Dis-moi que tu m'aimes (French Edition) -...
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Exergue
Certainespersonnessontnéespouraffronterlavieseules,cen'estnibiennimal,c'estlavie.PAULOCOELHO.L'ALCHIMISTE.
Chapitre1BonjourParis !Depuiscombiende tempsn'ai-jepas foulé le solde laville lumière?Depuiscinq
ans?Depuisdixans?Non,enfait,celanefaitqu'unepetiteannéequejenesuispasvenueici.Onzemoispourêtreprécis.Entoutcas,celam'aparuuneéternité.C'estsûr,lepaysageestantipodedeceluide Tokyo.D'ailleurs, jeme demande jour et nuit pourquoi j'ai accepté de partir fairemonmaster definanceslà-bas.Labouffeest infecte.Lesgensparlentunelanguequejenecomprendspas.D'ailleurs,pourêtrefrancheethonnêteavecvous,pendantmesmoisd'exil,jen'aiapprisaucunmotdeJaponais.Si,justeunseul:sayonara,quiveutdireaurevoir.Heureusementqu'ilyal'anglais,quipermetdesefairecomprendreàpeuprèspartout.J'aidécidédemettrefinàmonaventurenipponesuruncoupdetête.Ilétaittempsquejemedécide,
cardanstroisjours,celan'auraitplusétépossible.J'auraisétécontraintederesterbloquéeaupaysduSoleilLevantuneannéedeplus,afindefinirmonmaster.Inenvisageable!Maiscevirageenépingleàcheveuxvaêtrebiennégocié.Les inscriptionsàParisDauphinesontclôturéesdans72heures, jevaisêtrejustedanslesclous.S'ilyavaiteuunproblèmedetiming,j'auraisbienpudéciderd'arrêtermesétudes,maiscelaauraitété
complètement inenvisageable. Mes parents, propriétaires d'une modeste exploitation agricole enNormandie,nemel'auraientpaspardonné.Ilssesaignent lesveinesafindepouvoirm'offrirunavenirmeilleurqueleleur.Sijegâchecettechance,ilyadefortesprobabilitésquejenesoisplusconsidéréecommeleurfille.Je tiensà remercierceuxquiont fait lapromotiondubien-fondédecepland'échangesetquim'ont
convaincuedemerendreauJapon.Merci,vousm'avezpermisdedécouvrircequ'estl'EnfersurTerre.Quelquechosequivousbrûleauferrougepourtoujours.(Bon,j'exagèreunpeu.)Cen'estpasencorelaTourEiffelquej'aperçoismaisl'intérieurduterminal2Edel'aéroportRoissy-
Charles-de-Gaulle.Çasentbon!Jenesaispassibeaucoupdemondeestémerveilléenobservantlavied'unbâtimentaéroportuaire,moisi.Voirtouscesgensquigrouillentcommedesfourmis,desvalisesquifoncentàcentàl'heure,celamefaitunbienfou,merassure.Maintenant, ilnemeresteplusqu'àmettre lamainsurCharlotte,monamiedetoujours,cellequeje
pourraistrèsbienappelermasœursiamoise,tantnoussommesproches.Jebalayeduregardlehall.Mehissesurlapointedespiedsafind'avoirunevuedelafourmilièreensurplomb.Non,jenelavoispas.Jesors mon portable, en espérant que celui-ci marche toujours après vingt heures de vol, une escale àShangaïetseptheuresdedécalagehoraire.Je l'allume, ildétecte leréseau.Affichel'heure.14heures.Visiblement,vul'ensoleillement,ilestbiencetteheure-là.L'horloges'estrégléeautomatiquement.C'estquandbienfoutucespetitsengins-là...—Lo!Elleestlà,àcinqmètresdemoi.Jenel'avaispasaperçu.Visiblement,cen'estpasmontéléphonemais
moiquiaidespetitssoucisdefonctionnement.Nousnousrejoignons,etquandellesetrouveàmahauteur,jemejettedanssesbras.Qu'est-cequeça
faitdubiend'êtreblotticontresajumelle.Leréconfortaprèstouscesmoisdebagnes,quelbienfoucelapeutfaire.C'estindescriptible,lesmotsmemanquentpourvousexpliquerça.Mais,ilyaquelquechosequicloche.Jeneressenspaslamêmesensationqu'autrefois.Quelquechoseàchanger,ilyaunpeuplusdedistance.C'estsûr,aprèsuneannéedeséparation,bienquel'onaitcommuniquéparinternet,celanepeutpasêtretoutàfaitêtrepareil.Etpuis,ilyalafatigueduvoyage,c'estsûrementpourcetteraisonque
jedisça.Ellemereniflecommeunchien.-Tusenslesushi,mesortelle.J'éclatederire.Etcommelerireestcontagieux,elleritàsontour.Toutcelasetermineenunfourire
généralisé,incontrôlable.Jesuisrassurée.MaCharlotteestbienlà.Noussommestouteslesdeuxautantfusionnellesqu'avant.Mavalisevabientôtarriversurletapisroulant.Pendantcetemps-là,nousenprofitonspourpapoter.
Celafaitunanquenousnenoussommespasvuesenvrai,nousavonstantdechosesànousdire...—J'aiunpeudemalàcomprendretadécision.Turisquesdeleregretter.Ilyadeuxjours,jeluiavaisfaitpartparSkypedemonchoixderevenirsurParis.Audépart,ellea
cruquec'étaituneblague.Quandjeluiaiditquenonetqu'elleacomprisquejenementaispas,j'aisentiqu'elle frôlait la syncope.Mon choix lui faisait énormément de peine. Selon cesmots, cette décisionserait hautement préjudiciable pourmon avenir professionnel. D'ailleurs, depuis 72 heures, dansmonentourage, tout lemonde tientcemêmediscours,commes'ilss'étaientmisd'accord.Toujours lemêmeargument : sur un CV, un cycle complet de deux années d'études au Japon en jette plus qu'unmastermorcelé,dontlecentredegravitésetrouveraitquelquepartentreParisetTokyo...Dansunsens,ilsontraison.Mais je pense que ce choix est plus raisonnable que celui de prendre le risque d'entamer uneannéedontilyadeforteschancesquejenelafinissepas.—Tusais,Charlotte, j'aibienréfléchi.Quand j'aiacceptédepartir là-bas, jenemesuispas rendu
compte à quel point cela est difficile de se retrouver éloigné de ses proches. De ses amis. De sameilleureamie.Desafamille.Bref,detouslesgensqu'onaime.—Maisilyainternet.Tucommuniquesavecnous.Noussommeslà.Pendanttoutecetteannée,nous
avonspenséàtoi,nousnet'avonspasabandonnée.—Oui,maisçanefaitpaspareil.Ilfautenfairel'expériencepourserendrecomptedecequeçafait.Ellemesaisitl'avant-brasetmeregardedanslesyeux.Elleavraimentenviequejereviennesurma
décision.—LesinscriptionsàDauphinefermentdanstroisjours.Sij'étaisàtaplace,jem'accorderaiscedélai
deréflexion.Maistuconnaismonpointdevue,tuesentraindefaireuneconneriemonumentale.Tunepeuxpasjouertonavenirprofessionnelsuruncoupdetête.Cepland'échangesestunechance.Rends-toicomptequebeaucoupdegenspaieraienttrèscherpourêtreàtaplace.Rends-toicompte:unefacquitedérouleletapisrougepourquetupuissesintégrerlesplusgrossesboîtes,c'estquelquechosedetrèsraredenosjours.Maintenant,tuaslescartesenmain,maisc'estunterriblegâchisquetut'apprêtesàfaire.— Je vais y réfléchir, concédé-je, même si je sais très bien que je ne reviendrai jamais sur ma
décision.Aprèsavoirrécupérémavalise,noustraversonsl'aérogare.Charlottes'estgaréedansunparkingqui
setrouveàl'autreboutduterminal.Jesensqu'elleforcelepas.Jecomprendspourquoi.Lesparkingsdesaéroportssonttrèschers.Elleneveutpass'éterniseraurisquequecelaluicoûteuneblinde.Surnotredroite, les magasins se succèdent. Il y a une foison d'enseignes de restauration à emporter, commeSubway, la Brioche dorée, Paul... Mais il y a également quelques restaurants où prend le temps des'asseoiretquiproposentdelavraiegastronomie.Monventresetord.J'aifaim.Celafaitunanquejen'airienmangéoupresque.Jecroisquemêmeaprèsavoirmangétoutcequ'ilyaenvente,etépuiséles
réserves de toutes les enseignes, j'aurais encore faim. Il faut sans plus attendre que jemange quelquechose,c'estuneurgencevitale.AlorsjestoppeCharlottedanssaprogression,enluifaisantpratiquementuncroche-pied.—Çavapas?T'esmalade?—Jemesensunpeufaible,ilfautquejemangequelquechose.Celafaitplusdevingt-heuresqueje
n'airienavalé.Etonneseracheznousquedansuneheure,carj'imaginequedepuisl'annéedernière,lesembouteillagesn'ontpasdisparu.Non,jenevaispaspouvoirteniruneheure...—Tunepeuxpasattendresoixanteminutes?—Non.—C'estquoilavraieraison?—Là-bas,ilyaunjambon-beurrequimefaitdel'œil.Je pointe avec mon index celui qui sera ma prochaine victime. Ma cible m'attend bien sagement
allongée dans une vitrine qui se trouve à dix mètres de nous. J'avoue que j'ai une tare. Je suis unegourmande compulsive.Quand je passe devant un commerce de bouche et que quelque choseme faitenvie,ilfautqu'ilseretrouvedansmonestomac.Impérativement.—Tun'aspaschangéLaurence,tuestoujourslamême.Tun'espassortable.Vas-ymaisfaisvite!Charlottemejetteunrictuspourlaformemaiscepetitjeul'agace.Leparking.Lescentimesd'eurosqui
quittentsoncompteenbanque.Elleadelachance,laboutiqueestdéserte.Jemarched'unpasdécidéverslemecseulderrièreson
comptoir,quial'airdebiens'emmerder.Enfinunecliente,ilvaêtrecontent.Ilmeremettoutsouriremonsandwichenl'échangede2euros80.JemeretourneafinderejoindreCharlotte.Ellen'apasbougé.Elleestlà,àl'endroitoùjel'ailaissée,immobile,enpleinmilieudelafoulequifonceàcentàl'heureverslasortie.Àchaqueinstant,ellerisquelacollision.Quandj'arriveàsahauteur,elleconstatequemoncasse-dalleestdéjàbienentamé,cequil'effraie.«Commenta-t-ellepumangersivite?est-ellesûremententraindesedemander.Ellen'estpasunêtrehumain,maisunemachineàavaler.»—Oui,j'avaisfaim!Nouspoursuivonsnotrecheminversleparkingquandnouscroisonsdanslesensinverseunecouplede
jeuneamoureuxsedonnantlamain.Uncopain.C'estaussiunpeupourcetteraisonquej'aidécidedequitterleJapon.CarlesJaponais,
toutcommeleurbouffe,nem'inspirentpasdutout.Etjen'aipasenviedefinirmavieseule...Je n'ai pas la pression car dans mon entourage, on recense plus de célibataires que de couples.
D'ailleurs, Charlotte n'est toujours pas macquée.Mais la vie à deux est quelque chose qui me tente,surtoutquej'aiquelqu'undansleviseur.UncertainAlex.Nousavonsvécuuneaventureensemble,justeavantquejem'éclipsepourleJapon.C'étaitlorsdelasoiréededésintégrationdeLicence.Cettehistoireaungoûtd'inachevé.Jepensequenousavonsunboutdecheminàfaireensemble.Surtoutqueluinonplusn'apasencoretrouvéchaussureàsonpied.Enfin,quandjedis«chaussure»,jepenseàunepartiedel'anatomieféminine...
Chapitre2
Jerepenseencoreunefoisàcettesoiréeduvendredi27juin.Pourfêter lafindel'année, l'assodesétudiantsavaitdécidéd'organiserune fête.Dansunpremier temps, ilavaitétéenvisagédepasserunesoiréeenboîte,maiscelaneplaisaitpasauzicosdenotrepromoquiavaientàcœurdejouerunpeu.Leconcertdevaitdansunpremiertempssedéroulerenextérieur,surlestadeducampus,maislemauvaistempsnousacontraintàtrouverunesolutionderepli.Lafêtes'estfinalementdérouléedanslegymnasedelafacdeSTAPS.Lesoldelasalleestenparquetlamellécollé,cequinousapermisd'enfaireunepistededanse.Toutlemondefutétonnéparleniveaud'équipementdeszicos:éclairage,sonopuissante,leshowallaitêtredetrèshautequalité.
***Toutlemondedansentencouplesurledancefloorimprovisé.Visiblement,n'yaquemoiquicherche
désespérément un cavalier. Je fais le tour de la piste.Non, personne. Jeme dis qu'il doit y avoir unnombreimpairdedanseursurlapiste,etducoup,quelqu'unseretrouvetoutseul:moi.Cettesituationm'attriste.Sitoutecettesoiréeestàcetteimage,jemesouviendraidemafindelicence!Jem'apprêteàquitter le dancefloor, et j'envisagemême de quitter la fête, quand je tombe sur un jeunot aux cheveuxchâtainscoupésenbrosse.Jeneconnaispascettetête,maisvisiblement,ilrecherchelamêmechosequemoi,alorsdansonsetfaisonsconnaissance!—Tut'appellecomment?demandé-jeenhurlantafindecouvrirlebruitdelasono.—Alex,hurle-t-il.Aveccettemusiquequibraille,nousnousallonsavoirextrêmementdemalànousparler.Alorsdansun
premiertemps,dansons.Nousferonsconnaissanceplustard,dehors,enfumantuneclope.Nousenchaînonslesdanses,etjeconstaterapidementqu'ilestbienmeilleurdanseurquemoi.(Jevous
faitunaveu.Jedansecommeunecruche.Cen'estdoncpasbiendifficilededansermieuxquemoi.) Ensuite, toutva trèsvite.Jenesaispascequ'ilsepasse.Nousavonsdéjàpasmalpicolé—tout
commemoi, il sent l'alcool— et c'est probablement ça qui nous amène à perdre la raison. Il se sertcontremoi, je pourrais le repousser,mais non, je ne le fais pas.Ce contact physique exerce surmonpsychismeuneffetdélectable.Ilveutallerplusloin:jelelaissefaire.Ils'appuieencorepluscontremoi.Nosmouvementscaléssurlerythmed'unemusiquequis'intensifiefontensortequejesuisamenéeencoreplusàmefrotterà lui.Malgré le rempartdu tissu, jesensàprésent trèsnettementquesonmembredudésirsedurcit.Uneforceétrangem'empêchedemedégagerdececontactsiérotique. Ilmordillemeslèvres, effleure la peau de ma joue gauche, m'embrasse l'oreille droite. La poussée du désir le faitsoupirer.Moi aussi, je soupire. Sa verge dure se presse encore plus intimement contre son corps. Jecomprendsqu'ilaenviequ'onailleplusloin.Jehochelatêtepourluidireoui,quejesuisd'accord.Maispour faireça, ilnousfautunendroitplus intime.Alors ilmeprendpar lamain,nousquittons la fouleremuante.Nous nous dirigeons vers la réserve du gymnase.Nous entrons dans une pièce sombre,maléclairée.Àdroite,desagrèsdegymnastique,ainsiqu'unbancenbois.Àgauche,unfiletdevieuxballonsdehandballquigîtparterre.Etdevantnous,unemalleavecdedans,desdossardsquipuentlasueur.C'estsûr,onpeutrêverd'unendroitplusglam'pourfairecequenousallonsfaire,maisnousallonscomposeravec...cardetoutefaçon,onnepeutplusattendre.Jenemereconnaisplus,noncen'estpasmoi.JememetsàcalifourchondevantAlex.Monregardest
happéparlabossequisetrouveauniveaudesonentrejambes.Jeposemamaindélicatementsurcetteexcroissance.Malgrél'épaisseurdujean,aucontactdeladouceurdemesdoigts,ilnepeuts'empêcherderetenirungémissement.Jedéboutonnesabraguette,faitglissersoncaleçon.Satigesedévoile,s'érige.Jemesensinviteràlui
donner de délicates caresses. Alors, portée par une infinie tendresse, je touche son sexe dénudé, quis'allonge encore davantage. Un frisson parcourt Alex. J'enroule mes doigts autour de sa verge, jecommence à la faire coulisser dans la gaine que ma main forme. Visiblement, comme moi, c'est unnéophyte,iln'apastropd'expériencessexuellesaucompteur.Carauvudessensationsqueluiprocurentcettemaindefille,jemerendscomptequ'ildécouvrequecelan'arienàvoiravecsesplaisirssolitaires.Puis,sanssavoirpourquoi—probablementd'instinct—,jem'approchedesonsexe,ouvrelabouche,
enfaitrentrerunebonnepartiededans.Jenesuispasencoreuneexperteensuccion,maisjeconstatequecelaluiprocureunplaisirintense.C'estleplusimportant.Monmassagelabialavisiblementplusd'effetquej'auraispuimaginé,puisquetrèsrapidement,ilnepeutplusretenirsonorgasme.Saliqueurserépanddansmabouche...
Chapitre3
—Lo?Tuessûrequeçava,parcequelà,tuesentraindemangerlepapier...Charlotte vient deme tirer demes pensées.Alors que jeme remémore cette délicieuse soirée, j'ai
avalésansm'enrendrecomptelatotalitédusandwich.Etcela,justeparréflexemécanique,vuquemonespritétaitailleurs.Commeiln'yavaitplusrienàmangeretquemonespritn'étaittoujourspasrevenu,j'aicommencéàattaquerlepapier.Cetteexplicationtientlaroute.Nousarrivonsauparking.Nouspassonsauxcaissesautomatiques.8euros10àrégler.Jesorsmacarte
bleue...—Non,çaira,c'estmoiquipaie.Elleditçapourfairestyle.Ellen'apasenviedepasserpouruneradine.Maisjesaistrèsbienqueça
luitrouelecœurdesortirunesommecommeça—Non,c'estàmoidepayer.Tuasfaitledéplacementpourvenirmechercher,non?—Non,tuasdéjàdépenséuneblindepourpayerl'avion.Etsitufaislechoixraisonnablederepartir
rapidement,jepensequetonécureuilrisquedenepasavoirlesourire.Jecomprendsmieux.Elleaenviequejereparte—toutlemondeàenviequejereparte.C'estpourça
qu'ellesouhaite«ménager»moncompteenbanque.Avec8euros10,enavion,onnevapasbienloin.Ellepaie.Puisnousregagnonssavoiture.ElleatoujourssaClio1blanche.Ilfaudraitquesavoiture
aitunpépingravepourqu'ellelachange.Nousquittonsl'aéroportetnousengageonssurl'autorouteA1endirectiondeParis.J'aperçoisauloin
laTourEiffel.Unannonplusque jene l'avaispasvu,celle-là. J'aipeut-être l'espritmalplacé,maisdepuisquejesuisadolescente,àchaquefoisquejelavois,ellemefaitpenseràunphallusenérection.324 mètres de haut ! C'est à croire que les hommes—Monsieur Eiffel en premier—, doivent êtrecomplexésparlatailledeleursexe,sinonilsnes'amuseraientpasàconstruiredesédificestoujoursplushauts.Cetaprès-midideseptembreestparticulièrementbienensoleillé.Commevouspouvez l'imaginer, la
voituredeCharlotteestdépourvuedeclimatisation,aussi,aprèsunebonneheureexposéeenpleinsoleilsurleparking,latempératuredansl'habitacleestdéjààlalimitedusupportable.Qu'est-cequeceseradansuneheure,quandnousarriveronsàdestination?Passons.Charlottenemeparlepas.Visiblement,elleme fait la tronche. Elle n'est pas d'accord sur le fait que je revienne. Pourtant, elle devrait êtrecontentedemerevoirsurParis.Toutvarecommencercommeavant.Nousvivronsànouveauensemble.Nous partagerons tout. Comme deux sœurs. Faut-il sacrifier son bonheur au prix d'une hypothétiqueréussiteprofessionnelle?Jenecroispas. Ilyaunecitationde l'empereuretphilosopheromainMarcAurèledanslaquellejemereconnaispleinement:«Voicilamoraleparfaite:vivrechaquejourcommesic'était ledernier ;nepas s'agiter,nepas sommeiller,nepas faire semblant.» Je suiscomplètementd'accord avec lui. C'était en l'an 180 et il avait déjà tout compris. Chacun peutmourir d'un instant àl'autre,alorsfaisonsensorted'êtreheureuxdansl'immédiatetarrêtonsdenousimposerànous-mêmedescontraintesdescontraintesquin'ontpaslieud'être.Jeregardeparlafenêtre,leflotdesvéhiculesm'hypnotise.JepensedenouveauàAlex.Oui,toujours
lui.Jerepenseàcettesoiréedefinjuinetjesuisconvaincued'unechose.Àpremièrevue,onpeutpenser
quecetterelationn'estjustequ'unehistoiredeculvitefaitbienfaitentredeuxétudiantsconsentantsmaisjepensequec'esttoutautre.Malheureusement,nousn'avonspaspunousrevoirdepuiscesoir-là,carjepartais le lundi suivant pour le Japon,mais je suis certaine que cette soirée aurait pu être le premierépisoded'unegrandehistoire.Nouséchangeonsrégulièrementparmaildepuisunan.Jesensqu'iladessentimentspourmoi,maisqu'il est réservé,qu'il adûmal à les exprimer.C'est sûr, depuisun clavierd'ordinateuretsimplementreliéparunefibreoptiquede10000kmdelong,ilestdifficilededéclarersaflamme.Mais ce dont je suis certaine, c'est qu'à ce jour, il n'a personne dans sa vie— dans le cascontraire,ilm'enauraitparlé.MaintenantquejesuisdenouveausurParis,celavaêtreassezfaciledemettrelegrappinsurlui.Ilvaavoirbeaucoupdemalàmerésister.Porte de laChapelle.BoulevardPériphérique.Entrée dansParis intra-muros.Notre appartement se
trouvedel'autrecôtédeParisdansleXIVe,etjesuisexcitéeàl'idéequedansunevingtainedeminutes,j'auraisdenouveaulespiedsdansnotrepetitniddouillé.En fait, cet appartement à pour moi une valeur inestimable. Sans lui, je n'aurais jamais connue
Charlotte.Sanslui,jen'auraisjamaiseudesœursiamoise.Ilestnotreviecommune.Revenonsunpeuenarrière.Quandilyaquatreansj'aidécidédequittermaNormandienatalepourm'installeràParisafindefairemesétudesd'économie,ilm'afallutrouverunesolution.Carvuleprixdel'immobilier,PapaetMamanétaientdansl'incapacitédemepayerunloyer.Alors,j'aidécidédemetournerverslacolocation.Audébut,jen'étaispastrèsrassurée,carquandonconnaîtpasdutoutlespersonnesaveclesquellesontvaêtreamenéesàcohabiter.Celapeutbiencommemalsepasser.Dèsque j'ai faitconnaissanceavecCharlotte,notre relationa toutdesuiteétait très fusionnelle. Jepensequenousétions faitespournousrencontrer.Celadevaitêtreinscritdansnotredestinée,cen'estpaspossibleautrement.Sonsilencem'agace.Ilfautquejebriselaglace.—Est-cequejepeuxsavoirpourquoitumefaislagueule?Admettonsquejefasseuneconnerieen
abandonnantmesétudesauJapon,enquoicelateconcerne?Cen'estpastoiquifoustonavenirenl'air,àcequejesache?Tudevraisplutôtêtrecontentequejereviennevivreavectoi,non?Ilyatroisjours,surSkype, tu étais laCharlotteque j'ai toujours connue.Depuisque tu saisque je reviens, tun'esplus lamême,jenetereconnaisplus.—Enfait,çamefaitdelapeinequetulaissestomberleJapon.Turisquesdeleregretter.— Je ne le crois pas. Tu veux savoir la vérité ? Toute seule là-bas, je déprime. J'ai marché aux
anxiolytiques pendant un an. Il y a trois jours, j'ai réussi à ouvrir les yeux juste à temps. Ilmeparaîtpréférabled'arrêterlesfrais,d'assureruneannéecomplèteici,plutôtqued'endémarreruneautrelà-basetd'êtrecertainedenepaslafinir...Mesaveuxontsurellelemêmeeffetqueledardd'uneabeilleseplantantsurlapeaud'unéléphant.
Pourquois'entête-t-elleàmefairerevenirsurmadécision?Préfère-t-ellequejeretourneauJaponetquejemecrashe.Jen'arrivepasàlacerner.Jecroyaislaconnaîtreparcœurmaislà,jedécouvreunefacettedesapersonnalitéquej'ignoraiscomplètement.Maiscelanem'inquiètepasquantàl'impactqu'auracettehistoiresurnotrecolocation.Jelaconnais
quandmêmebien.Dansdeux-troisjours,nousauronsreprisnoshabitudes,toutserarevenucommeavant.NousnousengouffronsdanslarueLecuirot.Plusquequelquemètresàfaireetjeretrouvaismonpetit
cocon.Dèscesoir,cetteannéed'exilauJaponseradéjàunbienlointainmauvaissouvenir.JepartageraiavecCharlotteunesoupeauxharicotsblancs,notrepréférée.Nousavonsdelachance,ilyauneplacedeparkingdisponiblejustedevantle14,notreadresse.Ellesegare.Couplecontact.Jesorsdelavoiture.Medirigeverslecoffrepoursortirmesvalises.J'ouvrelehaillon...
—Attends!fait-elle,piquéesurletrottoir,justeàcôtédemoi.Sonvisageestcrispé.Visiblement,ilyaquelquechosequinevapas.—Qu'est-cequ'ilya?Yaunproblème?—En fait... Laurence... il faut que je te dise quelque chose... (Elle se racle la gorge, cherche ses
mots...)Enfait,lacolocation...—Qu'est-ce qu'il y a, il y a problème ? Il va falloir rendre l'appartement ?C'est pas grave, on en
trouveraunautre.—Non,lacolocation,Laurence...cenevaplusêtrepossible.Jetombedesnues.Oùveut-elleenvenir...—Engrostuveuxdirequ'entrenousdeux,c'estfini?—Non,maisnotrerelationvaêtreamenéeàévoluer.Elletourneautourdupotmaisjecomprendsmaintenanttrèsbienoùelleveutenvenir.Elleveutmettre
finànotrecolocation.Jel'aideàaccoucher:—Engros,sijecomprendsbien,tumetsfinànotrecolocation,tumetstasœuràlarue.—Laurence,nousallonspaspouvoirvivreensemblejusqu'àlafindenosjours.Quandonacommencé
lacolocation,ilaquatreans,tusavaistrèsbienquecettesituationn'allaitdurerquequelquesannées,letempsdenosétudes.Maintenant,ilesttempsquenousprenonschacunedenousenvol...—J'aicompris.Tum'asremplacéparqui?T'asuncopain?—Oui.Jesuisagacé.Ellevientdemefairesortirdemesgonds.Jehausseleton:—Pourquoitunem'asriendit.Tuauraispum'enparler.J'auraiscompris.Jecroyaisquesel'ondisait
tout,touteslesdeux.Maintenant,jecomprendsmieuxpourquoitum'asfaitlagueulependanttoutletrajetduretour.Ellesemetàsontouràhurler:— Je ne te l'ai pas dit car je ne voulais pas te faire de la peine. Jeme doutais que ce n'était pas
forcémentfacilepourtoi,d'êtrereclusetouteseule,là-basauJapon.Tuauraispenséàmoi,entraindem'éclater avec unmec, alors que toi, tu ne pouvais pas. Je ne voulais pas que ça te fasse « envie ».Encore une fois, j'ai fait ça pour que tu ne gâches pas tes études. J'ai pensé à toi, j'ai fait ça pour teprotéger.—Etmaintenant,jedorsoù?—Net'inquiètespas,jetepaieraisl'hôtel.Maisjesuiscertainequetuferaslebonchoix,doncçane
durerapastroplongtemps.—Arrêteavectesétudes!TonJapon!Toutça,cesontexcusesfaciles.Engrostuneveuxplusdemoi,
alorstum'envoiesàl'autreboutdumondepourquejetefichelapaix.Sielleneveutplusdemoi,moinonplus,jeneveuxplusd'elle.Jesorsnerveusementmesdeuxvalises
àroulettes.Elletentedemeretenir,envain.Jem'éloignedeleurappartement,unbagagedanschaquemain.Alorsquemetrouveàunetrentainedemètresdu14,elleaboie:—Laurence,ilnefautpasquetuleprennescommeça.Situveux,jetepaiel'hôtel...
Jemeretourne.Elleestlà,plantéecommeunecarottesurlepasdelaporte,leregardcon:—Non,gardetessous!Situsorsdel'argentdetonporte-monnaie,aprèstunevaspastesentirbien.
Jepréfèret'épargnerça.C'estmoncadeaud'adieu.Je la quitte des yeux. Sauf coïncidences malencontreuses, je ne verrai plus jamais son visage. Je
reprendsmarouteenayantencoreaucuneidéedemadestination.
***Alex. Je suis certainque luivapouvoirmedépanner.Et celavaégalement êtreunexcellentmoyen
pourmerapprocherdelui.J'aicetteidéealorsquejemetrouveàlaterrassed'uncafé.AprèsavoirabandonnéeCharlotte,mon
petitniddouillé,breftoutunpandemaviepassée,j'aierréplusieursheuresdanslesruesdeParis.Ilestàprésentauxalentoursde17heuresetj'aidécidédemeposerunpeu.Assisesurmachaiseenrotin,avecdevantmoiunpetitnoirposésurunetableminuscule,jesuisàlavuedespassantsetj'aivraimenthontedemoi. Avecmes deux grosses valises rouge et bleu etmon k-way rose fluo qui pue la transpi, j'aivraimentl'impressiond'êtreuneclocharde.Commentai-jeputombersibasenl'espacededeuxheures?Ilnememanqueraitplusquedeuxgroschiens,etcelafiniraitpascompléterletableau. En tout cas, je suis en quête d'une solution provisoire d'hébergement pour la nuit qui vient. Et
également,pourlesjoursquiviennent,carlarentréeuniversitaireestdanstroisjours,etilesthorsdequestiondelarater.L'idéem'estdoncvenuedecontacterAlex.Vuqu'ilvitseule,jenepensepasquecelaledérangerait
quejeviennesquaterchezluideuxoutroisjourschezletempsdetrouverunnouveauchez-moi,bienaucontraire.Jecomposesonnuméro.Jetombesursonrépondeur.J'essayedeluilaisserlemessageleplusconcis
etleplusprécispossibleafindeluiexpliquerlasituationpittoresquedanslaquellejemetrouve.Cequiestloind'êtreévident.Jeneluiavaisrienditàproposdemonretourafindeluifairelasurprise,iln'estdoncpasaucourantdemonparachutage.Je reste assise à la terrasse du café, le temps qu'il me rappelle. Cela ne devrait pas durer très
longtemps,carquandjecommuniqueavecluiparinternet,ilestgénéralementtrèsréactifàmesmessages.Saréponsedevraitêtrerapide,d'autantplusqu'aujourd'hui,iln'apasdecontraintesprofessionnelles.Jeregardefébrilementmontéléphoneposésuruncoindelatabledansl'attented'unevibration.Celadevraitseproduired'uneminuteàl'autre.
***Lesminutespassent.Lesclientsdéfilentsurlaterrasse.Toujourspasdecoupdetéléphone.Àchaque
passage,legarçonmeregarde.Curieusement,celanelegènepasquejerestem'éterniselaterrasse,quejesoisuneverruepourlecafé.Danssesyeux,jevoisplutôtdelacompassion.«Lapauvrefille,elleabesoind'aide.»
***19 heures 30. Je suis toujours assise à la terrasse, et toujours pas de coup de fil. Pourquoi neme
rappelle-t-ilpas?Sontéléphoneest-t-ilenpanne?Luiest-ilarrivéquelquechose?Entoutcas,cen'estpasdanssonhabitude.Jeregardeautourdemoi.Lesoleilpiquedangereusementversl'ouest.Leventcommenceàselever.
Lespremiersclientscommencentàaffluerpourledîner.Essentiellement,desgenshabillésencostumes,quitravaillentdanslesimmeublesdebureauxvoisins.Moi,avecmonrain-cutrosefluo,j'ail'impressiond'êtreunetacheindélébileaumilieudetoutcebeaumondearborantunnoirimpeccable.Underniercoupd'œilversmontéléphone,nontoujoursrien...Bon,àdéfautdepouvoircoucherchezAlex,ilvafalloirquejetrouveuneautresolution.Jememets
enquêted'unhôtelbonmarché.Pourcela,jemeconnectesurl'appliPagesJaunes.Jen'aipasbesoindechercher très longtemps pour trouver ce qui me convient. Un hôtel une étoile, porte de Châtillon, enbordurepériphérique,30euroslanuit,Wi-Figratuit.Pasderéception,leschambress'ouvrentavecuneCarteBleue.Bon,ilyaplusglamour.Maisl'histoired'unsoir,pourdudépannage,celaferaparfaitementl'affaire.
