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ACADEMIE DE PARIS
Année 2015
MEMOIRE
pour l’obtention du DES
d’Anesthésie-Réanimation
Coordonnateur : Monsieur le Professeur Benoit PLAUD
par
Myriam BELLON
Présenté et soutenu le 04/092015
Effet de l’induction hypnotique sur l’évolution de l’index Bispectral chez l’adulte.
Travail effectué sous la direction du Professeur Souhayl DAHMANI
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REMERCIEMENTS :
Merci au Professeur Dahmani pour m’avoir encadrée pour mon mémoire ;
pour sa gentillesse, sa patience et sa disponibilité.
Merci à Honorine Delivet psychologue hypnothérapeute pour son
implication et son aide précieuse.
Merci à tous les volontaires sains d’avoir participé à cette étude.
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LISTE DES ABREVIATIONS :
EEG : Electroencéphalogramme
BIS : Index Bispectral
PET scan : Tomographie par Émission de Positons
IQS : Index de Qualité du Signal
EMG : Electromyogramme
RS : Rapport de Suppression
SFAR : Société Française d’Anesthésie et de Réanimation
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TABLE DES MATIERES
I. Résumé ....................................................................................... 6
II. Introduction ................................................................................ 7
A. Généralités ............................................................................... 7
B. Rappel historique ..................................................................... 8
C. La transe hypnotique ............................................................... 9
1. L’induction ............................................................................ 9
2. La dissociation ..................................................................... 10
3. Les suggestions thérapeutiques .......................................... 11
4. Le réveil ............................................................................... 12
D. Hypnose et fondement scientifique ...................................... 13
1. L’electroencephalogramme (EEG) ...................................... 13
2. L’imagerie fonctionnelle ..................................................... 14
E. Le BIS (bispectral index) ......................................................... 16
F. Hypnose et anesthésie ........................................................... 19
G. But de l’étude ........................................................................ 22
III. Matériels et méthodes .......................................................... 22
A. Critères d’inclusion ................................................................ 22
B. Critères de non inclusion ....................................................... 23
C. Déroulement de l’étude ........................................................ 23
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D. Critère de jugement et statistique ......................................... 24
IV. Resultats ................................................................................ 25
A. Données démographiques ..................................................... 25
B. Evolution du BIS ..................................................................... 26
V. Discussion ................................................................................. 27
A. Principaux résultats ............................................................... 27
B. Hypothèses ............................................................................ 28
C. Hypnose est une forme de sommeil ? (effet sédatif ou
relaxation ?) .................................................................................... 30
D. limites de notre étude ........................................................... 32
E. Evaluation de la suggestibilité et de la personnalité des
volontaires sains ............................................................................. 32
1. La répartition de la suggestibilité hypnotique dans la
population .................................................................................... 32
2. La personnalité et suggestibilité hypnotique ...................... 33
VI. Conclusion ............................................................................. 35
VII. Bibliographie .......................................................................... 36
VIII. Annexes ................................................................................. 39
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I. RÉSUMÉ
L’hypnose est définie comme un état modifié de la conscience. Son utilisation est de plus en plus large dans diverses situations telles que la préparation aux interventions chirurgicales et au bloc opératoire, au cours de l’induction de l’anesthésie et le traitement de la douleur aigue ou chronique. Le but de cette étude était de déterminer l’effet de cette transe hypnotique sur les paramètres électroencéphalographiques (EEG) du BIS.
Après accord du comité local d’éthique, des volontaires sains consentant à participer à cette étude, étaient soumis à une induction hypnotique avec mesure simultanée de l’index Bispectral (BIS, Moniteur BISXP). Les valeurs étaient enregistrées toutes les minutes avant l’induction, pendant la transe et jusqu’au réveil complet. Le sujet de la transe hypnotique était laissé à l’appréciation du psychologue réalisant cette induction, en accord avec le volontaire. Nous avons comparé les données du BIS avant induction, pendant la transe (valeur minimale obtenue) et après réveil complet du sujet. Les comparaisons se faisaient par test non-‐paramétrique de Wilcoxon, les résultats étaient exprimés en médiane [extrêmes].
Treize volontaires ont été inclus durant 6 mois. Les âges allaient de 27 à 54 ans. Les valeurs de BIS étaient de 98 [96 – 98], 81 [60 – 91] et 98 [96 – 98], avant, pendant et après la transe hypnotique. Les différences entre ces données étaient significativement différentes entre les périodes état de base – pendant la transe (p = 0,03) et les périodes pendant la transe-‐réveil (p = 0,03), mais non entre l’état de base et le réveil.
Les résultats de cette étude, sous réserve d’une confirmation par un échantillon plus large, sont en faveur d’un effet de la transe hypnotique sur l’indice bispectral. La facilité d’utilisation de ce moniteur pourrait en faire un outil simple pouvant juger de la réalité de la transe hypnotique et tout particulièrement pendant la période précédant l’induction d’une anesthésie.
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II. INTRODUCTION
A. GENERALITES
L'hypnose a été une des premières techniques d'anesthésie décrite dans la
littérature [1]. A la découverte des premières molécules hypnotiques [2],
l’hypnose tombe dans une période de désuétude.
Depuis quelques années son utilisation est réapparue au bloc opératoire et
tend à se développer selon diverses approches (autohypnose préopératoire,
hypnose conversationnelle, hypno sédation).
