂ©terminer et inÂŹ diquer jusqu’à un certain point, telles sont celles des sexes, des Ăąges, des tempĂ©ramens, de certaines idiosyncrasies, des maladies, de certaines diathĂšses, telles sont enfin les circonsÂŹ tances extĂ©rieures au milieu desquelles on peut se trouver.

Je finis et je me rĂ©sume sur celte introduction. J’ai cherchĂ© Ă  caractĂ©riser la physiologie et Ă  en distinguer l’hygiologie trop souvent confondue avec elle. J’ai parlĂ© de Tart d’étudier la physiologie, j’en ai discutĂ© les principes, et pĂ©nĂ©trant plus avant dans les dĂ©tails, j’ai appliquĂ© a l’étude des phĂ©nomĂšnes de la vie une mĂ©thode gĂ©nĂ©rale que j'ai employĂ©e, maintes et maintes fois Ă  l’examen de toutes sortes de phĂ©nomĂšnes de la nature, pour avoir consacrĂ© beaucoup d’instans et de rĂ©ÂŹ flexions Ă  Vart Ă©tudier. Je me trouverais trop heureux si, aprĂšs tant de mĂ©ditations, trois mĂ©thodes universelles d'Ă©tude^ auxquelles je crois avoir enfin ramenĂ© naturellement Jous fis objets dont l’esprit humain peut s'occuper, pouvaient ĂȘtre rĂ©ellement utiles, et devenir un jour classiques dans l’étude et l’enseignement.

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ESSAI D’ANALYSE DES

PHENOÎHENES DE LA VIE ;

PAR M. GERDY,

AIDE D’ANATOMIE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS , ÉLÈVE NATURALISTE

DU GOUVERNEMENT,

Extrait du Journal complémentaire du Dictßonaire des

Sciences médicales.

Les phĂ©nomĂšnes de la vie sont les divers Ă©tats sous lesquels ae prĂ©sentent les organes pendant son cours ; ce sont, en d’autres termes, les cliangemens dont ils sont susceptibles. Avant d’en faire l’analyse, indiquons-en rapidement les causes.

§. I. Causes des phĂ©nomĂšnes de la vie. — Les causes des phĂ©nomĂšnes de la vie sont plus ou moins intenses, subites et longues dans leur action. Elles peuvent ĂȘtre intermittentes ou continues, agir avec d’autres causes qui augmentent on neutralisent leur puissance ; elles peuvent ĂȘtre rĂ©guliĂšres ou anomales, habituelles ou extraordinaires, sympathiques ou idiopathiques ; directes, comme la contraction musculaire qui agit immĂ©diatement sur les aponĂ©vroses ; indirectes, comme les affections cĂ©rĂ©brales qui agissent sur le cƓur ; permaÂŹ nentes ou non permanentes en mĂȘme temps que leur effet '.

Les causes individuelles sont durables, les unes pour un temps, les autres pour toute la vie. Ainsi, les organes gĂ©niÂŹ taux n’agissent qu’un certain temps sur l’économie, tandis

* La connaissance de celles-ci est fort importante pour la thĂ©rapeuÂŹ tique : c’est lorsque les causes sont permanentes qu’il faut les traiter ; dans le cas contraire, les causes sont nuUes pour l’emploi des moyens de traitement.

I

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( 2 ) t[ue Pestomac, le cƓur, les poumons agissent pendant tonte la dinĂ©e de l’existencej les unes sont intermittentes, comme raelion des sens sur le cerveau , celle du cerveau sur les muscles, et celle des muscles sur les tissus fibreux, les os, etc. ; les autres sont continuelles, comme l’action du cƓur, qui n’olTre jamais que des rĂ©mittences assez lĂ©gĂšres. Il en est plusieurs qui agissent simultanĂ©ment et forment alors un sysÂŹ tĂšme de causes plus ou moins complexe ; ainsi un grand nombre d’agens concourent a la fois a l’expulsion des matiĂšres fĂ©cales, du fƓtus, etc. Quelques-unes agissent directement par voie de continuitĂ© ou de contiguitĂ©, d autres agissent par les sympathies des organes.

Il est des causes individuelles matérielles de certains phé nomÚnes de la vie, qui sont trÚs-manifestes. La conforma tion et les propriétés physiques des organes sont les causes

^ Ă©videntes de tous leurs pnĂ©nomĂšnes physiques et mĂ©caniques. La conformation, la structure, les propriĂ©tĂ©s des parties transparentes de TƓil dĂ©terminent le trajet de la lumiĂšre dans cet organe et les rĂ©fractions qu’elle y subit ; la conformation «du crĂąne, du thorax, du bassin, les propriĂ©tĂ©s des os qui les forment, des ligaraens qui les rĂ©unissent, dĂ©terminent le mode de rĂ©sistance de toutes ces parties ; c’est la forme de Tar- ticulation du coude, k direction de ses surfaces, qui dĂ©terÂŹ minent en grande partie la direction de ses mouvemens, etc.

Outre ces causes matĂ©rielles Ă©videntes de certains phĂ©ÂŹ nomĂšnes, il en est qui ne sont dus a aucune action ni extĂ©ÂŹ rieure ni intĂ©rieure apprĂ©ciable, et qui uaissent spontanĂ©ÂŹ ment, au moins en apparence, dans rĂ©conomie j telles sont certaines douleurs accidentelles , certaines sensations, cerÂŹ taines dĂ©gĂ©nĂ©rations qui se dĂ©veloppent dans nos tissus sans qu’il soit possible d’en apercevoir la cause. Il est trĂšs-proÂŹ bable que c’est a des dispositions matĂ©rielles organiques, insensibles et inapprĂ©ciables, que sont dus ces phĂ©nomĂšnes en apparence spontanĂ©s ^ tels que certains temperamens , certains Ă©tats maladifs qu’on appelle diathĂšses. Enfin, il est des dispositions matĂ©rielles, en partie apprĂ©ciables et inapÂŹ prĂ©ciables , qui donnent naissance Ă  certains phĂ©nomĂšnes ; telles sont les constitutions diverses des Ăąges , des sexes, des tempĂ©ramens, des diathĂšses, dont la disposition matĂ©rielle ĂȘst toujours partie manifeste , partie mystĂ©rieuse.

Ces divers Ă©tats plus on moins patens de l’organisation sont les constitutions individuelles ) les phĂ©nomĂšnes qui ert

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( 3 ) dĂ©pendent sont constitutionnels et essentiels, comme ils sont en mĂȘme temps simultanĂ©s. On peut les appeler simultaÂŹ nĂ©itĂ©s constitutionnelles et essentielles.

On a encore beaucoup d’exemples de phĂ©nomĂšnes produits les uns par les autres. Je me bornerai a indiquer, eu gĂ©nĂ©ral, tous ceux qui se succĂšdent dans une sĂ©rie d’organes coiuinus, comme les actes de la digestion , de la circulation, etc. Les phĂ©nomĂšnes producteurs, dans ces cas, sont des causes inÂŹ dividuelles actives.

Beaucoup d’agens extĂ©rieurs dĂ©terminent aussi des chan- gemens dans l’économie. Toutes les sensations physiques, par exemple, rĂ©sultent de l’action de ces derniers.

Mon intention n’est pas de m’arrĂȘter sur toutes ces causes ; je ne 'mulais que les indiquer.

§. IL PhĂ©nomĂšnes de la vie. — Les phĂ©nomĂšnes de la vie diffĂšrent entre eux selon leur siĂšge, leur simultanĂ©itĂ© , leur raretĂ©, leur frĂ©quence, leur intensitĂ© , leur force , leur facilitĂ©, la peine ou ragrĂ©ment qu’ils procurent, selon les rĂ©sultats de continuitĂ©, de contiguitĂ©, ou de sympathie dont ils peuvent ĂȘtre la cause, selon leur nature simple ou comÂŹ plexe, et selon les rapports qu’ils ont avec leurs causes, les diffĂ©rences que ces causes peuv'ent prĂ©senter dans leur caractĂšre de force, de durĂ©e, etc. Pour le moment, je ne parÂŹ ierai que de leur nature.

Nature des phĂ©nomĂšnes de la vie. — Ces phĂ©nomĂšnes sont les uns simples , les autres complexes.

Il n’est peut-ĂȘtre aucun phĂ©nomĂšne qui ne consiste que dans un seul et mĂȘme changement, et oĂč il n’y ait qu’un effet de produit; mais nous devons considĂ©rer comme tels ceux que nous n’avons pu analyser et dĂ©composer en plusieurs phĂ©nomĂšnes plus simples, dont l’effet complexe serait le rĂ©ÂŹ sultat. Ainsi, un organe sĂ©crĂšte un fluide; nous ne connaisÂŹ sons pas les effets qui se passent dans lĂą sĂ©crĂ©tion : ce phĂ©noÂŹ mĂšne, pour nous, reste simple, quoiqu’il soit trĂšs-probableÂŹ ment composĂ©.

PhĂ©nomĂšnes composĂ©s. — Les phĂ©nomĂšnes les plus comÂŹ posĂ©s de l’économie vivante chez l’homme, sont : l’aper- ception ; 2Âź la locomotion ; 3Âź l’expression vocale ; 4** digestion ; 5Âź la respiration ; 6“ la circulation ; -jÂź la nutrition 5 8Âź la gĂ©nĂ©ration ; 9Âź la chute des dents ; 1 oÂź la chute des parÂŹ ties Ă©pidermiques ; ajoutons y encore, 11Âź le relĂąchemenl des tissus J 12" i’inÛammalion j i5° la cicatrisation. Ces trois dei-

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( 4 ) iiiers sont des pliĂ©nomĂšnes morbides qui ne rentrent dans aucun des prĂ©cĂ©dens, mais qui, cependant, comme nous le verrons, se rĂ©duisent, en derniĂšre analyse, aux mĂȘmes effets

Ă©lĂ©mentaires. A la perception se rapportent, iÂź la sensation ; ce n’est que

l’impression reçue par nos parties, et les modifications puy- siques que certains excitans subissent dans Torgane de la senÂŹ sation avant d’agir Ăż 2° la transmission de la sensation ; 3Âź la perception de la sensation actuelle; 4** le jugement. Il faut y rapporter, pour d’autres cas, la perception de souvenirs, d’imaginations, et d’un jugement sur ces souvenirs et ces imaginations; et, pour d’autres cas encore, la perception d’une passion, d’une Ă©motion de l’ame.

Tous ces phénomÚnes, excepté les modifications physiques des excitans, sont vitaux.

La locomotion se compose : i” de la transmission vitale des voĂ»tions du cerveau aux muscles par les nerfs ; 2° de la contraction vitale de ceux-ci ; 3° de la tension mĂ©canique des parties fibreuses qui les unissent aux os ; 4Âź rĂ©sistance immobile ou du mouvement mĂ©canique de ceux-ci et de toutes leurs parties articulaires, selon que l’effet des muscles est ou n’est pas suivi de mouvement.

C’est encore aux phĂ©nomĂšnes de mouvement qu’il faut rapÂŹ porter, 1° les dĂ©placemens des os de la face, lentement opĂ©rĂ©s par la force distensive d’un polype nasal, et que l’on rĂ©duit Ă  des rĂ©sistçuices et a des mouvemens mĂ©caniques insensibles des parties que ce polype dilate et sĂ©pare ; 2Âź les contractions involontaires Ă u cƓur, des intestins, etc.; contractions lentes, les expansions de certaines parties, qui sont autant d’actes vitaux ; 3° les rĂ©sistances, les distensions mĂ©caniques, les retours Ă©lastiques , les raccornissemens , les commotions , tous les mouvemens communiquĂ©s aux parties par une force Ă©trangĂšre , toutes les solutions de continuitĂ© ( sections, rupÂŹ tures, briseraens, dĂ©chirures), et tous les dĂ©placemens qui peuvent en ĂȘtre la suite : phĂ©nomĂšnes qui sont tous physiques ou mĂ©caniques.

L’expression vocale se compose des phĂ©nomĂšnes vocaux du larynx, et des modifications des sons dans le pharynx, les fosses nasales et la bouche.

Aux phĂ©nomĂšnes du larynx se rapportent, iÂź la contraction vitale des muscles de la glotte ; 2Âź le brisement de l’air contre

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/

( 5 ) les lÚvres de celle-ci, leurs v ibrations et celles de Pair, qui sont des phénomÚnes mécaniques et physiques.

Aux modifications sonores qui ont lieu au-del'a du larynx , se rapportent, i“ la propagation physique dans le pharynx, Tisthme du gosier, la bouche, les fosses nasales et leurs dĂ©ÂŹ pendances, des sous du larynx ; 2“ les modifications physiques qu’ils y Ă©prouvent, que ces parties restent immobiles ou qu’elles entrent en action; 3° les mouvemens de ces organes, qui sont des contractions vitales.

A la digestion se rapportent, 1° la faim et la soif; 2° la prĂ©hension des alimens et des boissons ; 3“ la mastication des premiers ; 4° dĂ©glutition ; 5° la digestion ; 6° l’intesti- nation; 7” la dĂ©fĂ©cation.

La faim et la soif sont deux sortes de sensations, et par conséquent des phénomÚnes vitaux.

La prĂ©hension des alimens est un phĂ©nomĂšne de locomotion qu’on ramĂšne, comme ceux de la locomotion, Ă  des contracÂŹ tions , a des rĂ©sistances mĂ©caniques, et a des mouvemens communiquĂ©s.

La mastication est la suite , 1Âź des contractions vitales des muscles masticateurs, de celles des lĂšvres, des joues et du plancher de la bouche, qui retiennent ou repoussent les aliÂŹ mens sous les dents ; 2*’ des mouvemens communiquĂ©s des mĂąchoires ; 3" de leur rĂ©sistance mĂ©canique, et de celle des alimens ; 4“ des sĂ©crĂ©tions salivaires et folliculaires de la bouche augmentĂ©es, de la gustation, d’un grand nombre de contracÂŹ tions qui la favorisent, et d’une sĂ©crĂ©tion exhalatoire, qui sont autant de phĂ©nomĂšnes vitaux.

La dĂ©glutition se compose, 1“ du rapprochement des mĂą- clioires : c’est un phĂ©nomĂšne de locomotion ; 2“ des contracÂŹ tions des lĂšvres , des joues, de la langue , de l’isthme du goÂŹ sier, de celles du pharynx et de l’Ɠsophage, de l’augmentaÂŹ tion des sĂ©crĂ©tions du pharynx et de rƓsophage : ce sont des actions vitales ; 3Âź des mouvemens communiquĂ©s au larynx , Ă  l’épiglotte, aux parties voisines, de la rĂ©sistance des aliÂŹ mens, de leur progression Ăą travers le pharynx et l’Ɠsophage , et des dilatations qu’ils font Ă©prouver aux parties dans lesÂŹ quelles ils pĂ©nĂštrent : ce sont autant d’effets mĂ©caniques.

A la digestion se rapportent tous les phĂ©nomĂšnes qui se passent dans restomac: 1° l’entrĂ©e des alimens et des boissons ^ dans cet organe, sou extension, ses lĂ©gers cliangemens de giluatiojQ et de directiou qui sont des phĂ©nomĂšnes mĂ©caniques ;

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( 6 ) 2° l’excitation plus ou moins sensible que Torgane Ă©prouve , ses sĂ©crĂ©tions et peut-ĂȘtre ses conlractions devenues plus acÂŹ tives, qui sont des phĂ©nomĂšnes vitaux 5 3" les actions chimiques des matiĂšres dans l’estomac, d’oĂč resuite le chyme; 4* la rĂ©ÂŹ sistance et la progression mĂ©caniques des alimens Ă  travers le pylore, sous l’influence des contractions du viscĂšre.

SJinteslination comprend les phĂ©nomĂšnes qui se passent dans tous les intestins ; des contractions vitales qui agissent sur les matiĂšres contenues; 2° des rĂ©sistances,^ des mquve- inens de progression de la part de ces matiĂšres, des dilataÂŹ tions qu’elles font Ă©prouver aux parties des intestins ou elles pĂ©nĂštrent : ce sont tous des phĂ©nomĂšnes mĂ©caniques ; 3“ des sĂ©crĂ©tions biliaire, pancrĂ©atique et intestinale augmentĂ©es: ce sont des phĂ©nomĂšnes vitaux ; 4*" ^i^s actions molĂ©culaires de la part des matiĂšres en contact ; d’oĂč rĂ©sultent le chyle, la matiĂšre excrĂ©mentilielle, des liquides et des gaz : ce sont des phĂ©nomĂšnes chimiques; 5“ l’absorption du chyle, et, en mĂȘme temps, des sensations intĂ©rieures plus ou moins disÂŹ

tinctes, enfin, le besoin d’aller a la selle : ce sont des phĂ©ÂŹ

nomÚnes vitaux. La défécation, acte trÚs-composé, résulte, 1° des contrac

tions des muscles abdominaux, et peut-ĂȘtre de la contraction augmentĂ©e du gros intestin, qui sont des phĂ©nomĂšnes vitaux ; 2° de la distension des intestins par les matiĂšres contenues, de leur rĂ©sistance, de celle du diaphragme appuyĂ© sur les poumons, de celle des poumons soutenus par l’air qui les remplit, de celle de l’air Ini-mĂȘme appuyĂ© sur la glotte conÂŹ tractĂ©e ‘ ; enfin, de la dilatation du sphincter et de l expulÂŹ sion des excrĂ©mens, qui sont autant de phĂ©nomĂšnes mĂ©caÂŹ niques , Ă  l’exception de la contraction vitale de la glotte.

A la respiration, se rapportent le besoin de respirer, l’ins- pĂźralion de Tair, l’action rĂ©ciproque de l’air et du sang dans les poumons, et l’expiration du premier.

Le besoin de respirer est une sensation, et par conséquent

un phĂ©nomĂšne vital. L’inspiration se compose de l’augmentation transversale,

verticale, et d’avant en arriĂšre, de la capacitĂ© du thorax. Ce mouvement est dĂ», i°à la contraction vitale du diaphragme et de beaucoup de muscles extĂ©rieurs aux cĂŽtes ; 2Âź aux mouvemens mĂ©caniques de celles-ci et du sternum, a la di-

»

‘ VoyeĂŻ rt'XGf'lĂźenl MĂ©moire de M. Eourdon sur la resplralioo, ete.

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( 7 ) Ăźatatioii, probablement mĂ©canique, des poumons par l’entrĂ©e de r air, que sa pesanteur y prĂ©cipite : le mouvement des cĂŽtes est le rĂ©sultat de leur Ă©lĂ©vation et de leur rotation ; celui du sternum, de son Ă©lĂ©vation et de sa projection en avant, surtout par son appendice.

L’action rĂ©ciproque de l’air et du sang est fort peu conÂŹ nue. Nous savons cependant, i” que l’air expirĂ© est chargĂ© de plus de carbone que celui de riiispiralion ; 2° que le sang est plus chaud, d’un rouge plus vif, d’une odeur plus forte , d’une pesanteur plus grande, qu’il a moins de capacitĂ© pour le calorique, et contient moins de sĂ©rositĂ© aprĂšs avoir reçu l’influence de l’air dans les poumons.

L’expiration se compose de phĂ©nomĂšnes inverses a ceux de l’inspiration. La poitrine dilatĂ©e se rĂ©trĂ©cit par des conÂŹ tractions vitales ou par l’élasticitĂ© de ses parties. La toux, le soupir, le hoquet, etc., sont des phĂ©nomĂšnes momentanĂ©s et accidentels de la respiration et de l’expression vocale, dont tous les Ă©lĂ©mens se rapportent Ă  ceux de ces fonctions.

La circulation , qui consiste dans le transport du sang des poumons Ă  tous les organes par les cavitĂ©s gauches du cƓur, et de tous les organes aux poumons par les cavitĂ©s droites de ce viscĂšre, se compose, 1” des contractions des organes cirÂŹ culatoires, qui ont Ă  la fois lieu, dans les vaisseaux, par un retour Ă©lastique de leurs parois et par leur contraction 'viÂŹ tale lente^ et, dans le cƓur, par une contraction vitale subite ; 2Âź de la rĂ©sistance du sang , de son reflux , de sa progression, qui sont tous des phĂ©nomĂšnes mĂ©caniques ; 3Âź du redresseÂŹ ment des valvules par le reflux du sang, de leur rĂ©sistance, de la dilatation des organes circulatoires, et de leur rĂ©sisÂŹ tance, qui est toute mĂ©canique, au moins dans les vaisseaux sensibles; vitale, et peut-ĂȘtre en partie mĂ©canique dans le cƓur, sous l’effort extensif du sang.

A la nutrition se rapportent, 1” le mouvement habituel de composition de nos parties ; 2” le mouvement opposĂ© de dĂ©ÂŹ composition ; 3° l’accroissement total ou partiel de l’individu j 4° l’atrophie; 5Âź les ulcĂ©rations spontanĂ©es, 6" les dĂ©gĂ©nĂ©ra- lions variĂ©es de nos tissus, qui sont tous des phĂ©nomĂšnes vitaux.

La gĂ©nĂ©ration se compose, iÂź de la pĂ©riode de l’amour et du besoin physique; 2Âź de la copulation ; 3Âź de la gestation ; 4* de l’accouchemcnt ; 5Âź de l’alaitement ; 6Âź de l’amour des

pareils.

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( 8 ) Uamour et le besoin physique sont des phénomÚnes

vitaux. Dans l’homme, la copulation rĂ©sulte, de l’érection de

la verge qui provient d’une expansion vitale, de compressions mĂ©caniques, momentanĂ©es, et plus ou moins soutenues , exerÂŹ cĂ©es par les contractions des muscles bulbo et ischio caverneux sur la verge et le sang qui la remplit 5 2^^ de l’accouplement et de riniromission de la verge avec mouvemens rĂ©pĂ©tĂ©s qui appartiennent Ă  la locomotion, s’accompagnent de sensations voluptueuses et de convulsions de plaisir ; enfin, de l’éjacu- lation que la voluptĂ© procure : celle-ci rĂ©sulte elle-mĂȘme d’une action primitive inconnue, au moins en partie, qui porte le sperme dans l’urĂštre, et puis de la contraction vitale et convulsive des bulbo-ischio-caverneux , des releveurs de l’anus , et de la progression saccadĂ©e du fluide sĂ©minal dans le vagin, l’utĂ©rus, et peut-ĂȘtre les trompes par un mĂ©caÂŹ nisme encore bien mystĂ©rieux.

