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77Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021 – Dossiers – RĂ©duction des inĂ©galitĂ©s : la redistribution est deux fois plus ample


RĂ©duction des inĂ©galitĂ©s : la redistribution est deux fois plus ample en intĂ©grant les services publics

Le niveau de vie des mĂ©nages est affectĂ© par les transferts publics, positivement Ă  travers les prestations qu’ils reçoivent et nĂ©gativement par les prĂ©lĂšvements dont ils s’acquittent. Ce dossier prend en compte l’ensemble des transferts, directs comme c’est le cas usuellement, mais aussi les prĂ©lĂšvements indirects ainsi qu’une valorisation monĂ©taire des services publics.

En 2018, sous l’angle de ce niveau de vie Ă©largi, les deux tiers des individus reçoivent en moyenne davantage, en prestations et en services publics, qu’ils ne versent en impĂŽts, taxes et contributions sociales, contre environ un tiers dans l’approche monĂ©taire usuelle.

Les inĂ©galitĂ©s avant transferts, c’est‑à‑dire calculĂ©es Ă  partir du revenu primaire dit « Ă©largi Â», sont marquĂ©es. Le revenu primaire Ă©largi moyen des 10 % des individus les plus aisĂ©s est 13 fois plus Ă©levĂ© que celui des 10 % les plus modestes. Ce rapport, est ramenĂ© Ă  7 sur le niveau de vie usuel, puis Ă  3 sur le niveau de vie Ă©largi.

La rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s liĂ©e Ă  la redistribution (mesurĂ©e par l’indice de Gini) est plus de deux fois plus importante dans l’approche Ă©largie que dans l’approche monĂ©taire usuelle. Le caractĂšre redistributif du systĂšme socio‑fiscal français provient avant tout des transferts en nature, comme l’éducation, la santĂ© et le logement, qui contribuent pour 50 % Ă  la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s au sens de la redistribution Ă©largie ; viennent ensuite les prestations sociales monĂ©taires (23 %), les dĂ©penses de consommation collective (16 %) et les retraites (10 %). Les prĂ©lĂšvements sont lĂ©gĂšrement anti‑redistributifs du fait des taxes sur les produits et des cotisations qui font plus que compenser la progressivitĂ© des impĂŽts sur les revenus et le patrimoine.

Les transferts publics affectent directement ou indirectement le niveau de vie des mĂ©nages. Les mesures usuelles de la redistribution examinent le plus souvent les transferts monĂ©taires les plus directs, c’est‑à‑dire, d’un cĂŽtĂ©, les prĂ©lĂšvements comme l’impĂŽt sur le revenu, la contribution sociale gĂ©nĂ©ralisĂ©e (CSG) et les cotisations sociales, et de l’autre, les prestations sociales monĂ©taires (comme les prestations familiales et les minima sociaux), les retraites et l’assurance chĂŽmage. Plusieurs raisons poussent Ă  Ă©largir cette approche.

D’une part, d’autres prĂ©lĂšvements affectent d’une maniĂšre indirecte les mĂ©nages, comme la taxe sur la valeur ajoutĂ©e (TVA) ou encore les droits d’accise (sur le tabac et l’alcool par exemple), et d’autre part, la contrepartie de ces prĂ©lĂšvements n’est pas seulement constituĂ©e de transferts monĂ©taires. Celle‑ci comprend Ă©galement les transferts sociaux dits « en nature Â» par la comptabilitĂ© nationale (notamment les dĂ©penses de santĂ© et d’éducation) et les services publics rendus par les dĂ©penses collectives (comme la police, la justice ou les services d’administration). Ce deuxiĂšme groupe de transferts reprĂ©sente une rĂ©alitĂ© moins directe que le premier, mais le quantifier est essentiel au regard de son ampleur afin d’analyser plus prĂ©cisĂ©ment le caractĂšre redistributif du systĂšme socio‑fiscal.

Ce dossier adopte donc une vision exhaustive de la redistribution opĂ©rĂ©e par les administrations publiques en incluant l’ensemble des financements et la totalitĂ© des transferts publics, qu’ils soient en nature ou en espĂšces, offerts en contrepartie des prĂ©lĂšvements. Les prĂ©lĂšvements du champ Ă©largi de la redistribution reprĂ©sentent 56 % du revenu national net (RNN), contre 13 % dans l’approche classique sans les cotisations sociales et 37 % avec. Les prestations sont plus de deux fois plus importantes dans l’approche Ă©largie, par rapport Ă  l’approche usuelle Ă  laquelle seraient intĂ©grĂ©es les pensions de retraites et les allocations chĂŽmage, afin de faciliter les comparaisons figure 1.

Cette approche Ă©largie de la redistribution s’appuie sur une mĂ©thode dite des comptes nationaux distribuĂ©s encadrĂ© 1. Ces travaux prolongent l’étude des comptes par catĂ©gorie de mĂ©nages [Accardo et Billot, 2020]. Ils s’inscrivent dans une littĂ©rature cherchant Ă  Ă©largir le champ de la redistribution et Ă  rapprocher donnĂ©es microĂ©conomiques et approche comptable. L’une des principales innovations de ce dossier est de quantifier l’ensemble des prestations « en nature Â» et des dĂ©penses collectives en les distribuant Ă  partir de donnĂ©es microĂ©conomiques [Insee, 2021].

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78 Revenus et patrimoine des mĂ©nages – Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021

1. Transferts publics depuis 1949 en part du revenu national brut

– 100

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1949 1954 1959 1964 1969 1974 1979 1984 1989 1994 1999 2004 2009 2014 2019

en % du revenu national brut

Prestations en espĂšces

Transferts en nature

DĂ©penses de consommation collectives

Cotisations sociales

ImpĂŽts sur les revenus et le patrimoine

Taxes sur les produits et la production

REDISTRIBU

TION

EN ESPÈCES

REDISTRIBU

TION

ÉLARGIE

Note : les transferts sont rapportĂ©s au revenu national brut (RNB) et non au revenu national net (RNN), car la sĂ©rie depuis 1949 n'est disponible que pour le RNB.Lecture : en 2018, les prestations en espĂšces reprĂ©sentent 21 % du revenu national brut.Champ : France.Source : Insee, Comptes nationaux ; calcul des auteurs.

1. Les principes de la distribution du revenu national

De nombreux travaux ont cherchĂ© Ă  mesurer les effets redistributifs des transferts publics, mais aucun ne couvre encore la totalitĂ© du champ des transferts. La mĂ©thode proposĂ©e ici s’appuie sur des rĂ©flexions anciennes et une littĂ©rature riche.

MĂȘme si elle s’en rapproche, cette mĂ©thode exhaustive se distingue de la dĂ©composition des comptes des mĂ©nages par catĂ©gories usuellement produits par l’Insee [Accardo et al., 2009 ; Accardo et Billot, 2020] : la comptabilitĂ© distributionnelle, qui vise Ă  Ă©tudier la redistribution et la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s, analyse la rĂ©partition entre les mĂ©nages de l’ensemble des composantes du revenu national et des transferts, tous secteurs institutionnels confondus. Les comptes par catĂ©gories, qui cherchent Ă  dĂ©terminer les variations du taux d’épargne entre les diffĂ©rentes catĂ©gories de mĂ©nages, se limitent en consĂ©quence au secteur institutionnel des mĂ©nages (S14) et Ă  leur revenu disponible brut, qu’ils mettent en regard de leur consommation. Par ailleurs, l’Insee a dĂ©jĂ  publiĂ© des travaux Ă©largissant le champ de la redistribution en intĂ©grant les transferts « en nature Â» [Amar et al., 2008], mais sans couvrir les services publics collectifs, les taxes sur la production et la consommation, et l’imposition des sociĂ©tĂ©s.

Les travaux universitaires, notamment ceux du World Inequality Lab [Piketty, Saez et Zucman, 2018 ; Bozio et al., 2020 ; Alvaredo et al., 2020], intĂšgrent Ă©galement les impĂŽts sur la production et sur les produits mais reposent sur des hypothĂšses de distribution proportionnelles aux revenus primaires pour les prestations « en nature Â» et les dĂ©penses collectives revenant Ă  neutraliser leur effet sur la redistribution.

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79Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021 – Dossiers – RĂ©duction des inĂ©galitĂ©s : la redistribution est deux fois plus ample


L’OCDE prend aussi en compte les transferts « en nature Â» mais exclut les impĂŽts sur la production et sur les produits.Par leur objectif d’étude monĂ©taire des inĂ©galitĂ©s, les travaux usuels couvrent partiellement les transferts, ceux dont la mesure repose directement sur les sources statistiques de revenus. En raison de la structure du systĂšme socio‑fiscal, ce cadre d’analyse repose sur un dĂ©sĂ©quilibre entre prĂ©lĂšvements d’une part et prestations et services d’autre part : certaines prestations ne sont pas mises en regard des prĂ©lĂšvements qui les financent car ceux‑ci sont exclus du champ d’étude ; inversement, des prĂ©lĂšvements n’apparaissent pas comme la contrepartie finançant des services si ceux‑ci se situent en aval du champ retenu. En effet, ce que les administrations publiques distribuent en prestations en espĂšces, en nature ou en dĂ©penses collectives, est prĂ©levĂ© aux agents Ă©conomiques1.

Seule la comptabilitĂ© nationale trace l’ensemble des revenus et des transferts d’une Ă©conomie nationale, dans des grandeurs macroĂ©conomiques agrĂ©gĂ©es comme le produit intĂ©rieur brut (PIB) ou le revenu national. Ce cadre annuel repose sur des conventions prĂ©cises permettant les comparaisons entre pays et entre pĂ©riodes temporelles, Ă  concepts inchangĂ©s.

À l’instar de Piketty, Saez et Zucman (2018), le revenu national joue un rĂŽle central dans les comptes nationaux distribuĂ©s. Égal Ă  la somme de tous les revenus primaires des secteurs institutionnels de la comptabilitĂ© nationale attribuables aux mĂ©nages rĂ©sidant en France, il dĂ©finit ainsi le revenu primaire Ă©largi, prenant la forme d’un revenu national avant transferts. Il inclut notamment les cotisations versĂ©es par les employeurs et les bĂ©nĂ©fices rĂ©alisĂ©s par les entreprises, qu’ils soient ou non distribuĂ©s aux actionnaires sous forme de dividendes figure. Ce revenu national est net de consommation de capital fixe (CCF) afin de s’approcher au mieux de la notion de redistribution du compte de revenu et non du compte de patrimoine. Il peut s’écrire sous diffĂ©rentes formes. Au total, il est Ă©gal Ă  1 982 milliards en 2018. Ces montants agrĂ©gĂ©s sont identiques avant et aprĂšs les opĂ©rations de redistribution des administrations publiques. En effet, tout ce qui est prĂ©levĂ© d’un cĂŽtĂ© est redistribuĂ© d’un autre cĂŽtĂ©, sous la forme de prestations en espĂšces, en nature et de dĂ©penses collectives. Mais ils diffĂšrent quand ils sont distribuĂ©s par groupe de mĂ©nages comme les dixiĂšmes de niveaux de vie. En effet, la finalitĂ© des comptes nationaux distribuĂ©s est de voir comment se rĂ©partit ce revenu national avant prise en compte de l’action publique et comment il est distribuĂ© aprĂšs. L’étude de la redistribution ainsi Ă©largie permet de rĂ©pondre aux questions suivantes : qui paie et reçoit quoi ? Quelle part joue l’ensemble des transferts publics dans cette rĂ©partition ? Comment ces transferts contribuent‑ils Ă  rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s ?