De plus en plus de personnels médical et para médical se forment à
l’hypnose, ce qui témoigne de l’engouement de cette technique. Mais la
pratique de l’hypnose en anesthésie pose le problème de toutes les sciences
qui relèvent de la subjectivité humaine et qui doivent se soumettre aux normes
de l'expérimentation.
Cependant, trois axes de l'hypnose intéressent la prise en charge
anesthésique:
-‐ la prise en charge de l'anxiété,
-‐ la prise en charge de la douleur,
-‐ l'utilisation de l'hypnose non comme technique adjuvante de l'anesthésie
mais en tant qu'alternative à l'anesthésie générale.
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B. RAPPEL HISTORIQUE
L'hypnose a initialement été décrite comme moyen d'anesthésier les
patients, au cours du XIXème siècle. C'est l'Ecossais James Esdaile qui a publié
la plus importante série (trois cents patients) d'opérations réalisées sous
hypnose comme seul agent anesthésique entre 1845 et 1851, comme, le
rapporte Wobst [1]. Mais l'apparition de l'éther (1846), du chloroforme (1847)
et leur généralisation dans les années 1860 ont peu à peu relégué l'hypnose à
sa seule utilisation spectaculaire [2].
Confinée depuis à une utilisation médicale sporadique et individuelle du fait
du peu de preuves apportées dans la littérature médicale factuelle, c'est la
mise en évidence d'une physiologie spécifique de l'hypnose associée à un
développement de la technique conversationnelle sous l'impulsion de Erickson
et à la publication plus récente d'études méthodologiquement plus probantes
qui ont permis à l'hypnose de retrouver une place dans la pratique
anesthésique au bloc opératoire.
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C. LA TRANSE HYPNOTIQUE
La transe hypnotique inclut une période d’induction (période de
concentration sensorielle réalisée à l’aide de suggestions) et la dissociation.
Après l’induction, succède une phase de suggestion à visée thérapeutique. La
dernière phase est le réveil.
L’hypnotiseur doit être empathique et parler avec une voix monocorde. Son
discours, véritable jeu de rhétorique, est prononcé lentement et les phrases
sont ponctuées de nombreuses pauses.
1. L’INDUCTION
La définition de l’induction proposée par Salem [3] dans son ouvrage «
Soigner par l’hypnose » est la suivante : « l’induction passe par l’intermédiaire
de suggestions ou l’introduction d’une idée qui va provoquer un état, une
émotion, un mouvement selon le principe idéomoteur (l’idée provoque
l’acte) ». L’induction facilite l’accès à un mode de fonctionnement hypnotique
et favorise un état de dissociation : conscient/ inconscient ; corps/ esprit.
L’induction permet au sujet un retrait et une réorientation de son attention
de l’extérieur vers l’intérieur.
Dans cette première phase de la transe, il est demandé au sujet de fixer son
attention sur une perception précise qui peut être au choix ou successivement,
la voix du thérapeute, une douleur, une image ou, un son, selon le problème à
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traiter. Le sujet fait alors abstraction de nombreux éléments extérieurs ou
intérieurs, accomplissant par là un premier exercice, utile en thérapie mais
aussi dans l’expérimentation, qui consiste à sélectionner une perception au
détriment d’une autre.
Cette isolation sensorielle permet au sujet de se concentrer sur lui-‐même,
son corps et ses sensations et de se « couper du monde » environnant.
2. LA DISSOCIATION
La dissociation est une modification du fonctionnement cognitif de la
conscience d’un sujet qui amène une séparation entre un ensemble d’activités
mentales et le courant principal de la conscience.
Ce nouvel ensemble d’activités devient autonome jusqu’à induire, chez le
sujet, le sentiment qu’il appartiendrait à une autre personne.
Cette deuxième phase est la plus caricaturale de la transe. Le sujet est
extrêmement attentif, il fixe intensément ce qui lui est proposé par le
thérapeute ou l’expérimentateur.
Ce comportement n’est pas sans rappeler la fascination que l’on peut avoir
devant un écran de cinéma, et plus largement dès que l’on est absorbé par une
tâche ou une pensée. La restriction sensorielle est parfois si prononcée que le
patient ressent une dissociation entre son activité imaginative et ses
perceptions sensorielles corporelles.
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Cette phase représente une phase de fermeture mais la dissociation et
l’attention sélective provoquées, préparent à une réactivité accrue aux
suggestions.
Cette dissociation s’accompagne d’une analgésie plus ou moins importante
qui peut autoriser certains gestes chirurgicaux.
L’analgésie est une dissociation conscience/sensation.
D’autres dissociations sont possibles, par exemple, la lévitation est une
dissociation volonté/motricité spontanée ; La catalepsie est une dissociation
volonté/motricité provoquée. La dissociation corps/esprit peut être réalisée
par le souvenir d’un voyage imaginaire tout en laissant son corps dans le
fauteuil.
La dissociation affect/représentation peut se réaliser lors de la reviviscence
d’un événement traumatique, etc.
3. LES SUGGESTIONS THÉRAPEUTIQUES
Cette troisième phase est une phase d’ouverture pendant laquelle le sujet
est amené à imaginer d’autres types de fonctionnement par divers exercices.
Réinterprétation des faits vécus, recadrage, élargissement du champ de
perception, rappel des ressources existantes de réconciliation ou de rupture.
Le choix d’exercices est infini et ces exercices font appel à la réserve
personnelle du sujet dans le but de résoudre un problème rencontré.