Dans la femme, la copulation se compose aussi, de l’accouplement, des sentimens et des mouvemens voluptueux qui ne sont, en derniĂšre analyse, que des sensations perçues et des contractions volontaires*, de la fĂ©condation, qui lui est particuliĂšre, et consiste dans l’animation du germe, qui est incounii dans ses phĂ©nomĂšnes Ă©lĂ©mentaires , et paraĂźt ĂȘtre le rĂ©sultat composĂ© d’uu contactfĂ©condant et d’une animation

consĂ©cutive, A la gestation se rapportent, l’union vitale et intime

du germe fĂ©condĂ© a la surface interne de l’utĂ©rus, ou acciÂŹ dentellement a quelque autre organe, phĂ©nomĂšne analogue Ă  la cicatrisation * 2^^ l’absence habituelle des rĂšgles, l’accroisÂŹ sement de TulĂ©rus qui est un singulier phĂ©nomĂšne de nutriÂŹ tion , et tous les goĂ»ts, les sentimens et les accidens bizarres des femmes enceintes, qui se rapportent aux phĂ©nomĂšnes habituels de la vie, dont ils ne sont que des modifications ; 3^^ les phĂ©nomĂšnes du fƓtus, parmi lesquels nous n’en conÂŹ naissons pas d’une nature particuliĂšre.

L’accouchement consiste : dans les douleurs habituelles de l’enfantement, dans les efforts musculaires de la mĂšre pour l’expulsion du fƓtus, dans les contractions convulsives de l’utĂ©rus, phĂ©nomĂšnes que l’on ramĂšne k des sensations perçues et a des contractions vitales ; 2^ dans la pression de la poche des eaux, sa saillie , sa rupture , l’écoulement des

phénomÚnes mécaniques 3 dans son mélange avec les

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( 9 ) humeurs du vagin, phĂ©nomĂšne chimique ; dans la comÂŹ pression que le fƓtus Ă©prouve, dans sa progression mĂ©canique Ă  travers des parties qu’il a rompues, a travers d’autres qu’il dilate et qui le compriuieni ; dans les changemens de direcÂŹ tion qu’il subit jusqu’à son issue , soit par la torsion et la roÂŹ tation de ses parties, soit par leurs iuliexions qui sont autant d’effets mĂ©caniques , 3"^ dans ia sĂ©paration du placenta, phĂ©ÂŹ nomĂšne qui rĂ©sulte, et de lu coutrAction de la matrice , et trĂšs-probablement de la mort prĂ©alable des liens organiques du placenta Ă  l’utĂ©rus -, 4^ dans celle de rĂ©pichorion et du cordon qui est une sorte de sphacĂšle ; 5*^ dans les lochies, auxquelles se rapportent les sensations, la calorification , les sĂ©crĂ©tions modifiĂ©es dans rutĂ©rus, en sorte que ces lochies ont plus d’un trait de ressemblance avec une inflammation et avec une sĂ©crĂ©tion de pus.

A l’allaitement se rapportent : la fiĂšvre de lait, qui est line modification des sensations, de la calorification, de la circulation, etc., et n’offre aucun phĂ©nomĂšne d’une nature particuliĂšre; 2* la sĂ©crĂ©tion du lait, qui est un phĂ©nomĂšne vital ; 3Âź la succion de l’enfant, qui est un phĂ©nomĂšne mĂ©ÂŹ canique , provenant du vide opĂ©rĂ© par le nourrisson, de la compression de l’air sur la mamelle, sur le lait tout formĂ© qu’elle contient, et probablement de la contraction des vaisÂŹ seaux lactĂ©s.

L’amour des parens est une passion de l’ame et un phĂ©ÂŹ nomĂšne vital.

Le relùchement de nos parties résulte de la diminution de leur cohésion, de leur élasticité et de leurs contractions lentes.

La chute des dents rĂ©sulte de la mort des vaisseaux et nerfs qui s’y portent, en un mot, de tous les liens organiques par lesquels ces dents adhĂšrent aux alvĂ©oles, de la disparition de celles ci par la nutrition , de la rĂ©traction simultanĂ©e des gencives. La chute de l’épiderme, des poils, des bois du cerf, des plumes des oiseaux, du fourreau Ă©pidermitfue des serpens, de l’enveloppe extĂ©rieure des crustacĂ©s ou de l’insecte qui se mĂ©tamorphose, etc., rĂ©sulte aussi de la mort des adÂŹ hĂ©rences organiques par lesquelles ces parties restent fixĂ©es aux tissus sous-jaceiis, et d’une force mĂ©canique par laquelle la sĂ©paration en est opĂ©rĂ©e.

L’inflammation rĂ©sulte, comme tous les phĂ©nomĂšnes cirÂŹ culatoires , de contractions, de dilatations vasculaires, de rĂ©-

jvistances de la part des vaisseaux et des fluides, de la pro-

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( ’O )

pression de ceux-ci^ de certains autres phénomÚnes de dou leur, de chaleur, en sorte que rinflamination est un effet trÚs- composé , quoique son mécanisme soit encore enveloppé des ombres du mystÚre.

La cicatrisation est le rĂ©sultat iÂź dhine sĂ©crĂ©tion ; 2Âź de ranimation de son produit et de son adhĂ©sion intime, soit avec la surface libre cutanĂ©e ou muqueuse qui le sĂ©crĂšte, soit avec les deux surfaces contiguĂ«s entre lesquelles il est versĂ©, soit avec les parties au milieu desquelles il est sĂ©crĂ©tĂ© *. A ce phĂ©nomĂšne se rapportent, par consĂ©quent, la rĂ©union d'une plaie, l’adhĂ©sion de deux surfaces sĂ©reuses, la formation da cal, etc.

Tels sont Ă  peu prĂšs, je crois, tous les phĂ©nomĂšnes simples auxquels on peut ramener lesefiets compliquĂ©s de l'Ă©conomie. Je vais maintenant les examiner dans un ordre mĂ©thodique et d’une maniĂšre spĂ©ciale.

Je n’ai citĂ© en particulier ni les sĂ©crĂ©tions exhalatoires, folliculaires, glandulaires, etc., ni la calorification, ni la rĂ©sistance vitale de nos Ă©lĂ©mens organiques, parce qu'ils sont pour nous autant de phĂ©nomĂšnes simples, puisque nous n'aÂŹ vons sur eux la connaissance d’aucun effet secondaire positif.

PhĂ©nomĂšnes simples, — Ces phĂ©nomĂšnes se sĂ©parent naÂŹ turellement en quatre ordres : ils sont vitaux, mĂ©caniques, physiques ou chimiques.

PhĂ©nomĂšnes vitaux. — Ces phĂ©nomĂšnes 1° ne s'observent que dans les corps vivans, comme la rĂ©sistance que ceux-ci opposent aux forces physiques qui tendent a en sĂ©parer les Ă©lĂ©mens ; 2Âź ils peuvent ĂȘtre dĂ©veloppĂ©s dans ces corps par des actions qui ne sauraient les dĂ©velopper dans aucun des corps inertes, comme l’inflammation locale produite par l'apÂŹ plication de la chaleur a une partie; 3Âź d’autres fois ils s’v maÂŹ nifestent spontanĂ©ment, comme les mouvemens volontaires, tandis que cela n'arrive jamais dans les corps inertes ; 4*" sont variables sous des influences inapprĂ©ciables : ainsi nos impresÂŹ sions changent d’un jour a l’autre, sans cause connue; 5Âź enfin, ils sont rarement assez rĂ©guliers pour que la loi Ă  laquelle ils obĂ©issent puisse ĂȘtre exprimĂ©e par le calcul ; en effet, les impressions s’émoussent ou deviennent plus vives, les mouveÂŹ mens s’affaiblissent ou deviennent plus Ă©nergiques, sans aucun ordre numĂ©rique ni calculable dans les accroissemens ou les

‘ L'assimilai ion parait pouToir se rĂ©duire aux mĂȘmes Ă©lĂ©mens»

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( II ;

dĂ©croĂźsseniens de leur intensitĂ©, de leur promptitude a s’é mousser, Ă  s’aifaiblir ou a augmenter d’énergie.

Il y en a dix-huit genres : G"Ÿ. I. PhénomÚnes de résistance vitale ou d!affinité vi^

taie. — Ils consistent : iÂź dans la rĂ©union des Ă©lĂ©mens organiÂŹ ques, malgrĂ© rinfluencedes forces physiques qui tendent h les dissocier et les dĂ©composent toujours a la mort ; 2Âź dans une certaine tempĂ©rature propre aux ĂȘtres vivans, au milieu d’une atmosphĂšre plus chaude qu’eux-mĂȘmes : ce n’est pas par la se/ile Ă©vaporation pulmonaire ou cutanĂ©e qu’ils rĂ©sistent Ă  l’excĂšs de la chaleur ; nos tissus intĂ©rieurs ont trĂšs-probableÂŹ ment chacun une tempĂ©rature propre, quoiqu’il ne s’y fasse pas d’évaporation ; d’ailleurs , lorsque la peau est recouÂŹ verte d’un vernis, et qu’il ne s’évapore plus rien Ă  sa surÂŹ face, la tempĂ©rature irĂšsĂ©-levĂ©e d’une Ă©tuve ne s’y met pas eu Ă©quilibre : assurĂ©ment, ce n’est pas l’évaporation pulmoÂŹ naire qui s’y oppose ; il y a trop de distance de la surface respiratoire Ă  la surface des membres, et elles sont sĂ©parĂ©es par des tissus trop peu conducteurs de la chaleur, pour supÂŹ poser qu’il s’opĂšre uii refroidissement qui s’étend rapidement des poumons a la circonfĂ©rence jusqu’aux parties les plus Ă©loignĂ©es; cependant, cela devrait ĂȘtre, si tel Ă©tait le mĂ©caÂŹ nisme de celte rĂ©sistance a la chaleur; mais encore, le supÂŹ posĂąt-on , ce ne serait qu’une supposition ! 3Âź Ă  ces phĂ©noÂŹ mĂšnes de rĂ©sistance vitale rapportons encore la non imbibi- tion des tissus vivans plongĂ©s dans un liquide Ă©tranger ou dans les liquides qui les baignent continuellement. Le dĂ©faut d’imbibition ne tient pas seulement h une constriction insaisisÂŹ sable dans les parties vivantes : quand mĂȘme elles seraient plus contractĂ©es encore aprĂšs la mort, l’imbibitiori s’y manifesterait Ă©galement. Il paraĂźt que l’intestin, distendu pendant la vie, ne laisse rien transsuder; cependant il s’y opĂšre une transsuÂŹ dation sur le cadavre, lors mĂȘme qu’il est plus contractĂ©. La mort, qui suit immĂ©diatement la combinaison de nos tissus avec un corps quelconque, ainsi que nous le voyons lorsÂŹ qu’on y applique le feu ou la potasse caustique, marque le triomphe des forces physiques sur la rĂ©sistance vitale : la disÂŹ sociation des Ă©lĂ©mens organiques, qui s’opĂšre bientĂŽt, en est le rĂ©sultat manifeste.

Le phĂ©nomĂšne de la rĂ©sistance vitale est le seul de cette nature qui paraisse avoir lieu dans les fluides ; encore serait-il difficile de dire Ă  quel point il s’y manifeste ; mais il paraĂźt exister dans la

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( ĂźO plupart, car ils sont tous susceptibles de putrĂ©faction hors Je PĂ©conomie : il est vrai qu^il y a beaucoup de circonstances changĂ©es j les humeurs qui font un sĂ©jour prolongĂ© dans nos organes, comme le sang, y jouissent d'un mouvement contiÂŹ nuel , et ne sont pas en contact avec Pair; celles qui y sĂ©ÂŹ journent peu, comme l’urine, la salive, les larmes, le mucus, s'y putrĂ©fieraient trĂšs-probablement, si elles pouvaient y resÂŹ ter partout exposĂ©es Ă  l'action de l’atmosphĂšre; aussi, la quesÂŹ tion de la vitalitĂ© des fluides me paraĂźt-elle encore indĂ©cise ^ car ils ne prĂ©sentent aucun des phĂ©nomĂšnes vitaux que nous allons exposer

Ces effets de la rĂ©sistance vitale sont d’une nature bien difÂŹ fĂ©rente de ceux qui vont suivre, et ils sont assurĂ©ment simÂŹ ples pour nous, puisque, dans la rĂ©sistance que nos tissus intĂ©rieurs prĂ©sentent a l’équilibre de tempĂ©rature comme a ü’imbibition, nous n’apercevons qu'un seul et mĂȘme fait.

Il rĂ©sulte de la, que la rĂ©sistance vitale est un apanage des solides vivans, et peut-ĂȘtre, sinon de tous les fluides, au moins du sang et du chyle. On ne saurait d’ailleurs anaÂŹ lyser et rĂ©duire cette propriĂ©tĂ© a un principe plus simple.

G'¼. 2. Sensations. — Ce sont les impressions reçues par nos organes, qu’elles soient ou ne soient pas perçues.

Les sensations perçues dont nous avons la conscience sont extĂ©rieures ou intĂ©rieures, gĂ©nĂ©rales, comme un malaise, ou particuliĂšres, comme une piqĂ»re. Elles sont plus ou moins intenses et plus ou moins vives, pĂ©nibles ou agrĂ©ables, touÂŹ jours intermittentes ; quelques-unes s’émoussent ou devienÂŹ nent trĂšs-douloureuses par un exercice trop rĂ©pĂ©tĂ©, et se reÂŹ prĂ©sentent avec les mĂȘmes caractĂšres qu'auparavant, lorsÂŹ qu’elles ont Ă©tĂ© suivies d’un repos suffisant ; mais il n'y a auÂŹ cun ordre calculable dans les modifications de leurs caracÂŹ tĂšres : elles sont trĂšs-variĂ©es chez les divers individus.

Elles diffĂšrent beaucoup entre elles, selon les causes qui les mettent en jeu : iÂźIes unes sont produites par des excitans maÂŹ tĂ©riels et physiques : je les nomme sensations physiques ; 2Âź il en est qui sont produites par l’exercice des organes, et non par un excitant physique : ce sont des sensations de fatigue ;

> La gangrĂšne, qui est la mort des parties, est l’inverse de la rĂ©sisÂŹ tance vitale : elle arrive assez frĂ©quemment dans l’économie; elle se manifeste toujours dans l’épicliorion, le cordon du fƓtus. La putrĂ©facÂŹ tion, qui la suit, estun phĂ©nomĂšne-chimique ; mais, quoique ce phĂ©ÂŹ nomĂšne suppose la vie, ce n’est qu’un effet nĂ©gatif, qui ne peut sa placer dans les phĂ©nomĂšnes vitaux.

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( i3 ) 3° d’autres se dĂ©veloppent sous l’influence du cerveau ou de ses Ă©motions : je les nomme Ă©motions gĂ©nĂ©rales ; 4“ d’autres se dĂ©veloppent spontanĂ©ment sans aucun excitant sensible et apprĂ©ciable : je les nomme spontanĂ©es ; 5Âź d’autres ont lieu spontanĂ©ment et par dĂ©faut d’excitation : ce sont les besoins physiques.

i”. Les corps dĂ©veloppent les sensations physiques, soit par leur consistance, soit par leur mouvement, etc., lorsÂŹ qu’ils sont appliquĂ©s Ă  nos organes.

Parmi ces sensations, les unes sont mises en jeu par toutes les propriĂ©tĂ©s gĂ©nĂ©rales, comme par la chaleur, la forme, la consistance des corps. Ces impressions physiques gĂ©nĂ©rales sont : les unes extĂ©rieures : ce sont celles qui se passent Ă  notre surface j les autres intĂ©rieures : ce sont celles qui ont lieu dans les organes internes , tel est le sentiment de rĂ©plĂ©- tion de l’estomac, du rectum, de la vessie, etc. Les sensaÂŹ tions extĂ©rieures s’émoussent ou s’exaltent par l’exercice ou par l’habitude. Le coĂŻt, par exemple, exalte toujoitrs momenÂŹ tanĂ©ment les sensations des organes gĂ©nitaux : il les exalte enÂŹ core par l’habitude, comme on le voit dans l’anaphrodisie; d’autres fois, enfin, c’est la continence qui produit cet effet,

j Les autres le sont par des propriĂ©tĂ©s particuliĂšres , ou, si I l’on veut, par des corps spĂ©ciaux ; la vision l’est par la lu- ! miĂšre, l’audition par les sons , l’olfaction par les odeurs, la

gustation par les saveurs, et il n’y a que ces quatre sortes de sensations physiques spĂ©ciales.

L’impression du toucher n’en fait point partie : c’est une sensation physique gĂ©nĂ©rale dirigĂ©e par la volontĂ©.

La vision et l’audition agissent avec beaucoup d’énergie sur le cerveau : ce ne sont pas elles qui s’émoussent journelÂŹ lement, c’est l’impuissance momentanĂ©e du cerveau qui disÂŹ simule alors leurs fonctions.

L’exercice et l’habitude n’émoussent non plus ni la sensiÂŹ bilitĂ© gustative du cuisinier, ni celle du gourmet.

2Âź. Les sensations de fatigue, sans excitant physique, se manifestent dans les muscles qui ont agi pendant un certain temps ; elles peuvent ĂȘtre trĂšs-intenses et trĂšs-douloureuses ; elles s’accroissent par l’exercice, elles disparaissent par le

repos. 3Ÿ. Les émotions générales se font particuliÚrement sentir

dans la poitrine, au cƓur et a l’estomac, mais quelquefois çlles s’étendent jusqu’aux membres et Ă  la peau j ceux-la se

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( Ăź4- ) raidissent dans la colĂšre ; celle-ci est glacĂ©e dans la penr. Ce» phĂ©nomĂšnes sont aussi diversifiĂ©s que les passions morales ou cĂ©rĂ©brales qui les mettent sympathiquement en jeu. Les senÂŹ sations peuvent acquĂ©rir une intensitĂ© excessive , ĂȘtre extrĂȘÂŹ mement pĂ©nibles ou agrĂ©ables, et durer sans intermission assez long-temps, comme un chagrin profond. Le plus gĂ©nĂ©ÂŹ ralement, elles ne sont que passagĂšres ou momentanĂ©es, amĂšnent frĂ©quemment Ă  leur suite des troubles plus ou moins sensibles, et sont perçues par le cerveau.

4Ÿ. Les sensations spontanées se manifestent partout : ce sont les démangeaisons, les picottemens, les senlimens de brisement, de chaleur, de froid, et toutes les nuances de douleur qui se font spontanément sentir dans les divers points de réconomie.

Elles deviennent trĂšs-intenses dans certains cas, peuvent ĂȘtre plus ou moins long-temps permanentes, intermittentes, sont le plus souvent pĂ©nibles, fatiguent d’autant plus qu’elles durent davantage, et peuvent amener le marasme et la mort par leur excĂšs ou leur permanence.

5°. Les besoins ou appĂ©tits physiques sont relatifs a toutes les lonctions qui nous fournissent une impression plus ou moins distincte. Nous avons besoin d’exciter l’estomac par des solides, et de rafraĂźchir la gorge par des liquides ; ce sont lĂ  les impressions obscures que rĂ©clament la faim et la soif : nous avons besoin de respirer, d’exercer les muscles et les organes gĂ©nitaux, lorsqu’ils sont reposĂ©s. Le besoin instinctif que nous avons d’exercer les sens me semble se confondre avec les besoins cĂ©rĂ©braux, car ils ne me paraissent pressaus que pour l’intelligence.

Ces besoins vont toujours croissant jusqu’au moment oĂč on les satisfait, et sont tous impĂ©rieux : il n’y a guĂšre que celui de la gĂ©nĂ©ration qui puisse s’apaiser par la continence; encore cela ne paraĂźt-il possible que pour certains hommes, et dans des circonstances particuliĂšres, comme dans le cas d’un travail d’esprit continuel, de l’éloignement des femmes, de l’usage d’un rĂ©gime peu substantiel, etc.

On ne saurait rĂ©sister Ă  la faim que peu de temps, encore moins h la soif ; au rapport de ceux qui ont Ă©prouvĂ© l’une et l'autre, celle-ci est bien plus pĂ©nible et moins supportable.

Le besoin de respirer est le plus impĂ©rieux de tous. Il n’est pas non plus possible Ă  l’homme de rester immobile au-delĂ  d’un certain temps ^ il est instinctivement forcĂ© Ă  s’agiter.

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_ (_i5 ) Les pandiculations dĂ» rĂ©veii, le cLant matinal du coq, ses ailes qu'il agite , tous ces phĂ©nomĂšnes sont les rĂ©sultats de ce besoin, et, s'il n’était satisfait, il dĂ©velopperait la douleur au lieu du plaisir qu'il procure.

Le plaisir est commun a tous ces besoins accomplis. La mort les suit au milieu d’horribles souffrances, lorsqu’ils ne le sont pas, et lorsqu'ils le sont, ce n'est que pour un temps ; ils renaissent du repos des organes, mais sans aucun ordre parfaitement exact : les plus rĂ©guliers sont ceux de la respiÂŹ ration et de la digestion.

Les sensations inaperçues sont les impressions qui sont reçues par certains organes, sans que le cerveau en ait la conscience. Ou les reconnaĂźt a des mouvemens non commuÂŹ niquĂ©s, mais dĂ©veloppĂ©s spontanĂ©ment dans les parties qui les Ă©prouvent. Un muscle se contracte sous l'influence de la volontĂ© pendant la vie, sons l’influence du galvanisme sur le cadavre : ce ne sont pas des mouvemens communiquĂ©s ; ce muscle est donc irritable. Le cƓur cesse bientĂŽt de se conÂŹ tracter, lorsqu’on lie les veines qui s’y dĂ©gorgent : lĂšve-t-on les ligatures, il se ranime ; le sang l’a excjtĂ© : il est donc senÂŹ sible, et puisque nous n’en avons pas la conscience, il l'est Ă©videmment a notre insu. Voit-on la mimosa pudica se mouÂŹ voir avec effort, et non passivement sous la main qui la touche, on dit qu’elle la ressent ; voit-on la dioiiƓa musci- pula se resserrer au contact de l’insecte imprudent et lĂ©ger, l’enfermer dans ses feuilles (^Jolia sensibilia iusecta incarce’- rentia) y l’embrasser et le serrer d’autant plus qu’il s’agite, jusqu’à l’étouffer, on dit que l’insecte l’irrite, et d’autant plus, qu’il s’agite davantage. On rapporte tous ces faits Ă  l’irritabilitĂ© hallĂ©rienne ; or, l’irritabilitĂ© de Haller est une propriĂ©tĂ© complexe, qui rĂ©sulte de la facultĂ© de sentir et de celle de se mouvoir.

