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Unité Mobile d’Assistance Circulatoire et Transport d’un patient sous ECMO V. Gariboldi, D. Grisoli et F. Collart Le CPS (Cardio-Pulmonary System) ou ECMO (Extra-Corporeal Mem- brane Oxygenator même si ce terme est plutôt réservé aux assistances veino-veineuses d’oxygénation) est devenue le traitement de choix du choc cardiogénique sévère réfractaire à un traitement médical optimal. Son implantation est réalisable en urgence dans un temps bref, possible même chez les patients en arrêt cardio-circulatoire. Elle permet égale- ment un support ventilatoire associé ou exclusif en cas de Syndrome de Détresse Respiratoire Aiguë isolé sans défaillance cardiaque. Le CPS autorise une durée d’assistance de quelques jours en atten- dant soit la récupération myocardique, soit la transplantation cardiaque, soit le remplacement par une assistance de longue durée temporaire ou définitive. Le problème est que l’utilisation du CPS reste l’exclusivité des centres de chirurgie cardiaque. Or peu de patients en choc réfractaire peuvent être transférés d’un hôpital périphérique vers un centre de chirurgie car- diaque sans risque. Après avoir constaté le décès de quelques patients jeunes en choc cardiogénique durant le transfert vers notre institution, nous avons décidé de créer une Unité Mobile d’Assistance Circulatoire (UMAC) permettant d’implanter le CPS dans tous les hôpitaux et surtout de rapatrier le patient dans notre unité de soins intensifs (USI) pour la surveillance et le devenir. En effet, la gestion médico-chirurgicale de ces

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Unité Mobile d’Assistance

Circulatoire et Transport

d’un patient sous ECMO

V. Gariboldi, D. Grisoli et F. Collart

Le CPS (Cardio-Pulmonary System) ou ECMO (Extra-Corporeal Mem-brane Oxygenator même si ce terme est plutôt réservé aux assistances veino-veineuses d’oxygénation) est devenue le traitement de choix du choc cardiogénique sévère réfractaire à un traitement médical optimal. Son implantation est réalisable en urgence dans un temps bref, possible même chez les patients en arrêt cardio-circulatoire. Elle permet égale-ment un support ventilatoire associé ou exclusif en cas de Syndrome de Détresse Respiratoire Aiguë isolé sans défaillance cardiaque.

Le CPS autorise une durée d’assistance de quelques jours en atten-dant soit la récupération myocardique, soit la transplantation cardiaque, soit le remplacement par une assistance de longue durée temporaire ou défi nitive.

Le problème est que l’utilisation du CPS reste l’exclusivité des centres de chirurgie cardiaque. Or peu de patients en choc réfractaire peuvent être transférés d’un hôpital périphérique vers un centre de chirurgie car-diaque sans risque. Après avoir constaté le décès de quelques patients jeunes en choc cardiogénique durant le transfert vers notre institution, nous avons décidé de créer une Unité Mobile d’Assistance Circulatoire (UMAC) permettant d’implanter le CPS dans tous les hôpitaux et surtout de rapatrier le patient dans notre unité de soins intensifs (USI) pour la surveillance et le devenir. En effet, la gestion médico-chirurgicale de ces

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patients une fois implantés ne peut s’envisager que dans un département de chirurgie cardiaque hospitalier coutumier de l’assistance circulatoire et habilité à la transplantation cardiaque.

LES OBJECTIFS

Il doit s’agir d’une unité mobilisable et détachable du service en urgence 24 h sur 24 et 7 jours sur 7, avec possibilité de couvrir un large bassin de population (par exemple pour notre équipe toute la région Provence- Alpes-Côte d’Azur, soit 32 000 km2 et 5 millions d’habitants) dans un délai bref, soit dès l’appel. Ce système de fonctionnement demande un investissement humain et une motivation très importante de chaque acteur qu’il faudra savoir évaluer avant de décider de la création d’une telle unité dans un service de soins souvent déjà débordé, cela compte tenue du coût fi nancier et de temps qu’une telle activité implique, parfois au détriment du programme opératoire réglé !

L’ORGANISATION

L’ÉQUIPE

Elle se compose :d’un chirurgien cardio-vasculaire formé à l’assistance circulatoire (idéa- −lement accompagné d’un second chirurgien qui pourra être un interne en chirurgie, selon le lieu et les disponibilités locales d’un chirurgien, pour aider à l’implantation des canules) ;d’un perfusionniste, lui aussi familier du matériel utilisé, capable de −monter la pompe et de purger le circuit en un temps bref (moins de 10 min) ;d’un anesthésiste-réanimateur en charge du management du patient en −per-procédure et de la surveillance de celui-ci pendant le transport de retour, même si l’implantation peut parfois être faite sous anesthésie locale pure ;et c’est du luxe, si possible, d’une infi rmière de bloc opératoire −(IBODE) de chirurgie cardiaque qui connaît le matériel et notamment les canules (encombrantes et diffi ciles à sortir de leur emballage sans les destériliser).

