Economie de la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise et ......La Responsabilité Sociale de...
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Economie de la Responsabilité Sociétale
de l’Entreprise et politiques publiques
Master EDDEE, février 2016
La Responsabilité Sociale de l’Entreprise
(RSE)
• De plus en plus, les entreprises s’engagent volontairement à
augmenter leur performance environnementale et sociétale
au-delà des obligations réglementaires et légales
• Soit de façon unilatérale: l’auto-régulation
• Soit dans le cadre de contrats ou de partenariats avec des
autorités publiques ou des ONG
Un point de vue économique
• Une visée évaluative
– Le développement de la RSE est-il favorable à l’intérêt général ?
– Intérêt général = bénéfice économique + bénéfice social et
environnemental
• Un questionnement sur la régulation publique de la RSE
• Fondé sur une synthèse des travaux académiques
– Notamment, des évaluations quantitatives de la RSE
Le modèle traditionnel de l’économie publique
Clients / Fournisseurs /
Actionnaires / Salariés
Marché
Tiers
Impacts
environnementaux
et sociaux
Firme
RSE - internalisation
marchande
Régulation publique
des externalités
Impacts
environnementaux
et sociaux
RSE - préemption de la
régulation
L’internalisation marchande est très partielle
Première raison :
• « L’acheteur de RSE » sous valorise la performance extra financière
• Il ne subit qu’une toute petite partie des conséquences sociales et
environnementales induites par le produit qu’il achète
• Donc son consentement à payer est (très) inférieur sauf si :
1. Il est altruiste
2. Il croit que les autres le sont également
• car la générosité unilatérale n’a aucun effet perceptible sur la qualité sociale et
environnementale globale
Message 1
• La portée de la RSE est nécessairement limitée dans une
économie de marché
• Elle souffre de deux maux
– Le free riding des parties prenantes car la performance RSE est un bien
public
– Le soupçon de greenwashing
Seconde raison :
• L’acheteur n’observe pas directement la performance extra
financière
– La RSE est un « bien de croyance »
• Et la communication RSE de la firme est peu crédible
– 47% des sondés jugent non crédibles les allégations
environnementales dans les publicités (IFOP, « Les Français et le
Greenwashing », 2012)
• Des auditeurs / certificateurs au sens large sont
indispensables pour informer l’acheteur
L’internalisation marchande est très partielle
La RSE de préemption
• Ne fonctionne que si l’Etat renonce à réguler
• Donc doit créer plus de surplus social que la régulation
– Le surplus incluant les coûts de régulation (y compris les distorsions
comme le lobbying)
• Mais doit être moins coûteuse que la régulation pour
l’entreprise
• Donc suffisamment ambitieuse pour l’Etat, mais peu coûteuse
pour les entreprises. Pas facile à concilier…
• Une analyse formelle tout à l’heure
Plan
• Une caractérisation économique de la RSE
• Une évaluation de la RSE
– Est-elle rentable pour les entreprises?
– Améliore-t-elle la performance sociale et environnementale?
• Quelle régulation publique de la RSE ?
La rentabilité économique de la RSE
• Il existe de très nombreux travaux sur des données
quantitatives
– Une méta-analyse de 251 études: « Does it Pay to Be
Good... And Does it Matter? A Meta-Analysis of the
Relationship between Corporate Social and Financial
Performance” Margolis, Elfenbein, Walsh, 2009;
Harvard
Les résultats de la méta-analyse
Coefficient de corrélation
Global 0,105
Sens de la causalité
Profit → RSE
RSE→ Profit
0,117
0,088
Coefficients de corrélation compris entre -1 et 1
0,5 = grand effet, 0,3 = effet moyen, 0,1 = effet limité.