Pour ce faire, il s’agit de mesurer comment sont ciblĂ©es les dĂ©penses publiques et sociales et comment sont distribuĂ©s les prĂ©lĂšvements qui les financent. Le rapprochement des donnĂ©es microĂ©conomiques permet de distribuer l’ensemble des composantes du revenu national ( sources et mĂ©thodes, en annexe). Dans l’ensemble de ce dossier, les revenus et les transferts sont distribuĂ©s par catĂ©gories de mĂ©nages dont les individus sont classĂ©s prĂ©alablement en fonction de leur niveau de vie, mesurĂ© par leur revenu disponible par unitĂ© de consommation (UC), et ce classement reste inchangĂ©. En effet, le revenu disponible est le concept central de l’étude de la redistribution, car il est Ă  la fois le plus proche du ressenti des mĂ©nages et directement observĂ© dans les donnĂ©es fiscales et sociales. Par ailleurs, il ne dĂ©pend pas des hypothĂšses de distribution des composantes du revenu primaire Ă©largi.

1 L’exercice budgĂ©taire des administrations publiques peut se solder par un surplus ou un dĂ©ficit qui est mesurĂ© d’un point de vue comptable par leur Ă©pargne (nette de consommation de capital fixe). Ce solde est nĂ©gatif en 2018 ; en supposant qu’il serait financĂ© en quantitĂ© Ă©gale par une hausse des prĂ©lĂšvements et une baisse des prestations, il est distribuĂ© aux agents pour moitiĂ© selon le profil des prĂ©lĂšvements et pour moitiĂ© selon celui des prestations sources et mĂ©thodes (en annexe).

1. Les principes de la distribution du revenu national (suite)

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80 Revenus et patrimoine des mĂ©nages – Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021

Cette mĂ©thode des comptes nationaux distribuĂ©s permet de tenir compte du fait que tout ce qui est fourni par la collectivitĂ© est financĂ© directement ou indirectement par la population et profite, in fine, Ă  celle‑ci, Ă  nouveau de maniĂšre directe ou indirecte. En effet, seule l’exhaustivitĂ© permet des comparaisons robustes entre pays ou entre pĂ©riodes pour un mĂȘme pays. Pour cela, l’ensemble du RNN est attribuĂ© et distribuĂ© aux mĂ©nages rĂ©sidant en France. Le RNN peut en effet se dĂ©composer avant et aprĂšs transferts. Le revenu national avant transferts est dĂ©fini comme la somme des revenus primaires Ă©largis, qu’ils relĂšvent du secteur des mĂ©nages ou de celui des entreprises ou des administrations publiques. Il intĂšgre les revenus salariaux, les revenus d’activitĂ© (dits mixtes) des indĂ©pendants et les revenus du patrimoine (soit trois quarts

1. Les principes de la distribution du revenu national (suite)

Les différents concepts de revenu

1

1

Redistribution du dossier

Redistribution de la publication Amar et al. (2008)

Redistribution monétaire usuelle à l'Insee

Revenu des facteurs

Revenu national net avant transferts divisé par UC revenu primaire élargi par UC

– PrĂ©lĂšvements sur la production (taxe fonciĂšre,DMTO-DMTG, CVAE, C3S, taxes sur les salaires, sur la prĂ©voyance, etc.)

– PrĂ©lĂšvements indirects sur la consommation(TVA, TICPE, accises, etc.)

+ Pensions de retraite et d'invalidité+ Allocations chÎmage et indemnités

journaliĂšres brutes+ Rentes accidents du travail et maladies

professionnelles

– Cotisations employeurs– Cotisations employĂ©s et cotisations des

indĂ©pendants– ImpĂŽt sur les sociĂ©tĂ©s

Revenu disponible2 divisé par UC niveau de vie

+ Transferts sociaux en nature (santé, éducation, action sociale, logement)

+ Services publics non individualisables (police, justice, etc.)

Revenu national net aprÚs transferts divisé par UC niveau de vie élargi

Revenu salarial brut augmenté des cotisations sociales patronales+ Revenus bruts des indépendants+ Revenus du patrimoine+ Revenus des entreprises+ Loyers fictifs+ Revenu primaire des administrations publiques (prélÚvements sur la production et la consommation)+ Profits non distribués (épargne des entreprises)

Revenu avant redistribution dans certaines publications Insee1

+ Prestations familiales+ Minima sociaux+ Prime d’activitĂ©

– PrĂ©lĂšvements sociaux (CSG, CRDS, etc.)– ImpĂŽt sur le revenu– Taxe d'habitation– ImpĂŽt sur la fortune (ISF/IFI)

Revenu disponible ajusté

1 Le revenu avant redistribution des publications usuelles Insee (par exemple Blasco et Picard (2019) ou Sicsic (2021) n'est pas exactement égal à cette définition, il n'inclut notamment pas les loyers fictifs ou les profits non distribués des entreprises.

2 Le revenu disponible de la statistique sociale inclut les allocations logement encadré 3.

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du RNN), comme c’est le cas dans les analyses usuelles de la redistribution monĂ©taire. L’optique Ă©largie adoptĂ©e ici ajoute trois autres types de revenus (reprĂ©sentant un quart du RNN) : les loyers imputĂ©s aux propriĂ©taires, les profits des entreprises non versĂ©s comptablement aux mĂ©nages et le revenu primaire des administrations publiques, notamment les taxes sur les produits et impĂŽts sur la production encadrĂ© 2.

L’attribution aux mĂ©nages de l’ensemble des transferts des administrations publiques et des institutions sans but lucratif au service des mĂ©nages (ISBLSM) dĂ©finit alors une redistribution du revenu national aprĂšs transferts, sous la forme d’un niveau de vie Ă©largi. L’effet redistributif est ensuite calculĂ© par diffĂ©rence entre le revenu national avant transferts et le revenu national aprĂšs transferts. Cet exercice permet de mesurer comment la distribution du revenu primaire Ă©largi est modifiĂ©e en prenant en compte l’action publique. Pour ce faire, l’ensemble des revenus et des transferts est distribuĂ© aux mĂ©nages en combinant des donnĂ©es microĂ©conomiques et de comptabilitĂ© nationale annexe.

2. Conventions comptables et revenus des ménages

La construction des comptes nationaux distribuĂ©s suppose d’attribuer les revenus de tous les secteurs institutionnels de la comptabilitĂ© nationale aux mĂ©nages encadrĂ© 1. Cela implique de dĂ©terminer une mĂ©thode de distribution des composantes du revenu national ( sources et mĂ©thodes, en annexe). Cela repose Ă©galement sur un cadre d’analyse cohĂ©rent et des conventions comptables.

Une premiĂšre convention est la prise en compte des loyers imputĂ©s dans le revenu et la consommation des propriĂ©taires. En cohĂ©rence avec le cadre de la comptabilitĂ© nationale, elle vise Ă  mettre sur le mĂȘme plan locataires et propriĂ©taires occupants, en faisant comme si les seconds se versaient Ă  eux‑mĂȘmes un loyer et le consommaient. Dit autrement, ne pas avoir Ă  payer un loyer pour se loger est une Ă©conomie de dĂ©pense qu’il convient de valoriser afin, notamment, de permettre les comparaisons entre pays qui ont des taux de propriĂ©taires diffĂ©rents. Cela permet de rendre comparables deux situations similaires, l’une d’un propriĂ©taire occupant son logement et l’autre d’un propriĂ©taire louant son bien et se logeant ailleurs comme locataire.

De la mĂȘme maniĂšre, les profits non distribuĂ©s des entreprises, c’est‑à‑dire leur Ă©pargne, peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des profits versĂ©s fictivement aux mĂ©nages qui ont Ă©tĂ© immĂ©diatement rĂ©investis, avant impĂŽts, dans la mĂȘme entreprise. Cette convention permet par exemple d’éviter que les rĂ©formes fiscales sur les dividendes n’affectent le revenu avant transfert de façon fictive1. En pratique, les profits non distribuĂ©s sont imputĂ©s aux mĂ©nages en fonction du montant de dividendes reçus.

En cohérence avec le cadre comptable international, les revenus de remplacement, comme les retraites et les allocations chÎmage, sont considérés ici comme des prestations monétaires et donc comme des transferts.

Une derniĂšre convention de la comptabilitĂ© nationale concerne les impĂŽts sur la production et les taxes sur les produits. Dans le cadre comptable, les impĂŽts sur les produits nets des subventions s’ajoutent aux autres revenus primaires pour former le revenu national et mesurer ainsi la valeur ajoutĂ©e aux prix de marchĂ©. Intuitivement, cela revient Ă  dire qu’en l’absence de ces prĂ©lĂšvements, ces revenus seraient distribuĂ©s aux mĂ©nages sous forme de salaires ou de revenus de la propriĂ©tĂ©. D’autres conventions sont envisageables, notamment pour les taxes sur les produits comme la TVA et les droits d’accises, en considĂ©rant le revenu national au prix de base, impliquant alors un agrĂ©gat avant et aprĂšs transferts rĂ©duit d’autant.

1 En 2013, l’imposition des dividendes Ă©tait passĂ©e d’un taux forfaitaire Ă  une imposition au barĂšme et une forte baisse des dividendes avait Ă©tĂ© observĂ©e, alors que la rĂ©forme inverse de 2018 mettant en place le prĂ©lĂšvement forfaitaire unique (PFU) a entraĂźnĂ© une forte hausse des dividendes. Bach et al. [2019] montrent que les dividendes ont probablement Ă©tĂ© mis en rĂ©serve entre 2013 et 2017, en attendant une fiscalitĂ© plus favorable. Ces fortes variations de dividendes ne reflĂštent donc pas a priori des modifications pĂ©rennes sur les revenus des mĂ©nages, mais un arbitrage intertemporel.