***J'entredanscequiressembleàunchalet, lambrisenpinsur lesmursetauplafond.J'enlèvemonk-
way,défaitmes tennis.Jemejettesur le lit, touthabillée,avecmonjeanslimbleuetmonpull-overàrayures.Jeneprendsmêmepaslesoindefermerlevolet.Lalumièrejauneduréverbèrenemedérangerapas, vu quede toute façon, je n'arriverais pas à dormir. Je suis trop énervée pour pouvoirme laisserprendreparlesmainsdeMorphée.Pour venir sur ce lit, mon parcours depuis la terrasse de café a été particulièrement tortueux. Une
correspondanceenmétroplusuntram.Avecmesdeuxvalisesénormesdanslesescaliers,monvoyageaétéloind'êtreunesinécure.J'aitoutefoisprisletempsdefaireuneescaledansunMcDohistoiredemerassasier.Jetiensmontéléphonedanslamain.C'estmondoudou.Jen'attendsqu'uneseulechosedelui:qu'il
sonne.Uneheuredumatin.Qu'entends-je?Non,cen'estpaslasonneriedemonportable.Lebruitvientde
loin,maisjecroisentendredesgensentraindejouir.J'auraisdûm'endouter.Cegenredelieuxestréputépourêtreunlieuderencontrespourlescouplesillégitimes,lesmursenpapiersàcigaretten'arrangeantévidemmentrien.Soudain,jeris.JerepenseàcettescènedufilmLestroisfrèreoùilssonttousallongédanslemêmelitetl'undit:«Ici,cen'estpasunhôtel,maisunbaisodrôme.»C'estàpeuprèsça.Troisheuresdumatin.Depuisquejesuisarrivéedanscettehôtel,jecogite.JemedisqueCharlottea
peut-êtreraison.JeferaismieuxderetournerauJapon.C'estsimple,depuisquejesuisderetouràParis,hormislegarçondecafé,j'ail'impressiondegênertoutlemonde.Charlottememetàlarue,jesuisdetrop pour elle. Et visiblement, Alex se fiche demoi. Une relation par mail ça va, mais quand il estquestiondesevoirenvraietd'allerplusloin,ondisparaîtdanslanature...Aumoins,là-bas,àdix-milleskilomètres,vuquejeneconnaispersonne,personnenepeutmefairedecoupbas.Non,madécisionestprise.Vuquepersonneneveutdemoiici,jeretourneauJapon.Commelà-bas,la
rentréeestplustard,monvoyageneserapasgâchépourautant,carjevaisenprofiterpourallerpasserquelquesjoursenfamilleenNormandie.Celavamefaireunbienfoud'allermeressourcerlà-bas,etderetrouvermesparentsetmapetitesœur—mavraiesœur.
Jefixeledéroulédemesprochainesjournées.Demainmatin,jeprendsuntrainpourlaNormandie.Jepassetroisjourschezmesparents,puislequatrièmejour,jereparsàTokyo.Je me connecte sans plus attendre sur le site Trip Advisor pour profiter du meilleur tarif. Départ
vendredimatindeCDGà7heures54.852euros.Parfait.J'entremonnumérodeCarteBleue, lecodesécuritéàtrois,m'apprêteàappuyersurvalider.Quoi?Appelentrant,Alex.Cen'estpaspossible,unecoïncidencecommecelle-là, cenepeut êtrequ'un signedudestin.Cen'est paspossible autrement. Jepensequeluietmoi,nousavonsdegrandeschosesàbâtirensemble.—Laurence?—Alex?Çamefaitunedrôledesensationd'entendretavoix.Celafaitunanquejenet'aipasentendu
parler...—J'aieumonmessagesurtonmessagesurmonrépondre,etlemoinsquejepuissedire,c'estquej'ai
ététrèssurpris...—C'estsûr,c'estunedécisionquej'aiprisedujouraulendemain.Dansmonentourage,toutlemonde
tombedesnues.—Donccommeça,onrevientsurParis.LeJapon,çaneteplaîtpas?—Non,là-bas,jedéprime.Jemesensseule,çanevapas.—Jecomprends.Ai-jebienentenduoùai-jerêvé?Iladit«Jecomprends».IlexistesurTerreaumoinsunepersonne
quiarriveàmecomprendre.Celamerassure:jenesuispasunecauseperdue.— Comme j'ai essayé de te l'expliquer dans mon message, je recherche en urgence une solution
d'hébergement.MaintenantqueCharlotte àunpetit copain, il nenousestpaspossiblede reprendre lacolocationcommeavant.J'aidoncpenséàtoipourpouvoirmedépannerpendantquelquetemps.—Malheureusement,Laurence...Malheureusement....Jel'entendssoufflerdanslecombiné.Visiblement,ilcherchesesmots.Ilneveutpasm'accueillirmais
iln'arrivepasàtrouverlabonnetournurepourmeledire.—IlfautquetusachesquejenesuisplussurParis,poursuit-il.JesuissurRennes...—Rennes?Qu'est-cetufouslà-bas?—Commepourtoi,toutças'estfaittrèsrapidement.J'avaisfaitunecandidaturepourunM2detrès
grandequalité,etjeviensd'apprendrecematin-mêmequej'aiétéreçu.Larentréeaégalementlieutrèsbientôt,etiln'yapasdetempsàperdresijeveuxtrouverunlogementpotable.Alors,j'aifaitlaroutecetaprès-midi. C'est pour ça que je n'ai pas pu te répondre. Actuellement, je suis dans un hôtel dans labanlieuedeRennes.Jememetsàprospecterpourunlogementdèsdemain...—C'estdrôleparcequemoiaussi,jesuisàl'hôtel...— Je suis désolé Laurence, mais malheureusement, je ne pas t'aider. Sinon, tu peux essayer de
contacterHélène.Hélène,c'estuneamieassezéloignée.—Maistusaistrèsbienquec'esttoutpetit,chezelle.Elleatoutjusteassezdeplacepourpartagerson
appart'avecsonhamster...—Jesaisbien...Maisjesuisdésolé.Jen'aipasdesolutionàteproposer.Touteslesfacsrentrentcette
semaine, je suisconscientqueçavaêtredifficilede trouverunappartementouunecolocationàcette
époquedel'année.Déjà,qu'entempsordinaire,àParis,c'estblindé.Maistuesd'unenaturechanceuse,jesaisquetuvastrouver.Etjevaiscroiserlesdoigtspourtoi.—Mercidemesoutenir.—Iln'yapasdequoi.—Heu..Jeveuxdire,çanetedérangeraitpassiunjourjevenaispasserunejournéeavecàRennes
avectoi,ousic'esttoiquivenaissurParis.—Non,biensûrquenon.Onprogrammeraça.Bon,maintenant,vul'heure,jecroisqu'ilesttantd'aller
audodo.Demain,nousavonschacundenotrecôtéunelonguejournéequinousattend.—Oui.Bonnenuit.—Bonnenuit.Tonalité.
***
Letéléphonesonneànouveau.C'estAlexquimerappelle.Qu'as-t-iloubliédemedire?Pourtant,j'ai
l'impressionquel'ons'esttoutdit.Àmoinsque...—C'estmoiqui terappelle.Enfait, il fautqueje tedisequelquechose.Toutcequejeviensde te
dire, cette histoire deRennes, tout ça, c'est du bidon. Je t'ai dit ça parce que je suis un dégonflé, unpuceaudepremièreclassequiapeurdefairelepremierpas.Àchaquefoisquejet'envoyaisunmail,jevoulaistel'avouer,maisjen'aijamaisréussiàlefaire.Enfait,Laurence,jesuisfouamoureuxdetoi.JenesuispasàRennes....Quelqu'unentredansmachambre.D'unseulcoup,j'ailatrouille.Toutàl'heure,enarrivant,j'aibondi
surlelitetj'aioubliéderefermerlaportederrièremoi...Alex?—…jesuisjusteenfacedetoi.Charlottem'aavertidetonretourprécipité.Alorsdepuistonarrivée
àl'aéroport,jet'aisuividiscrètement,justepourtevoir.Jem'excusedet'avoirmisedanscettesituation.Àcetteheure-ci,nouspourrionsêtretranquillementchezmoi,maisàcausedemoituteretrouvesdanscethôtelmalchauffé.Comprends-moi.Quand j'ai reçu tonappelcetaprès-midietque j'aicomprisque tuavaisdessentimentspourmoi, jemesuisretrouvéparalysé.Jenesavaisplusquoiterépondre.Alors,j'aiinventécettehistoiredeRennes...—Jetepardonne.Cen'estpasgrave.Ils'avance,s'allongeàcôtédemoi.Jerestesurledos,luisetourneversmoi.Ilpasseunemaindans
mes cheveux blonds, descendma longue chevelure sur toute sa hauteur. Je reste immobile. Puis il serapproche de moi, m'embrasse, tout en descendant sa main le long de mes reins. Ses lèvres sontgénéreusesetdouces.Salangueestchaude.Ilôtemonpull,montee-shirt.Puismonsoutien-gorge,monjean,etmaculotte.Ensuite,ilsedéshabille.Sonsexegonfléestprêtàentrerenscène.Ilrejointlelit,seposesurmoi.J'écartelesjambesafindepouvoirlelaisserentrerenmissionnaire.Il
progresselentement.Jesenssonglandpuissavergeentrerenmoi...Un spasme. Je sursaute. Alex ? Où est-il ? Il a disparu ! Je regarde autour de moi. Non, il n'y a
personne.Pointd'Alex.Jemerendscompterapidementquej'airêvé.Detoutefaçon,celaauraitététropsimplepourquecesoitlaréalité.
Chapitre4
Studiode15m²situéAvenuedeBreteuil,dansunquartieraniméduXVearrondissement.Pourplusamplesrenseignementsveuillezmecontactervialesite.Loyer:550€CCMembre:benji92♂Âge:24ansProfilrecherché:étudiant♀♂Centred'intérêt:geek
Cetteannonceestplutôtlaconiquemaiselleferaforcémentl'affaire.Detoutefaçon,larentréeestdansdeuxjours:c'estsoitcettecolocationouleretourauJapon.Après,ceneserabienévidemmentpaslacolocationrêvée.Jeseraisplusrassuréesic'étaitavecunefille,et jedéteste les jeuxvidéos.J'espèrequ'ilréussiraàsemontrercompréhensifsurcedernierpoint.Jeluienvoieunmessagecommequoijeseraisintéresséeparcetteoffre.Ilmerépondimmédiatement.
(Celanem'étonnepastrop.Vuqu'ilsedéfinitcomme«geek»,ildoitêtresursonPC24/24.Lerendez-vousestfixécetaprès-midià15heuresau16del'avenuedeBreteuil.Une recherche rapide sur Google Maps m'a permis de constater qu'il s'agit très beau quartier.
L'appartementsesituedansunimmeublehaussmannienavecportecochère.C'estbeaucouppluschicquel'arrièredebaroùvitCharlotteavecsonJules.Deplus, ilyaunestationdemétro justeàcôté,SaintFrançois-Xavier—Ligne13.C'estparconséquenttrèsbiendesservi.VuquejeneconnaispasdutoutquiestBenjaminBoulayaliasbenji92,j'yvaisarmerdemoncouteauà
huîtres.Jel'emmènedanstouslesendroitsoùjenemesenspasensécurité.Jusqu'àprésent,jen'aiencorejamaiseul'occasiondem'enservir,cequiestplutôtunebonnechose.15heuresprécises.Jesuisdevantlaportecochèredu16.Jetapesurledigicode3980,lecodequ'il
m'adonnéafindepouvoirdéverrouillerleguichetetpénétrerdanslacour.Aprèsquelquespassousleporche,jetrouvesurmadroiteuneportevitrée.Ilyauninterphone.BOULAY.Jerepèresonnom,puissonne.—C'estLaurence,jevienspourlacolocation.—C'estaucinquième.Mêmedéforméeparlecourantélectrique,savoixsonnejuvénile.Bruitstridentdelagâcheélectrique.J'entredanslehall.Cherchel'ascenseur.Parcoursplusieursfoislepalierdurez-de-chausséepourle
repérer.Jeneletrouvepas.Jefinisparmerésoudreàl'idéequ'iln'yenapas.Etaussiparmerésoudreàl'idéequejevaisdevoirm'enquillercinqétagesàpiedsplusieursfoisparjour.C'estessouffléequej'arriveaucinquième.Lespartiescommunessonttrèspropres.Parquetvitrifiéau
sol.Mursenfibredeverreblancs.Unveluxinondedelumièrelepalier.C'estdéjàdetrèsbonneaugure.Lepalier s'ouvreàdroite suruncouloirplus sombre.Un type s'avanceversmoi.Benjamin.C'estunepetitetouffedepoilsbrune.Coiffureindescriptibleencadranttoutsonvisage.(Unboncoupdeciseauxs'impose.)Delabarbe.Etsurtout,unteinttrèspâle.Iln'estpastrèsgrand.Ilestmêmepluspetitquemoi.Ilfait1mètre65,alorsquemoi,jemesure1mètre70.Ilporteuntee-shirtnoirGhostbustersetunjeanblanc.
—Benjamin.—Laurence.—C'estparici.Jelesuisdanslecouloirsombre,etcinqmètresplusloin,j'entredanscequiseranotreappartement.
Moiquim'attendaisàunlieumansardévuqu'onestaudernierétage,c'estenfaittoutlecontraire.J'arrivedansunegrandepiècerectangulaire,avecunehauteursousplafondplusimportantequeles2mètres50réglementaires. Juste en face de nous, il y a une grande fenêtre à double battants laissant pénétrergénéreusement la lumière.Cettepiècefaitvisiblementofficedechambre.Unlieupourdormirquel'ondevra vraisemblablement partager vu qu'il y a deux couchages une personne. Un lit se trouve dansl'enfiladedel'entrée.Etparallèlementàcelui-ci,colléesurlemurd'enface,ilyaunemezzaninelit.Endessouslamezzaninesetrouveuntrèsgrandbureau.J'aperçoisunordinateurcomposédequatreécrans,dontleurdispositionmefontpenseràuncockpitd'avion.Puis,plusloin,poséssurlatable,unvolantetunpédalier,pourlesjeuxdecourses.Et,c'estsanscomptersurlesnombreusesaffichesdejeuxvidéos:GTAV,RiseoftheTombRaider,FinalFantasyXV...Jemerendscomptequej'aivraimentaffaireàungeekenpuissance.—Ici,commetupeuxleconstater,c'estlachambre,quifaitégalementofficedesalon.Commetupeux
ledeviner,toi,tuoccuperascelitetmoilamezzanine.Jetefaisvisiterlereste.J'avancedanslapièceafindepoursuivremontourdupropriétaire.Leparquetgrince.Ilmedévoilela
cuisine, toutepetite,et lasalle-de-bains,pastrèsgrandenonplusetdépourvuedefenêtre.Ilnefautnis'appelerJoëlRobuchon,niFlipperledauphin,maisçaferal'affaire.Pointpositif,l'appartementesttrèsbienentretenue,riennetraîne.Jesuisétonnée,carcen'estvraimentpasàcequoijem'attendaisdelapartd'ungarçon.Commequoi,lespréjugésontlaviedure!Nous ne nous éternisons pas dans les trous de souris, nous revenons rapidement dans la pièce
principaleafind'avoirdepouvoirrespirernormalement,àpleinpoumons.—Alors,tuesintéressée?—Oui,c'estparfait.—Bonbahtrèsbien,çamarche!Affaireconclue!Tupeuxemménagerquandtuveux.Jetefaissigner
unchèquedecaution,puisjeteremetslesclefs.—Sinon,ons'organisecommentpourlacolocation?—«Ons'organisecomment»,tuveuxdirequoipar-là?—Jeveuxdirepourlarépartitiondestâches,leménage,toutcequiàtraitàlaviequotidienne?—Etbien, ici, tufaisexactementcommesi tuétaischez toi.Jen'aiaucunecontrainteparticulièreà
t'imposer.Detoutefaçon,sachequel'onneseverrapastrop.Jetravailledenuitdansunclubdejeuxvidéos.Doncquandtupartiraspourlafac,jereviendraiicipourdormir.Onneferaquedesecroiser.— Juste une petite précision avant que tu ne le découvres malencontreusement. Je n'y connais
absolumentrienaujeuxvidéos.Çaposeunproblème.Ilsoupirepuis,aprèsavoirmarquéunepause,mejetteunsourire.—Biensûrquenon.Net'inquiètepas,jetedonneraidescours.(Unsilence.)Rassure-moi,tuconnais
Tetris,quandmême.«Pourquiilmeprend?»Jenepeuxm'empêcherd'éclaterderire.
Cecolocatairen'apasl'airtropdérangeantetilmeparaîtmêmeplutôtsympaauxpremiersabords.Ilfaudravoiravec le temps,maiscelameparaîtplutôtbienengagé. Jemedisque j'aiquandmêmeunechanceinouïedepouvoirretombersurmespattesalorsqueCharlottevientdemejeterhierdejenesaisquelétage.Mêmeunchatn'yarriveraitpas.Autrepointpositif:jen'auraispasbesoindesortirmoncouteauàhuîtres,niaujourd'hui,nidansles
joursquiviennent.IlestconnectéenpermanencesursonPCetn'apasl'aird'êtredutoutbranchésurlecul.Visiblement, iln'aque les jeuxvidéosdans savie. Ilyade forteschancespourqu'il soit encorepuceau.Tantmieux,jevaispouvoirvivreicientoutesérénité.
Chapitre5Noussommessamedi,etcelafaitsixjoursquej'aiemménagédansmonnouvelappartement.Lemoins
quel'onpuissedire,c'estmoncolocataireestd'unenaturediscrète.Depuisqu'ilm'aremislesclefslundisoir,jenel'aipasrevu.C'estexactementcommesijelouaisseuleunappartement.Justequelquespetitspoints d'achoppement,mais rien de biengrave.Pour travailler, je n'ai pas de vrai bureau. Je doismecontenterdelatableminusculedelacuisine.Ilyaaussilemanquedeplacards.Iln'yenaqu'unseuldanslecouloir,maisilestdéjàpasmaloccupéparlebazardeBenjamin.Pourlemoment,mesaffairesrestentdansmesvalises,enattendantde trouverunesolution.Leplusgênant,cesontbiensûr lescinqétagesd'escalieràgravirplusieursfoispar jour.Moiquiavais l'habitudedeboirede l'eauenbouteilles, j'airapidement opté pour l'eau du robinet. J'ai pris cette décision juste après avoir remontémon premierpack.Etpuis,jemedisquecechoixestbonpourlaplanète.Carquoideplusécologiquequ'uneeausansemballage?J'ai fait ma réinscription à la fac mardi. J'ai à peu de chose près les mêmes profs que j'avais en
troisièmeannéedelicence,jenevaisdoncpasêtredépaysée.Leseulehic,c'estquejeneconnaisplusgrandemondedansl'amphi.Ilvafalloirquejemefassedenouveauxamis.Çaviendraavecletemps.Jen'arrivetoujourspasàcomprendrelechoixd'Alex,lepourquoidesonexilsiprécipitéàRennes.
J'ai regardé sur le site internet de son université, lemaster qu'il vise n'a rien d'exceptionnel. Je diraimêmequ'ilsetrouveendeçàdeceluideDauphine.(Bon,d'accord,monpointdevueestpeut-êtrealtérédufaitquejerêvequ'ilnequittepasParis,maisentoutcas,c'estmonressenti.)Laseulechose,c'estquel'emballageestbeau.LaplaquettedisponibleenPDFfaitl'éloged'uneformationvousgarantissantuneinsertionprofessionnellelameilleurqu'ilsoit.EspéronsjustequecenesoitpascejolipaquetcadeauquiaitconvaincuAlexd'allerlà-bas.Demain, je vais àRennes pour passerma journée avec lui.Àmoi de trouver lesmots justes pour
l'amener à revenir sur sa décision. Certes, les inscriptions par internet pour la fac de Dauphine sontcloses,maisenserendantausecrétariatetenfaisantunjolisourireàlasecrétaire,ilestencoretoutàfaitpossibledes'inscrire.Ilm'aplutôtétédifficiledefaireensortequ'ilmereçoivedemain,carilesttrèsoccupéàrechercher
un appartement.Oui, contrairement àmoi, il n'a pas eu la chancede trouver la perle dès sa premièrevisite.Ilfautqu'iltrouverapidement,carl'hôtel,cen'estpasgratuit,etçavafinirparcuber.Il patinedans sa recherched'appart', et cela joueplutôt enma faveur.Le fait qu'il n'ait encore rien
trouvé, qu'il n'ait encore aucune attache sur Rennes va me faciliter la tâche pour le convaincre derenonceràsonexil.JeprendsdemainletrainpourRennesenpartancedeMontparnasseà7heures13.Minuit.Jemecouchetoutensachantquejenedormiraipas.Dansmonlit,jevaiscontinueràaffûter
mesarguments,cartoutàl'heure,jen'aiqu'unseulobjectif:ramenerAlexdansmesbagages.
***Lesbocages,leschampsdéfilent.Rennesserapprochent.Dansunevingtainedeminutes,jeseraijuste
enfacedelui.Jesuiscertainequ'ilm'attenddéjààlagare.Àladescentedutrain,jevaistombersurlui.Moncœurbatdeplusenplusvite,plusvitequecetrain.
Letrains'arrêteengare.Jedescends.Ilestlà,justeenfacedemoi.Ilsavaitquejemetrouveraisdans
cewagon,quejedescendraisparcetteporte.Jem'approchedelui,nousnousfaisonslabise.Sabarbedelaveillemepicotelajoue.Non,cen'estpasdumasochismemaisjetrouveçaagréable.Jenesaitpascommententamerlaconversion—jemerendscomptequec'estbienplusfacilelorsquel'onsetrouvedevantunécrand'ordinateur.Matimiditémefaitrougircommeunetomate,ils'enaperçoitforcément.—Levoyages'estbienpassé,medemande-t-il.J'essayedejouerlacartedel'humourpourdégripperlasituation.—Oui.Jecroisquec'estlapremièrefoisdemaviequej'aiuntrainquiarriveàl'heure.Illâcheunsourire.—Alors,commeçaonrevientduJapon?—Alors,commeçaons'exileàRennes?Unautresourire.—Malheureusement, ça va être difficile de t'accueillir dansma chambre d'hôtel, car elle est toute
petite.Moi,cequejetepropose,c'estquejetefassedécouvrirunpeulaville,puisonseposerasuruneterrasse.—OK,çamarche!NousquittonslagaredeRennes.Unbâtimentmoderne,toutenverre,sanscharmeparticulier.—JepensequetufaisuneerreurenrevenantsurParis.Jem'étaisdoutéquecesujetreviendraitrapidementsurletapis.Çan'apasloupé!—Oui,tumel'asdéjàditautéléphone.Maisc'estmonchoix.Etjetefaisremarquerquesijen'étais
pasrevenue,nousn'aurionspaspunousvoir.Ilserendcomptequemadécisionestirrévocable,iln'insistepas.Jegardelecap.Maintenant,c'està
montourdel'asticoter,afind'arriveràmesfins:—Simoi je fais une connerie en revenant àParis, toi tu en fais unemonumentale en t'expatriant à
Rennes.Carjemesuisintéresséeauclassementdesfacs,etcelledeRennesaunecotationtrèsinférieureàDauphine.—Oui,maisça,cenesontquedesclassements.C'estletauxd'embaucheàlasortiequ'ilfautprendre
encompte.—Jem'excusedecequejevaistedire,maisAlex,jetecroyaisbeaucoupmoinscrédulequeça.Tu
saistrèsbienqueleschiffres,onpeutenfairecequel'onveut.Leurplaquetteenpapierglacéestcertestrèsjolie,maiscequ'ilyadessusnereflètepasforcémentlaréalité.»Etpuis,jemesuisrenseignéeàproposdesétudiantsdelapromopassée,poursavoiroùilsontfait
leur stage. Franchement, quand tu regardes le nom des entreprises, ça fait sourire. Toi, tu préfères tecontenterd'une2CVquandtupeuxt'offriruneRollsRoyce.—Merci.C'estgentildesetracasserpourmonavenir.—De rien. Franchement, laisse tomber Rennes et reviens sur Paris. Cette fac, c'est une mauvaise
affaire.—Malheureusement,çarisqued'êtredifficile.J'aidéjàfaitmoninscription.J'airendumonappart'sur
Paris.Et jeviensd'en trouverunsurRennes.Hier, j'avaisunepiste sérieusechezunparticulier, etçac'estconcrétisécematin-même.D'ailleurs,ilm'aappeléjusteavantquetuarrives.Ilmeremetslesclefsdemainmatin.Aïe ! IlestbloquéàRennes ! Ilne faudrapasque jecomptemesheurespasséesdans le trainsi je
souhaitevivreaveclui.
***Nous sommes sur la terrasse d'une brasserie du Vieux Rennes en train de partager un café et un
croissant.Nousparlonsdetoutetderien.Ilestauxalentoursde10heuresdumatin.Auparavant,Alexm'afaitdécouvrirunpeulaville.Pourcela,nousavonsmarchéunebonneheure.J'aibienfaitd'emmenermonparka rouge enplumes car aujourd'hui, il y a duvent.Tout à l'heure, le ciel étaitmenaçant, à unmoment,j'aicruqu'ilallaitpleuvoir.Cejugementneregardequemoi,maisjetrouvequeRennesn'estpasunevilletrèsagréable.Ilyalesmêmesenseignesquepartoutailleurs:unSephora,unH&M,unZara...Aucuncharme.Aucuneoriginalité.Lesheurespassent,nousnedécamponspasdelaterrasse.Nousnousfaisonsservirlerepasdumidi,
puislequatre-heure.Alexestassisenfacedemoi.Nouséchangeonsdesbanalités,nousnousobservons.Les rares foisoùnousnous séparons, c'estpouraller aux toilettes.Notreprésence sans fincommencevisiblementàagacerlegérant.Lacathédralesonnecinqcoup.17heures.Ilesttempspourmoiderejoindredelagare,deréintégrer
manouvellecoloc'.AlexetmoisommessurlequaidutrainpourParis,quipartà17heures27.C'estlemomentdesedire
aurevoir.Unesimplebisenemesuffitpas, j'aienviede l'embrasser.Alors jem'approchede lui,monparka en plumes s'enfonce dans sa veste en cuir, mon slim blanc effleure son jean bleu, je sens del'humiditéauniveaudemonentrejambes...Ilmerepousse.—Non,Laurence,jenepeuxpas.—Pourtant,tutesouviensbiendecequ'ils'estpasséentrenousl'annéedernière?—Oui,maisdisonsquec'étaitunaccident.Cesoir-là,l'alcoolnousafaitfaireunpeun'importequoi.—Tuveuxdirequoiparlà?Quetunem'aimespas?Quec'étaitjusteunehistoiredecul?Pourtant,
touslesmailsqu'onaéchangé...—Non.Sachequej'aidessentimentspourtoi.Maisjenemesenspasprêt.Ilfautquel'onattendeun
peuavantd'allerplusloin.Jem'éloignedeRennesenfaisantunconstatchargéd'amertume.Jen'aipasréussiàfairerevenirAlex
sur Paris. Alex, visiblement encore puceau, ne veut pas s'engager. Les choses se compliquent pourparveniràmesfins.
Chapitre6Voilàmaintenant plusieurs semaines que j'ai emménagéAvenue de Breteuil et une nouvelle routine
commencepeuàpeuà s'installer.Contrairement à celuideCharlotte etde son Jules,monquartier estparticulièrementbienachalandé.Ilyanotammentàdeuxpasdechezmoisunsupérette,unCasinoshop,oùjetetrouvetoutcequejeveux.Jefaisd'ailleurstoutemescourseslà.Plusbesoindeprendrelemétroet de traverser toute la ville comme avant pour faire le ravitaillement.Quant àmon colocataire, c'estvraiment l'homme invisible. Je l'ai juste croisé quelque fois en courant d'air de porte. En tout cas,toujourslesourireetunmotgentil.Visiblement,ilnevienticiquepourdormir...lejour.Ilnemangepaslà,car lesplacardsde lacuisinesontvides.LesseulesdenréescomestiblesquisontensapossessionsontdespacksdeCoca.Ilyaentoujourstroisouquatre,entasséssoussonbureau,danslecoindroit.Audépart,jemedisaisqu'ilavaitbienducouragepourpropulsercespacksdeneufkilosaucinquième,maisenfaitc'estunmalin.Ilnemonterien,c'estunlivreurquisechargedelasalebesogne.Sachantquelaplupart des immeubles de ce quartier sont construits de la même façon — c'est-à-dire dépourvusd'ascenseur—,lepauvreemployédoitavoirledospétéàlafindelajournée.D'ailleurs,laprochainefoisque jemerendraiauCasinoShop, je leurdemanderaicombiende leursmagasinierssontenarrêtmaladiepourcausedelumbagos.Àmonavis,lenombredoitêtreimportant.Pourcequiestquestiondurangement de mes fringues, j'ai réussi à négocier avec Benjamin l'installation de deux vestiaires àroulettes d'unmètre de long chacun. Pour lemoment, nous les avons disposés devant la fenêtre dansl'attentedetrouverunesolutionplusesthétique.QuantàAlex,ilhantetoujoursautantmonesprit.Nouscommuniquonsparmail,maisdepuisquejelui
airenduvisiteàRennes,jeletrouveunpoilmoinssympa,unpeuplusdistant.J'ai l'impressionquejesuisentrainleperdre.J'ail'impressionqu'ilfautquejeréagisserapidementsijeleveux,sinonilrisquedemefilersouslesdoigts.Jen'aipaslechoix,ilfautquejemejetteàl'eau.Quej'aillelevoiretquejeluiavouecequej'aivraimentsur lecœur.Luidirequejesuisamoureusedeluietquejenepeuxpasimaginermonavenirautrementqu'àsescôtés.Maintenant,ilfautquejetrouveuneraisonexpliquantlepourquoid'unevisiteimpromptueàRennes.
Maisj'aidéjàunepetiteidéeàcesujet-là...
***Cesoir,j'aienviedemangerunesoupeauxpoireaux.Alors,ensortantdelafac,jefaisundétourpar
leCasinoshoppouracheterunebottedepoireauxetdelacrèmefraîche.Jepasseencaisse.Rienàdirequantàl'amabilitédupersonnel.Legarsàlacaisse,unpoilplusjeunequemoi,merendlamonnaieaveclesourire.Jequittelemagasin,prendladirectiondemonappartement...Alex?Cen'estpaspossible!Non,çanepasêtrelui!Non, Laurence, tu ne rêves pas. Les cheveux châtains. Le teint bronzé. Le visage en général. La
taille...Cenepeutpasêtrelui.Pourdeuxraisons.Àcetteheure-ci,ilestàlafac,àRennes.Ets'ilavaitétésur
Paris,ilmel'auraitdit.Non,Laurence,c'estbienlui.Regardebiensonvisage.Sestraits.Lapupilledesesyeux.Cenepeut
êtrepersonned'autre.Mêmes'ilavaitunfrèrejumeau,ilnepourraitpasluiressemblerautant.Messensmetrompent.Enréalité,cetypeneluiressemblepasdutout.J'aitellementenviequ'ilsoità
mes côtés que je deviens folle. Mes yeux tordent la réalité. Il suffit que quelqu'un lui ressemblelégèrementpourquejecroisquec'estlui.Non,Laurence,tuvoistrèsbien.Tun'aspasbesoindeconsulterunpsy,nid'allerchezOptic2000.Pourmeviderlatête,jevaisjoueràunjeu.Quandj'étaisgamine,ilm'arrivaitdesuivredesgensau
hasarddanslarue.Tiens!Lequadragénairebrunquipassedevantmoi,jelesuis!Non,Laurence,tonjeu,cen'estpasdrôle.Vingt minutes de métro émaillés d'un correspondance. Puis cinq minutes de marche à pieds... Je
découvrequecetinconnuserenddanslequartierPigalleetentredansleSexodrome.Constat:unehallucinationvisuelleetunjeudepsychopathe,jesuisvraimentunemaladementale.
***Troisjoursplustard.Lesoirenrevenantdelafac.JesorsduCasinoshop...Non,là,c'estducomique
derépétition.Le«sosie»setrouvesurletrottoird'enface.Laurence,situasundoute,tusaistrèsbienqu'ilexisteunmoyensimplepourenavoirlecœurnet...Je ne peux plusme contrôler. Je laissemon inconscientme piloter. Je sorsmon portable et essaie
d'appelerAlex...C'estbien,Laurence.Tudevraism'écouterplussouvent.Moncœurcessedebattre.Jenepeuxplusrespirer.Jesuisparalysée,jemesensaussirigidequ'une
statue.Etaussifragile...—Laurence?Laurence?TuvoisLaurence,quic'estqu'avaitraison?Jenepeuxpas lui répondre.Dansmatétanie,mamains'estouverteetmoncellulaires'est fracassé
contrelegoudron.Qu'est-cequejefais?Jetraverselaruepourallerlevoir?Non,onvajoueràunjeu.Çavaêtreplus
drôle...MétroSaintFrançois-Xavier—Ligne13(Mastationdemétro)CorrespondanceàDenfert-Rocherau.Ligne4directionMairiedeMontrouge.DescenteàAlésia.MaisAlésia,c'estlastationdeCharlotteetdesonJules.Ilneserendquandmêmepaschezeux.
Non,ildoitserendrechezquelqu'unquihabitedanslemêmequartier.Bahsi,Laurence,ilserendchezCharlotte.Tuveuxqu'ilailleoùdanscettedirection?Jepoursuismafilature.LecercleseressertautourdechezCharlotteetsonJules.Merde!Ilrentrechez
Charlotte.Qu'est-cequ'ilvafoutrechezelleàcetteheure-ci?Qu'est-cequejefais?Jesonnechezeuxetjevaislesvoir?Non,ilesthorsdequestionquejerevois
Charlottedemonvivant.Qu'est-cequ'ilfaitchezCharlotteàcetteheure-ci?Etpourquoinem'a-t-ilpasditqu'ilétaitdepassage
surParisaujourd'hui?Laurence,tun'auraispasunepetiteidée?Justeunetoutepetite?Non,pasça!Afind'évacuertoutespenséesnauséabondes,ilfautquejetéléphoneleplusvitepossibleàAlexpour
m'assurerdesasincérité.Moncœurbatlachamade,j'aihorreurdevivredansledoute.Maisjen'aiplusdetéléphone.J'aipulvériséceluiquej'avaissurletrottoirdevantlasupérette,inutile
dedirequ'ilnefonctionneplus.« Pouvez-vousme prêter votre téléphone ? » Je parcours la rue, questionne tout les passants, et la
réponseesttoujourslamême:«non».Untéléphone,vite!Orange.C'estquandlasolutionsetrouvesousnosyeuxqu'onnelavoitpas.IlyauneboutiqueoùilsvendentdestéléphonesjusteenfacedechezCharlotteetsonJules.Je regarde dansmon porte-monnaie.Un billet de 20. Est-ce qu'on peut avoir un téléphone avec 20
euros?J'endoutemaisallonsvoirquandmême.Ilfautquejesache.J'aide lachance, laboutiqueestdéserte.Levendeurestun jeunebrundumêmeâgequemoi. Ilme
sautedessusdèsquejefranchislepasdeporte.—Bonjour,vousvenezpourquoi?—Pourremplacermontéléphone.J'aieuunpetitsouciaveclemien.Jeluiprésentemontéléphonedétruit.Ilrit:—Ahoui,ças'impose.Ilm'orienteverslesvitrinesoùsontexposéslestéléphones.—Alors vous vous orientez vers quelle offre ? Un mobile nu ? Ou une offre avec abonnement ?