Corrélation entre performance financière et performance RSE
(moyennes pondérées)
La RSE induit de la performance financière, mais peu
La profit induit de la RSE, un peu plus, mais reste limité
Les mécanismes créant de la valeur financière
1. Le consommateur vert et éthique accepte des prix plus élevés permettant de compenser le surcoût de la RSE
2. Améliorer la performance environnementale augmente la productivité en limitant la consommation de matières de premières et d’énergie
3. L’employé est plus motivé et/ou accepte une rémunération plus modeste
4. L’ISR réduit le coût du
capital
5. La RSE réduit les
oppositions locales à la
réalisation
d’investissements source
de nuisances
6. La RSE permet d’éviter des
politiques publiques plus
coûteuses
La performance sociale et environnementale
• La RSE induit-elle des bénéfices sociaux et
environnementaux allant au-delà des obligations
réglementaires ?
• Une question plus importante que la précédente:
• La RSE doit certes être rentable économiquement pour survivre
– Mais ne le sera qui si la RSE est perçue par les parties prenantes
comme induisant des bénéfices sociaux et environnementaux
La performance sociale et environnementale de la RSE est
le fondement de la performance financière, pas l’inverse
Une recherche très limitée
• Une dizaine d’articles académiques, uniquement sur la
performance environnementale, surtout données US
En résumé, on ne sait pas si la RSE est socialement ou
environnementalement additionnelle
Programme Etudes
ISO 14001 9 études :
• Babakri et al. (2004), Dasgupta et al.
(2000), King et al. (2005), Melnyk
(2002), Potoski and Prakash (2005),
Russo (2009), Szymanski and Tiwari
(2004), Barla (2007), Johnstone et al.
(2007)
8 études avec un
résultat positif
Prog 33/50
(US)
4 études:
• Khanna and Damon (1999), Gamper-
Rabindran (2006), Sam et al. (2009).
Vidovic and Khanna (2007).
3 avec résultats
positifs
Climate Wise
(US)
2 études
• Welch et al. 2000; Brouhle et al 2009
1 avec résultat
négatif
Responsible
Care
1 étude:
Gamper-Rabindran et Finger (2013)
Résultat (très)
négatif
Message 2
• La désirabilité de la RSE du point de vue de l’intérêt général
n’est pas démontrée
• Elle est économiquement rentable, mais on ne sait pas si elle
a un impact social et environnemental allant au-delà du
Business-As-Usual
Plan
• La performance financière
• La performance sociale et environnementale
• Quelles politiques publiques pour favoriser la RSE ?
L’écosystème informationnel RSE
Clients / Fournisseurs /
Actionnaires / Salariés
MarchéFirme
Impacts
Info sociale
environnementale
Auditeurs
/ certificateursONG
Deux fonctions :
1) crédibiliser l’information fournie par les entreprises
2) La simplifier pour qu’elle soit assimilable par les acheteurs de RSE
(le RSE est multidimensionnelle)
Médias
La régulation publique de l’écosystème
• La réflexion académique commence
• Le reporting RSE
• Les obligations sont légitimes pour que cela ne concerne pas que les bons élèves
• Sur l’additionalité sociale et environnementale, reporter la compliance ne suffit pas
• Les rapports RSE ne sont pas directement utiles
• Une matière première pour des intermédiaires informationnels qui doivent simplifier les messages
• La labellisation volontaire certifiée
• La concurrence conduit à une profusion de labels, et un engorgement informationnel
• Le régulateur doit jouer un rôle + important qu’aujourd’hui (ex RGE)
• La notation RSE
• Très important. Eviter le mélange des genres (notation et conseil)
En résumé
• L’effet sur la performance financière est positif, mais modeste • Beaucoup reste à faire pour quantifier l’influence des différents
mécanismes créateurs de valeur
• Aujourd’hui, la question prioritaire de recherche est celle de l’évaluation environnementale et sociale de la RSE– Le greenwashing
• L’utilité de la RSE du point de vue de la société n’est aujourd’hui pas démontrée• L’inverse non plus
• Le rôle des pouvoirs publics– Réguler l’écosystème informationnel
– Aujourd’hui, trop d’information, pas assez crédible
– La priorité du jour n’est pas le reporting, mais les activités aval (labellisation, notation, etc.)
