D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde,...
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Université CLAUDE BERNARD LYON 1
Ecole supérieure du professorat et de
l’éducation de l’Académie de Lyon
N° d’étudiant :
11508892 LEMAITRE Alice
11509152 TEYSSIER Charlie
Membres du Jury :
LE BRETON Gwenaële
MORIN Olivier
OBRIOT Florence
Directeur du mémoire :
MORIN Olivier
MEMOIRE présenté pour l’obtention du Master MEEF (Métiers de
l'enseignement, de l'éducation et de la formation)
Premier degré – professeur des écoles
D’un « être-au-monde » intime à
un « vivre-ensemble » dans un
monde partagé.
Par LEMAITRE ALICE
TEYSSIER CHARLIE
Année universitaire : 2016-2017
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RESUME
Ce mémoire est le fruit d’une recherche et de la conduite d’un projet en éducation au
développement durable dans deux classes d’école primaire. Charlie Teyssier et Alice Lemaître
deux professeurs des écoles stagiaires dans une école à Lyon 4e, proposent un dispositif qui tend
à favoriser chez leurs élèves de MS et CP le passage d’un être au monde intime à un vivre
ensemble dans un monde partagé ; à savoir la création d’un cabinet de curiosités.
En effet, partant du postulat que les jeunes enfants ont une certaine sensibilité
environnementale, l’objectif de cette recherche et de la pratique de classe qui en découle est
dans un premier temps de l’exacerber. C’est par la collecte de « trésors de la nature » qui seront
exposés et leur exploration sensorielle que l’enfant tissera des liens et nourrira sa curiosité.
L’enjeu du projet sera, dans un second temps, de lui faire vivre une expérience de création
commune qui, par le recours aux sciences et aux arts, et ce dans une logique de pédagogie de
projet, lui permettra de développer une conscience plus collective ainsi que des compétences
citoyennes de coopération.
MOTS CLES
Education - environnement - nature - pédagogie - sensible - partage
Imaginaire - projet - arts - exposition – curiosité
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AVANT-PROPOS ET REMERCIEMENTS
Nous tenons à adresser tout particulièrement nos remerciements à notre directeur de
mémoire, Olivier Morin, pour son écoute, son soutien ainsi que ses précieux conseils. A ces
remerciements nous associons Gwenaële Lebreton qui a également suivi l’avancée du projet.
Nous remercions vivement Florence Obriot pour sa disponibilité et l’aide qu’elle a
apportée à la mise en œuvre de notre projet, ainsi qu’Yvette Lathuiliere pour son écoute et son
intérêt pour le projet.
Merci à Sylvie Boucherat du musée des Confluences de nous avoir transmis de
précieuses ressources sur les cabinets de curiosités et l’institution muséale.
Enfin, nous tenons à remercier l’équipe pédagogique de l’école Joseph Cornier (Lyon
4e) pour avoir donné vie à notre cabinet de curiosité par leurs visites, leurs encouragements et
leur soutien.
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SOMMAIRE
Résumé ___________________________________________________________________ 2
Mots clés __________________________________________________________________ 2
Avant-propos et Remerciements _______________________________________________ 3
Sommaire _________________________________________________________________ 4
Introduction _______________________________________________________________ 6
Partie 1 : Partie analytique____________________________________________________ 9
I. Les enjeux de l’éducation à l’environnement et au développement durable ___________ 10 1. Définition et histoire de l’EDD _______________________________________________________ 10
a. Définition _____________________________________________________________________ 10 b. Objectifs à l’école primaire _______________________________________________________ 12 c. Un concept pluriel et complexe ___________________________________________________ 13
2. Qu’entend-on par “environnement”? _________________________________________________ 14 a. Définition de l’environnement ____________________________________________________ 14 b. Des représentations diverses de l’environnement ____________________________________ 14 c. La problématique de l’EDD dans un environnement urbain _____________________________ 15
II. Notre approche de l’éducation à l’environnement _______________________________ 16 1. Un prérequis : l'éducation par l’environnement pour une conscience environnementale _______ 16
a. Le respect et le développement d’un “être au monde” ________________________________ 16 b. Pour une pédagogie du sensible, de l’imaginaire _____________________________________ 18
2. Notre question de recherche : passer d’une pensée individuelle à une conscience collective ____ 20 3. Une piste de travail : la mise en projet ________________________________________________ 21
III. Notre projet : la construction d’un cabinet de curiosités en CP et Moyenne Section ____ 23 1. Pourquoi un cabinet de curiosités ? __________________________________________________ 23
a. La genèse du projet _____________________________________________________________ 23 b. Qu’est-ce qu’un cabinet de curiosités ? _____________________________________________ 24 c. Pourquoi l’adapter en classe ______________________________________________________ 25
2. Ce projet en réponse à notre question de recherche _____________________________________ 26 a. La collecte d’objets : le rapport intime au monde _____________________________________ 26 b. Un projet collectif : vers une vision partagée de l’environnement ________________________ 28 c. Une réflexion pédagogique ; enseigner à la curiosité et la coopération ___________________ 30 d. Une démarche artistique et de partage _____________________________________________ 32
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Partie 2 : Mise en œuvre du projet _____________________________________________ 35
I. Séquence et recueil de données ______________________________________________ 36 1. Séance 1 : enrôlement dans le projet _________________________________________________ 36
a. Explication de la séance _________________________________________________________ 36 b. Recueil et analyse des données ___________________________________________________ 37
2. Séances 2 et 3 : découverte sensorielle des objets_______________________________________ 42 a. Explication de la séance _________________________________________________________ 42 b. Recueil et analyse des données ___________________________________________________ 44
3. Séance 4 : la classification __________________________________________________________ 50 a. Explication de la séance _________________________________________________________ 50 b. analyse de données _____________________________________________________________ 52
4. Séance 5 : Echange des valises ______________________________________________________ 53 a. Explication de la séance _________________________________________________________ 53 b. Analyse de données ____________________________________________________________ 54
5. Séances 6 et 7 : la mise en valeur ____________________________________________________ 56 a. Explication de la séance _________________________________________________________ 56 b. Analyse des données ____________________________________________________________ 58
6. Visite de l’exposition ______________________________________________________________ 62 a. Faire vivre l’exposition __________________________________________________________ 62 b. Analyse de données ____________________________________________________________ 63
II. Retour réflexif sur le projet __________________________________________________ 64 1. Le Bilan du projet pour la classe _____________________________________________________ 64
a. Mise en évidence du fort lien entre enfant et nature __________________________________ 64 b. Les effets du projet dans la vie de classe ____________________________________________ 65 c. Un lien renforcé avec les parents __________________________________________________ 66 d. Rayonnement du projet _________________________________________________________ 66
2. Bilan personnel, dans une perspective professionnelle ___________________________________ 67 a. Comparaison moyenne section / CP ________________________________________________ 67 b. Notre expérience par rapport à l’enseignement du développement durable _______________ 67 c. Ce que l’on retient professionnellement ____________________________________________ 68
Conclusion ________________________________________________________________ 69
Bibliographie ______________________________________________________________ 71
ANNEXES _________________________________________________________________ 73
I. Fiches de préparations de la séquence _________________________________________ 73
II. Photographies du projet ____________________________________________________ 79
1. Lettre de Béton et Bitume __________________________________________ 79 2. Un monde sans nature _____________________________________________ 80 3. La valise se remplit _______________________________________________ 81 4. Exemple de proposition de classification _______________________________ 81 5. Idées pour la mise en valeur ________________________________________ 82 6. L’exposition _____________________________________________________ 83 7. Documents d’explications pour l’exposition _____________________________ 87 8. QCM préparé pour les visiteurs de l’exposition __________________________ 88
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INTRODUCTION
Face aux problématiques socio-environnementales actuelles, il est d’un enjeu indéniable
pour nos sociétés d’entrer dans une démarche de prévention et de précaution vis à vis de
l’environnement. Cette préoccupation naît dès le 19ème siècle et se généralise aujourd’hui, en
témoignent certaines politiques gouvernementales en faveur de l’environnement, pensons
récemment à la COP 21 et à son dessein d’engagement pour la lutte contre le réchauffement
climatique.
1972 est une date importante dans cette prise en compte des enjeux sociétaux concernant
l’environnement. En effet, lors de la déclaration de Stockholm de cette année, le rapport PNUE-
GEO nous livrait les grands principes de protection de l’environnement. Nous constatons que
les nations unies et, plus largement, les gouvernements s’investissent et partagent peu à peu le
même discours sur la protection de l’environnement donnant à cette recherche de protection
une dimension universelle. La société civile quant à elle, semble également se mobiliser
activement au travers d’associations, ONG et autres biais d’engagements individuels et
collectifs.
En tant que futures enseignantes, nous considérons qu’une des réponses à cette “urgence
climatique” est bel et bien la transmission aux nouvelles générations d’une conscience
environnementale supposant une volonté d’engagement pour la protection de la nature. Ainsi,
naquit notre réflexion autour de cet enseignement au développement durable et notre désir de
nous l’approprier. Un colloque international en 1975 donne le ton pour cet “enseignement à”,
cela nous confirme une volonté plus générale ainsi qu’un certain espoir quant à l’assise de
nouvelles conditions permettant de réduire, à l’avenir, les problèmes environnementaux.
Ce travail de recherche et de mise en situation professionnelle s’appuie sur cette volonté
d’éduquer à l'environnement. Nous partons du principe qu’un lien avec le monde, un lien intime
est indispensable à la volonté de préservation de l’environnement. En effet, avant d’éduquer
aux comportements de prévention, au recyclage ou à la compréhension des enjeux
environnementaux il nous semble pertinent de renforcer ce lien avec la nature, cette
appartenance au monde. De cette dernière, nous pensons, émanera, chez l’enfant un désir de
respect et de protection de l'environnement et donc de recherche des moyens à sa disposition
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pour y parvenir. Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons
de campagne, les promenades familiales, les sorties au parc, la présence d’animaux dans la
maison ou un imaginaire découlant de lectures par exemple peut et doit être exacerbé dans
l’école. Lieu où chaque enfant passe le plus clair de son temps.