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En cas d’ECMO veino-veineuse exclusive, plus facile à implanter et à manager dans un service de réanimation conventionnelle, nous avons décidé pour des raisons logistiques de ne pas rapatrier le patient dans notre USI et donc le trajet « aller simple » pourra se faire sans anesthésiste-réanimateur et sans IBODE.

LE MATÉRIEL

L’équipe qui implantera l’assistance doit être complètement autonome en termes de matériel à utiliser, que ce soit le matériel lourd ou le consom-mable, afi n de pouvoir implanter l’assistance sur n’importe quel site (salle de cathétérisme cardiaque, service d’urgence… sans avoir à demander la moindre chose sur place). Ce matériel doit donc être prêt en permanence et vérifi é régulièrement pour ce qui concerne les quantités et les dates de péremption (rôle de l’équipe de perfusionnistes). Ainsi il n’y a pas de temps perdu au départ et pas de surprises à l’arrivée.

Le gros du matériel se compose d’une console « portable » (en fait d’une pompe installée sur un chariot « bricolé » par nos soins en atten-dant l’arrivée de pompes faites spécialement pour les UMAC comme par exemple le CardioHelp® de la société Maquet, photos 1 et 2) ainsi que d’un gros sac dans lequel est stocké tout le consommable (photo 3). Le tableau I détaille le contenu « type » du sac.

Compte tenu du faible nombre de produits consommables transpor-tables dans ce sac, il conviendra d’être particulièrement prudent lors de l’ouverture des canules et ne pas confondre vitesse et précipitation au risque de se retrouver démuni.

Concernant le matériel de surveillance du patient (scope, défi bril lateur, seringues électriques…), celui-ci sera prêté par le Service d’Aide Médicale Urgente (SAMU) local afi n de ne pas s’encombrer à l’aller, et rendu une fois le patient rapatrié dans l’USI du service de chirurgie cardiaque d’origine.

L’IMPLANTATION

L’insertion des canules peut se faire sous anesthésie locale ou générale, quel que soit le site où se trouve le patient. Idéalement bien sûr, celle-ci se fera dans un bloc opératoire pour une sécurité maximale (instruments, lumière…) mais c’est rarement possible compte tenu du caractère ins-table de ces patients. Pour notre part, nous recommandons l’implantation

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Photo 1 – Console classique et son chariot de transport.

Photo 2 – Console Cardiohelp (Maquet).

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par ponction percutanée afi n de diminuer le risque de saignement autour des canules, et cela surtout pendant le transport où ce risque est plus important (lors de la mobilisation du patient). Cela ne posera aucun pro-blème d’aborder et de contrôler afi n de réparer les vaisseaux fémoraux au Scarpa le long des canules lors de l’ablation de celles-ci. Nous préférons ne pas canuler artère et veine du même côté afi n de réduire le risque d’ischémie de membre et donc utiliser les deux Scarpas.

Une fois les canules artérielle et veineuse en place et l’assistance tour-nant à plein débit sur un patient stabilisé, il sera aisé de reperfuser le membre inférieur du côté de la canulation artérielle par l’insertion d’un cathéter de type désilet de remplissage (cf. liste de matériel) introduit dans l’artère fémorale superfi cielle par voie percutanée ou par un court abord chirurgical à la partie inférieure du Scarpa. Cette reperfusion doit impérativement et systématiquement être mise en place avant tout trans-port afi n d’éviter une ischémie de membre qui peut parfois être précoce.

En cas d’ECMO veino-veineuse, il sera plus facile pour un éventuel transport d’insérer les canules en veine fémorale et non en jugulaire.

Photo 3 – Sac UMAC.