Une évaluation théorique de la RSE de
préemption
• Glachant (2007) Non binding voluntary agreements, Journal of
Environmental Economics and Management
• Un accord volontaire (AV) dans lequel une entreprise s’engage
à dépolluer sous la menace d’une réglementation
La question :
• Dans un monde avec du lobbying des pollueurs, les AV
fournissent-ils un niveau de protection environnementale plus
élevé que celui permis par une norme réglementaire?
– Sans contraintes politiques, la réponse est triviale puisque le
régulateur peut mettre en œuvre la norme optimale
Intuition de départ
• Un AV sous menace réglementaire est le résultat d'un choix
entre deux maux
– Une politique traditionnelle sous-optimale car distorsions politiques
– Un AV sous-optimal car respect de la contrainte de participation du
pollueur
• Les deux options sont interdépendantes : la réglementation
est le point de désaccord du jeu de négo
• L’effet du lobbying – ou plus généralement des distorsions
politiques – est incertain
– Dégrade la réglementation
– Dégrade l’AV puisqu’il dépend de la sévérité de la menace
réglementaire
Le modèle
• Un accord négocié entre 1 pollueur et 1 régulateur
• Le régulateur R maximise le bien-être
• Un pollueur P– une firme ou un groupe de firmes (sans free riding)
• L'objet de la politique : un niveau d'abattement q
• Coût d'abattement C(q) identique sous le VA ou le quota réglementaire (C′,C">0)
• Un bénéfice environnemental linéaire égal à q
• Le niveau optimal de réduction est donc défini par C′(q∗)=1
• 2 instruments:– Une norme adoptée par le parlement
– Un accord définissant un niveau d’abattement qVA négocié entre R et P
• Un parlement soumis au lobbying du pollueur
Un processus législatif avec du lobbying
Une approche à la Grossman et Helpman (2001)
• la fonction objectif du législateur médian est
V(N,x)=λW(N)+(1-λ)x
avec W = N – C(N), le bien être social, x une contribution électorale du
pollueur et λ∈[0,1] un paramètre reflétant le poids relatif de l'intérêt général
au parlement
• Un jeu en deux étapes :
– L’industrie propose une contribution contingente à l'adoption du
quota: x = x(N)
– Le réglementeur accepte ou non x et adopte N
L’arbre du jeu
Sous jeu
législatif
Résolution du sous jeu législatif
• Le pollueur est le leader du jeu séquentiel
⇒ il choisit une contribution à prendre ou à laisser par le réglementeur
⇒ pour une norme N, il choisit la + faible contribution possible, càd. celle telle que :
V (N, x) = V (q*, 0)
� λ W(N) + (1- λ) x= λ W(q*)
• On a donc une contribution à l'équilibre:
x(N) = (λ/(1- λ)) [W(B*) - W(N)]
• L’industrie va alors proposer une contribution telle que x(N) + C(N) est minimisé. Après écriture de la condition de premier ordre et transformation, on obtient
C’(N) = λ(+ λ est petit, plus la norme est faible)
Analyse
Proposition 1 : Il existe toujours un AV acceptable par les 2 parties et il est toujours socialement préférable à la norme
Démonstration :
• L’accord exige le respect des contraintes de participation de P et de R:
W(qVA) > W(N)
C(N)+x(N) > C(qVA)
• On raisonne tjs sur les qVA < q* (les autres sont évidemment inacceptables pour le pollueur)
• Pour le régulateur, l'AV limite est défini par W(qVAR) = W(N) et donc qVAR = N
• Pour le pollueur l'AV limite est tq C(qVAP)=C(N)+x(N)
• On a donc C(qVAP)> C(N) puisque x > 0, et donc qVAP > N
• Cela induit qVAP > qVAR
• Le niveau maximal qu’est prêt à accepter le pollueur est tjs supérieur au niveau minimal qu’est prêt à accepter le régulateur