C’est bien par l'éducation au développement durable, que l’enfant aura l’occasion de se lier
davantage à son environnement, par la découverte, l’exploration et progressivement
l’acquisition de connaissances. Il s’agira principalement de travailler sur l'expérience sensible
du monde par des découvertes sensorielles d’objets naturels ramenés par les enfants au sein de
l'établissement scolaire.
Une fois que ce lien intime avec le monde est écouté et renforcé, il s’agit de le rendre commun.
En effet, la visée est bien d’amener l’enfant à prendre conscience de l’appartenance commune
au monde et de tendre vers une action collective et solidaire de protection. Il est du ressort de
l’école républicaine de se charger de ce passage d’un rapport intime au monde à une vision
partagée de l’environnement, ainsi notre recherche portera sur les moyens qu’elle possède et
qu’elle doit mettre en place pour y parvenir.
La vision de l’environnement que nous défendons ici, et que nous souhaitons partager, est en
effet celle d’une nature, non pas comme objet ou ressource personnelle mais bien comme
richesse collective.
Nous travaillerons donc, dans un premier temps, à mettre en évidence le rapport intime
qu’entretiennent les enfants avec l’environnement. Nous tâcherons d’exacerber dans nos classes
ce lien intime avec le monde par, comme nous l’avons dit, l’exploration, la découverte
sensorielle et sa verbalisation. Puis dans un second temps nous tenterons de développer, chez
nos élèves, une vision partagée de l’environnement. Cette seconde étape passera, entre autres,
par la transmission de connaissances scientifiques ainsi que par le recours aux arts visuels
permettant le développement d’un imaginaire commun et ce dans une logique de projet
collectif, à savoir, la création d’un cabinet de curiosités.
“L’éducation relative à l’environnement est cette dimension essentielle de l’éducation
fondamentale qui concerne notre relation au milieu de vie, à cette “maison de vie” partagée.
Au niveau personnel, l’éducation relative à l’environnement vise à construire une “identité”
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environnementale, (...) une appartenance au milieu de vie, une culture de l’engagement. A
l'échelle des communautés, puis à celle des réseaux de solidarité élargis, elle vise à induire des
dynamiques sociales favorisant l’approche collaborative et critique des réalités socio-
écologiques et une prise en charge autonome et créative des problèmes qui se posent et des
projets qui émergent” (Sauvé 2007, p.14).
Afin de rendre lisible cette réflexion et le projet qui en a découlé, nous ferons en premier
lieu un rapide retour sur les travaux théoriques sur le sujet. Il s’agira de présenter les analyses
dont s’est nourri notre travail ainsi que l’avancée de la recherche scientifique sur le sujet. Nous
tâcherons d’expliciter les enjeux de l’EDD et de notre projet pédagogique.
Dans un second temps, ce sera pour nous l’occasion de faire un point sur le travail effectué dans
nos classes autour de cette séquence de création d’un cabinet de curiosités. Nous présenterons
les données recueillies ainsi que notre analyse.
Notre recherche s’est déroulée lors de la troisième période et s’est étalée sur 6 semaines
de classe à travers un échantillon constitué de 2 classes ; 31 élèves de MS et 28 élèves de CP
et ce dans une l’école urbaine, “Joseph Cornier” de la Croix Rousse à Lyon. L’analyse que nous
avons menée est qualitative, elle est composée de l’analyse d’entretiens menés avec les élèves,
de l’analyse de dessins et de retranscriptions d’enregistrements réalisés sur le temps de classe.
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PARTIE 1
PARTIE ANALYTIQUE
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I. LES ENJEUX DE L’EDUCATION A L’ENVIRONNEMENT ET AU
DEVELOPPEMENT DURABLE
1. Définition et histoire de l’EDD
a. Définition
Education « pour l’environnement humain » ;
Education « pour l’environnement et le développement durable » ;
Education « pour le développement durable » …
Les termes sont multiples et font polémique. L’institution de l’éducation nationale
retient le terme d'Éducation au développement durable (EDD) que nous utiliserons ici. Mais
comment définir cette éducation à un développement durable ?
La définition qui nous sert de référence est celle de l’UNESCO (Cf. Décennie des Nations Unies
pour l’éducation en vue du développement durable 2005-2014) :
« L’éducation pour un développement durable, c’est à apprendre à :
- respecter, reconnaître la valeur et les richesses provenant du passé, tout en les préservant
- apprécier les merveilles de la Terre et de tous les peuples
- vivre dans un monde où chacun ait de quoi se nourrir pour une vie saine et productive
- évaluer, entretenir et améliorer l'état de notre planète
- construire et apprécier un monde meilleur, plus sécurisant, plus équitable
- être des citoyens concernés et responsables, exerçant leurs droits et responsabilités à tous les
niveaux : local, national et global. »
Les problématiques liées aux questions environnementales et au développement durable
apparaissent dans les années 1970. La Conférence des Nations Unies tenue à Stockholm en
1972 avait attiré l’attention de la communauté internationale sur les questions
environnementales, il s’agit du premier “sommet de la terre”.
Arrêtons-nous sur le concept de développement durable, formalisé en 1987 par le rapport de la
CMED (Commission mondiale sur l’environnement et le développement) des Nations Unies
(autrement appelé rapport Brudtland) “notre avenir à tous” il se définit comme "développement
qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de
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répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion :
- le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus
démunis, à qui il convient d'accorder la plus grande priorité,
Et
- l'idée des limitations qu’impose l'état de nos techniques et de notre organisation sociale
sur la capacité de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir.
Ainsi, les objectifs du développement économique et social sont définis en fonction de la durée,
et ce dans tous les pays - développés ou en développement, à économie de marché ou à
économie planifiée. Les interprétations pourront varier d'un pays à l'autre, mais elles devront
comporter certains éléments communs et s'accorder sur la notion fondamentale de
développement durable et sur un cadre stratégique permettant d'y parvenir."
Le développement durable repose donc sur la solidarité entre les pays et les générations et
l'interdépendance entre environnement, société, économie et culture. Il y a donc à la fois la prise
en compte de la protection de l’environnement, de la croissance économique et de l’égalité
sociale.
De plus, en septembre 2002, suite aux déclarations au sommet mondial du
développement durable de Johannesburg, nous connaissons la naissance de l’éducation à
l'environnement (EDD). En effet, l’assemblée générale des Nations Unis adopte une résolution
proclamant la décennie des nations unies pour l’éducation au service du développement durable
et ce dès janvier 2005.
Cette décision révèle l’enjeu indéniable de former les générations futures à une conception de
la croissance économique raisonnée et respectueuse des impacts environnementaux, à ce projet
de société. L'éducation est devenue un levier dans le changement des comportements et des
mentalités dans le dessein de mieux préparer les générations futures à la préservation de
l’environnement.
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b. Objectifs à l’école primaire
« La finalité de l'éducation au développement durable est de donner au futur citoyen les
moyens de faire des choix en menant des raisonnements intégrant les questions complexes du
développement durable qui lui permettront de prendre des décisions, d'agir de manière lucide
et responsable, tant dans sa vie personnelle que dans la sphère publique » Circulaire de 2011.
L’éducation au développement durable a fait son apparition dans le code de l’éducation
; ce dernier stipule qu’elle doit débuter dès l’école primaire afin d'éveiller les enfants aux enjeux
environnementaux par une sensibilisation et une compréhension de l’environnement et des
impacts de l’homme sur ce dernier. Cette démarche manifeste une réelle prise de conscience
qu’un nouveau développement est nécessaire, un développement « qui répond aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». L’EDD
a dorénavant toute sa place dans la mission éducative de l’école et concerne l’ensemble des
acteurs de la communauté éducative. Son objectif central étant d’éveiller les enfants aux enjeux
environnementaux, multiples et complexes tout en les dotant d’outils pour tendre vers une
attitude plus soucieuse de leur milieu.
A l’image du problème environnemental elle est complexe et nécessite une approche
systémique. Elle ne constitue pas une discipline à part entière, elle nécessite évidemment de
faire appel à d’autres processus pédagogiques, d’autres disciplines se nourrissant de
pluridisciplinarité, d'interdisciplinarité et de transversalité. En effet, les problèmes
environnementaux sont constitués d’un nombre d’éléments interdépendants importants, afin de
mieux comprendre les interactions entre ces derniers et la complexité qu’ils supposent il faut
développer, dans le cadre de l’EDD, une analyse pluridisciplinaire.
Elle peut donc être intégrée au sein de chaque discipline, faire appel à des partenariats, et ce,
dans une logique de décloisonnement des acteurs et des champs. Elle est associée à l’éducation
à la citoyenneté ou EMC mais également à l’éducation à la santé et aux risques domestiques.
Plus clairement et synthétiquement, L’EDD a pour objet central d’améliorer notre
rapport au monde, en lui donnant du sens et de l’importance. Elle a pour objectif le
développement de citoyens responsables et soucieux de leur environnement en s’appuyant sur
5 piliers :
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- apprendre à savoir
- apprendre à être
- apprendre à vivre ensemble
- apprendre à faire
- apprendre à se transformer soi-même ainsi que la société.
c. Un concept pluriel et complexe
L’EDD est plurielle, complexe à appréhender en terme de choix, d’appropriation ; il en
est de même quant à son enseignement et à la pédagogie à mettre en œuvre. En effet, enseigner
l’éducation relative à l‘environnement peut se faire par le biais de différentes approches. La
typologie de Lucas (1980-1981) nous éclaire sur ces dernières :
D’une part, transmettre un enseignement sur « l’environnement » : il s’agit ici de faire acquérir
à l’apprenant des connaissances, l’objet central étant le savoir.
Deuxièmement, « une éducation pour l’environnement » dont l’objectif principal serait de
changer les comportements et pratiques sociales, faisant adopter des gestes plus soucieux à
l’égard de l’environnement.