Mais, me dira-i-on peut-ĂȘtre, quelle ressemblance y a-t-il entre une impression perçue et une impression qui ne l’est pas, et pourquoi confondre des faits si diffĂ©rens? Il y a cette ressemblance, que ce sont Ă©galement des impressions; or, c’est pour exprimer cette ressemblance qu’on les nomme sensations j mais comme elles diflĂšrent, en ce que les unes sont suivies de la pen eption, autre phĂ©nomĂšne bien distinct, puisque d’ailÂŹ leurs il se passe dans un autre organe, et que les autres n’en sont pas suivies, nous les sĂ©parons aussi en sensations perçues et inaperçues : ce langage, ce me semble, peint la nature avec la plus exacte fidĂ©litĂ©.

t

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( ) Il résulte de ces phénomÚnes, que les organes sont doués

de la racullĂ© de sentir, on sensibilitĂ©, et comme de leurs senÂŹ sations les unes peuvent ĂȘtre perçues, les autres non perçues, on peut l'exprimer, en rq'outani a l'expression sensibilitĂ© les Ă©pithĂšteset inaperçue^ sans indiquer deux propriĂ©tĂ©s distinctes ; ainsi sensibilitĂ© perçue ne doit sigiiitier autre chose que sensibilitĂ© qui peut ĂȘtre ou est suivie de la percepÂŹ tion , et sensibilitĂ© inaperçue y sensibilitĂ© qui ue peut en ĂȘtre ou n'en est pas suivie.

3. Transmissions sensoriales. —Ce sont les transmisÂŹ sions des sensations de nos organes au cerveau : ces effets sont bien distincts des prĂ©cĂ©dons. Les transmissions sensoÂŹ riales sont toujours consĂ©cutives aux sensations ; celles ci en sont les causes, celles-lĂ  en sont les effets. Les sensations sont simultanĂ©es, au moins pour nous, dans les points de l’organe oĂč elles se dĂ©veloppent; ainsi, les divers points de la rĂ©tine dans la vision sont impressionnĂ©s Ă  la fois ; les transmissions, au contraire, sont une succession d'effets rapides qui se passent le long des nerfs.

Nous ne voyons pas sans doute ces deux effets s’opĂ©rer; mais lors meme que notre intelligence voudrait se persuader qu’ils n'en forment qu’un, elle ne pourrait s’empĂȘcher de les analyser, parce qu'elle ne peut concevoir comme un ce qui prĂ©sente des diffĂ©rences a l’esprit. Nous ne voyons uuiiĂ© que dans une identitĂ© parfaite; partout oii elle n’exisie pas, les idĂ©es se multiplient. Ces phĂ©nomĂšnes de transmission senso- riale sont d’une rapiditĂ© incommensurable ; ils ne causent aucune fatigue ; au moins n'en Ă©prouve-t-on jamais dans les nerfs qui en sont les organes ; ils ont pour rĂ©sultat la percepÂŹ tion sensoriale, dont ils sont la cause immĂ©diate : nous ne saurions les dĂ©composer en aucun autre effet secondaire.

De ces phĂ©nomĂšnes, je tire l’évidente consĂ©quence que nous jouissons de la transmissibilitĂ© sensoriale.

Les trois genres qui suivent se rapportent tous au cerveau : ce sont des phénomÚnes cérébraujc.

G'*. 4. Perceptions. — La perception est la conscience ou l’idee des choses ; percevoir et avoir une idĂ©e est le mĂȘme phĂ©ÂŹ nomĂšne : toutes nos idĂ©es sont par consĂ©quent des perceptions.

Elles offrent divers caractùres, qui s’excluent et s'allient diversement, comme nous le verrons bientît.

Elles sont simples ou composées, physiques ou abs-- traiteSj ou imaginairesy et, quelles qu'elles soient, elles pro-

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( n ) viennent : ou d’impressions actuellement reçues par les sens, et sont des perceptions senso riales ; 2Âź ou d’idĂ©es anÂŹ tĂ©cĂ©dentes, et sont des som^enirs / 3° ou de la facultĂ© que nous avons d enfanter des combinaisons que nous n’avons jaÂŹ mais vues , et sont des imaginations ; 4° ou de la facultĂ© que nous avons de tirer des consĂ©quences, de saisir des rapports et ce sont des jagemens. ^

Nos idĂ©es simples proviennent des caractĂšres simples des corps, de ces caractĂšres qu’on ne saurait analyser et dĂ©comÂŹ poser en caractĂšres plus simples, de la longueur, de la largeur, de l Ă©paisseur, de la pesanteur, des phĂ©nomĂšnes simples des corps, par exemple. Klles sont simples, parce que nous ne pouvons pousser notre analyse et nos abstractions plus loin.

Nos idĂ©es des corps sont, au contraire, des conceptions obscures de la rĂ©union de leurs divers caractĂšres en un tout. Elles sont complexes ou composĂ©es, car elles rĂ©sultent de plusieurs conceptions particuliĂšres j mais qu’on ne s’y trompe pas, les idĂ©es que nous avons des divers caractĂšres des corps, quelque lappiochĂ©es quelles soient, ne sont jamais simulÂŹ tanĂ©es.

^ Je nomme idĂ©es physiques celles qui ont un ĂȘtre tout enÂŹ tier pour objet et non pas un seul de ses caractĂšres. Nous les exprimons dans nos langues par des substantifs, que nous appelons physiques; ainsi, les idees que j’ai de Paul, de Pi^’ie, etc., sont des perceptions physiques, exprimĂ©es par des Substantifs de meme nom r elles sont toujours composĂ©es.

Les idees abstraites sont les conceptions que nous avons de ce que nous appelons les cafaciÚres, les propriétés, les facul tés, les phénomÚnes des corps. Ces caractÚres, ces propriétés ne sont pas des individus , des existences séparées et dis tinctes des corps, et cependant nous en avons des idées dis tinctes ; c est pour cela que nous les nommons ahstracticms , comme si nous disions, idées tirées des corps ; elles en sont ^ en effet, déduites , et on les conçoit séparément.

Dans la rĂ©alitĂ© cependant, ces corps sout uns et insĂ©parables de leurs caractĂšres , de mĂȘme que leurs caractĂšres sont insĂ©ÂŹ parables d eux ; et comme les caractĂšres des corps sont infiniÂŹ ment plus nombreux que ces corps eux-mĂȘmes, il s’ensuit que nos idĂ©es abstraites sont infiniment plus nombreuses que nos idĂ©es physiques : elles sont aussi bien plus Ă©videntes et bien plus claires pour nous, et cependant abstraction et obsÂŹ curitĂ© sont presque synonymes pour bien des hommes.

2

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( t8 )

Les abstractions sont simples ou complexes. Les abstractions complexes sont génériques ou indivis

duelles. . , , , . «i' Les abstractions complexes génériques sont les idees que

nous nous formons d’un eti e gĂ©nĂ©t ique (lamille, genie , esÂŹ pĂšce) : cet ĂȘtre n’existe que dans notre esprit, d’aprĂšs les idĂ©es que nous avons d’un ensemble de caractĂšres communs ; ainsi, l’idĂ©e d’arbre est une abstraction complexe et gĂ©nĂ©ÂŹ rique : c’est une abstraction , parce que l’idĂ©e d’arbre est la conception de ce que les arbres ont de semblable, comme un tronc avec des branches a l’une de ses extrĂ©mitĂ©s, des racines a l’autre, etc., sans idĂ©es de leurs formes, de leurs direcÂŹ tions particuliĂšres. Or, si l’idĂ©e d’arbre est la conception des caractĂšres communs Ă  tous les arbres, le mot arbre n’exprime que l’ensemble de ces caractĂšres, et comme cet ensemble n’existe dans aucun individu arbre sans caractĂšres indiviÂŹ duels, il s’ensuit qu’il n’y a pas d’arbres, ou si l’on veut ^ d’arbres comme genre dans la nature, mais‘seulement des arbres individus; car on ne trouve a la fois que dans un inÂŹ dividu arbre l’ensemble des caractĂšres communs et des caracÂŹ tĂšres individuels. Cette idĂ©e est complexe^ parce qu’elle emÂŹ brasse les idĂ©es des divers caractĂšres communs Ă  tous les

arbres. Elle est générique^ parce que les idées de caractÚres com

muns a plusieurs individus forment nos classes, nos genres, nos espĂšces, etc. Ces idĂ©es et celles d’ordres, de chapitres, de sous-genres, de tribus, etc., sont toutes des abstracÂŹ tions complexes gĂ©nĂ©riques.

Les abstractions complexes indwidaelles sont les idĂ©es . abstraites composĂ©es que nous avons de certains caractĂšres complexes d’un corps. Je dis qu’un caractĂšre est complexe, lorsqu’il se compose d’une disposition que nous concevons ĂȘtre le rĂ©sultat de plusieurs dispositions plus simples. Ainsi l’étendue rĂ©elle d’un corps, que nous concevons comme le rĂ©ÂŹ sultat de trois modes d’étendue diffĂ©rens et insĂ©parables dans ce corps, est un caractĂšre complexe, et l’idĂ©e qui en rĂ©sulte est une idĂ©e complexe. Elle est abstraite, car l Ă©tendue de ce corps n’existe pas par elle-mĂȘme.

Elle est individuelle, parce qu’elle n’est relative qu’à l’étenÂŹ due d’un individu : si elle Ă©tait relative Ă  1 Ă©tendue en gĂ©nĂ©ral, ce serait une abstraction complexe gĂ©nĂ©rique.

Les idĂ©es de la forme , de la structure particuliĂšre d’un corps sont aussi des abstractions complexes individuelles.

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( 19 ) Les abstractions simples sont les idées que nous avons

des propriétés ou des caractÚres simples des corps, comme de la blancheur, de la pesanteur, etc.

Les perceptions sensoriales sont directement et immĂ©diaÂŹ tement consĂ©cutives Ă  mie sensation , quelle qirelle soit. On pourrait les subdiviser d’aprĂšs ces sensations elles-mĂȘmes. Ces idĂ©es sont toujours simples et abstraites. Nous verrons bientĂŽt que l’idĂ©e complexe des corps ne nous vient pas imÂŹ mĂ©diatement par les sens, et que c’est un jugement.

Les premiĂšres, toujours simples, ne nous arrivent jamais qu’une Ă  une, car nous n’acquĂ©rons et n’avons jamais a la fois qu’une idĂ©e dans l’esprit. Ainsi, voyons-nous un objet pour la premiĂšre fois, nous prenons successivement connaissance de chacune de ses propriĂ©tĂ©s, et il n’y a que ces idĂ©es qui nous viennent par les sens : ce sont lĂ  les seules perceptions directement consĂ©cutives Ă  nos sensations et nos seules idĂ©es primitives; elles dĂ©rivent toutes de nos impressions, et se rapportent en derniĂšre analyse au monde matĂ©riel.

Les perceptions de la mĂ©moire et de l’imagination dont je vais parler se dĂ©veloppent spontanĂ©ment dans le cerveau, ou sous la seule influence de cet organe, comme lorsqu’on se ressouvient ou qu’on imagine. Une influence extĂ©rieure peut bien y disposer, mais non les produire; elle ne donne lieu qu’a une perception sensoriale.

Les idĂ©es spontanĂ©es tendent continuellement a se dĂ©veÂŹ lopper dans la veille et trĂšs-frĂ©quemment dans le sommeil. La tendance du cerveau a retomber spontanĂ©ment dans cet Ă©tat d’activitĂ© est telle que, pendant la veille, il se ressouÂŹ vient et imagine irrĂ©sistiblement s’il n’éprouve aucune sensaÂŹ tion physique qui dĂ©tourne son attention. Je ne saurais mieux exprimer celte tendance que par cette expression mĂȘme. Quoi qu’il en soit, les perceptions ou les idĂ©es spontanĂ©es, pour ĂȘtre analogues , ne sont pas identiques.

Les unes sont des som^enirs, les autres des imaginations. Les souvenirs sont des idées éprouvées antécédemment,

qui se manifestent de nouveau, sans le secours de la sensa tion dont ils dérivent primitivement. Il y en a de deux sortes assez différentes ; ce sont : les souvenirs de sensations passées et d'idées antérieures,

La rĂ©miniscence de ce que nous avons vu ou entendu , de ce qui a frappĂ© notre odorat, notre goĂ»t ou notre sensibilitĂ© gĂ©nĂ©rale, voila des souvenirs de sensations. De tous, c’est

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( 20 ) incontestablement de ceux de la vue et de Pouïe que nous conservons la mémoire la plus exacte et la plus duiable. ^

Les souvenirs d’idĂ©es sont les rĂ©miniscences des peusees que nous avons recueillies, soit dans un entretien familier, soit dans un discours oral, soit dans une lecture. Si par l’obserÂŹ vation d’un fait actuel nous arrivons a une consĂ©quence que nous pouvons avoir lue dans un ouvrage, et depuis oubliĂ©e, ce n’est pas la mĂ©moire qui nous la fournit, mais le juge-

ment. , ,. , Les imaginations sont des conceptions d’un assemblage de

cboses qu’on n’a jamais observĂ©es ainsi rĂ©unies dans la naÂŹ ture , mais dont tous les Ă©lĂ©mens s’y trouvent, en sorte qu il n’y a de nouveau que l’arrangement, l’étendue de cel arranÂŹ gement , sa forme, et quelques autres caractĂšres de 1 enÂŹ semble. Ainsi, l’idĂ©e d’un animal qui, Ă  une tĂȘte, un cou et des ailes de vautour, joint un tronc, une queue et des jambes de lion, est assurĂ©ment une imagination ; car avec des parties puisĂ©es,dans diffĂ©rons animaux on forme un systĂšme qui u a jamais Ă©tĂ© vu dans l’univers, mais oĂč l’on en trouve tous les elĂ©mens. INos imaginations sont diversifiĂ©es a l’infini. Je n’en donnerai pas une analyse scrupuleuse et dĂ©taillĂ©e.

Il me suffit de faire observer qu’on ii’a, sous un rapport, que deux sortes d’imaginations : iÂź des imaginations de sysÂŹ tĂšmes matĂ©riels , 2” des imaginations de pĂ©hnomĂšiies, d’éve- neinens, etc., parce que notre esprit ne conçoit que des comÂŹ binaisons de matiĂšre et d’elfets, et que toutes ses idĂ©es dĂ©ÂŹ coulent de cette double source : aussi se persuade-t-on en vain qu’on peut concevoir un esprit. Je suis, comme Locke,

persuadé du contraire. Les imaginations sont consécutives aux perceptions senso-

riales ou aux sooveuiis, et en sont bien distinctes, puisque ce sont des idĂ©es d’une combinaison qu’on n’a jamais aperçue : rimagiualion fournit aussi des idĂ©es Ă  la mĂ©moire, en sorte

I qu’il est des souvenirs d’imaginations. ^ , 1 ‱ Les consĂ©quences ou tes jugemens sont des IdĂ©es d’analogie,

d’ideoiite, de ressemblance, de diffĂ©rence, certains rapports saisis entie deux on plusieurs idĂ©es, qu’elles soient ttes perÂŹ ceptions sensoriales, des souvenirs ou des imaginations. INous jngoons tontes nos irlees ^ et nous apprĂ©cions nos jugemens inojncs, loi\‘-qne nous raisonnons. \ oyoĂŻis-iious une Ă©tenuiie lim.ßée en k>nguenr, en largeur, en liautour, une couleur parÂŹ ticuliĂšre qUi accompagne ces trois dimensions et les distingue

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( 21 ) du milieu oĂč nous les observons, nous voyons successivemenf les rapports qui existent entre ces dimensions et cette couÂŹ leur, nous acquĂ©rons successivement ces idĂ©es simples, absÂŹ traites et sensoriales, et de ces idĂ©es, nous en coiicluon& rexistence d'un corps; et cette perception nouvelle, qui dĂ©ÂŹ coule d'idĂ©es prĂ©liminaires, nous arrive en quelque sorte malgrĂ© nous : c’est une consĂ©quence ou un jugement.

En mĂȘme temps que nos jngemeiis sont des consĂ©quences involontaires, ils sont les mĂȘmes chez tous les hommes , toutes circonstances Ă©tant Ă©gales tVailleurs. Ainsi, lorsque nous avons les mĂȘmes notions sur une matiĂšre, nous tombons d’accord et c’est prĂ©cisĂ©ment par cette propriĂ©tĂ©, qui nous> est commune Ă  tous^ que nous reconnaissons la vĂ©ritĂ©, lorsÂŹ qu’elle nous est dĂ©voilĂ©e avec tous ses caractĂšres, et que nous les avons tous prĂ©sens a l'esprit. La diffĂ©rence,de nos juge- mens ne dĂ©pend nullement de la facufiĂ© que nous avons d’aÂŹ percevoir une consĂ©quence : celle ci nous frappe tous Ă©galeÂŹ ment , lorsque les mĂȘmes notions premiĂšres , les mĂȘmes motifs nous dirigent actuellement, et nos discordances a cet Ă©gard dĂ©pendent toujours de nos premiĂšres idĂ©es, qui sont actuellement diffĂ©rentes, ou des passions qui nous Ă©garent ; en un mot, toutes nos consĂ©quences sont dans un juste rap^- port auecces idĂ©es pj emiĂšreSj dont elles dĂ©nient ; et par cela mĂȘme qu’elles nous frappent malgrĂ© nous, nous ne pouvons les modifier qu’en agissant sur ces notions premiĂšres. VouÂŹ lons-nous bien juger un acte compliquĂ©, rassemblons tous les faits nĂ©cessaires, et ne prononçons qu'eu les pesant tous avec le plus grand soin et lĂ©quitĂ© la plus sĂ©vĂšre; mais, que par ignorance, par irrĂ©flexion, ou par passion, nous dĂ©ciÂŹ dions, sans tenir aucun compte d’un-ou de plusieurs de ces faits , il est trĂšs-probable que nous tomberons dans l erreur : telles sont les sources des opinions opposĂ©es des hommes, et tel est le mĂ©canisme de la discordance si frĂ©quente de leurs jugemens.

Les jugemens sont aussi simples qu’ils peuvent l’etre, lorsÂŹ qu'ils n’ont pour objet qu’un rapport entre deux idĂ©es simÂŹ ples, comme entre deux longueurs, deux couleurs dilfĂ©- renies.

Ils sont complexes, lorsqu’ils consistent a saisir plusieurs rapports entre plusieurs objets.

JN'os idées physiques sont toujours complexes. INos abstractions complexes génériques et nos abstrac-

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tiojis indwiduelles composĂ©es sont aussi des jugemens compoÂŹ sĂ©s, en meme temps que des abstractions : ce sont des jugemens abstraits complexes gĂ©nĂ©riques et individuels. Les idĂ©es que nous avons des facultĂ©s, des forces, des propriĂ©tĂ©s que iioUvS dĂ©duisons des phĂ©nomĂšnes des corps, et non de ces caractĂšres matĂ©riels, en quelque sorte immuables, dont s'occupe l’anaÂŹ tomie, par exemple, dans les corps organisĂ©s, sont des conÂŹ sĂ©quences abstiaites d’une autre espĂšce.

t.e jugement offre^ de son cĂŽtĂ©, une nouvelle source d’idĂ©es a la mĂ©moire et Ă  l’imagination, en sorte que nous avons des souvenirs et des imaginations qui reposent sur des idĂ©es de jugemens. Le jugement apprĂ©cie aussi les idĂ©es de la mĂ©moire et de l’imagination ; c’est par la comparaison secrĂšte qu’il Ă©tablit entre une rĂ©miniscence et une idĂ©e antĂ©rieure, qu’il la reconnaĂźt aussitĂŽt pour un souvenir.

Tels sont les phĂ©nomĂšnes ou les idĂ©es simples auxquels ou peut rallier tous ceux de la perception. L’attention qu’on y a ra})porßée n’est qu’un Ă©tat particulier de Vanie, qui ne conÂŹ çoit pas d’idĂ©es, mais dispose a la conception d’une de celles que j'ai indiquĂ©es, et les rend constamment plus justes et plus exactes. La rĂ©flexion n’est pas non plus une facultĂ© qui perçoive des idĂ©es particuliĂšres, ce n’est que l’activitĂ© souÂŹ tenue de la perception, ce n’est que penser.

Toutes nos conceptions, comme l’a observĂ© Locke, dĂ©riÂŹ vent des idĂ©es primitives que nous ont fournies les sensations. En effet, les souvenirs sont des rĂ©miniscences de sensations, ou d’idĂ©es qui en dĂ©rivent Ă©galement 5 les imaginations sont des combinaisons d’élĂ©meiis que les sens nous ont seuls fait connaĂźtre , ou de pensĂ©es qui se rapportent toujours aux idĂ©es sensoriales ; les jugemens sont des consĂ©quences dĂ©ÂŹ duites des idĂ©es qu’avaient primitivement fournies les sens-, ou les souvenirs et les imaginations.

Malgré leurs nuances trÚs-variées, les perceptions ne for ment que quatre groupes distincts, que je représente ici avec leurs caractÚres :

IŸ. Idées sensoriales : perceptions qui nous viennent par les sens, et sont a la fois simples, directes et abstraites.

2Âź. Soweiiirs : perceptions spontanĂ©es d’une sensation ou d’une idĂ©e antĂ©rieure. Ils sont simples ou complexes, physiÂŹ ques ou abstraits, comme l’idĂ©e, dont ils ne sont que la rĂ©miÂŹ niscence.

3“. Imaginations : conceptions originales pour l’esprit qui

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( 25 ) les enfante, de combinaisons matĂ©rielles, ou de combiitai- sons d’évĂ©nemens et de phĂ©nomĂšnes, dont les Ă©lĂ©mens sont des idĂ©es qui se rapportent aux autres groupes.

4°- Jugf^mens : rapports saisis entre deux ou plusieurs choses, consĂ©quences qui peuvent ĂȘtre simples ou complexes, physiques ou abstraites, et dĂ©couler des autres groupes d’idĂ©es.