Si l’induction hypnotique peut être commune à tous les patients, en clinique
contrairement à l’expérimentation (où l’induction est standardisée), les
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suggestions hypnotiques concernant l’analgésie, la mémoire ou toute autre
fonction psychologique, doivent être choisies en fonction du discours du
patient. Il existe dix-‐sept types de suggestions pour contrôler la douleur par
l’hypnose. Ces outils sont répertoriés par le psychologue Brosseau, issus des
études de Carasso et de Marchand [4].
4. LE RÉVEIL
Cette période de la séance d’hypnose est constituée de suggestions émises
par le thérapeute avec pour but que le sujet se réapproprie la situation
présente : retrouver son état de perception habituel ou son état de veille
normal.
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D. HYPNOSE ET FONDEMENT SCIENTIFIQUE
La nature de l'état hypnotique a été difficile à établir d'une part du fait de
son caractère suggestif et donc moins accessible à l'expérimentation
scientifique et d'autre part du fait du manque initial d'outil d'exploration
cérébrale.
La controverse repose principalement sur la caractérisation de l'hypnose en
tant que sommeil ou autre état de conscience.
Les paramètres cliniques usuels comme la fréquence cardiaque et le rythme
respiratoire n'ont pas montré de spécificité permettant de caractériser
l'hypnose à partir de ces points [5].
La recherche sur les mouvements oculaires n'a pas non plus identifié de
spécificité au cours de l'état hypnotique [6].
Les potentiels évoqués n'ont pas non plus permis d'établir une différence de
particularité fonctionnelle de l'état hypnotique [8].
1. L’ELECTROENCEPHALOGRAMME (EEG)
Une première réponse a été apportée dans les années 1950 par
l'électrophysiologie indiquant que les tracés EEG de patients sous hypnose ne
correspondent ni à ceux du sommeil ni à ceux du coma mais à des tracés de
patients éveillés [7].
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Les études d’électro-‐encéphalographie ont été commencées avant la
seconde guerre mondiale aux Etats-‐Unis et ont montré que les tracés
électriques du sommeil ordinaire et du sommeil hypnotique ne coïncident pas.
[9]
Puis l'analyse de l'électroencéphalogramme (EEG) et l'enregistrement des
différents paramètres physiologiques n'ont montré aucune particularité durant
l'hypnose «profonde». [10] On sait aujourd'hui que le somnambulisme naturel
(avec déplacement et/ou parole) survient pendant les phases 3 et 4 du
sommeil NREM (Non Rapid Eye Movment Sleep), et n'a donc rien en commun
avec l'hypnose, qui est un état de veille.
L'EEG de sujets hypnotisés n'est pas très différent de ceux en état de veille :
tout au plus on note parfois une prépondérance d'ondes alpha, comme dans
l'état de pré-‐sommeil, et peut-‐être une corrélation entre la survenue d'ondes
frontales thêta et une plus grande capacité à l'hypnose.[11]
Pour Barber, l’EEG est un indicateur faible des modifications des états
mentaux. Ainsi, les études encéphalographiques semblent plutôt indiquer que
l'hypnose est un état de pré-‐sommeil, et malgré l’espoir initial d’obtenir des
tracés caractéristiques de l’état d’hypnose, les nombreuses études suivantes
n’ont pas permis de définir de « signature EEG ». C’est avec les progrès de
l’imagerie cérébrale que l’on a compris ces mécanismes.
2. L’IMAGERIE FONCTIONNELLE
C'est l'apport de l'imagerie fonctionnelle qui a permis de mettre en évidence
certaines spécificités hypnotiques.
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Dans une première étude portant sur le sujet sain, Maquet et al [12] ont
étudié les modifications de distribution du débit sanguin cérébral auprès de
treize patients (avant-‐après). Les patients du groupe contrôle réalisaient un PET
scan tout en écoutant des évocations de souvenirs agréables préalablement
enregistrées (imagerie mentale autobiographique) tandis que les patients du
groupe hypnose conformément au mode opératoire de l'équipe bénéficiaient
d'une séance d'hypnose conversationnelle pendant la procédure où ce même
souvenir agréable était le point de départ de l'induction hypnotique. Par ce
mode opératoire, les auteurs cherchaient à rendre les groupes les plus
comparables possible. Il est apparu qu'une importante augmentation du débit
sanguin était observée dans les cortex occipital (vision), pariétal, précentral
(mouvement), préfrontal et cingulaire (élaboration de l’image mentale et effort
d’attention nécessaires pour générer cette image mentale) des patients
hypnotisés tandis que le débit sanguin cérébral régional augmentait dans la
partie antérieure des deux lobes temporaux, dans l’encéphale basal droit et
gauche et la région mésiotemporale gauche pour les patients du groupe
contrôle.
Il n'y avait aucun recouvrement entre les activités neuronales des deux
groupes. Les caractéristiques des zones activées pour les patients sous hypnose
peuvent faire penser que les patients « vivaient » ces moments tandis que ceux
du groupe contrôle se les remémoraient seulement.
Cette hypothèse était corrélée avec l'impression subjective des patients.
Dans la même étude, la désactivation du cortex cingulaire et du précuneus
au cours de l'hypnose suggérait une autre particularité de l'état hypnotique.
Laureys et al [13] ont mis en évidence l'inactivation de ces zones chez quatre
patients en état végétatif. Il est possible que la désactivation partielle de ces
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zones au cours de l'état hypnotique témoigne d'un état de conscience
modifiée.