Actuellement, il faut savoir qu'avec le lancement du nouvel iPhone, nous proposons une offre « sérielimitée»trèsintéressante.20%deréductionsurleprixdel'abonnementlesdeuxpremièresannée.Vite,vite!Jem'enmoquedesaréclame.Untéléphone,jetedemande!—Jecherchejusteuntéléphonequinefassequetéléphone.—Etvousavezunbudgetdecombien?—Vingteuros.
Quand je lui annonce la somme, je me rends compte qu'il se moque de moi. Mais il arriveparticulièrementbienàlecamoufler.Unejeunecommemoidoitenprincipeêtrebranchée4G,pasavoiruntéléphonepourpersonnedeplusde75ans.—Vousavezcemodèleà19euros99,àécrancristauxliquides,noiretblanc.—Parfait.Ilsortletéléphoned'unplacardsetrouvantendessousdelavitrine.Jepasseencaisse.Ilmerendle
uncentime.—Vousvoulezquejevousfasseunefacture?—Non,çaira.Merci,aurevoir.—C'estmoiquivousremercie.Aurevoir,Madame.Jesorsdumagasin.Extraislecellulairedesoncarton.InsèrelacarteSIM.Moncœurbatdeplusenplusvite.Patience,dansuneseconde,jeserairassurée.Ouhorsdetesgonds,Laurence.Situluitéléphones,c'estquetuasquandmêmeundoute.—AllôAlex,c'estLaurence.—Oui,j'aivuquetuavaisessayédem'appelertoutàl'heure.—Actuellement,tuesoù?—Bah,àRennes.Pourquoicettequestion?
Chapitre7—Madame,vousm'entendez?Autourdemoi, labrumesedissipepeuàpeu.Levendeurde laboutiquede télécomsematérialise
lentement.Jemerendcomptequej'aiperduconnaissance,quejesuisallongéesurletrottoir,quejesuistombée.Apprendrequ'AlexétaitlepetitcopaindeLaurencem'amisehorsdemoi.Monespritn'apaspuencaisser ce violent choc émotionnel. Mon cerveau s'est déconnecté quelques instants. L'homme estaccroupiàcôtédemoi,ilestàmonchevet.—Nevousinquiétezpas!Lessecourssontenroute.J'aiappeléuneambulance,ellenevapastarderà
arriver.Uneambulancequivam'emmenerauxurgences...Jen'aipasenvied'alleràl'hôpital,surtoutquejene
ressens aucunedouleur. J'amorcemonélévationquand lemecd'Orangeposebrusquement samain surmonbraspourinterrompremonmouvement.—Jen'aipasbesoind'alleràl'hôpital,luidis-je.Jen'aimalnullepart.—Vous n'avez pas encoremal car pour lemoment, votre corps sécrète des endorphines.Mais très
bientôt, croyez-moi, vous allez hurler de douleur. Car vous avez une sacrée plaie derrière la tête.Pratiquementdixcentimètres.Ilvafalloirvousrecoudre.Bon,ilvayavoirunpassageparlacasehôpital.Paslechoix.Pendantquej'attendsl'ambulance,levendeurramassemontéléphone.Enfin,cequ'ilenreste.Bouts
deplastiquenoirs.Circuitsimprimésenmiettes.Unécrancristauxliquidesquifuit...Lascèneserépète.Mevoilàrevenuedanslasituationquiétaitlamiennedeuxheuresplustôt.Ilfautquejeremplacemoncellulaire.Unetellehistoirerelèveducomiquederépétition,celamefaitsourire.Celafaitaussisourirelevendeur.Enregardantsonvisage,jecomprendssespensées:«Pasdepot,cetéléphoneàeuuneviecourte.Ilvafalloirencoreleremplacer.»Unescènequiserépète,maisavecunpetitbémol,toutefois.Contrairementàdeuxheuresplustôt,je
n'aipasd'argent.L'effetdesendorphines sedissipeet je commenceàavoirmalderrière la tête. Jene suispasd'une
nature douillette, aussi, cette douleur est tout à fait supportable. Les pompiers arrivent, m'appliqueaussitôt des compresses homéostatiques sur le crâne afin de calmer l'épanchement de sang. Puis ilsm'installentsurunbrancardetmechargentdansl'ambulance.Alorsqu'ilss'apprêtentàm'enfermerdanslevéhicule,legarsd'Orangetentederentrer.—J'aiquelquechoseàluidonneravantquevousl'embarquiezàl'hôpital,dit-ilauxpompiers.Jen'aiaucuneidéedecequ'ilveutm'offrir,mais jenevaispas tarderà lesavoir...Unambulancier
s'approche demoi etme remet un carton en tout point semblable à celui que j'avais en sortant de laboutique.Untéléphoneneuf.—C'est gentil, mais je ne peux pas accepter, je n'ai pas d'argent, dis-je suffisamment fort afin de
couvrirlebruitdumoteur.—Çanevouscoûterarien.C'estjusteunéchange.Jevaisrenvoyeràl'usinelemodèlequevousavez
détruitenleurexpliquantqu'ilyaeuunproblèmedansletransport.Bellecombine.Nouséchangeonsunsourire.
—Merci.Mercipourtoutcequevousfaitespourmoi.—Vousn'avezpasàmeremercier.Çanemecoûterien.Sijepeuxrendreservice,jelefaisvolontiers.Pas le tempsde luidire« au revoir»,puisqu'il disparaît brutalementderrièredeuxportes enacier
imposantes.L'ambulancepartentrombeversl'hôpital,sirènehurlante.Une fois arrivée auxurgences, onmeprenden chargepresque aussitôt.Une infirmière s'armed'une
tondeuseetcréeuneentailledansmachevelureblonde.Unebanderectiligned'uncentimètresetdemidelargedepartetd'autredelaplaieetdedixcentimètresdelong.Jenedramatisepastrop.Vuquej'ailescheveux longs, ilmesera faciledecamouflercetteencocheen laissantmescheveuxdétachés.Puisunmédecinmefaithuitpointsdesuture.Etc'estlàquejedégusteleplus.Alex,regardedansquellesituationjememetspourt'avoirdansmesbras.N'est-cepasunepreuve
d'amour?Malheureusement,tuaimesuneautre...
***Duvert,duvertpartout.Çafaittoutdrôlederevenirici.Mevoilàchezmesparents,plusd'unanqueje
nelesavaispasvus.MesdaronshabitentenNormandie,ausudduMont-Saint-Michel,dansunhameaudequelquesmaisonsperdudanslesprés.Autourdeleurbâtisse,despâturagesetdesvachesàpertedevue.Pourvenirici,j'aiprisletraincematinà7heures13àSaint-LazareetjesuisarrivéeàAvranchesà12heures05.Mamèreestvenuemechercherpourfaireenvoiturelescinquantekilomètresrestants.Àprésent,jemetrouvechezeux.Jeviensdem'asseoirdanslecanapédusalon.Jebalaiedesyeuxlapièce.Poutresetmeublesenchênesvieillots.Papierspeintsdéfraîchis.Aucun
changement.Ladécoestrustique.D'ailleurs,c'esttoutelamaisonquiestàcetteimage.Jeregardemonpère,quiestassisdanslefauteuilenfacedemoi.Ilapprochedelacinquantaineetson
visageestdéjàbienridé.Sescheveuxsonttoutblancs,coupésàras.Cetavisn'engagequemoi,maisjenetrouvepasquecettecoupedecheveuxlemetteenvaleur.Coiffédelasorte,ilfait«bourru»...cequin'estpasloind'êtrelerefletdelui-mêmepuisqu'ilnetardeàmesermonner.—Alors,commeça,onabandonneleJapon?—Oui,là-bas,jemesensseule,jedéprime.Unansansvousvoir,tunepeuxpasterendrecompteà
quelpointç'apuêtrelong.—Tuterendscomptedelaconneriequetuasfaite?Nous,onsesaignelesveinespourpouvoirte
payerdesétudes,quetuesunavenirmeilleurquelenôtre,ettoi,tumedis,unansansnousvoir,c'esttroplong?Uneviesansboulot,àvivresouslesponts,çarisqued'êtrelong.—Mais,iln'yapasbesoind'allerauJaponpouravoiruntravail...—Qu'est-ceque tuentendspar« travail»?Finircaissièredansun supermarché,pour toi, c'estun
travail?Tuaseulachanced'intégreruneuniversitéderenom,depouvoirviserunboulothautplacé,ettoi,tumetstoutàlapoubelle,suruncoupdetête.Tupréfèrestecontenteruneplacerasdespâquerettes.Ça y est ! La locomotive est lancée.Mon père fait un peu de modélisme ferroviaire à ses heures
perdues,etquandletrainestenmarche,iln'estpluspossibledel'arrêter.Sonvisagedevientdeplusenplusrouge.Satêtenetardepasàdevenirunbouletdecharbonincandescent.J'essaiedeleraisonner:—Tudisn'importequoi.LemasterdelafacDauphineesttrèsbien,cen'estpasuneformationpour
fairecaissière.—Peut-être,maistuavaislapossibilitédefaireencoremieux,doncjenetecomprendspas.—L'essentieldanslavie,c'estd'êtreheureux.—Ceuxquidisentquel'argentnefaitpaslebonheurontfauxsurtoutelaligne.Regarde-nous,moiet
Maman,dansquellesituationonsetrouve.Tuveuxpeut-êtrerependrenotreexploitation,regarderenfindemoiss'ilteresteuncentimepourt'acheteràbouffer?Aveclesaidesdel'Europequisontdeplusenplusfaible,jenesaismêmepassijevaispouvoirencoretenirdixans,jusqu'àlaretraite.Laurence,tuviens de faire une sacrée connerie. Je pensais que ma fille était suffisamment intelligente pourcomprendreça,maisvisiblement,jemesuistrompé.Aprèsceremontagedebretellesenbonneetdueforme,jeparsrejoindreClémentine,mapetitesœur
dehuitans—mavraiesœur.Ilyaquatorzeannéesd'écartentrenousdeux.Mamèrem'aeuàvingtans.Àtrente-quatre,elles'estlaisséetenterparunenouvellematernité.Jerentredanssachambre,chambrequiétaitlamiennequandj'étaispetite.Aujourd'hui,vuquejene
viensplussouventàlamaison,jemesuisexpatriéesurleconvertibledusalon.Dupapierpeintàfleurssuranné.Untoutpetitlitblanc.Delamoquettepoussiéreuse...celieun'apas
changéd'unpouce.Cettepièceestchargéedesouvenirs.Debonscommedemoinsbons.Jepenseàtouscesmomentsde solitudes—desaprès-midi entières !—où j'étais seuleàmebattrecontre le temps,aveccommeuniquearme,mespoupées.Qu'est-cequel'onpeutsesentirseulquandonestenfant.Mesparentsm'abandonnaientdanscetendroit,unesortedeboîteàchaussuresde8m²,àmoidetuerletemps.Ma sœurest assise en tailleur aumilieude lapièce.Elle joueà lapoupée, jemem'assieds à côté
d'elle.J'observelascène.Barbie«agentsecret»etKensontcollésl'uncontrel'autre...—Kenestentraindeluifairedubouche-à-boucheàBarbiepourlaréanimer.Maisenfait,cen'estpas
vrai.Ellen'arien.Ellefaitsemblantd'avoireuunaccidentpourqu'illuifassepleindebisous.Coquine!—Disdonc,c'estuntrucdegrand,ça.Tuesdrôlementenavancesurtontemps.J'aienviedejouerunpeuavecelle.—Tiens,prête-moitesamoureux!Ellemedonnelecoupleavecunpeuderéticence.Queva-t-illeurarriver?Je fouille dans la caisse de poupées qui se trouve par terre à côté de nous et je sors une Barbie
arborantunetenuedesoirée.—Elle,nousl'appelleronsCharlotte.—Oui,merépond-elletimidement.—Maintenant,imaginonsqueCharlotteaitvoléKenàBarbie«agentsecret».(JerapprocheKende
Charlotte.Éloignel'agentsecret.)QueferaitBarbie«agentsecret»?—Bah,elleferaittoutpourrécupérerKen.—Etelles'yprendraitcomment?—Charlotteestunevoleuse.Ilfautqu'ellelatue.—Latuer?Tusaistrèsbienquesiellelatue,ellefinirasavieenprison.Non,ilfautqu'elletrouve
uneautresolution...
—Si,ellepeutlatuer.C'estunagentsecret.Lapolicenepourrajamaislaretrouver.Pourlecoup,cen'estplusBarbie«agentsecret»,maisBarbieTuriquequiempoisonnetouslesgens
quisetrouventsursonpassage.Cequemeracontemapetitesœurm'émeutparticulièrement.Jenepeuxm'empêcherdelâcherunelarme.—Qu'est-cequet'asgrandesœur?medemande-t-elleavecsatoutepetitevoix.—Riendutout.Maisentoutcas,tuasdelachancedevoirleschosescommeça.Tuveuxunconseil:
restejeune,nevieillitpas.Aiestoutetaviesixans.TuseraslaplusheureusedesfillessurcetteTerre.Notremèredébouledans lapièce, ellenousprendpar surprise.ContrairementàPapa, le tempsn'a
aucuneactionsurelle.Depuisquejelaconnais,elleatoujourslamêmetête,toujourssescheveuxbrunsbouclésquiencadrentsonvisage.—Disdonc,tun'espasunpeugrandepourjoueràlapoupée.Heureusement,quetonpèren'estpaslà.
S'iltevoyaitentraindet'amusercommeunegaminedehuitans,ilrisqueraitd'avoirunecrisecardiaque.Tu veux un conseil : si j'étais à ta place, j'irais dans ma chambre. Et fais un minimum semblant detravaillerpourl'école.Jepensequeçavaudraitmieuxpourtoi.
Chapitre8Quelquesjoursplustard.ÀParis,dansmonappartement.Auxalentoursde18heures.Alexn'ad'yeuxquepourCharlotte, je l'aibiencompris. Jenecompte rienpour lui. Jesorsdemon
porte-feuilles l'unique photo que j'ai de lui, un briquet. Jemets le feu au cliché. Voir son portrait seconsumerlentementmefaitunbienfou.Notrehistoiren'estàprésentqueplustasdecendre,ilfautquejepasseàautrechose,leplusvitepossible.C'estuneurgencevitale.J'aibesoindemeretrouverdanslesbrasd'unautredèscesoir.Unrestobienarrosé.Del'alcoolpuis
desexe.Cen'estpeut-êtrepaslameilleurfaçonquimepermettradel'oublier,maisdansl'immédiat,jen'envoispasd'autre.Alors, jem'inscris sur Tinder. Je crée rapidementmon profil, avec comme photo demoi un selfie.
J'appuiesurcœursurunecinquantainedephotosd'hommesquiseprésenteàmoi.It'saMatch!VousetJosephavaitindiquéquevousvousplaisez.Laphotod'unhommedecinquante
anssetrouveàcôtédelamienne,letypemefaitpenseràl'acteurPierreArditi.Ilaàpeuprèslemêmeâgequemonpère.Peuimporte,jepasseraimasoiréeaveclui.Nous chattons pendant quelquesminutes, et nous convenons d'un dîner au restaurant. Il passerame
chercherenvoitureàmonappartementcesoirà20heures,soitdansdeuxpetitesheures.Jemeprépare.J'optepourunepetiterobenoireassezlégère.Lenoirmesembleunassezbonchoix,
carilvamepermettrededissimulermesquelqueskilosentrop.J'aienviederesternaturelle,alorsjememetsjusteunepetitetouchedeparfumetjememaquilleavecparcimonie.Je suis un peu stressée. Car c'estmon premier rendez-vous de la sorte et je ne sais pas trop bien
commentcelavasepasser.20heures.Jedescends.Jen'aipasbesoindel'attendre,carsavoiture—uneMercedesnoireclasseA
—estarrêtéedanslecouloirdebus.Jemonteàcôtédelui.Ilmejetteunpetitsourire,accompagnédecesmots:—Vousêtestrèssexy!Ilcommenceparmemettreenconfiance,j'apprécie.—Merci,c'estgentil.—Pourlerestaurant,voussouhaitezuneadresseparticulière?—Non,en fait,pourêtre francheethonnêteavecvous,misàpart lespizzeriaset lesMcDo, jene
connaispastropdebonrestos.Doncsivousconnaissezunebonnetablequ'ilvoustientàcœurdemefairedécouvrir,n'hésitezpas.Cequejeviensdeluidirelefaitrire.—Trèsbien,nousallonsnousrendreauDanubeBleu,dansleIXe.
Au restaurant. Le Danube Bleu est un endroit très chic. Nous entrons dans une grande salle
rectangulaire.Ilyaunetrentainedetables,lamoitiéd'entreellesestdéjàoccupée.Surlagauche,ilyades tables unpeuplus à l'écart, séparées par des paravents. Nousoptonspour l'uned'entre elles.Leserveurvientversnouspournousdonnerlescartes,nousregardonslesmenus.Jechoisisdecommencer
parunverredevinrougebiencorsépourmedétendre.Luichoisitunwhisky.Ilengagelepremierlaconversation.Ilcomprendquejesuisunpeuangoissée.—Visiblement,c'estlapremièrefoisquevousparticiperàcegenrederendez-vous?—Oui.—Etqu'est-cequivousafaitfranchirlepas?—Enfait,voilà,ilyamoinsd'unesemaine,j'aidécouvertquemoncopainmetrompait,etj'aienvie
detournerlapageleplusvitepossible.Ilfautquejemeretrouvedanslesbrasd'unautre,neserait-cequ'unesoirée.—Jevois.Je regarde son annulaire gauche, histoire de vérifier quelque chose. Il a une alliance. Il s'est rendu
comptedemonmouvementoculaire.Celadevraitl'indisposer,maisnon.—J'aibesoindemaîtresses,m'explique-t-il.Mafemmealemêmeâgequemoi,etcommentdire,avec
les années, ses performances ne sont plus les mêmes. J'ai besoin de sang neuf. Pour être combléphysiquementmaispasque.Àvraidire,jenerecherchepasparticulièrementl'orgasme.Làoùj'éprouveleplusdeplaisir,c'estquandunefemmejouit,quandjeconstatequejesuisarrivéàlarendreheureuse.Vouspouvezvoussentirrassurée.Contrairementàtouscesjeunotscommevotrecopain,jesuisunhommed'expérience.Foiegrasdecanard,confitdefiguesenentrée.Magretdecanardaupoivresvertsavecsespommesde
terresautéesenplat.Crèmeàlavanillebourbonendessert.Nousprenonstouslesdeuxlemêmemenu.Nousmangeonsrapidement,l'espritailleurs.Nousn'avonsqu'uneseuleidéeentête:serendreàl'hôtel,attaquerladeuxièmepartiedelasoirée.J'hallucine.C'est l'hôteldans lequel jemesuis rendue ilyaquelques semainesaprèsqueCharlotte
m'estmise à la rue. Sacrée coïncidence, surtout que comme pour le resto, j'ai laissé carte blanche àJosephpourl'hôtel.Maiscechoixs'expliquesimplement.Commejel'avaisconstaté,celieuestbienlebaisodrômedeParis,lepointdechutepourlesrelationsextra-conjugales.—Bébé,laisse-toialler,détends-toi…Tun’aurasrienàfaire,jevaism’occuperdetout,jevaisbien
m’occuperdetoi….Tuassimplementàtelaisserfaire,ettoutsepasserabien.Nous venons d'entrer dans la chambre, ou plutôt le chalet en pin, et ce n'est plus du tout lemême
homme!Ilacarrémentchangédeton.Ilalaissétomberlevouvoiementpourundouxtutoiement.Normal,ilserendcomptequejesuisangoissée,quejenesaispasdutoutcommentcelavasepasser,alorsilfaittoutpourmetranquilliser.Maispourquoidevrais-jeavoirpeur?J'aiaffaireàunhommemûr,unhommemarié, qui a de nombreuses infidélités à son actif. Comme il me l'a dit plus tôt au restaurant, il saitcomment s'y prendre avec les femmes, il sait les combler. Il va bien s'occuper demoi, je n'ai aucunecrainteàavoir.Ilfautquejemelaissefaire.Alorsjefermelesyeux,m'abandonneàlui,àsonsouffle,àsesmainsqui
glissentsurmarobepouratteindremataille.Jesensseslèvresquidécouvrentladouceurdemapeau,sonnezquihumemonparfum.Enunmouvement,ilpassel'unedesesmainssousmarobe.Jefrissonneensentantsesdoigtsremontermacuisse.
Il a envie d'aller plus loin, moi aussi. Alors je l'aide à défaire ma robe. Quand je suis en sous-vêtements, il s'approche à nouveau demoi. Visiblement, mes rondeurs dévoilées au grand jour ne lerebutepas.Jesensànouveausamainremontermacuisse.Undesesdoigtspassesousmonstring,entredansmonvagin,entameunmouvementdeva-et-vient.Ilseglissedansmeschairslesplusintimes,aussiloinquepossible.Unhommemarié,d'expérience,dumêmeâgequemonpèreestentraindemedoigter.Le plaisir que je ressens est déroutant.C'est la première fois que je perçois une pareille humidité auniveaudemonentrejambes.Celan'astrictementrienàvoiravecmesplaisirssolitaires.Il aenvied'allerencoreplus loin,moiaussi.Alors il retire sondoigt, enlèveavecdélicatessemon
stringetmonsoutien-gorge.Puisils'écartelégèrementdemoi.Ilôtesachemiseblanche,sonpantalonentergalnoir.LesexedelastatueDaviddeMichelAngeapparaît—enfin,unboxersur lequel ilest imprimé.Je
trouvequecelaluivabien.Sacapacitéàcomblerlesfemmessemblecomparableàuneœuvred'art.Ilmeprendunemain.L'approchedesoncaleçon.M'inviteàlarentrerdedans.J'hésitepuisrefuse.Je
medésolidarisedeluietjereculed'unpas.—Bébé,pourquoituaspeur?Ilnefautpasavoirpeur.Tuesensécuritéavecmoi...Non,jen'aipasàavoirpeur.Alorsjefaisunpasenavantetjeglissemamaindanssonboxer.Elle
entreaussitôtencontactavecsonmembredoux,chaud,dressé,tendudeplaisir,gorgédedésir.Puis,ilreprendmamain,l'aideàdescendresonboxer.Maintenant,ilestnu.Commemoi.0vêtementpartout.Noussommesàégalité.—Bébé,tuveuxquel'oncontinue.J'ignore pourquoi mais je suis incapable de parler. Je hoche simplement la tête en guise
d’acquiescement.Alors ilmeprenddans sesbrasetm'allonge sur le lit. Il écartemes jambesavecdélicatesse, je le
laisse faire. Il se pose surmoi. Nous nous quittons pas des yeux tandis que son gland soyeux glissemillimètreaprèsmillimètredansmeschairsintimes...Sonmembrearriveaufond,jenepeuxm'empêcherdefermerlesyeuxetsavourercettesensationquim'étaitjusquelàencoreinconnue.—Jenesaispassionauraitdûfairecequel'onvientdefaire?—Bébé,pourquoitudisça,jet'airenduheureuse,non?—Alex...—Alext'atrompée,c'estnormalquetupassesàautrechose...—Enfait,jel'aimetoujours.J'essaiedel'effacerdemonesprit,maisjen'yarrivepas.Jen'envisage
paspassermavieavecquelqu'und'autrequelui.Charlottemel'avolémaisilestàmoi.J'aienviedetoutfairepourlerécupérer.Maisjenesaispascommentm'yprendre.—Jevois.Silence.Ilréfléchit.Visiblement,mesaléassentimentauxletouchent.— Je connais une psychologue— hypnothérapeute. Nathalie Hautois. C'est une amie à moi. Elle
pratique la thérapie de couple.Raconte-lui ton histoire, peut-être pourra-t-elle t'aider. Je n'ai pas sonnumérosurmoi.CherchesurlesPagesJaunes,tulatrouveras.
Chapitre9Jesuisdansmonappartement,allongéesurmonlit.Lesoleilestlà,ilestauxalentoursdedixheures
dumatin,etjen'aipasenviedemelever.Jeregrettefranchementcequej'aifaithieravecJoseph.Celaétaitdénuédesens.Jemesuisfaitsauter
par un type qui aurait très bien pu êtremon père. En y repensant, jeme dis que c'est dégoûtant. J'aivraimentl'impressiond'êtreunepute.Uneputequirecherchaitungigolo,carpourmoi,Josephn'avaitpasplusdevaleurqueça.Jenerecherchaisqu'àsatisfaireunbesoinphysique,toutcommelui.Jemedétesteenconstantquejesuistombéesibas.Pourrais-jeencoremeregarderdansunmiroir?Jen'ensaisrien.En tout cas, ce qui est certain, c'est quemon entrejambes est souillé à tout jamais. Il en portera lesstigmatesjusqu'àlafindemesjours.Maintenant,quelvaêtremonavenir?J'enaipaslamoindreidée.Jeregardesurmagauche,jevois
toutlematérielinformatiquedeBenjamin.Jemedisquejedevraispeut-êtrefairecommelui.Melancerdanslesjeuxvidéos,m'abrutir,nepluspenseràrien.Moncerveauseraitdévitalisé,moncorpsneseraitplusqu'unecarcassevide,ceseraitpeut-êtremieuxainsi.Jeregardelevolantetlapairedepédales.Jeme vois en train de rouler pendant des heures, sur des circuits de Formule 1 virtuels, l'esprit hagard.Devenirunenolife,c'estpeut-êtreçalasolution.Alex.C'estdemafautesicelan'apasmarchéentrenous.Pireencore,j'ail'impressionqu'ils'éloigne
chaquesecondedavantagedemoi.Pasplus tardqu'hier, j'aibrûlé laseulephotoquej'avaisdelui.Sareprésentation physique que j'ai dansmon esprit s'évapore peu à peu. Son portrait ne va pas tarder àsombrerdanslenéant.Lepointfinaldenotrehistoireestproche.Ai-jeencoreunechancedepourvoir renouerun jouravecAlex?Mongigolom'aconseilléedeme
faireaiderpourl'unedesesconnaissances,NathalieHautois,maisjemetâte.Jen'aijamaiseuconfiancedanslecorpsmédical,encoremoinsdanslespsys.
Chapitre10Bahd'accord!Jerisquedepassermasoiréedanslasalled'attente!Peut-êtreserai-jeressortieavant
minuit?Je regardemamontre. 17 heures 55.NathalieHautois doitme recevoir à 18 heures, et il y a une
dizainedepersonnesquiattendentleurtour.Ilvafalloirquejememontrepatiente!Jem'avancedanslasalle.Jeconstatequ'iln'yaquedesseniorsautourdemoi.C'estàcroirequeje
suislaseulejeunefemmesurTerrequiaitdesproblèmes.Uneexemplaireunique.Jevais avoir le tempsd'apprécier le décorumde lapièce.Une salle rectangulaire.Boiseries àmi-
hauteur.Peintureblanchecrasseuse.Desfauteuilsenmoussenoirsquiontduvécu.Unehalogèneflanquéedansuncoin.Del'autrecôté,unetableavecposéesdessusdesrevus,qui,vuleurétat,ontsouffertd'unpassageintensif.Jem'approchedelatableafindetrouveruncatalogueàmemettresousladent,histoiredemeublerl'attente.Maiscequejecraignaisseconfirme:lesmagazineslesplusrécentsontdeuxans!Qu'ois-je?Unefemmevientd'appelermonnom.Jemeretourne.Jesupposequ'il s'agitdeMadame
Hautois,puisqu'ellemefaitsignedelasuivre.Ouf!Onnem'infligerapasàlirependantplusieursheuresdesnewspeoplepérimées. Je fais l'hypothèseque cette salled'attentedoit êtrepartagerparplusieurspraticiens,c'estpourcelaqu'ilyatantdemonde.Lapsychologuea la soixantaine.Elleestbronzée, ses ridessonmarqués.Elleportedesdemi-lunes
bleuessurleboutdesonnez.Sesincisivesavantmefontpenseràcellesd'unlapin.Sescheveuxattirentmonattention.Elleestblonde,maissoncarréesttrèsparticulier.Elleaajoutéàcettecoupeclassiqueunefrangeincertainequisembleavoirétécoupéeàlava-vite.Eneffet,lesmèchesdesafrangenesontpasdelamêmelongueur.Intentionnelouabusdeciseaux?Ilfaudraitquejeposelaquestionàelleouàsoncoiffeurpourenavoirlaréponse.J'entredanssoncabinet.Ellem'inviteàm'asseoirfaceàelle,devantsonbureau.—Alors,jevousécoute.Celan'ajamaisétél'amourfouentremoilesgensenblousesblanches.Maisaupointoùj'ensuis,j'ai
décidédelaisserunechanceàcettepsy.Detoutefaçon,danslasituationdanslaquellejemetrouve,ilseraitdifficilepourmoidetomberplus.Ilvamaintenantquejeluiracontemonhistoire,etjenesaispastropcommentm'yprendre.Jemelanceenmettantdirectementlespiedsdansleplat.—Voici lepourquoidemavenue. Je suis amoureused'unhomme, et il se trouvequemameilleure
amiemel'avolé.J'aimeraisquevousmedonniezdesclefsafinquejepuisselerécupérer.—Jecomprendsquecettesituationestparticulièrementdouloureusepourvous.Parlez-moiunpeude
votreamoureux.Sonnom,sonâge,cequ'ilfait.—Ils'appelleAlexandreCouturier,maistoutlemondel'appelleAlex.Ilalemêmeâgequemoi,22
ans.Ilestétudiant,enmasterdedroit.Moi,jesuisenmasterd'économie.—Etvousvousêtesrencontréscomment?Depuiscombiendetempsdurevotrerelation.—C'étaitaumoisdejuindel'annéedernière,lorsdelasoiréededésintégration.Ons'estrencontrés
surledancefloor.Luicherchaitunedanseuse,moiuncavalier:çaétaitaussitôtlecoupdefoudre.—Etcommentaévoluévotrerelationdepuisce«premierjour»?—Malheureusement,nosétudesnousontéloignés.Danslecadred'unpland'échange,jepartaistrois
joursplustardpourleJaponafindefairemonmasterlà-bas.Notrerelations'estpoursuiviparinternet,nousavonséchangédesmails.—Maisvousvousêtesquandmêmerevuspendantl'année?Ilvousestarrivédefairedessautsen
France,oùqueluisoitvenuauJapon?—Non,nousn'avonscommuniquéuniquementpasinternet.Audelàduprix,revenirenFrancepourne
serait-cepasserquequelquesjours,c'esttrèsdifficileàorganiser.Carilydescontraintesd'emploidutempsetilfautréussiràcaserlesquaranteheuresdevoyage,sionprendencomptel'aller-retour.—Jevois.Etquelleétaitla«teneur»devosmails?—Ilyavaitdelacomplicitéentrenous,c'estcertain,maisjesentaisqu'ilavaitdumalàmedirece
qu'ilavaitvraimentsurlecœur.Quantàmoi,j'aifaitensortedenepastroplebrusquer.J'aipréféréluilaisserdutemps,iln'étaitpasprêt.—Jevois.VousêtesrevenusenFrancedepuisquand?—Celafaitunmois.—Etvousvousêtesrevusdepuis?—Non.Enfait,oui.Jel'aicroiséparhasard,c'estàcemoment-làquej'aidécouvertquemonamieme
l'avaitvolé.—Etvotreamie,quellegenrederelationentretenez-vousensemble?C'estuneamieproche,ouc'est
justeunesimpleconnaissance?—Elle s'appelleCharlotte.Maisvouspouvezdirequec'estma sœur—en tout casque c'étaitma
sœur—tellementc'était fusionnelentrenous.Maisdepuisqu'ilyaeuceclash,nousnenoussommesplusjamaisadressélaparole.—Ledialogue!Ledialogue!Ledialogue!medit-elleenprenantuneintonationlyrique.Laurence,le
dialogue,c'estlaclefdetout!AvecCharlotte,vousentretenezunerelationconflictuelle.Cen'estpasàmoidedirecequevousdevezfairepourqueçaaillemieux,carvouslesavez.Moi,jesuisjustelàpourvousaidez.ElleveutquejerendrevisiteàCharlottepourjem'expliqueavecelle?Elleestfolle!Jamaisdela
vie!—Vousvoulezque j'aille lavoir.Non, jamais jene lepourrais.Aprèscequ'ellem'afait,c'est tout
bonnementimpossible.—Laurence, rien n'est insurmontable,me dit-il d'un ton rassurant. Je suis sûre que vous avez déjà
affronter des choses bien pires dans votre vie.Allez la voir !Quel risque prenez-vous en lui rendantvisite?Aucun.De toute façon, sivousne le faitespas, jenepourraispasvousaiderdavantage.VousdevezremportercettepremièreétapesivoussouhaitezrécupérerAlex.