Et enfin une éducation « par et dans l’environnement » qui a pour objectif de construire un lien
d’appartenance entre la personne et son environnement, favoriser une certaine empathie à
l’égard du vivant et ainsi développer de réelles valeurs environnementales.
Cette dernière, l’approche interprétative selon Robottom et Hart (1993), centrée sur les
relations et les rapports entre l’individu et son environnement, désireuse de créer un lien étroit
entre ces deux entités, a attiré notre attention. En effet, dans notre société, caractérisée par une
forte urbanisation, des populations majoritairement citadines et sédentaires, le rapport à la
nature se pose. Cette dernière, est souvent oubliée dans nos villes, ou restreinte dans de simples
espaces verts ou étalages de supermarchés. Un « retour » à la nature, un contact direct avec le
monde du vivant semble important voire indispensable à l’émergence d’une conscience
environnementale chez les individus.
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2. Qu’entend-on par “environnement”?
a. Définition de l’environnement
Nous parlons de “l'environnement des élèves” mais c’est là un concept assez ambiguë
qui n’a pas trouvé “une” définition auprès des auteurs et praticiens. Il s’agit d’une réalité très
générale qui se voit modifiée en fonction de son contexte. L’environnement se réfère à ce qui
nous entoure.
Il peut être défini comme l’ensemble des aspects physiques, chimiques, biologiques et
des facteurs sociaux et économiques susceptibles d’avoir un effet sur les êtres vivants et
activités humaines. L’environnement est donc ce qui constitue le milieu ainsi que les conditions
de vie pour l’homme. Sauvé (1994) nous donne une typologie non exhaustive mais malgré tout
intéressante de cette notion dans le cadre de l’EDD :
- L’environnement problème (à prévenir, à résoudre) fait appel au développement
d’habiletés d’investigation critique des réalités du milieu de vie et de diagnostic des problèmes
qui s’y posent.
- L’environnement système (à comprendre, pour mieux décider) peut être appréhendé
par l’exercice de la pensée systémique.
- L’environnement biosphère (où vivre ensemble et à long terme) nous amène à prendre
en compte l’interdépendance des réalités socio-environnementales à l’échelle de la planète.
- L’environnement projet communautaire (où s’engager) est un lieu de coopération et
de partenariat pour réaliser les changements souhaités au sein d’une collectivité. Il importe
d’apprendre à vivre et à travailler ensemble, en « communautés d’apprentissage et de pratique”.
b. Des représentations diverses de l’environnement
A cela, s’ajoute les différentes représentations de l’environnement. De nombreuses typologies
de ces représentations ont été proposées par différents auteurs (Sauvé en 1997 ; Goffinen 1993
; Theysen 1993, Boilloit Grenon en 1996)
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Le biocentrisme, tout d’abord, l’environnement est assimilé à la nature et ses éléments vivant,
il se réduit donc à “des systèmes d’objets naturels en interaction” (Theysen 1993).
Dans l’anthropocentrisme, la nature n’a pas de valeur en soi. Elle la trouve dans la relation
qu’elle entretient avec les sociétés qui l’habitent, l’exploitent. L’environnement est centré sur
le besoins des hommes.
Quant à l’écocentrisme, il nous livre une vision de l’environnement comme système hybride,
constitué d’éléments naturels et d’éléments sociaux. Il y a donc une part de naturel et une part
de culturel. Dans cette perspective, l’écocentrisme intègre l’homme, le social et ses interactions
avec les éléments naturels. Cela fait écho à la représentation d’environnement système décrite
par Sauvé, l’environnement à comprendre pour mieux décider.
Enfin dans le sociocentrisme il s'agit davantage de s'intéresser aux phénomènes sociaux
impactant et impactés par l’environnement, les processus sociaux affectant l’environnement,
qu’ils soient politiques, culturels ou économiques. L’environnement est un objet social.
Il n’y a pas une meilleure représentation de l’environnement, chacune nous aide à avoir un
regard global sur l’environnement.
c. La problématique de l’EDD dans un environnement urbain
L’EDD peut prendre différentes formes, en effet, elle peut s’exercer en milieu urbain,
rural ou naturel. Etant jeunes enseignantes à Lyon, nous nous intéresserons particulièrement à
l’EDD en contexte urbain. De plus, la conjoncture actuelle, à savoir 80% de la population des
régions développées et la moitié de la population mondiale est urbaine, nous pousse à nous
interroger sur l'éducation au développement durable auprès d’enfants citadins.
Peu à peu l’homme a perdu le contact avec la nature en quittant l’environnement rural. Les
questions environnementales auxquelles nous sommes confrontées nous rappellent que nous
sommes le fruit de la nature et qu’il faut la protéger, l’EDD témoigne de cette prise de
conscience.
Il est donc du ressort de l’école que de permettre aux enfants de développer une conscience
environnementale. Nous l’avons dit, nous défendons une éducation par l’environnement, or
cette dernière semble plus compliquée dans un contexte urbain étant donné que la nature, à
causes des contraintes pratiques inhérentes, a du mal à rentrer dans les classes.
Or il est d’un enjeu indéniable de mettre l’enfant citadin en contact avec la nature car son lien
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avec cette dernière est plus abstrait, il est moins en contact direct avec la nature, ses découvertes
sensorielles et motrices ainsi que son exploration libre s’en voient limitées. Vivre dans la ville
a une influence différente dans la construction de l’être au monde, qu’une enfance à la
montagne, près de l’océan…
Cette observation reste tout de même à nuancer. En effet nous avons mené notre recherche dans
un contexte urbain mais qui demeure très favorisé. Les enfants que nous avons en classe
évoluent dans un quotidien certes urbain mais, dans leur grande majorité, bénéficient de
“weekends à la campagne” et ont une expérience significative d’environnements différents, ce
qui, pour eux, permet un lien d’attachement à la nature.
II. NOTRE APPROCHE DE L'ÉDUCATION À L’ENVIRONNEMENT
1. Un prérequis : l'éducation par l’environnement pour une
conscience environnementale
a. Le respect et le développement d’un “être au monde”
« Il nous faut apprendre à ré-habiter collectivement nos milieux de vie, de façon
responsable, en fonction de valeurs sans cesse clarifiées et affirmées : apprendre à vivre ici,
ensemble – entre nous, humains, et aussi avec les autres formes de vie qui partagent et
composent notre environnement. » nous dit SAUVE dans la première page de son article publié
en 2009 (Vivre ensemble, sur Terre : Enjeux contemporains d’une éducation relative à
l’environnement)
Retisser notre lien avec la nature, pour nous permettre de nous engager pour elle ; voilà
l’hypothèse de cette recherche. Ce travail tentera de montrer que l’éducation par et dans
l’environnement est un prérequis au développement d’une conscience écologique chez les
apprenants, pour à terme, espérer un changement des pratiques sociales, plus soucieuses de la
nature. Idée partagée par Sauvé (2006, p. 5) :
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« L’apprentissage dans/par/pour le milieu, l’accent est souvent mis sur le
développement d’un sentiment d’appartenance au milieu, condition d’émergence d’un sens de
la responsabilité à l’égard de ce dernier »
Pellaud, quant à elle, nous donne les « 4 principes » de l’EDD ; adopter une démarche
systémique, se projeter dans l’avenir, mobiliser ses savoirs autour d’une action et enfin travailler
sur les représentations et valeurs. C’est bien sur ce dernier aspect, que le travail portera.
L’objectif étant une fois de plus, de modifier les représentations et valeurs des jeunes, afin
qu’une réelle curiosité naisse chez les apprenants à l’égard des savoirs, ainsi qu’une réelle
volonté de les mobiliser autour d’une action concrète et projetée dans le futur.
Cette évolution des représentations des individus, objectif de l’EDD, les rendant
responsables et désireux de protéger l’environnement, peut s’avérer être un réel combat dans
une société dont les intérêts poussent souvent à le détruire, à l’exploiter. Tout combat nécessite
courage, convictions et passion. L’idée serait que cette « passion » relevant de l’affecte,
indispensable à l’engagement, doit faire l’objet d’un travail, d’un apprentissage.
D’autant plus que des travaux de sciences cognitives ont montré que de nombreux processus
d’apprentissages s’expliquent par des paramètres d’ordre affectif et émotionnel. La relation
affective aux objets est donc à prendre en compte dans l’apprentissage.
L’EDD aurait son rôle à jouer dans l’émergence de cette « passion » qui naîtrait d’un
attachement affectif et émotionnel à la nature. C’est dans le contact direct, physique que
l’individu se lierait avec son environnement. Il faudrait donc travailler avec les enfants par
l’exploration libre, l’imaginaire, mais aussi le jeu, l’art. Il faut leur faire ressentir la nature, leur
permettre de l’explorer, de se sentir appartenir à elle, de se sentir petit en elle. Travailler sur
leurs ressentis, leurs souvenirs, leur donner le goût de cette nature, créer une certaine empathie
à l’égard de celle-ci, pour espérer, à terme, une fois un travail intellectuel et une maturation
effectués, un engagement de leur part. Il s’agirait donc bien de travailler sur l’imaginaire, la
sensibilité, l’expérience concrète et sensible du monde. Cette volonté part d’une réflexion :
L’exploration du monde est nécessaire au développement et à l’épanouissement de
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l’enfant. En effet, cette période est caractérisée par une réelle recherche d’autonomie, l’enfant
se sépare progressivement de sa famille, en particulier de sa mère, pour explorer le monde,
tester ses capacités motrices et apprendre à se sentir bien dans son milieu.
« Dès le plus jeune âge, la personnalité de l'enfant se construit dans la relation au
monde qui l'entoure. Par toutes ses expériences motrices et sensorielles, il incorpore lentement
les données du réel dans lequel il baigne » Cottereau (2007, p. 1)
La relation avec le non humain permet, le développement du sujet, elle favorise
l’expérimentation et la prise de conscience de ses possibilités et de ses limites. L'expérience de
la nature permet donc à l’enfant de peu à peu s’autonomiser.