Dans un deuxième temps, l'équipe de ME Faymonville s'est intéressée au
rôle modulateur de l'hypnose dans la douleur à travers l'imagerie fonctionnelle
par PET scan [14].
La diminution de la perception de la douleur observée sous hypnose était
associée à un hypermétabolisme de la partie ventrale du cortex cingulaire
antérieur. Cette partie du cerveau est connue pour être active au cours des
processus d'interaction entre les perceptions cognitives et émotionnelles [15].
Les auteurs concluaient donc au rôle modulateur de l'hypnose sur la
composante émotionnelle de la douleur par la stimulation de cette zone
cérébrale.
E. LE BIS (BISPECTRAL INDEX)
Le BIS est un paramètre obtenu de manière non invasive par le traitement du
signal EEG qui mesure directement les effets des agents hypnotiques et
sédatifs sur l'organe cible, le cerveau.
Le BIS est basé sur l'EEG des lobes frontaux, lequel reflète le niveau
d'hypnose. Il est calculé à partir de paramètres sélectionnés, issus de l'analyse
spectrale et bispectrale de l'EEG, capable de distinguer au mieux différents
niveaux d'hypnose ou de sédation.
A la différence de l'analyse spectrale, l'analyse bispectrale estime la relation
de phase entre les composantes de l'EEG. Il quantifie le degré de
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synchronisation du signal EEG, lequel varie lorsque l'état hypnotique du patient
change.
Le BIS fourni une courbe dose-‐réponse monophasique, autrement dit la
valeur du BIS diminue lorsque les concentrations d'hypnotiques augmentent.
Différents éléments composent le BIS:
- Une valeur chiffrée entre 100 (sujet éveillé) et 0 (EEG
isoélectrique),
- Un index de qualité du signal (IQS) qui valide la qualité de
ces valeurs chiffrées. Un IQS < 50% désigne une valeur de BIS peu
fiable. Le BIS ne s’affiche plus pour un IQS < 20%,
- L’EMG (activité électrique musculaire) désigne les signaux de
haute fréquence (70-‐110 Hz). Il englobe l’activité
électromyographique et les signaux accessoires non issus de
l’activité EMG. S’il est élevé, le moniteur interprétera cette donnée
comme un artéfact d’origine musculaire provoquant une
surestimation de la valeur du BIS,
- Le Rapport de Suppression (RS) détecte les tracés plats de
l’EEG. Si la valeur passe au-‐dessus de 0, cela signifie que
l’anesthésie est trop profonde.
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Figure 1: BIS et profondeur d'anesthesie MAPAR 1997
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EFFET DES HYPNOTIQUES SUR LE BIS
Les valeurs de BIS d’un sujet conscient non prémédiqué varie entre 91 et 100
(95 +/-‐ 2) [16]. La prémédication par les benzodiazépines diminue légèrement
mais significativement les valeurs de BIS de 96 à 93. [17]
Les valeurs de BIS diminuent de manière linéaire avec l’augmentation de la
concentration de la majorité des hypnotiques comme le propofol, le thiopental,
le midazolam,et l’isoflurane habituellement utilisé pour induire une amnésie et
une perte de connaissance. [18]
F. HYPNOSE ET ANESTHÉSIE
La réalisation d'interventions chirurgicales variées sous hypnose associée à
une sédation peu profonde est une alternative plus récente mais réelle à
l'anesthésie générale.
Cette technique communément appelée hypnosédation consiste à réaliser
une séance d'hypnose débutée au début de la prise en charge anesthésique
puis secondairement associée à une sédation légère variable selon les
protocoles, généralement à base d'une benzodiazépine de courte durée de vie
associée à un morphinique d'action rapide permettant au patient de
communiquer avec l'entourage soignant de manière adaptée. Une anesthésie
locale ou locorégionale est prodiguée au patient en fonction du type de
chirurgie envisagée.
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Malheureusement, le manque de monitorage de l’état hypnotique rend
cette prise en charge anesthésique incertaine avec un risque non négligeable
de conversion en anesthésie générale.
Au CHU de Liège, l’equipe de Marie-‐Elisabeth Faymonville commence à
utiliser l’hypnose en 1993. Elle combine l’utilisation de l’hypnose avec
l’anesthésie locale et des sédatifs en fonction des besoins et remplace dans
certains cas l’anesthésie générale par cette combinaison. Elle publie la
première étude rétrospective en 1995. Les patients opérés avec l’aide de
l’hypnose présentent nettement moins de douleur, anxiété, nausées, et besoin
de médicaments antalgiques que les patients opérés sans hypnose.
Plus de quatre mille patients opérés à Liège ont été traités par l’hypnose. Le
Dr Faymonville a présenté ainsi ses résultats sur l’hypnosédation au congrès de
la SFAR (Société Française d’Anesthésie et de Réanimation) en 2011 [19].
Outre l’intérêt thérapeutique en soi, elle a insisté sur le fait que
l’hospitalisation des patients est également raccourcie et la reprise des activités
professionnelles est accélérée dans le groupe « hypnosédation ».