Chapitre11Élaborerunestratégie.PrésenterdesexcusesàCharlottequantàmoncomportementlorsdemonretour
del'aéroport.RendrevisiteàCharlottesanstomberdanslespiedsd'Alex.Réussiràcontenirlahainequej'aienverscettevoleuse.LedéfiquemeproposedereleverMadameHautoisestdetaille.Maisilfautenpasserparlà,c'estsurlaroutequejedoissuivrepourrécupérerAlex.Premièreétape:trouveruncréneaudurantlequeljeseraicertainedenepasrencontrerAlex.Là, c'est du boulot de détective. Jeme connecte sur le site de la fac et j'étudie avec précision son
emploidutemps.Jerestepostéediscrètementdevantl'entréedeleurappartementafindecontrôlerleurallersetvenus.Àcertainsmoments,jemedisquejesuisunpsychopathe...cequin'estpasloind'êtrelecas.Ce travaild'observationrequiertplusieurssemaines,et j'enarriveà laconclusionque lemeilleurmomentpourluirendrevisitesesituelevendrediaprès-midientre14et17heures.PendantcecréneauAlexestencoursetCharlotteseretrouveseulechezelle.Deuxièmeétape:lecoupdetéléphone,afindefixerlerendez-vous.—Allô,jet'appelleparcequejem'enveuxterriblementdem'êtrecomportéedelasorteenrevenant
del'aéroport.Tuasraison,nousnepouvonspasvivreensemblejusqu'àlafindenosjours.Aujourd'hui,c'est une nouvelle page de notre vie qui s'écrit.Un nouveau cap à franchir. En tout cas, sache que jeregrettevraimentd'avoirréagicommeça,onn'apasledroitdeparleràsasœurdelasorte.Turesterastoujoursmasœursiamoise,mêmesionhabiteplusensemble.J'espèreavoirétéconvaincante,carjenepensepaslequartdecequejeviensdeluidire.Cerôlede
compositionmerappellel'atelierthéâtreauqueljeparticipaisàl'écoleprimaire.Jel'entendstousserdanssoncombiné.Ellealavoixenrouée.Visiblement,elleadûencoreattraperla
crève.—Tun'aspasàt'excuser,carj'auraisréagidelamêmefaçonquetoisij'avaisétéàtaplace.Etpuis,
c'estdemafaute.J'auraisdûtedireplustôtquej'avaisunpetitcopain.Maisjen'aipassucommentfaire.Jesuisunedégonflée.—Est-cequetuascoursvendrediaprès-midi?—Non,pourquoi?—Faudraitqu'onsevoit!Onatellementdechoseàdire.Quantonyréfléchit,çafaitpratiquementun
anetdemique l'onne saitpasvu.Pendant tout ce temps, il s'enestpassédes trucs.Doncsi çane tedérangespas,jepasseraicheztoivendrediendébutd'après-midi,çateva?—Tunepréfèresplutôtpaspassersamedi.Non,parcequ'Alexseralà,ceseraplusconvivial.
Lecoupduweek-end:j'avaisanticipé...—Non,samedi,jenepeuxpas.J'aipromisàmesparentsd'allerleurrendrevisiteceweek-end.Pour
Alex,cen'estpasgrave,jeleverraisuneautrefois.Cenesontpaslesoccasionsquinousmanqueront.Doncvendrediendébutd'après-midi,çateva?—OK,çamarche!—D'icilà,soignetagorge!
—Net'inquiètepas!J'aiplusieursboîtesd'Actifedd'avance.Tonalité.Commedansdubeurre.
Troisièmeétape:lavisite.Çamefaittoutdrôlededevoirsonneràl'interphonepourpouvoirentrerchezmoi.Enfin,quandjedis
chezmoi...ilfautquej'arrêtededirequec'esticichezmoi,parcequemaintenant,c'estleurappartement,pluslemien.Mon ex-colocatairem'ouvre.Le trois pièces se trouve au premier étage, je grimpe l'escalier. (En y
repensant,c'estvraiquec'étaitplussimplepourmonterlescourses.Hélas,ils'agitd'untempsrévolu.Nesois pas nostalgique, Laurence !) Charlotteme fait entrer dans l'appartement. Je lui fais une bise deconvenance.Ellem'inviteàm'asseoirdanslecanapé.Pasdechangementnotoiredanslapièceprincipalequifaitofficedesalon,decuisineetdesalleàmanger.Lesportesdeschambressontentr'ouvertes,j'enprofitepourreluquer.Etlà,ilyaduchangement!Machambreestdevenueleurchambre,ilsyontinstalléleurlitdouble.Uneraisonsimpleexpliquecettenouvelledisposition:machambreétaitlaplusgrande.Quant à l'ancienne chambre deCharlotte, elle est devenue... une salle de sport !Tapis roulant, presseoblique,bancd'haltérophilie...c'estunesalledefitnessformatpoche,puisquelapiècenefaitque8m².Cen'estpasCharlottequisesertdetoutcematériel,puisquedutempsoùonvivaitensemble,ellenepratiquait aucune activité physique. Non, c'est Alex qui a installé tout cet équipement. Je viensd'apprendre quelque chose. J'ignorais qu'il pratiquait la musculation. Il a dû commencer à pratiquerrécemment,caràl'heureactuelle,iln'apasvraimentlephysiqued'unbodybuilder.Elleentamelaconversation:—Alors,contented'êtrederetourenFrance?—Oui,commejetel'aidéjàdit,cetteannéem'asembléuneéternité.Êtreéloignédesafamilledeses
proches, des gens qu'on aiment, ç'a été mortel. Certes, il y a des moyens de communication commeinternet,Skype,maisçanefaitpaspareil,çaneremplacerajamaisuncontactphysique.Certainsarriventàs'accommoderdufaitd'êtreséparésparunepareilledistance,moipas.J'ensuisincapable.—Jevois.C'est sûrqu'avantdepartir, c'étaitdifficilepour toid'anticiper,de savoir commentcela
allaitsepasser.L'éloignement.Lefaitdeseretrouvertoutseul.Jusqu'àprésent,c'étaitquelquechosequetuignoraistotalement.Pourmoiaussi,ç'auraitétéunsautdansl'inconnu.Notreconversationsepoursuit.NouséchangeonsquelquesbanalitéssurmavieauJapon—leurbouffe
infâme, le fait d'être compris par personne. Une fois que j'estime avoir fait le tour de mon aventurenipponne—l'entrée—,jedécidedecommanderleplatderésistance.Çavamaintenantêtreàsontourdeprendrelaparole,demeparlerd'Alex.Etçavadevenirplusintéressant.—Alors,commeça,tuesamoureused'Alex?—Oui,ils'appelleAlexandreCouturier,ilalemêmeâgequenous,22ans.Ilestenmasterdedroità
Dauphine.Vuquej'avaisuneUEcommuneaveclemasterdedroitl'annéedernière,jel'airencontrésurlesbansde l'amphi.Voilà,voilà.C'estdommagequetun'aiespaspuvenirdemain,sinonje te l'auraisprésenté.Je te l'auraisprésenté.Lechoc.Jeme lèveet lui informeque jemerendsaux toilettes.Car j'ai le
soufflecoupé, jeviensd'apprendrequelquechosedesurréaliste.Je te l'auraisprésenté.Cela signifiequ'AlexnesaitpasqueCharlotteaétémacolocataire.Commentest-cepossible?Elleadûforcémentlui
parlerdemoi,etilresteencorequelquesphotosoùnoussommestouteslesdeuxdansl'appartement.Audelàde ça, celavoudrait direqu'Alexn'aurait pas rencontrerCharlotte à causedemoi, du fait que jefussesacolocataire.Non,ceneseraitquelefruitd'unefâcheusecoïncidence.Lesbrasm'entombent.Quandj'estimeêtrecalmée,jeretournem'asseoirsurlecanapéàcôtédeCharlotte,avecunequestion
quim'occupetoutl'esprit:commentest-cepossible?Enfaceducanapé,ilyaunenchevêtrementdespoutresformantunesortedebarquiséparelecoin
cuisinedurestedelapièce.Monregardbuttesurlecadreformatphotoauxbordsdorésquiestaccrochéàl'unedecespoutres.MoietCharlotte.QuandAlexestassissurlecanapé,ilm'aenpermanencesouslesyeux.S'ilnemereconnaîtpas,c'estqu'ilenfaitvraimentexprès.ClarkKent.Ilyaundétailquejen'avaispasremarqué.Surcettephotoquidatededeuxans—c'était
lorsd'uneexcursionavecCharlotteauMont-Saint-Michel—,j'aideslunettes,unemontureenplastiquerougetranslucide.Depuis,jesuispasséauxverresdecontact.(Pourlapetitehistoire,jetrouvaisquejeressemblaisunpeuàunedébileavecmesculsdebouteillesdemyopes.C'estpourcetteraisonquej'aiopté pour des lentilles, il y a voici maintenant un an.) Je suis devenue Superman et il ne m'a pasreconnue!Entoutcas,cetteexplicationmesemblesurréalistebienqu'ilyaitdeforteschancespourquecesoitcelle-là.Deplus,depuisqueleclichéaeulieu,j'aiperduquelqueskilos,etj'aiégalementdeuxannéesdeplus.
Ma physionomie a donc légèrement évolué. En y ajoutant les lunettes, cela confirme l'hypothèseSuperman.Maisilresteundernierpointd'achoppement.QuandCharlotteluiaparlédemoi,elleluiaditqueje
m'appelaisLaurence...Maislàaussi,ilyapeut-êtreuneexplication.Déjà,desLaurence,ilyenadestonnes,etcequ'ilfautsavoir,c'estquejedétesteplusquetoutmon
patronyme.Decefait,jenel'aijamaisdivulgueràAlex.MonnomcompletestLaurenceLegros.Iln'yaqueCharlottequileconnaît.J'aitoujourseudeskilosentrop,ycomprisquandj'étaisgamine.Etvoussaveztrèsbiencommentça
sepassedanslescoursderécré,j'étaislariséedemescamarades.Ilprenaitmalinàdétournermonnom.LaurenceLegros,c'estLaurencelagrosse!Vouscomprenezmaintenantpourquoijedétestemonnomdefamille,etquej'essayedelecommuniqueràunminimumdegens.LaphotodenousdeuxauMont-Saint-Michel,qu'Alexaenpermanencesouslesyeux,n'estpourmoi
pasanodine.Àchaque foisque je lavois, elle réveille enmoiun souvenir trèsparticulier.Elle a étéprise tout en haut duMont, sur un balcon de l'Abbaye. On peut apercevoir toute la baie qui s'ouvrederrière.Encettefindemoidemai,lesoleilétaittrèsgénéreux.Toutauraitpuallerpourlemieuxsijen'avaispaseumesrègles.Toujourslàquandilnelefautpas,celle-là!Maisleplusterrible,c'estquejusqu'àcejour-là,jenelesavaisjamaisconnuesaussidouloureuses.J'avaistellementmalauventrequejemetordaisendeux.MoietCharlotteavionspayédes«Passvisite»pourtoutelajournée.Alors,pourluifaireplaisiretnepasfairecapoternotresortie,jenemesuispasplein,j'aisouffertdanslesilence.Les troiscentcinquantemarchesquimontentà l'abbayeontétéplusdifficile lesunesque lesautresàgravir. Alors qu'il n'en restait plus que dix, j'ai faillim'écrouler.Mais j'ai tenu bon, ça s'est joué aumental.Celame tenaitparticulièrementàcœurdenepasdécevoirmasiamoise, et c'estprobablementl'amourquimeliaitàellequim'apermisdereleverledéfi.Jenesuispasbaptisé,maisvuquetoutlemondemettaitdescierges,sanstropsavoirpourquoi,j'enaimisun.Lachoselaplusétrangefutlorsdeladescente, ladouleur avait pratiquementdisparu.Ai-jevoulu inconsciemmentme tournervers la foi enm'infligeantcettesouffranceetendéposantuncierge?Jen'ensaisrien.Entoutcas,cequiestsûr,c'est
quepourmoiquinesuispascroyante,cetteexpériencem'atroublée.JevoisbienqueCharlotten'apastropenviedes'attardersurle«casAlex»,alorsnouspoursuivons
laconversationenparlantdetoutetderien.16 heures. Elle sort un goûter. DuCoca rouge avec des Petits Écoliers chocolat noir. Elle n'a pas
changéseshabitudes.Cela faitquatreansque je laconnais,etellea toujoursmangé lamêmechoseàquatreheures.Jesuiscertainequec'étaitlemêmegoûterqueluipréparersamèrequandellerevenaitdel'école.Çanelalassepasàlalongue?Ilsembleraitquenon.Je surveille l'heure. Il faut que je reparte avant que la petite aiguille demamontre ne se retrouve
pleinementsurle5.16heures45.Ilesttempsdeleverlecamp.Ellem'inviteàresterunpeupluslongtemps,afinqu'elle
puissemeprésenterAlex.Uneprochainefois!Jeprétexteunrendez-vouschezledentistepourpouvoirm'éclipser.Missionréussie,maisavecunetrèsgrossesurprise:AlexnesaitpasqueClarkKentestSuperman.Je
suisunsuper-héros.
Chapitre12—J'aiétéluirendrevisite,etcelac'esttrèsbienpassé!Mevoilàderetourchezlapsypourunedeuxièmeconsultation.—Ledialogue!Vousvoyez:vousvenezdevousrendrecompteparvousmêmequeledialogue,c'est
la clef de tout. Maintenant que cette première étape est franchie, nous allons pouvoir passer à ladeuxième.RenoueravecAlex.Etjevouslaissedevinercommentvousallerdevoirvousyprendre.—Ledialogue.—Oui, ledialogue !Toujours lui.Lacommunication,c'est labasede tout.S'iln'yaaucunéchange
entrevous,çanemarcherapas.Ilfautcom-mu-ni-quer!Maintenant,ilvafalloirreprendrecontactavecAlex.Pourcela,j'aimeraissavoirsicettetâchevoussembleaiséeouaucontrairehorsdeportée.Évaluerleniveaudedifficultéenmedonnantunchiffreentrezéroetdix.—Dix.Leproblème,cen'estpasdeluirendrevisite.(Vuqu'ilnesaitpasquejeconnaisCharlotte,il
suffitquejemerendeàRennespourlevoir,pensé-je.)C'estdeluidirecequej'aisurlecœur.Quej'aidécouvertqu'ilmetrompait.—Dix?Moi,àmonavis,leniveaudedifficultéestnul.Carunenouvellefois...—Oui,ledialogue!luidis-jeensoupirant.Elle commence àm'agacer avec son « dialogue ».À cet instant, j'ai envie de tout arrêter et deme
barrerdesoncabinet...—Pourquoiçavousagace?Sivousréagissezdelasorte,c'estparcequejesuisentraindetoucher
une corde sensible. Et que ça vous fait mal. Vous voulez mon ressenti : vous avez de très grandesdifficultéspourcommuniqueraveclesautres.Ilyaunblocage,quiestprobablement trèsancien.Ilvafalloir que vous me racontiez votre passé pour que je puisse le trouver. (Elle prend une grandeinspiration.)Voussavez,dansl'existencedechacund'entrenous,ilyadesmomentscharnières,quifontde nous quelqu'un d'autre. Je ne sais si cela va être facile pour vous,mais... j'aimerais que vousmeracontiezvotrepremièrefois.Jen'aipasenviedeluiparlerdeça.C'esttellementglauque.Le dialogue, Laurence ! Le dialogue, c'est la clef de tout ! Si tu veux récupérer Alex, il faut en
passerparlà.—Si vous ne vous en sentez pas capable, nous pourrons revenir sur ce point une prochaine fois.
Mais...—Ledialogue,vousavezraison.Jevaisvousraconter.»C'étaitaulycée,quandj'étaisenterminale.Danslaclasse,ilyavaituncertainThibault,j'étaisattirée
parlui.Etc'étaitréciproque,carluiaussiétaitattiréparmoi.Maisonaeuénormémentdemalàsedirequel'ons'aimait.»C'estassezfacileàcomprendreQuandonacetâge-là,cen'estpasévidentd'exprimersessentiments.
Carilyalasexualitéquientreenjeu,etc'esttoutdesuitepluscompliqué.Çaneselimitepluscommeaucollègeàun«Jet'aime»etàunsmack.»Etpuis, ilyaunepressionsupplémentaire.Quandvousvoyezautourdevousqueplusenplusde
gens«l'ontfait»,onn'apasenvied'êtreledernierpuceaudelaclasse.
»Vers la fin dumoi demai, peu avant le bac, j'ai décidé de faire le premier pas en lui proposanttravailleravecmoipourunexposéd'histoire-géo.Biensûr,ilaaccepté.»Unaprès-midi,jemesuisrenduechezlui,afinquel'ontaffeensemble.Maislaveille,quandnous
noussommesdonnérendez-vous,sanssel'avouer,noussavionstrèsbienqueceseraitpourfaireautrechosequetravailler.»Lamaisonétaitvide, sesparentsétaientpartisau travail.Peude tempsaprèsque jesoisarrivée,
nousnoussommesregardé.Sanslemoindremot,nousnoussommescompris.Noussommesmontésdanssachambreetnousavonscouchésensemble.—Vulafaçondontvousmeracontezça,cedépucelagemefaitplutôtpenseràuneexécutionqu'àautre
chose.Unemiseàmortdevotrevirginité,enquelquesorte.Sinon,àpartça,cepremierrapports'est-ilbienpassé?—Non.Ilestentrébrutalementenmoi.Cen'estpassonabsenced'expériencequipouvaitjustifierun
comportementpareil.Cetype-làestunmalade.Mêmeunanimalyauraitmisplusdedouceur.Quandmonhymens'estdéchiré,jemesuisretenuedecrier.J'étaisàdeuxdoigtsdehurler,maisj'airéussiànerienlaisser transparaître. Je voulais me montrer forte devant lui. Ensuite, j'ai eu mal au niveau de monentrejambespendantlesquatremoisquiontsuivi.J'enn'aijamaisparléàpersonne.Niàmesparents.Niàlui.Vousêtesparconséquentlapremièrepersonneàl'apprendre.—Unlourdsecret,effectivement.D'unpointdevuephysiologique,ladouleurliéeàladéflorationne
dure pas si longtemps. Juste une poignée deminutes, si c'est fait correctement.Àmon avis, c'est unedouleur psychologique. Votre corps a simulé cette douleur jusqu'à temps que votre esprit réussisse àencaisserlechocpsychologique,àl'enfouir.Maisattention,enfouirneveutpasdireeffacer.Aujourd'hui,jeviensdedéterrercetinstantbrûlantdevotreexistence.Ilfautquevousréussissiezàéteindrelerideaudeflammesquisetrouvefaceàvoussivousvoulezcontinueràavancer.Etencoreunefois...—Ledialogue.—Oui,vousaveztoutcompris.Douleurpsychologique,jen'avaisjamaisencoreentenduparlerdeça...—Cen'estpaspossibled'avoireumalpendantquatremoissijen'avaisrien?—Voussavezquelecorpshumainestcapabledebeaucoupdechoses.Regardezlescasdedénisde
grossesses, par exemple. Le corps de ces femmes enceintes arrivent même à simuler des règles afinqu'ellesne se rendentde rien. Il estdonc tout à fait possiblequevotre corps est simulé cettedouleurduranttoutcetemps.—OK.—Sinon,votrerelationavecThibault,elles'estpoursuivicomment?—Jeluiaiditquejeregrettaisd'avoirfaitça.Lui,visiblementnon.Après,ilyaeulebac,l'année
s'estterminée.Ilestpartiàl'universitédeStrasbourg,nousnoussommesperdusdevue.—Ensuite,vousavezcroiséd'autresgarçons?—Non,personned'autreavantAlex.—EtvosrapportsintimesavecAlex...—Justeuneseulerelation.Unefellation.Lesoiroùjel'airencontré.—Vousn'avezdoncjamaiseud'autresrapportsvaginauxdepuisvotrepremièrefoisavecThibault.
—Si.Ilyatroissemaines.AvecuncertainJoseph.C'estluiquim'aconseilléedevenirvousvoir...—Jesais,ilm'atoutraconté.Le salaud ! J'imagine trop la scène. Il est là, avec elle, autourd'un café, en trainde lui raconter sa
performancedelaveille.Rienqued'ypenser,çamedonnelagerbe,maiscurieusement,jeneluienveuxpas.Ellereprend:—Etças'estpassécommentavec...disons,cethomme«mûr»?—Ças'esttrèsbienpassé.C'estquelqu'undedoux,d'attentionné.Ilmetàl'aise.Onsenttoutdesuite
qu'ilesthabile,chevronnée.Iladel'expérience,beaucoupd'expérience.C'estluiquim'avéritablementinitiéeauxplaisirsd'adultes,quim'avraimentdépucelée.Jeregrettedenepasl'avoirremercier.Sivouslecroisez,dites-luimercidemapart.—Jen'ymanqueraipas.Elletapedanssesmains,arboreunlargesourire.—Bon,maintenantquevousvousêteslibéréedecefardeau,parlonsd'Alex.Jevousreposelamême
questionquetoutàl'heure:voussentez-vouscapablederenouerlecontactaveclui?—Oui.—Jepréfèrecetteréponse.Ettoujoursunefois,ledialogue!Allezlevoir,ditesluitoutcequevous
avezsurlecœur,quevousl'aimez.Vousverrez,toutsepasserabien.
Chapitre13—Alex, c'estCharlotte. Je t'appelle car je compte passer leweek-end enNormandie, pour rendre
visiteàmesparents.J'avaisenvisagédefaireuncrochetparRennesafinquel'onpuissesevoir.Nouspasserionsledimancheensemble,enfin,siçanetedérangepas.Ledialogue.Dèsquejesuissortiedechezlapsy,j'aidégainémontéléphoneenplastiquenoirconçu
pourcerveauxséniles.J'étaischaudepourappelerAlex,alorsj'aidécidédepasseràl'actionavantquemoncouragenes'évanouisse.—Tusais, j'aibeaucoupdetravailencemoment.C'estunefacoùlescourssont trèsdenses, ilya
beaucoupdetravailpersonnel.Maisc'estleprixàpayerpouravoirunbonboulot...—Si je viens, je ne serai pas là très longtemps. Je ne t'amuserai pas plus de deux heures. Car je
comptearriverà10heures03pourrepartiràmidisurAvranches.—Bon,d'accord,viens!Maisjen'aipasplusdedeuxheuresàteconsacrer,medit-ilenriant.D'accord,viens!S'ilacceptedeparticiperàcepetitjeudesallers-retoursentreParisetRennes,c'est
parcequ'ilaenviedemevoir.Sinon,iln'auraitaucunintérêtàpassersondimanchedansletrain.Celameprouveunenouvelle foisque je l'attire.Maisàprésent, il est coincé.EntremoietCharlotte, ilvafalloirqu'ilfasseunchoix.Ilferalebon,j'ensuiscertaine.Nouspoursuivonsnotreconversation téléphoniqueenéchangeantdeux troisbanalitéspuisnousnous
disons:«Àdimanche!»
***Jesuisexcitée.Hmoins3heures41avantquejemeretrouvefaceàAlex.J'aimeraispouvoiraccélérer
lecoursdutemps,maispourlemoment,j'ensuisincapable.Alors,jeprendsmonmalenpatience.Jeviensdequittermonchezmoi.Lapremièreétapedemontrajetconsisteàrejoindreàpiedlastation
demétroquisetrouvelaplusprochedel'appartement—SaintFrançois-Xavier.J'arpentelestrottoirsdela capitale quand mon regard bute sur la devanture d'une boulangerie. Il s'agit d'une boulangerie àl'ancienne.Lafaçadeenboisroseestornéedemouluresdorées.Jem'approchedelavitrineetdécouvredespâtisseriesàprofusion.C'estsimple,j'aienviedetoutmanger.Jecraquepourl'undecesdélices,alorsj'entredanslaboutique.Bruitdecloche.Laboulangèrequisetrouvederrièrelacaisseestassezforte,cequiestplutôtdebonneaugure.Cela
veutdirequecequiestvendudoitêtrebon.—BonjourMademoiselle,vousvoulezquoi?—UnParis-Rennes.—Quoi?—UnParis-Brest,maisvuquejem'arrêteavant,c'estunParis-Rennes.Ellenedécrochepasunsourire.Ellen'avisiblementpasétéréceptiveàmapetitetouched'humour.Je
suisdéçue.Jepaie.2euros80.Prixcorrect.J'emportelamarchandise.«Aurevoir»avecunécho.Dehors,j'engloutislamerveilled'unetraite.Rudementbon!
Puisjeculpabilise.Cetteexcèsvaêtresuividelonguesjournéesdeprivation.
***Fichutrain!Pourquoitunevaspasassezvite?J'ail'impressionqueleMalins'amuseavecmoi,qu'il
enfaitexprèsdedilaterlessecondes.Cesdernièresmesemblentêtredesminutes.Jesuisimpatientedeme trouver devant Alex. Mon excitation a pour fâcheuse conséquence de me provoquer une enviepermanented'uriner,leroulisdutrainn'arrangeantbienévidemmentrienàmasituation.Jemultiplielesallers-retoursauxtoilettes.Lesautrespassagersmedévisagentavecinquiétude.Pourquoimeregardez-vouscommeça?J'aiquandmêmeledroitd'allerauxchiottessij'aienviedepisser.J'aipayémonbillet,etl'accèsauxWCestcomprisdedans,non?Rennesapproche.Letraincreusesonsillondansleschamps.Lentement.Troplentement.
***
Alex. J'aperçois son visage au travers du troupeau de passagers qui quitte le train. Nous nous
rapprochonsl'undel'autreenfendantlafoule.Quandjemetrouvefaceàlui,illâcheunsourirecrispé.Jesenstoutdesuitequequelquechosenevapas.C'estsûrquecelanedoitpasêtresimplepourlui,caràl'heureactuelle,ilestligotéàCharlotte.Etmenerunedoublevien'ariend'évident.Nousnousfaisonslabise.Pourquoinepuis-jepaséchangerunbaiseraveclui?Dépêche-toide luidirecequetuassur lecœur.Une foisqu'il sauraque tu l'aimes, tupourras l'embrasser.Ledialogue,Laurence !Ledialogue,c'estlaclefdetout!Jenetrouverienderomantiqueàdéclarersaflammeaumilieud'unefoulequivousbouscule.Alors,je
préfèreattendredemeretrouverchezluipourluidirequejel'aime.Etenplus,celaserapluspropiceauxrapprochementscorporels,sivousvoyezcequejeveuxdire.—Vuquenoussommesdimancheetqu'iln'yapasdebus,ilvayavoirpasmaldemarcheàpied,me
prévient-il.Surcesmots,nouspartonsàl'assautdelavilleenéchangeantdesbanalités.Ilmeditqu'àlafac,ila
beaucoupdeboulot...Dutoc.Nous traversons levieuxRennes.Contrairementàmapremièrevenue, ilme faitdavantagepénétrer
danslecœurdelavilleancienne.Etjerévisemonjugement.Àpremièrevue,cequartiermesembletrèsagréable,avecsesruespavées,sesviellesbâtissesetsesbars.Leseulbémol,c'estquecematin,ilyaunelégèrebruine.Celanousempêched'apprécierpleinementl'endroit.Cela fait un certain temps que nous marchons, et j'imagine qu'il a dû réussir à se faire prêter un
appartementdanscequartierletempsd'unejournée...Entoutcas,jenepouvaispasrêverd'endroitplusromantiquepourluidéclarermaflamme.Quelquepasplustard.Jesuisdéçue.Lesbellesmaisonssefontdeplusenplusrares.Nousnetardons
pasàquitterlebeauquartierpourrejoindreunhabitatplusquelconque.Despas,encoredespas...et toujourspasd'appartementenvue.Pire,nousatteignonsmaintenant les
franges de l'agglomération. Les trottoirs se font de plus en plus rares. La circulation se densifie. Lesmaisonscommencentàcéder leurplaceauxmagasinsdesortiesdeville.Lesmurs sontnoircispar la
pollutiondescamions.Surnotregauche, ilyadesvoies ferrésperchéessurunremblais, le traficdestrainsestélevé.Àprésent,noussommesobligésdehurlerpourpouvoirnousentendre.—C'estencoreloin?luidemandé-je.—Non,onestpratiquementarrivés.Jesuisdésolé.C'estlapremièrefoisquejefaisletrajetàpied.
D'habitude, j'yvaisenbus.Jepensaisquec'étaitpossibleàfaireenmarchant.Sinon,onauraitprisuntaxi.Jetepaierailetaxipourretourneràlagare.Noustournonsàdroite,nousengageonsdansuntunnelétroit,quipassesouslesvoiesdechemindefer.
Danscechasd'aiguille, la circulationest alternéeà l'aidede feux.Les trottoirs sontquasi inexistants.Nousmarchonsl'underrièrel'autreenfaisantattentionauxvéhicules.Aprèslenoiretlejaunedeslampesauxsodium,lalumièredujour.Lapluies'estarrêtéedetombé.Le
ciel est redevenubleu, avecquelques cumulus.Face ànous, une forêt debarresd'immeubleblanches.Nousnousapprochonsd'ungrandtableaurectangulaire:
RÉSIDENCELESROSIERS
Endessous,unplanoùestassociéunelettreàchacundesbâtiments.— Je vérifie où se trouve le bâtiment I, car cela ne fait pas longtemps que j'habite ici. Ilm'arrive
encorequelquesfoisdemetromper,m'informe-t-il.C'est lapremière foisqu'il vient ici, normalqu'il ne sachepasoùcela se trouve.En tout cas, cette
résidencesembletrèsbienentretenue,lesjardinsextérieurssontimpeccable.Alex a un bon sens de l'orientation puisque nous ne tournons pas cent sept ans pour trouver le bon
bâtiment.
***—Voilà,voicimonchez-moi!Nous venons d'entrer dans l'appartement, qui est situé au premier étage. La première chose qui
m'interpelle,c'estlatailledel'appartement.J'essaiedeledéstabiliser:—C'estsupergrand!—C'estunecolocation,carj'imaginequeleprixduloyer...—Commetulesais,jem'ysuispristrèstardpourchercherunappart'.J'aisurtoutpriscequ'ilrestait.
Après,pourleprixduloyer,c'estsûrqueçacoûteuneblinde.Maisbon,paslechoix.Jevaisvoirpourtravaillerquelquesheures,ungarsdelafacm'aditqueMcDocherchaitencoredesétudiants.Lemythomane!Ildevraitécriredesromans,cetype-là!J'enlèvemonmanteau,gardemonécharperose.—Jegardemonécharpe,carj'aiunpeumalàlagorge.—Ah!Bienvenueauclub!Moiaussi,j'aiétéenrhumélasemainedernière.Donne-moitonmanteau,
jevaisleranger.Je lui donne mon parka. Il regagne le couloir, en prenant bien soin de refermer la porte du salon
derrière lui. Je ne suis pas sourde : j'entends de nombreux bruits de portes, il est en train de repérer
l'emplacementdespièces.Mêmes'ilessayedelefairediscrètement,j'entendsquandmême.Ilrevientversmoi,mejettesesmots:—Jevaisteprépareruncafé,çavanousréchaufferunpeu.Puisils'éclipse.Je l'entends farfouiller dans les placards, puis deux fois le bruit d'une machine à café à capsules.
Pendantcetemps-là,jeprendsl'initiativedem'asseoirsurlecanapéencuirblanc.Ilestderetourentenantdanssesmainsunplateau,qu'ilposesurlatablebassequisetrouveàmes
pieds.Puisils'assoitdanslefauteuilplacéenfacedemoi.Àcôtédesdeuxtasses,uneboîtedeCanderel.Iln'apastroplatêteàprendredesédulcorants.Jevais
essayerdelepiéger.—Tuprendsdel'aspartame?—Heu...Oui,enfaitj'ailuquec'étaitmoinsmauvaisquelesucre.J'airéussiàledéstabiliser.Iln'adûrientrouverd'autredanslesplacardsquedel'édulcorant...—L'aspartame,cen'estpasnonplusréputéd'êtrebonpourlasanté.Lesucre,c'estnaturel...—Oui,maisdesétudesmontrentquec'estmoinspire.Maintenant,ilfautquejemelance.Sijesuisvenueici,cen'estpaspourparlerdel'aspartame,c'est
pourluidire:«Jesuisamoureusedetoi.»Aujourd'hui,j'aiunefenêtredetir,ilnefautpaslarater.Ilneserapaspossibledetrouverdesprétextestouslesdimanchespourpouvoirmeretrouverseuleaveclui,entête-à-tête.Ledialogue,Laurence.Ledialogue,c'estlaclefdetout.Non,jen'yarrivepas.Jedécidedelancerunsujetdeconversation,histoiredemeublerlesilencequi
s'installe.Jesensunecertaineformedepesanteurquicommenceànousenglober.Cen'estpasbon.—Alors,c'estintéressant,cequetufaisàlafac?—Oui,maisj'aibeaucoupdeboulot,c'estd'ailleurspourçaquejen'aiquedeuxheuresàteconsacrer.
Quandtumedisaisquecen'étaitpasunebonnefac,tutetrompais.Leproblème,c'estquebeaucoupdepersonnesfontlemêmeraisonnementquetoi.Lesfacsdeprovincessouffrentd'undéficitdenotoriété,etlesétudiantsonttendanceàlesbouder.Maisleschefsd'entreprisesnefontpascetteerreur,ilssaventtrèsbienoùsetrouvelemeilleurvivierdefutursdiplômés.Undiscoursbienhuilé.Jesensunecertaineformed'aigreurdanscequ'ilvientdemesortir.Àprésent,
j'ail'impressionqu'ilfaitensortedemerepousser.Jen'arrivepasàlecomprendre,parceRennes,toutcepetitcinéma,c'estbienluiquil'ainventépourmevoir,non?Ledialogue,Laurence.Ledialogue...Non,iln'estpasprêt,c'estpourcelaqu'ilrestesursesgardes.Cettesituationm'énerve,medonneenvied'uriner.Jeluidemandeoùsetrouvelestoilettes.Ilmeles
indiquesansaucunproblèmegrâceàsonpetitrepéragepréalable.Aprèsmacommission,jejetteparcuriositéuncoupd'œildanslesautrespiècesdel'appartement.Je
tombenotamment surune chambred'enfant avecun lit voitureFlashMcQueendeCars.Sur le lit sontentassés des cadres formats photos, des bibelots... bref, tout ce qui personnalise un appartement.J'aperçoisfurtivementlaphotod'unpèreavecunenfantde10ans,sonfils—ils'agitprobablementicidesa chambre. Je fais l'hypothèse qu'il s'agit d'un homme divorcé car je n'ai pas trop trouvé de touche
fémininedansladéco.CePapaestpeut-êtreuneconnaissanced'Alex,ouquelqu'unavecquiilestentréencontactsurunréseausocialetquiluiaprêtésonappart'pourquelqueseuros.Jeretournem'asseoirenfaced'Alex.Nouspoursuivonsnotreconversationenéchangeantdesbanalités.