• Tout abattement qVA ∈[qVAR , qVAP] est acceptable par les deux parties
(suite)
• Intuition : le fait que le lobbying pour le pollueur soit coûteux
implique qu’il est tjs prêt à accepter un AV supérieur puisqu’il
lui évite ce coût
• Résultat très fort : vérifié pour λ→1 (une version du théorème
de Coase)
• Résultat très général : vérifié dès que x >0
Une variante avec un AV non exécutoire
(non binding Vas)
• Dans la réalité, les AV n’ont aucun statut juridique => pas de
sanction en cas de non respect de l’accord
• Mais en cas de non respect, le régulateur va mettre en place
la norme
• Avec retard par rapport au cas que nous venons d’analyser
⇒ Le pollueur peut avoir intérêt à signer un AV qu’il ne
respectera pas pour retarder l’action réglementaire
L’arbre du jeu
Le pollueur
réalise qVA
Le régulateur initie le
processus législatif
Le pollueur
choisit x
Le parlement
adopte la norme N
Le pollueur ne
respecte pas Le pollueur
respecte l’accord
Le régulateur initie le
processus législatif
Le pollueur
choisit x
Le parlement
adopte la norme N
Négociation
régulateur - pollueur
Accord Désaccord
Analyse
• Le pollueur ne va respecter l’accord exigeant qVA qui si
C(qVA) ≤ δ[C(N)+x(N)]
avec δ < 1, un facteur d'actualisation
Lemme : quel que soit qVA, signer un accord est toujours préférable pour le pollueur
Démonstration :
Cas 1 : C(qVA) > δ[C(N)+x(N)]
Il anticipe qu’il ne respectera pas l’accord; le coût de l’AV est donc δ[C(N)+x(N)] qui est inférieur au coût de la norme : C(N)+x(N). (l’AV qui retarde l’action réglementaire)
Cas 2 : C(qVA) ≤ δ[C(N)+x(N)]
Il anticipe qu’il respectera l’accord. On a alors : C(qVA) ≤ δ[C(N)+x(N)]≤ [C(N)+x(N)] puisque δ<1 (l’accord est moins couteux de la norme)
=> l'analyse du jeu se limite à l'étude des gains du régulateur
Le point de vue du régulateur
• Notre question à ce stade : y a-t-il un accord avec qVA qui lui
fournisse un gain supérieur à celui de la norme : W(N) ?
• Son gain avec l’AV qVA s’écrit
Cas 1 : δW (N) si C(qVA) > δ[C(N)+x(N)] (non respect de l’accord)
Cas 2 : W (qVA) si C(qVA) ≤ δ[C(N)+x(N)] (respect de l’accord)
• Dans le cas 1, il préfère évidemment la norme qui lui fournit
une utilité W(N)
• Dans le cas 2, peut-il préférer l’accord ? Càd. peut-on avoir un
qVA tel que C(qVA) ≤ δ[C(N)+x(N)] et W(qVA)>W(N)
Suite
• On spécifie maintenant le coût d’abattement : C(q)=θq²/2
• Alors les calculs montrent simplement que N=λ/θ, et
C(N)+x(N)=λ/2θ
• La condition C(qVA) ≤δ[C(N)+x(N)] s'écrit donc
qVA ≤ (δλ)(1/2)/θ²
• La condition W(qVA) > W(N) est équivalente à qVA > N et donc
qVA > λ/θ
• Un accord n’est donc possible que si
λ/θ ≤ (δλ)(1/2)/θ²
• C’est-à-dire si λ ≤ δ/θ²
Proposition 2
• Un AV est possible (et supérieur à la norme) quand λ ≤ δ/θ²
• C’est-à-dire quand
– Le parlement est très sensible au lobbying, c’est-à-dire λ petit (= bcp
de distorsions politiques)
– Le coût est faible (θ petit)
– δ est grand = le délai de réaction de l’Etat en cas de non respect de
l’AV est rapide
Conclusion
• Un accord exécutoire est tjs préférable à la réglementation
• Un accord non exécutoire, comme dans la réalité, n’est
préférable que si les distorsions politiques qui pèsent sur la
réglementation environnementale sont importantes
• C’est-à-dire si la menace réglementaire est faible
• La théorie prédit donc des AV peu ambitieux, mais plus
ambitieux que ce que l’on aurait pu faire avec une norme
• Cela colle bien avec la réalité, telle que je la perçois.