Les intérêts multiples prouvés scientifiquement ont permis de valoriser
l’enseignement de l’hypnose aux anesthésistes, ainsi qu’aux autres soignants
des équipes opératoires. L’anesthésie est l’indication thérapeutique de
l’hypnose la plus validée scientifiquement de nos jours. L’hypno-‐analgésie
accompagne les actes sous anesthésie locorégionale tels que les hernies, les
poses de chambres implantables, les thyroïdectomies et même les
endartérectomies de la carotide mais également les explorations
endoscopiques (fibroscopie, colonoscopie, hystéroscopie, écho-‐endoscopie
digestive ou cardiaque).
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Selon le Dr Marc Galy, anesthésiste, l’hypnose « oblige le soignant à être là,
à limiter les intervenants, à observer, à communiquer, à apparaître sans écran
»[20].
L’hypnose est actuellement de plus en plus utilisée au bloc opératoire mais
également en salle de réveil. En 2009, la SFAR valide l’intérêt de l’hypnose en
pré-‐opératoire et dans la prise en charge plus générale de la douleur en disant
que l’effet de l’hypnose est différent d’un médicament antalgique qui supprime
la douleur. Les patients réalisent avec cet outil qu’ils ont des aptitudes pour
créer des expériences corporelles d’anesthésie et d’analgésie eux-‐mêmes et
qu’ils pourront alors les mettre en application plus tard. [21]
L’hypnose est utilisée également dans la chirurgie plus « lourde » : Une
équipe pionnière à l’hôpital Saint Joseph à Paris a réalisé début 2013 avec
succès la mise en place d’une endoprothèse aortique par voie percutanée pour
un anévrisme de l’aorte abdominale sous rénale, sous hypnose sans anesthésie
médicamenteuse. L’hospitalisation de ce patient de 82 ans n’a duré que 48h.
Selon le Dr Massol, « l’hypnose permet d’éviter notamment une
rachianesthésie ou l’emploi de médicaments non dénués de risque chez les
patients âgés. Elle accroît le confort de l’opéré et favorise son rétablissement
rapide. La proximité qu’elle donne au praticien renforce la relation
thérapeutique» [22]. Dans cet hôpital, ils avaient déjà réalisé 150 interventions
d’endartériectomies sous hypnose.
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G. BUT DE L’ÉTUDE
L’équipe d’anesthésie et de douleur de l’hôpital Robert Debré a mené une
recherche sur volontaires sains pour analyser l’activité cérébrale au cours de la
transe hypnotique. Le but sera alors d’établir au travers de l’analyse de l’index
bispectral (BIS), l’impact des suggestions transmises par le praticien sur
l’activité cérébrale du sujet.
III. MATÉRIELS ET MÉTHODES
Cette étude observationnelle mono centrique prospective a été menée au
sein du service d’anesthésiologie de l’hôpital Robert Debré. Cette étude ne
rentrait pas dans le cadre de la loi du 9 août 2004 relative à la recherche
biomédicale. Le protocole de cette étude a été néanmoins soumis au Comité
de protection des personnes de Robert Debré, qui a confirmé qu’elle ne
rentrait pas dans le cadre des lois de bioéthique.
A. CRITÈRES D’INCLUSION
Ont été inclus les volontaires sains majeurs acceptant de participer à
l’étude :
- Les internes d’anesthésie réanimation du service durant la période
de l’étude,
- Les infirmiers anesthésistes,
- Les médecins anesthésistes,
- Les chirurgiens, ou internes de chirurgie.
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B. CRITERES DE NON INCLUSION
N’ont pas été inclus les volontaires sains ayant au moins un des critères
suivants :
- Les femmes enceintes ou allaitantes,
- Les non indications à l’hypnose :
o Absence de compréhension de la langue française
o traitement psychotrope, ou suivi par un psychiatre ou un
psychologue.
- Les limitations du BIS :
o appareillage par un stimulateur cardiaque
o Antécédents de troubles neurologiques ou de lésion cérébrale.
C. DÉROULEMENT DE L’ÉTUDE
Toutes les séances d’hypnose de type Ericksonienne étaient standardisées et
réalisées par le même hypno thérapeute (titulaire d'un diplôme universitaire
d'hypnose et une expérience pratique de plus de deux ans).
Le volontaire sain était accueilli dans le bureau de consultation, après mise
en place du monitorage de l’index bispectral, la séance débute sans suggestion
intrusive et en respectant l’écologie psychique des volontaires. La séance est
conduite de manière individualisée dans une pièce calme et dure une trentaine
de minutes.
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Le recueil des données est effectué par l’interne d’anesthésie en charge de
l’étude ou par des élèves infirmiers anesthésistes dans le cadre de leur
mémoire de recherche.
Le recueil des données du BIS (annexe 1) s’effectue minute par minute en
précisant la phase de l’hypnose (induction, dissociation, suggestion, réveil),
ainsi que le comportement du participant.
La feuille de recueil de BIS n’est pas divulguée aux participants avant la fin de
l’étude pour éviter tout biais d’influence entre eux.
D. CRITÈRE DE JUGEMENT ET STATISTIQUE
Le critère de jugement principal est la modification du BIS lors de la transe
hypnotique. Les données du groupe ont été analysées par un test non
paramétrique, test de Wilcoxon.
Le seuil de significativité retenu est p<0,05. Les résultats sont exprimés en
médiane [écart interquartile] et en nombre de cas (pourcentage).
L'analyse des données a été effectuée avec le logiciel de statistique R2.10.1
(http://www.R-‐ project.org).