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82 Revenus et patrimoine des mĂ©nages – Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021

2. Comptes nationaux distribués pour la France en 2018 par dixiÚme de niveau de vieusuel

Total Transferts par dixiĂšme de population (en % du montant du transfert)

en milliards

en euros par UC

Inférieur à D1

D1 Ă  D2

D2 Ă  D3

D3 Ă  D4

D4 Ă  D5

D5 Ă  D6

D6 Ă  D7

D7 Ă  D8

D8 Ă  D9

Supérieur à D9

Revenus primaires Ă©largis 1 982,3 42 820 2,4 3,7 5,0 6,1 7,3 8,5 9,8 11,6 14,3 31,5dont : revenus salariaux bruts 1 252,8 27 060 1,7 3,5 5,0 6,6 8,1 9,4 11,0 13,1 15,7 25,9

428,4 9 250 1,8 2,2 3,1 3,5 4,0 4,7 5,8 7,2 10,5 57,3– 324,9 – 7 020 5,8 6,6 7,3 8,1 9,0 9,6 10,3 11,5 13,6 18,4

– 62,2 – 1 340 2,5 3,5 5,0 6,0 7,6 8,9 10,6 12,7 16,2 27,1– 217,3 – 4 690 6,3 7,0 7,7 8,4 9,2 9,6 10,2 11,3 13,3 17,1– 308,0 – 6 650 0,8 1,5 2,4 3,5 4,5 5,5 7,2 9,7 13,7 51,1– 125,3 – 2 710 1,0 2,5 4,2 6,1 7,7 9,1 10,5 12,6 15,9 30,3

– 83,0 – 1 790 0,4 0,2 0,2 0,7 1,5 2,9 5,7 10,1 17,0 61,2– 59,6 – 1 290 0,4 0,5 0,4 0,3 0,4 0,5 1,2 2,3 3,4 90,5

– 478,6 – 10 340 2,2 3,8 5,1 6,5 8,2 9,6 11,1 13,2 15,8 24,5

revenus du patrimoine et mixtes1

Taxes sur les produits et la production2

dont : taxes sur la productiontaxes sur la consommation

ImpĂŽts sur les revenus et le patrimoine2

dont : CSG impĂŽts sur les revenus

impÎts sur les sociétés Cotisations sociales2

dont : cotisations retraites – 258,6 – 5 590 1,0 2,9 4,6 6,3 8,2 9,9 11,7 14,2 16,8 24,5cotisations maladie – 129,2 – 2 790 0,9 2,7 4,1 5,6 7,6 9,2 11,0 13,4 16,8 28,7

Transferts monétaires2 504,5 10 900 6,6 8,1 8,9 9,2 9,4 9,8 10,3 10,8 12,5 14,3dont : retraites 334,1 7 220 1,7 4,8 7,3 8,7 9,5 10,3 11,8 12,7 15,5 17,7

chÎmage et revenus de remplacement 86,1 1 860 7,9 9,9 10,1 9,7 9,5 9,9 8,9 9,9 10,4 13,8famille et pauvreté 54,2 1 170 26,9 20,7 14,3 10,3 7,9 6,7 5,3 3,8 2,5 1,6

Revenu disponible1 1 375,6 29 710 3,6 5,1 6,4 7,3 8,1 8,9 9,9 11,2 13,3 26,2

Transferts en nature2 407,5 8 800 13,8 13,5 11,6 10,3 9,5 8,8 8,6 8,3 8,4 7,2dont : santé 183,0 3 950 10,0 12,5 11,2 10,1 9,5 8,9 9,3 9,4 10,9 8,1

enseignement 104,9 2 260 15,0 12,5 11,3 10,5 9,7 8,8 8,1 8,2 7,6 8,4action sociale et logement 80,6 1 740 22,8 18,7 13,6 10,7 8,7 8,0 7,1 5,0 3,1 2,3

DĂ©penses collectives 191,0 4 130 10,1 9,8 9,6 9,7 9,5 9,6 9,6 10,0 10,4 11,6

Niveau de vie Ă©largi 1 982,3 42 820 6,4 7,4 7,8 8,2 8,5 9,0 9,6 10,5 12,0 20,6

Transferts nets (en % du revenu avant transferts) 170,8 100,7 58,3 33,8 16,3 6,5 – 1,2 – 9,9 – 16,0 – 34,6Transferts nets (en % du revenu national) 4,0 3,7 2,9 2,1 1,2 0,5 – 0,1 – 1,2 – 2,3 – 10,9

1 Y compris profits non distribuĂ©s encadrĂ© 3.2 Les lignes rĂ©siduelles « dont autres » ne sont pas affichĂ©es.Notes– les montants par UC par dixiĂšme de niveau de vie sont disponibles en donnĂ©es complĂ©mentaires sur insee.fr ;– le niveau de vie Ă©largi n'est pas Ă©gal Ă  la somme des revenus primaires Ă©largis et des transferts indiquĂ©s dans ce tableau du fait

de transferts résiduels (notamment l'épargne nette des admistrations publiques). Ces transferts sont disponibles en données complémentaires sur insee.fr.

Lecture : les revenus primaires Ă©largis sont de 1 982,3 milliards d'euros en 2018 en France, ce qui correpond Ă  42 820 euros par unitĂ© de consommation (UC). Les 10 % les plus modestes (niveau de vie usuel infĂ©rieur au 1er dĂ©cile) perçoivent 2,4 % des 1 982,3 milliards d'euros de revenus primaires Ă©largis reçus en France.Champ : France.Source : Comptes nationaux distribuĂ©s 2018 ; calcul des auteurs.

Le revenu avant transferts des 10 % les plus aisĂ©s est treize fois plus Ă©levĂ© que celui des 10 % les plus modestes

En 2018, en adoptant cette approche du revenu primaire Ă©largi, le revenu national moyen avant transferts s’élĂšve Ă  42 800 euros par unitĂ© de consommation (UC), dont 27 100 euros de revenus salariaux, 9 300 euros de revenus mixtes et du patrimoine et une part restante due Ă  la dĂ©finition des revenus primaires Ă©largis. Ce revenu se rĂ©partit trĂšs inĂ©galement dans la population : les 10 % les plus aisĂ©s en niveau de vie reçoivent 133 100 euros par UC en moyenne (191 000 pour les 5 % les plus aisĂ©s) contre 10 500 pour les 10 % les plus modestes. Au total, les 10 % les plus aisĂ©s reçoivent 31,5 % du revenu national tandis que les 30 % les plus modestes en reçoivent 11,0 % figure 2.

Les 10 % les plus modestes1 reçoivent 2,4 % du revenu national, soit treize fois moins par UC que les 10 % les plus aisĂ©s, valeur proche du rapport de 1 Ă  16 mesurĂ© Ă  partir du revenu avant redistribution usuel.

1 Dans tout le dossier, les individus sont classés selon la définition usuelle du niveau de vie encadré 1.

Page 8: Dossiers - INSEE

83Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021 – Dossiers – RĂ©duction des inĂ©galitĂ©s : la redistribution est deux fois plus ample


Les prestations sociales en espÚces sont trÚs ciblées sur les plus modestes, contrairement aux retraites

Les prestations sociales correspondent aux transferts en espĂšces et individualisables. Parmi elles, les retraites forment la part la plus importante, mĂȘme si, celles‑ci Ă©tant moins ciblĂ©es, l’effet net sur la redistribution est mĂ©caniquement plus limitĂ©. Elles reprĂ©sentent en moyenne 18 600 euros par an par bĂ©nĂ©ficiaire2, et 7 200 euros par UC en moyenne sur l’ensemble des individus, retraitĂ©s ou non figure 2. Les autres revenus de remplacement (chĂŽmage, pensions d’invaliditĂ©, indemnitĂ©s journaliĂšres et rentes d’accidents du travail et de maladies professionnelles) s’élĂšvent Ă  1 900 euros par UC et les autres transferts sociaux en espĂšces, allocations familiales et minima sociaux, Ă  1 200 euros par UC en moyenne.

Les retraites sont concentrĂ©es dans le haut de la distribution, mais lĂ©gĂšrement moins que les salaires : les 10 % les plus aisĂ©s en reçoivent 18 %, contre 26 % pour les salaires bruts. Pour les 10 % des individus les plus aisĂ©s, les retraites constituent ainsi le principal transfert brut reçu (environ 33 700 euros par bĂ©nĂ©ficiaire, soit 14 000 euros par UC sur l’ensemble des individus, retraitĂ©s ou non). Les autres revenus de remplacement se distribuent quasi uniformĂ©ment dans la population en raison de deux mĂ©canismes qui se compensent : les allocations chĂŽmage sont lĂ©gĂšrement redistributives (34 % reçus par les 30 % les plus modestes), alors que les indemnitĂ©s journaliĂšres suivent le profil des revenus salariaux avec 27 % des masses versĂ©es aux 10 % les plus aisĂ©s.

Enfin, de façon similaire aux rĂ©sultats usuels sur la redistribution [Blasco et Picard, 2019], les prestations sociales monĂ©taires visant Ă  lutter contre la pauvretĂ© et Ă  aider les familles sont trĂšs concentrĂ©es sur les mĂ©nages pauvres et modestes. ReprĂ©sentant un total de 54 milliards d’euros en 2018, le montant reçu par les mĂ©nages dĂ©croĂźt fortement en fonction du revenu : les 10 % les plus modestes reçoivent 27 % des transferts, soit un montant moyen de 3 300 euros par UC (contre 1 200 euros par UC sur l’ensemble de la population, bĂ©nĂ©ficiaires ou non).

L’ensemble des prestations sociales monĂ©taires est ajoutĂ© au revenu national avant transferts et les prĂ©lĂšvements sont retranchĂ©s pour obtenir le revenu disponible, Ă©gal Ă  29 700 euros en moyenne par UC. Ce concept de revenu disponible diffĂšre de la notion de niveau de vie usuellement mesurĂ© dans les donnĂ©es microĂ©conomiques encadrĂ© 3. Il est nettement moins concentrĂ© que le revenu primaire Ă©largi au sens oĂč les 10 % les plus aisĂ©s disposent d’un niveau de vie au sens usuel (revenu disponible par UC), 7 fois plus Ă©levĂ© que celui des 10 % les plus modestes (contre un rapport de 13 pour le revenu primaire Ă©largi).

2 Ce calcul sur les montants par bénéficiaire est effectué sur les ménages en logement ordinaire de France métropolitaine.