Ces quatre groupes de perceptions se rapportent a une mĂȘme facultĂ© intellectuelle, la perceptibilitĂ©^ mais chacun en particulier peut ĂȘtre rattachĂ© Ă  quatre modifications de la mĂȘme facultĂ©, savoir : Ă  la perceptibilitĂ© sensoriale, a la mĂ©ÂŹ moire, Ă  l’imagination, au jugement.

G"°. 5. Emotions cĂ©rĂ©brales. —Ce sont des Ă©tats de l’intel- ligence, qui consistent dans une sorte de sentiment, d’agitaÂŹ tion et de mouvement, et non dans une perception quelÂŹ conque : ainsi.une Ă©motion n’est pas une idĂ©e. J’ai prĂ©fĂ©rĂ© celte expression gĂ©nĂ©rique au mot passion, parce que le sens en est plus Ă©tendu, et qu’il s’applique avec plus d’exacÂŹ titude Ă  tous les phĂ©nomĂšnes de ce genre. Les Ă©motions sont excessivement variĂ©es, et leurs nuances sont si fuÂŹ gitives, qu’il est trĂšs-difficile de les bien saisir, et par consĂ©ÂŹ quent de classer ces Ă©motions d’une maniĂšre naturelle. Voici mes premiĂšres tentatives h cet Ă©gard \ j’en forme treize groupes :

1°. Emotions (Vattention : tension des facultĂ©s perceptiÂŹ bles, qui favorise beaucoup les idĂ©es , les rend plus exactes et plus durables : on les a faussement rapprochĂ©es des perÂŹ ceptions. L’attention n’est pas une idĂ©e; elle a lieu dans l'acÂŹ tion de regarder, d’écouter, de flairer, de goĂ»ter, de toucher.

2Ÿ. Emotions de plaisir : sentimens agréables que tout le monde connaßt.

3Âź. Emotions de peines : sentimens de gĂȘne, plus ou moins insupportables.

4“. Emotions de dĂ©sirs., ou besoins moraux : impulsion plus ou moins prononcĂ©e vers un objet, dont le rĂ©sultat effecÂŹ tif amĂšne le plaisir, et dont le rĂ©sultat nĂ©gatif amĂšne la peine : faite de la douleur, dĂ©sir des plaisirs sensuels (^gourmandise) , de Vunion des sexes, de la possession des richesses, des honneurs {ambition), etc., des biens de quelquun en particulier {envie); dĂ©sir de connaĂźtre cer-

laines choses {curiosité).

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C ^4 ) 5 ..Emotions d'aversion ou de dégoût : elles sont oppo

sĂ©es aux prĂ©eedeii tes. ‘

6 . Emotions de volontĂ© : Ă©motions par lesquelles nous e.7cigeons et commandons, pour ainsi dire. Ce tm sont assu- renieut pas des dĂ©sirs, quoique le plus souvent elles leur soient consĂ©cutives; telles sont : la volontĂ©, \'entĂȘtement,

\ opiniùtreté, le despotisme et le caractÚre impérieux eu activité.

Celte espĂšce d Ă©motion, qu’on a rapportĂ©e aux idĂ©es, en la regardant comme une des facultĂ©s de penser, n’est pas plus une perception que les autres Ă©motions ; ce n’est aussi qu'une sorte de mouvement intellectuel.

Cependant la volontĂ© agit sur les facultĂ©s de l’intelligence : ^ d examiner par quel mĂ©canisme; il me suTiit d indiquer que c’est le plus souvent en mettant eu jeu l ailention , qui est une autre Ă©motion.

^ . Emotions de conjiance y en soi ou en autrui : i° or^

gneil, audace, courage, assurance, espoir, etc. ; bonne- joi, française, sincérité, etc.

^ 8 . Emotions de méfiance : doute, crainte, frayeur,

etomiement, sentiment de respect, d'admiration, de mo-

estie, timidité y honte, etc. Ajoutez-y, comme assez analo- guts, ko émotions dey?mo?e/^ce, de^^/^e, à'hypocrisie, etc.

y ‱ Emotions f Irritation : impatience, colùre , fuivur ;

e es sont caractérisées par des agitations, des mouvemens musqués, par une irritation morale plus ou moins pénible.

10 . Emotions de gaité : agitations plus vives que brus ques , excitations morales agréables, joie, etc.

11 . Emotions de tristesse : abattement moral; tristesse, mélancolie,, etc.

I2“. Emotions d’attachement : amour, amitiĂ©, Ă©gdisme

humanitĂ©. Jlanprochez-en la compassion, qui est un sentiÂŹ ment inĂ©ie de peine, d’intĂ©rel et d’attachement pour l’étie qui la lait connaĂźtre.

J 3”. Emotions de haine : haine.

Sans doute, Ă  ces treize premiers groupes, on pourra en ajouter d autres; mais je crois que c’est la seule marche a suivre dans la classification des Ă©motions cĂ©rĂ©brales. Toutes les grandes divisions se plient difficilement aux nuances de la nature, et c’est pour cela que les naturalistes ont multipliĂ© les leurs sous le nom de familles.

G . 6. Calme cĂ©rĂ©bral. — Etat passif de tranquillitĂ©, l’ia-

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( 25 ). verse des Ă©motions. On Ta comparĂ© a la sĂ©rĂ©nitĂ© de l’atmoÂŹ sphĂšre qui n’est pas agitĂ©e par les vents, et a la surface polie d’une mer tranquille.

De ces divers Ă©tats d’agitation ou de calme moral, nous pouvons dĂ©duire autant de facultĂ©s vitales simples. C’est de la permanence plus ou moins soutenue , de la frĂ©quence , de l’intensitĂ©, etc., des phĂ©nomĂšnes de l’intelligence, des Ă©moÂŹ tions et du calme cĂ©rĂ©bral, que nous nous formons les idĂ©es des caractĂšres intellectuels ou moraux des individus : ils/re- sultent, par consĂ©quent, du genre d’esprit, du gĂ©niĂ©Wdes passions liabiluelles de chacun.

Remarques sur les phénomÚnes cérébraux. Ces phéno mÚnes , que nous avons passés rapidement en revue dans les trois genres piécédens, offrent des intermittences et des mo difications fort remarquables dans le sommeil.

TantĂŽt ces intermittences sont complĂštes j le sommeil est entier : nous n’avons aucune idĂ©e, aucune Ă©motion, il n’y a plus de moi, et l’entendement repose dans un calme parÂŹ fait. TantĂŽt, au contraire, l’esprit pense, et sa sĂ©rĂ©nitĂ© n’est obscurcie par aucun nuage j tantĂŽt, enfin, en meme temps que l’esprit s’abandonne a ses pensĂ©es, il est agitĂ© d’émotions violentes. Ce sont ces pliĂ©nomĂšnes qu’on appelle songes ou. rĂȘves; leur analvse met en Ă©vidence les modifications des phĂ©nomĂšnes cĂ©rĂ©braux dans le sommeil.

Les perceptions sensoriales ont lieu dans cet Ă©tat. Nous rĂ©pondons aux questions qu’on nous fait, et par les expres- gions mĂȘme de l’interlocuteur, ce qui prouve que nous enÂŹ tendons ; nous pouvons distinguer les objets dans le sorn- uambuiisme, les Ă©viter ou nous en approcher a notre grĂ© , les toucher et les reconnaĂźtre, Ă©prouver avec conscience des sensations spontanĂ©es, des malaises, des besoins physiques. Cependant ces perceptions sont obscures et plus ou moins inexactes selon les cas, mais en gĂ©nĂ©ral fort imparfaites; elles ne peuvent qu’égarer le jugement, qui est toujours en raison des idĂ©es d’oĂč il dĂ©rive, comme nous l’avons prouvĂ©. Les influences qui les mettent en jeu sont frĂ©quemment la cause dĂ©terminante des songes, et modifient toujours ceux-ci lorsqu’ils ont dĂ©jĂ  lieu. ^

Les souvenirs sont trĂšs-frequens dans les songes; on croit voir, entendre, loucher ; il n’eu est rien. On mĂ©connaĂźt ces souvenirs ; on se rappelle aussi souvent avec plus d Ă©nergie, d’exactitude et de vĂ©ritĂ© diverses idĂ©es, des vers, un frag-

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( 26 ) ment d’auteur, par exemple, dont on ne saurait se ressouÂŹ venir dans la veille. C’est ce qu’on a observĂ© chez certains somnambules qui se sont Ă©tonnĂ©s de ce qu’ils avaient rĂ©citĂ© pendant le sommeil. Mais les souvenirs ne sont pas toujours P Ăšs-ex.'icts, ce ne sont souvent que des idĂ©es obscures et incomplĂšies de ce qu’on a senti, ou des idĂ©es qu’on a Ă©prouÂŹ vĂ©es auiĂ©cĂ©demment. Les sensations qui nous ont fortement frappĂ©, ou qui sont encore trĂšs-rĂ©centes, se reprĂ©sentent souÂŹ vent en songe : nous voyons la tĂȘte d’un criminel tomber sous le glaive de la loi, nous en sommes vivement Ă©mus 5 dans le sommeil ce hideux tableau se reprĂ©sente a nos yeux, et nous frissonnons d’horreur. Une beautĂ© nous a touchĂ© ; son image nous suit dans les bras du repos. Une sensation actuelle provoque aussi nos ressouvenirs , quelqu’inexacte que soit l’idĂ©e sensoriale qu’elle dĂ©termine : un militaire enÂŹ dormi entend-il le tambour ou le canon Ă  l’occasion d’une fĂȘte, il se croit Ă  une bataille oĂč il a assistĂ©, et tous les Ă©vĂ©- nemens s’en dĂ©roulent a son esprit, etc.

L’imagination est trĂšs-frĂ©quemment en activitĂ© dans les songes, et son activitĂ© est prodigieuse. Nous croyons assister Ă  une piĂšce jusqu’à la fin ; nous l’avons par consĂ©quent comÂŹ mencĂ©e, achevĂ©e tout entiĂšre et en peu de temps, pendant notre sommeil; nous avons une foule d’idĂ©es, de combuiai- sons matĂ©rielles bizarres, ou d’évĂ©nemens impossibles. Nous sommes ici d’abord, et bientĂŽt nous sommes a cent lieues au- delĂ , sans nous apercevoir du changement de la scĂšne; nous avons aussi dfs imaginations d’une grande justesse et d’un goĂ»t exquis. On a vu des somnambules incapables de rĂ©souÂŹ dre un problĂšme dans la veille, et le trouver rĂ©solu a leur lever, ou un poĂšte achever des vers qui l’arrĂȘtaient depuis longÂŹ temps.

Le jugement, dans les songes comme dans la veille, est toujours en rapport avec les idĂ©es dont il est la consĂ©quence: soit donc une perception sensoriale, un souvenir inexact, une imagination bizarre et impossible Ă  rĂ©aliser, il les admet comme rĂ©els : la consĂ©quence est fausse, mais elle est en rapport avec l’idĂ©e ou les idĂ©es d’oĂč elle dĂ©rive; il croit voir, entendre, toucher, en un mot sentir, lorsqu’il n’éprouve qu’un souvenir. Il se trompe, parce que les sens ne lui prouÂŹ vent pas la nullitĂ© de l’excitant que la mĂ©moire lui prĂ©sente avec d’autant plus d’énergie que l’influence des souvenirs n’est neutralisĂ©e par aucune sensation.

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( 27 )

La mĂ©moire offre successivement au vo3’’ageur l’idĂ©e de PAraĂ©rique et de l’Afrique ; son imagination rapproche et unit les Ă©vĂ©nemens qui Pont frappĂ© a des distances si diffĂ©ÂŹ rentes. L’intelligence n’aperçoit que ces Ă©vĂ©nemens ; les disÂŹ tances de temps et de lieu sont milles pour elle; le jugement admet la rĂ©alitĂ© de ce qui est impossible, parce que la perÂŹ ception des souvenirs dans les songes est le plus souvent inexacte, et n’aperçoit qu’un cĂŽtĂ© des objets.

Les sensations, les pensĂ©es^ peuvent dĂ©terminer toutes sortes d’émotions pendant le sommeil.

Enfin, l’entendement peut reposer dans le calme le plus parfait au milieu des Ă©vĂ©nemens les plus propres Ă  l’épouÂŹ vanter pendant un songe.

Observons, eu finissant, que nous conservons a notre rĂ©veil la mĂ©moire de la plupart des songes, et qu il en est d’autres dont nous perdons le souvenir ; en gĂ©nĂ©ral nous opus rapÂŹ pelons les Ă©vĂ©nemens auxquels nous avons participĂ© avec conscience, soit comme acteur, soit comme spectateur , et nous oublions les scĂšnes auxquels nous avons jouĂ© un rĂŽle plus ou moins fatigant a notre insu.

Ainsi, nous transportant en idĂ©e a un spectacle , nous participons ou croyons participer avec conscience a des scĂšnes que notre imagination invente, nous sommes Ă©mus d’une foule de sentimens divers, et la mĂ©moire en reproduit au rĂ©veil l’impression conservĂ©e; qu’au contraire unsomnam- J)u!e se transporte en rĂ©alitĂ© dans un lieu , qu’il rĂ©ponde aux personnes qui l’interrogent, se tourmente, s’agite sans Ă©moÂŹ tion rĂ©elle, compose un Ă©crit, rĂ©solve un problĂšme; ces Ă©vĂ©nemens lui sont, pour ainsi dire, Ă©trangers, il n en a qu’une conscience si imparfaite qu’il ne s’y croit pas prĂ©sent; aussi ne se les rappelle-t-il pas, et ne doit-il pas se les rappeler

Ă  son rĂ©veil. G'Âź. 7. Trcinsmissiojis volitioiiuelles. — Les nerfs nous ol-

frent un genre de phĂ©nomĂšnes que l on ne saurait confondre avec les transmissions sensoriales, bien qu’ils se passent dans les mĂȘmes organes , bien que ce soient aussi des phĂ©nomĂšnes de transmission; ce sont les transmissions des volitions : elles diffĂšrent de celles des sensations par leur origine, par le sens de leur propagation, et autant qu’une volition s Ă©loigne d’une sensation. Ainsi, quoique ces deux phĂ©nomĂšnes pre- senient un trait frappant d’analogie dans leur caractĂšre de transmission j nous concevons nĂ©cessairement deux propriĂ©tĂ©s

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( 28 ) simples dans les nerfs, la transmissibilitĂ© sensorlaley et la transmissibilitĂ© voliiionnelle, ou seulement une propriĂ©tĂ© Ă Q transmissibilitĂ© qui est complexe et se dĂ©compose en deux propriĂ©tĂ©s plus simples ; ce sont celles que j’ai indiquĂ©es , et les rĂ©sultats sont les mĂȘmes.

8. Contractions vitales. — Ce sont des raccourcisse- niens de fibres dans un sens, tandis qu’elies augmentent dans d’autres.

Parmi les contractions, il en est de subites, comme celles du cƓur , des muscies volontaires, lorsqu’ils obĂ©issent Ă  la volontĂ© , des intestins , etc.

Mais il en est d’autres qui s’opĂšrent lentement j elles ont Ă©tĂ© trop souvent confondues avec l’élasticitĂ© des organes : telles sont celles de la peau contractĂ©e par le froid , de la peau et des muscles coupĂ©s qui se contractent lentement ei au- delĂ  de leur premier mouvement de rĂ©traction, qui est un phĂ©ÂŹ nomĂšne d’élasticitĂ©; telles sont encore celles des altĂšres, des veines resserrĂ©es jusqu’à effacer leur cavitĂ©; celles d’oĂč dĂ©pend la fermetĂ© des organes vivans ; la raideur des cadavres , opposĂ©e h la flacciditĂ© qui la suit dans toutes les parties molles.

Ces contractions lentes se distinguent de l’élasticitĂ©, iÂź par leurs effets, qui sont portĂ©s Ă  un plus haut degrĂ© que ceux de 1 Ă©lasticitĂ© , comme on le voit dans les vaisseaux, qui se resserrent peu Ă  peu complĂštement lorsqu’ils sont vides ; 2 par la lenteur de leur action qui, abandonnĂ©e Ă  elle-mĂȘme^ prolonge long-temps ces effets, tandis que l’élasticitĂ© qui n’a plus d entraves agit subitement, aiitaut qu’elle peut; 5“ par leur disparition aprĂšs la raideur cadavĂ©rique , au moment de la flacciditĂ©, tandis que l’élasticitĂ© subsiste seule, et ne dispaÂŹ raĂźt que par la putrĂ©faction.

Les contractions sont volontaires, ou en partie soumises à la volonté, ou involontaires.

Les contractions volontaires succĂšdent Ă  la volontĂ© qui les dĂ©termine : telles sont celles de nos muscles ; elles sont en rapport jusqu’à un certain point avec l’iiUensitĂ© et la durĂ©e des voĂ»tions; elles sont vives, subites, nĂ©cessairement inÂŹ termittentes, et produisent, par leur exercice trop soutenu ou trop actif, le sentiment de fatigue; ce sentiment en s’accroisÂŹ sant amĂšne la douleur et l’impuissance des contractions.

Ces contractions offrent entre elles des harmonies fort

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( 29 ) [ singuliùres ; ainsi, il est difficile de frotter sa poitrine d’une ! main tandis qu’on la frappe de l’autre, et il est certains inou-

veinens inverses qu’il est absolument impossible, au moins [ sans un long exercice, de pouvoir exĂ©cuter ; il serait peut-

ĂȘtre impossible de diriger a la fois ses deux yeux eu deÂŹ hors , etc.

Les contractions en partie soumises a la volontĂ© s’obserÂŹ vent dans le pharynx. )

Le pharynx, comme Ta observĂ© M. Magendie, paraĂźt ne pouvoir exercera vide des mouvemens de dĂ©glutition; ce n’est assurĂ©ment point [)ar un sentiment de fatigue, car nous n’en Ă©prouvons pas le moins du monde alors dans cet organe.

Les contractions involontaires agissent presque continuelÂŹ lement, et cependant elles n’entraĂźnent jamais le sentiment de fatigue; telles sont les contractions du cƓur, qui ont lieu pendant toute la vie a des intervalle^ fort rapprochĂ©s.

Parmi toutes ces contractions les unes sont sensibles, telles sont celles du cƓnr, de l’Ɠsophage, des intestins, de l’iitĂ©- rus : parmi celles-ci il en est de subites et de lentes. Les antres sont insensibles, telles que celles des capillaires ; elles sont trĂšs-probablement inapercevables , parce que les organes qui les prĂ©senieui Ă©chappent aux yeux; mais elles sont prouvĂ©es par les effets qu’elles dĂ©termine«it. Ainsi les mouvemens proÂŹ gressifs des fluides absorbĂ©s sur les diffĂ©rentes surfaces, ne peuvent s’opĂ©rer que sous l’influence des contractions des capillaires veineux ou lymphatiques qui les absorbent. Ce n’est pas le cƓur qui a pu les pousser dans ces vaisseaux, puis.- qu’ils ont Ă©tĂ© absorbĂ©s; ce n’est pas un phĂ©nomĂšne de capilÂŹ laritĂ© : il cesse sur le cadavre avant la dĂ©sorganisation ‘ ; et d’ailleurs les absorptions et la circulation capillaire ont tous les caractĂšres des phĂ©nomĂšnes vitaux. Il se pourrait que ce fĂ»t par la capillaritĂ© que le fluide s’engageĂąt d’abord dans l’orifice absorbant; mais assurĂ©ment il n’y circule que sous l’influence active de ses parois.

Ces contractions sont, au reste, fort peu connues ; on a cependant fait a leur égard beaucoup de suppositions que le raisonnement réprouve.

Il résulte de ces faits que les organes susceptibles de con-

« On trouve louiours, dans le pĂ©ritoine, une petite quantitĂ© de sĂ©ÂŹ rositĂ© qui i/a point Ă©tĂ© absorbĂ©e depuis la mort; elle provient de l’exhalation qni a persistĂ© aprĂšs l’absorption. 11 y a toujours aussi de la synovie dans les grandes articulations, etc.

I

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( 3o ) traction sont douĂ©s de contractilitĂ©, que cette facultĂ© peut agir lentement et ĂȘtre lente^ ou agir subitement et ĂȘtre subite; que cette propriĂ©tĂ© peut ĂȘtre mise en jeu par la volontĂ© dans certaine parties, et ĂȘtre volontaire^ ou en ĂȘtre indĂ©pendante, et ĂȘtre involontaire.

Je ne pense pas qu'on puisse admettre une contractilitĂ© insensible et sensible , parce que si les contractions sont telles, cela provient trĂšs-probablement du volume des orÂŹ ganes, et non d’un caractĂšre particulier dont nous ayons la connaissance.

G'Âź. 9. Ejcpansions vitales. — Les expansions vitales sont des phĂ©nomĂšnes inverses des contractions* ils consistent dans Faugmentation active d'Ă©tendue des parties qui les Ă©prouvent ; tels sont les rĂ©trĂ©cissemens de la pupille par l'augmentation de r iris vers son centre; la dilatation active des oreillettes et des ventricules du cƓur; la turgescence du mamelon, de la verge, du clitoris. Ces expansions sont sensibles et Ă©nerÂŹ giques. S’il en est d'insensibles dans les capillaires et les bouÂŹ ches absorbantes, nous n’en avons aucune preuve positive; elles sont subites et vives dans le cƓur, plus lentes dans la verge, le mamelon, le clitoris ; elles se rapportent Ă  l’ex- pansibilitĂ©.

G'Âź. 10. FĂ©condation. — La fĂ©condation est l'action du sperme sur le germe qu’il anime ; il faut distinguer ce phĂ©ÂŹ nomĂšne de l’animation, dont je vais m'occuper. Cet effet prouve que la matiĂšre fĂ©condante, quelle qu’elle soit, est douĂ©e d’une propriĂ©tĂ© que je regarderai comme vitale, parce que probablement elle ne persiste dans le sperme de l’homme que peu de temps aprĂšs son excrĂ©tion. Ne pourrait-on pas la nommer animatilitĂ©?

G'Âź. II. Animation.—L’animation est le dĂ©veloppement, par une vie propre, d'une partie qui auparavant existait d’une vie.commune avec tout l’ĂȘtre dans lequel elle est renfermĂ©e. 11 y a deux sortes de phĂ©nomĂšnes d'animation dans l’homme: l’une a lieu fĂ©condationl'autre paraĂźt spontanĂ©e.