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IV. RESULTATS
L’analyse des résultats a été réalisée en Mars 2015. A cette date, treize
volontaires sains ont été inclus. L’étude se poursuit, et les résultats présentés
sont une analyse préliminaire.
A. DONNÉES DÉMOGRAPHIQUES
Les données démographiques sont reportées dans le tableau 1. A noter qu’il
s’agit principalement de sujets de sexe féminin.
Tableau 1: Caractéristiques des volontaires sains
Age (années) 29 [27;54]
Sexe :
• Féminin n, (%)
• Masculin n, (%)
8 (72%)
3 (28%)
Poids (kg) 70 [51;80]
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B. EVOLUTION DU BIS
Le BIS médian avant la séance d’hypnose est de 98 [96 ; 98].
Le BIS médian lors de la transe hypnotique est de 82,5 [60 ; 91].
On note donc une diminution du BIS médian de 16% chez les volontaires
sains lors de la transe hypnotique.
BIS avant séance 98 [96 ; 98]
BIS transe hypnotique 82,5 [60 ; 91]
BIS réveil 98 [96 ; 98]
Tableau 2: Résultats du BIS
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V. DISCUSSION
A. PRINCIPAUX RÉSULTATS
Cette étude est la première à évaluer le monitorage de BIS lors de la transe
hypnotique chez le volontaire sain.
Lors de la transe hypnotique nous avons observé une diminution du BIS de
l’ordre de 16%. Les différences entre ces données étaient significativement
différentes entre les périodes état de base – pendant la transe (p = 0,03) et les
périodes pendant la transe-‐réveil (p = 0,03), mais non entre l’état de base et le
réveil.
En effet, il n'existe, à notre connaissance, qu'un cas clinique se rapportant à
ce sujet. M.Burkle et al [23] ont décrit l'évolution du BIS sous hypnose d'une
patiente de 67 ans ayant déjà pratiqué l'autohypnose, au cours d'une
mastectomie. Une cassette préenregistrée facilitait son travail hypnotique.
Aucun traitement n'était administré en dehors d'une anesthésie locale. La
durée de l'intervention était de 176 minutes dont 125 minutes de chirurgie. La
qualité de l'enregistrement était considérée comme bonne (IQS qualifié
d'approprié par les auteurs). Le BIS restait constant entre les valeurs de 96 (110
minutes) et 90(30 minutes) en dehors de deux épisodes de baisse (un à 76,
l'autre à 59).
Ce cas clinique est intéressant en tant que première description dans la
littérature mais aucune conclusion ne peut en découler du fait de son caractère
unique d'une part et du manque d'informations apportées (absence de
notification des traitements habituels de la patiente susceptibles d'interagir
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avec le BIS; absence de la composante électromyographique du BIS sur les
enregistrements; absence d'indication sur l'état clinique de la patiente au cours
des épisodes de diminution du BIS).
Dans la littérature outre l’anesthésie générale, on trouve une baisse du BIS
seulement quand il y a une diminution du métabolisme cérébral:
- lors des hypoglycémies (situation réversible à la correction de celle-‐ci),
- lors des hypothermies sévères (< 32°c), phénomène qui disparaît au
réchauffement,
- lors des arrêts cardiaques la valeur du BIS atteint rapidement 0,
- lors des hypoperfusions cérébrales (accident vasculaire cérébrale
ischémique per-‐opératoire) … [24]
B. HYPOTHESES
On ne retrouve pas dans la littérature un tracé spécifique de l’hypnose sur
l’EEG. Seule une prépondérance des ondes alpha caractéristiques de l’état de
pré-‐sommeil [11] a été mise en évidence. On ne peut donc pas expliquer nos
résultats sur les modifications de l’EEG.
LA MODIFICATION DE L’ETAT DE CONSCIENCE INDUITE PAR L’HYPNOSE
PEUT ELLE EXPLIQUER LA DIMINUTION DU BIS ?
Selon Le Dr Bonvin, l’hypnose est un « état modifié de conscience
permettant au sujet hypnotisé d’accéder à ses ressources inconscientes » [25].
Pour le Dr Faymonville, qui a développé grandement les connaissances sur
les mécanismes d’action cérébraux du processus hypnotique par ses
nombreuses études, l’hypnose est décrite comme « cette capacité innée de
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notre cerveau à aller vers un mode de fonctionnement différent qui lui permet
de modifier, à ce moment-‐là, le rapport à soi-‐même et à son environnement.
Ce processus permet par exemple de ne pas ressentir la douleur, de modifier le
goût, l’odorat, la vision, d’avoir des hallucinations positives ou négatives ».
A ce terme d’état, le Dr Célestin-‐Lhopiteau lui préfère le terme de
PROCESSUS car c’est un état fluctuant, une oscillation permanente entre les
différents niveaux de conscience, pensée que partage le Dr Faymonville
également : « L'hypnose n’est pas un état mais un processus de conscience
particulière ». Il s’agit d’un état bien particulier de conscience qui est à la fois «
rétrécie » par la focalisation et l’attention et en même temps « élargie » par
une disponibilité à soi et à l’environnement. Même si on ne comprend pas bien
comment l’hypnose agit, ces modifications de l’état de conscience permettent
d’effectuer des actes chirurgicaux. Elles entrainent des différences d’activité
cérébrale qui pourraient expliquer nos résultats.
LES MODIFICATIONS CEREBRALES INDUITES PAR L’HYPNOSE PEUVENT ELLES
EXPLIQUER LA DIMINUTION DU BIS ?