Cette idée a fait l’objet d’un travail important du chercheur Berryman (2003, p. 58), qui
a développé le concept d’éco-ontogenèse, sur lequel, la présente recherche repose beaucoup :
« L’éducation relative à l’environnement, dans une perspective d’éco-ontogenèse, est une
dimension intégrante du développement des personnes et de la dynamique des groupes sociaux,
qui concerne les relations avec l’environnement et particulièrement les relations à la nature
dans l’éco-ontogenèse. Ce processus permanent a pour objectif global de favoriser, chez la
personne, l’apparentement avec l’environnement et avec la nature, afin de contribuer à
l’identité et au bien-être personnels et collectifs et afin de préserver la nature et les liens avec
la nature. Ce processus a aussi comme objectif de contribuer à connaître, à préserver, à
restaurer ou à améliorer les qualités du milieu de vie. »
b. Pour une pédagogie du sensible, de l’imaginaire
Pour développer cet “être au monde” nous rentrons dans une démarche mésologique,
soit, approcher l’environnement comme milieu de vie. Ce dernier s’intéresse à la dimension
humaine de l’environnement, construit à la jonction entre nature et culture, prenant en compte
ses dimensions historiques, culturelles, politiques, économiques, affectives, symboliques afin
de créer une réelle appartenance au monde, à l’environnement. Il s’agirait donc d’amener les
enfants à mieux connaître leur environnement proche. Nous comprenons que le champ est vaste
pour créer un lien et sentiment d’appartenance aux lieux de vies (qu’ils soient citadins ou
19
ruraux). Bien évidemment, le contact avec la nature est à privilégier, par des sorties en plein
air, des classes vertes. Mais ce contact peut se faire de manière indirecte, par l’art par exemple.
Il est clairement énoncé que nous partirons sur des pistes de travail relevant du courant
humaniste faisant appel à sensorialité, à la sensibilité affective et à la créativité. Nous nous
inspirerons également de la pédagogie de l’imaginaire de Cottereau dont les activités se puisent
dans « l'expression artistique au sens large : la poésie, la peinture, la sculpture, le théâtre, la
musique, la danse, le mime, l'expression corporelle, la photographie, l'affiche publicitaire »
mais également des « activités comme l'artisanat, le jardinage, la pêche, le sport de pleine
nature, la balade du dimanche, la rêverie, le jeu libre de l’enfant sont des moments privilégiés
aussi importants dans un processus d’éducation environnementale » (Cottereau, 2005, p. 5).
Aussi nous avons énoncé en première partie l’enjeu d’enseigner au développement
durable en milieu urbain. C’est en écho à cela, afin de permettre aux enfants des villes, moins
en contact avec la nature, qu’une approche par l’art et l’imaginaire nous semble pertinente. En
effet, étant en incapacité de travailler sur le réel par l’exploration libre dans la nature nous nous
servirons des arts visuels afin de nourrir le monde intérieur de nos élèves. Selon nous cet univers
intérieur a toute sa place dans ce rapport “intime” au monde. Je peux ressentir la nature, entrer
en lien avec elle par le biais de l’art, de la musique, de la peinture, de la méditation.
L’art notamment, car il a trait au sensible, nous semble être un médiateur privilégié pour
aborder la question de l’éducation à l’environnement, tel que nous aimerions la transmettre.
L’expression artistique fait appel à notre monde intérieur le plus enfoui, à notre individualité, à
notre créativité personnelle. L’art a pour finalité de révéler l’artiste, de donner à voir son monde
intérieur, et à travers l’artiste il a pour but de dire le vrai, de rapprocher les hommes en révélant
leur universalité. Une éducation de l’imaginaire et du sensible passe ainsi par l’art en ceci qu’il
permet de s’exprimer, en dehors de soi, de rapprocher, de questionner, de faire prendre
conscience tout en parlant à l’affect et aux émotions.
L’art est intrinsèquement engagé, les artistes n’ont jamais été les derniers pour interroger les
sociétés, remettre en cause les ordres établis. Il semble ainsi que l’art ait son rôle à jouer dans
l’émergence d’une prise de conscience écologique. L’expression artistique c’est avoir un
20
discours sur le monde, c’est parler à la fois à l’individualité et à l’universalité qui est en chacun
de nous.
2. Notre question de recherche : passer d’une pensée individuelle à une
conscience collective
Nous venons de voir qu’il semble nécessaire de travailler sur un rapport à la nature,
permettre un « être au monde », une « sensibilité environnementale » pour reprendre les termes
de Chawla (1992, 63-86). Le fait est qu’en questionnant le lien d’un individu à son
environnement, c’est également son rapport aux autres que l’on interroge. Ces « autres » ont
une influence non négligeable sur mon environnement, et sur ma relation avec ce dernier. Aussi,
je construis mon identité grâce à l’environnement mais également par rapport à l’autre. « Mon »
milieu de vie est partagé avec les autres, je suis lié à eux, par lui.
Aussi, Berryman, auteur dont s’inspire beaucoup ce travail, nous éclaire sur la question.
En effet, il passe d’une éco-onto-genèse à une socio-éco-onto-genèse. Cette évolution de
concept est liée à la prise de conscience d’une réalité construite socialement et reflétant des
intérêts particuliers. Il reprend le modèle de Berger et Luckmann de la dialectique du monde
social. « La première lecture serait celle de l’être humain qui produit la société. La seconde
lecture serait celle de la société qui produit l’être humain. La troisième lecture est alors celle
de la relation entre l’individuel et le collectif. »
Il faut se pencher sur la co-construction environnement/individu. Mettre en évidence
l’impact des différents acteurs, dispositifs et organisations.
Aussi, le dessein de l’EDD étant de rendre des individus responsables et soucieux de
l’environnement partagé, s’engageant en collectivité dans la protection de l’environnement, il
paraît indispensable de porter notre attention sur l’aspect collectif de l’engagement.
L’apprentissage du vivre ensemble, favorisé par la socialisation au sein d’un groupe classe,
d’une école semble être un terreau intéressant pour faire naître une vision partagée de ce monde.
21
L’objet central de cette recherche sera donc de mettre en place les conditions pour
permettre aux élèves de passer d’un rapport intime et personnel au monde à une
représentation commune et collective de ce dernier et des enjeux qu’il suppose. Tendre à
un sentiment d’appartenance partagé au monde et à un désir de contribuer « ensemble » à sa
préservation. En définitive, passer d’une vision auto-centrique à une vision davantage
allocentrique ou « communautaire » de l’environnement.
3. Une piste de travail : la mise en projet
Il nous a semblé intéressant de nous pencher sur la pédagogie de projet pour répondre
à ce besoin de “faire ensemble” de promouvoir une réelle démarche collective. Le fond des
apprentissages est en effet indissociable de la forme. La prise de conscience d’un
environnement partagé, résultant du collectif, ne pouvait se faire par des dispositifs individuels.
Si nous voulons que les élèves, futurs citoyens de demain, soient les acteurs du changement, il
faut également les mettre dans l’action, collective qui plus est, dès le plus jeune âge.
La pédagogie de projet promet de favoriser des apprentissages à travers une réalisation
concrète, une production collective et, souvent, ouverte au public. Elle permet en effet, la
mobilisation de connaissances déjà acquises et la construction de nouvelles. La démarche
inductive qu’elle suppose, par des situations qui poussent à se questionner et nécessite
l’acquisition de savoirs et compétences, permet également la différenciation.
Elle offre la possibilité de faire appel à plusieurs disciplines, de faire des liens entre elle, et de
tirer profit de situations transversales pour sensibiliser à la complexité du monde.
Historiquement cette pédagogie a été théorisée par John Dewey, puis par William H.
Kilpatrick au début du XXe siècle. C’est une pédagogie dite active, le maître mot “learning by
doing”, elle promet de décentrer l’école, autrefois focalisée sur l’enseignant pour la centrer sur
l’élève. Catherine Reverdy nous indique que deux points sont essentiels dans cette pédagogie
par le projet : “un problème ou une question doit servir de fil directeur aux activités réalisées
22
dans le projet, et ces activités doivent aboutir à un produit final qui apporte la solution au
problème. “. (Reverdy, 2013 p.5)
La motivation
Cette vision de l’éducation interroge tout d’abord la motivation des élèves. La perspective de
réaliser une production concrète et collective donne un sens et une finalité aux élèves. Pour
Michel Huber :
“ C’est un mode de finalisation de l’acte d’apprentissage. l’élève se mobilise et trouve du sens
à ses apprentissages dans une production à visée sociale qui le valorise” (Huber 2005, p.18).
Ainsi, la perspective de réaliser une œuvre collective, concrète, qui sera donnée à voir, tout en
répondant à des problèmes et en se questionnant permet de sortir du schéma selon lequel l’élève
apprend pour lui, pour avoir de bonnes notes, sans donner de sens à ses apprentissages.
Le projet comme facteur de coopération
Cette pédagogie fait appelle au socio-constructivisme, puisque les élèves travaillent ensemble,
confrontent leurs représentations, leurs points de vue. Elle encourage en ce sens la coopération
comme mode de travail. Catherine Reverdy nous dit ainsi “ le fait (est) qu’ils doivent rester
concentrés sur la seule réalisation du projet, et non sur une éventuelle compétition avec les
autres élèves, ce qui pourrait les dévier de leur objectif premier d’apprentissage”. (Reverdy
2013, p.9) Il s’agit bien ici de construire ensemble, de faire ensemble, dans le respect des talents
et des intérêts de chacun, vers un projet à dimension collective. P. Meirieu nous dit en ce sens
: “Il n’y a pas d’EDD sans mise en œuvre obstinée d’une pédagogie coopérative, apprentissage
commun où on ne réussit pas au détriment de l’autre mais avec lui (...) où l’on découvre le
plaisir d’apprendre ensemble.” (Meirieu, 2002, p.4)
Cette pédagogie semble alors correspondre à la vision que nous défendons de l’EDD, où il s’agit
de faire avec les autres, de prendre conscience que notre monde est partagé, tout en respectant
l’individualité de chacun.