L'animation par fĂ©condation se prĂ©sente dans le germe, dont je regarde l’existence, chez l’homme, comme trĂšs-proÂŹ bable, par l’analogie des autres ĂȘtres organisĂ©s. On a cru a tort que cela supposait l'emboĂźtement de germes infinis. N’est-il pas possible que les germes soient un produit des organes, comme le sperme l’est du testicule, et qu'ils ne puisÂŹ sent ĂȘtre produits par leur organe respectif, que lorsque ce

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( 3i ) dernier a acquis tout le dĂ©veloppement convenable ? Celle supposition ne s’accorderait-elle pas mieux avec les phĂ©noÂŹ mĂšnes de la vie , qui n’apparaissent chacun dans leurs organes respectifs, qu’au moment oĂč ceux-ci ont acquis un certain dĂ©veloppement? On a cru encore que les mulets prouvaient qu’il n y avait pas de germe ; mais ces phĂ©nomĂšnes ne prouÂŹ vent rien, sinon que la matiĂšre qui peut animer, peut encore inodilier le dĂ©veloppement du germe. Ces faits sont inconÂŹ cevables sans doute, mais quelque supposition qu’on ait faite et qu’on fasse, la mĂȘme difficultĂ© subsiste et subsistera, et on ne saura comprendre comment la matiĂšre fĂ©condante transmet les caractĂšres du mĂąle au petit. Si l’on ne conçoit pas qu’une graine s’anime sous l’influence d’une matiĂšre fĂ©condante, on ne conçoit pas davantage que la rĂ©tine Ă©prouve une sensaÂŹ tion et le cerveau une idĂ©e sous l’influence de la lumiĂšre. Tous les phĂ©nomĂšnes de la ntaure sont en derniĂšre anaÂŹ lyse inconcevables, et il faut se borner Ă  les admettre, d’autant mieux que c’est moins leur mĂ©canisme qu’il nous importe de connaĂźtre, que les circonstances et le mode de leur dĂ©veloppement.

\Janimation spontanĂ©e est celle qui se manifeste lorsque des organes ou des ĂȘtres nouveaux s’animent Ă©ventuellement et spontanĂ©ment dans nos tissus, tels que des fausses memÂŹ branes, des cicatrices, des hydalides, et peut-ĂȘtre des kystes et des vers intestinaux, etc.

J’appelle ces animations spontanĂ©es, parce qu’elles notis paraissent telles; il est possible qu’elles ne le soient pas. Mais jusqu’à ce qu’on sache le comment, ce doit ĂȘtre pour nous comme si elles l’étaient.

Nous rapportons encore Ăą ces phĂ©nomĂšnes, l’animation de la matiĂšre des pattes de l’écrevisse, de l’araignĂ©e, des bras du polype, primitivement sĂ©crĂ©tĂ©e, «te.

Il rĂ©sulte de ces faits qu’il est des parties douĂ©es de la facultĂ© vitale d’ĂȘtre animĂ©es par ou sans fĂ©condation; on peut l’appeler animitĂ©^ et la distinguer en animitĂ© par fĂ©condaÂŹ tion^ et en animitĂ© spontanĂ©e.

Les phĂ©nomĂšnes qui vont suivre sont probablement comÂŹ plexes, mais ils sont encore Ă  analyser. Tous les efforts tentĂ©s jusqu’à ce jour Ăą cet effet, n’ont abouti qu’a des supposiÂŹ tions. Il est probable mĂȘme que jamais on ne pourra y parÂŹ venir, parce qu’ils se passent dans la profondeur de nos tissus, ou dans des parties qui Ă©chappent Ăą nos sens par leur tĂ©-

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(30 unitĂ©. Ils sont crailleurs trop diffĂ©rens des pliĂ©noraĂšnes 'viÂŹ taux simples que nous avons analysĂ©s jusqu’ici, pour que nous puissions deviner ceux dont ils sont le rĂ©sultat commun.,

12 et 13. Composition et dĂ©composition continuelles de TĂ©conomie.— La composition et la dĂ©composition continuelles des corps vivans sont des phĂ©nomĂšnes sur lesquels on a encore peu de donnĂ©es. L’expĂ©rience de la coloration des os par la garance et l’ictĂšre en sont des preuves Ă©videntes; mais peut- on se persuader que, dans l’expĂ©rience de la garance, quelque chose de cette plante ait pu vivre avec nous et disparaĂźtre presÂŹ que aussitĂŽt? Quoi qu’il en soit, Ă  chaque moment nous assiÂŹ milons des matiĂšres Ă  notre propre substance, et a chaque instant nous en rendons Ă  la nature. Cette circulation de maÂŹ tiĂšre Ă  travers nos tissus, est au moins manifeste et hors de doute; mais l’est-il que, pendant le peu de temps que cette matiĂšre reste dans nos tissus, elle fasse essentiellement partie de nous-mĂȘmes, et soit animĂ©e des facultĂ©s de la vie ; ou au conÂŹ traire y a-t'il une trame organique permanente ou plus lenÂŹ tement muable, dans laquelle celle-ci vient se dĂ©poser pour un moment? Toutes les substances assimilĂ©es disparaissent- elles aussi vite que la garance ou que la matiĂšre de la bile dans l’ictĂšre, etc. ? , Ces deux phĂ©nomĂšnes opposĂ©s qu’on dĂ©signe en commun sous le nom de nutrition , peuvent ĂȘtre rapportĂ©s aux facultĂ©s simples de composition et de dĂ©composition, qu’on peut apÂŹ peler , si l’on veut, assimilĂŒĂ© et dĂ©sassimilitĂ©.

G'*". i4 - Accroissement. — C’est un phĂ©nomĂšne, probableÂŹ ment composĂ©, dont les Ă©lĂ©mens nous Ă©chappent. Il consiste dans une augmentation lente, et plus ou moins durable ou permanente, des corps, en longueur, en largeur et eu Ă©paisseur*.

Il y en a trois sous-genres. \Jaccroissement de VĂą^edont les effets sont permanens,

et qui, sans suivre des lois mathĂ©matiques , est assez rĂ©guÂŹ lier pour ne pas dĂ©passer certaines limites, et se prolonger au-del'a d’un certain temps. On dit qu’aprĂšs TĂąge de vingt- cinq ans, chez l’homme, il ne se fait plus qu’en largeur; mais ne prendrait-on pas l’embonpoint de l’age adulte, qui est le produit d’une sĂ©crĂ©tion graisseuse plus abondante, pour un accroissement rĂ©el. Je crois qu’il n’(St pas encore prouvĂ©. Quoi qu’il en soit, les parties accrues restent en cet Ă©tat, et ne redeviennent plus ce qu’elles Ă©taient. Cet accroissement est permanent.

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C 33 )

\Jaccroissement extraordinaire et morbide, dont les effets sont durables ; c’est l'augmentation d’une partie, indĂ©ÂŹ pendamment des autres, et d’une maniĂšre extraordinaire j telle est riiypersarcose.

accroissement non permanent. Ce genre d’augmentaÂŹ tion ne dure qu’un temps j tel est celui de l’utĂ©rus. Son dĂ©veÂŹ loppement est lent, et assez durable encore pour qu’il soit bien diffĂ©rent des expansions vitales ; cependant, il diffĂšre beaucoup des deux prĂ©cĂ©dons, parce qu’il ne paraĂźt pas rĂ©ÂŹ sulter d’une augmentation rĂ©elle de matiĂšre solide : au moins ses effets ne sont-ils pas permanens.

Il rĂ©sulte de ces faits que les parties vivantes sont douĂ©es de la propriĂ©tĂ© de s’accroĂźtre , qu’on pourrait appeler accres^ cibilitĂ©, et distinguer en accrescibĂŻlitĂ© des Ăąges , en accres~- cihilitĂ© maladive et en accrescibĂŻlitĂ© momentanĂ©e.

G"Âź. i5. Absorption.-^\JahsoĂŻĆž^\ox\ est l’acte par lequel les parties vivantes emportent, molĂ©cule Ă  molĂ©cule, au moyen d’une foule d’orifices ouverts a leur surface ou dans l’iniĂ©rieur

‘ de leur tissu, les matiĂšres qu’elles touebent, ou la subÂŹ stance mĂȘme de nos parties.

Elle ne varie pas de nature, pour s’opĂ©rer sur des surfaces diffĂ©rentes, cutanĂ©es, muqueuses, sĂ©reuses, etc. ; mais elle varie beaucoup sous d’autres rapports ; ainsi elle a lieu , 1 ” sans suppuration, dans les perforations spontanĂ©es, l’aminÂŹ cissement sĂ©nile des os , dans celui qui est produit par un fongus, un anĂ©vrysme, etc.; 2“ avec suppuration, dans les ulcĂ©rations cutanĂ©es, la plupart des ulcĂ©rations intestiÂŹ nales , etc.

Il n’est pas nĂ©cessaire de faire observer que la sĂ©crĂ©tion purulente qui accompagne ces derniĂšres Ă©rosions, est un phĂ©ÂŹ nomĂšne accessoire bien diffĂ©rent.

G^*. 16. SĂ©crĂ©tions. — Les sĂ©crĂ©tions sont des phĂ©nomĂšnes qui consistent dans la sĂ©paration d’un fluide du sang, comme de l’urine , de la sueur, etc.

Ces sĂ©crĂ©tions diffĂšrent beaucoup entre elles par la nature, par l’abondance de leurs produits , etc.

Ne peut-on pas les séparer en pliisieure groupes, sous le rapport des organes qui les produisent ?

Sécrétions exhalatoires, qui ont lieu sur les surfaces des membranes par une infinité de bouches vasculaires qui y sont ouvertes.

3

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f 34 ) Sécrétions par desjrauges : telles sont celles qui ont lieu

sous la langue par les franges sous-linguales, qu'on y observe ; celles qui ont lieu dans les cavitĂ©s synoviales, et dont on fait sortir de la synovie par la pression ; d’oĂč l'on voit que la syÂŹ novie des-articulations provient de deux sources diffĂ©rentes, des membranes et des franges vasculaires ou glandes synoÂŹ viales.

Sécrétions folliculaires, qui ont lieu à la surface libre et concave des follicules sébacés et muqueux, et donnent pour produit, les premiÚres, une substance grasse, assez consis tante, les secondes, un fluide muqueux.

SĂ©crĂ©tions glandulaires y qui ont lieu par des organes paÂŹ renchymateux , d’oĂč naissent une foule de canaux excrĂ©teurs qui se rĂ©unissent, comme les racines d’un arbre, en un ou plusieurs troncs principaux.

Parmi celles-ci, il en est dont les canaux excrĂ©teurs s’ouvrent directement sur les surfaces oĂč ils doivent verser leur fluide, comme celui du pancrĂ©as dans l'intestin, ceux des glandes salivaires , etc.; d'autres sont portĂ©es par un excrĂ©teur dans un rĂ©servoir, d’oĂč elles s'Ă©chappent au moyen d’un autre conduit excrĂ©teur ; ainsi, les urines sont versĂ©es dans la vesÂŹ sie , et elles s’évacuent par l’urĂštre ; d'autres communiquent mĂ©diatement avec leur rĂ©servoir, comme le canal hĂ©patique avec la vĂ©sicule du fiel.

Enfin, nos tissus peuvent devenir, extraordinairement, or ganes sécréteurs dans une plaie, une rupture, etc.

Quoi qu’il en soit de ces diffĂ©rences dans les organes sĂ©crĂ©ÂŹ teurs , il est Ă©vident que la facultĂ© de sĂ©crĂ©ter est fort rĂ©panÂŹ due dans l’économie ; partout, elle y est indĂ©composable pour nous, quoique assurĂ©ment composĂ©e dans sa nature.

G"Âź, Calorifications—La calorification est le phĂ©nomĂšne spontanĂ© de la production de chaleur dans les ĂȘtres vivans. Les rapports singuliers qu’il y a entre cet effet et la respiraÂŹ tion , l’augmentation de la tempĂ©rature du sang a son issue des poumons semble mettre sur la voie des Ă©lĂ©mens de ce phĂ©nomĂšne. Cependant, jusqu’à ce qu’on ait dĂ©montrĂ© posiÂŹ tivement que la chaleur animale est tout entiĂšre produite par la combinaison dans les poumons du carbone du sang avec l’oxigĂšne de l’air; jusqu'Ă  ce qu’on ait expliquĂ©, sans suppositions , les augmentations locales de tempĂ©rature dans les inflammations, l’influence nerveuse sur la calorificaÂŹ tion , etc., nous serons, je pense, forcĂ©s de regarder ce phĂ©-

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nomĂšne comme un phĂ©nomĂšne simple parce qu’il n’a pu encore ĂȘtre analysĂ© d’une maniĂšre exacte. On a cru que la calorification prenait aussi sa source dans le dĂ©gagement du calorique latent du sang, lorsque des particules de celui-ci sont solidifiĂ©es dans l’assimilation ; mais on n’a pas observĂ© que le phĂ©nomĂšne inverse de l’assimilation, qui liquĂ©fie en mĂȘme temps que l’autre solidifie, devait faire Ă©quilibre Ă  ce J ‱ T. ^

dernier. Il résulte de ces réflexions, que nous sommes forcés de

regarder la calorification comme un phénomÚne trÚs-proba blement complexe, mais encore simple pour nous. INous le rapporterons alors a une propriété simple , la caloricité : mot déjà employé dans ce sens par M. le professeur Chaussier.

G*Âź, i8. Electrification. — C’est la production vitale de l’é lectricitĂ©.

Telles sont les commotions Ă©lectriques que donnent Ă  voÂŹ lontĂ© la torpille {raja torpĂ©do), une espĂšce de silure, le gymnotus electricus. Elles ont tous les caractĂšres des phĂ©ÂŹ nomĂšnes vitaux; elles varient selon la force, la volontĂ©, l’irriÂŹ tation de l’animal, selon qu’il a fait un plus ou moins grand nombre de dĂ©charges , etc.

L’homme jouit-il de la mĂȘme facultĂ© dans certains cas morbides ?

Un homme instruit et peu susceptible de conter des merÂŹ veilles, m’a assurĂ© qu’en Italie, Ă  la suite d’une maladie , pendant plusieurs semaines, par le seul frottement du chanÂŹ gement de chemise , il s’échappait une foule d’étincelles Ă©lecÂŹ triques de la surface de son corps, d’ailleurs parfaitement dĂ©nuĂ© de poils et dans les mĂȘmes circonstances que celui des personnes qui l’approchaient.

Il y a loin sans doute de ce phĂ©nomĂšne involontaire au prĂ©cĂ©dent, mais il peut servir a Ă©veiller l’attention des obserÂŹ vateurs. «

RĂ©sumĂ© des phĂ©nomĂšnes vitaux simples et de leurs propriĂ©tĂ©s. —* Ces phĂ©nomĂšnes, que nous venons de classer d’aprĂšs leurs ressemblances, et de sĂ©parer d’aprĂšs leurs difÂŹ fĂ©rences, forment dix-huit genres distincts et naturels qu’on ne saurait confondre entre eux. Pour suivre la marche de l’esprit humain et celle des physiologistes mĂȘmes, nous les avons rapportĂ©s a autant de facultĂ©s vitales simples, gĂ©ÂŹ nĂ©riques , c’est-Ă -dire, que, par cela mĂȘme qu’un organe est susceptible de produire un phĂ©nomĂšne, nous en avons con-

3*

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du qu’il est douĂ© de la facultĂ© de le prĂ©senter : ce n’est qii’expriraer rigoureusement le fait dans un langage abstrait, communĂ©ment employĂ© par tous les hommes, parce qu il leur est trĂšs-naturel et trĂšs-intelligible, quoique certaines perÂŹ sonnes s’imaginent le contraire. Nous voudrions pouvoir porter l’analyse plus loin, et ramener, comme on l’a fait jusÂŹ qu’ici , a un trĂšs-petit nombre de phĂ©nomĂšnes et de facultĂ©s simples et distinctes, les phĂ©nomĂšnes vitaux et les facultĂ©s vitales j mais cela nous semble impossible , a moins de conÂŹ fondre les plus disparates sous un mĂȘme titre. Nous ne sauÂŹ rions donner notre assentiment Ă  l’analyse qui rapporterait tous les phĂ©nomĂšnes vitaux a des sensations et a des contracÂŹ tions , ou a la sensibilitĂ© et a la contractilitĂ©, ni Ă  celle qui les rapporterait a la nutrition et a l action vitale. La premiĂšre serait fort incomplĂšte et inexacte; la seconde ne serait pas poussĂ©e assez loin, on plutĂŽt il ny aurait pas meme danaÂŹ lyse. Je fais ces rĂ©flexions critiques pour prouver que c’est moins le dĂ©sir d’innover qui m’anime, que celui de justifier l’analyse que je prĂ©sente des phĂ©nomĂšnes vitaux. Mais nous verrons qu’il y en a bien d’autres, dans les etres vivans, que ceux auxquels nous avons particuliĂšrement rĂ©servĂ© ce nom ^ parce qu’ils font essentiellement le caractĂšre de la vie.^

On a cru, a tort je pense, qu’on ne pouvait connaĂźtre les facultĂ©s vitales sans en connaĂźtre les lois , et on s’est trompĂ© bien davantage si l’on a pu penser que, pour les connaĂźtre, il fallait trouver l’ordre mathĂ©matique de leur action. Cet ordre mathĂ©matique est fort rare dans les phĂ©nomĂšnes de la vie, et encore n’est-il jamais rigoureux, car il ne l’est pas mĂȘme dans la circulation, les mouvemens respiratoires, les fiĂšvres, et quelques affections intermittentes qui nous offrent l’ordre numĂ©rique le plus parfait dans les phĂ©nomĂšnes de la vie. Si ou invoquait un gĂ©nie du premier ordre pour faire en physiologie ce que Newton fĂźt en physique , on ouÂŹ blierait que les difficultĂ©s sont incomparablement inĂ©gales. En effet, les phĂ©nomĂšnes vitaux ou les propriĂ©tĂ©s vitales sorit variables et mobiles sous une foule d’influences inapprĂ©ÂŹ ciables et dans des circonstances parfaitement semblables pour nous. Les circonstances, les variations des phĂ©nomĂšnes et des propriĂ©tĂ©s physiques, au contraire, s’apprĂ©cient souvent jusque dans leurs nuances les plus dĂ©licates, parce qu’ils peuvent l’ĂȘtre par les moyens et l’intelligence des hommes. Les lois des facultĂ©s vitales n’ont rien de calculable, et ne

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permettent tout au plus que des approximations ; les lois des forces physiques, au contraire, sont calculables, parce quMles suivent un ordre numĂ©rique. Newton, armĂ© du tĂ©lescope, put trouver dans le ciel les faits propres a l’éclairer ; les physioloÂŹ gistes, armĂ©s du microscope, trouvent encore la nature trop obscure pour qu’il soit possible d’y lire, et les donnĂ©es propres Ă  les diriger leur Ă©chappent dans une foule de cas trop compliquĂ©s. Newton put employer l’arme puissante du calcul, et, savant des donnĂ©es qu’il avait acquises, trouver la loi qu’il cherchait et qui existait. Les physiologistes et les physiciens eux-mĂȘmes ont inutilement appliquĂ© le calcul aux phĂ©nomĂšnes de l’économie ; ils n’ont pu acquĂ©rir de donnĂ©es positives et trouver une loi qui n’existe pas ; -enfin, je l’ai dit ailleurs, les physiologistes ne peuvent arriver qu’à des proÂŹ babilitĂ©s, lorsque les physiciens arrivent Ă  des certitudes : cela tient a la nature de leur sujet respectif.

PhĂ©nomĂšnes mĂ©caniques. — A cet ordre, je rapporte, dans trois sous-ordres , tous les phĂ©nomĂšnes de mouvenieiiĂą communiquĂ©s, de rĂ©sistance physique, indĂ©pendans de la vie, et de solution de continuitĂ© observables dans l’économie aniÂŹ male.

1Âź' Sous*ORDRE. — Al Mouvemcns mĂ©caniques, sans 50- lutioii de continuitĂ©. — Les mouvemens mĂ©caniques sont dĂ©ÂŹ terminĂ©s tantĂŽt par les contractions ou les expansions vitales de quelques organes, tantĂŽt par des agens extĂ©rieurs.

Parmi les premiers de ces mouvemens, les uns sont comÂŹ muniquĂ©s immĂ©diatement par les organes en action : telles sont les extensions immĂ©diates des tenvlons et des aponĂ©ÂŹ vroses des muscles, les mouvemens des matiĂšres alimentaires, du sang, de l’urine, qui s’avancent sous l’organe qui les presse, de la peau qui obĂ©it aux muscles peauciers, etc. ; les autres, au contraire, sont tantĂŽt dĂ©terminĂ©s par des intermĂ©diaires mus passivement, comme ceux des os qui sont produits par l’intermĂšde des tendons et des aponĂ©vroses, comme ceux enÂŹ core des parties articulaires et de toutes les parties qui sont emportĂ©es par les os dans leur mouvement.

Je forme deux groupes des mouvemens mĂ©caniques : I. Moui'emens mĂ©caniques molĂ©culaires.— A ce premier

groupe, je rapporte les distensions, les resserremens méca niques, les retours élastiques des organes. Ces mouvemens se passent dans les parties molles et les parties dures, dans les articulations immobiles de celles-ci, dans leur continuité, et

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( 38 ) s’opĂšrent toujours par le jeu de leurs molĂ©cules les uns sur les autres. Rapportez-y encore les contractions par raccourÂŹ cissement , et enfin les Ă©branlemens ou commotions de nos parties, qui sont des phĂ©nomĂšnes molĂ©culaires communs aux solides et aux fluides.

G''Âź. 19. 1°. Distensions mĂ©caniques,—Ces phĂ©nomĂšnes ne s’observent que dans les solides, et plus particuliĂšrement dans les parties molles ou les chairs, que dans les parties dures, les fibro-cartilages, les cartilages et les os. Dans plusieurs circonstances, ils se manifestent cependant d’une maniĂšre sensible dans ces derniers Habituellement les cartilages des cĂŽtes sont tordus dans Tinspiration, et par consĂ©quent distendus ; ces distensions se manifestent surtout dans les cĂŽtes en certaines occasions.