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Tableau I – Contenu type du sac UMAC

Produit Quantité

Oxygénateur Quadrox D (Jostra) 2

Circuit pré-hépariné 2

Canule pré-héparinée Longue Veineuse multiperforée 20+24 fr (Edwards ou Maquet) et leur kit de ponction percutané

2 + 2

Canule pré-héparinée Longue Artère 17 fr. 2

Canule pré-héparinée Longue Artère 19 fr. 1

Ringer Lactate 1 l Poche souple 2

Cathéter de reperf fémorale Vygon Réf : 1 129.05 Réf : 1 129.06 Réf : 1 129.07

222

Jeu de 4 clamps à tuyaux stériles 1

Longueur de tuyau taille ¼ / Lame de bistouri 22 1 / 2

Capteur de débit + support 1

Moteur externe 1

Manivelle de secours 1

Bouteille oxygène 1

Support oxygénateur 1

Plaque support + mats 1

Clamps à tuyaux non stériles 4

Protection en « tire-bouchon » 2

Colliers + pince + scotch 1

Feuilles de surveillance 2

Poches souples stériles 2

lignes de reperfusion fémorale 2

SELON SITUATION

Adaptateur pour tête Jostra 1

Sechrist + tuyaux gaz adaptés 1

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LE TRANSPORT

Le transport de retour ne pourra s’envisager que sur un patient parfai-tement stabilisé par l’assistance. En effet, durant le transport, l’équipe médico-chirurgicale est limitée dans ses gestes (problème de place et de manque relatif de matériel). Le but est de mobiliser le patient le moins possible car c’est au cours des mobilisations que les risques de saignement ou de déplacement, voire d’ablation des canules, sont les plus importants. Le patient sera passé sur le brancard de transport par un maximum de personnes afi n de maintenir le corps parfaitement droit à l’horizontale, le perfusionniste étant uniquement concentré sur les tuyaux dans leur intégralité, de la canule à la pompe.

Concernant le moyen de transport à l’aller : il faudra faire au plus vite et nous avons porté notre choix sur l’hélicoptère, en partenariat avec la Sécurité Civile et le SAMU. Il s’agit du modèle EC-145 dit « Dragon » (photos 4 et 5) disposant d’une autonomie de 600 km environ et permet-tant de transporter un brancard et 4 personnes. Il s’agit pour l’instant du seul appareil civil de taille suffi sante pour ce genre d’opération. Il faudra bien évidemment s’assurer de la présence d’une piste d’atterrissage (drop-zone ou DZ) immédiatement sur la zone d’arrivée afi n de ne pas multi-plier les changements de véhicule qui, au fi nal, feront perdre du temps. En l’absence de DZ sur place, le transport se fera dans un camion du SAMU (Unité Mobile d’Hospitalisation).

Concernant le retour : le temps presse moins et il faudra privilégier la stabilité du patient et le bon positionnement des canules. Le trajet pourra se faire par les airs ou par la route, en sachant qu’il faudra miser sur la seule autonomie de la pompe et des pousse-seringues car les EC-145 ne possèdent pas de convertisseur 12V-220V permettant leur recharge, cela en attendant l’arrivée sur le marché de consoles nouvelle génération adaptables en 12, 24 et 220 V.

LE FONCTIONNEMENT

Le principe de base est la bonne coordination entre l’équipe du centre appelant et l’équipe de l’UMAC, concernant surtout la prise initiale de renseignements cliniques. Celle-ci s’effectue par le réanimateur qui reçoit l’appel et qui en informe les chirurgiens. Le point clé est la bonne sélec-tion des patients, afi n de ne pas mobiliser une équipe pour un cas dépassé

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Photo 4 – Hélicoptère EC-145 (vue intérieure).

Photo 5 – Hélicoptère EC-145 (vue extérieure avec l’équipe de l’UMAC).

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ou au contraire encore transportable sans assistance, compte tenu du prix fi nancier et humain important du déplacement.

Une fois l’indication posée, il faudra s’enquérir du positionnement des cathéters de surveillance du patient et éventuellement les faire repo-sitionner pendant le transport aller de l’UMAC et effectuer les relais d’inotropes à l’avance, dans le but de libérer les vaisseaux fémoraux pour l’implantation. On prendra soin de garder tout cathéter fémoral en place afi n de procéder à un changement cathéter-canule sur guide.

La présence d’un ballon de contre-pulsion peut poser problème. Il faudra dans ce cas aborder et contrôler les vaisseaux fémoraux par voie chirurgicale, enlever le ballon et utiliser le trou pour introduire la canule artérielle.

L’organigramme ci-dessous résume le déroulement d’une sortie de l’UMAC :

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LE FINANCEMENT

Il est pour l’instant propre à chaque CHU. Nous avons proposé de faire reconnaître par l’ARH une tarifi cation SMUR spécifi que aux interventions de l’UMAC ; en effet, des tarifs SMUR propres aux activités d’urgences spécifi ques existant déjà dans d’autres établissements de santé. Pour ce faire, nous avons additionné les coûts AP-HM d’une garde pour chaque type d’intervenant (chirurgien, interne, anesthésiste, infi rmier), du maté-riel à usage unique, de l’amortissement du matériel de CEC et enfi n du transport.