23
III. NOTRE PROJET : LA CONSTRUCTION D’UN CABINET DE CURIOSITES EN CP
ET MOYENNE SECTION
Afin de répondre à l’enjeu que nous nous sommes fixé, nous avons décidé de mettre en
place un projet de création d’un cabinet de curiosités auprès de nos classes de MS et de CP.
Cette démarche répond à nos deux attentes à savoir, respecter et développer le rapport intime à
la nature tout en mettant en place un dispositif de coopération afin que nos élèves puissent
développer une vision collective de leur environnement. Enfin elle a pour but de susciter une
attitude de curiosité à l’égard de notre environnement proche et plus généralement, pour les
productions artistiques, les institutions muséales, les autres pays et cultures, etc.
1. Pourquoi un cabinet de curiosités ?
a. La genèse du projet
Ce projet s’inspire de l’exposition temporaire du musée des confluences nommée “la chambre
des merveilles” Cette dernière, dont Eve-Marine Basuyaux et de Florence Reibell sont à la
scénographie remet au goût du jour le cabinet de curiosités.
Cette exposition veut notamment en effet rendre hommage aux cabinets de curiosités lyonnais,
dont le musée des Confluences est le digne héritier.
De cette visite, l’année dernière, une première et réelle réflexion professionnelle a émané. En
effet, pour la première fois nous nous sommes mises dans la peau d’enseignantes en imaginant
une sortie de classe au musée. Alors jeunes lauréates du concours de professorat des écoles,
l’aspect merveilleux et curieux de ces objets naturels nous faisant voyager dans un autre univers,
des lieux exotiques et des temps passés nous avait semblé être une activité riche pour susciter
l'intérêt de nos futurs élèves. En effet, c’était beau, cela suscitait curiosité et goût d’en savoir
davantage. Ce lieu plein de surprises et de beauté nous semblait un terreau intéressant pour
amener l’élève à vouloir en savoir plus sur son histoire, sa culture, celle des autres et sur la
nature. L’exposition vient réveiller cette curiosité qui anime les enfants. Elle sensibilise ses
visiteurs à l’origine des collections d’un musée et à la nécessité de les conserver et de les
inventorier.
24
b. Qu’est-ce qu’un cabinet de curiosités ?
Apparus à la renaissance, les cabinets de curiosités sont les ancêtres des musées actuels
et ont joué un rôle important dans l’essor de la science moderne. Favorisés par les grandes
découvertes maritimes, les notables se mettent alors à collectionner toute sorte d’objets
exotiques et insolites. Les collectionneurs se servaient alors de leurs objets pour “comprendre
l’organisation du monde et de la nature” (Rivalain, 2001, p.18).
Ce qu’on appelle alors les “chambre de merveilles” sont un vecteur de connaissance du monde
et notamment de la nature. A Schnapper (1988, p.9.) présente ces “chambres de merveilles”
comme “ un microcosme... au sens de résumé du monde, où prennent place des objets de la
terre, des mers et des airs, ou des trois règnes, minéral, végétal et animal, à côté des
productions de l'homme” en un mot “un abrégé de la nature entière”. Ces lieux sont ainsi un
condensé de la nature d’ici et d’ailleurs, un endroit pour éveiller la curiosité, se questionner,
s’informer. Se côtoient dans les cabinets de curiosités deux catégories d’objets : les naturalia,
éléments purement naturels, et les artificalia éléments de la culture, transformés par les hommes
et toujours insolites.
Le terme “cabinet de curiosités” définit également le meuble qui servait de support à
l’exposition de ces objets. A. Rivalain nous le décrit ainsi : “Le cabinet est souvent un meuble
à tiroirs. Chez les plus riches, le cabinet devient un meuble en bois précieux, généralement en
ébène (...). Parfois chez les collectionneurs, les objets débordent du meuble, sont accrochés au
mur et jusqu'au plafond”. (Rivalain, 2001, p.23) Nous aurons ainsi pour souci de respecter
cette scénographie propre aux cabinets d’autrefois.
Les cabinets de curiosités dont nous tirons particulièrement notre inspiration, dans cette
démarche de “connexion” à la nature et de compréhension du monde, sont ceux du XVe,
exposant exclusivement des “naturalia”, objets de la nature. Ces cabinets étaient l’œuvre de
naturalistes, parmi lesquels Ulisse Aldrovandi de Bologne dont le cabinet de curiosités répond
au souci d’observation et de connaissance de la nature. Il comptait des milliers d’animaux, de
fruits et de minéraux, chacun accompagné d’un texte explicatif “afin de donner un portrait
exact du réel” (Rivalain 2001, p.20).
25
c. Pourquoi l’adapter en classe
Nous partons du principe que loin d’être un défaut malsain la curiosité serait davantage un
moyen permettant l’exploration et le questionnement de notre monde, qu’il soit proche, lointain,
imaginaire ou réel. Ainsi, par la découverte, l’imagination, la recherche, l’accumulation, le tri,
la classification, l’organisation, la transformation et finalement l'exposition, les élèves auront la
possibilité d’assouvir ce désir de connaissances et de compréhension du monde.
Par l’esprit de collecte que l’exposition suppose, nous pensons leur permettre d’être plus
observateurs et présents au monde mais aussi de rentrer dans une logique de collection où il y
a toujours un objet manquant et donc par là, pérenniser cette observation du monde qui
m’entoure. De plus, tous les éléments qui la composent appartiennent à la classe, il nous semble
donc que cela peut avoir un impact fédérateur sur la classe.
Enfin, cette volonté fait écho aux programmes, par exemple ceux de 2002 disait ;
Au cycle 1, « l’école doit donner à l’enfant l’occasion de se familiariser avec les images et les
objets qui présentent une dimension affective ou esthétique. Cette fréquentation s’appuie
d’abord sur les motivations réelles de l’enfant pour conserver des images, des objets, les traces
d’un événement etc. L’enseignant doit lui fournir les supports et les moyens qui lui permettent
de commencer une collection personnelle et de l’enrichir. Il l’encourage à exprimer ce qui
motive son choix et son envie de conserver » (BO H.S. n° 1 du 14 février 2002)
Au cycle 2 ; « le musée de classe (collection collective) et le musée personnel (collection
individuelle) sont des moyens d’aider les élèves à établir des relations entre ce qu’il
collectionne par goût et par intérêt et ses propres productions. Encourageant le penchant
naturel des enfants à conserver et à rassembler, l’enseignant propose des reproductions
d’œuvres, des réserves d’images. Il peut proposer de constituer un magasin de curiosités,
véritable cabinet de merveilles qui réunit des objets collectés et classés faisant écho aux
recherches de la classe » (BO H.S. n° 1 du 14 février 2002)
Les programmes de 2016 vont à nouveau dans ce sens. Pour le cycle 1, il est dit : “ Autant que
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possible, les enfants sont initiés à la fréquentation d'espaces d'expositions”. Pour le cycle 2 le
“donner à voir” est inscrit dans les programmes : “des projets de réalisation artistique aboutis
permettent le passage de la production à l'exposition. Ce faisant, ils permettent aux élèves de
prendre conscience de l'importance du récepteur, des spectateurs.”(BO du 26 mars 2015)
Une notion essentielle qui apparaît dès le cycle 1 dans les programmes d’arts plastiques est celle
des choix esthétiques à effectuer. Or, la collection individuelle devient musée personnel dès
lors qu’un choix et une mise en scène ont été opérés pour qu’elle soit portée au regard d’un
éventuel spectateur. “Ce qui est en jeu dans ce passage de la collection à la production
plastique est, dans un premier temps, une façon de s’identifier et de se situer par rapport au
monde dans lequel on vit et d’autre part un moyen d’être reconnu en tant qu’individu”
(Giraudeau, 2007, p12).
Ainsi, le projet nous permettra de faire appel à beaucoup de compétences et ce dans des
disciplines variées. En arts visuels, par exemple, de travailler sur la mise en valeur et en histoire
des arts sur les institutions muséales. En sciences, d’explorer le domaine du vivant et la
classification scientifique. De manière transversale seront également abordés l’EMC à travers
ce travail de coopération, d’investissement dans un projet, de respect d’autrui ; mais également
le français par le langage oral, le graphisme et l’écrit.
L’objectif est d’exploiter des compétences déjà existantes tout en faisant acquérir de nouvelles
connaissances, des savoirs mobilisables et développer des pratiques de coopération et de souci
de l’environnement. Il s’agit de sensibiliser à la collection et à la préservation.
2. Ce projet en réponse à notre question de recherche
a. La collecte d’objets : le rapport intime au monde
Nous avons donc décidé de faire créer, à nos élèves, leur propre cabinet de curiosités.
Il sera demandé aux enfants de nos classes respectives, à savoir MS et CP, de ramener des
éléments, des « choses », des « merveilles » de leur environnement afin de les exposer dans
notre « exposition» ; dans notre « cabinet de curiosités ».
27
A partir de la période 3, au retour des vacances de février donc, chaque mardi, chaque enfant
pourra ramener un objet de son choix. En atelier et en regroupement il présentera au groupe sa
trouvaille. Une recherche scientifique pourra être envisagée si des questions surgissent lors des
échanges spontanés entre les enfants.
Un travail important sur la découverte sensorielle des objets sera effectuée, les sentir, les
toucher afin de permettre à nos élèves de construire une réelle curiosité sensorielle à l’égard de
la nature et de tisser un vrai lien avec celle-ci.
Progressivement nous amènerons l’enfant à s’interroger sur le “donner à voir” en découlera une
interrogation sur la classification des objets pour que l’exposition prenne sens aux yeux des
spectateurs mais également sur l’aspect artistique avec un travail sur leur mise en valeur.
Comme explicité plus haut, nous partons du principe qu’un rapport intime à notre
environnement est un prérequis à l’émergence d’une volonté de le préserver, c’est donc dans
un souci de prendre en compte ce rapport intime que nous avons pensé ce projet. En effet, d’une
part cette recherche d’un élément de la nature se fera dans la sphère privée, en dehors de l’école
et de manière individuelle. Cela suppose que l’enfant aura le temps de le manipuler, le sentir,
le toucher. Cette découverte sensorielle lui permettra de s’en imprégner et de se l’approprier.