3. Comparaisons avec la redistribution monétaire de la statistique sociale

Les sources microĂ©conomiques de la statistique sociale et les conventions comptables ne peuvent pas ĂȘtre directement comparĂ©es. Pour les rapprocher, il est nĂ©cessaire de recenser les diffĂ©rences conceptuelles et mĂ©thodologiques.En premier lieu, les champs Ă©tudiĂ©s ne sont pas identiques. La comptabilitĂ© nationale mesure les revenus de l’ensemble des acteurs Ă©conomiques rĂ©sidents, tandis que les donnĂ©es de l’enquĂȘte Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) et du modĂšle de microsimulation Ines fournissent des rĂ©sultats sur le champ plus restreint des mĂ©nages de France mĂ©tropolitaine vivant en logement ordinaire, qui exclut les logements collectifs (foyers, prisons, hĂŽpitaux, etc.), les habitations mobiles et les sans‑abri.Dans un second temps, la dĂ©finition des agrĂ©gats et des transferts entrant dans le champ de la redistribution diffĂšre Ă©galement entre l’étude de la redistribution Ă©largie par les comptes nationaux distribuĂ©s (CND) et l’approche usuelle de la redistribution monĂ©taire. Ces deux types d’analyses se complĂštent et peuvent ĂȘtre comparĂ©s. Pour cela, une mĂ©thode consiste Ă  rapprocher le revenu disponible calculĂ© ici Ă  partir des comptes nationaux distribuĂ©s (qui inclut les profits non distribuĂ©s), et celui publiĂ© dans les travaux usuels de la statistique sociale. Pour ces derniers, le niveau de vie moyen s’élĂšve Ă  24 700 euros par an en 2018 [Sicsic, 2021], contre 29 700 euros de revenu disponible moyen par unitĂ© de consommation (UC) mesurĂ©

Page 9: Dossiers - INSEE

84 Revenus et patrimoine des mĂ©nages – Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021

En raison de leur ampleur, les services publics de santĂ© et d’éducation jouent un rĂŽle dĂ©terminant dans la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s

Les mĂ©nages accĂšdent Ă  des services publics gratuits ou dĂ©livrĂ©s Ă  un coĂ»t plus faible que celui du marchĂ©, comme l’éducation, la santĂ© ou l’action sociale, et bĂ©nĂ©ficient de transferts affectĂ©s Ă  une dĂ©pense monĂ©taire particuliĂšre, comme les allocations logement3, les chĂšques Ă©nergie ou l’aide Ă  une complĂ©mentaire santĂ©. Ces prestations, qualifiĂ©es de transferts « en nature Â» par la comptabilitĂ© nationale, reprĂ©sentent en moyenne 8 800 euros par an et par UC figure 2. Il s’agit de l’un des principaux vecteurs de la redistribution Ă©largie (408 milliards d’euros en 2018, soit 21 % du revenu national net).

Pour les 10 % les plus pauvres, ces transferts « en nature Â» (12 600 euros par UC en moyenne, 14 % du total de ces transferts) reprĂ©sentent 1,7 fois les transferts monĂ©taires et contribuent Ă  hauteur de 44 % Ă  leur niveau de vie aprĂšs transferts, contre 7 % pour les 10 % des individus les plus aisĂ©s. Pour ces derniers, ils s’élĂšvent Ă  6 300 euros par UC, dont 3 200 euros pour la santĂ© et 1 900 euros pour l’éducation.

Hors prise en compte des retraites, les transferts versĂ©s aux mĂ©nages diminuent donc selon le niveau de vie, du fait du profil dĂ©croissant des prestations monĂ©taires mais aussi, et surtout, de celles en nature figure 3. Si certains de ces transferts en nature ont vocation Ă  permettre Ă  chacun d’accĂ©der Ă  la santĂ© ou Ă  l’éducation par exemple, elles ont Ă©galement pour effet de rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s primaires de revenus. En prenant en compte les retraites, le profil des transferts versĂ©s est uniforme sur la majeure partie de la distribution et augmente en haut.

3 Les allocations logement sont considĂ©rĂ©es comme des transferts « en nature Â» par le cadre comptable, et comme prestations monĂ©taires dans le champ usuel de la redistribution encadrĂ© 3.

par les CND, soit un Ă©cart annuel moyen de 5 000 euros (+ 20 %). Cet Ă©cart s’explique par plusieurs facteurs permettant le passage des CND aux rĂ©sultats sur donnĂ©es microĂ©conomiques :

‱ les loyers fictifs : – 2 100 euros par UC par an ;‱ les profits non distribuĂ©s : – 600 euros par UC par an ;‱ l’économie non observĂ©e et les autres transferts (fraude, amendes et permis par exemple) :

– 1 000 euros par UC par an ;‱ les allocations logements Ă  ajouter car non incluses dans le revenu disponible concept CND :

+ 300 euros par UC par an ‱ des diffĂ©rences de mesures (revenus du patrimoine) et de couverture des revenus (intĂ©ressement des

salariĂ©s et avantages en nature des salariĂ©s par exemple), de champ (DOM, communautĂ©s, habitations mobiles et sans‑abri), et le solde avec le reste du monde : – 1 600 euros par UC par an ;

Sur un champ commun, les indicateurs d’inĂ©galitĂ© sont relativement proches dans les deux cas. L’indice de Gini est de 0,298 pour le niveau de vie calculĂ© Ă  partir des sources microĂ©conomiques en 2018, et de 0,293 mesurĂ© par les CND. Le rapport des revenus dĂ©tenus par les 20 % les plus aisĂ©s par rapport Ă  ceux dĂ©tenus par les 20 % les plus modestes est de 4,5 dans les deux cas.Il est aussi possible de comparer les inĂ©galitĂ©s de revenu avant redistribution entre les deux approches. Le rapport entre le revenu primaire Ă©largi par UC des 10 % les plus aisĂ©s et des 10 % les plus modestes est de 13, alors qu’il est de 16 Ă  partir du revenu avant redistribution usuel. Cela est principalement liĂ© Ă  la conjonction de deux effets. D’une part, l’ajout des profits non distribuĂ©s, correspondant Ă  l’épargne des entreprises et distribuĂ©s comme les dividendes reçus, augmente les inĂ©galitĂ©s par rapport aux mesures usuelles. Ils sont en effet trĂšs concentrĂ©s dans le haut de la distribution avec une part dĂ©tenue de prĂšs de 85 % pour les 10 % les plus aisĂ©s, tandis que cette part est de 58 % pour l’ensemble des revenus de la propriĂ©tĂ© intĂ©grant Ă©galement les revenus mixtes des indĂ©pendants, et de 26 % pour les revenus salariaux. D’autre part, la prise en compte des revenus primaires des administrations publiques, notamment les taxes sur les produits et impĂŽts sur la production, a tendance Ă  baisser les inĂ©galitĂ©s primaires, et Ă  plus que compenser le premier effet.

3. Comparaisons avec la redistribution monétaire de la statistique sociale (suite)

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85Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021 – Dossiers – RĂ©duction des inĂ©galitĂ©s : la redistribution est deux fois plus ample


Parmi ces transferts en nature, la santĂ© est le principal poste avec 4 000 euros en moyenne par UC par an. Les dĂ©penses remboursĂ©es dĂ©croissent lĂ©gĂšrement en fonction du niveau de vie, en raison des remboursements hospitaliers pour sĂ©jours de longue durĂ©e de type psychiatrique, hospitalisation Ă  domicile et de soins de suite et de rĂ©adaptation, plus concentrĂ©s sur les mĂ©nages modestes4. En effet, ces derniers rencontrent plus de problĂšmes de santĂ© et bĂ©nĂ©ficient donc davantage du systĂšme public de soins5. Le systĂšme de santĂ© gĂ©nĂšre ainsi une redistribution importante par rapport Ă  la situation contrefactuelle oĂč chacun prendrait directement en charge sa propre santĂ©, et en l’absence de cotisations proportionnelles aux revenus [Amar et al., 2008 pour la France ; Paulus et al., 2010 pour plusieurs pays europĂ©ens].

L’éducation reprĂ©sente, quant Ă  elle, un transfert « en nature Â» estimĂ© Ă  2 300 euros par UC par an en moyenne sur l’ensemble de la population, avec ou sans enfant. Les mĂ©nages avec enfants scolarisĂ©s ou Ă©tudiants reçoivent en moyenne 6 900 euros. Le transfert liĂ© Ă  l’éducation est le plus Ă©levĂ© pour les 10 % les plus modestes (qui reçoivent 15 % du transfert total), il se rĂ©duit jusqu’au 9e dixiĂšme, avant de lĂ©gĂšrement augmenter en haut de la distribution6 figure 4. En effet, un plus grand nombre d’enfants sont scolarisĂ©s dans le primaire et le secondaire dans les mĂ©nages modestes, tandis les enfants des mĂ©nages les plus aisĂ©s suivent davantage des Ă©tudes supĂ©rieures, dont le coĂ»t est plus Ă©levĂ©. Les 10 % les plus aisĂ©s perçoivent ainsi 12 % des dĂ©penses d’éducation du supĂ©rieur (24 % pour les Ă©tudiants non cohabitants avec leurs parents7), contre 7 % pour les

4 La distribution des dĂ©penses de santĂ© est obtenue Ă  partir des donnĂ©es de remboursements de l’assurance maladie obligatoire et de donnĂ©es d’enquĂȘte pour les organismes complĂ©mentaires ( sources et mĂ©thodes, en annexe).

5 De la mĂȘme maniĂšre, les personnes ĂągĂ©es et les familles nombreuses bĂ©nĂ©ficient davantage de la redistribution opĂ©rĂ©e par le systĂšme de santĂ© que le reste de la population.

6 Voir sources et méthodes en annexe pour la méthode de distribution.7 Les étudiants vivant en résidence étudiante ou en appartement seul sont rattachés au ménage de leurs parents ( sources et

mĂ©thodes, en annexe), afin de tenir compte des transferts privĂ©s dont ils bĂ©nĂ©ficient [Castell et al., 2016]. Sinon, les Ă©tudiants issus de familles aisĂ©es seraient positionnĂ©s en bas de l’échelle des niveaux de vie.

3. Transferts moyens reçus par les ménages selon leur niveau de vie usuel

0

5 000

10 000

15 000

20 000

25 000

30 000

Inférieur àD1

D1 à D2 D2 à D3 D3 à D4 D4 à D5 D5 à D6 D6 à D7 D7 à D8 D8 à D9 Supérieur àD9

en euros par unité de consommation

DĂ©penses collectives

Prestations sociales monétairesRetraitesTransferts en nature individualisablesChÎmage et revenus de remplacement

Dépenses collectives avec variante dépenses nationales proportionnelles1

1 Dans cette variante, les dépenses nationales sont distribuées proportionnellement au revenu élargi hors dépenses collectives.

Lecture : les 10 % les plus aisĂ©s (niveau de vie usuel supĂ©rieur au 9e dĂ©cile) perçoivent en moyenne 12 670 euros de pensions de retraites par unitĂ© de consommation (UC) et 5 140 euros par UC de dĂ©penses collectives.Champ : France.Source : Comptes nationaux distribuĂ©s 2018 ; calcul des auteurs.

Page 11: Dossiers - INSEE

86 Revenus et patrimoine des mĂ©nages – Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021

dĂ©penses d’éducation du primaire et du secondaire. Par ailleurs, les enfants des mĂ©nages aisĂ©s sont lĂ©gĂšrement plus reprĂ©sentĂ©s dans les lycĂ©es gĂ©nĂ©raux et technologiques, et les enfants des mĂ©nages modestes optent plus pour les filiĂšres professionnelles (19 % de la dĂ©pense de ces filiĂšres leur est attribuĂ©e), avec un coĂ»t plus faible. Avec une mĂ©thodologie diffĂ©rente, Amar et al. [2008] estimaient Ă©galement un profil en U des dĂ©penses d’éducation en fonction du niveau de vie.