Encoreettoujoursdesbanalités.«Ledialogue,Laurence!Ledialogue,c'est laclefdetout!Allezlevoir,diteslui toutcequevous
avezsurlecœur,quevousl'aimez.Vousverrez,toutsepasserabien.»Non,MadameHautois,toutn'estpassisimple.Quandvousavezenfacedevousquelqu'unquin'estpasprêt,çanesertàriendeluiforcerla main. Il va se braquer, et vous ferez tout capoter. Il faut que j'attende encore un peu. Ce sera laprochainefois,lorsdenotretroisièmetête-à-têteàRennes.Midimoins le quart. Je lui avais dit quemon train était àmidi, il est donc temps de se quitter. Il
m'appelleuntaxi,medonneunbilletde20,dequoipayerlanote.Puisonsefait labise.Ilmesourit,maisjesensdanssonregardplusdedistancequequandjesuisarrivée.L'ai-jedéçu?Jen'aipourtantpasl'impressiondeluiavoirditquelquechosedemal.Oupeut-êtres'attendait-ilàcequejeluidéclaremaflamme ? Ou est-ce Charlotte qui le met dans l'embarras ? Je n'en sais rien, mais de toute façon, laprochainefoisquenousnousverrons,nousnousparleronsàcœurouvert.Jequittel'appart',enmedisantquejenetarderaipasàrevenirici.—Aurevoir!—Bonneroute!Letaxiarrive.Jemefaisdéposerencentre-ville.Jevaispasserl'après-midiàtraînerdanslesrues.Je
compteprendreletrainde20heures06afindenepastomberdanssespattes.
***Jene suis pas folle, je vois biendans ses yeuxqu'il est amoureuxdemoi.Mais pourquoi est-ce si
compliquéavec lui ?Pourquoidois-jepatienter ?Qu'attends-t-il pour laisser tomberCharlotte ? Destonnesdequestionsmaispasl'embryond'uneréponse.L'étatdanslequelsetrouvenotrerelationm'agace.Etquandjesuisagacée,jemevengesurlanourriture.Tantpispourletourdetaille!Jerentredanslepremierrestoquejecroise,unepizzeria.JecommandeunpizzaBeef&Pepperquatrepersonnesetuneglaceàl'italiennesaveurfraise.Jedévorelapizza,avalelaglace.Nous sommes aux alentours de 15 heures et le restaurant est désert. Le gars derrière la caisseme
regardeavecinquiétude:visiblement,c'estlapremièrefoisdesaviequ'ilvoitquelqu'unmangeraussiviteunetellequantité.
***GaredeRennes.J'attendsmon train, ilnevapas tarderàarriver.Lanuitest tombéesur laville, le
froid arrive. Je vais rejoindre Paris avec le sentiment que cette journée a un goût d'inachevé. Lanourriture,iln'yaqu'ellequimepermetdecanalisermesémotions.JeviseledistributeurrougeSelectaquej'entrevois.J'atteinsmacible.Mefaistomberunebarrechocolatée.Mars,etçarepart.
***«Salut,çava?Tuasfaitbonvoyage?»«Alex!J'ail'impressionqueçafaituneéternitéquejenet'aipasvu!»«Nerestonspaslà,avectouslesgensquinousbouscule...»«Oui,onal'impressiond'êtreaumilieud'untroupeaud'éléphants.»Pause.J'aienfacedemoien trèsgrosplan levisaged'Alexquiarboreunsouriredesplusgénéreux.Cela
contrasteaveclecaractèreoppressantdelaboîteàchaussuresblanchedanslaquellejemetrouve,seuleetenfermée.Jesuisallongéedansmonlit,monordinateurportableestdevantmoi,etjenemelassepasderegarderlavidéodemonaventured'aujourd'hui.Car j'ai réaliséunecaptation.Si j'aigardéenpermanencemonécharpe rose,cen'estpasparceque
j'avaislagorgeprise.Non,c'estparcequej'avaismisenplaceundispositifdignedesplusgrandsagentssecrets. C'est une écharpe en polaire très épaisse. Avec quelques travaux de couture, j'ai réussi àincorporerdedansuneGoPro.Alexn'enavuquedu feu. Il a aupire aperçuunpetit trou—celuidel'objectif—qu'ilaassimiléàundéfaut.Maintenant, je peux revivre à loisir cette journée et analyser ses paroles, décortiquer chacune des
expressionsdesonvisage,lecernerenprofondeur.
Chapitre14—Jenesuispascontente.Qu'est-cequejevousavaisdit?MadameHautoiscommenceparunreproche.Génial!—Ledialogue,maisjen'aipaspu.Iln'étaitpasprêt.— S'il ne fait pas le premier pas, et vous non plus, ça n'avancera pas. Les années passeront, les
sentimentsdisparaîtront.Justeuneseulequestion:Alex,l'aimez-vousvraiment?—Oui,jesuisfolleamoureusedelui.—Ehbien,allezlevoir,etdites-lui:«Jesuisfolleamoureusedetoi».Cen'estpaspluscompliqué
quecela.Commejenecessedelerépéter,ledialogue,c'estlaclédetout.—Mais,jem'ensensincapable.Jamaisjenepourrais.—Vousvoulezmonpointdevue:vousmanquezsincèrementdeconfianceenvous.Maiscen'estpas
une fatalité. Avoir confiance en soi n'est pas inné, c'est quelque chose qui s'apprend. En tantqu'hypnothérapeute,jesuistrèsbienplacéepourlesavoir.Carbeaucoupdemespatientsviennentpourtravaillerleurconfianceeneux,etl'hypnoseoffredetrèsbonsrésultats.Sivousêtesintéressée,jepeuxvousdispenserquelquesséances.—EtcelamepermettraitdedireàAlexquejel'aime?—Oui.Laconfianceensoiestl'unedesrivièresquialimententledialogue.Ledialogue,toujourslui.
***
Les volets sont entrebâillés. Le cabinet de l'hypnothérapeute est placé dans la pénombre. Je suis
allongéesurunsofaentissunoir,etjenesaispasdutoutcequ'ilvam'arriver.MadameHautois,quisetrouvedeboutàcôtédemoi,entendmoninquiétudeettentedemerassurer.—Nevousinquiétezpas!Entantquepraticienne,j'aisignéunechartededéontologie.Maprofession
esttrèsbienencadrée.N'ayezcrainte,jenevaispasmeservirdevouscommeunpantin.Sivousêtesprête,nousallonspourvoircommencer.—Jesuisprête.—Trèsbien.Elleprendunevoixdouce,ralentitsondébitdeparoles:—Fermezlesyeux.Maintenantquevousêtesinstalléebienconfortablement,vousallezpouvoirvous
laisserentraînerdanscetétatdedétente,agréable.»Vouspouvezsentir,vospieds,placéslàoùilssont,àcetinstant.»Voussentezvotredos,surtoutsalongueur.Ilestlàoùilest,allongésurlesofa.»Voussentezlecontactdevosmains,ellessontlàoùellessont.»Maintenant,vousallezpouvoircommenceràvousrelâcher,etquandvouslevoudrez,nouspourrons
commenceràentreràl'intérieurdevous.Jesuisimpatiented'entrerdanslevifdusujet,alorssansm'accorderlamoindresecondederéflexion,
jedonnemonaval:—Jesuisprête.Vouspouvezentrerenmoi.Ensuite,c'estletrounoir.
Quandjereprendsmesesprits,jeconstatesurmamontrequ'unquartd'heures'estvolatilisé.Quem'a-
t-ellefaitendurerpendanttoutcetemps?Jen'enaipaslamoindreidée.Jecroisejustelesdoigtspourquecesoitefficace.Mais j'aipeurquesa thérapien'aitqu'un impact limité.Celamepermettra toutauplusd'aborderAlexplusfacilement,d'avoirdavantageconfianceenmoi,desurmontermatimidité.Non,lemieuxseraitd'hypnotiserdirectementAlex.Malheureusement,jenesaispascommentm'yprendre,etMessmernepeutpasvenirmedonneruncoupdemain,carjen'aipassescoordonnéesdansmoncarnetd'adresses.
***Jesuisdebout,unpiedposésurlavitrinedelaboutiquedetélécom.Laported'entréedel'immeuble
d'Alex,quisetrouvesurle trottoird'enfaceestdansmonviseur.Cerectangledeboisvertfoncédontpeintureestécaillées'ouvretoujoursàlamêmeheure.7heures43.Jelesaiscardepuismaintenantprèsdedeuxmois, je faisdenombreux repérages afindeconnaître endétail seshabitudes. Je consultemamontre.7heures42minuteset47secondes.Ilvasortird'unmomentàl'autre...Go!Lebattantenboispivote,sonvisageapparaît.Jecoursàsarencontre.Àcetinstant,j'aid'êtreun
colossedelaBACquiprocèdeàl'arrestationd'untrafiquantdesentiments.«Jesuisamoureusedetoi!»hurlé-je.Iln'apasletempsderéagir.Jeluisautedessus,l'embrassesurlabouche...
Etlà,çanesepassepascommeprévu.Ilposesesmainssurmesépaulesetm'écarteviolemmentde
lui.Puisilmegifle.Jefondsenlarmesetm'écartedeluienfaisantdeuxgrandspasenarrière.Ilmehuredessus:—Çanevapas!Qu'est-cequit'aprisdefairedeça?—T'esunmalade!Tunecomprendsrien!J'aifaitçaparcequejesuisamoureusedetoi.Toutcomme
toi,tuesamoureuxdemoi.Maisleproblème,c'estquetuneveuxpasl'avouer.CarCharlotteteligote,tuessoussonemprise.—N'importequoi,jen'aijamaisétéamoureuxdetoi.—Ladésintégration.Tous lesmailsqu'onaéchangés.Et,pasplus tardqu'hier,cettepetitecomédie
avecRennes,cenesontpasdespreuvesd'amour,parhasard.—Ladésintégration,c'étaitjusteunpipe,commeça,caronétaitbourrés.Après,lesmails,c'estjuste
parcequedepuis ce soir-là, on a sympathisé, on est devenusdebons amis.Relis-les, et tu te rendrascomptequ'iln'yaaucunegoutted'amourdedans.Sachequesij'avaisétéamoureuxdetoi,jen'auraispasattendusilongtempspourtedéclarermaflamme.—Maisdimanche,si tuesalléàRennes,c'étaitpourque l'onsevoit?Que l'onsoit seuls tous les
deux?—PourcequiestdeRennes,j'aifaitçapourteprotéger.Déjà,tuaseuunmalfouàencaisserlefait
quetasœuraitledroitdevivreavecunhomme,alorssituavaissuquec'étaitmoisonpetitcopain,çase
trouve,àl'heureactuelle,tunepourraisplusmeparler.Jetelerépète,j'aifaitçauniquementpourquetuaillesbien.Franchement,tucroisquec'étaitmarrantpourmoid'allerfaireleguignoldeuxdimanchesàRennes. D'entrer en contact avec des pauvres types sur internet pour réussir à se faire prêter unappartementpourquelquesheures.—Jenetecroispas,Alex.Tuesamoureuxdemoi.Charlotteauneemprisesurtoi,elletemanipule,
prends-enconsciencetantqu'ilt'estencorepossibled'agir.—Enferme-toidanstesdélires,maisjetedemandejusteuneseulechose:deteteniréloignerdemoi
etdeCharlotte.Quetunousficheslapaixàtouslesdeux.Çavaudraitmieuxpourtoi.—Net'inquiètepas,jeresteraiàbonnedistance.Detoutefaçon,c'esttoiquiviendrasmevoird'ici
quelquestemps.
Chapitre15—Ças'esttrèsmalpassé.Ilm'agiflé.Ilm'aditqu'ilnem'aimaitpas.Il est environ17heures.MevoilàdevantmadameHautoispour faire ledébriefingde cequ'il s'est
passécematin.—Aumoins,vousavezfranchilepas.Ets'ilaréagidelasorte,c'estpeut-êtretoutsimplementparce
quevousn'êtespasfaitl'unpourl'autre.—Si.Ilestamoureuxdemoi,jelelisdanssesyeux.—Bon,danscecas-là,peut-êtren'arrive-t-ilpasàdireàCharlottequ'ilneveutplusd'elle.Cen'est
pasnonplusquelquechosed'évidentpourlui.Sinon,essayezdelerevoir.Dansunesituationcommelavôtre,ilfaudraitplutôts'orienterversunethérapiedecouple.Lemieux,ceseraitquevousveniezmevoiraveclui.—Ilnevoudrajamais.—Essayezquandmême!Tâchezdevousdevousmontrerconvaincante.Ledialogue,Laurence!Le
dialogue,c'estlaclédetout!—Çanesertàrien.Lemieux,c'estquejel'oublie.
Chapitre16
Non,jenepourraisjamaisl'oublier.Sonvisageestunedrogue.Jesuisobligéedelevoir.Quandj'yréfléchis,jemedisquejesuisunepsychopathe.Jepasseunebonnepartiedepartiedemon
tempslibrepostéedevantchezlui.Jemecachederrièreunpoteauélectrique,quisetrouveàcinqmètrede saported'entrée, afinde contrôler ses sorties.Quand il estdehors, ilm'arrive régulièrementde lesuivreàbonnedistance,afindesavoiroùilserend.J'ai découvert notamment que depuis quelque temps, il avait un nouveau job étudiant. Il est serveur
dansunebrasserieduXIIIe,Lepralin.Ilfaitleservicedusoir,entre20heuresetminuit.Lachancemesourit,carenvitrine,ilyauneannoncecommequoilerestocherchequelqu'unpourle
servicedusoir.Uneidéegermeaussitôtdansmonesprit.Jevaisposermacandidaturepourceposte.Sij'ai lachanced'êtreprise,celamepermettrade levoir tous lessoirs,unemalencontreusecoïncidenceferaensortequinousavonsétéembauchésdanslemêmerestaurant.Avantdeposermacandidature,etafindemettretoutesleschancesdemoncôté,jemerendsplusieurs
foisaurestaurantenjournée.Celamepermetd'observerlepatron,etsurtout,d'appréhenderquelgenredeserveuseilrecherche.Carsij'aienvied'êtreretenue,jen'aipasledroitdemelouper.Voici sonprofil dugérant : la cinquantaine, gros commeunebarrique et les cheveuxblancs coupés
courts.Vulafaçondontilparle,ilestdugenregroscochonquiaimebiensetaperdespetitesjeunes.Lors demon entretien d'embauche,ma tenue sera donc déterminante. Elle devra être aguichante au
possible,sijeveuxluitaperdansl'œil.Une choseme fait peur : c'est la façon dont Alex va réagir lorsqu'il vame voir débouler dans le
restaurant.Lacoïncidenceestplausible,maisilrisquedenepasm'adresserlaparole,pire,dem'effacerdesonchampdevision.Fairecommesijen'étaispaslà.Cen'estpastoutàfaitlebutdelamanœuvre.JepréféreraisquecelieuoùilestéloignédeCharlottesoitpropiceunrapprochemententrenousdeux.Alors, ce n'est pas moi, mais Isabelle Autissier qui ira travailler au restaurant. Et elle, elle sera
capabledetout,carilnelaconnaîtrapas.IsabelleAutissier,c'estquelqu'unquejevaisinventerdetoutepièce.Pourquoicenom,unhomonyme
delacélèbrenavigatrice?Jen'ensaisrien.C'esttoutsimplementlepremierquim'estvenuàl'esprit.Maintenant,ilvafalloirquej'inventeunevieàcettefemmeet,chosemoinsaisée,ilvafalloirqueje
luiattribueunvisage.Unnouveaulookpouruneautrevie.Latransformationestenmarche!Jemerendschezlecoiffeuret
changeradicalementdecoupe.J'optepouruncarrécourtetunecouleurteinteacajou.Jepousselaported'unopticienafindemefaire fairedegrandes lunettesnoires,quicouvrirontune trèsgrandepartiedemonvisage.J'investisaussidansdeslentillesmarron,afindechangerlacouleurdemesyeux,quisontbleus.JefaisundétourparleCasinoShopafind'acheterdufonddeteintpeaumat.J'ailapeautrèsclair,monaspectseraplusdutoutlemême.Encequiconcernematenue,c'estassezsimple.Pourconveniraupatronduresto,jevaisdansunefriperieetachèteunejupenoireras-la-moule,ainsiqu'uncorsagenoir,audécolletédesplusplongeants.
Deretourchezmoi,j'effectuemamue,puisjemeregardedansunmiroir,etlà,j'aiunchoc.Personnenemereconnaîtra,carmoinonplus,jen'arrivepasàmereconnaître.Àprésent,jenesuisplusLaurenceLegrosmaisIsabelleAutissier.La distance me séparant d'Alex commence à se réduire, puisque mon entretien d'embauche fut un
succès.Inutiledevousdirequ'avecmeshabitsdepute,HérvéRichard,lepartonduPralin,m'amatéesurtouteslescoutures.Maiscenefutqu'unmauvaisquartd'heureàpasser.Detoutefaçon,c'étaitleprixàpayerpourpouvoirmerapprocherd'Alex.Cela fait maintenant plusieurs jours que je bosse au Pralin et je suis un peu déçue. Nos postes
respectifsnousempêchentdefaireconnaissance.Moi,jesuisflanquéederrièrelebaretluienchaînelesallers-retoursentre lasalleet lacuisine,nousnousadressonsparconséquent jamais laparole.Leseulprivilègequej'ai,c'estdepouvoirl'apercevoirentredeuxpoivrotsquejesers.Ilest là,entraindesemouvoir,unplateauàlamain.Jenemelassepasdeleregarder,maisçanemesuffitpas,jepréféreraisqueleschosesaillentplusloin.Unsoir.Ilfautquejetentequelquechose.Deuxmamiesviennentdes'asseoiràlatablequisetrouve
justedevantlebar.Jefonceverselle,arméed'unpost-itetd'unstyloquejetrouveàcôtédelacaisse.—Alors,Mesdames,vousvoulezquoi?—OnaimeraitcommencerpasdescoquillesSaint-Jacques.Jenoterapidementleurcommandesurleboutdepapier,puissautesurAlex,quis'apprêteàrentreren
cuisineavecunplateau.Jemodifiemavoix,enlarendantunpeuplusaiguë:—Vu que le restaurant est archi-bondé et que le bar était désert, jeme suis permis de prendre la
commandedeMesdamespourtefairegagnerdutemps.Jeluiindiquelesdeuxfemmesavecmamain.Luidonnedélicatementlepost-it.—Tuesnouvelledanslerestaurant?—Oui,j'aicommencélundi.D'ailleurs,jevienstoutjustedem'installeràParispourmesétudes,età
vraidire,jesuisunpeuperdue.Jeneconnaispasgrandmonde...—Jecomprends,cenedoispasêtrefacilepourtoi.Tufinisàminuit,commemoi?—Oui.—Situveux,resteunpeuaprèslafermeture,onpourrafaireconnaissance.Commeunelettreàlaposte.Ilestàpeine21heures.Lesminutesquinousséparentdeminuitvontêtrelongues,trèslongues...
Lesderniersclientsviennentdequitterleresto.MoietAlexsommesassisàunetable,l'unenfacede
l'autre. C'est très étrange de se retrouver seul dans un endroit qui, il y a encore quelques instants,grouillait de monde. Soudain, on a l'impression d'être sourd. Et l'éclairage qui remplit maintenantcomplètementl'espacecréeunesensationtrèsparticulière.Sansluidemanderquoiquecesoit,j'aiprisl'initiativedeluiservirunverredevodka,untruccostaud
afinqu'ilperdeunpeupied.Quantàmoi,jemesuisversédel'eau.Mêmecouleurmaispaslesmêmeseffets.—Moi,c'estAlex.—Moi,Isabelle.Maistupeuxm'appelerIsa.—Commetuvoudras,Isa.Donc,sijecomprendsbien,tuviensd'arriversurParis.—Oui,jesuisétudiante-stagiaireenartsplastiques.Etlerectoratm'aparachutéelàoùilyavaitdela
place,c'est-à-direici.—Jevois.—Ettoi,tufaisquoi?Tuesaussiétudiant?—Oui,enMasterdedroit.ÀParisDauphine.—Tuvisseul?—Non,j'aiunepetiteamie.Onvitencouple.Ettoi?—Seule.Monmecs'estbarré.Pouruneautre.Macolocataire.Cellequiétaitmasœursiamoise.—Jevois.—Jesuisunepaumée,Alex.Sij'aiatterriici,c'estparcequemasœursiamoisem'afoutueàlarue,
pouremménageravecsonJules...Jelaissemeslarmesexploser.Çafaitdubiendevidersonsac.Heureusementquemonmaquillageest
water-proof.Ilmetendunmouchoirenpapier.J'ôtemonhumiditéavecleplusdedélicatessepossibleafindene
pasaltérermonfonddeteint.—Jecomprends,çanedoitpasêtrefacileàencaisser.Jesensquecequejeviensdeluiraconterletouche,ilareçulesignaldedétressequeIsabellevient
de lui envoyer. Pourtant, Laurence se trouve exactement dans lamême situation,mais pour elle, rien,aucuneémotion.—Maintenant,ilfautquetutemontresforte,quetuarrivesàtournerlapage.Leplusvitepossible.Et
ne t'inquiète pas. Bientôt, tu rencontras quelqu'un d'autre, digne de confiance. En attendant, je vais tedonnermon06.Commeça,s'ilyaquoiquesoit,tupourrasm'appeler.—Qu'est-cequevousattendez,lesdeuxtourtereaux,dites-vousquevousvousaimez!Unordresortidelavoixroquedenotrepatron.MonsieurRichardvientàmonsecours.Uneaideaussi
précieusequ'inattendue.Cesparolesmettentmalàl'aiseAlex.—Qu'est-cequ'ilraconte?Je profite de cette brèche pourme lancer. Je lui parle d'une voix douce, sans quitter un instant son
regard. Je sais très bien ce que je vais lui raconter, j'ai préparémon texte à l'avance.Lepiège va serefermer.—Regardeunpeumagueule!Desputescommemoi,çacourtlesrues!Personnen'aenviedemoi!Si
tuasenviedem'aider,cen'estpasparhasard.Depuisquenoussommesassisàcettetable,tesyeuxnesavent pasmentir. Tu ressens quelque chose pourmoi. De la compassion. Une envie irrationnelle dem'aider...pourfairesimple,del'amour.Sachequec'estréciproque.
—Alex,tuesunhomme!Ilfautfairelepremierpas,sinontufinirastavieseul.Ilenrajouteunecouche.Yes!Alexperdpied.—Leproblème,c'estquejen'aipasledroitdefaireça.Jeregrette.Ilselèvepourprendrelafuite.Heureusement,lepatronrevientàlacharge.—Tuvoisbienquecettegamineabesoind'amour!Jeveuxvousvoirvousembrasseravantquevous
nepartiez,sinonjebaisselerideaudefer,etjevouslaisseenfermerdansmonrestaurantjusqu'àdemainmatin.Etlà,Alexperdtoutcontrôle.Moiaussi.Jeme lève àmon tour, nous nous enlaçons.Quand il passe sesmains surmon deux, je reçois une
véritabledéchargeélectrique.Nosvisagessontàquelquescentimètres,nosregardssenoient l’undansl’autre.Seslèvreseffleurentlesmiennes,sonsoufflesemélangeaumien.Maintenant,nosbouchessontcollées, rienne semblepouvoir nous séparer.Nos langues se cherchent, semêlent, s'enroulent...Cettedanselingualesemblesansfin.
Chapitre17«Tuasétécabosséeparlavie.Cesoir,j'aienviedet'aideràoublier,àpasseràautrechose.Alors,je
suisàtoi.Tupeuxmefairefairetoutcedonttuasenvie.Jesuistonpantin.»Noussommesdansunchalet.Aprèslebaiser,lebaisodrôme!Nouscherchionsunhôteloùpasserla
nuit.Alexn'enconnaissaitpas,moiunseul.AlorsnousnoussommesrenduPortedelaChapelle,cequim'arrangepuisquejetrouvequecetendroitesttraverséparuncourantpositif.Jem'assoisauborddulit.Jesorsmontéléphone.Ouvrel'applicationLecteuraudio.LanceletubeGhosts'n'Stuff,untubeduDJcanadiendeadmau5.Etactionnelemodehaut-parleur.It'sbeensolong,I'vebeenoutofmybodywithyouIfeelalone,feelathome,feellikenothingistrue...«Fais-moiunstriptease»Debout devantmoi, il commence à déboutonner sa chemise en ondulant du bassin au rythme de la
musique.Lorsquesachemiseestentièrementouvertesursontorse,illaretireetlajettesensuellementparterre.Sursontorsebronzé,jepeuxdéjàremarquerlespremierseffetsdesesséancesdemusculation.Despectorauxnaissants.Takeitbackwhensheknowsthatyou'redoingitright'Causeeverybodyelseknowswhatthey'retakingtonightPuisilretireseschaussuresetsonpantalon.Ilposesamainsursonboxer.«Neteprécipitepas,faitdurer...»Il semet àmimer unmouvementmasturbatoire.Après un refrain nerveux, le rythme de lamusique
ralentit.ButIjustwannaplayitrightWe,we'regonnagettheretonightIjustwannatakeyoudownWe,we'regonnabringyou'roundIlbaisselentementsoncaleçon,lejetteausold'ungesteélancé.Ilestnu.Jemedéshabille,afind'êtreàl'égaldeluiEntresesjambes,uneérectionestentraindenaître.Jemelève,m'approchedelui,leprendsparlamain.«Maintenant,laisse-toifaire»Jel'inviteàs'allongerdanslelit,ilm'obéit.Àprésent,monhommeestàmoi.Jemeposesurlui.Jefaisdoucementglisserenmoisavergedevenue
longue et dure.Afin de recevoir lemaximum de plaisir de sa part, j'exerce d'habilesmouvements debassin.Jem'aidedemeshanches,demesfesses,demescuisses.Alors,ildéplacelentementsonbrasgaucheetmecaressetimidementlebasdemondosavecquelques
doigts.Ilsedétend,prenddel'assurance.Cesontmaintenantsesdeuxmainsquiparcourenttoutmoncorps.
Elles marquent une pause sur mes hanches arrondies, les caressent, les enveloppent, se glissent endessousd'elles, à la frontièredenosdeuxcorpsqui se trouvent toujours l'uncontre l'autre. Je sens leplaisirdeplusenplusmonterenmoi.Lamusiquedevientdeplusenplusendiablée,lesmouvementsdeva-et-vientqu'effectuentnosdeuxbassinss'accélèrent.NousatteignonsleNirvana.Jesenssasemenceserépandreauplusprofonddemoncorps.Ilm'estimpossibledecontenirmajouissance.Jemeréveille,iln'estpluslà.Jeregardel'heuresurmontéléphone:8heures34.Ilestprobablement
partirejoindreCharlotte.Choseloind'êtreévidentepourlui,carilvamaintenantfalloirqu'iltrouveuneexcusepourluiexpliquerpourquoiiladécouché.Maisunautreproblèmevaseposeràpluslongterme.S'ilestvraimentamoureuxdemoi,ilvafalloirqu'illargueCharlotte.Etlà,çarisqued'êtrelecrashduBoeing,car,telquejelaconnais,monex-sœursiamoiseestvraiment,vraimenttrèspossessive.Aujourd'hui,c'estsamedi.Etlesamedi,nouscommençonstouslesdeuxà18heures.Celameferadeux
heuresdemoinsàattendrepourlerevoir.Lajournéevameparaîtredéjàsilongue...
Chapitre1817 heures 55. Le restaurant est vide. J'attends derrière le bar. D'ici, je vois la vitrine dans son
intégralité. Je distingue avec précision les gens qui passent dans la rue. Depuis ce point de vuepanoramique,jeguettel'arrivéed'Alex,ilvasemanifesterd'uninstantàl'autre...Ilpénètredanslabrasserie.Avanceverslebar.Serapprochedeplusenplusdemoi.Ilestamoureux
demoi,jelesais.Ilvamedonnerunbaiser,jesuissûrequ'ilvalefaire...Unegifleviolente,àdeuxdoigtsdemeperforerletympan.—Fautquetutefassesinterner,Laurence!T'esvraimentunemaladementale!Fouslecamptoutde
suiteousinonj'appellelesflics!MoietCharlotte,nousnevoulonsplusjamaisterevoir,c'estcompris?Monsangnefaitqu'untour.Jemeretourne,saisisunebouteille,puislafracassecontresoncrâne.Il
s'écroule. J'entends sa tête percuter violemment le sol, tout comme j'entends le bruit du verre volé enéclats.Letempsestàprésentsuspendu.Lessecondesnepassentplus.Jesuisparalysée.Uncertaintempsmefutnécessairepourconstaterpleinementl'horreurdemongeste.Jel'aitué.Cela
faitdemoiunemeurtrière.Jedécidedem'enfuir,decourirleplusvitequejepeux,dem'éloignerleplusloinpossibledulieudu
massacre.Où aller ? La première idée qui me vient en tête, c'est de me rendre dans un chalet Porte de la
Chapelle.C'estdanscerefugequej'attendraiquelapoliceviennemecueillir.Aupréalable,jefaisundétourchezFlunch.Jeprendsuneformule«buffetàvolonté».Jemesers,me
ressers...jusqu'àl'épuisementdeleurstock,oupresque.Jenecomptepaslenombred'allers-retoursquejefaisàlazonedesplats.Jenemesenspasbien.Jen'aipastrouvéd'autresolutionquedenoyermonmal-êtreenmevengeantsurlanourriture.Deskilosdegraissesenplusdansmoncul.
***—Bébé,net'inquiètepas!Jesaisquetuvasaimerça.Josephsetrouvedansmondos,ilestentraindemesodomiser.Jesuisvraimentuneordure.Unemerdeambulante.Jeviensdetuerquelqu'un,etjen'airiendetrouver
demieuxquedemebourreretdebaiseravecunmecquiapratiquementlemêmeâgequemonpère.Quandjesuisarrivéedanslechalet, j'étaispommée,alors j'aipenséàJosephet jemesuisditqu'il
pourraitmevenirenaide.Jeneluiaibienévidemmentpasditquejevenaisdetuerquelqu'un,jeluiaijusteditquemonmecm'avaitgiflée,etquej'étaisactuellementenpleinedétresseamoureuse.Ilaacceptédevenirm'aider,maisjepensaispasdutoutqu'ilmesecourraitdecettefaçon-là.Ilest
arrivéavecplusieursbouteillesd'alcool,puistoutaététrèsvite.Nousavonspicoléetmaintenant,noussommesenpleinepartiedejambesenl'air.Ils'agitdemapremièreexpérienceanale.Àmonavis,c'estloind'êtrelemeilleurmomentpouressayer
ça.Sonmouvementestmécanique.J'aimal.Etc'estbienfaitpourmoi,carai-jeledroitdejouiraprèsce
Chapitre19Jesuisderetourchezmesdaronspourlesfêtesdefind'année.Commedepuisdéjàplusieursannées,nousallonspasserNoëlenéquiperéduite.Mesgrands-parents
sonttoussouslatombe.Lerestedelafamillehabitetroploinpourvenirnousvoir—ouàmonavis,nesouhaitepasnousvoir,ladistanceétantunformidableprétexte.Alorsnousneseronsquequatre:moi,masœur,etmesparents.Pour les cadeaux, c'est assez simple. Ce sont tous les ans les mêmes. Mon père collectionne les
bouteillesdewhisky,mamèrelestassesetmapetitesœurlespoupéesBarbie.Quantàmoi,jereçoisdel'argent.Lecadeauleplussimplequandonnesaitpasquoioffrir.Monpèrenemefaitplus la tronche,contrairementà ladernière foisque je l'aivu. Ilavisiblement
réussiàdigérerlefaitquej'abandonneleJapon.Jepensequec'estmamèrequiaréussiàluifaireavalerlapilule,puisquesansmel'avouer,elleestbiencontentequejesoisderetourenFrance.Ellepeutmevoirplussouvent,c'étaitdurpourelledenemevoirqu'uneseulefoisparan.—Tuesmoche,commeça?Qu'est-cequet'asfaitàtescheveux?J'entredanslachambredemapetitesœur.Ellejoueàlapoupée.Jem'assoisàcôtéd'elle.Aprèsmonpèreetmamère,elleestlatroisièmepersonneàmedirequejeressembleàrien.Etcomme
lavérité sort toujoursde labouchedesenfants, laparoledeClémentinecomptedouble.C'est sûr,macouleurdecheveuxnemevapastrop,mêmepasdutout.L'acajourougeprofondjureavecmonteintdelune.Çamefaitunetoutepetitetête.Qu'est-cequejesuismoche!Pourquoimesuis-jemisedansuntellemerde?Aujourd'hui,quandjemeregardedansunmiroir,jene
suisplusLaurenceLegrosmaisIsabelleAutissier.IsabelleAutissier,latueuse.Jenemesuisbiensûrpasventerdemesexploitsauprèsdemesparents,sinonmonpèreauraitfaitune
crisecardiaque.Detoutefaçon,ilsl'apprendrontbienasseztôt.Jesuisactuellementensursis,lapolicepeutdébouleràtoutinstant.IlfautquejesavouredanslamesuredupossibleceNoël,puisqu'ils'agitdudernierenfamilleavantunlonguesérieenprison.LaurenceLegros,lafemmeauxdeuxvisages.Unjour,jepasseraidansFaitesentrerl'accusé.Quelle
gloire!Maculpabilitém'écrasecommeunechapedeplomb.Jefondsenlarmes.—Qu'est-cequ'ilt'arrive,grandesœur?JefouilledanslaboîtedepoupéesquisetrouveàcôtédemoietsorsKen.—ImaginequeBarbietueKen.Qu'est-cequetuferaissituétaisàlaplacedeBarbie.—Ehbien,j'iraivoirlapoliceetjediraisauxpoliciersquec'estmoiquil'aitué.MaisBarbie,elle
estgentille,cen'estpaspossiblequ'elleaittuéquelqu'un.—C'estvraiqu'elleestgentille,maisl'amourrendinconscient.EtBarbieaussiestinconscientequand
elleestamoureuse.Tucomprendrasçaquandtuserasgrande.Clémentinea raison. Il fautque jeme rendeà lapolice.Que jepaiepourceque j'ai fait.Mais j'ai
enviedecommencerparappelerCharlotte,pourluidirequejesuisunemerde,quejesuispleinementresponsabledemesactes.