Ces phĂ©nomĂšnes sont extrĂȘmement frĂ©quens dans les tissus mous; nous ne pouvons flĂ©chir un membre dans un sens, que la distension ne se manifeste dans les parties molles du cĂŽtĂ© opposĂ©.

On est Ă©tonnĂ© du degrĂ© qu’ils peuvent atteindre, lorsque la force extensive agit avec lenteur. A cet Ă©gard, rien n’est plus remarquable que les distensions lentes des parois de l’abdomen dans la grossesse, l’hydropisie abdominale, les hydropisies de Tovaire, les tumeurs fibreuses de l’utĂ©rus, etc.

Ne confondez jamais avec ces effets ceux qui se manifesÂŹ tent aussi Ă  un trĂšs-haut degrĂ© dans les os par une action lente qui les presse ou les distend. La tĂȘte des hydrocĂ©phales peut acquĂ©rir une ampliation considĂ©rable; les fosses nasales , le sinus maxillaire s’étendre beaucoup sous l’effort toujours actif d’un polype, etc.

Toutes ces distensions lentes des parties dures ne sont pas des phĂ©nomĂšnes mĂ©caniques : ce sont des modifications dĂ©ÂŹ terminĂ©es dans la nutrition des parties par une force mĂ©caÂŹ nique, et, dans la rĂ©alitĂ©, des phĂ©nomĂšnes de nutrition '. Il n’en rĂ©sulte pas moins des faits qui prĂ©cĂšdent ces derniers,

‘ Ces phĂ©nomĂšnes prouvent avec Ă©vidence l’influence des forces mĂ©caniques sur les parties solides de noire corps. Bichat s’est, je crois , trompĂ©, lorsqu’il a niĂ© que les saillies des attaches musculaires, les impressions des circonvolutions cĂ©rĂ©brales de l’intĂ©rieur du crĂąne et celles des muscles marquĂ©es sur tous les os, fussent dues Ă  l’action mĂ©canique des organes. Les Ă©minences d’insertion ne sont assurĂ©ment pas dues Ă  une extension mĂ©canique , mais Ă  l’accroissement des os, qui est modifiĂ© , favorisĂ© , peut-ĂȘtre mĂȘme excitĂ© et activĂ© dans le sons de l’action musculaire.

Quant au.\ impressions des os, elles sont dues à la seule présence

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' ( 39 )

que la distensibilité est une propriété physique de nos or- ganes.

20. 2°. Resserremens mĂ©caniques.—Ces phĂ©nomĂšnes ont lieu dans les solides et les fluides. On en a des exemples dans le resserrement qu’éprouvent les viscĂšres dans les efforts pour aller a la selle, dans le resserrement des poumons durant l’expiration, etc. Ces effets ont aussi lieu, quoique moins sensiblement, dans les os, les cartilages, et les fibro-carti- lages. Ils ont lieu dans le sens d’une concavitĂ© d’une courbure subite imprimĂ©e aux os qui en sont susceptibles: aux cĂŽtes, au pĂ©ronĂ©, par exemple; au crĂąne, choquĂ© ou pressĂ©, etc., avec violence.

Ils doivent avoir lieu dans les matiĂšres contenues dans les viscĂšres digestifs ; ils arrivent assurĂ©ment aux gaz compriÂŹ mĂ©s dans les intestins, et Ă  l’air dans les poumons. Mais le sang se resserre-t-il sous l’influence du cƓur? Nous l’ignoÂŹ rons. Cependant, comme la force du cƓur est trĂšs-grande , comme le sang contient beaucoup de fibrine , comme sa temÂŹ pĂ©rature est assez Ă©levĂ©e, comme les liquides sont compresÂŹ sibles , quoique trĂšs - faiblement, il pourrait arriver que le sang se resserrĂąt dans les ventricules.

Il résulte de ces faits, que les parties organiques sont douées de compressibilité.

G"^ 21.3°. PhĂ©nomĂšnes d'Ă©lasticitĂ©^ ou retours Ă©lastiques. — Ces phĂ©nomĂšnes consistent dans le retour actif des parties Ă  un Ă©tat de repos, lorsqu’elles cessent d’ĂȘtre comprimĂ©es ou distendues par une force quelconque.

TantĂŽt le retour a lieu par une extension ou un Ă©cartement molĂ©culaire consĂ©cutif Ă  une compression, comme cela arrive aux viscĂšres abdominaux qui repoussent les parois de la caÂŹ vitĂ© oĂč ils sont renfermĂ©s, lorsque celles-ci suspendent leur action j aux os courbĂ©s qui, par une action momentanĂ©e,

*

des organes, qui agissent en limitant, par leur présence, le dévelop

pement de ces parties. , , ‱ ‱ i i Ni les uns ni les autres n’cxistent chez les jeunes su)els , dont les

muscles faibles ont d’ailleurs peu agi , et dont les saillies cĂ©rĂ©brales et musculaires sont encore peu prononcĂ©es; mais Ă  inesuie que les muscles deviennent plus forts et agissent dayantage, Ă  mesure que ces saillies se marquent par le dĂ©veloppement des organes , et dans les. muscles, par la diminution des masses du tissu cellulaire intermus- culaire,’ou par leur action plus Ă©nergique et plus frĂ©quente, la nuÂŹ trition moule les os sur les parties qui les touchent, et ceux-ci cq.

conservent rempreinte fidĂšle.

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( 4» ) s’étendent du cĂŽtĂ© convexe de leur courbure, et se redres- sent; aux ailes du nez, qui s’ouvrent d’elles-mĂȘmes, aprĂšs qu’elles ont Ă©tĂ© resserrĂ©es; a l’air des poumons qui, Ă  la suite d’un effort, repousse Ă  la circonfĂ©rence les parois du thorax, etc.

TantĂŽt le retour Ă©lastique a lieu au contraire par le resÂŹ serrement d’un solide Ă  la suite d’une extension : il est extrĂȘmement frĂ©quent ; il ne saurait se manifester dans les fluides, parce qu’ils ne sont pas susceptibles de distension. On a sans doute de trĂšs-nombreux exemples de ce resserreÂŹ ment ; mais il faut prendre garde de confondre les retours Ă©lastiques par contraction avec les contractions vitales lentes. Nous en avons, a l’article de celles-ci, donnĂ© les caractĂšres distinctifs.

Il y a une contraction Ă©lastique dans les artĂšres qui , disÂŹ tendues par l’effort du sang, reviennent subitement sur elles- mĂȘmes ; dans la peau et les muscles coupĂ©s qui se rĂ©tractent subitement ; dans une aponĂ©vrose d’enveloppe incisĂ©e qui s’ouvre davantage; dans un os qui, distendu par une inflexion curviligne, se redresse et diminue dans le sens de sa disÂŹ tension, etc.

Tous les phĂ©nomĂšnes de ce genre se rapportent a l’élastiÂŹ citĂ© extensive ou contractive.

22. 4*’* Contractions par raccornissement. — Ce sont les mouvemens de racoquillement si connus qui se manifestent dans presque tous les tissus organiques (dans tous ceux qui n’ont pas une grande duretĂ© et une grande inflexibilitĂ©), lorsÂŹ qu’on les expose a la chaleur ou au contact d’un acide trĂšs- Ă©nergique.

Ce phĂ©nomĂšne est placĂ© subies limites de la vie, car les tissus oĂč il se manifeste meurent en mĂȘme temps qu’il y apparaĂźt.

G^Âź. 23. 5Âź. Ehranleniens ou commotions.— On rapporte a ce genre d’effets l’ébranlement dont toutes nos parties sont susceptibles, les unes sans accidens, les autres avec des soufÂŹ frances plus ou moins graves. Peut-ĂȘtre eĂ»t-on dĂ» regarder ce phĂ©nomĂšne comme un effet composĂ©, rĂ©sultant des mouÂŹ vemens et des chocs partiels des molĂ©cules de nos tissus.

IL Mouvemens de dĂ©placement. — Ils sont trĂšs-diffĂ©- rens dans les fluides et dans les solides.

AutĂŻcle ĂŻÂź'.’— Mouvemens des Jluides. — Ce sont de& progressions et des rĂ©trogressions.

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24. 1°. Progressions et rĂ©trogressions des fluides. ‘— On observe des mouveraens de progression dans le cours des matiĂšres digestives qui s’avancent dans l’appareil digestif de la bouche a l’anus, dans la prĂ©cipitation de l’air dans les pouÂŹ mons, dans l’inspiration, etc.; mais on observe, en outre^ des rĂ©trogressions dans les vaisseaux. Dans tous ces mouve- mens de niasse, au moins dans tous ceux des liquides et des gaz, les molĂ©cules sont dĂ©placĂ©es et mues en roulant les unes sur les autres.

Ces niouvemens sont dĂ©terminĂ©s par la contraction des canaux oĂč se trouvent les matiĂšres mues, et peuvent l’ĂȘtre en partie par leur resserrement mĂ©canique. Dans chaque conÂŹ traction , la matiĂšre comprimĂ©e rĂ©siste, et s’échappe la oĂč elle trouve une rĂ©sistance infĂ©rieure a la force qui la presse : elle se partage alors en trois portions, l’une progressive, l’autre rĂ©trograde, et la troisiĂšme immobile. La rĂ©trogression dans les vaisseaux est due en particulier a ce que la rĂ©sistance a la progression est supĂ©rieure Ă  celle de la rĂ©trogression ; mais Ă  mesure que la progression de la premiĂšre s’opĂšre, elle s’é tend successivement aux diverses parties des deux autres, qui s’avancent chacune a leur tour.

La prĂ©cipitation de l’air dans les poumons est le rĂ©sultat de sa pesanteur et du vide qui tend Ă  s’opĂ©rer dans le thorax.

Dans tous les cas, la progression des matiĂšres a lieu en raison de la force compressive et des obstacles qui s’y oppoÂŹ sent. Comme ces obstacles sont toujours actifs, le mouveÂŹ ment progressif ne s’entretient qu’autant que le jeu de la force impulsive se rĂ©pĂšte et se soutient.

En mĂȘme temps que les matiĂšres se meuvent mĂ©caniqueÂŹ ment, soit par progression, soit par rĂ©trogression, elles dilaÂŹ tent mĂ©caniquement les parties oĂč elles pĂ©nĂštrent, avec une Ă©nergie qui est en raison de la force qui les presse.

Article ’à. — Mouvemens des solides. G"¼. 25. 2¼. Glisseniens des tissus mous. — On en observe

deux espĂšces bien distinctes : dans la premiĂšre, les parties glissent les unes sur les autres, comme deux corps sans adhĂ©ÂŹ rences : tel est le glissement des intestins non adhĂ©rons les uns contre les autres, les glissemens des divers points d’une sĂ©reuse contre d’autres points, etc.; dans la seconde espĂšce de glissemens, les parties se meuvent l’une sur l'autre, en distendant un tissu lĂąche intermĂ©diaire : tel est le glisserneni

de la peau unie, d’une maniùre lñche, aux parties sous*ja-

I

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9

(40 centes, par un tissu iamineux, ou cellulaire, trĂšs-extenÂŹ sible.

DĂ©place mens des parties dures. — Ces mouvemens se passent dans les articulations mobiles, et en mĂȘme temps dans le corps des os et des cartilages.

Dans ces mouvemens, les os articulĂ©s se comportent comme des leviers de premiĂšre, de deuxiĂšme et de troisiĂšme espĂšce. Ils prĂ©sentent, comme ces mĂȘmes leviers, un centre de mouÂŹ vement , un point d’appui, un point de rĂ©sistance et un point de puissance.

Le centre de mouvement est le point autour duquel tourÂŹ nent tout le levier ou les divers points du levier, selon que le centre de mouvement est ou n’est pas hors du levier. Il est hors de lui, lorsque le tibia se meut autour du centre de la courbe des condyles du fĂ©mur; il se trouve au contraire dans un point de son Ă©tendue, et il occupe particuliĂšrement le centre de sphĂ©ricitĂ© de la tĂȘte du fĂ©mur, lorsque son col s’inÂŹ cline sur l’axe de la cavitĂ© cotyloĂŻde.

Le point d’appui est le point rĂ©sistant sur lequel le levier s’appuie dans son mouvement. Ce point est plus ou moins rapprochĂ© du centre des mouvemens du levier, ou confondu avec lui, selon les cas. Il en est toujours distant, lorsque celui-ci est hors du levier.

Le point de la rĂ©sistance est celui oĂč agit la rĂ©sistance. Le point delĂ  puissance est le point oĂč se passe l’action de cette derniĂšre.

C’est des rapports de ces trois derniers points que rĂ©sultent les trois espĂšces de leviers que l’on trouve dans la nature.

Les parties non articulĂ©es avec d’autres parties solides , comme le larynx, l’hyoĂŻde de l’homme, se meuvent comme des projectiles, et non comme des leviers. Les mouvemens trĂšs-leniemeut imprimĂ©s aux os de la face par un polype qui les sĂ©pare, sont des mouvemens complexes oĂč ces os agisÂŹ sent en se sĂ©parant de maniĂšres trĂšs-diversifiĂ©es.

Mouvemens du corps des parties dures. — Ils consistent ou dans les dĂ©placeraens uniformes de toute la partie, ou dans une inclinaison, ou dans un circumduction, ou dans une rotation, qu’il ne faut pas confondre avec la rotation articuÂŹ laire dont je parlerai ci-aprĂšs.

G'Âź. 26. y. DĂ©placemens uniformes de toute la partie mise en mouvement. — Ils s’observent dans les os courts du carpe et du tarse ,* lorsqu’ils glissent sur eux-mĂȘmes, sans

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( 45 ) s’incliner l’un sur l’autre ; dans les mouvemens d ascension

du larynx et des arceaux de sa trachĂ©e, etc. 4°‘ Inclinaisons. —— Ce sont des mouvemens dans

lesquels les parties s’écartent de leur direction actuelle par rapport au plan sur lequel elles portent : telles sont les

flexions des os ou leur retour a l’extension. G^Âź. 28. 5". Circwndiictions. — Ce sont les dĂ©placemens

successifs d’un os qui est actuellement incline sur son articuÂŹ lation , et qui se meut suivant la circonfĂ©rence d’un cercle, en roulant, dans son article, sans changer d’inclinaison. Ce mouvement est distinct de l’inclinaison ^ et s’interrompt sitĂŽt que celle-ci se manifeste, parce qu’ils ne peuvent s’opĂ©rer

ensemble. G"¼. 29. 6°. Tournoieniens. — Ils s’observent dans l hu¬

mĂ©rus, le radius, le fĂ©mur, lorsque ces os tournent autour d’un axe longitudinal, fictif, Ă©tendu obliquement du centre de mouvement de leur col, dans l’humĂ©rus et le fĂ©mur au centre de mouvement qui passe par leur extrĂ©mitĂ© infĂ©rieure, et dans le radius au centre de mouvement qui occupe 1 intĂ©ÂŹ rieur de l’extrĂ©mitĂ© infĂ©rieure du cubitus. On peut y rapÂŹ porter encore le mouvement de l’atlas autour de l apophyse odontoĂŻde, en considĂ©rant l’atlas comme un segment ou une

portion cylindrique d’un os long. Mouvemens articulaires des os et des cartĂ»ages. 11 y

en a deux genres i ce sont des glisseinens ou des rotations. G'^¼. 3o. 7°. GUssemcns articulaires. — Les glissemens

ou les frottemens de premiÚre espÚce sont les plus répandus et les plus fréquens des mouvemens articulaires.

Ces glissemens diffĂšrent dans les diverses articulations, et

selon les mouvemens qui s’y passent : i"*. Dans les unes, comme dans celles du carpe, du tarse,

des apophyses articulaires des vertĂšbres, on observe des mouvemens de glissement qui passent ou peuvent se passer dans toute l’étendue des surfaces articulaires : ce sont des

glissemens articulaires rectilignes. 2¼. Dans d’autres, comme dans certains mouvemens des

articulations de la tĂȘte du fĂ©mur, delbumĂ©rrrs, du genou, du coude, des phalanges entre elles , de l’apophyse odonÂŹ toĂŻde avec l’atlas , de l’extrĂ©mitĂ© inlĂ©rieure du radius et du cubitus, des cartilages arytĂ©noĂŻdes, une surface concave tourrre autour d’une courbe, et par consĂ©quent autour du

centre du cercle dont la courbe forme une portion, ou , au

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‘ ( 44 )

contraire, une convexité glisse sur une autre surface plus ou moins concave autour de son centre de sphéricité.

Dans ces deux cas, le contact est plus ou moins Ă©tendu : ce sont des glisseiiiens curvilignes.

Dans les mouvemeus articulaires, on trouve une troisiĂšme espĂšce de glissement, que j’appellerais volontiers pivotant : tel est celui qui se passe dans l’articulation de la petite tĂȘte de l’extrĂ©mitĂ© infĂ©rieure de l’humĂ©rus avec le radius, lors des mouvemens de pronation et de supination. Dans ce glissement, une des surfaces se meut en tournoyant autour d’un axe qui passe a peu prĂšs par son centre, et qui doit varier dans le mouvement mĂȘme par la sphĂ©ricitĂ© imparfaite des surfaces.

G'Âź. 3i. 8°. Rotations ajuiculaĂźres. — Les rotations artiÂŹ culaires ou les froltemens de seconde espĂšce s’observent dans les mouvemens de circumduction de l’humĂ©rus, du fĂ©mur, du premier mĂ©tacarpien, de l’extrĂ©mitĂ© sternale de la claviÂŹ cule, dans ses mouvemens d’inclinaison, etc.

Dans ces divers mouvemens, le contact est successif, et ii’a lieu a la fois que par la simple apposition de quelques points; Ă  mesure que cette apposition se fait dans un sens, elle cesse successivement dans le sens opposĂ©, par le soulĂšveÂŹ ment et l’écartement des points eu contact, comme dans le mouvement d’une roue. Les parties qui se touchent ne se meuvent point sur d’autres, comme cela arrive dans les glis- semens ; dans ceux-ci, les contacts changent et se rĂ©pĂštent a chaque instant, sansque le corps de la partie qui glisse cesse de toucher, dans une Ă©gale Ă©tendue, le corps sur lequel il se meut. On pense que la difficultĂ© de ces mouvemens et l’usure des surfaces frottantes proviennent de ce que les inĂ©galitĂ©s de ces surfaces s’engrĂšnent et se brisent successivement. On pense encore que, si ce fait n’a pas lieu dans les glissemens arÂŹ ticulaires, cela tient a la synovie, qui en mouille les surfaces, et ramĂšne leur mĂ©canique par le jeu des molĂ©cules de ce liquide a celle des frottemens de deuxiĂšme espĂšce ou de roÂŹ tation.

Dans les mouvemens de circumduction, la surface artiÂŹ culaire roule sur l’opposĂ©e par tous les points d’une ligne cirÂŹ culaire dont le centre des mouvemens varie comme les inÂŹ clinaisons qui font varier la circonfĂ©rence du cercle. Le» inclinaisons de la clavicule sur le sternum rĂ©sultent d’un mouvement de bascule articulaire, et ce mouvement est un

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_ ( 45 ) _ commencement de rotation, une rotation peu Ă©tendue. Il en est de mĂȘme des mouvemens des os du tarse, du carpe , quand ils ne glissent pas , mais s’écartent seulement d’un cotĂ©, comme lorsque sous le poids du corps la voĂ»te du tarse se redresse par le simple Ă©cartement de ses os en bas, et que

ceux-ci arc-boutent en haut. J’appliquerai ailleurs celte analyse aux mouvemens com¬

posés de Téconoraie, comme je le fais plus bas, pour les ré

sistances. 2Âź Sous-ordre. — B. RĂ©sistances. — Elles s’opposent a

l’action des forces distensives, compressives ou impulsives. Elles se distinguent en six genres, selon qu’elles ont lieu

par cohĂ©sion, par rĂ©pulsion, par transmission, par force d’inertie, ou par un mouvement de cĂ©der incomplet. Par les trois premiers mĂ©canismes, la rĂ©sistance s’oppose au briseÂŹ ment ; par le quatriĂšme;, elle s’oppose au dĂ©placement^ par

le cinquiĂšme, Ă  l’un et Ă  l’autre. 32. 1°. RĂ©sistances par cohĂ©sion. — La cohĂ©sion ne

s’observe que dans les solides : c’est la force d’union de leurs parties les plus petites. Elle rĂ©siste aux efforts distensifs et Ă  la rupture, d’autant plus que ces efforts sont portĂ©s plus loin , jusqu’à ce qu’enfiu sa rĂ©sistance soit Ă©gale h leur action.

Les tissus mous tiraillĂ©s peuvent se distendre, mais ils n’en rĂ©sistent pas moins Ă  l’action qui les distend. Il faut prendre garde de confondre avec la rĂ©sistance physique Ă  la distension l’effet de la contraction vitale des muscles j celui-ci cesse aprĂšs la raideur cadavĂ©rique, et alors il ne reste plus que la cohĂ©sion physique des tissus.

Dans les os, il faudrait un effort prodigieux pour les briser par la seule distension perpendiculaire de leur tissu, parce

'que leur cohĂ©sion est extrĂȘmement Ă©nergique. Tel est l’ordre de cohĂ©sion des tissus qu’il va toujours dĂ©ÂŹ

croissant des os aux ligamens, aux tendons, aux aponévroses, au tissu jaune, à la peau, et aux autres tissus mous.

G'Âź. 33. 2°. RĂ©sistançes par ressort ou rĂ©pulsion. — La rĂ©pulsion est la force par laquelle les molĂ©cules des organes sont maintenues Ă©cartĂ©es jusqu’aux limites de l’étendue de ces parties. Elle s’oppose Ă  la compression, a la circompression et a l’anĂ©antissement des parties, avec d’autant plus d’éner-

- gie que le corps est plus comprimĂ©, jusqu’à ce qu’enfin celui-ci, par son ressort ou sa rĂ©pulsion, fasse Ă©quilibre a la

force qui le presse.