Enfin, les allocations logement sont fortement redistributives ; elles bĂ©nĂ©ficient pour 44 % aux 10 % les plus modestes. Selon l’hypothĂšse adoptĂ©e, les dĂ©penses d’action sociale en nature (maisons de retraite par exemple) se distribuent comme les prestations familiales. Ainsi, les 20 % les plus modestes bĂ©nĂ©ficient d’un transfert liĂ© Ă  ces deux types de dĂ©penses d’en moyenne 3 700 euros par UC.

Les services publics collectifs jouent Ă©galement un rĂŽle important dans la redistribution

Pour Ă©tudier la redistribution Ă©largie, il est nĂ©cessaire de prendre Ă©galement en compte les services publics dits non individualisables, ou dĂ©penses de consommation collective. Celles‑ci regroupent les dĂ©penses publiques dans les domaines tels que la dĂ©fense, la police et la gendarmerie, la protection civile, la justice, la diffusion de la recherche, les services de l’équipement, ou le fonctionnement de l’État et des collectivitĂ©s locales.

Attribuer Ă  chaque mĂ©nage une valeur de ces services publics suppose de faire des hypothĂšses [Insee, 2021]. Elles sont dĂ©terminantes tant le champ considĂ©rĂ© est large, avec un total de 191 milliards d’euros en 2018, soit 4 100 euros par UC. L’option la plus frĂ©quente consiste Ă  considĂ©rer ces dĂ©penses proportionnelles au revenu, ce qui revient Ă  supposer que l’effet sur la redistribution est neutre et que le bĂ©nĂ©fice de ces services est aussi inĂ©galement rĂ©parti que le revenu avant transferts. L’autre option attribue un montant forfaitaire Ă  l’ensemble de la population, en s’appuyant sur l’universalitĂ© d’accĂšs aux services publics.

Ici, la distribution est faite Ă  partir de donnĂ©es microĂ©conomiques pour tenir compte d’éventuelles inĂ©galitĂ©s gĂ©ographiques d’accĂšs aux services publics du fait de leur rĂ©partition sur le territoire8. Cette mĂ©thode attribue un montant de dĂ©penses collectives Ă  proximitĂ© du lieu de rĂ©sidence de chaque mĂ©nage. Elle est adaptĂ©e aux services publics dont la mission est locale, comme ceux rendus par les collectivitĂ©s locales ou par les missions de sĂ©curitĂ© et de protection civile ou l’équipement, qui reprĂ©sentent environ 70 % des services publics collectifs ( sources et mĂ©thodes, en annexe). La dĂ©pense publique liĂ©e Ă  des activitĂ©s nationales non localisables, comme la dĂ©fense,

8 Pour cela, la prĂ©sence d’une partie des services publics est quantifiĂ©e en s’appuyant sur la rĂ©munĂ©ration salariale moyenne des fonctionnaires de l’État, des collectivitĂ©s locales et des Ă©tablissements publics (hors fonction publique hospitaliĂšre et Ă©ducation nationale) dans chaque bassin de vie. Cette masse salariale locale est ensuite attribuĂ©e Ă  chaque mĂ©nage en fonction de son lieu de vie.

4. DĂ©penses d'Ă©ducation par dixiĂšme de niveau de vie usuel

 Ensemble

(en milliards d’euros)

Transferts par dixiĂšme de population (en % du montant de la filiĂšre)

Inférieur à D1

D1 Ă  D2

D2 Ă  D3

D3 Ă  D4

D4 Ă  D5

D5 Ă  D6

D6 Ă  D7

D7 Ă  D8

D8 Ă  D9

Supérieur à D9

Primaire et secondaire 81,9 14,6 13,6 11,7 10,9 10,0 8,7 8,2 7,9 7,0 7,4Maternelle et élémentaire 34,2 14,0 13,5 10,8 10,1 10,0 9,3 8,7 8,1 7,5 7,9CollÚge 27,2 14,3 13,2 11,5 11,1 10,5 8,8 8,0 7,7 6,9 7,9Lycée général et technologique 9,3 11,8 12,0 12,0 10,7 8,1 8,4 9,3 9,2 9,0 9,5Lycée professionnel 11,2 19,4 16,0 14,5 12,7 10,3 7,0 6,2 6,7 4,1 3,0

Supérieur (STS, CPGE et université) 22,1 16,1 8,4 9,8 8,9 8,7 9,1 7,8 9,3 10,0 11,9Etudiant cohabitant 19,4 16,8 8,8 10,6 8,9 9,0 9,5 7,6 9,5 9,2 10,1Etudiant non cohabitant 2,8 11,1 5,6 4,3 8,7 6,7 6,0 9,7 7,9 15,7 24,4

Ensemble 104,9 15,0 12,5 11,3 10,5 9,7 8,8 8,1 8,2 7,6 8,4

Lecture : sur une dĂ©pense d’éducation de 22,1 milliards d’euros dans le supĂ©rieur en 2018, 16,1 % sont versĂ©s aux mĂ©nages appartenant aux 10 % les plus modestes (niveau de vie usuel infĂ©rieur au 1er dĂ©cile). Dans le supĂ©rieur, 19,4 milliards d’euros sont distribuĂ©s aux Ă©tudiants cohabitants chez leurs parents, dont 16,8 % aux 10 % les plus modestes.Champ : France.Source : Comptes nationaux distribuĂ©s 2018 ; calcul des auteurs.

Page 12: Dossiers - INSEE

87Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021 – Dossiers – RĂ©duction des inĂ©galitĂ©s : la redistribution est deux fois plus ample


les administrations gĂ©nĂ©rales d’État et les activitĂ©s de diffusion de la recherche, est distribuĂ©e forfaitairement car elle est supposĂ©e bĂ©nĂ©ficier Ă  tous sur l’ensemble du territoire national.

La distribution estimĂ©e est proche de la rĂ©partition uniforme par dixiĂšme de niveau de vie. Le profil lĂ©gĂšrement en U s’explique par le fait que les zones urbaines oĂč les services publics locaux sont les plus prĂ©sents sont en gĂ©nĂ©ral les territoires les plus denses9 figure 5, oĂč Ă  la fois les mĂ©nages les plus modestes et les plus aisĂ©s sont les plus reprĂ©sentĂ©s [Sicsic, 2021]. Les mĂ©nages mĂ©dians habitent dans des zones oĂč les dĂ©penses collectives sont lĂ©gĂšrement plus faibles. En distribuant la part des dĂ©penses collectives nationales proportionnellement au revenu Ă©largi (hors dĂ©penses collectives), et non forfaitairement, les dĂ©penses collectives augmenteraient par construction avec le revenu et donc surtout pour les plus aisĂ©s, mais les principaux rĂ©sultats de notre analyse seraient inchangĂ©s.

Au sens Ă©largi, les 20 % les plus modestes contribuent le plus aux prĂ©lĂšvements, rapportĂ©s Ă  leurs revenus primaires

Les administrations publiques redistribuent de façon monĂ©taire, « en nature Â» ou sous forme de services publics collectifs, ce qu’elles prĂ©lĂšvent d’un autre cĂŽtĂ©. Seule une approche exhaustive des transferts versĂ©s par les mĂ©nages, prĂ©lĂšvements directs ou indirects, permet une Ă©tude Ă©quilibrĂ©e de la redistribution. Il s’agit de ceux habituellement pris en compte comme l’impĂŽt sur le revenu, la CSG, la taxe d’habitation, l’impĂŽt de solidaritĂ© sur la fortune mais aussi des taxes sur les produits (TVA, taxe intĂ©rieure de consommation sur les produits Ă©nergĂ©tiques TICPE et droits d’accises sur le tabac et l’alcool), de la taxe fonciĂšre, des droits de mutations, des cotisations sociales, de l’impĂŽt sur les sociĂ©tĂ©s et des impĂŽts sur la production (nets de subvention). Ces derniers sont certes acquittĂ©s juridiquement par les entreprises, mais sont supportĂ©s in fine par les personnes qui les dĂ©tiennent. En l’absence de donnĂ©es croisant propriĂ©tĂ© des entreprises et mĂ©nages, l’impĂŽt sur les sociĂ©tĂ©s est attribuĂ© aux mĂ©nages actionnaires car il diminue les profits des entreprises et donc, Ă  terme, les dividendes des actionnaires, et il est donc distribuĂ© selon le profil de ces derniers encadrĂ© 2.

9 Voir aussi Dherbécourt et Deschard (2019).

5. Services publics collectifs locaux par établissement public de coopération intercommunale (EPCI)

© IG

N -

Inse

e 20

21

DĂ©pense collective locale (en euros par UC)

7 0003 5002 0001 000

Note : les territoires non colorĂ©s n'ont pas de services publics locaux non individualisables tels que dĂ©finis ici.Lecture : les territoires les plus foncĂ©s sont mieux dotĂ©s de services publics locaux non individualisables (police, collectivitĂ©s locales, Ă©quipements, etc.).Champ : France.Source : Insee, DADS et ERFS 2017 ; calcul des auteurs.

Page 13: Dossiers - INSEE

88 Revenus et patrimoine des mĂ©nages – Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021

RapportĂ©s aux revenus avant transferts, les prĂ©lĂšvements dĂ©croissent avec le niveau de vie dans le bas de la distribution et suivent une courbe en lĂ©ger tilde inversĂ©10 figure 6. En raison d’une Ă©pargne plus faible, les mĂ©nages les plus pauvres contribuent le plus en raison des prĂ©lĂšvements indirects (TVA et TICPE notamment) sur la consommation. Puis, Ă  partir du 3e dĂ©cile, la part des prĂ©lĂšvements augmente lĂ©gĂšrement jusqu’au 9e dĂ©cile du fait de la progressivitĂ© des impĂŽts sur le revenu et le patrimoine ainsi que de la hausse de la part des personnes en emploi qui augmente mĂ©caniquement la part des cotisations sociales. Les plus aisĂ©s ont un revenu composĂ© de moins de revenus salariaux et plus de revenus du capital ; ceci explique qu’ils acquittent moins de cotisations sociales (en plus du plafonnement de celles‑ci Ă  partir d’un certain niveau de cotisation), ce qui fait baisser leur taux de prĂ©lĂšvement global, tandis que les prĂ©lĂšvements sur le capital et les revenus du capital ne compensent pas cette baisse. La consommation des plus aisĂ©s reprĂ©sente une part de leur revenu moins importante que les plus modestes, et partant, les impĂŽts sur les produits Ă©galement. Aussi, le taux de prĂ©lĂšvement total diminue dans le haut de la distribution des niveaux de vie [Bozio et al., 2020].