Lors de l’hypnose, l’imagerie cérébrale montre un débit sanguin élevé ce qui
reflète une plus forte consommation d'oxygène, et donc une activité plus
élevée. Elle montre aussi une désactivation du précunéus et du cortex
cingulaire postérieur, ces régions étant impliquées dans le processus conscient
chez l'homme. Ces régions du cerveau sont également relativement peu
activées pendant les phases de sommeil ou en cas d'atteinte de la conscience
comme l'état végétatif [26].
C’est probablement ces modifications de l’activité cérébrale qui peuvent
nous permettre d’expliquer la diminution du BIS lors de la transe hypnotique.
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C. HYPNOSE EST UNE FORME DE SOMMEIL ? (EFFET SEDATIF OU RELAXATION ?)
Cette assimilation partielle de l’hypnose au sommeil fit autorité à l’époque
de Braid, et reste encore d’actualité de nos jours, simplement par le fait que les
patients ferment souvent les yeux à l’occasion d’une séance afin de favoriser la
concentration intérieure, mais cette condition n’est pas indispensable.
Cependant, les neurosciences montrent le contraire : l’hypnose est un état de
veille, et qui plus est avec une grande activité cérébrale. Mais comment ne pas
être dubitatif, nous prenons bien des médicaments « hypnotiques » pour nous
aider à nous endormir…
L'état de transe hypnotique s'accompagne d'une baisse de notre activité
physique consciente: le corps se met lui aussi au repos amenant à une plus
grande immobilité avec une résolution musculaire, un ralentissement des
rythmes cardiaque et respiratoire [27]. L'ensemble s'apparente à un état de
relaxation profonde qui, aux débuts de cette pratique a été comparé au
sommeil d'où le terme initial d'hypnose employé pour la première fois par Jules
Cloquet en 1822.
Il existe des circonstances favorisant l'apparition de transes spontanées
comme la confusion, la saturation de la conscience par la surinformation,
l'anxiété et le stress [28]. Ces différents facteurs sont réunis lors du passage
d'un patient au bloc opératoire. Dans ce cas, le patient est beaucoup plus
suggestible du fait de l'absence conjoncturelle de recul pour se protéger. Il faut
donc communiquer avec lui d'une manière spécifique. L'hypnose
conversationnelle dans le cadre de l'anesthésie est la prise de conscience de
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cet état de transe du patient et son utilisation permettant d'appliquer un
ensemble de techniques relationnelles qui procurent au patient une réactivité
accrue aux suggestions.
Des outils de communication ont principalement été développés par M.H.
Erickson et G. Bateson (École de Palo Alto – Californie). Leur application permet
l'apparition de phénomènes originaux comme :
-‐ la disparition de l'évaluation précise du temps puis de la notion elle−même
du temps,
-‐ le changement des perceptions douloureuses : la composante émotionnelle
de la douleur est modifiée et la sensation douloureuse est d'avantage analysée
comme un inconfort,
-‐ des modifications du tonus musculaire : hypotonie et immobilité sont
souvent observées alors que certaines parties du corps peuvent expérimenter
un certain degré de spasticité et des phénomènes idéomoteurs automatiques,
-‐ la dissociation psychique avec ressenti de l’absence d'une partie du sujet ou
situation au cours de laquelle le sujet s'observe lui-‐même,
-‐ l'amnésie pour les événements survenus pendant la période d'attention
focalisée,
-‐ des hallucinations sensorielles.
Distorsion temporelle, modification de la perception douloureuse,
hypotonie sont des phénomènes intéressants lors de la préparation à
l'anesthésie puisqu'ils ressemblent à ceux recherchés lors de l'anesthésie
elle−même (narcose, analgésie, curarisation).
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Cette « anesthésie générale » physiologique pourrait alors expliquer la
possibilité de la chirurgie sous hypnose et donc la diminution du BIS.
D. LIMITES DE NOTRE ÉTUDE
La présentation de résultats intermédiaires conduit à un manque de
puissance et ne permet pas d'augurer des conclusions définitives.
Cependant cette analyse intermédiaire, nous a permis de mettre en
évidence des imperfections :
L'analyse démographique des patients de notre étude met en évidence une
disproportion majeure entre les hommes et les femmes inclus dans notre
étude (28% d’hommes). Ce biais de recrutement est principalement dû à la
féminisation des études médicales.
L’absence d’évaluation de la suggestibilité hypnotique des volontaires sains
par un test de personnalité, comme cela est fait en consultation d’anesthésie si
une chirurgie sous hypnose est prévue.
E. EVALUATION DE LA SUGGESTIBILITE ET DE LA PERSONNALITE DES VOLONTAIRES SAINS
1. LA REPARTITION DE LA SUGGESTIBILITE HYPNOTIQUE DANS LA
POPULATION
Chertok et Michaux [29] ont étudié la distribution de la susceptibilité
hypnotique dans des échantillons d’étudiants français en administrant l’échelle
réduite A de susceptibilité hypnotique de Stanford. Elle a été administrée sur
104 sujets volontaires. Les auteurs concluent que la susceptibilité hypnotique
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est une aptitude qui paraît harmonieusement distribuée dans la population
étudiée. La forme de la distribution fait apparaître une prédominance des
scores moyens et assez forts : 3 à 6, tandis que les scores 0 à 2 et très forts 7,8
s’avèrent nettement moins fréquents (respectivement 20 et 13 %). Cependant,
le faible nombre de sujets franchement résistants à la suggestion sous hypnose
dans la population étudiée s’explique très probablement par le mode de
recrutement et la nature des sujets de l’échantillon : volontaires, étudiants en
psychologie pour la moitié d’entre eux.