Afindem'isoler,jemerendsdanslestoilettes.Unecabinetéléphoniqueimprovisée.JecomposelenumérodeCharlotte,quimerépondtoutdesuite—Laurence?JesupposequetuappellespourAlex?Ehben,cen'estpastroptôtdes'inquiéterpour
lui !Tuaurais trèsbienpu le tuer.Tuaseude lachance,cesontsesgenouxquiontmorflé.Lesdeuxrotules cassées. Six semaines à marcher avec des béquilles, sans compter la rééducation derrière. Ilvoulaitporterplainte,maisc'estmoiquiluienaidissuadé.Tudevraismeremercier.—Merci.—Bahplutôt.Justeunconseil,tiens-toitrèstrèséloignéedenous,carsiAlextecroisait, jenesais
pascequ'ilsepasserait.—Merci.Encoreunefois,merci.Grandoufdesoulagement.Pourlecoup,j'aieuunechanceinouïe.Jemedisquejedoisquandmêmeavoirunebonneétoilelà-haut.
Tiens-toitrèstrèséloignéedenous.Nevousinquiétezpas,AlexetCharlotte,nousnerisqueronspas
denous croiser.Puisque jevais partir à l'autrebout de laTerre.Vuquepersonneneveut demoi surParis,ehbien,jevaisretourneràTokyo.Là-bas,ilyauraaumoinsuneheureuse.Hujito.Personnenonplus ne veut d'elle. Lors d'un exposé à faire en binôme, nous étions les deux seules étudiantes dontpersonnenevoulaittravailleravec,c'estcommeçaquenousnoussommesrencontrées.Auniveauducalendrieruniversitaire,çaneposerapastropdeproblèmes.Jeferaimarentréeaumois
defévrier,pourfinirl'annéeenjanvierN+1.Iln'yaurajustequ'unsemestrededécalage.Etpuis,ilyauraaussiquelqu'unquiseracontent.Monpère.Malgrétousleseffortsdemamère,iln'a
pasencorecomplètementdigérerlefaitquej'abandonneleJapon.LeseulsouciavecHujito,c'estlabarrièredelalangue.Nouséchangeonsenanglais.Contrairementà
moidontlamaîtrisedelalanguedeShakespeareestplusqu'approximative,sonanglaisestimpeccable.Celanousimposedesfoisdefairedelonguespériphrasesetdelongsdétourspourpouvoirréussiràsecomprendre,maisnousyarrivonstoujours.Librecommel'air.J'effacedemonrépertoiretéléphoniquelesnumérosdeCharlotteetd'Alex.PuisjecomposeceluideHujito.+81369547814Ellerépondàlatroisièmesonnerie.—SalutHujito,c'estLoquit'appelle!—Moshimoshi,Lo!—J'aiunesuperbonnenouvelleàt'annoncer.JereviensauJapon.—Tuplaisantes?—Non,macolocataireneveutplusdemoi.Jen'aiplusrienàfairesurParis.—Lo,sachequetuespourmoicommeleMessie,caronaunexposéàfaire,etilfautquejetrouve
quelqu'und'icidemainsoir.
—Jeveuxbientravailleravectoi,maisàunecondition.Quetum'apprenneslejaponnais.—Haï.—Jesupposequeçaveutdireoui?Jel'entendspoufferderiredel'autrecôtédutéléphone.—Haï.—Jeréservetoutdesuiteunbilletd'avionetjeserailàdemain.D'icilà,j'aiunepetitemissionàte
confier. J'aimerais que tume retiennes trois nuits dans un hôtel bonmarché, le temps de trouver unesolutiond'hébergement.Enfin,siçanetedérangepas.—Non,aucunsouci.—MerciHujito.—Àdemain,Lo!medit-elleenfrançais,avecsonaccenttrèsmarqué.—Commentdit-on«àdemain»enjaponnais?—Mataashita.—Mataashita.
***
CDG,Terminal2E.Tuesmoche,commeça?Qu'est-cequet'asfaitàtescheveux?Mapetitesœuraraison.Jesuisarrivéeunpeuenavanceàl'aéroport,alorsj'enprofitepourfaireunsautchezlecoiffeur.Retouraufondamentaux.Jeredeviensblonde.Mescheveuxserallongent,aveclaposederajouts.IsabelleAutissierresteàParis.LaurenceLegross'envole.
Chapitre20KonnichiwaTokyo!MonvolAirFrancearriveàl'aéroportdeNarita.Ilestenviron21heures,heure
locale,etlavilleestplongéedansl'obscurité.Arrivéedansl'aérogare,Hujitom'accueilleavecungrandsourire.—Heureusedeterevoir.Cesontcespremiersmots.—Moiaussi,jesuiscontented'êtrederetourici.Enfait,j'aimebienleJapon.CommetouteslesJaponaises,Hujitoesttrèscoquette.Elleprêteunegrandeattentionàsonapparence,
deparseshabitsetsonmaquillage.Jeparcourssoncorps.Collantnoir.Jupedrapéebleumarine.Vestecourtenoire,souslaquelleonpeutentrevoirunchemisieravecdesmotifsfloraux.Unetêtetouteblancheavecdesyeuxbridés.Elleestsûrementplusélégantequemoi,avecmonjeanbaggyetmonK-wayrose,celamemetfranchementmalàl'aise.Nousnousdirigeonsversuncomptoirspécialpourvisiteursétrangers,afind'effectuerlesdémarches
nécessairesà l'entréesur le territoire.Une jolieJaponaisenousaccueilleavec lesourire.Toutva trèsvite.Dixminutesàpeinesuffisent.L'efficacitéjaponaisecommencedèsl’arrivéeàl’aéroport.Afin de pouvoir rejoindremonhôtel, j'en profite pour demander un billet pour leSkyline, lemétro
aérienultra-modernelamégalopoledeTokyo.Hujito, quihabite à l'autreboutde lavillenem'accompagnerapas.Ellem'expliquequ'ellevoulait
trouverunechambreplusprochedechezelle,maisqu'ellen'apasréussi.Leshôtelssontarchi-bondéssurTokyo,etquandons'yprendauderniermoment,onn'estpasendroitdefairelesdifficiles.Hujitoaprislesoindemepréparerunplanm'expliquantavecprécisionoùsetrouvel'hôtel.Deplus,
j'aiunbonsensdel'orientation,jedevraisdonctrouverl'adresseassezfacilement.LeSkylines'élancedanslecieltokyoïte.C'estpartipouruneheuredetrajetdanslesméandresdela
ville.Depuislesfenêtres,onaperçoitdunoirperforéparuneinfinitédepetitstrousjaunes,leslumièresdelaville. Jedescendsà la stationdemétroAkihabara, cellequem'a indiquéeHujito.Avecmongros sacde
randonneursur ledos, je rejoins l'hôtelàpieden troisminutes.Sur la façadedubâtiment,pasunseulpanneauenanglais,justedenombreusesenseignesmulticoloresincompréhensiblesquiscintillentsouslecrachinnippon.Lafouled'idéogrammesquiseprésenteàmoin'aaucunesignification,justeunebeautéénigmatiquedeparleurdessin.Extérieurement,labâtisseenacieretenverredominelacirculationduhautdesesneufétages.Celame
faitpenseràunvulgaireimmeubledebureaux.Vulagueuledel'immeuble,jem'attendsàêtreaccueilliecommeaubaisodrôme.C'est-à-direrécupérer
laclefdelachambreaprèsavoirintroduitsaCarteBleuedansunautomateparlant.Maiscen'estpasdutoutlecas.J'arriveàlaréception,etjetrouveassisderrièreungrandcomptoiruncoupledeJaponais.L'hommeetlafemmesontentourésd’uneribambelled’appareilsélectroniques,demini-écransassurantleretourdescamérasdesurveillance.Unpeuplusloinsurladroite,unetélédiffuselesimagesd’unfilmd’action.Jebaragouineàl'hommeassisderrièrelecomptoirquelquesmotsenanglais.
Ilmeremetuneplaquette,lemoded'emploi...ducapsule-hôtel!J'avaisdemandéàHujitodemeréserverunhôtelbonmarché,maiscelanem'étaitpasvenuàl'esprit
qu'elle opterait pour cemoded'hébergement, qui pour le coup est vraiment lowcost. Jem'attendais àquelquechosed'unpeuplusconfortable.Ilvas'agirpourmoid'unbaptême,puisquejen'aijusqu'àprésentencorejamaisexpérimentécetype
d'hébergement.Jen'enavaisjusteentenduvaguementparler.Unecabinedepilotagedecapsulespatiale.C'estlapremièrechoseàlaquellej'aipensélorsquej'aivu
ledessindelacapsulesurlabrochure.Quellechance!Jevaispasserlanuitdansunbijoutechnologiquerésumantàluiseultoutelamodernitéjaponaise.Ilrisqued'yavoirdesenvieux!Commeàlapiscine,leréceptionnistemeremetunbraceletnumérotéencaoutchoucauquelpendune
petiteclef.923.Lenumérodemacapsule.Premièrerègle:sedéchausser.Jerangemeschaussuresdansunesortedegrandboîtieràchaussures
collectif,justeàcôtédelaported’entrée.Parsoucidepropreté,leshôtessedéplacentpiedsnusouenchaussettes.J'extirpedemonsacderandonneurunpyjama.Monbagagefaisantlamoitiédelatailledelacapsule,
jeledonneàlafemmeducomptoir,quilerangesuruneétagèrederrièreelle.Jemontedansl'ascenseur.Lebâtimentfaitdixétages.J'ignoreàquelniveauoùsetrouvemacapsule.
Lenumérocommençantparneuf,jesupposequ'ils'agitdu9ème.Enroutepourle9ème.923setrouvebienau9èmeétage.Madéductionétaitlabonne.Lechoc !Endescendantde l'ascenseur, je tombe surunétroit couloir.Du sol jusqu’auplafond, les
capsulesformentunmurd'unehauteurdetroisboîtiersrectangulairesempilés.Onaccèdeauxcapsulesduhautàl'aided'unepetiteéchelle.Chaquecapsulemesure80centimètresdehaut,80centimètresdelarge,etenviron2mètresdeprofondeur.Côtéintimité,c'estplusquerudimentaire.Cariln'ypasdeporte.Seulunstoreenbambouassurela
séparationentrela«chambre»etlecouloir.Lebambouestleseulmatériaunaturel,puisquelerestedel’habitacleestenplastique.Macapsulesetrouveauniveaudusol:faciled’yentrer,jemebaisseetypénètre à quatre pattes, comme un chien dans sa niche. Ouaf ! Ouaf ! À l’intérieur de l’habitacle,impossibledesemettredebout,nimêmeenpositiondulotuspourméditer.Allongée,Perdita!C'estunordre!Jeresteétenduesurledosàcontemplerlabeautédeslieux.Moncorpsreposesurunmatelasdequelquescentimètresd'épaisseur,guèreplusconfortablequ'uneplancheenbois.Matêteestallongéesurunesorted’oreillercouvertd’untissuencotonetremplideboulettesenje-ne-sais-quoi.ProbablementunmatériaurévolutionnaireinventéparlescerveauxduSoleilLevant.Maintenant,ilvafalloirdormir.Ouentousça,essayerdedormir.J'aidelachance,jenesuispasclaustrophobe.Nicheàchienoucasierpourpoulesélevésenbatteries.Ouencoremort-vivantcoincédansuntiroirde
morgue. Je ne sais pas vraiment dans quel endroit jeme trouve.En tout cas, appeler ça une chambred'hôtelseraitunetrèsgrossièreerreurdevocabulaire.MerciHujitopourcetteexpérienceunique!Laseuleouverturesurlemondeextérieurestunpetitécrandeneufpoucesencastrédansleplafond
quidiffusedeschaînesnippones...etparfoisfriponnes!Enl'échangedequelquesyens,ilestpossibledevoirdupornomadeinJapan.J'aipasséuneannéeauJaponetd'ailleurs,jen'aijamaiseulacuriositéderegardercommentjouissaientlesJaponaises.Ilfaudraqu'unjourjemerenseigne,maispascesoir.Materçasurunécrand'unesipetitetaillenemetentepastrop.
Ici,iln'yapasdechambredouble.Lesébatsérotiquessontproscrits.Vouspouvezvousadonnerauxplaisirssolitaires,etencore,ilfautveilleràlapromiscuité.6heures34.Tokyoestdéjàbienréveillée.Jedécidededécamper.J'aitrèsmaldormi.Àvraidire,je
ne saismêmepas si j'ai fermé l'œilune seule foisdans lanuit.Aujourd'hui, jememets enquêted'unhébergement«durable».Jen'aipasenviedepasserunedeuxièmenuitenferméedansuncercueil—siDieuleveut,j'aimeraisvivreencorequelquesannées.Malheureusement,jesuisconscientequelatâchevaêtredifficile.Noussommesenmilieud'années.L'aubergede jeunesseoù j'étais l'andernieraffichecomplet.Cen'estpasgagné.JereprendsleSkyline,cettefois-cidansl'autresens.AvecHujito,nousnoussommesfixécommepoint
derassemblementlastationdemétrodesservantl'université.Ellevam'aiderdansmaprospection.Le train fileendirectionde la fac.Surmonchemin,pasdeverdure,peud'espacesvierges, juste la
villequisedéroulesousmesyeux.Danscetenchevêtrementanarchiquedepoteauxélectriques,devoiesdechemindefer,decomplexesindustrielsetd'habitations,letrainarriveàsefrayerunpassageétroit,celarevêtdel'exploit.Etilyaaussisurlestrottoirs,lesgens,parcentaines,parmilliersquimarchent,secroisentets'entrecroisent,sanss'apercevoir.Et puis, au détour d'un virage, j'aperçois au loin la Tour de Tokyo. Tout comme Paris, la capitale
nipponneasonpénis.Jen'airienmangédepuismonarrivéeàl'aéroport,hiersoir.Alors,jedécidedefaireundétourchez
McDo.JecommandeunMcMuffinBacon&Egg,despancakesetuncafé.Enquelquesminutes,toutseretrouvedansmonestomac.Jemesensmieux.Quoideplusréconfortantquedemangerquelquechosequia lemêmegoûtdanstouteslesvillesdu
monde?—Tuasbiendormi?—Oui,ç'aété,mens-jeàHujito.
Chapitre21Commejem'enétaisdouté,nousavonsfaitchoublancdansnotrerecherched'appartement.Tropcher,
tropéloignédelafac,troploindescommerces.Jen'airientrouvéquicorrespondaitpleinementàmescritères.Noussommesenpleinmilieud'année,riend'étonnantàcela.Ilmefautunesolutiondans l'immédiat. Iln'estpasquestiond'attendreune journéedeplus, le temps
queStéphanePlazasedéplaceauJapon.Alors,Hujitom'aproposédem'hébergerprovisoirementchezelle.Ellemeprêteralecanapédusalon—unconvertible—,ceseratoujoursmieuxqu'unenicheàchien.—Voilàmonchezmoi!J'entredanssonappartement.Jesuisimpressionnéeparlatailledeslieux.Laported'entréedébouche
sur un salon énorme qui paraît bien vide. Un canapé orange, sur lequel je dormirai. Une table basseblanche.Unmeuble télé blanc, avec un écran Sony 103 cm posé dessus. C'est tout. Côté déco, de lapeinturenoireausol,etdelatoiledeverreblanchesurlesmurs.Aufonddumur,unegrandebaievitréedonnesurunimmeuble.SonappartementsetrouveenpleincentredeTokyo,leprixduloyerdoitcoûterunebagatelle.Mais
son père doit avoir les moyens. J'ai cru comprendre qu'il avait de hautes responsabilités dans uneraffineriepétrolièresituéeausud-estdel'archipel,dansleJapondel'endroit.
***Mesrecherchesd'appartements'enlisent.Celafaitmaintenantplusieurssemainesquejechercheetque
jenetrouverien.Enattendant,jesquattelecanapédeHujito,soussabienveillance.D'ailleurs,deslienssontentraindesetisserentrenousdeux,etvuqu'elleaungrandappartement,je
medisquejepourraistrèsbiendevenirsacolocataire«titulaire».Maisàmonavis,ilestencoreunpeutroptôtavantdeluiformulermademande.Ilfautattendrequenoussoyonsdavantagesoudéesavantdelefaire.Hujitoa remisencausemespréjugés sur lanourriturenipponne.Àvraidire,mesconnaissancesen
cuisinejaponaiseétaienttrèslimitées.Voireinexistantes.Ellessecantonnaientauxplatsproposésparleselfdel'université.Delabouffeindustrielle,sanssaveurs.Hujitom'initieauxplatstypiquementJaponnais,cuisinésparelle.Etçan'aabsolumentrienàvoir!Voicimontop3:Médailledebronze.L’agedashitofu,untofusoyeuxfermecoupéencube,puisenveloppédansdela
féculedepommeterreetfritdansdel’huile.Ensuite,ilestdéposédansdelasauceàbasededashi,desojashoyuetdemirin.Médailled'argent.Letamagoyaki,uneomelettesucréerouléesurelle-mêmegrâceàunepoêlecarrée
appeléemakiyakinabe.Ilsemangefroidoutiède.Etenfin,médailled'or.Lesakuramochi,unepetitepâtisserietraditionnellecomposéed’unmochi—
boulederizgluante—rosesucréfourréàlapâtedeharicotsrougesanko.Ilestentouréd’unefeuilledecerisierdesakuralégèrementsalée.
Jemesuisaussimisàl'apprentissageduJaponais.C'estHujitoquimedonnedescours.Semaineaprèssemaine, je fais d'énormes progrès, et Hujito est contente, carmaintenant, on peut avoir ensemble unembryondeconversationdanssalanguenatale.
Chapitre22Premieravril.—Jevaistefaireunesurprise,meditHujito,quiessaiedegardersonsérieux,malgrésonirréductible
enviederire.Quelgenredepoissond'avrilva-t-ellemefaire?Jesuisimpatienteledécouvrir.—Suismoi!—Onvaoù?Elle fait chut en posant son index sur les lèvres. Elleme prend par lamain pour que je la suive.
J'ignorecomplètementoùnousallons.
***Troispénisénormes,dedixmètresdelongchacun.Debout.Enérection.Unenbronze.Unenbois.Et
unautre,peintenrose.Aprèsuneheurede trainetdeuxcorrespondances,c'est lapremièrechosequinousperfore lesyeux
unefoisfranchieslesportesdelagaredeKawasakiDaiichi.Nousarrivonssurunegrandeplacepavée,sur laquelle le soleil se reflète, et ses« sexesd'homme»se trouventàunecinquantainedemètresdenous.Chacund'entreeuxestposésurunpalanquin,prêtàdéfiler.—C'estleKanamaraMatsuri,m'informe-t-elle,sourireauxlèvres.—C'estquoilekamana...lekamananarasuri?Mesproblèmesd'élocutionlafontrire.—Non,leKanamaraMatsuri.Appelleçalefestivaldupénisdefersitupréfères...—Lefestivaldequoi?—Dupénisdefer!Ellemeregardeavecunénormesourire,puisreprend:—Jevaist'expliquer.Unelégendeancienneracontequ'undémoneutl'idéedesecacherdanslevagin
d'uneprostituée.Ils'amusaitàmordrelespénisquientraientenelle.Alorsunjour,unforgeroneutl'idéedefaçonnerunpénisdeferafindedétruire lesdentsdudémonetdemettrefinà lamalédiction.C'estainsique,depuislors,nouscélébronstouslesansleKanamaraMatsuri,iciàKawasaki.Despénis,encoredespénisetrienquedespénis.Voilààpeuprèscequirésumecettefête.Nousobliquonssurlagaucheetnousengageonsdansuneruenoiredemonde.Nousnousretrouverons
soudaindansunesortedefoire.Dechaquecôtédelavoie,desstandssontinstallés.Sontenventeunemyriade de souvenirs qui ont tous pour point commun une représentation du sexe masculin. Stylo.Bougies.Sculpturesurbois,surradis.Chocolats.Jouetspouradultes.Ouencoresucettes.Hujito flashepourunepairede lunettesavecattachédessus,unnezencaoutchoucroseen formede
pénis.Ellefonceverslestandetenachètedeux.J'éprouveunecertaineréticenceavantdechausserleslunettes,maisjemedis:«Arrêted'êtrecoincée,Laurence!Tuasfaitpirequeça!»Alors,toutcommeHujito,jemetsmeslunetteset,enpouffantderire,nousnouslançonsdansuneséancedeselfiesdébridés.
La présence de nombreux enfantsm'interpelle.Ce festival neme semble pas des plus adaptés. J'entouchemot àHujito.Elleme rassure aussitôt enme disant qu'il ne s'agit en aucun cas d’un festival àcaractèresexuelmaisavanttoutunfestivalpourcélébrerlafertilitéetpermettreauxfamillesd’avoirplusd’enfants.Etpuisvientl'heuredudéfilé,lepointd'orguedufestival.Lespénisgéants,soulevéspardeshommes
déguisés,sefaufilentdanslafoule.
Chapitre23Aux alentours deminuit. Quelqu'un entre dans l'appartement, c'estHujito. Il lui arrive de temps en
tempsdedonnerdescoursdeJaponais lesoir,c'estpourcelaqu'ellerevient tard.Entempsordinaire,j'attends son retour pourme coucher,mais aujourd'hui, j'ai chopé un sacré rhume. Impossible de tenirjusqu'àminuit.Pensantquejedors,ellen'allumepaslalumièreafindenepasmeréveiller.—Tupeuxallumer,luidis-je.Jenedorspas.Ilnemanqueraitplusquetutecasseslabinette.Jemelèvepourl'accueillir,jeporteunenuisetteblancheassezlégère.Hujito,toujourstrèsélégante,esthabilléetoutennoir.Jupecourtes'arrêtantàlamoitiédelacuisse.
Vestetailleur.Cesoir,quelquechosedetrèsétrangeestentraindeseproduire.Celafaitquatremoisquejevisavecelle,etpourlapremièrefois,moninconscients'exprime.Maraisonm'ajusqueprésentempêchéedeconstatercequiestuneévidence.Cettefillen'estpasqu'unesimpleamie,non,cettejeunefemmem'attire.Lesmotssontdifficilesàprononcer,maisjecroisbienquejesuisamoureused'elle.Jeneveuxplusmecacherderrièreunmur,nim'empêcherdelacontempler.Alors,jelaregardeavecdesyeuxcoquins,ladévisageduregardetportemesyeuxsurl’ouverturede
son chemisier. Un plongeant joli et profond. Je constate que mon entrejambes commence à devenirhumide.Ledésirmonteenmoi.J'ai envie d'aller plus loin avec elle. Je lui fais comprendre que depuis le jour où j'ai décidé de
revenirauJapon,moninconscientavaitcomprisquejeladésirais.Ellenemerepoussepas.J'endéduisqu'elleaussi,elleaimelesfemmes.Quedetempsdeperdu!Quatremois!Elleôtesaveste,lajettesurlelit.Jem'approched'elle.Mamaindroitecaressesondos,atteintsanuque,passedanssesjolischeveux
bruns. Un baiser furtif vient se poser sur cette nuque. Mes doigts effleurent maintenant ses cuissesdénudées, elle pousse un petit gémissement à peine audible.Mes yeux se fixent sur les siens et nouséchangeons un premier baiser, tendre et délicat. Puis d'autres baisers plus intenses, plus longs, pluspassionnés se succèdent sur un rythme effréné.Nosmains se déchaînent sur nos corps, pétrissant nospoitrines,caressantnoscuisses,lesremontantpouratteindrenosintimités.Ellemeprocuredavantagedeplaisirqueceluidont jesuisenmesuredeluienrendre.Carsesvêtementssontpourmoiunobstacle.Elle,ellepeutpassersesmainssousmanuisette,sesdoigtsagilessontencontactdirectavecmachair,ilspeuventactionnersansaucunedifficultémonboutondudésir...Unspasme.Jesursaute.Hujito?Oùest-elle?Elleadisparu!Jeregardeautourdemoi.Non,iln'ya
personne.Lapièceestplacéedanslapénombre.Iln'yapasdevolets,cesontdesstoresquifontofficedefermetures.Onvoittoutautourunesortedecadreenlumièreblanche,généréparl'éclairagedelarue.Unpeucommesidesfantômess'apprêtaientàentrerdansl'appartement.Le radio réveil à cristaux liquides rouges indique 0 : 32. Le calme plat règne en maître dans
l'appartement. Hujito ne donnait pas de cours ce soir-là. Elle se trouve dans la pièce d'à côté, biensagementallongéedanssonlit,entraindedormir.Unefoismesespritstotalementretrouvés,jemerendscompterapidementquejeviensdefaireunrêve
chelou,etquimemetbiendansl'embarras.Moninconscientvientdes'exprimer,etàprésent,rienneseraplusjamaispareil.Àpartirdedemainmatin,quandHujitoselèvera,ilnemeseraplusjamaispossibledelaregarderde
lamêmefaçon.Il faut que je réussisse à assumer mon homosexualité, que je me montre suffisamment forte pour
pouvoirladévoileraugrandjour.Ilvaaussifalloirquejemeprépareàlaréactiondesmesparents,etsurtoutàcelledemonpèrequand
ilapprendraquejesuisgouineetqu'ilmedira:«Tun'esplusmafille!».Enconclusion,ilfautquejen'aipluspeurdepersonne.Maintenant,ilvafalloirquejeréussisseàconvaincreHujitodem'aimer,etcelarisqued'êtreuntout
petitpeuplusdifficilequedansmonrêve.Surtout qu'elle semble plutôt attirer par les hommes. Se rendre dans un festival où il y a des pénis
partoutestquandmêmelapreuved'ungrandintérêtpourlesexefort.Jenesaispasdutoutcommentm'yprendre.J'aibesoind'êtreaider.Pourquoilavieest-elleaussicompliquée?
***
—MadameHautois,jevousremercied'avoiracceptécetteconsultationparSkype.—Vousn'avezpasàmeremercier.C'estmoiquivoussuis,c'esttoutàfaitlégitimequejem'occupede
vous.Le contraire serait aberrant.A l'heure actuelle, avec les nouveauxmoyensde communication, ladistancen'existeplus.(Courtsilence.)Donc,sij'aibiencomprisvotremail,vousmeditesquevousavezcoupélespontsavecCharlotteetAlexetvousvousêtesréfugiéeauJapon,c'estbiença?—Toutàfait!J'aiappliquévotreprécepte.Ledialogue.Quandjeluiaiditquejel'aimais,ilyaun
clash.Ilm'aditqu'ilnevoulaitplusjamaismerevoir.—Aumoins, vous savez à quoi vous en tenir,mais c'est vrai que sa réaction est peut-être un peu
excessive.(Courtsilence.)Etdonc,decepas,vousvousêtesréfugiéchezuneamieauJapon...—Oui,auprèsd'unefillecommequoi.Uneâmedontpersonneneveut.Mais,ilyaunsouci:jecrois
quejesuisentraindetomberamoureused'elle.Etjesuisloind'êtrecertainqu'elleaimelesfemmes.—Jevois.Unenouvellefois,ledialogue...Essayezdeluiexprimervoussentiments...—Oui,maisj'aipeurdeprécipiterleschoses.Jen'aipasenviedelaperdre...—Rassurez-moi, il y quandmême de la complicité entre vous, il vous arrive de faire des choses
ensemble...—Oui,onpartagetoutoupresque.— À ce moment-là, prenez le temps de l'observer, de disséquer son comportement, d'analyser le
moindredesesgestes,ceafindepouvoirpeservosmotslejouroùvousvoussentirezprêteàdéclarervotre flamme. Le dialogue, ce ne sont pas forcément des mots. Ce sont aussi des mouvements, desexpressionsduvisage.Ledialogue.Toujourslui.Soustoutessesformes.Ilestlaclefdetout.
Chapitre24Aujourd'huiseraunejournéeàmarquerd'unepierreblanche.C'estlapremièrefoisdepuisquejesuis
auJapon—annéedernièrecomprise—quejeconverseparSkypeavecmesparents.Ilfautdirequecesderniersnesontpasdutoutbranchésnouvellestechnologies.—Unenouvellefois, jesuiscontentquetuaiesdécidéderetournerauJapon,mecomplimentemon
père.Papaalesourireauxlèvres.Ilestcontentquesafifillesoitrentréedanslerang.Etmoiaussi,jesuis
heureused'êtreretournéeauJapon.Aucunnuageàl'horizonpourlafamilleLegros.—Tu avais raison. J'ai fait une grosse connerie en voulant abonner le Japon. J'aurais dû t'écouter
davantage.Maisbon,cetteerreurvaêtreréparée,c'estçal'essentiel.—Heureuxquetut'ensoisrenducomptequandilétaitencorepossibledefairemarchearrière,mefait
mon père. Car tu joues quandmême ton avenir. Tu as la chance de faire des études dans une grandeuniversité,d'avoirunbonmétierderrière,ç'auraitvraimentétédommagedetoutgâcher.Encoreunefois,jesuisfierdetadécision.Monpères'emparedelawebcametlatournesurlagaucheafinquejepuissevoirmamère,quientame
laconversationavecmoi:—Alors,çasepassebienauJapon?—Comme je te l'ai expliqué, j'aimontéunecoloc' avecuneamieque jemesuis fait à la fac.Une
Japonaise.Ons'entendàmerveille.—Sinon,lescours,çasepassebien?—Oui,toutsepasseàmerveille.Lesprofssontsympas,lescourssontsuper-intéressants.Encequi
concernelabarrièredelalangue,j'avouequel'annéedernière,j'aifaitpreuvedemauvaisevolonté.Carquandons'ymetsérieusement,leJaponais,ças'apprendfacilement.—Tantmieuxpourtoi.—D'ailleurs,parlasuite,c'estpasimpossiblequejeresteauJaponpourtravailler.Carilyaquand
mêmedesopportunitésd'emploiquin'ontrienàvoiraveccellesquel'onpeuttrouverenFrance.Tout d'un coup, elleme regarded'un saleœil.Nevoir pratiquementplus jamais sa fille, une chose
difficilementenvisageablepourelle.Pourtant,ilfaudraqu'elles'yfasse.Lacamérabougeànouveau,ellevole.—Clémentine!—Laurence!Tescheveuxsontredevenuscommeavant,ilssesontrallongés!—Oui,tuavaisraison.Aveclescheveuxacajou,jeneressemblaisàrien.—Quandest-cequetuviensjoueravecmoi?—Bientôt!DisdemapartàBarbieetKenquejeviendraisleurrendrevisitedébutJuillet.—D'accord.
Chapitre25Prenezletempsdel'observer,dedisséquersoncomportement,d'analyserlemoindredesesgestes.
Pourmieuxlacerner,ilfautquejelavoisenpermanence.Ycomprisdansleslieuxoùjen'aipasaccès,comme sa chambre et la salle de bains.Alors, j'ai décidé de truffer notre chez-nous de caméras. J'aiachetéunstockdeGoPro,qu'ilm'aétéassezfacilededissimulervuquel'appartementpossèdeunfauxplafond.Poursachambre,j'aioptépourunecamérainfrarougeafindepouvoirl'observerlanuitdanssonlit.Les vidéos vont me permettre de mieux la connaître de jour en jour. Aujourd'hui, j'en suis à ma
deuxième journéedecaptationet jeviensdedécouvrirquelquechosedeparticulièrement intéressant :c'étaithiersoiralorsqu'ellese trouvaitsous ladouche.Avecmacaméra, je l'aipriseenflagrantdélitd'onanisme.Jemerepasselefilmafindepouvoirdisséquerchacundesesgestes.Sous l'eau ruisselante, Hujito s'agitait. Son gant de toilette parcourait tout son corps, avec comme
pointsdepassagessescuissesfuselées,sonventreplat,sesfessespresqueinexistantesetsespetitsseins.Puiselleposal'undesespiedssurlepetittabouretquiservaitàs'asseoirdansladouche.Elleécartalescuissesetselaval'entrejambesavecunepetiteéponge.L'humiditéambiantem'empêched'observeravecprécisionsesmouvements,maiscequiest sûr, c'estqu'elleprit énormémentde tempspour lavercettepartieducorps.Malgrélebruitdel'eau,onentendtrèsclairementdepetitsbruitsaiguës.Elleétaitentraindejouir.Àunmoment,ellesaisitlepommeaudedoucheetendirigealejetpuissantsursespartiessensibles.Ellerestadanscettepositionpendantaumoinscinqbonnesminutes,sespetitscrisnecessaientdes'intensifier.Lesjourspassent,etlaseulechosequejeconstate,c'estqu'ellesemasturbebeaucoup.Parexemple,la
camérainfrarougemerévèlequechaquesoiravantdes'endormir,ellepasseplusieursheuresdanssonlitàjoueravecdesgodemichets.Visiblement,chezelle,ilyaungravedéficitsentimentalàcombler.J'aiunesolutionàluiproposer.Elles'appelleMoi.
***— J'ai fait comme vous m'avez dit. J'ai pris le temps de l'observer, et j'ai découvert qu'elle se
masturbaitbeaucoup.C'estunpeucommesiavoirunevie sexuelleavecquelqu'unne l'intéressaitpas.C'esttrèsétrangededireça,maisondiraitqu'ellesesuffitàelle-même.L'internetnepassepastrèsbienaujourd'hui.Surmonécrand'ordinateur,MadameHautoisressembleà
unebouilliedepixels.—Non,ilnefautpasdireça.Deuxraisonspeuventexpliquersonautosexualité.Soitellen'aaucune
expérience, car elle n'a pas encore trouvé la bonne personne. Ou alors, elle a eu une mauvaiseexpérience,etellen'apasréussiàlasurmonter,cequiexpliqueraitsonrefugedansl'onanisme.—Etcommentjepeuxfairepourlafaire«évoluer»surcettequestion-là?Je l'entends souffler dans lemicro.Visiblement, elle semble être un peu à court d'arguments. C'est
premièrefoisquejelavoislutterpourtrouverunesolutionàmonproblème.—Écoutez,l'idéalpourrésoudrecegenredeblocage,ceseraitd'avoirlapersonneenface...Moi,le
seulconseilque jepuissevousdonner,c'estd'essayerd'aborder lesujet,bienquevisiblement,cesoitasseztabou.Cequevouspouvezfaire,c'estdecommencerparsondersonpassé.Voustrouverezpeut-êtrelesrailsquivousconduirontàlaquestion.Ledialogue,encorelui.Ilestlaclefdetout.
***Commencez du moins par sonder son passé. J'ai appris qu'elle a eu une enfance douloureuse,
puisqu'elleaperdusamèreàl'âgedequatreans,celle-ciestdécédéed'uncancergénéralisé.Elleadoncété élevée seule par son père. Quand je l'interroge sur ses amours passés, elle fait mine de ne pascomprendremonanglais,ets'empressedechangerdesujet.Sesantécédentssentimentauxdemeurentunmystère.