Pour les 10 % des mĂ©nages les plus modestes, les taxes sur les produits reprĂ©sentent en moyenne 4 200 euros par UC. Les cotisations sociales (2 400 euros par UC), puis les impĂŽts sur le revenu et le patrimoine (600 euros par UC), dont principalement la CSG, sont les seconds postes de prĂ©lĂšvements pour ces mĂ©nages. Au total, ils consacrent plus des deux tiers de leurs revenus primaires Ă©largis aux diffĂ©rentes formes de prĂ©lĂšvements. Pour les mĂ©nages entre les 4e et 9e dĂ©ciles, les principaux prĂ©lĂšvements sont les cotisations sociales, puis la TVA et enfin les impĂŽts sur le revenu et le patrimoine. Pour les 10 % les plus aisĂ©s, ce sont les impĂŽts sur le revenu et le patrimoine et l’impĂŽt sur les sociĂ©tĂ©s (25 % de leur revenu avant transfert), devant les cotisations (19 %) et les impĂŽts sur les produits et la production (10 %).

10 Ce résultat est qualitativement inchangé en rapportant les prélÚvements à un revenu avant redistribution dans lequel les pensions de retraites et allocations chÎmage seraient ajoutées (et retirées la partie contributive des cotisations retraites et allocation chÎmage), mais le niveau des taux de prélÚvements dans le bas de la distribution serait un peu plus faible du fait de ces ajouts.

6. PrélÚvements par dixiÚme de niveau de vie usuel, en part du revenu avant transferts

0

10

20

30

40

50

60

70

Inférieur à D1

D1 à D2 D2 à D3 D3 à D4 D4 à D5 D5 à D6 D6 à D7 D7 à D8 D8 à D9 Supérieur à D9

en % du revenu avant transferts

ImpÎt sur les sociétés

Cotisations sociales

Taxes sur la productionTaxes sur les produits

ImpĂŽts sur les revenus et le patrimoine

Lecture : les 10 % les plus modestes (niveau de vie usuel infĂ©rieur au 1er dĂ©cile) contribuent en moyenne Ă  hauteur de 29 % de leur revenu avant transferts au titre des taxes sur les produits et de 22 % au titre des cotisations sociales.Champ : France.Source : Comptes nationaux distribuĂ©s 2018 ; calcul des auteurs.

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89Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021 – Dossiers – RĂ©duction des inĂ©galitĂ©s : la redistribution est deux fois plus ample


La redistribution est deux fois plus ample avec une approche Ă©largie qu’avec une approche monĂ©taire

L’approche Ă©largie de la redistribution ajoute les transferts reçus, y compris les transferts en nature et services publics, et retranche les transferts versĂ©s au revenu national avant transferts pour calculer le revenu national aprĂšs transferts figure 7. Les comptes nationaux distribuĂ©s ainsi obtenus

encadrĂ© 1 permettent de comparer les catĂ©gories de mĂ©nages contributrices et bĂ©nĂ©ficiaires. Le total des montants transfĂ©rĂ©s par les opĂ©rations des administrations publiques et des ISBLSM se rĂ©partit diffĂ©remment le long de l’échelle de niveau de vie.

En moyenne, les 10 % les plus modestes reçoivent 6,4 % du revenu aprĂšs transfert, contre 2,4 % du revenu avant transferts, soit une diffĂ©rence de 4 points figure 2. La diffĂ©rence entre le revenu avant transferts et aprĂšs transferts diminue avec le niveau de vie jusqu’à s’établir Ă  0,5 point pour les mĂ©nages situĂ©s entre les 5e et 6e dĂ©ciles. Au sein du dixiĂšme suivant, les montants reçus et payĂ©s se compensent presque (diffĂ©rence de – 0,1 point). À partir du 7e dĂ©cile, les mĂ©nages contribuent plus en moyenne qu’ils ne perçoivent. La contribution Ă  la redistribution Ă©largie entre les 7e et 8e dĂ©ciles s’élĂšve Ă  10 % de leur revenu avant transfert, reprĂ©sentant 1,2 % du revenu national. Elle est Ă©gale Ă  16 % pour les mĂ©nages situĂ©s entre les 8e et 9e dĂ©ciles, Ă  hauteur de 2,4 % du revenu national. En moyenne, les 10 % les plus aisĂ©s reversent 35 % de leur revenu avant transferts au titre de la redistribution Ă©largie, ce qui correspond Ă  10,8 % du revenu national.

7. Distribution du revenu national avant et aprĂšs transferts, selon le niveau de vie usuel

0

20 000

40 000

60 000

80 000

100 000

120 000

140 000

Inférieurà D1

D1 à D2 D2 à D3 D3 à D4 D4 à D5 D5 à D6 D6 à D7 D7 à D8 D8 à D9 Supérieurà D9

en euros par unité de consommation

Bénéficiaires en moyenne1 de la redistribution élargie

Bénéficiaires en moyenne1

de la redistribution monétaire

Niveau de vie Ă©largi(aprĂšs transferts)

Revenu primaire Ă©largi(avant transferts)

Revenu avantredistribution usuelle

Revenu disponible2

(aprĂšs transferts)

Redistribution Ă©largie moyenne (solde des transferts publics)

1 Bénéficiaires en moyenne à l'intérieur d'un dixiÚme de population. Il peut cependant exister des perdants parmi cette catégorie de ménages.

2 Revenu disponible calculé à partir des comptes nationaux distribués. Il est différent du revenu disponible diffusé usuellement par l'Insee. Ce dernier contient notamment les allocations logement alors qu'elles ne sont pas comprises ici.

Lecture : le revenu primaire Ă©largi (avant transferts) des 10 % les plus aisĂ©s (niveau de vie usuel supĂ©rieur au 9e dĂ©cile) s’élĂšve Ă  133 080 euros par unitĂ© de consommation (UC) contre 10 480 euros par UC pour les 10 % les plus modestes (infĂ©rieur au 1er dĂ©cile). Le niveau de vie Ă©largi (aprĂšs transferts) est Ă©gal Ă  87 030 euros en moyenne pour les 10 % les plus aisĂ©s contre 28 370 euros pour les plus modestes. Les personnes appartenant aux 10 % les plus modestes sont en moyenne bĂ©nĂ©ficiaires de la redistribution (mĂȘme s'il peut exister des perdants parmi cette catĂ©gorie de mĂ©nages).Champ : France.Source : Comptes nationaux distribuĂ©s 2018 ; calcul des auteurs.

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90 Revenus et patrimoine des mĂ©nages – Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021

Ainsi, sous l’angle du niveau de vie Ă©largi, les deux tiers environ des individus reçoivent en moyenne davantage, en prestations et en services publics, qu’ils ne versent en impĂŽts, taxes et contributions sociales, contre environ un tiers dans l’approche monĂ©taire11. En effet, dans cette derniĂšre approche, l’ensemble des transferts Ă©tudiĂ©s qui sont versĂ©s par les mĂ©nages sont plus importants que l’ensemble des transferts reçus.

Le caractĂšre redistributif du systĂšme de transferts s’estime Ă©galement par la comparaison des indicateurs d’inĂ©galitĂ© des distributions avant et aprĂšs transferts. La redistribution Ă©largie rĂ©duit le ratio entre la masse des niveaux de vie dĂ©tenue par les 20 % les plus aisĂ©s et les 20 % les plus modestes de 7,6 Ă  2,4, tandis qu’elle abaisse l’indice de Gini de 21 points (0,38 avant transferts12 Ă  0,18 aprĂšs transferts) figure 8. La baisse de l’indice de Gini est plus de deux fois plus Ă©levĂ©e que dans l’analyse usuelle (– 9 points) [Sicsic, 2021].

La redistribution élargie est davantage portée par les transferts reçus par les ménages que par les prélÚvements versés

Sur le champ usuel de la redistribution13, la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s en 2018 s’appuie pour les deux tiers sur les prestations sociales et un tiers sur les impĂŽts [Insee, 2020]. Dans l’approche Ă©largie, les transferts en espĂšces contribuent pour 33 % Ă  la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s dont 10 % pour les retraites. La redistributivitĂ© du systĂšme socio‑fiscal français provient alors principalement des transferts en nature (– 10 points de Gini, soit une contribution de 50 % Ă  la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s), tandis que les services publics collectifs contribuent pour 16 % Ă  la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s figure 8.

11 En prenant en compte le revenu disponible calculĂ© Ă  partir des comptes nationaux distribuĂ©s, qui diffĂšre de celui usuellement diffusĂ©, notamment dans le traitement des allocations logements encadrĂ© 3. Avec une dĂ©finition usuelle du revenu disponible et en classant les individus en fonction de leur revenu avant redistribution, les 40 % les plus modestes seraient bĂ©nĂ©ficiaires nets de la redistribution [Insee, 2020].

12 Ce calcul est effectuĂ© avec des personnes classĂ©es selon leur revenu disponible par unitĂ© de consommation. Si elles Ă©taient classĂ©es selon leurs revenus primaires (comme dans l’analyse usuelle de l’Insee), l’indicateur de Gini serait plus Ă©levĂ©.

13 Le champ usuel de la redistribution considÚre les pensions de retraites et les allocations chÎmage comme des revenus primaires et ne les inclut pas dans la mesure de la réduction des inégalités.

8. Décomposition de la contribution à la réduction des inégalités avant et aprÚs transferts

en % du revenu

national net

Indice de GiniPalma

T10/B40Ratio

(100-S80)/S20NiveauContribution à la réduction

en niveau en %

Revenu avant transferts 100,0 0,38   1,84 7,57Taxes sur les produits et la production – 16,4 0,19 – 0,03 – 15,4 0,66 2,58ImpĂŽts sur les revenus et le patrimoine – 15,5 0,59 0,03 15,6 6,27 28,16Cotisations sociales – 24,1 0,34 – 0,01 – 4,8 1,38 6,69

dont cotisations retraites – 13,0 0,38 0,00 – 0,3 1,66 10,48Revenu primaire aprĂšs prĂ©lĂšvements 45,1 0,42     10,16Transferts en espĂšces 25,5 0,11 0,07 33,4 0,44 1,82

Retraites 16,9 0,26 0,02 10,1 0,79 5,12Autres transferts sociaux en espùces 8,6 – 0,18 0,05 23,3 0,15 0,46

Revenu disponible1 69,4 0,29   1,17 4,54Transferts en nature 20,6 – 0,12 0,10 50,4 0,15 0,57DĂ©penses collectives2 7,8 – 0,03 0,03 15,6 0,22 7,04Autres transferts 2,3 – 0,01 0,01 4,3 0,25 1,00Niveau de vie Ă©largi 100,0 0,18 0,21 100,0 0,79 2,36

1 Y compris profit non distribuĂ©s encadrĂ© 3.2 Y compris Ă©pargne des administrations publiques nette de consommation de capital fixe (CCF).Note : les indices de Gini sont calculĂ©s Ă  partir des montants agrĂ©gĂ©s par dixiĂšme. Cette approximation se justifie par les propriĂ©tĂ©s linĂ©aires de l’indicateur sur des variables continues. Aucun reclassement n'est rĂ©alisĂ© selon les lignes du tableau, les dixiĂšmes de population sont calculĂ©s Ă  partir du revenu disponible par unitĂ© de consommation. Lecture : l'indice de Gini des impĂŽts sur les revenus et le patrimoine est de 0,59, supĂ©rieur de 0,21 Ă  celui du revenu avant transferts, ce qui indique que ce transfert est progressif. Il contribue Ă  rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s Ă  hauteur de 0,03 (Ă©gal Ă  0,21 multipliĂ© par le poids de ces impĂŽts, 15,5 %). Cela correspond Ă  une contribution de 15,4 % Ă  la baisse de 0,21 de l'indice de Gini liĂ©e Ă  la redistribution.Champ : France.Source : Comptes nationaux distribuĂ©s 2018 ; calcul des auteurs.