Aussi l’aspect personnel de l’objet implique évidemment un rapport intime avec lui.
Les élèves vont être amenés à opérer des choix, pourquoi tel objet ? A nous d’analyser les
raisons qui ont portées vers ce choix ; souvenir, esthétique, curiosité. Et donc de mettre en
évidence des rapports différenciés à la nature selon chaque enfant.
D’autre part, nous pensons qu’un tel projet amène l’enfant à être plus observateur de son
environnement. Dans la démarche de recherche de l’objet, de la trouvaille, l’enfant sera plus
alerte, plus à l’écoute, plus attentif et présent au monde. C’est dans le respect de cet « être au
monde » de cette présence au monde, que nous avons créé ce projet. En effet, l’enfant aura le
temps, extrascolaire, non coercitif, non communautaire, d’entrer en relation avec le monde qui
l’entoure, monde qui devient ainsi un partenaire, un donneur de « merveilles ». Cette nouvelle
vision de l’environnement, ce nouveau rapport à lui, permettra également, nous l’espérons,
d’aiguiser leur regard mais également d’attiser leur curiosité.
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b. Un projet collectif : vers une vision partagée de l’environnement
Ce dispositif permettra, comme nous venons de le montrer, de prendre en compte voire
de renforcer le rapport intime à l’environnement de tous nos élèves. La question est comment
tendre d’un rapport intime à une vision partagée du monde ? Et c’est bien dans la seconde phase,
scolaire cette fois que nous comptons répondre à cet objectif.
Nous émettons l’hypothèse, que cette organisation de cabinet de curiosités dans l’enceinte de
l’établissement scolaire va permettre à nos classes d’être sensibilisées à un environnement qui
serait partagé par tous.
Le fait d'amener à l’école l’objet personnel choisi par chacun de nos élèves représente
symboliquement ce passage de l’intime à la communauté, du personnel au partagé. Les objets
seront tous dans la même valise en classe, puis dans la même armoire lors de l’exposition. Cela
représente bien le passage de l’égo à l’allocentrique. L’objet représentant en effet ici l’intime
car il a été trouvé hors de l’école dans la sphère privée et a une dimension affective pour l’élève.
A l’inverse, la valise, et plus tard dans le projet l’armoire, représentent le collectif,
l’aboutissement du projet commun. .
Nous sommes bien ici dans la lignée de la pensée de Cottereau ; « Pour qu'une conscience
écologique se développe, une autre réversibilité est nécessaire : la réversibilité externe, celle
qui autorise les allers retours entre son monde personnel et le monde social » (2004, p. 4)
Un travail sera effectué, de la part de l’enseignant, pour expliquer aux élèves que ces objets
deviennent communs à partir du moment où ils sont entrés dans la classe, qu’ils sont là pour un
objectif commun : l’exposition. Entrer dans une dynamique de partage des objets qui permettra
une vision partagée de l’environnement, la mise en projet ; approche participative et
communautaire.
Ce projet promeut une vision commune de l’environnement aussi de par son aspect scientifique.
“L’être au monde” passe par l’exploration sensible du monde mais elle passe également par une
connaissance et une compréhension du monde.
Meirieu nous dit ainsi, qu’il faut faire “exister le monde”, selon lui “les psychologues montrent
29
que pour l’enfant, le monde n’existe pas. Il vit dans l’égo-centrisme initial, et quand des nuages
qui cachent le soleil passent au-dessus de sa tête, il imagine que c’est parce qu’il vient de faire
une bêtise. Tout est ramené à lui, à sa subjectivité, à la toute-puissance de son imaginaire”.
(Meirieu, 2002, p.2)
Pour Meirieu, l’EDD passe donc par cette prise de conscience de “l’objectalité” du monde, c’est
à dire par l’idée que le monde existe en dehors de nous-même, qu’il faut faire avec cette réalité.
Nous rejoignons en effet cette hypothèse que pour vouloir “agir dans le monde” il faut d’abord
sortir de l’obscurantisme, avoir une conscience du monde et de sa complexité pour y habiter
pleinement, y trouver sa place, interagir et ne plus subir.
Ce projet est donc également centré autour de cette connaissance commune de la nature.
Aussi, ce projet mettant en participation active deux classes à niveaux différents, à savoir CP et
MS, semble intéressant pour engager les enfants dans une démarche collective. Leur permettre
de tendre à une vision partagée de l’environnement. En effet, il fait écho à cette logique du
développement durable, une logique de solidarité entre les peuples et les générations. Nous ne
sommes pas en contact direct avec nos futurs enfants/petits-enfants, avec les pays du sud mais
avons conscience de leurs intérêts et voulons leur donner leurs moyens d’y accéder.
Les CP et MS n’auront pas beaucoup de contacts, ils se verront d’ailleurs très peu permettant
ainsi de les rendre plus soucieux et conscients que l’on peut s’engager collectivement, s’engager
avec/pour les autres. Les deux classes, travaillent pour un intérêt commun même si elles ne
travaillent pas souvent “ensemble”, de manière regroupée sur le projet. Ce dispositif amène
ainsi à apprendre à accepter l’altérité, au sein de la classe déjà, mais également en dehors de la
classe (ce qui est d’autant plus difficile). En effet les élèves sont amenés à travailler ensemble
sans que les deux classes ne se voient, notamment lors du choix des objets, ou de la mise en
valeur de l’exposition. Il faudra alors apprendre à accepter les objets que les autres ont choisis
de montrer, à laisser de la place à l’autre classe dans l’armoire et à accepter les choix esthétiques
des autres dans la mise en valeur, tout en affirmant ses propres choix.
L’intérêt d’un projet inter-classe est également de s’appuyer sur les capacités et spécificités de
chacun dans une logique de tutorat. Les CP pourront peut-être apporter un certain regard et
certaines connaissances que n’ont pas encore acquises les moyennes section, notamment pour
ce qui est de l’écriture. Les moyennes sections à l’inverse amènent notamment un foisonnement
30
de matériel dédié aux arts plastiques dont manque cruellement les classes d’élémentaire.
Aussi, le fait de travailler avec des classes de niveaux différents nous permet d’analyser
la réception de ce projet, en effet, cette volonté d’une vision plus partagée de l’environnement
semble difficile chez des enfants de si jeune âge, période de fort égocentrisme.
L’aspect intime du rapport au monde est très prégnant à cet âge-là, les enfants se construisent
aussi grâce au contact de la nature, ils se comparent à elle, découvrent leurs possibilités en elle.
Aussi, ils la découvrent et donc l’explorent de manière intense.
Il nous semblait donc intéressant de mettre en place cette séquence auprès de classes à niveaux
différents afin de comparer leur rapport au monde, voir si l’avancée dans ce stade intime presque
égocentrique évolue avec l'âge et est ou non un obstacle à la vision partagée de l'environnement.
Nous partons ainsi du postulat que les moyennes sections sont dans une phase plus
égocentrique, ils sont en pleine découverte de l’altérité et de la collectivité. Tandis que les CP
ont une expérience plus significative de l’école et donc de la conscience du groupe.
Le fait de travailler ensemble sur l’environnement permet également d’élargir les perspectives
des élèves. L’écologie s’intéresse au territoire, dans le sens d’un monde commun. Il semble
intéressant alors de regarder la provenance de l’objet (cette feuille vient de mon jardin / la mairie
/ la plage) pour permettre également à l’enfant d’exprimer l’environnement dans lequel il
évolue. Ces lieux peuvent pour certains élèves se recouper ou permettre d’aborder des territoires
inconnus par d’autres enfants.
c. Une réflexion pédagogique ; enseigner à la curiosité et la coopération
Le cabinet de curiosités dans une démarche de pédagogie de projet ;
Nous favorisons bien entendu l’approche coopérative « qui implique une communauté d’élèves
et d’adultes, et ses objectifs ne sont pas centrés uniquement sur les connaissances et les
comportements. Par ailleurs, en privilégiant une représentation communautaire de
l’environnement, elle constitue une démarche concrète basée sur l’environnement proche des
élèves, ce qui est largement recommandé par différents auteurs qui se sont intéressés à
l’éducation relative à l’environnement destinée aux élèves de primaire » (Fortin-Debart, 2005
31
p.20)
Nous travaillons ici selon les principes de la pédagogie de projet, dont nous retenons la
définition donnée par Perrenoud (2002), pour qui une « démarche de projet (est):
- est une entreprise collective gérée par le groupe classe […] ;
- s’oriente vers une production concrète ;
- induit un ensemble de tâches dans lesquelles tous les élèves peuvent s’impliquer et jouer un
rôle actif, qui peut varier en fonction de leurs moyens et intérêts ;
- suscite l’apprentissage de savoirs et de savoir-faire de gestion de projet (décider, planifier,
coordonner, etc.) ;
- favorise en même temps des apprentissages identifiables (au moins après-coup) figurant au
programme d’une ou plusieurs disciplines ».
Ce projet est donc en effet pensé avant tout comme une entreprise collective qui vise une
réalisation concrète : l’exposition. Car il est avant tout transversal, ce projet vise à toucher tous
les élèves en faisant appel à leurs intelligences multiples, il ne s’adresse pas qu’aux élèves qui
auraient ramené un objet. Tous sont amenés à avoir un rôle à jouer, notamment grâce à cet
aspect transversal qui fait appel à différentes disciplines: les arts visuels, le français, les
sciences.
L’enfant est dans une situation où l’acquisition de nouvelles connaissances et compétences est
indispensable à la résolution ou à l’avancée dans le projet. Il s’agit d’une première approche de
la complexité du réel, du monde qui nous entoure : redonner à la nature sa complexité aux yeux
des élèves.