Chapitre26Quelquechosemesurprend.Hujitos'absentemaintenantpratiquement tous lessoirspourdonnerdes
cours de Japonais. Elle part vers 20 heures pour revenir aux alentours de minuit. Il y a quelquessemaines, ce n'était qu'un seul soir par semaine— généralement le mardi soir— qu'elle m'était sescompétenceslinguistiquesàdisposition.Untelchangementm'étonne,carelleestloind'avoirbesoindetravaillerpourpouvoirfinancersesétudes.Elleestfilleuniqueetsonpèretoucheunconfortablesalaire,cedernierpeuttrèsbienlasoutenirfinancièrement.L'explicationestpeut-êtreàchercherdececôté,danslesrelationsqu'entretientHujitoavecsonpapa.Peut-êtreya-t-ileuunebrouilleentreeuxdeux,etqu'iladécidéde couper lavanned'alimentation?Cela expliquerait pourquoi aujourd'hui, elle estobligéedetravailler.
***Unsamedimatin,auxalentoursde10heures.Hujiton'est toujourspas levée.Cen'estpasdans seshabitudesde faire lagrassematinée.En règle
générale,ellemettouslesjourslepiedparterrevers7heures,ycomprisleweek-end.Quesepasse-t-il?Est-ellemalade?Jemepermetsdem'introduiredanssachambreafindem'assurerquetoutvabien.—Hujito!Tuasdécidédenepasteleveraujourd'hui?Jem'approchedulit.Jeconstatequejeviensdeparlerdanslevide,cariln'yapersonnesouslacouette.Sonlitn'estpasdéfait.Hujiton'estpaslà.Ellen'apaspassélanuitici.Ellen'estprobablementjamaisrevenuedesoncoursd'hiersoir.
Je regardebeaucoupd'émissionde faits divers, dans la veine de «Faites entrer l'accusé », et c'est
peut-êtreçaquimerendunpeuparano.Maisjemesuistoujoursditqu'enserendantchezn'importequiàdesheuressitardives,ellefiniraitparavoirdesproblèmes.Aurait-ellefaitunemauvaiserencontre?Chezquelqu'un?Sursontrajet?Entoutcas,iln'yapasunesecondeàperdre.Jedécidedepartiràsarecherchesansplustarder.
Danssachambre,ilyauntableauenliègeoùsontpunaiséesdessusdesphotosd'elle.Onpeutlavoir
seule,encompagniedesonpère,ouencorefonduedanslemassedesautresélèvesdesaclasse.Jedécrocheunephotosurlaquelleelleapparaîtengrandplan,etjel'embarqueavecmoi.Jesorsdesonappartement,quidébouchesurunruecommerçante.Monidéeestdeparcourirleséchoppes,afindedemanderauxgérantss'ilsn'ontpasaperçuHujitohier
soir. Dans cette rue, les commerces ressemblent plus à des étals de marché qu'à de vrais magasins.Orange,jaune,bleu...lesstoresdesboutiquesformentunkaléidoscopedecouleursaussimagnifiqueque
déroutant.Onpeutégalementsentirl'odeurdebouffe.Uneadditiondetouteslesspécialitésjaponaisesentraindecuire.Celanous rappellequemidiestdansseulementdeuxheures.Mais jenesuis lànipouradmirer lepaysage,nipourpenseràmeremplir leventre.Monbutestderéussiràmettre lamainsurHujito,leplusvitepossible.JezigzaguedanslarueafindemontrerlaphotodeHujitoàtouslesmarchandsdelarue.Avecmon
anglaisapproximatif,j'essaiedeleurexpliquerlasituation,s'ilsontvupasserHujitoauxalentoursde20heures,oubienalors,versminuit.Tousmefont«non»enbattantlatête.Changementdestratégie.Telleunechienneaffolée, jesautemaintenantsur tous lespassants,afinde
leurposerlamêmequestion.Àchaquefois,laréponseestnon.J'arrive à un carrefour, au bout de la rue commerçante. Plus loin, plus de magasins, mais des
immeublesmodernes, aux vitres teintées. Je regarde à droite. Dans la rue transversale, il y a encorequelquesboutiquestraditionnelles,jetentemachance.C'estletémoignaged'unmarchanddespécialitésàbasedepouletquivafaireavancermonenquête.
Depuismaintenantunmois,ilaperçoitHujitoentrerdansl'immeubled'enfacechaquesoirauxalentoursde20heures.Etilestcertaindel'avoirvuhier.Jem'empresseaussitôtde traverser la rue,afindepouvoirentrerdans le rectangleenverredecinq
étagesetd'interrogerleshabitants.Pourpouvoiraccéderàlacaged'escalier,j'attendsdiscrètementenbasdel'immeuble.J'emboîteraile
pasàlapremièrepersonnequirentre.J'aidelachance,jen'aipasbesoindepoirotertrèslongtemps.Une fois dans la cage d'escalier, je monte en ascenseur jusqu'au cinquième. Je vais maintenant
interrogerleshabitantsunàun,endescendantlesétages.Ya-t-ildeshabitantsdanscetimmeuble?Aucinquième,personnenemerépond.Je tente ma chance au quatrième. Personne. Encore personne... Troisième porte, quelqu'un m'ouvre
enfin.UnJaponaisd'unecinquantaineannéesavecplustropdecheveuxsurlatêteapparaît.Je lui présente la photo de Hujito, tente de lui expliquer la situation avec mon anglais merdique.
Visiblement,ilneparlepasunmotdelalanguedeShakespeare,cequin'arrangepasleschoses.Ilmeparle,maisseulementenJaponais,jenecomprendsdoncabsolumentrienàcequ'ilraconte.Son
monologueestinterminable,etsurtout,ilcausedeplusenplusvite.J'ail'impressionqu'ilestentraindes'énerver.Visiblement,quelquechoseledérange,etj'aibienpeurquecesoitmaprésence.Alorsjem'écartedelaporte,tournelestalons,etcommeparmagie,lesilence.Jepoursuismaprospection.Beaucoupd'appartementsvides.Lesrarespersonnesquidaignentm'ouvrir
sontguèreplusaimablesquel'hommeduquatrième.Etceuxquisontanglophonessontincapablesdemerenseigner.Arrivéeaudeuxièmeétage,jecommenceàdésespérer.Jesonneàuneénièmeporte.Unjeunecaucasiendevingtansàpeinem'ouvre.Ilesttorsenu,arbore
unebellemusculature.IlportesimplementuncaleçonblancDim.Jefaufilemesyeuxentre le jeunehommeet l'huisseriepourvoircommentest foutu l'appartement. Il
s'agitd'unetoutepetitesurface,unepièceunique.Côtédéco,lemonochromerègneenmaître.Lesol,lesmurs,leplafond,toutestblanc.Soudain,j'ailesoufflecoupé.Aufondàgauche,j'aperçoisunlitdoubleavecquidedans?Hujito!Je dégainemon arme,mon fameux couteau à huîtres, et la pointe vers lui. Il fait aussitôt un pas en
arrière,etlapeurinondeinstantanémentsonregard.—Tul'asviolée?Hein,c'estça?Tutel'estapé?—Elleétaitconsentante!—Menteur!Tutel'estapéalorsqu'ellenelevoulaitpas.T'inquiètepas.Avecmoi,tupaierasdetes
actes.Jusqu'àtondernierjour...Hujitoarrive,arborantunsourireradieux.— Il n'a rien fait demal.Ona fait l'amour, juste parceque«koishiteru » ! (Court silence durant
lequelellemejetteunsourirepleindemalice.)Koishiteru!Jesuisamoureusedelui,situpréfères.
***LevisagedeHujitosetransformelentementensuie,ilvafalloirquejel'oublie.Dèsquej'aiappris
qu'elleavaitun«copain»,jesuisretournéechezellepourfairemesbagages.Jen'avaisplusrienàfairedanscetappartement,alorsj'aitrouvérefugedansunevalise,letempsdetrouvermieux.Finalement,jemedisquecen'estpassimalqueçalecapsule-hôtel.Seulerecroquevilléedanscette
sortedebulle,j'yvoiscommeuneformederetourauxsources.J'airetrouvélapositionfœtalequej'avaisdansleventredemamaman,avecautourdemoi,lapochedeseaux.LaphotodeHujitoestmaintenantcomplètementpartieenfumée,toutcommel'amourquej'avaispour
elle.JerentreaussitôtmonZippo—lescapsulesdoiventêtreéquipéesdedétecteursincendies,jen'aipasenviedemeretrouverdansunlave-linge.Jefaisàprésentl'amerconstatquemaviesentimentaleestunchampderuines.Charlottes'estbarréavecAlex.Hujitoneveutpasdemoi.Etmoi,jesuisenroutepourunedestinationinconnue.
Àdéfautd'avoirunavenirbalisé,jemeréfugiedansmonpassé,etjesuisenproieàlanostalgied'un
tempsrévolu.Alex.Jen'aijamaisvraimentréussiàl'oublier.Enyréfléchissantbien, jemerendscomptequeHujiton'aétéqu'uncasse-croûtepourmoi.Ellem'a
permis de me rassasier, de combler temporairement mon vide sentimental. Il n'y avait rien de biengastronomiquedanscequejeressentaispourelle.Alex,lui,jel'aimaisvraiment.Prenezletempsdel'observer,dedisséquersoncomportement,d'analyserlemoindredesesgestes.
J'aimonordinateursouslesyeuxetjemerepasselavidéod'Alexquej'avaisréaliséàsoninsulorsdenotredeuxièmevoyageRennes.C'estlapremièrefoisquejelarevoisdepuismonarrivéeàTokyo,ilyamaintenantquatremois.«Salut,çava?Tuasfaitbonvoyage?»«Alex!J'ail'impressionqueçafaituneéternitéquejenet'aipasvu!»«Nerestonspaslà,avectouslesgensquinousbouscule...»«Oui,onal'impressiond'êtreaumilieud'untroupeaud'éléphants.»
Pause.Zoomsursonvisage.Non,jenesuispasfolle.Enregardantattentivementsonvisage,jevoisqu'ilyaquelquechosedans
sesyeuxquimeprouvequejeneluisuispasindifférente.Pourpouvoirlemettredanssonlit,Charlotteadûréussiràl'envoûter,cen'estpaspossibleautrement.Cequ'ilyadepiredanscettehistoire,c'estquec'estgrâceàmoiqu'ilssontentrésencontact.(Jen'ai
d'ailleursjamaisvraimenttropsudequellefaçonilsontétéamenésàsecroiser,c'estpourçaquej'aicrûpendant très longtemps qu'il s'agissait d'une fâcheuse coïncidence, qu'il ne m'avait pas reconnue, quej'étaisàlafoisClarkKentetSuperman.L'histoireauraitpuêtrejolie,maismalheureusement,jen'airiend'unsuper-héros.)Siellen'avaitpasétémacolocataire,jeseraistrèsprobablementàcetteheure-cidanslesbrasd'Alex.Unechoseestsûre,jenediraijamaispardonàcettevoleuse.
Alex.Toujourslui.J'aienviedesavoircequ'ildevient,alorsilmevientàl'idéedemeconnecteràsa
pageFacebook.Jel'aichassédemalisted'amisparcolère,justeavantmondépartpourTokyo,jen'auraidoncaccèsqu'àlapartiepubliquedesonprofil.Certainementpeud'informations,maisceseratoujoursçaàglaner.Unephotodeprofiloùilestentraind'échangerunbaiseravecCharlotte.Celamefilelanausée.Etlapremièrechosequiapparaîtsursonjournal:
Le27avril,à10:03.AlexandreCouturierestàVenise,avecCharlotteLegrand.
EndessousunplanGoogle,avecunepetitepunaiserosepointéesurlemotVenise.
Bah d'accord ! Comme ça, on se prend de petites vacances dans la Ville des Amoureux. C'est la
meilleure!Combien de temps faudra-t-il encore à Alex pour qu'il se rende compte que les sentiments que
Charlotte à pour lui sont du toc ? Il faut qu'il comprenne que cette fille-là a jeté son grappin sur luiuniquementpournepasêtreseule,c'esttout.Le27avril,c'esthier.Ilsviennenttoutjusted'arriver.JesuisbiendécidéàfaireentendreraisonàAlex.Alors,jevaismerendreàVenise.Unefâcheusecoïncidenceferaensortequenousnoustrouvonsau
mêmeendroitaumêmemoment.LetrajetpourmerendreàVenisedureraunejournée,jeseraisdonclà-basdansdeuxjours.Pourtrouverleurhôtel,riendeplussimple.JemeconnecteausiteTripAdvisor.Jeclasseleshôtelsparordrecroissantdeprix.VuqueCharlotteestradine,ildoits'agirdel'undespremiersdelaliste.Meresteplusqu'àappelerla
réceptiondeceshôtelspoursavoirs'ilyunechambreréservéeaunomdeCouturieroudeLegrand.Troiscoupdefilsmesuffisentpourtrouverleurétablissement.Je compte bien ramener Alex dans mes filets. Je ne m'appelle pas Charlotte, et s'il termine son
escapadevénitienneàmescôtés,j'aienviedeluioffrirlaRollsRoycedeshôtels,pasuntruclowcost.
Jecassedonclenourrainetréserveunechambrepouraprès-demainauDanieli,l'undesplusluxueuxhôtelsdelaSérénissime.Touteslesplusgrandesstarsyontséjourné.Jechoisisunesuitedeluxe.400euroslanuit,enpleincœurdeVeniseetavecvuesurlalagune.Oui,
c'esthorsdeprix,maisceneseraquel'affaired'unenuit.J'aienviedeluimontrerquel'argent,c'estfaitpourêtredépensé,qu'ilfauts'accorderdetempsentempsdepetitsplaisirs.Lavraievie,cen'estpasdedonnersesnoisettesàl'écureuil,c'estdelesmanger.Nemeresteplusqu'àréservermesbilletsd'avion,etdèsmonarrivée,jesuisbiendécidéeàrécupérer
mondû,ils'appelleAlex.
Chapitre27BuongiornoVenezia!22heures45.LanuitesttombéesurVenise.Monvaporettofoncesurlalagune,
avecdanssonviseur leGrandCanal.Onaperçoitdéjà laPlaceSaint-Marc,et son fameuxcampanile,éclairédemille feux.Une tourcarrée,enbriques,de12mètresde largeuretde50mètresdehauteur.C'estl'édificeleplusélevédelaville.50mètres,lesVénitienssontmodestes.Ceclocherfaitfiguredemicropénisdevantlatourd'unkilomètredehautquiestconstructionàDjeddah.Visiblement,lesItalienssontbienmoinscomplexésparlatailledeleursexequelesSaoudiens.Résumédemonvoyage.J'aiprismonvolavant-hieràNaritaàseptheuresdumatin,heurelocale.JemesuisposéàRoissyendébutdesoirée,à19heures.J'aiattendu45minutesavantd'embarquer
pourVenise,justeletempsd'avalerunjambonbeurre,deprendreunpeul'airetdefumeruneclope.Celafaitunquartd'heurequej'aiatterriàVenise,etjenavigueactuellementendirectiondemonhôtel.
Untrajetquivadurertoutauplusunepoignéedeminutes.Dansunpremiertemps,jepensaisrendrevisiteàAlexdèsmonarrivée.Maisvul'heuretardive,jeme
suisditqu'ilseraitplusopportund'attendrelelendemain.Jelecueilleraidèssonréveil,commeça,nousauronsdevantnoustoutelajournéepourpouvoirnousexpliquer.Levapporettos'arrêteàlastationS.Zaccaria,làoùjedoisdescendrepourrejoindreleDanieli.Lebateausecollelelongduquai,unmatelotenroulelacordeautourduplotd'amarrage,nousavons
l'autorisationdedescendre.Jen'aipasbesoindechercherpendantbienlongtempsl'hôtel,puisqu'ilsetrouvejustesousmonnez,à
vingtpasdemoi.Jepasseletourniquet,etlà,lemalaise!Touslesgensquisetrouventdehalld'accueilseretournentet
leursyeuxsefichentenmoitellesdesflèches.Unpeunormal.AvecmonK-wayrose,mongrossacderandobeige,monjeanbaggyetmesrajouts
capillairesblondsgrossièrementcollés,c'estsûrqueje«jure»parmitoutcebeaumondequiarboredescostumesimpeccables.Jen'aivraimentpasmaplacedanscelieuoùleluxerègneenmaître.Ledécornese prête pas non plus àma présence.Moulures dorées auxmurs et aux plafonds. Escalier enmarbre.Moquetterougemoelleuse.Qu'est-cequejefaisici?Levigilemedévisaged'unsaleœil.Àunmoment,j'ail'impressionqu'ilvamefoutredehors.Alors,je
sorsmonbilletderéservation.Ilmefaitunhochementdetêtepourmedire:«Trèsbien,vouspouvezrentrer.»Lesgensassistentàlascène,quandilscomprennentquej'aipayémondroitd'entréeauselectclub,que
j'aihélaspleinementmaplaceparmieux,ilseretourneetreprenneleurconversationcommesiderienn'était.Jepoursuismaprogressionendirectiondel'accueil.Ungroom—unjeunebrunbienmisdevingtans
—meconduitdansmachambre,quisesitueaupremierétage.Ilmeproposedeprendrel'ascenseur.Jeluidisquenon,quecen'estpaslapeine,queçanemedérangepasdemonterunétageàpied.«Commevousvoulez,Madame!»
Lehalld'entréen'aétéqu'unemiseenbouchedu luxequi règnedansmachambre.C'est sûr,ça faitchoc.Ilfautsesouvenirqu'iln'yapasplustardque48heures,jedormaisdansunevaliseenplastique.Ici,placeauxgrandsespaces,mêmeauxtrèsgrandsespaces.Masuiteestcomposéed'unegrandechambreàcoucheravecuncoinsalonséparé,quioffreunevue
imprenablesur leGrandCanal.Undressingprivé,bien tropvastepourceque j'aià rangédedans,est attenant à la salle de bains carrelée demarbre. La décoration est de style baroque. Des tapisseriesbrodées de fleurs rose et bleu habillent tous les murs. De somptueux tapis recouvrent les sols. DesbibelotsenverredeMuranosoufflédefaçonartisanalesontdisposésunpeupartout.Voilàpourletourdupropriétaire.Celafait48heuresquejenemesuispaslavée,etmêmebienpluslongtempsquejen'aipasfaitde
vraiestoilettes.Lesdouchesducapsule-hôtel,pourtanttrèspropres,avaientuncôtéglauquequinem'ontpasdonnéenviedem'attarderlongtempssousl'eau.Jeremplisl'immensebaignoirede4m²enmarbreavecdel'eautiède.Jeregardedansleplacarddela
salledebains:ilyatellementl'embarrasduchoixparmilesgelsdoucheetlesselsdebainquejenesaispasquoiprendre.Jemedécidepourunbaindoucherelaxantlavandinmûre.J'enmetsdeuxbonnespressionsdansl'eau...J'enaipeut-êtremisunpeutrop,carmaintenant,ilyaunequantitéimpressionnantedemoussequise
forme.Tellementdemoussequ'àprésentelledéborde.Lafemmedeménagevaavoirdutravail!Vuquelachambreestquandmêmeà400euroslanuit,celamedéculpabilise.Leservicenettoyageestlargementcomprisdansleprix.Labaignoireestpleine.Jemedessapeenunéclair.Jesautelittéralementdanslabaignoire.Delamousseéclaboussepartout,jem'enfous.L'ensembledemapeauestàprésentencercléparuneeautiède,revigorante.Sachaleurmefaitcirculer
des frissons de bien-être dans tout mon corps. Qu'est-ce que ça fait du bien ! Qu'est-ce que c'estrevigorant ! Et qu'est-ce que ça sent bon ! Cela fait longtemps que je n'ai pas ressenti une pareilleplénitude.Quandjem'estimepropre,jesorsdubainetenfileunpeignoirenépongebordeauxmisàdisposition
gracieusement.Maintenant,ilvafalloirsongeràserestaurer.Jeconsulteleurcarte.Commepourlesgelsdouchesdanslasalledebains,ilyal'embarrasduchoix.Jemedécideetpassepartéléphonemacommandeàlaréception.Cesera:Carpacciodipescedelgiorno,pomodoromarinatofrescoBattutadimanzoall’veneziana,cuoredilattugaebalsamicoFruttidiboscoepannamontataallavanigliaVingt minutes plus tard, le groom qui m'a conduit tout à l'heure dansma chambre arrive avec une
desserteàroulettes.Lesplatssontposésdessus.Ildressematable.«Labattutadimanzoall’venezianaest un plat imaginé par le chef en personne. Il s'agit d'une réinterprétation du traditionnel tartare debœuf:ilespèrequecelavousplaira.(Ilôtelecouvre-assiette.)Bonappétit,Madame!»
Biensûrqueçameplaira!Quelquesminutesmesuffisentpourtoutmanger.Le problème, en règle générale, c'est que les grands chefs proposent des portions taillées pour des
oiseaux.Mais bon, quand on pousse la porte de ce genre d'établissement, on s'y attend, il faut justedemander à être servi plusieurs fois... à condition d'en avoir les moyens. Mon budget n'étant pasélastique,cesoir,jeresterairaisonnable.Jen'appelleraipaslaréceptionpouravoirdurab.Après,sionveut être rassasié à moindre coût, il faut plutôt s'orienter vers le plat familial de hachis parmentierpremier prix vendu en supermarché, comme le faitCharlotte.Dedans, on trouve de la viande séparéemécaniquement,dontladéfinitionlégaleestlasuivante:«enlèvementdelaviandedesoscouvertsdechair, après le désossage des carcasses de volailles, à l’aide de moyens mécaniques entraînant ladestructionde la structure fibreusedesmuscles».End'autres termes,unemachine racle lescarcassespourrécupérer lespetitsmorceauxdevianderestéscollésauxosparci,par là.C'estsûr,c'est toutdesuitemoinsappétissantquelespetitsplatsraffinésd'unrestaurantétoilé.Maintenant,ilvafalloirsongeràdormir,cardemain,unelonguejournéem'attend.Jerejoinslelitkingsizequejetrouvebientropvastepourmoi.J'aimeraistantqu'ilyaitquelqu'unà
mescôtés.
***Prenezletempsdel'observer,dedisséquersoncomportement,d'analyserlemoindredesesgestes.
Onditquelanuitporteconseil,etc'estlavérité.Pendantmesheuresderéflexionsnocturnes,jemesuisditquecen'étaitpeut-êtrepas lameilleuresolutiondevouloirprovoquerdèscematinunchocfrontalavecAlex.MadameHautoisaraison:ilfautprendreletempsd'analyserleschoses,delesobserver,delesdisséquer.Agircommeçasurcoupdetête,ceseraittropdangereux.Toutpourraitcapoter.Non,ilfautquemonactesoitmûrementréfléchi.Jesuisconscientequejejouelàmadernièrecartouche.Sijeratemacible,Alexm'échapperaàtoutjamais.Alors, avant de l'aborder, j'ai envie d'en savoir plus sur la façon dont laquelle il se comporte,
notammentlorsqu'ilsetrouveencompagniedeCharlotte.Ilfautquejerepèreunefailledansleurcouple,unangled'attaque.Unefissuredanslaquellejepourraisintroduiremonburinafindelesdésolidariser.Il est environ dix heures. Je fais le guet, leur hôtel se trouve à cinqmètres demoi. J'attends qu'ils
apparaissent.Ilsnepourrontpasmevoir:seulsmesyeuxdépassentdurenfoncementderrièrelequeljemesuiscachée.J'ignore lemomentprécisoù ilssortiront,mais ilsnedevraientpas tarderàdébouler.QuandonvientenvacancesàVenise,cen'estpaspourrestercloîtrerdansunechambred'hôtel,c'estpourvisiterlaville—sinon,ilyalesmonastères.Noussommesàl'heureàlaquellelavilleseréveille,cematin,lesoleilestgénéreux,ilsvonttrèsbientôtquitterleslieux.Çasort!Ilspartentdansladirectionopposéeàlamienne,j'aidelachance.Maintenant,placeàl'action!Jeme précipite en direction de l'hôtel. C'est sûr, l'immeuble paraît tout de suite insalubre si on le
compare auDanieli. Le crépi s'effrite. La peinture des portes et des fenêtres tombe en lambeaux.Autroisièmeetdernierétage,uncarreauestcassé.C'estl'undespiresmauxquitoucheactuellementVenise.Les propriétaires doivent avoir les moyens pour entretenir leur patrimoine. Les vagues des bateauxrongentlespilotissurlesquelsreposentlesmaisons.L'eauarriveàs'infiltrer,elleremontelesmurspar
capillarité, et tout est esquinté. Il faut alors entreprendre de lourds travaux de consolidations desfondationspouréviterl'effondrement.Malheureusementbeaucoupdepropriétairesnepeuventpasselespayer.J'entredans l'établissement.L'intérieurmeparaîtbiensombre—probablementàcausedemesyeux
qui viennent d'être percutés par les violents rayons de soleil qu'il y a dehors.Une dame rustre attendderrièreuncomptoirenformicadéglingué.—Bonjour,jechercheAlexandreCouturier.—Chambre24.Mêmepasbonjour,seulementdeuxmots,visiblementilnefautpasladérangerdavantage.Iln'yaapparemmentpasdechambreaurez-de-chaussée,alorssansluiposerdequestion, jeprends
l'initiative dem'engager dans l'escalier qui se trouve à droite. La cage d'escalier est un lieu sombre,intégralementrecouvertdeboisfoncé,l'ambianceestoppressante.Premierétage:uneplaqueenémailjauniparlesannéesindiqueennoir:Chambrede1à13Cen'estpasici.Jepoursuismonascension.Deuxièmeétage.Chambrede14à25C'estici.J'accèdeàunétroitcouloir.Lesmurssontdecouleurverdâtre.Lesportessontenbois,même
finitionquelacaged'escalier.Uneviolenteodeurdedétergentattaquemesbronches.Chambre24Commejem'yattendaisunpeu,laporteestferméeàclef.Maintenant,ilvafalloirquejetrouveunmoyenderentrer.J'aperçoisaufondducouloirlechariotàroulettesdoubleseauduservicedenettoyage,lafemmede
ménagedoitêtredanslesparages.Elle,elleàlesclés.Laportequisetrouvetoutaufondàdroiteestentr'ouverte—c'estd'ailleursdeparlàqueprovientla
lumièreducouloir.Jemefaufilediscrètementjusqu'auboutdel'allée.Letrousseaudecléssetrouvesurla serrure. Je l'enlèvedélicatement, veille à ceque les clésne s'entrechoquentpas trop.La femmedeménageauraégarésontrousseau,cesontdeschosesquiarrivent...JeretourneverslachambredeCharlotteetd'Alex.Cesontdegrossesclésàl'ancienne.Iln'yaaucun
numérodessus,alorsc'estunpeucommeFortBoyard,jelesinsèreuneàunepourtrouverlabonne.Aprèsneuftentatives,laportes'ouvreenfin.J'entredanslachambre,fermelaportederrièremoi.La déco est dépouillée. Papier peint à fleurs délavé. Meubles en formica du même acabit que le
comptoir de l'entrée. Petite table riquiqui. Sur le plumard, une jetée de lit rouge dont la couleur estpassée.Jen'aipasenviedetropm'attardericialorsjesorsdelapochedemonK-wayuneGoPro.Dansuncoinde lapièce, ilyaunepetiteétagèrenoireavecpleindebibelotsposésdessus.Àmi-
hauteur,ilyanotammentunesculpture«bouddha»enrésine.Jeglissediscrètementmacaméraderrière.Depuiscetendroit,l'objectifcouvretoutelapièce,iln'yapasd'anglemort.J'aibienentenduprogrammél'appareilenamontafinquecelui-cisedéclencheensoirée,momentdelajournéeoùleschoseslesplusintéressantessepassent.
Jequittelachambre.Jerepasseraidemainmatinpourprocéderàlarécolte.
***La femmede l'accueil—visiblement lamaîtressedemaison—entredans leur chambre.Elle leur
apporte le repasdusoir. Ici,personnepourvousdresser la table.Ellesecontente justede larguer lesplateauxsurlatable.Guèremieuxqu'auself.Visiblement, ils ont commandé du foie gras en entrée. Charlotte agite un petit pot individuel de
confitureauxfigues.—C'estballot!peste-t-elle.Iln'yamêmepasdepainpourmangerça!Commentonfait?—Cen'estpasgrave,tuvasmangerçasurmoi,luirépondAlexenarborantunsouriremalicieux.Ill'inviteàselever.Ilss'écartentdelatable.Ellesejettesurluietl'embrassesauvagement.Illuirend
unbaiserpassionné.ElleluiretireenunmouvementsonT-shirt,attrapelepotdeconfitureposésurlatable,l'ouvre.Elledéverselatotalitédecettemasseunpeuvisqueusesursontorseetsemetàlelécher.Rienqu'enregardantsonvisage,onsentqu'Alexestauborddel'excitation.Sonvisageestenfeu,ildoitêtre en train de bander dur. Elle lèche consciencieusement son corps jusqu'à temps qu'il n'ait plus unmilligrammedeconfiture.PuisCharlotteentresamaindanslepantalond'Alexpourluimasserlaverge.Alextendsonbrasleplusloinqu'ilpuissepourrécupérerledeuxièmepotdeconfiturequin'apasbougédelatable.Charlotteatoujourssonhaut.Ildéverselapuréedefiguesentresesseins,dégueulassantaupassageledécolletédesondébardeurnoir.Ilsemetàlalécher.Charlottecommenceàhaleterdeplaisir,son visage rougit par l'excitation... Puis soudain, ils se retrouvent nus comme si une tornade venaitd'emporterleursvêtements.Alexlapénètreviolemment,Charlottenepeuts'empêcherdepousseruncri.Elleenrouleensuiteses
jambesautourdelui,l'attrapeautourducou,l'attirantcontreelle.Ilentreprenddesmouvementsdeva-et-vient,toujoursplusloin,toujoursplusfort.Ilestlittéralemententraindelapilonner.Pendantcetemps-là,Charlottepoussedesgémissementsdeplusenplusaigus.Cesmouvementsdedansesexuelledurentunquart d'heure, au bout de quoi, ils explosent de plaisir dans unorgasmedévastateur, qui les conduit às'écroulersurlelittoutproche.
***Je regarde le grand lit qui se trouve derrière moi. Non, il n'y a personne dedans. Il est vide.
Désespérémentvide.Pourquoin'est-cepaspossible ?Pourquoin'ai-jepas ledroitde fondredans lesbrasd'Alex?Pourquoin'ai-jepasledroitaubonheur,ensomme?Jen'ensaisrien.Peut-êtrenesuis-jepasnéesouslabonneétoile,est-ceçal'explication?Entoutcas,cequiestsûr,c'estqu'Alexseraitbienmieuxàmescôtésdanscettechambred'hôtel.Nouspartagerionscegrandlit,profiterionsdel'immensebaignoirepours'adonneràdesactivitésbienplusambitieusesquecellequej'aipuvisionner.Non,luisecontentedepassersesvacancesdansunboui-bouiaucôtéd'uneradinedepremierordre.J'aibienl'intentiondelibérerAlexdesgriffesdecettemanipulatrice,etce,dèscemidi.
Chapitre28Dansl'enregistrementd'hiersoir,jelesaiégalemententendudébattreduprogrammed'aujourd'hui.En
findematinée,ilsserendrontàl'égliseSantoStefano,unédificereligieuxoriginalpoursontoitenbois,carcen'estpasunesimplecharpentemaisunecoquedebateauposéeàl'envers.Mon idéeestdemeposter à l'extérieurde l'égliseetd'attendrequ'ils sortent.Une foisqu'ils seront
dehors, jen'iraipasdirectementà leurrencontre.Vuqu'onseraprochedemidi, ils irontprobablementdéjeunerdansunrestaurant.Ceneseraseulementquelorsqu'ilss'apprêterontàentrerdanslerestoquejeleursauteraidessus.Etsiondéjeunaitensemble?
***Ilssortent!Pastroptôt.Aprèsavoirpoireautépendantunebonnedemi-heure,ilspointentenfinlebout
deleurnez.IlsentamentleurparcoursdanslesruellesdeVenise.Ilsmarchentensetenantlamain,çamerévulsedelesvoirsouderdelasorte.Jen'auraipasbesoindetropmarcher,caraprèsavoiralignédespaspendantcinqminutes,ilsentrent
dansunepizzeria.L'étatde lavitrine—fendueenplusieursendroitset rafistoléeavecdugrosscotchmarron—confèreàl'établissementunaspectpeuengageant.LaradineriedeCharlotteaencorefaitdesravages.Go!Ilesttempspourmoid'entrerenaction,çafaittellementlongtempsquej'attendscemoment.Ilspoussentlaportedurestaurantetjefais:—Alex?Charlotte?C'estunesacréecoïncidencedevouscroiserlà!—Alexsetourneversmoietmefaitlesgrosyeux:—Laurence,qu'est-cetufouslà?Tunousassuivi?Combiendefoisjet'aiditquejet'aimaispas?Tu
veuxmonconseil:barre-toiloind'iciavantqueçachauffe!(IljetteunregardpasaimableendirectiondeLaurence.)Déjà,ladernièrefois,j'auraidûporterplainte.Voilàcequeçadonne.—Jet'assurequec'estunecoïncidence.—Ouais.Unecoïncidenceunpeutropgrosseàmongoût.Etmêmesic'estunecoïncidence,barre-toi!—Jesais trèsbienque tunem'aimespas,etc'estvraique j'aidéconné.Maisonpourraitpeut-être
profiter de cette rencontre incongrue pour déjeuner ensemble, histoire de se remémorer lesmeilleursmomentsdenotrepassécommun.Ilseraitpeut-êtretempsdepasserl'éponge...—Quoi?Passerl'éponge?T'esgonflée!Jeterappellequetuasessayédemetuer.Sijesuisencore
vivant,çatientdumiracle...—Alex,jet'assurequej'aichangé...—Non,Laurence,tuestoujourslamême,unemaladementale.Soudain,ilmepousseviolemmentavecsesmains.Maintenant,barre-toi!Uneaideaussiprovidentiellequ'inattendu:masœurdeParisvolentàmonsecours:—Alex,onpourraitpeut-êtreluilaisserunesecondechance.