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91Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021 – Dossiers – RĂ©duction des inĂ©galitĂ©s : la redistribution est deux fois plus ample


Les prĂ©lĂšvements augmentent quant Ă  eux l’indice de Gini et opĂšrent donc une lĂ©gĂšre hausse sur les inĂ©galitĂ©s. En effet, la progressivitĂ© des impĂŽts sur le revenu et le patrimoine contribue pour 16 % Ă  la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s, alors que les taxes sur les produits et la production jouent dans le sens inverse et quasiment Ă  la mĂȘme hauteur (– 15 %). MalgrĂ© un total important (24 % du revenu national), les cotisations sociales influent peu sur la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s et sont lĂ©gĂšrement anti‑redistributives (– 5 % de la rĂ©duction).

D’autres mesures des inĂ©galitĂ©s amĂšnent Ă  des conclusions similaires. Ainsi, le ratio (100‑S80)/S20 est rehaussĂ© Ă  10,2 aprĂšs application des prĂ©lĂšvements contre 7,6 en revenu primaire Ă©largi, c’est‑à‑dire avant transferts. AprĂšs transferts, ce ratio s’établit Ă  2,4 pour le niveau de vie Ă©largi. Le ratio de Palma rapportant la part possĂ©dĂ©e par les 10 % les plus aisĂ©s sur celle des 40 % les plus modestes passe de 1,8 avant transferts Ă  0,8 aprĂšs transferts.

Les ménages pauvres, modestes et médians bénéficient de la redistribution élargie

La comptabilitĂ© distributionnelle par dixiĂšme de niveau de vie peut ĂȘtre complĂ©tĂ©e par une analyse en regroupant les mĂ©nages selon d’autres catĂ©gories, par configuration familiale ou selon l’ñge ou le statut d’activitĂ© de la personne de rĂ©fĂ©rence du mĂ©nage par exemple. Ce dossier retient un dĂ©coupage en cinq groupes dĂ©finis Ă  partir du niveau de vie mĂ©dian [Insee, 2018] : pauvres (en dessous de 60 % du niveau de vie mĂ©dian), modestes (entre 60 % et 90 %), mĂ©dians (entre 90 % et 120 %), plutĂŽt aisĂ©s (120 % Ă  180 %) et aisĂ©s (au‑dessus de 180 %).

Les mĂ©nages pauvres ont un revenu primaire Ă©largi moyen de 12 200 euros par UC par an figure 9. En moyenne, ils contribuent Ă  hauteur de 700 euros aux impĂŽts directs, de 2 600 euros aux cotisations sociales et, indirectement, de 4 300 euros aux taxes sur les produits et la production. Ils bĂ©nĂ©ficient de

9. Décomposition de la redistribution élargie par catégorie de ménages

– 75 000

– 50 000

– 25 000

0

25 000

50 000

75 000

100 000

125 000

150 000en euros par unité de consommation

Transferts reçus en espÚces hors retraitesRetraites

Cotisations socialesImpĂŽts sur le revenu et le patrimoineTaxes sur les produits et la production

Revenu primaire Ă©largi(avant transferts)

Pauvres(15 % des individus)

Modestes(27 % des individus)

MĂ©dians(25 % des individus)

PlutÎt aisés(23 % des individus)

Aisés(10 % des individus)

Niveau de vie Ă©largi (aprĂšs transferts)

Transferts reçus en nature et dépenses collectives1

1 Hors Ă©pargne nette et ajustements des autres comptes.Lecture : le revenu primaire Ă©largi moyen des individus pauvres avant transferts s’élĂšve Ă  12 170 euros par unitĂ© de consommation (UC) et celui des individus modestes Ă  21 620 euros par UC, contre 52 150 euros par UC pour les individus plutĂŽt aisĂ©s et 134 830 euros par UC pour les individus aisĂ©s. En moyenne, les individus mĂ©dians bĂ©nĂ©ficient de 21 580 euros par UC de transferts et dĂ©penses collectives et contribuent Ă  hauteur de 20 170 euros par UC au titre des prĂ©lĂšvements.Champ : France.Source : Comptes nationaux distribuĂ©s 2018 ; calcul des auteurs.

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92 Revenus et patrimoine des mĂ©nages – Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021

8 500 euros de prestations en espĂšces ; les services publics Ă  leur disposition sont valorisĂ©s Ă  hauteur de 12 700 euros pour ceux qui sont individualisables, comme l’éducation, la santĂ© ou le logement, et de 5 200 euros pour les dĂ©penses collectives.

Les mĂ©nages modestes bĂ©nĂ©ficient Ă©galement de la redistribution, avec un revenu Ă©largi augmentĂ© en moyenne de 42 %, ainsi que les mĂ©nages mĂ©dians, Ă  hauteur de 5 % de leur revenu primaire Ă©largi.

Les mĂ©nages plutĂŽt aisĂ©s sont contributeurs nets Ă  hauteur de 13 % de leur revenu primaire Ă©largi et les mĂ©nages aisĂ©s, Ă  hauteur de 28 %. Les mĂ©nages aisĂ©s s’acquittent de 33 700 euros par UC en moyenne en impĂŽts directs, 24 900 euros par UC en cotisations sociales et 12 700 euros par UC en taxes sur les produits et la production. Ils reçoivent 16 200 euros par UC de prestations en espĂšces et 12 200 euros par UC de transferts en nature individualisables et ainsi que 6 000 euros par UC de dĂ©penses collectives.

Auteurs :Aliocha Accardo (Insee) Mathias AndrĂ© (Insee)Sylvain Billot (Insee)Jean‑Marc Germain (Insee)MichaĂ«l Sicsic (Insee)

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93Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021 – Dossiers – RĂ©duction des inĂ©galitĂ©s : la redistribution est deux fois plus ample


DĂ©finitionsLe bassin de vie constitue le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accĂšs aux Ă©quipements et services les plus courants. Au sens usuel de la redistribution monĂ©taire, le niveau de vie (ou niveau de vie usuel) est Ă©gal au revenu disponible du mĂ©nage divisĂ© par le nombre d’unitĂ©s de consommation (UC). Le niveau de vie est donc le mĂȘme pour tous les individus d’un mĂȘme mĂ©nage. Les unitĂ©s de consommation sont calculĂ©es selon l’échelle d’équivalence dite « de l’OCDE modifiĂ©e Â» qui attribue 1 UC au premier adulte du mĂ©nage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans.Si on ordonne une distribution de niveaux de vie, les dĂ©ciles sont les valeurs qui partagent cette distribution en dix parties Ă©gales. Ainsi, le premier dĂ©cile (notĂ© D1) est le niveau de vie au‑dessous duquel se situent les 10 % des personnes les plus modestes ; le neuviĂšme dĂ©cile (notĂ© D9) est le niveau de vie au‑dessous duquel se situent 90 % des individus. Les individus ainsi classĂ©s appartiennent Ă  des dixiĂšmes de niveau de vie : les 10 % les plus modestes constituent le premier dixiĂšme. Les transferts en nature correspondent aux prestations sociales en nature (allocations logement par exemple) et aux services publics individualisables (comme la santĂ© ou l’éducation).Les dĂ©penses de consommation collective (parfois appelĂ©es services publics collectifs ou dĂ©penses collectives dans le texte) correspondent aux services publics non individualisables. Ici, elles intĂšgrent l’épargne des administrations publiques (APU) et sont calculĂ©es nettes de la consommation de capital fixe (CCF). Un prĂ©lĂšvement est un transfert versĂ© par les mĂ©nages aux administrations publiques et aux institutions sans but lucratif au service des mĂ©nages (ISBLSM). Ici, un prĂ©lĂšvement est redistributif si sa part dans le revenu croĂźt avec le niveau de vie. Il sera considĂ©rĂ© neutre sur les inĂ©galitĂ©s s’il est proportionnel aux revenus. Une prestation est un transfert reçu par les mĂ©nages. Elle peut ĂȘtre en espĂšces, ou « en nature Â». Ici, une prestation est redistributive si sa part dans le revenu primaire dĂ©croĂźt avec le niveau de vie ou croĂźt moins vite que le revenu. La redistribution Ă©largie intĂšgre l’ensemble des transferts publics des diffĂ©rents secteurs institutionnels de la comptabilitĂ© nationale, y compris les services publics collectifs encadrĂ© 1. Afin de mesurer les effets de l’ensemble des prĂ©lĂšvements, des prestations et des dĂ©penses collectives, elle compare par diffĂ©rence les revenus primaires Ă©largis, dits « revenus avant transferts Â», aux niveaux de vie Ă©largis, dits « aprĂšs transferts Â». Le revenu national net est obtenu en retranchant la consommation de capital fixe (CCF), qui correspond au coĂ»t d’usure du capital, au revenu national brut. Le revenu national brut est la somme des revenus primaires perçus par les unitĂ©s Ă©conomiques rĂ©sidentes, elles‑mĂȘmes ventilĂ©es au sein des secteurs institutionnels. Il est Ă©gal au produit intĂ©rieur brut (PIB) diminuĂ© des revenus primaires versĂ©s Ă  des unitĂ©s Ă©conomiques non rĂ©sidentes et augmentĂ© des revenus primaires reçus du reste du monde par des unitĂ©s rĂ©sidentes. Les diffĂ©rents acteurs de la vie Ă©conomique sont regroupĂ©s selon leurs comportements Ă©conomiques en cinq secteurs institutionnels rĂ©sidents : les sociĂ©tĂ©s non financiĂšres (SNF), les sociĂ©tĂ©s financiĂšres (SF), les administrations publiques (APU), les mĂ©nages, les institutions sans but lucratif au service des mĂ©nages (ISBLSM).L’indice de Gini permet de rendre compte du niveau d’inĂ©galitĂ©s. Il varie entre 0 et 1. Il est Ă©gal Ă  0 dans une situation d’égalitĂ© parfaite oĂč tous les niveaux de vie seraient Ă©gaux. À l’autre extrĂȘme, il est Ă©gal Ă  1 dans la situation la plus inĂ©galitaire possible, celle oĂč tous les niveaux de vie sauf un seraient nuls. Entre 0 et 1, l’inĂ©galitĂ© est d’autant plus forte que l’indice de Gini est Ă©levĂ©.Le ratio (100‑S80)/S20 rapporte la masse des revenus dĂ©tenue par les 20 % d’individus les plus aisĂ©s Ă  celle dĂ©tenue par les 20 % des personnes les plus modestes.Le ratio de Palma rapporte la masse de revenu qui revient chaque annĂ©e aux 10 % les plus aisĂ©s Ă  celle que reçoivent les 40 % les plus modestes.