Le projet est aussi l’occasion de faire un travail sur l’ambiance du groupe-classe. Il est parfois
difficile de mettre en place de réels dispositifs coopératifs dans les classes, le projet amène cette
volonté de les faire travailler ensemble dans un dessein commun. Loin d’une logique de mise
en compétition des élèves, les enfants sont ici amenés à collaborer réellement avec chacun leur
intimité, leurs intérêts et leurs talents.
On l’a dit, l’EDD a pour objectif de former des jeunes responsables, mus par une volonté
d’engagement individuel et collectif pour la nature. Or, les mettre en action, les habituer, dès le
plus jeune âge à fonctionner au sein d’un groupe, à faire des choix, des compromis nous semble
32
être un prisme intéressant en réponse à ce dessein. Ils sont alors décideurs, penseurs de
l’exposition, ils ont une prise sur les choses, l’organisation, la scénographie, les objets qu’ils
ramènent, l’invitation des parents, les lettres écrites aux classes, aux personnages fictifs, etc.
Le cabinet de curiosités pour s’interroger, découvrir et apprendre ensemble
La spontanéité est inhérente au projet, en effet, nous, enseignantes n’avons aucune prise
sur les objets ramenés par les enfants et les questions qui émaneront de leur présentation. Il
s’agit ici donc bien de retourner cette situation de l’enseignant comme “transmetteur de
savoirs”. Les recherches se feront ensemble, ou d’une semaine sur l’autre. Attisant la curiosité
tout en changeant de regard sur la relation élève-enseignant ou plus largement élève-école.
L'enseignant et l’élève sont engagés ensemble dans le même processus de compréhension du
monde, d’engagement pour autrui, de construction de projet commun. L’élève est transmetteur
de savoir, l’enseignant est à l’écoute de ses choix, de ses désirs et idées. Il propose, explique,
imagine. L’enseignant quant à lui a pour objectif de l’enrôler, le rendre curieux et assouvir sa
soif d’apprendre.
L’hypothèse que nous formulons est également que l’enseignant prend alors plus de plaisir dans
sa pratique professionnelle. Il découvre avec ses élèves, apprend et découvre à leur contact,
grâce à eux. De plus cela semble également un biais pour l’enseignant de mieux connaître ses
élèves. En effet, ramené un objet de sa sphère personnelle permet à l’enfant de faire le lien entre
son monde intime et l’école, mais cela permet aussi à l’enseignant de découvrir les élèves hors
du cadre purement scolaire.
d. Une démarche artistique et de partage
Ces objets une fois amassés, observés, analysés à travers leur aspect sensitif et “intellectuel”
seront donnés à voir. Cette dimension artistique, inhérente aux cabinets de curiosités est une
partie importante de notre projet. Les cabinets de curiosités tels qu’on les conçoit et tels qu’ils
ont été dévoilés dans l’exposition du Musée des Confluences ont en effet vocation à faire
s’émerveiller et à être le reflet d’une réelle expression artistique. Car il s’agit d’une expérience
33
d’abord artistique et donc sensible, ce projet interroge le rapport de chacun à la nature, dans
son individualité, le versant collectif, de l’exposition permet une réelle expérience partagée de
notre rapport au monde.
Ainsi, les objets de notre collection amenés en classe par les élèves, dont nous avons parlé, que
nous avons côtoyé, exploré pendant plusieurs semaines en classe, et auxquels le groupe a fini
par s’attacher de manière collective doivent ainsi être mis en valeur, sublimés, classés,
regroupés pour être montrés, partagés à un public extérieur.
Ce travail sur la mise en valeur nous semble intéressant dans une démarche de protection de la
nature, les élèves dans une logique de sublimation de l’objet prennent ainsi conscience de leur
possibilité d’action sur l’environnement. Par cet impact qu’auront les enfants sur les objets dans
le cadre du travail en arts-visuels nous voyons une manière d’amener l’enfant à se sentir acteur
sur son environnement. De plus il permet de travailler sur la représentation mentale,
l’imaginaire et donc d’approfondir le rapport intime et d’exacerber le lien homme-nature.
La classification et les choix plastiques seront à effectuer dans l’armoire. Les élèves subliment,
ils rangent, organisent ; c’est une redécouverte de leur objets au travers de ces choix opérés, de
ces catégories effectuées et cela permet donc de prendre du recul par rapport à leur objet initial :
“J'appréhende maintenant ces objets comme un tout, mon objet appartient à un tout.” Cela
suppose donc une certaine mise à distance de son objet, sortir progressivement de son rapport
intime à l’objet, à se décentrer pour aller vers une vision plus commune de l’exposition. Non
plus appréhender l’objet en tant que tel mais la collection dans son ensemble.
Comme nous le dit Dimitris Daskalopoulos “collectionner, c’est créer un tout dans lequel les
œuvres d’art peuvent nouer un dialogue et ainsi en dire plus que ce qu’elles diraient de façon
individuelle”. Il souligne également que le mot “collection” provient des mots grecs “parler” et
“ensemble”1.
Cet esprit artistique, dont la finalité est d’être vu et partagé grâce à l’art est l’aboutissement du
projet. Cette exposition qui sera la “production concrète et finale” de notre projet donne un sens
1. Dimitris Daskalopoulos, cité dans Organizando una galería en mi mente : Dimitris
Daskalopoulos con Nancy Spector. In : El intervalo luminoso.
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et une motivation pour les élèves. Montrer leur travail à leurs proches valorise grandement leur
travail. Enfin cette exposition est également l’occasion pour les élèves de devenir médiateurs
du projet, d’expliquer les choix opérés, les découvertes faites aux autres, ils sont bel et bien
encore acteurs de leur projets. C’est également pour nous l’occasion d’appréhender la “réussite”
de notre expérience, nous regarderons ainsi si les élèves arrivent à se décentrer de leur objet
personnel et bien de présenter le cabinet de curiosités comme le fruit d’un travail collectif entre
les deux classes.
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PARTIE 2
MISE EN ŒUVRE DU PROJET
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I. SEQUENCE ET RECUEIL DE DONNEES
Nous avons pensé ce projet au travers d’une séance qui a été mise en place chaque mardi sur
un peu plus d’une période scolaire, du 14 février au 2 mai 2017.
Voilà un plan de la séquence à partir duquel nous détaillerons chaque séance :
Séance Titre
1 Un monde sans nature
2 Découverte des objets (1)
3 Découverte des objets (2)
4 Classification (1)
5 Classification (2)
6 Mise en valeur (1)
7 Mise en valeur (2)
8 Mise en valeur/ Exposition
(3)
Le recueil de données au cours de ces séances s’est fait par plusieurs moyens, notamment
par la récolte des productions élèves, mais également par le rapport écrit et les
enregistrements vocaux des échanges qui ont eu lieu pendant la classe.
1. Séance 1 : enrôlement dans le projet
a. Explication de la séance
L’élément initiateur du projet a été la réception d’une lettre d’une lettre dans chacune de nos
deux classes. A la veille des vacances de février nous avons en effet reçu une lettre (voir
annexe) que deux personnages imaginaires, Béton et Bitume, auraient envoyée à nos élèves.
Dans cette lettre, Béton et Bitume expliquent qu’ils vivent dans un monde sans nature et
qu’ils souhaiteraient découvrir la nature de la terre à travers une exposition.
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Cette lettre avait plusieurs fonctions. Tout d’abord nous voulions que les enfants se plongent
dans un monde inconnu où la nature n’existerait pas afin de se questionner sur ce qu’est la
nature. Pour initier cette réflexion nous avons choisi d’écrire cette lettre au marqueur sur du
papier aluminium. Cela a eu pour effet de susciter la curiosité des élèves mais nous avons
pu également leur demander pourquoi cette lettre avait cette forme pour le moins étrange.
Les moyenne sections ont tout d’abord recueilli les représentations de ce monde sans nature
à l’oral, puis sont passés par un biais non verbal, le dessin, tandis que les CP sont passés
directement par le dessin et ont ensuite expliqué leurs productions à la classe.
La deuxième fonction de la lettre était de passer commande auprès des élèves. Béton et
Bitume leur ont en effet demandé de mettre en place une exposition pour découvrir la nature.
Cela a permis d’entamer une discussion sur les expositions, les musées, leur rôles,
l’expérience des élèves par rapports aux musées, etc. et de les enrôler dans ce projet.
Nous avons terminé cette séance par une liste d’exemples d’objets qu’il était possible de
ramener afin de les exposer dans notre exposition.
Cette séance a eu lieu juste avant les vacances de février, les élèves sont donc partis en
vacances avec la consigne de ramener pour le mardi de la rentrée un objet appartenant à la
nature qu’ils avaient envie d’intégrer dans notre future exposition. Cette consigne, et le projet
ont été expliqués aux parents par un mot dans le cahier de liaison (voir annexe).
b. Recueil et analyse des données
Accueil des élèves par rapport à la lettre
L’inducteur, à savoir, la lettre en aluminium envoyée par les deux personnages que sont
Béton et Bitume a très bien fonctionné. En effet, les élèves étaient particulièrement attentifs.
De plus, nous avons constaté un enrôlement dans l’activité presque immédiat car à la suite
de la lecture, des questions spontanées ont émergées ; “c’est quoi une exposition?” “Est-ce
que c’est des vrais hommes ?” “Ils existent vraiment ?” “Ils viennent quand ? je n’ai pas
compris” “Bitume c’est une fille ou un garçon ?”
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L’utilisation de personnages imaginaires semble également avoir été une bonne idée. En
effet, cela a permis à nos élèves de mettre une personne derrière ce projet, l’objectif semblait
plus clair. L’avantage de cet inducteur a été qu’il posait une question que les élèves auraient
pour tâche de résoudre.
Tout au long de la séquence, les références à Béton et Bitume étaient incessantes. Les
enfants, lorsqu’ils ramenaient un objet expliquaient que ces derniers seraient curieux de les
découvrir. Quand lors de lectures offertes ou autre activité, la discussion s’engageait autour
de la nature, la référence au monde sans nature de Béton et Bitume ne se faisait pas attendre.