—Pasdesecondechance!Maintenant,tuveuxqu'ellefassequoi?Qu'ellemetuevraiment?—Jeterappellequec'estquandmêmegrâceàellequel'ons'estrencontrés.—Çanechangerien!Situveuxlavoir,ceneserapasdansceresto,ceserasansmoi.JeprofitedecettebrèchepourdireàCharlotte:—Onpeutboireuncaféensemble,qu'est-cequet'endis?—Situveux,mefait-elle,gênée,sousleregardulcéréd'Alex.—On se donne rendez-vous Place Saint-Marc, au pied duPhal... euh duCampanile, ce soir à 17
heures?—OK,çamarche!
Latâchesecomplique.Alexneveutpasquejedéjeuneaveclui,niquejeluiparle.Pourpouvoirle
prendredansmesfilets,çarisqued'êtremoinssimplequeprévu.Maisjenedésespèrepaspourautant.Çarisquejustedemedemanderunpeuplusdetemps,jesauraimemontrerpatiente.
***—C'est quandmêmeune sacrée coïncidencede s'être croisés aumêmemoment àVenise devant la
portedumêmerestaurant,mefaitCharlotte.Nousvenonstoutjustedenousinstalleràlaterrasseducafé.Jeluirépondenveillantàmemontrerla
plusconvaincantepossible:—C'estsûrementunsignedudestin.Commepromis,j'avaisattenduCharlotteà17heuresaupiedduPhallus.Jel'aiconduitedansuncafé
bonmarché,unpeuàl'écartdesfluxtouristiques.J'avaisrepérécetétablissementplustôtdansl'après-midi,etjemesuisditqu'ilplairaitàCharlotte.Carc'estunrepairepourlesradins,danscetendroit,elleneserapasdépaysée.Ilmesembleessentieldelamettreàl'aiseautantquepossiblesijeveuxparveniràmesfins.Lechoixdulieuadoncuneimportancecruciale.Ilnefautsurtoutpasladéstabiliserd'emblée.Ellepoursuit:—Jesupposeque,commenous,tuesvenueàVeniseentouriste?—Oui,j'aiuneamieauJaponquiavaitdesbilletspourveniriciavecsonamoureux.Maisilssesont
séparésjusteavantledépart.Alors,j'aisautésurl'occasion.Autantqueçaserveàquelqu'unplutôtquecesoitperdu.—Lemalheurdesunsfaitlebonheurdesautres,commeondit.—Ouais.Legarçonnousapportenoscafés.Detoutepetitestasses,desdésàcoudre.—Jen'aipaseuletempsdem'expliquertoutàl'heuredevantAlex,carils'esttoutdesuitebraqué,
mais sache que je regrette sincèrement ce qui s'est passé. Jeme suis vraiment comportée comme uneconne,concédé-je.Malheureusement,onnepeutpasremontélefildutemps...— Je comprends,mais sache que tu ne t'es pasmise toute seule dans cette situation.En ce quime
concerne,jem'estimeresponsabledebeaucoupdechoses.Parexemple,pourlacoloc',quandjet'aimiseàlaruecommeunemalpropre.OuencoreavecAlex,j'auraisdûmemontrerunpeuplusreconnaissante,
carc'estquandmêmegrâceàtoiquejel'aiconnu.—Enparlantd'Alex,tucroisqu'unjourilmereparlera,oulespontssontdéfinitivementcoupésentre
nous?—Hélas, j'aibienpeurqu'ilneveuilleplus jamais t'adresser laparole.Oualors, il faudraattendre
longtemps.—Ettoi,tunepourraispasl'aider...—T'aider?Çarisqued'êtredifficile,carjen'aipasledroitdeprononcertonnom.J'aiessayéquelque
fois,ilsemetàhurler.Nous sirotons notre café— enfin, café, il faut le dire vite. Il semet à hurler. Visiblement, il y a
quelques tensions au seinde leur couple.Une faille dans laquelleque je comptebienm'introduire. Jepoursuis:—Sinon,çasepassebienavecAlex?Vousvousentendezbien?—Qu'est-cequetuveuxdire?—Sivousêtesheureuxensemble?—Oui,sinonnousneserionspasensemble.—Etilneluiarrivepasquelquefoisdedevenir«brutal»,àl'instardecematin?—Detempsentemps.Commetoutlemonde.Chacunàsessautesd'humeur.—Illuiarrivedoncdetempsentempsdetebraillerdessus?—Tun'aspasencorefaitl'expériencedelavieàdeux,maissachequechaquecoupleadesmoments
defrictions.Maisjet'assure,iln'yariendedramatique.—Maintenant,admettonsqueturencontressurtoncheminunhommetoutgentil,toutdocileavecquitu
peuxfairetoutcequetuveux.Quinetedirajamaisnon.Quineteferajamaisdereproche.Quiteferaquedescâlins,commelenounoursdelapubCajoline.Tuchoisisqui:luiouAlex.Untempsderéflexion.Visiblement,maquestionvientdeladéstabiliser.—Bah,Alex!Pourquoitumeposescettequestion?Jemesenstrèsbienaveclui,jen'aipasenviede
vivreavecunoursenpeluche.Ilmesembleimpossibledepouvoirlesséparerdèsaujourd'hui.Ilvaplutôtfalloirs'orienterversun
travaildefond.— Au mois de septembre, je compte me réinstaller à Paris pour chercher du travail. Ça ne te
dérangeraipass'ill'onsevoitdetempsentemps,commeça,autourd'uncafé?Ensouvenirdubonvieuxtemps.—Non,pasdutout.—Etpeut-êtrequ'unjour,Alexaccepteradesejoindreànous...—Àmonavis,ilvafalloirquetutemontrespatiente,etmêmetrèspatiente,carcen'estpasdemainla
veillequ'ilteproposeradeboirelecaféaveclui.
***—C'estici!Commetupeuxlevoir,lesmaisonssontdisposéesautourd'uneplacerectangulaire.Iln'y
aqu'uneseuleruellequipermetd'accéderàcettesortedepetitecourfermée.Etonpeutbiensûryvenirenbateau,aveclecanalencul-de-sacquisetrouvefaceànous.Ici,leshabitantsdisposentdeleurplacedeparkingprivée.AvantqueCharlotteneretourneàl'hôtel,jevoulaislaconduiredansunendroitinsolite,quimetenait
particulièrementàcœur.ÀRoissy,jem'étaisprocuréeleGuideduRoutardsurVenise,etcetaprès-midi,aprèsmarecherchedecafé,j'aiprofitédemaprésenceicipourfaireunpeudetourisme.PlutôtquedevisiterlesgrandsclassiquescommelePontduRialtooulePalaisdeDoges,j'aipréférémerendredansdesendroitspittoresques,làoùlestours-opérateursnevontjamais.Non,jenepeuxplusattendre.IlmefautAlextoutdesuite.Je ralentis, laisseCharlottepasserdevantmoi.Uncoupdecouteauàhuîtredanssonabdomen.Elle
s'écroule,lesanggicle.Jem'enfuisencourant.
***Non,Alexneserapasàmoi,carc'estlaprisonquim'attend.J'ai regagné la Place Saint-Marc. Sous un ciel devenu soudainement bien gris, J'arpente ce grand
espaceenformedeL,longde175metlargede83m.Bienquecesoitinterdit,jesuisentraindenourrirlespigeons.Je jetteà lavoléedesgrainesdetournesol,quejemesuispréalablementprocuréeauprèsd'unvendeuràlasauvettepour«dosseourosse».Lesgrainesclaquentcontrelespavés.Lespigeonsseposent,m'encercle.Monhorizonsonoren'estplusqu'unincessantbruitdebattementsd'ailes.J'entretiensàprésentunrapportprivilégiéaveclanature,jecommuniqueavecelle.Jesavourechaquesecondedecedialogue,carjesuisconscientequecesontlesderniersinstantsdemaviequejesuisàl'airlibre.D'uninstantàl'autre,lapolicevavenirmecueillir.
Chapitre29Alexn'apasenvied'occupercegrandlitluxueuxàmescôtés,alorstrouvonsquelqu'unquiappréciera.—AllôJoseph?C'estLoquit'appelle!J'aiquelquechosed'unpeuparticulieràtedemander.Jesuis
actuellementàVenise.J'étaisavecmoncopainetonvientdesefâcher.Etactuellementmonlitd'hôtelmeparaîtbienvide...— Mais je suis actuellement à Paris. Je ne peux venir d'un claquement de doigts. Et j'ai des
obligations.—MaisjesuisDanieli.L'undeshôtelslesplusluxueuxdeVenise.Çanetedonnepasenvie?—Biensûrquesi!Mais...—Jemesuisrenseignée.Ilyaunvolquipartà20heures25deRoissy.Cela teferaiarriverà22
heures.Situveux,jepeuxtepayerlebilletd'avion.—Bon,trèsbien,j'arrive!Jediraiàmafemmequej'aiuneréunionquivientdesecaser.
***
Noussommestouslesdeuxnus.Luiestallongédanslelit,surledos.Jesuisassisesursesjambes,je
tienssavergedansmesmains.Vingtminutes plus tôt. « Bébé, ce soir, j'ai envie de te laisser les commandes. Car je pense qu'en
amour,donnerduplaisirestencoreplusimportantqued'enrecevoir.»m'a-t-ilditlorsquenoussommesentrésdanslachambre.Puisnousavonséchangéunecoupedechampagne—dubon,pasunmousseuxpremier prix— et j'ai mis à profit le temps précédant l' « acte » pour choisir la technique qui mepermettraitdelefairejouirlepluspossible.Jemesuislongtempsentraînéeseuleavecdessex-toyspourpréparerleJourJavecAlex.Plutôtquedejouerlacavalièreoudepratiquerunebanalefellation,cesoir,j'aienvied'essayerautrechose. J'aienviedem'adonneraumassageduLingam.EnSanskrit—langueindienne—,Lingamdésigne«BaguettedeLumière».Là-bas,l'organesexuelmasculinestlumineuxausensoùilestcapabledecanaliserl'énergiecréativeetleplaisir.LemassageduLingamestunmassagetantriquedontl’actionestdemasserlonguementlesexedel’hommepourqu'ilvivedesorgasmesinternessansprovoquerl'éjaculation.Cesoir,ceseramapremièreexpériencegrandeurnature,carjusqu'àprésent,j'aitoujourseffectuéla
manœuvresurdessexesenplastique.Jemejetteàl'eau.Jeverseunepetitequantitéd’huilesurla«baguette»deJosephetsursestesticules.Jecommencepar
unmassagelégerdesavergeetdesongland.Àtraversmesdifférentescaresses,sensuelles,doucesettendres,j'essaied'éveillersaKundalini—lapuissanteénergielovéeàlabasedesacolonnevertébrale—pourlaréveilleretlafairecirculerenlui.—Bébé,j'aimeça!Continue!Jepoursuismonmassageentreprenantsavergeentremesmains,auniveaudelabase.Jelafaisrouler
degaucheàdroite,laparcourssurtoutelalongueurpourenatteindrelapointe.Sonsexeestmaintenantdurcommedel'acier.Jesensqu'ilestsurlepointd'éjaculer,alorsjeralentis.
Avecunemain,jesaisissestesticules,j'exercesureuxdepetitesrotations.Pendantcetemps-là,grâceàmonautremain,sonpénisressentdepetitespressions.—Bébé!T'esunepro!Onal'impressionquetuasfaitçatoutetavie.Jereprendsmonmassage...Vibrationdemontéléphone.Jen'aipasd'autrechoixqued'abonnermon«client».Ilestimpératifquejesachequim'appelle.J'ai
tuéquelqu'un.—Qu'est-cetufais?Reviens!Turépondrasplustard!UnSMSd'Alex.
T'esfoutue.J'aifilétonnuméroauxflics.Dansquelquesminutes,ilssauronsoùtonportableàborner,tuserasaumitard.
Graveerreurdedébutant.Onneditsurtoutpasàunsuspectqu'ilaétélocalisé,c'estlemeilleurmoyende l'aider à s'échapper. Comment la police italienne a-t-elle pu laisser filtrer une information d'unepareilleimportance?Entoutcas,merciAlex.Grâceàtoi,jevaispeut-êtreavoirunechancedemefairelamalle.Pasunesecondeàperdre.Lapremièreidéequimevient,c'estdemerendreleplusvitepossibleàla
gareetdesauterdanslepremiertrain.Alors,jemerhabille,enfilemeschaussuresderandonnées.Passerleslacetsdanslestroissériesde
crochetsmesembleinterminable.HorsdequestiondesortiravecceK-wayrose.Habilléedelasorte,jeserai repérableà troiskilomètres à la ronde.Alors, je lebourredansmonsacdéjàbienplein. Jemerendraiàlagareavecmonpullrayénoirblanc,toutdesuiteplusdiscret.—Tuvasoù?Josephnebougepas, ilestallongésur le lit, telleunebaleineéchouée.Ilsembleêtreauborddela
léthargie.Visiblement,monpetitmassagetantriquel'adétendu.—Jem'envais!Sachequecen'estpasàcausedetoi.
Jequittel'hôtel,lanuitesttombéesurVenise.Jesautedansunvaporetto.Pasbeaucoupdegensàl'intérieur.Ilestminuitpassé,lavilleestentrain
des'endormir.Après avoir supporté pendant cinqminutes un bruit demoteur infernal, j'arrive à la gare. Un long
bâtimentenbétonsansâme.J'entre. L'endroit, plongé dans la pénombre, est désert. Un silence demort règne. Un vent glaciale
souffle.Devantmoi,unevingtainedequaisdisposésparallèlement,enimpasse.Ilssonttousinoccupés,saufun.Untrainbleu,pharesallumés,attend.Jecoursmeréfugierdedans.Pratiquementpersonnedansmonwagon.Justeunhommed'affairesencostumenoir,quiestentrainde
manipulerdesfichiersExcelsursatabletteSurface.
Fermeturedesportes.C'étaitmoinsune!Letrainquittelagare,s'engagesurlePontdelaLiberté.J'ignorecomplètementoùilm'emmène.
Chapitre30HalloBerlin ! Il est environ 10 heures dumatin quand j'arrive dans la capitale allemande. Peu de
temps aprèsmondépart deVenise, j'ai compris que ce seraitmadestination en tombant nez à nez surl'écrand'informationsituéaborddutrain.JesorsdelagarecentraledeBerlinetlapremièrechosequejeconstate,c'estquelesBerlinoissont
bienmieuxéquipésquelesVénitiens.368mètres.C'estlahauteuràlaquelleculminele«poteau»quiscindemonregardendeux.LaFernsehturmdeBerlin,l'édificeleplushautd'Allemagne.J'enavaisdéjàentendu parler. Cette tour avait été construite dans les années soixante pour émettre les signaux detélévision. Elle est composée d'une tige en béton de 200mètres d'altitude. Au-dessus de celle-ci estperchée une sphère en verre, qui abrite un restaurant et qui a pour particularité d'effectuer un lentmouvement de rotation, offrant aupassageunpanoramaunique sur la capitale allemande.Une antennerougeetblanchautede60mètresestfixéeau-dessusdelaboulevitrée.Jene suispas làpour fairedu tourismemaispour trouverune solution. Je suis en cavale et jen'ai
actuellementnullepartoùaller.Ilnemeresteplusbeaucoupd'espècessurmoi,àpeineplusd'unedizained'euros.Jemerefusedetirer
del'argentàundistributeur,sinonlapolicevametracer.Alors,àdéfautd'avoirdedestination,j'erredanslaville.Ilm'estimpossiblederesterassise,deme
lamenter sur mon sort, de réaliser que je me trouve dans une impasse et que je vais devoir trèsprochainementmerendreprochaineàlapolice.Marcher,c'estlameilleuresolutionquej'aitrouvépourmeviderl'esprit.PortedeBrandebourg,PalaisduReichstag.Tracesdel'ancienmur...Jefaisdutourismemalgrémoi.
J'auraissincèrementpréférévisiterlavilledansd'autresconditions.Midi.Mesboyauxfontdubruit,ilvafalloirquejemerestaure,sinon,jevaism'écrouler.Mondernier
repasremonteàhiermidi.Hiersoir,jen'aibuqu'unecoupedechampagneetcematin,jen'airienavalé.Aveclesquelqueseurosquej'aienpoche,j'aiconsciencequ'ils'agiradudernierrepasquejepourraismepayer.Quesepassera-t-ilensuite?Jen'ensaisabsolumentrien.Jenesouhaitemêmepasypenser.Je pousse la porte d'un Kneipe — une brasserie. L'endroit est bruyant, plein à craquer. Il est
essentiellementremplidevieuxquiontunebonnedescente.Jem'installeàunepetitetabledeuxplacessituéeunpeuenretrait.Pourl'instant,iln'yapersonneenfacedemoi.Jechoisislaformuleàdixeuros—unplatetundessertauchoix—,aprèsquoi,ilmeresteraplusque
quelquescentimes.JemefaisservirdeuxWeisswurst,dessortesdeboudinsblancstailleXXL.Pourl'accompagnement,onn'apaslechoix.C'estKartoffel—pommedeterre—etKohl—chou.Pourledessert, j'optepourunepartdeSchwarzwälderKirschtorte,ungrosgâteaucrémeuxàétages
typeforêtnoire.Bien sûr, le tout est accompagné d'une chope d'un litre de bière. Sinon, l'Allemagne ne serait plus
l'Allemagne.Celafaitvingt-quatreheuresquejen'airienavalé.Pasdesurprise,l'assiettesevideàlavitessed'un
TGV.Avantdequitterlatable,ilm'estimpossiblederetenirunrotbruyant,signequeladigestioncommence
àsefaire.Aveclebrouhahaenvironnent,personnenem'aentendu.Entoutcas,jel'espère.JesorsdelabrasserieetreprendsmonerrancedanslesruesdeBerlin,avecaucunedestinationenvue.
***
Auxalentoursdevingtheures,lanuitesttombéesurlacapitaleallemande.J'aienfinunestratégiepour
cesoiretlesjoursàvenir.Jevaisdenouveauprendrelafuite.JevaisprendredèscesoiruntrainpourVarsovie,enPologne.Maisauparavant,jevaisvidermoncompte,retirertoutemonargentenpetitescoupures.Commeça,si
lesflicsmerepèrentavecmacartebancaire,ilsviendrontmechercherici,maisilsnemetrouverontpascarjeseraidéjàpartieloin,loin,loin,loin...LetrainpourVarsovieestà20heures30.Unedemi-heurepourpasseràlatirette,prendrelebilletde
train—jenepeuxpasprendrelerisquedefrauder:encasdecontrôle, jeserairepérée—,etdemepayerun«sandwichdedistributeur»augoûtnonidentifiable.
***Putaindemerde!Faitchier!Macarteaétéavalée.Jenepeuxm'empêcherdefoutreunviolentcoupdepieddanslefichuautomatequisetrouvedansle
halldelagare.Etenplus,commesicelanesuffisaitpas,jecommenceàavoirmalàlatête,jesenslamigraineveniraugalop.J'entends dansmon dos quelqu'un dire un truc que je ne comprends absolument pas. Normal, nous
sommesenAllemagne,etjeneparlepasunmotd'Allemand.Jemeretourneetuncoupledepunkssematérialise.Legarsetlafillesetiennentparlamain.Legarsarboreunecrêteverte,toutautoursescheveuxsontrasés.Iladenombreuxpiercingauniveau
del'arcadedroite.La fille,quant à elle, a les cheveuxcoupéscourts et teints en rose, commemonK-way.Unemèche
descendsursonfront.Elleaunpiercingauniveaudelalèvreetported'énormesbouclesd'oreillesenacierenformedeS.Letatouagecoloréauniveauducousembleseprolongersursontorse.Côté tenuevestimentaire, ils sont tous les deuxhabillés pareils.Manteau en cuir cloutés. Jeannoir,
avecdeschaînesquipendentauniveaudelaceinture.Bootsdanslespieds.—Idon'tspeakDeutsch.Legarsrenifletoutdesuitemonaccentfrançaispuisqu'ilembrayeaussitôtsurlalanguedeMolière.—Onpeutt'aider?Cartuasl'airperdu.—VousparlezFrançais?—Oui,unpeu.J'aieudescoursaucollège.—Ouf!Vousêtesmessauveurs!J'aimeraisquevousmeprêtiezunpeud'argent.J'aiunbilletdetrain
àacheter.C'esturgent,jedoispartirdèscesoir.Faites-moiconfiance,jevousrembourserai.Ilfaitnonaveclatête.Lafilleneréagitpas.Visiblement,seullegarsparleFrançais.—Nousnonplus,pasd'argent!
Jejetteuncoupd'œilautableaudesdéparts.IlyauntrainenpartancepourVienneà22heures.Uneheureetdemipourtrouverdel'argent,c'estencorejouable.—Vousconnaîtriezpasquelqu'unquipourraitmedépanner,quipourraitmeprêterquelqueseuros,car
cesoir,jen'ainullepartoùdormir.Ilfautquejeprenneuntrain.—Situn'asnullepartoùdormir,tupeuxvenircheznous,mefaitlegarsàlacrête.Jemetâtependantquelquesinstantssijedoisaccepteroudéclinerleurproposition.Ilvoitdansmon
regardquejetergiverse...—C'estcommetuveux.Aprèstout,cecoupledepunksal'airsympa.Alorsj'accepteleuroffre.Celamepermettradepasser
unenuit auchaud,unenuitdurant laquelle jene réfléchiraipas.Macavale seramiseentreparenthèsependantquelquesheures.Nousfaisonslesprésentations.Jeleurdisquejem'appelleLo,quejesuisuneétudiantefrançaisequi
visitel'Europe,quejemerendschaquejourdansunevilledifférenteetquejedorsdanslestrains.J'apprendsqu'ilss'appellentBorisetKirsten,qu'ilssontlégèrementplusjeunesquemoietqu'ilsvivent
de petits boulots. Comme jem'en étais doutée, Boris est le seul à parler Français. Il s'autoproclameinterprèteattitrédeLaurenceLegros.CelamepermettraentreautresdefaireconnaissanceavecKirsten.
Chapitre31Jesuisentraindedanser,Kirstenestmacavalière.Nousnoustrouvonsàl'InsomniaClub.Auxdires
deBoris,cettediscothèqueestlemustentermederepairespournoctambules.Lesdeuxpunksavaitprévudeserendreenboîtecesoir.J'aidûinsisterpourqu'ilsnechangentpas
leurplanàcausedemoi,carcelamedérangedéjàénormémentdedevoirbriser leurintimitéletempsd'unenuit.Maseuleenvieestdemefairelaplusinvisiblepossible.Avantdevenirici,nousavonsmangésurlepouce.UneBratwurst—saucissemisedansunpetitpainetrecouvertedemoutardeforte—aveccommeboisson,del'eaugazeuse.Nousenchaînonslespasdedansesplusoumoinsaléatoires.Cequimerassure,c'estqueKirstendanse
aussibienquemoi.Aumoins,ellenememetpaslapression.La musique techno est à fond. Des lumières couvrant tout le spectre colorimétrique balaient le
danceflooràtouteallure.Celan'arrangerienàmamigrainequinefaitqu'empirer.KirstenavaitsurelledesDoliprane,ellem'enafilédeuxquandonétaitausnack-bar.Sanseffet.Jesuistoujourssurlapistededanseet jemedemandecommentjefaispourpouvoirencorealigner
quelquespas.Carenl'espaced'unedemi-heure,mamigraines'estdangereusementaggravée.Maintenant,j'aiunmarteauquicognedanslatête.Toutdevientflouautourdemoi.Jesensquejevaism'écroulerd'uninstantàl'autre.Etilyaaussicetteenviedevomirquiarrive..J'informe ma cavalière que je ne me sens pas bien, que je souhaite me rendre aux toilettes. Elle
m'accompagne,aprèsenavoirtouchémotàBoris.Dèsquej'arriveauxchiottes,jedégueuledanslelavabo.Puisjem'écroule.Kirstenmetirepourm'asseoircontrelemur.Jelavoismaisjenepeuxpasluiparler,nil'entendre,nibouger.C'estunpeucommesijevenaisde
basculerdansuneautredimension,commesijevenaisdedécouvrirunétatseconddelaconscience.J'aidéjàeudesmigrainesmaisc'estlapremièrefoisquej'aidessymptômesaussiviolentsetaussichelous.Je mets ça sur le compte du degré d'énervement que j'ai atteint ces derniers jours : celui-ci étaitcaniculaire!Kirstens'estassiseàmescôtés,elleveillesurmoi.Ellemeparle,maisjenel'entendspas.J'entends
justeunsonsimilaireàceluiquel'onpeutouïrlorsquel'onmetlatêtedansl'eauàlapiscine.Borisarriveavecunsacbandoulièreencuir.Ilsortuneseringue...Là,jecomprendsqu'ilsm'ontdroguée.Etqu'ilsvontmedroguerencoredavantage...Les cachets que m'avait donnés Kirsten à la casse-croûterie n'étaient pas des Doliprane, mais des
comprimésdedrogue,probablementdel'ecstasy.Ilmepique.Maintenant, jeseraiàleurmerci.Jeseraileurpoupée,ilspourrontfairen'importequoi
avecmoncorps.Enfacedemoi,justeau-dessusdesdeuxlavabos,ilyaungrandmiroirquimontejusqu'auplafond.
Sansdéplacermonregard,j'assisteraipassivementauxactesdetorturesquemesbourreauxm'infligeront.Ilsortdesasacocheunetondeuseetunebombedecouleurvertgazon.
Ilmeraselescheveux,n'enlaisseque5millimètres.Ilmeteintlescheveux.Reprendsatondeuseetdessinedesmotifstribaux.Ilnes'arrêtepaslà.Ilmeposepleindepiercing.Unsurlementon.Unsurlalèvresupérieure.Unautre
enhautdunez.Etunedizainesurletourdel'oreilledroite,disposéslesunsàcôtésdesautres.Ilmeditquelquechose,j'arriveàliresurseslèvres:«Tuesmieuxcommeça.»Jenetrouvepas.PuisKirstentiresurmesjambespourm'allongercomplètement.Ellebaissemonbas.Melèche,medoigte.Ensuite, Boris prend le relais. Il me pénètre, me souille avec son sperme.Mon calvaire n'est pas
terminé,puisqueaprès,ilsaisitunebouteilledevinverteetl'enfoncedansmonvagin.Trounoir.
Chapitre32Lebrouillard.Puisdesyeuxmarron.Unnez.Uneboucheavecdurougeàlèvres.Etenfin,descheveux
châtains.Maman.Jenesaispasoù je suis,nicequ'il s'estpassé.Mondernier souvenirestcettebouteilledevinqui
entreenmoi.Plutôtquedem'expliquer,mamèresautesursaproie.Ellememord,enfoncesescrocsprofondément
dansmachair.«Enfinréveillée!Cen'estpastroptôt!CommeçaonvaàBerlin,ontraîneavecn'importequi,onse
drogue!Sanscomptertonnouveaulook!Tucroisquetuvastrouverduboulotavecunvisagepareil?Jete rappelle qu'à cette heure-ci, tu devrais être à Tokyo ! Dans un amphithéâtre en train de suivre tescours!»J'aperçoisuneperfusionquipartdemonbras.Jecomprendquejesuisàl'hôpital.Mamèrepoursuit
sonréquisitoire:«C'estlegérantdeladiscothèquequit'atrouvéeinaniméelorsdelafermeture,à5heuresdumatin.Tu
étais assise sur les toilettes, enferméedansun cabine.Tu étais dans le coma, avecde l'ecstasy et del'héroïnedanslesang.Tuterendscompte,deladrogue!Tuesvraimenttombéesurlatête,Laurence!»Ilétaitsixheuresdumatinquandj'aireçulecoupdefil.Audépart,j'aicruquec'étaituneerreur,car
desLaurenceLegros, ilyenaplusieurs.Etpuismafillen'étaitpascapablede tombersibas.Bahsi,c'étaitbientoi,LaurenceLegrosdeNormandie.»Heureusementquec'estmoiquiaireçul'appel,carsiç'avaitététonpère,jecroisbienqu'ilaurait
faitunecrisecardiaque.D'ailleurspourluitun'esplussafille.Ilnedigérerapasçadesitôt.Cen'estpasdemainqu'ilaccepteradeterevoir.»Audépart,ilnevoulaitmêmepasquejemedéplaceàBerlin,j'aidûpratiquementmefâcheraveclui
pourqu'ilaccepte.Tum'entends?Mefâcheravectonpère!Tuveuxquoi?Qu'onsesépare?»«Jesuisdésolée.»«Oui,ilyadequoid'êtredésolée.Tuveuxmonconseil?RetourneauJaponetfiledroit!Çavaudrait
mieuxpourtoi.»Mesparentssontfurieuxmaisilsignoreencorequej'aituéquelqu'un...Mamèremelaisse,elleadespapiersàréglerpourlasécuritésociale.Elle autorise ma petite sœur à me rendre visite. C'est probablement la dernière fois que je vois
Clémentinedansunesituationautrequederrièreunparloir.—Tacoupedecheveuxestbizarre.Etc'estquoitouscesboutonsenfer?—Tumetrouvescomment,commeça?—Çava.EllesortdesonpetitsacàdoslestroispoupéesBarbieaveclesquellesnousavonsprisl'habitudede
jouer.Jelesprends.Jem'amuseunpeuavec,etj'accompagnemesmouvementsdecesmots:—Barbie«détective»tuelavoleuse.Barbie«détective»vaenprison.Barbie«détective»n'apas
Kencommeamoureux.Findel'histoire!— Elle n'est pas drôle ton histoire, me répondit-elle avec une toute petite voix chargée de
consternation.Clémentinearaison.Monhistoiren'estpasdrôle.Pourtant,c'estlamienne.Surordredemamère,mapetitesœurm'abandonne.Silence.
***
Unlitarrive.Ilestoccupéparunefilledelamêmetranched'âgequemoi.Visiblement,jemetrouve
dansunechambredouble.Jusqu'àprésent,iln'yavaitpersonneàcôtédemoi.Nousfaisonsconnaissance.C'estuneBerlinoisede21ans,quiparleunpeuFrançais.Elleestlàpour
uneappendicite.Elleétudielesmathématiquesàl'UniversitéHumboldtdeBerlin.Ellejoueavecsontéléphonequandj'aiuneidée.—Tupeuxmeprêter5minutestonportable?—Pasdesouci.Ellem'envoiesoncellulaire.Bonneréceptiondelapassedemoncôté.JemeconnecteàGoogle.
VeneziaCharlotteLegrand
Chercher.UnarticledujournalGazzettinoLogoTestatacontientcestroismots.Jecliquesansplusattendresurlelien.Lapages'affiche.Traduireenfrançais.Jelisl'articleendiagonale.
VENISE:Unejeunefrançaiseassassinée(...)CharlotteLegrandavait22ans.Elleaététuéed'uncoupdecouteauàhuîtres.(...)Ledrameaeulieudansunendroitisolé,loindesparcourstouristiques.(...)Unsuspectauraitété interpellé.Sondomicilesesituerait justedevant lascènedecrime.L'hommeseraitdéjàconnudesservicesdepolicepouravoircommisplusieursattouchements.
***
Allongée dans son lit, Stephanie pianote sur son téléphone. Soudain, un grand sourire illumine son
visage.Ellem'expliquelaraisondecettejoiesisoudaine.
—Jenepensepastel'avoirditmaisj'avaisfaitunedemandepourfaireunmasterdemathdanstonpays.Etmondossiervientd'êtreretenu.—Maintenant,jesupposequetucherchesunesolutiond'hébergementpourlemoisdeseptembre.—Oui.—J'aiunesolution,carjechercheunenouvellecolocatairepourdébutseptembre.Situesintéressée,
faislemoisavoirrapidementafinquejeteréservelaplace.
L'histoirecontinue
N'hésitezpasàrejoindrelapageFacebookdel'auteurGrégoryLancelotOfficielEtexplorezsansplustardersonsiteinternethttp://gregorylancelot.osmose-hebergement.com
QuatrièmedecouvertureLaurence,22ans,estunefilleordinairequiassumeseskilosentrop.Elle vit à Paris, en colocation avec Charlotte, qui a le même âge qu'elle. Les deux jeunes femmespartagent tout, elles sont devenues au fil des années de véritables « sœurs siamoises ».Mais un jour,Charlotte met Laurence à la rue, car elle décide de vivre avec Alex, son petit copain. Une décisiond'autantplusdifficile à avalerpourLaurence, car c'estgrâceà ellequeCharlotte a rencontréAlex, etsurtout,elleaimelejeunehommeensecret.Ellen'aplusdesœur.Alexenaimeuneautre.Pluspersonneneveutd'elle.Danssonerrancesentimentale,ellemultiplieralesrencontres,seraamenéeàvoyager...Maisimpossiblepourelled'oublierAlex.Elleuseradetouslesmoyens,mêmedesplusfous,pourqu'ilquitteCharlotte.Elledécouvriraaupassagesespenchantspourlevoyeurismeetl'érotomanie.
TabledesmatièresExergueParis
Chapitre1Chapitre2Chapitre3Chapitre4Chapitre5Chapitre6Chapitre7Chapitre8Chapitre9Chapitre10Chapitre11Chapitre12Chapitre13Chapitre14Chapitre15Chapitre16Chapitre17Chapitre18Chapitre19
TokyoChapitre20Chapitre21Chapitre22Chapitre23Chapitre24Chapitre25Chapitre26
VeniseChapitre27Chapitre28Chapitre29
BerlinChapitre30Chapitre31Chapitre32
L'histoirecontinueDépôtlégalQuatrièmedecouverture
TableofContentsExergueParisChapitre1Chapitre2Chapitre3Chapitre4Chapitre5Chapitre6Chapitre7Chapitre8Chapitre9Chapitre10Chapitre11Chapitre12Chapitre13Chapitre14Chapitre15Chapitre16Chapitre17Chapitre18Chapitre19TokyoChapitre20Chapitre21Chapitre22Chapitre23Chapitre24Chapitre25Chapitre26VeniseChapitre27Chapitre28Chapitre29BerlinChapitre30Chapitre31Chapitre32L'histoirecontinueDépôtlégalQuatrièmedecouverture