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94 Revenus et patrimoine des mĂ©nages – Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021

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95Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021 – Dossiers – RĂ©duction des inĂ©galitĂ©s : la redistribution est deux fois plus ample


Annexe : Sources et mĂ©thodes

Données utilisées dans les comptes nationaux distribués

Les donnĂ©es de la comptabilitĂ© nationale (du tableau Ă©conomique d’ensemble, mais aussi des donnĂ©es complĂ©mentaires plus prĂ©cises sur les transferts publics ou l’économie non observĂ©e par exemple) sont mobilisĂ©es pour dĂ©terminer les masses des revenus et des transferts. Il s’agit des comptes semi‑dĂ©finitifs de 2018. Elles sont distribuĂ©es Ă  partir de donnĂ©es microĂ©conomiques, principalement le modĂšle de microsimulation Ines [Fredon et Sicsic, 2020] en raison du grand nombre de revenus et de transferts qu’il contient. Ce modĂšle s’appuie sur les donnĂ©es de l’enquĂȘte Revenus fiscaux et sociaux (ERFS). Cette source rĂ©unit les informations sociodĂ©mographiques de l’enquĂȘte Emploi, les informations administratives de la Cnaf, de la Cnav et de la CCMSA et le dĂ©tail des revenus dĂ©clarĂ©s Ă  l’administration fiscale pour le calcul de l’impĂŽt sur le revenu (voir partie Sources en annexe de l’ouvrage). Un des atouts d’Ines est de s’appuyer sur la richesse des donnĂ©es de l’ERFS14. L’ERFS 2018 est basĂ© sur un Ă©chantillon d’environ 50 000 mĂ©nages, soit l’équivalent de 120 000 personnes, reprĂ©sentatifs de la population vivant en France mĂ©tropolitaine dans un logement ordinaire. En raison de la taille d’échantillon de cette enquĂȘte, l’Insee publie principalement des rĂ©sultats par dixiĂšme de population.

D’autres bases sont Ă©galement mobilisĂ©es : l’enquĂȘte Budget de famille (BDF) pour distribuer les prĂ©lĂšvements indirects, l’enquĂȘte Histoire de vie et Patrimoine couplĂ©e aux donnĂ©es fiscales de l’impĂŽt sur la fortune (ISF) pour distribuer l’ISF/IFI (impĂŽt sur la fortune immobiliĂšre), le rĂ©pertoire Fideli de l’Insee pour la taxe fonciĂšre, l’enquĂȘte nationale sur les ressources des jeunes (ENRJ) pour l’éducation et l’enseignement supĂ©rieur, ainsi que les dĂ©clarations annuelles de donnĂ©es sociales (DADS) pour la rĂ©partition territorialisĂ©e de la masse salariale des agents publics et partant de lĂ  des dĂ©penses publiques collectives.

MĂ©thode de distribution des revenus et transferts

Les individus sont classĂ©s selon leur niveau de vie (dĂ©finition usuelle), en dix groupes Ă©gaux encadrĂ© 1. Ce classement reste inchangĂ© afin de distribuer les revenus et les transferts aux

mĂ©nages de ces dixiĂšmes de niveau de vie. Le profil de la distribution de chaque revenu ou transfert obtenu Ă  partir des donnĂ©es microĂ©conomiques est ensuite appliquĂ© aux agrĂ©gats de la comptabilitĂ© nationale afin d’obtenir le profil intĂ©grant les CND [Insee, 2021]. Pour cet exercice, il est nĂ©cessaire de faire des hypothĂšses d’incidence fiscale. D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, on considĂšre que l’individu qui paie un impĂŽt est celui dont le montant de l’impĂŽt dĂ©pend indirectement : les cotisations employeurs portent ainsi sur les salariĂ©s car elles sont assises sur la masse salariale.

Les revenus salariaux, mixtes ou de la propriĂ©tĂ©, ainsi que les loyers (reçus et imputĂ©s) sont distribuĂ©s Ă  partir de l’ERFS. Les transferts sont pour la plupart simulĂ©s et distribuĂ©s Ă  partir du modĂšle de microsimulation Ines. Deux modules du modĂšle Ines permettent de simuler les taxes indirectes et l’ISF/IFI Ă  partir de donnĂ©es autres que l’ERFS : les prĂ©lĂšvements indirects sont simulĂ©s finement en fonction de la consommation dĂ©clarĂ©e dans l’enquĂȘte BDF [AndrĂ© et Biotteau, 2016], et l’ISF et l’IFI sont simulĂ©s grĂące aux donnĂ©es sur le patrimoine dĂ©clarĂ©es dans l’enquĂȘte Histoire de vie et Patrimoine et aux donnĂ©es fiscales [Paquier, Schmitt et Sicsic, 2019].

Certains transferts ne sont pas simulĂ©s Ă  partir des donnĂ©es de l’ERFS ou du modĂšle Ines par manque d’informations. La taxe fonciĂšre est simulĂ©e Ă  partir des donnĂ©es du rĂ©pertoire Fideli et des donnĂ©es du cadastre [AndrĂ© et Meslin, 2021]. L’impĂŽt sur les sociĂ©tĂ©s, les profits non distribuĂ©s des entreprises ainsi que l’économie non observĂ©e (incluant la fraude) sont distribuĂ©s comme les dividendes. D’autres hypothĂšses sont possibles mais modifient peu le profil redistributif [Piketty, Saez et Zucman, 2018]. Certains transferts spĂ©cifiques comme les droits de mutations ou des taxes Ă  faible rendement, ou encore les activitĂ©s culturelles et associatives, d’un montant moindre, sont distribuĂ©s selon le profil de transferts de la mĂȘme catĂ©gorie comptable mais dont le profil est connu via les donnĂ©es microĂ©conomiques.

14 La diversitĂ© des variables de l’enquĂȘte Emploi qui sont intĂ©grĂ©es dans l’ERFS permet de simuler finement les transferts socio‑fiscaux, notamment les prestations sociales dans le bas de la distribution et les cotisations sociales.

Page 21: Dossiers - INSEE

96 Revenus et patrimoine des mĂ©nages – Insee RĂ©fĂ©rences – Édition 2021

Enfin, trois principales catĂ©gories de transferts font l’objet d’une attention particuliĂšre, en raison de leurs montants importants : la santĂ©, l’éducation et les dĂ©penses collectives. L’approche est inĂ©dite : elle les distribue sur la base de donnĂ©es microĂ©conomiques.

Les dĂ©penses de santĂ© sont distribuĂ©es en fonction des remboursements de l’assurance maladie obligatoire et complĂ©mentaire, en utilisant le modĂšle Ines‑OMAR de la Drees [Lardellier et al., 2012]. Il s’appuie sur l’enquĂȘte SantĂ© et protection sociale, appariĂ©e aux donnĂ©es administratives de remboursement de l’assurance maladie, ainsi que l’enquĂȘte sur les contrats les plus souscrits auprĂšs des organismes complĂ©mentaires.

Les dĂ©penses d’éducation sont distribuĂ©es en plusieurs Ă©tapes. La premiĂšre consiste Ă  comptabiliser les enfants dans le primaire et le secondaire Ă  partir de l’ñge et du nombre d’enfants renseignĂ© dans l’ERFS, puis Ă  multiplier leur nombre par le coĂ»t moyen de l’élĂ©mentaire et du collĂšge issu du compte de l’éducation. Les enfants et Ă©tudiants de plus de 14 ans prĂ©sents dans le mĂ©nage indiquent leur type de formation dans l’ERFS, ce qui permet de distinguer les lycĂ©es d’enseignement gĂ©nĂ©ral et technologique, les lycĂ©es d’enseignement professionnel, les sections de technicien du supĂ©rieur (STS), les classes prĂ©paratoires aux grandes Ă©coles (CPGE) et l’universitĂ©. Les Ă©tudiants non cohabitants sont rattachĂ©s aux mĂ©nages de leurs parents Ă  partir de l’enquĂȘte ENRJ afin de prendre en compte les transferts infra‑familiaux. Un test de robustesse a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© en prenant en compte l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des structures d’enseignement Ă  formation donnĂ©e, Ă  partir des DADS, en approximant la qualitĂ© d’un Ă©tablissement par le niveau moyen de rĂ©munĂ©ration horaire des enseignants relativement au salaire moyen pour les Ă©tablissements de ce degrĂ© : les diffĂ©rences sont nĂ©gligeables, infĂ©rieures Ă  10 euros par UC.

Les dĂ©penses de consommation collective d’attribution nationale comme la dĂ©fense, les affaires Ă©trangĂšres et la fonction publique de l’État des administrations gĂ©nĂ©rales sont distribuĂ©es forfaitairement. Les autres dĂ©penses de consommation collective dites « localisables Â» sont distribuĂ©es Ă  partir de la masse salariale des agents publics concernĂ©s (hors hĂŽpital et enseignement). À partir des DADS, les services publics sont localisĂ©s pour chaque bassin de vie. Le ratio entre la masse salariale de ces fonctionnaires agrĂ©gĂ©s et le nombre d’habitants dans chaque bassin de vie est affectĂ© Ă  chaque mĂ©nage de l’ERFS afin de mesurer les dĂ©penses collectives sur son bassin de vie. En rĂ©gion parisienne, ce zonage est trop Ă©tendu pour estimer la distribution des dĂ©penses collectives, un dĂ©coupage plus restreint a Ă©tĂ© utilisĂ©, celui des bassins de vie urbains [Caenen et al., 2016]. À des fins de robustesse, des variantes de zonages gĂ©ographiques ont Ă©tĂ© testĂ©es, les rĂ©sultats ne sont pas modifiĂ©s significativement : le profil en U est ainsi inchangĂ©, il est d’autant plus marquĂ© que le dĂ©coupage est fin. Plus gĂ©nĂ©ralement, des hypothĂšses alternatives sur la distribution des transferts ont Ă©tĂ© testĂ©es mais sans que cela ne modifie les principales conclusions.