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( 46 ) Ce phénomÚne a lieu dans les fluides circomprimés. Leur

ressort est tel que, si on leur ouvre le passage le plus Ă©troit, leurs molĂ©cules sans cohĂ©sion s’y Ă©chappent avec vitesse. Leur mobilitĂ© est si grande, que la compression ne peut agir sur elle qu’autant qu’elle est circompressive. Parmi eux, les fluides Ă©lastiques ne rĂ©sistent absolument et puissamment qu’aprĂšs s’ĂȘtre rĂ©duits plus ou moins, selon TintensitĂ© de l’agent compressif; au contraire, les liquides rĂ©sistent avec Ă©nergie, et sont Ă  peine compressibles : cependant on sait acÂŹ tuellement, par expĂ©rience, qu’ils le sont.

Les tissus mous rĂ©sistent Ă©nergiquement, par leur ressort, a la compression qui les embrasse exactement : dans le resÂŹ serrement de l’abdomĂšn, par exemple.

Dans les tissus durs, et surtout dans les os, dont la co hésion retient immobiles les particules, celles-ci agissent avec tout leur ressort, leur incompressibilité, et cÚdent a peine à la circompression et a la pression. Cependant, plus le point sur lequel agit la circompression est étroit, plus celle- ci agit avec avantage.

G^Âź. 34. 3°. RĂ©sistances par transmission, — Elle a lieu par le passage de l’effort de la partie sur laquelle il agit, dans une ou plusieurs parties voisines qui lui sont continues ou contiguĂ«s.

La partie rĂ©siste ainsi au mouvement ou a la pression que l’effort lui communique, et l’effet est d’autant plus efficace , que la dĂ©charge de l’effort a Ă©tĂ© plus rapide.

Ce phĂ©nomĂšne a lieu dans les fluides enfermĂ©s exactement, et le mouvement alors s’y propage avec une grande rapiditĂ© : c’est ainsi qu’est produit le phĂ©nomĂšne du pouls. Comme le sang est fort peu compressible au moment oĂč il est chassĂ© dans l’aorte, le mouvement se propage avec vitesse, et tout vibre, frĂ©mit et bat a la fois dans l’économie, comme un Ă©cho qui se rĂ©pĂšte en cent lieux en mĂȘme temps, comme cette longue poutre qui, par sa continuitĂ©, reprĂ©sente simultanĂ©ÂŹ ment, Ă  unç extrĂ©mitĂ©, les mouvemens qu’on lui commu- ' nique Ă  l’autre. Mais si les liquides, exactement enfermĂ©s, deviennent trĂšs-propres Ă  transmettre un mouvement ou un effort par leur rĂ©sistance, sitĂŽt qu’ils cessent d’ĂȘtre dans ces circonstances, cette rĂ©sistance s’évanouit.

Les tissus mous sont de fort mauvais conducteurs d’un effort, parce qu’ils participent de la mobilitĂ© des fluides, lorsÂŹ qu’ils ne sont pas bien circonscrits par l’action qui les presse.

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( 4: ) il a’en est pas de mĂȘme des os : leur cohĂ©sion, leur faible

compressibilitĂ©, ou leur ressort, les rend excellens conducÂŹ teurs d’une action mĂ©canique ; aussi se la transmettent-ils les uns aux autres, avec une .vitesse qui ne le cĂšde pas a celle clĂ©s liquides exactement enfermĂ©s. Dans ce cas, ils la transÂŹ mettent aux parties sous-jacentes qui les supportent, a celles sus-jacentes qui les soutiennent, enfin, selon les cas, Ă  toutes Jes parties qui les entourent, mais surtout Ă  d’autres os ou Ă  des cartilages, si leurs connexions le leur permettent.

G"Âź. 55. 4*^* RĂ©sistances d'inertie. — Elles consistent dans la tendance d’une partie a rester dans l’état oĂč elle se trouve.

Ce genre de rĂ©sistance est donnĂ© par la masse, le volume, la consistance, le mouvement, ou le repos de la partie. La masse est donnĂ©e par la quantitĂ© de inatiĂšre qu’elle offre sous son volume, ou si l’on veut, par sa pesanteur spĂ©cifique- et plus elle est grande, plus l’effort a besoin d’énergie, parce qu’il se divise davantage.

Le volume de la partie influe, en ce qu’il favorise davanÂŹ tage la rĂ©partition de l’effort et son extinction. La mollesse d’un organe augmente sa force d’inertie contre les mouvemens qui lui sont communiquĂ©s, par la tendance continuelle de ses parties a se sĂ©parer en vertu de la seule pesanteur.

Le mouvement est la circonstance la plus favorable Ă  la rĂ©sistance, s’il est inverse a celui de la puissance; mais c’est prĂ©cisĂ©ment l’opposĂ© dans le cas contraire.

Les liquides, les tissus mous, offrent une grande rĂ©sistance par leur force d’inertie. Les tissus durs , plus susceptibles de se mouvoir dans leur masse par la soliditĂ© de leurs parties, rĂ©sistent moins sous ce rapport; mais, d’une autre part, leur grande densitĂ© offre un obstacle puissant.

G'Âź. 3(). . RĂ©sistance par mouvement de cĂ©der. — Elle agit en obĂ©issant en partie Ă  la pression ou au mouvement, qu’elle neutralise bientĂŽt ; c’est le roseau qui rĂ©siste en pliant. Elle a lieu , le plus frĂ©quemineni, soit dans les parties molles, soit dans les tissus durs, et sauve de bien des accidens. On sait que souvent les parties seraient rompues, si elles ne cĂ©ÂŹ daient lĂ©gĂšrement : ce fait est sensible dans les cartilages des ailes du nez, des oreilles, etc.

RĂ©jlexions sur les rĂ©sistances composĂ©es. — On les raÂŹ mĂšne toutes, par l’analyse, aux divers genres de rĂ©sistances simples que je viens d’indiquer.

Dans les fluides et les tissus mous, elles ont a la fois lieu

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( 48 ) par rĂ©pulsion ou ressort, par transmission, par appui et par inertie, lorsqu’une force compressive agit sur eux. Dans les tissus mous , il y a en outre, dans ce cas , rĂ©sistance par coÂŹ hĂ©sion et par mouvement.

Dans les tissus durs , le phĂ©nomĂšne est diffĂ©rent dans leurs parties, les os, par exemple, et dans leur ensemble, et il y diffĂšre selon l’étendue, la direction, la forme, la situation, la structure, et les propriĂ©tĂ©s physiques de ces organes. InÂŹ diquons ces particularitĂ©s.

Les puissances mĂ©caniques ont peu d’action sur les parties dures peu Ă©tendues. Le point qu’elles frappent ou qu’elles pressent est plus rĂ©sistant, parce que la partie toute entiĂšre fuit sous son influence. La rĂ©sistance a lieu surtout par mouÂŹ vement, et souvent par transmission. Au contraire, dans les parties Ă©tendues, comme le corps du fĂ©mur, le point passif est comme tendu entre des points qui, lorsque l’action est subite, n’ont pas mĂȘme le temps de la ressentir, que dĂ©jĂ  elle a cessĂ©, soit qu’elle ait ou n’ait pas brisĂ© l’os. Dans ce cas, la rĂ©sistance a lieu par ressort au point comprimĂ©, et, par cohĂ©sion, au point opposĂ© : il en est de mĂȘme des points centraux des os larges. Vers les points mobiles ou articuÂŹ laires des grands os, la rĂ©sistance se rapproche de celle des os courts.

On sait que les os courbes offrent plus de rĂ©sistance Ă  la convexitĂ© de leur courbure que s’ils Ă©taient planes ; ils rĂ©sisÂŹ tent par le mĂ©canisme des voĂ»tes par cohĂ©sion dans le sens de la concavitĂ©, et par ressort Ă  la convexitĂ©. 11 paraĂźt que la courbure des os longs augmente leur rĂ©sistance, suivant leur longueur, comme les flexions d’un ressort.

La forme des os longs influe beaucoup sur leur rĂ©sistance; par leur canal, la quantitĂ© de matiĂšres restant la mĂȘme, ils offrent beaucoup plus de rĂ©sistance qu’un os qui serait d’égal poids, d’égale hauteur, et massif. Ils rĂ©sistent au brisement, suivant leur hauteur; par leur ressort, suivant leur circonÂŹ fĂ©rence; par le mĂ©canisme des cylindres creux, ç’est-Ă -dire par le ressort des molĂ©cules osseuses, Ă  la surface externe; par leur cohĂ©sion, a la surface interne, si l’effort agit sur deux points opposĂ©s ; .par le ressort de l’os tout entier, si la puissance agit sur toute sa circonfĂ©rence Ă  la fois. L’élargisÂŹ sement des extrĂ©mitĂ©s des os longs favorise la superposition, et par cela mĂȘme la rĂ©sistance au dĂ©placement.

La forme dentelée des os du crùne en assure le rapproche^

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( 49 ) ment et la rĂ©sistance j la forme bizarre des vertĂšbres y conÂŹ tribue encore, en portant par leurs apophyses la rĂ©sistance sur les points de l’os les plus solides : ces os rĂ©sistent encore par leurs anneaux, comme les cylindres.

La situation influe beaucoup sur le mode de rĂ©sistance des parties dures 5 les parties mobiles, supportĂ©es et couvertes par des chairs, comme l’omoplate, rĂ©sistent surtout par transÂŹ mission et par un mouvement de cĂ©der.

Les parties articulées par des jointures mobiles, comme les os longs , résistent aux efforts transmis à leurs parties congé nÚres , et leur en transmettent a leur tour. Ces os se pressent aussi les uns les autres par leur ressort mutuel, leur pesan teur, etc.

Les parties articulĂ©es lĂąchement rĂ©sistent en mĂȘme temps Î)ar un mouvement de cĂ©der. Les parties articulĂ©es par des igamens solides rĂ©sistent encore par transmission de mouveÂŹ

ment , par la cohĂ©sion des ligamens, etc., selon la maniĂšre dont agit la puissance. Celles qui sont articulĂ©es solidement par de forts fibro-cartilages, comme les vertĂšbres, rĂ©sistent par leur cohĂ©sion, dans un sens, et leur ressort dans un autre, lorsqu’on les flĂ©chit.

Celles qui sont articulées par des surfaces inégales, comme les os de la face, résistent par transmission, et en outre, souvent, par le mécanisme des tenons, qui est une sorte de cohésion.

Celles qui sont articulĂ©es a la circonfĂ©rence par des denteÂŹ lures, rĂ©sistent par transmission Ă  toute la circonfĂ©rence, et par une sorte de ressort et de cohĂ©sion des articulations, selon que ces dentelures s’appuient sur l’os sur lequel s’opĂšre la transmission, ou selon qu’il s'appuie sur elles.

Les os compactes et les points compactes résistent plus que les points spongieux à une pression étroite, par leur ressort.

Les points les plus durs rĂ©sistent probablement le plus ; cependant il n’est pas rare de trouver des fractures, par contre-coup, aux rochers.

Passons Ă  la rĂ©sistance composĂ©e des membres, de la colonne vertĂ©brale, de la poitrine, du bassin, de la face et de la tĂȘte.

Les membres infĂ©rieurs rĂ©sistent au poids du corps par le mĂ©canisme des colonnes lĂ©gĂšrement inflĂ©chies, et formĂ©es de plusieurs piĂšces; c’est, par consĂ©quent, par le ressort et la cohĂ©sion de leurs os et des cartilages intermĂ©diaires.

Le tarse rĂ©siste par un mouvement de ses os tel qu’ils se resserrent vers la surface supĂ©rieure, et s’écartent dans le sens

4

I

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( ) opposĂ©, comme cela arrive dans les rotations articulaires j il rĂ©siste aussi par une transmission de Teffort sur le sol par les parties antĂ©rieure, postĂ©rieure et externe de la plante du pied qui s’y appuient.

La colonne vertĂ©brale rĂ©siste de haut en bas par le mĂ©caÂŹ nisme des ressorts inflĂ©chis et Ă  base large, et en outre comme une colonne de plusieurs piĂšces creuses. De ces inflexions, qui augmentent la rĂ©sistance en raison du carrĂ© de leur nombre, plus un, il rĂ©sulte qu’elle est seize fois plus rĂ©sistante, de haut en bas, que si elle Ă©tait verticale.-En derniĂšre analyse, c’est toujours par ressort, par cohĂ©sion et par transmission.

Elle résiste, suivant sa circonférence, comme un cylindre irrégulier, dont les apophyses extérieures auraient encore leur mode de résistance particulier.

Les cavitĂ©s cylindriformes, comme la poitrine et le bassin, rĂ©sistent aussi comme des cylindres de plusieurs piĂšces, suiÂŹ vant leur circonfĂ©rence. Mais comme ces cavitĂ©s sont fort irÂŹ rĂ©guliĂšres dans les divers points de leur contour, comme celle du thorax est trĂšs-mobile dans ses parois, il s’ensuit que le mĂ©canisme de leur rĂ©sistance varie nĂ©cessairement en raison de ces modifications. Je m’écarterais de mon objet en m’en occupant. J e ferai seulement observer que, dans ces cavitĂ©s comme dans les cylindres et les sphĂ©roĂŻdes, tout effort fait sur un point de leur contour en suit la circonfĂ©rence, autant que la rĂ©gularitĂ© le permet, et s’éteint en partie dans le sacrum ou le rachis, et avec d’autant plus d’exactitude, que l’effort est plus directement opposĂ©; que, lorsque le contour de la cavitĂ© est fixĂ© sur un appui Ă©tranger, et qu’elle Ă©prouve un effort a l’opposĂ©, le mouvemeiii s’y rend toujours en suivant sa courÂŹ bure, pour se rĂ©pandre par transmission dans le point d’apÂŹ pui ; qu’outre la rĂ©sistance de transmission, qui se fait touÂŹ jours au moins indirectement, on y observe, lorsqu’il n’y a pas d’appui Ă©tranger, celle de mouvement, et que, dans l’un et l’autre cas, celle de cohĂ©sion et celle de ressort ont lieu aux circonfĂ©rences intĂ©rieure et extĂ©rieure d’une maniĂšre inÂŹ verse, comme je vais l’expliquer en pariant de la rĂ©sistance du crĂąne.

Dans la cavitĂ© ellipsoĂŻde du crĂąne, l’effort se divise en rayonnant, et chaque rayon de cette puissance suit la courÂŹ bure de la cavitĂ©, et va se rĂ©unir au point opposĂ© en un centre, qui est le foyer oĂč ils convergent tous.

Cependant, lorsque ce foyer n’est point appuyĂ©, une partie des rayons s’échappent indirectement par la colonne cervi-

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( 5i- ) cale, et l’autre imprime un mouvement Ă  la totalitĂ© de la tĂȘte, si on ne s^y oppose par un effort. Dans ce cas, le crĂąne rĂ©siste au dĂ©placement, et par la force d’inertie de la tĂȘte, et par le mouvement de la totalitĂ© de celle-ci, et en partie par transmission. Toutes les fois, au contraire, qu’au point de convergence des rayons de l’effort se trouve un appui, soit le rachis, soit un soutien Ă©tranger, ils s’échappent par cette voie. Ainsi, que la tĂȘte soit appuyĂ©e sur l’occiput, et qu’on fasse effort sur le front, c’est a l’occiput que sera le foyer de concentration et de transmission.

Mais, dans ce cas, les deux moitiĂ©s opposĂ©es de l’el^ lipse du crĂąne tendent a se rapprocher, ou se rapprochent de maniĂšre Ă  redresser leurs surfaces concaves et convexes, et il doit se faire une saillie anguleuse en dehors par le rapÂŹ prochement de la circonfĂ©rence de ces deux moitiĂ©s elliptiÂŹ ques au point fictif oĂč l’on conçoit qu’elles se confondent. Il suit de lĂ , que leur surface interne s’étend et l’externe se resÂŹ serre-, la premiĂšre, malgrĂ© la cohĂ©sion ; la seconde, contre l’effort opposĂ© par le ressort des molĂ©cules qui la forment; qu’à l’endroit fictif oĂč les circonfĂ©rences des.deux demi ellipses se rencontrent, leur surface externe s’étend malgrĂ© la cohĂ©ÂŹ sion, par la saillie anguleuse qui doit avoir lieu, tandis que l’interne se resserre malgrĂ© le ressort des molĂ©cules , en sorte que la rĂ©sistance au brisement du crĂąne, dans ce cas, a lieu Ă  l’intĂ©rieur et Ă  l’extĂ©rieur d’une maniĂšre inverse par la coÂŹ hĂ©sion et le ressort des particules osseuses.

On doit observer que la rĂ©sistance du crĂąne rĂ©unit tous les modes de rĂ©sistances simples dont nous avons donnĂ© l’analyse.

Il en est de mĂȘme pour le thorax et le bassin : seulement^ les phĂ©nomĂšnes que je viens d’analyser ne peuvent se dĂ©veÂŹ lopper que suivant leur circonfĂ©rence transversale, avec des modifications donnĂ©es par l’irrĂ©gularitĂ© de leur forme ; mais ces dĂ©tails seraient dĂ©placĂ©s ici : il me suffit d’avoir dĂ©comÂŹ posĂ© une des rĂ©sistances les plus complexes de l’économie animale.

Quant Ă  la face, elle rĂ©siste surtout par transmission, k l’aide des appuis divers qu’elle prend sur le crĂąne. Ses os rĂ©sisÂŹ tent entre eux par leurs appuis rĂ©ciproques , se tiennent par des inĂ©galitĂ©s qui s’engrĂšnent, et cflrent jusqu’à un certain point la disposition de tenons engagĂ©s dans leurs mortaises, disposition plus frappante encore dans les os du crĂąne, et (jui rapproche ce mode de rĂ©sistance de celui par cohĂ©sion.

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( 52 ) 3Âź SotJS-ORDRE. — C. Solutions de continuitĂ©. — Ce sont

les séparations qui arrivent à nos tissus, lorsque leur résis tance est inférieure k la force qui agit sur eux. 11 y en a trois genres.

G"Âź. 37. Sections. — Ce sont celles qui sont opĂ©rĂ©es dans nos tissus, soit en sciant, soit en pressant, soit par Tun et l’autre mĂ©canisme a la f(^is. Dans tous les cas, les parties ne rĂ©sistent Ă  la section que par leur ressort, leur cohĂ©sion, et quelquefois en fuyant un peu.

G"Âź. 38. Ruptures. — Ce sont des solutions produites par des forces qui agissent contre la cohĂ©sion des parties, et les distendent au-dela de leur rĂ©sistance, les unes par une tracÂŹ tion dans la direction mĂȘme des parties (celles-ci ne sont guĂšre possibles que dans les tissus mous) 3 les autres, par un effort qui, en flĂ©chissant la partie, la distend dans un sens, et la comprime dans l^autre jusqu’à la rupture.Celles-ci commencent au cĂŽtĂ© convexe, et finissent au cĂŽtĂ© concave, par la sĂ©paration croissante des parties inflĂ©chies : telles sont proÂŹ bablement toutes les fractures dans les ruptures par inflexion. Parmi ces-fractures, les unes ont lieu la oĂč la cause s’est fait immĂ©diatement sentir : elles sont directes j d’autres sont plus ou moins Ă©loignĂ©es de ce point : on les appelle fractures par contre-coup.

Les fractures par contre-coup ne peuvent guÚre avoir lieu que dans les os longs et les os larges. Telles sont dans les os longsla fracture du corps ou du col du fémur par une chute sur les talons ou sur les genoux, celles des cÎtes dans leur corps par une force qui agit sur le sternum, etc.

Dans les os larges et dans ceux du crĂąne, par exemple, qui en prĂ©sentent le plus de variĂ©tĂ©s ; iÂź les unes ont lieu Ă  la lame interne seulement de l’os frappĂ© ; 2Âź d'autres dans un point plus ou moins Ă©loignĂ© ou opposĂ©, comme k la voĂ»te orbitaire et au rocher , lorsque la puissance agit au sommet du crĂąne. Dans le premier cas , la fracture a lieu par la distenÂŹ sion de la lame interne, qui a Ă©tĂ© portĂ©e aii-delk de la cohĂ©ÂŹ sion de celle-ci, tandis que la lame externe s’est resserrĂ©e. Lorsque la cassure de celle-ci arrive en mĂȘme temps que la premiĂšre, elle est produite comme dans les fractures par flexion dont j’ai parlĂ© tout k l’heure. Dans le second cas, la fracture rĂ©sulte de ce que le point brisĂ© est trop faible pour rĂ©sister au seul rayon de mouvement qui a passĂ© par son Ă©paisÂŹ seur. La fracture d’un point rĂ©sistant, comme le rocher, pro-

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( 53 )

vient trĂšs-probablement de la concentration du mouvement en ce point. Il y produit un effet qu’il n’a pu dĂ©terminer sur le point immĂ©diatement choquĂ©, probablement parce que celui-ci a cĂ©dĂ© par un lĂ©ger mouvement, et a rĂ©sistĂ© par la transmisÂŹ sion de l’effort dont il s’est dĂ©chargĂ©, comme une voĂ»te, sur les os voisins, tandis que le rocher, oĂč il se concentre, ne pouÂŹ vant se dĂ©charger nulle part, le mouvement y reste dans toute son Ă©nergie.

39. Usure des dents. — L’usure des dents consiste dans la sĂ©paration, molĂ©cules Ă  molĂ©cules, des parties de leur couronne, par le frottement. Elle devient de plus en plus sensible avec l’ñge.

PhĂ©nomĂšnes physiques. —Les phĂ©nomĂšnes physiques de la vie chez l’homme se rapportent Ă  la pesanteur , au passage de la lumiĂšre et de l’électricitĂ© Ă  travers nos organes, et Ă  la sonorĂ©itĂ© qu’ils prĂ©sentent.

G"Âź. 4o. Pesanteur. —Toutes nos parties solides obĂ©issent Ă  la pesanteur. Nos liquides n’en sont pas exempts, et les effets en sont plus ou moins sensibles, comme l’a observĂ© M. BourÂŹ don. Cette pesanteur de liquides est plus remarquable chez le vieillard que chez l’enfant; c’est elle qui souvent engorge en grande partie les veines et le tissu cellulaire des jambes, et toujours elle augmente cet effet dans la station verticale. Cette pesanteur des solides et des fluides de l’économie est continuelle et sans intermission, et la gravitĂ© est une proÂŹ priĂ©tĂ© commune aux corps vivans, ainsi qu’à tous les autres corps.

G"Âź. 4t* Transmission de l’électricitĂ©. — L’électricitĂ© se communique Ă  travers tous nos tissus, et la rapiditĂ© de la communication ne paraĂźt pas moindre qu’à travers les meilÂŹ leurs conducteurs : il est probable qu’un corps vivant l’attire Ă©galement en raison inverse du carrĂ© de la distance, et en raiÂŹ son directe de sa masse.