Les auteurs ont comparé les résultats de l’échantillon à d’autres échantillons
de population d’expérimentations précédentes et concluent que même des
échantillons assez petits permettent d’étudier de façon satisfaisante la
susceptibilité hypnotique et de démontrer que la susceptibilité hypnotique est
une aptitude courante. Cette susceptibilité hypnotique apparaît avec une
grande régularité.
Des études ont montré qu'environ 80% des gens sont hypnotisables, dont
5% sont d'emblée en état de transe profonde. Pour les autres, plusieurs
séances sont nécessaires pour y parvenir.
2. LA PERSONNALITE ET SUGGESTIBILITE HYPNOTIQUE
Chertok et Michaux ont comparé les résultats de susceptibilité hypnotique à
l’aide de l’échelle A de Stanford, entre un groupe de sujets pathologiques (24
sujets) venus consulter dans un centre de Médecine Psychosomatique en
demandant l’hypnose, et un groupe de sujets volontaires (52 sujets) et
rémunérés. Les résultats ne semblent pas montrer que l’hypnose soit
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spécifique de personnalités « pathologiques », en revanche certaines études
semblent montrer que la susceptibilité hypnotique décroît avec l’âge.
Chertok et Michaux pensent que l’hypnose n’est pas liée à une faiblesse du
moi : le sujet volontaire facilement hypnotisable peut être décrit comme une
personnalité très sociable, attirée par le groupe et capable d’affronter le
groupe. Les test de personnalité de Cattel (16 PF) et de Guilford et Zimmerman
ont été administrés sur une population de 23 sujets. Dans le premier test, les
sujets les plus susceptibles à l’hypnose sont ceux les plus ouverts (chaleureux,
faciles à vivre, coopérants) et les plus autoritaires (agressifs, ayant un esprit de
rivalité, entêtés). Dans le second test, les sujets les plus susceptibles sont
sociables (aimant et recherchant une activité de groupe) et doués d’une assez
grande ascendance (habitude de parler en public, de diriger, de persuader).
Ces résultats sont paradoxaux si l’on se réfère aux préjugés qui font
généralement décrire et envisager le sujet hypnotisable comme doté d’une
personnalité faible et plutôt soumise.
Les auteurs pensent que le test de personnalité fournit une mesure indirecte
des attitudes profondes du sujet envers l’hypnose, envers la relation et envers
la suggestion. En effet, les attitudes du sujet sont un rôle modulateur essentiel
quant à l’apparition de l’état hypnotique. Dans le contexte expérimental, le
sujet peut résister à l’hypnose et pour que le sujet soit hypnotisé, il faut qu’il se
« laisse aller », qu’il accepte l’hypnose. Par conséquent, la relation observée
entre personnalité et hypnose ne renseigne pas tant sur les facteurs de
personnalité impliqués, mais sur les facteurs de personnalité qui conditionnent
l’abandon ou la résistance du sujet à l’hypnose.
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VI. CONCLUSION
Les sujets sous hypnose sont-‐ils dans un état neurologique particulier ou
seulement en proie à la force de suggestion de leur thérapeute ?
Cette question fait débat depuis les premiers travaux du médecin viennois
Franz Mesmer au XVIIIe siècle. Les résultats obtenus en utilisant l'imagerie
cérébrale tendent à accréditer la première thèse et à objectiver l'hypnose. Si
l'on ne comprend toujours pas comment elle agit, on observe bel et bien des
différences dans l'activité cérébrale indiquant un état modifié de conscience
lorsque le sujet est hypnotisé. C'est probablement cet état modifié qui permet
d’expliquer la diminution du BIS ce qui permettrai de monitorer la transe
hypnotique au bloc opératoire et d’éviter les anesthésies médicamenteuses.
Cependant cette analyse intermédiaire, nous a permis de mettre en
évidence plusieurs imperfections du protocole qui incitent à des modifications
tel qu’une meilleure répartition des genres et une évaluation de la
suggestibilité hypnotique.
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VIII. ANNEXES
Base de données Hypnose & BIS
Date de l’intervention : …/……/20….
Numéro de séance d’hypnose.
Age ……….. années □ Poids ……..Kg □
Données générales première séance A remplir au cours de la première
séance
Consultation médical avec médecin douleur : date de la première consultation :
……../……../20………
Diagnostic douleur :
Objectifs thérapeutiques : par ordre d’importance
Traitements antalgiques médicaments et doses:
Etiquette Patient
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Données générales de la séance A rempli à chaque séance
Consultation médical avec médecin douleur dernière en date : ……../……../20………
Objectifs thérapeutiques : par ordre d’importance
Traitements antalgiques médicaments et doses:
Objectif de la séance d’hypnose :
Métaphore utilisée
Remplissage du tableau : du début de l’induction jusqu’au réveil complet de l’hypnose. Continuer
à remplir les données du bis en même temps que le psychologue s’entretien avec le patient jusqu’à
sa sortie.
Temps par rapport au début
(mn)
BIS Stade : induction (I), état
hypnotique (H), Suggestion (S),
Réveil (R)
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41
Avant début
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
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