G"^Âź. 42 TransluciditĂ©. — La lumiĂšre est rĂ©flĂ©chie par tous nos tissus ; comme tous les corps, ils l’absorbent, et l’absorÂŹ bent diffĂ©remment en partie, car ils sont colorĂ©s diversement. Beaucoup de tissus et d’humeurs sont plus ou moins diaÂŹ phanes , mais quelques-uns seulement sont habituellement traÂŹ versĂ©s par la lumiĂšre ; ce sont les membranes et les humeurs transparentes de l’Ɠil, l’épiderme, les ongles, une partie de l’épaisseur de l^ peau, toute son Ă©paisseur lĂ  oĂč elle est mince, et les membranes muqueuses eu contact avec la lumiĂšre.

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( 54 ) On distingue, d’une maniĂšre plus ou moins parfaite, Ă  traÂŹ vers ces membranes, les vaisseaux de leur Ă©paisseur, et quelques-uns de ceux qui sont sous-jacens. La transluciditĂ© est donc une propriĂ©tĂ© commune a certains tissus vivans. Il est probable que la rĂ©fraction de la lumiĂšre y suit toujours les mĂȘmes lois que dans les corps inertes.

G'Âź. 43. SonorĂ©itĂ©. — Tous nos tisslis sont plus ou moins sonores, et ils le sont d’autant plus, qu'ils contiennent plus

Enfin, jouissons-nous de la facultĂ© de conduire la chaleur ? elle ne paraĂźt pĂ©nĂ©trer que quelques tissus inertes, comme rĂ©pidermique ; mais, il faut Tavouer, la science n’a rien de trĂšs-positil a cet Ă©gard.

PhĂ©nomĂšnes chimiques. — Cet ordre est trop peu connu pour prĂ©tendre y Ă©tablir des genres bien fondĂ©s. ISous y rapÂŹ portons les actions et rĂ©actions molĂ©culaires, opĂ©rĂ©es Ă  l’extĂ©ÂŹ rieur, ainsi que dans l’intĂ©rieur de nos organes et de nos tissus. INous ne faisons qu’en indiquer les diffĂ©rences les plus senÂŹ sibles, et nous n’en caractĂ©risons que quelques-unes.

1Âź. Parmi ces phĂ©nomĂšnes, les uns se passent a rextĂ©rieur du corps ou Ă  l’intĂ©rieur des voies respiratoires, et s’opĂšrent entre l’air et les fluides qui y sont exhalĂ©s ou sĂ©crĂ©tĂ©s 5 tels sont VĂ©vaporation de la sueur, des fluides sĂ©bacĂ©s, des larmes, de l’humeur folliculaire des paupiĂšres, des fluides perspiratoires et folliculaires de la membrane des fosses naÂŹ sales; tel est le mĂ©lange de l’acide carbonique avec l’air amÂŹ biant , versĂ© a la surface de la peau et dans l’intĂ©rieur des pouÂŹ mons, probablement par sĂ©crĂ©tion. Ce ne sont que des phĂ©ÂŹ nomĂšnes Ă 'Ă©s^aporation et de mĂ©lange,

2°. D’autres se passent entre les fluides sĂ©crĂ©toires , persÂŹ piratoires et folliculaires, qui se rencontrent sur les membranes muqueuses ou folliculaires : ce ne sont peut-ĂȘtre que des mĂ©~

langes de sĂ©rositĂ©, de mucus, etc. 3°. D’autres, comme la formation des graviers et des calÂŹ

culs , se passent dans les voies biliaires et urinaires, et ne paraissent ĂȘtre que des prĂ©cipitations ou des cristallisations,

4°. D’autres, beaucoup plus obscurs, plus variĂ©s, moins communs, se passent dans les voies digestives , entre des maÂŹ tiĂšres liquides, molles ou solides, quelquefois gazeuses, venues du dehors, et des fluides perspiratoires, folliculaires, sĂ©crĂ©ÂŹ toires, qui y arrivent ou s’y rencontrent. Çeux-ci ne sont point les mĂȘmes dans la bouche , l’estomac, le duodĂ©num et

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( 53 ) le reste des intestins, comme le prouve la diffĂ©rence des proÂŹ duits dĂ©veloppĂ©s dans Pestomac, le duodĂ©num et les autres intestins, et comme le fait prĂ©voir la diffĂ©rence des ĂŒuides Salivaire, gastrique, biliaire, pancrĂ©atique et intestinaux. Cependant, ne pourrait-on pas Ă  priori dĂ©duire de cette derÂŹ niĂšre observation autant de sortes de phĂ©nomĂšnes chimiques distincts, en attendant du reste les lumiĂšres de TexpĂ©rience, qui pourra apprĂ©cier et caractĂ©riser les influences des produits d’une de ces actions sur la suivante ? Il est inutile de faire obÂŹ server que les sĂ©crĂ©tions digestives Ă©tant des rĂ©sultats de la vie, elles sont soumises aux mĂȘmes variations que celle-ci, et doivent par suite modifier les phĂ©nomĂšnes chimiques 5 qu’elles doivent encore varier selon les matiĂšres prĂ©sentĂ©es aux organes digestifs, et qu’il est impossible de les caractĂ©ÂŹ riser actuellement.

5°. D’autres se passent plus profondĂ©ment dans nos vaisÂŹ seaux, entre les fluides apportĂ©s par l’absorption des surÂŹ faces de nos organes, entre les produits de la dĂ©composition nutritive, et entre les fluides circulans. Ces phĂ©nomĂšnes doivent s’opĂ©rer dans le systĂšme capillaire gĂ©nĂ©ral et tout le long du systĂšme veineux gĂ©nĂ©ral, qui, de distance en disÂŹ tance, reçoit de nouveaux produits : ils doivent surtout s’opĂ©rer avec activitĂ© dans les veines sous-claviĂšres, au dĂ©ÂŹ bouchĂ© des gros troncs lymphatiques. L’action molĂ©culaire du sang et du chyle, qui se dĂ©veloppe a l’arrivĂ©e de celui-ci dans les ve'ines que je viens de citer, ou dans l’une d’elles seulement, n’a peut-ĂȘtre qu’une analogie illusoire avec celle des corps inertes , parce que les deux fluides paraissent jouir de la vie, puisqu’ils offrent des phĂ©nomĂšnes de rĂ©sistance vitale h la putrĂ©faction.

6“. D’autres semblent s’opĂ©rer entre l’air et le sang, et il paraĂźt que les choses se passent d’une maniĂšre analogue parÂŹ tout oĂč l’air et le sang ne sont sĂ©parĂ©s que par des membranes trĂšs-minces , comme dans les poumons, soit qu’une portion de l’air, comme l’oxigĂšne, soit absorbĂ©e, soit qu’elle pĂ©nĂštre a travers les membranes jusqu’au sang, par un phĂ©nomĂšne purement mĂ©canique, ou sollicitĂ©e par un affinitĂ© chimique. Ce sont lĂ , en apparence, des phĂ©nomĂšnes Ă 'oxi^Ă©nation qui se passent Ă  la fois dans les poumons et Ă  la peau, autant, toutefois, que la nuditĂ© et la finesse de celle-ci peuvent le permettre. Je ne parle ici qu’avec l’hĂ©sitation du doute, parce qu’àprĂšs bien des rĂ©flexions pour comprendre la nature de ces

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( 56 ) phĂ©nomĂšnes, et savoir s’ils sont vitaux ou chimiques^ comme je l'ai supposĂ© dans cette classification, je trouve des-raiÂŹ sons Ă©gales pour les deux opinions, et toutes, si faibles, que je ne puis sortir de mon indĂ©cision.

En effet, quand je considĂšre que les changemens de l’air et du sang sont variables comme les phĂ©nomĂšnes vitaux , que le sang rouge est formĂ© dans les capillaires pulmonaires aux dĂ©pens du sang qui y arrive, comme les fluides sĂ©crĂ©tĂ©s le sont dans les capillaires des glandes aux dĂ©pens du sang qu’elles reçoivent, que ce sang rouge est fait aux dĂ©pens du sang noir, comme la bile est peut-ĂȘtre elle-mĂȘme sĂ©parĂ©e du sang noir abdominal, que ce ne serait pas l'a, d’ailleurs, la seule analogie des fonctions des poumons et du foie, que les quaÂŹ litĂ©s de l’air expirĂ© proviennent des modifications que l’air inspirĂ© a Ă©prouvĂ©es dans les capillaires des bronches, comme les fluides sĂ©crĂ©tĂ©s sont le rĂ©sultat des modifications que le sang a reçues dans les vaisseaux capillaires des glandes, je suis tentĂ© de croire qu'". les prĂ©tendus phĂ©nomĂšnes chimiques de la respiration sont une Ă©laboration vitale , comme les sĂ©crĂ©ÂŹ tions, la nutrition, que, jusqu’à prĂ©sent, on ne peut placer ailleurs que parmi les phĂ©nomĂšnes vitaux, et que ce n’est pas au moins un phĂ©nomĂšne chimique dans tous ses Ă©lĂ©mens. J’incline bien davantage encore vers cette opinion, quand je me rappelle l’impuissance, l’incertitude des thĂ©ories chimiques, elles qui portent habituellement une Ă©vidence mathĂ©matique, elles pour qui la nature n’a rien de cachĂ© lorsqu’elles tiennent une fois les Ă©lĂ©mens et les produits d’une action molĂ©culaire.

Mais, quand je compare ensuite la rapiditĂ© de l’action pulmonaire Ă  la lenteur de presque toutes les Ă©laborations viÂŹ tales, le contraste me semble frappant; quand je la compare Ă  la rapiditĂ© de la plupart des combinaisons molĂ©culaires, je suis plus Ă©tonnĂ© encore de cette ressemblance; et, quand, enfin, je vois l’influence de l’oxigĂšne dans la respiration, son influence sur le sang Ă  travers les parois d’une vessie, Ă  travers les parois des capillaires des membranes d’un caÂŹ davre que j’expose Ă  l’air, je l’avoue, je suis Ă©branlĂ© dans ma premiĂšre opinion; mais, enfin, je ne suis pas plus conÂŹ vaincu par ces rĂ©flexions que par les premiĂšres.

Je me borne Ă  ce lĂ©ger aperçu ; car je n’en finirais pas si je voulais placer ici toutes les objections et les rĂ©pliques que je me suis faites, Ă  l’occasion de ces considĂ©rations. Il me suffit d’avouer qu’elles n’ont pu me tirer de mon incertitude.

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( 5? ) L’analogie des pliĂ©noinĂšnes qui se passent dans le systĂšme

capillaire gĂ©nĂ©ral m’inspire, Ă  leur Ă©gard , les mĂȘmes douteĂ 

et les mĂȘmes idĂ©es. Ainsi, nous achevons de dĂ©montrer : iÂź. que les causes des

phénomÚnes de la vie proviennent de causes individuelles ou

de causes Ă©trangĂšres Ă  l’individu ; 2”. Que, parmi les premiĂšres, il est des propriĂ©tĂ©s ou faÂŹ

cultĂ©s qui sont intimement liĂ©es aux qualitĂ©s matĂ©rielles des organes vivans, sans qu’on puisse les aj)prĂ©cier autrement que par les phĂ©nomĂšnes dont on les dĂ©duit j

3°. Que les phĂ©nomĂšnes complexes de l’économie se rapÂŹ portent tous en derniĂšre analyse Ă  des phĂ©nomĂšnes vitaux, mĂ©caniques, physiques et chimiques j

4Âź. Que les premiers prĂ©sentent dix-huit genres distincts, dont les uns sont trĂšs-rĂ©pandus et gĂ©nĂ©raux, savoir : iÂź la rĂ©sistance vitale, 2“ les sensations, 3Âź les contractions, 4°» 5Âź la composition et la dĂ©composition continuelles de l’écono- nomie, 6“ l’accroissement, 7° la calorification , 8° les sĂ©crĂ©ÂŹ tions, 9° l’absorption j les autres, plus circonscrits et spĂ©ÂŹ ciaux, savoir : 10Âź les transmissions sensoriales, 11Âź les perÂŹ ceptions , 12*^ les Ă©motions, iSÂź le calme de l’esprit, i4° les transmissions volitionelles, les expansions, 16Âź l’animaÂŹ tion, 17* la fĂ©condation, 18“ TĂ©leclrification, qui est loin d’ĂȘtre dĂ©montrĂ©e, mĂȘme chez l’homme malade ;

5Âź. Que parmi les phĂ©nomĂšnes mĂ©caniques se placent vingt- un genres divers, savoir : les distensions , 2° les resserre- mens, 3Âź les effets d’élasticitĂ©, 4° raccornissemens , 5Âź les Ă©branleinens ou commotions, 6* les progressions et les rĂ©troÂŹ gradations des fluides, 7'’ les glissemens des tissus mous, 8Âź les dĂ©placeinens uniformes de toute la partie mise en mouveÂŹ ment, 9Âź les inclinaisons, 10“ les circonductions, ii* les tournoiemens, 12Âź les glissemens articulaires, iS^Ies rotaÂŹ tions articulaires, 14” les rĂ©sistances par cohĂ©sion, i5Âź par ressort ou rĂ©pulsion, 16“ par transmission , 17Âź par inertie, 18° par mouvement de cĂ©der, 19Âź les sections , 20Âź les rupÂŹ tures, 21*^ l’usure des dents;

6Âź. Que, dans l’ordre des phĂ©nomĂšnes physiques, viennent se placer quatre genres, i” la pesanteur, 2^ la transmission Ă©lectrique, 3” la transluciditĂ©, 4*" la sonorĂ©itĂ© ;

7°. Que, dans l’ordre des phĂ©nomĂšnes chimiques , on ne peut encore Ă©tablir de genres bien fondĂ©s.

8Âź. Qu’en somme, il y a au moins quarante-quatre genres de phĂ©nomĂšnes simples dans rhomme vivant.

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( 58 )

Je termine ici un essai, sans doute rempli de beaucoup d’imperfections ; je les abandonne a la sagacitĂ© des lecteurs, qui m’obligeront toujours en me les faisant connaĂźtre ; a leur gĂ©nĂ©reuse indulgence, qui voudra bien me les pardonner en faveur des incertitudes et des difficultĂ©s, sans nombre qu’é prouve tout voyageur qui ouvre une carriĂšre nouvelle.

En effet, jusqu’ici les physiologistes n’ont exposĂ© les phĂ©ÂŹ nomĂšnes que dans l’ordre de leur succession, comme on dĂ©ÂŹ crit les procĂ©dĂ©s d’une opĂ©ration quelconque. C’est la mĂ©ÂŹ thode par laquelle on doit commencer l’exposition des phĂ©ÂŹ nomĂšnes de la vie,, mais elle n’empĂȘche pas ensuite de classer, et d’analyser ces phĂ©nomĂšnes d’aprĂšs leur nature^ Jusqu’à prĂ©sent, on a rien tentĂ© Ă  cet Ă©gard, et il n’y a rĂ©ellement pas de classification naturelle en physiologie..Une classificaÂŹ tion naturelle est l’exposition de certaines matiĂšres rapproÂŹ chĂ©es en raison des ressemblances, et sĂ©parĂ©es en raison des diffĂ©rences tirĂ©es de leur nature. Or, il est Ă©vident qu’aucun auteur n’a encore essayĂ© d’en faire en physiologie. SĂ©parer les phĂ©nomĂšnes de la vie en ceux qui servent Ă  l'entretien de Vindividu, et eu ceux qui servent Ă  la reproduction dp VespĂšce y c’est n’avoir Ă©gard qu’à un caractĂšre relatif, Ă  leurs usages, et non Ă  leur nature. Toute considĂ©ration de ce genre ne doit ĂȘtre qu’accessoire. C^est d’aprĂšs^de tels principes qu’ont procĂ©dĂ© les naturalistes ; aussi ont-ils le plus perfectionnĂ© ces mĂ©thodes dĂ©classement. Elles leur Ă©taient indispensables pour exposer les nombreux objets de leur science.

On trouve cependant les germes d’une classification phyÂŹ siologique naturelle dans divers ouvrages. Celui.qui a le plus fait Ă  cet Ă©gard, aidĂ© des lumiĂšres de ses prĂ©dĂ©cesseurs, c’est Kichat. Il rapporte tous les phĂ©nomĂšnes de l’homme vivant Ă  des phĂ©nomĂšnes vitaux et de tissu^ Il distingue ensuite impliÂŹ citement les phĂ©nomĂšnes vitaux en ceux :

1°. De la sensibilité^ qui est animale (percevante, p. iG) ou organique (inapercevante, p. i6);

De la contraciililĂ©^ qti’il divise en aninhale (volonÂŹ taire, p. 3o) et en organique (involontaire, p. 3o);

De f 'extensibilité active ( expansibilité, p. 3o ). Il réduit les phénomÚnes de tissu : 1Ÿ: A la contractilité par défaut d'extension (contractilité

vitale lente, p. 3o, et retour Ă©lastique par resserrement,.

p.4o); 2°. A la contractilitĂ© par raccornissement (p. 4o)5 3°. A l’e‘jr^e/25z^//zYe(distensibilitĂ©, p. Sq).

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( 59 ) Ainsi BicLat admettait implicitement, et en quelque sorte

à son insu, plusieurs genres de phénomÚnes simples, savoir : IŸ. Des sensations perçues et inaperçues (p. 12, i5) ; 2*. Des contractions volontaires et involontaires (p. 28,29) ; 3°. Des expansions vitales ou extensions actives (p. 3o),

qui sont trois genres de phénomÚnes vitaux ; Des retours élastiques par contraction ou resserrement

(p-4o), avec lesquels il a confondu, ainsi que tant d’au¬ tres, les contractions vitales lentes (p. 28); ^

5Ÿ. Des contractions par raccornissement (p. 40)5 - 6Ÿ. Des extensions passives (p. 38), qui sont des phéno

mĂšnes mĂ©caniques, et il mĂ©connut, comme on le voit, les phĂ©nomĂšnes de la rĂ©sistance vitale (p. 11), indiquĂ©s par Dumas, comme je le raconterai dans les dĂ©tails historiques qui feront le sujet d’un autre travail.

Ces faits, ajoutĂ©s aux prĂ©cĂ©dons, donnent sept genres de phĂ©nomĂšnes, mentionnĂ©s vaguement dans les auteurs, par les propriĂ©tĂ©s qu’ils en ont dĂ©duites, d’ailleurs, sans aucune idĂ©e de classification, au lieu de quarante-quatre genres, au moins, qu’on peut observer dans l’homme. Ces divers genres, dont on peut dĂ©duire autant de propriĂ©tĂ©s ou facultĂ©s gĂ©nĂ©ÂŹ riques, offrent plusieurs espĂšces distinctes, que je n’ai fait^ qu’indiquer. Je n’ai trouvĂ© nulle part, la plus grande partie de ces subdivisions des genres que j’ai signalĂ©es , et elles ne pouvaient guĂšre s’apercevoir que de la route dans laquelle je me suis engagĂ©. Enfin, cette classification naturelle met sur. la voie des analogies des corps vivans et des corps inertes ; elle montre par quels points ils s’éloignent ; quels genres de phĂ©nomĂšnes et de propriĂ©tĂ©s les physiologistes peuvent obserÂŹ ver par la seule Ă©tude de la vie; quels sont ceux qui rĂ©claÂŹ ment d’eux des connaissances de mĂ©canique, de physique et de chimie, et oĂč ils peuvent employer les moyens d’étude particuliers de ces sciences ; quels sont ceux que le mĂ©decin peut traiter sans connaissance dç mĂ©canique, de physique et de chimie, et quels sont ceux enfin oĂč il a besoin de ces

lumiĂšres.

FIN.

N IMPRIMERIE DE C,-L.-F. PANCKOUCKE.

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ERPxATJ,

Page I, ligne 5, au lieu de aide d’anatomie, lisez ; prosecteur. Idem. , ligne 11, aa lieu de ils, lisez : les organes. Idem., ligne \ i, au lieu de rapidement les causes, lisez : rapide-r

fnent les principaux caractĂšres de leurs causes. Page 3, lig. 4Ăź de encore , lisez : aussi. Idem., lig. 14» ‘l^Âź indiquer., lisez : qu’en indiquer les

principaux traits. Page 4) lig- 18, au lieu de ceux-ci, lisez : ceux-là. Page 11, lig. 7, au lieu de décomposent, lisez : séparent. Idem., lig. 10, au lieu de de cette nature, lisez : des phénomÚnes

vitaux, Page i3 , lig. 11, au lieu de le sont, lisez : sont développées. Page i4> lig. 42, au lieu de forcé à , lisez ; forcé de. Page i5, lig. 2g, au lieu de étouffer. On, Usez : étouffer, on. l^age 16, lig. 5, 6, 8, att lieu des mots perçue, inaperçue, lisez : perce-,

uanle, inapercei^atite. Page 24, lig- 34, au lieu de fait connaĂźtre, lisez : cause. Page 23 , lig. 55, au lieu de d’oĂč , lisez : dont. Page 28, lig. I, 2, 3, le mot de transmissibilitĂ©, imprimĂ© en caracÂŹ

tĂšre italique^ doit ĂȘtre lu en caractĂšre romain. Page 3o, lig. Sq, au lieu de infinis, lisez : Ă  l’infini. Page 3 I , lig. 3^, 5t5, au lieu du mot animilĂ©, lisez : animabililĂ©. Page 52, lig. 10, au lieu de nous, Usez : l’animal. Idem., lig. 34, au lieu de et se, lisez ; et ne pas se. Page 35 , lig. 38, au lieu de mĂȘmes, lisez { mĂȘme. Page 38, lig. i , au lieu de les uns, lisez : les unes. /dem. ,lig. 2, rtw/iett raccourcissement, lisez: raccornissemenl. Page 3q, lig. q, au lieu de d’une concavitĂ©, lisez : de la c(mcavitĂ©. Page 48, lig. 4 I, au lieu de peu Ă©tendues., lis^z : peu Ă©tendues lorsÂŹ

qu’elles tendent Ă  les hriser. Entin, supprimez tous les numĂ©ros placĂ©s Ă  la suite de ceux des

genres, depuis le iq*’ jusqu’au 36¼.

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