Aussi, et pour insister sur le fait que les enfants se sont attachés à ses personnages, même les
parents faisaient appel à ces deux êtres, souvent de manière comique ; “alors quand viennent
ils ces fameux Béton et Bitume ?”
Ces deux personnages ont donc bien permis à l’enfant de rendre plus concret le travail
d’exposition, l’objectif étant d’aider Béton et Bitume à visualiser un monde naturel.
Représentation de ce monde sans nature
Suite à la lecture de la lettre de Béton et Bitume, l’enseignant demande aux enfants de fermer
les yeux et de se représenter silencieusement un monde sans nature pendant une trentaine de
secondes. Il s’agit ici pour l’enseignant de susciter l’élaboration d’une image mentale chez
l’enfant, lui faisant ainsi construire un monde mental, un objet sans sa présence à partir de
données extérieures, dépassant ainsi la perception immédiate. C’est donc un travail
intermédiaire entre le concret et l’abstrait.
A la suite de cette représentation mentale une discussion dirigée autour de la question d’un
monde sans nature permet de faire émerger quelques représentations des élèves.
L’enseignant (MS) demande aux enfants de les verbaliser :
“Pouvez-vous me décrire le monde que vous avez imaginé dans vos têtes ? ”
Moyenne section
-“Il y avait des immeubles avec des fenêtres et Béton et Bitume ils se
baladent”
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- “Ils tuent des animaux pour les manger”
- “Bah non les animaux c’est la nature”
On constate que la représentation d’un monde sans nature s’apparente à un monde urbain
pour les élèves. Cela se confirmera dans leurs dessins.
Les descriptions du monde imaginée par les élèves laissent rapidement la place à des
interrogations relevant ainsi la difficulté de ce travail.
- “Est ce qu’il y a des maisons dans un monde sans nature ?”
- “ Est ce qu’ils ont des arbres ? De l’air ? Des poissons ? Des voitures ?”
Une discussion intéressante émane de cet échange ;
- “Est ce qu’il y a des cailloux ?
- Oui leurs cailloux ils sont brillants
- Bah non ils ont que de l’herbe.
- L’herbe elle pousse de la terre donc c’est la nature
- Non le sol sort des pelleteuses c’est pas la nature”
“Avant c’était de la pierre mais il y a un camion qui vient pour mettre du
gravier sur la route alors ça devient du gravier. “
“...”
“Maitresse quand je disais du gravier c’était du gravier de travaux”
Cet élève met en évidence l’action de l’homme sur la nature qu’il altère. Il pointe à ses
camarades que tout ce qui n’est pas la nature est le fait de l’homme. Cette activité de
l’homme comme destructrice de nature revient également dans le dessin de ce même enfant,
en effet il insiste lors de la dictée à l’adulte sur le fait que les immeubles en carton ont été
fabriqués par les hommes.
Nous avons été confrontées à une difficulté dans l’échange et sa qualité du fait de l’effectif
important de nos deux classes. En effet, ces temps ont été organisés en regroupement
collectif. Les élèves avaient peu d’espace de parole, souvent les élèves oubliaient ce qu’ils
voulaient dire pour répondre aux affirmations ou questions des autres lorsque nous les
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interrogions. Aussi, nous n’avons pas pu interroger tous les élèves.
Dessins du monde sans nature
De ces dessins ressortent plusieurs représentations du monde sans nature :
Un espace urbain
Le monde sans nature est assimilé à un espace urbain :
Nous remarquons dans leurs dessins beaucoup d’immeubles, de maisons. Ces derniers sont
grands, l’un d’eux appuie sur le fait qu’il y a beaucoup de fenêtres. Ils sont étranges,
originaux, l’un les fait marcher par exemple.
MS
ULYSSE : Un immeuble fait de pierres en carton (des gens les ont
fabriquées) ; la ville est à l'intérieur
MILAN : des maisons qui marchent
GWEN : Béton et Bitume ont deux maisons avec plein de fenêtres
TIMEO : il pleut, c’est une maison, un immeuble
CP
ALEXANDRE: “ Béton et Bitume je les ai fait tout petits, parce qu’on peut
pas grandir si on n’a pas de nature. C’est le monde des contraires, c’est un
monde très grand mais il n’y a que 3 urbanoïdes”
SIRINE :”Est-ce que je peux dessiner un soleil ? Ça fait partie de la nature
?”
SANAE: “J’ai dessiné un oiseau. il peut y avoir des oiseaux quand même
dans leur monde ?”
JULES : “Ces nuages c’est des nuages de fumée des maisons”
PAUL : “Le noyau de la planète c’est un immeuble”
Nous retrouvons également beaucoup de moyens de transports spécifiques aux grandes villes
tels que le train, le bateau par la présence d’un port, la voiture ou le 4x4. La présence de ces
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moyens de transport est à analyser dans le sens de la pollution qu’ils produisent et qui est
assimilée à une destruction de l’environnement.
JOSEPH : “Il y a un garage et une maison, ils sont dans leur voiture. Ils
rentrent chez eux. ”
PABLO : “Un 4x4 , une maison, un arbre et une branche d’arbre”
Certains enfants dessinent un environnement qui peut paraître familier : une ville avec des
bâtiments sur lesquels sont écrits “école” ou “cinéma”.
Aussi, 4 enfants dessinent des sources de lumière comme le réverbère, assez associables à la
ville.
ADELE H : Lanterne, branche qui tombe, des cailloux.”
MATHEIS : “Une lampe torche, des roches, des vagues de la mer, une fusée,
une voiture de course, un 4X4, une porte, un arbre, une maison.”
NAEL : “Des escaliers et une lanterne pour la nuit”
Ces réverbères nous permettent de soulever un autre aspect intéressant qui ressort, à savoir,
un aspect plus noir, “triste”.
Ville morte, maussade, triste
La présence de lampe torche, de réverbère, de lanterne soulève un caractère sombre, un
monde où il y aurait besoin de lumière. Un endroit peu rassurant.
Cela se confirme par la météo, plutôt maussade ; il pleut dans plusieurs dessins. Un enfant
décrit un orage, un autre dit qu’il pleut fort alors Béton et Bitume décident de rentrer chez
eux, l’autre remplit le ciel de nuages. Ici nous constatons le lien étroit avec le caractère
émotionnel de la relation à l’environnement.
COLOMBE : “Il y a un volcan, il pleut, un train qui passe sur le port”
LOUISA : “Maison et nuages, rien par terre parce que pas de nature”
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Lieu apocalyptique
Enfin il faut aussi faire remarquer qu’un aspect apocalyptique ressort de leurs travaux : des
volcans, des météorites, une boule de feu et une fusée nous peignent un monde détruit.
GWEN : “Une météorite ; des voitures ; du vent ; une lampe ; des cailloux.
Béton et Bitume ont deux maisons avec plein de fenêtres”
LOU : “C’est une ville un petit peu pauvre. Il n’y a rien pour se nourrir parce
qu’il n’y a rien pour fabriquer”
ADELE. D : “Des nuages et un soleil qui brille”
Ce qui ressort des représentations du monde sans nature de nos élèves est donc un milieu
assez urbain nous l’avons dit, mais ce qui semble intéressant est qu’il se mêle à des éléments
plutôt négatifs ; une météo maussade, de la pluie, de l’orage et des éléments de destruction
massive comme la météorite ou le volcan. En cela nous pouvons dire que le manque de
nature est donc perçu comme un mal pour l’homme, quelque chose qui le conduirait à sa
perte. Par la présence de voitures, de béton, nous constatons également que l’enfant citadin
fait l'expérience d’un environnement destructeur où l’homme par son impact altère la nature.
2. Séances 2 et 3 : découverte sensorielle des objets
a. Explication de la séance
Lors de cette séance en début de période 3 les élèves commencent à ramener leurs
premiers objets. Ils découvrent la valise à curiosités dans laquelle ils déposeront seuls leurs
trouvailles. Cette autonomie dans l’action est importante, en effet elle représente un acte
symbolique de détachement à son objet.
L’usage de cette valise permet à l’enseignant et à la classe de bien identifier la collection
d’objets naturels. Elle sera en accès libre tout au long de la journée, et de la semaine. Elle
participe, par sa présence, à la conscientisation et à la matérialisation du projet d’exposition
pour Béton et Bitume. Elle met en évidence l’accumulation d’objets, en effet, de semaine en
semaine elle se remplit.
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La valise restant ouverte, les élèves peuvent découvrir librement tous les objets. Un travail
important de la part de l’enseignant sera effectué sur le soin à apporter à ses objets, à la
protection de ces choses fragiles auxquels chaque enfant tient. Afin de ne rien détruire et
donc de respecter l’attachement des enfants à leurs objets mais également, et plus
généralement, de les sensibiliser à la protection de la nature.
Puis, en petits groupes, les élèves seront amenés à découvrir les objets de manière plus
approfondie et sensorielle. Il sera alors l’occasion de travailler sur les 5 sens, dont
particulièrement, le toucher, la vue et l’odorat. Ce travail de perception est une activité
mentale intéressante permettant d'appréhender notre environnement grâce à nos différents
sens. Très présent dans la pédagogie de Montessori, il permet à l’enfant de développer sa
capacité d’abstraction, en effet elle nous indique que le développement des sens et celui de
l’intellect sont liés.
« L’enfant est (..) un observateur qui enregistre activement les images au moyen de ses
sens.»
(Maria Montessori, l’enfant, 1936)
Chaque objet fera l’objet d’une expertise afin de travailler des compétences langagières et
d’affiner leur perception des objets naturels. Ce travail sur le langage participera à une
meilleure attention du monde, en effet, mettre des mots sur ses ressentis permettra aux
enfants de mieux les écouter, percevoir et analyser à l’avenir. Cette découverte sensorielle
permet également aux enfants de s’attacher aux objets, de rentrer en lien plus intime avec
eux, de s’en imprégner. Cette partie du projet fait écho à “l'être au monde”. Il s’agit bien ici
de faire rentrer les enfants en contact direct avec la nature, de les faire explorer les objets
avec leur corps, leurs sens et ce de manière individuelle.
Ces derniers étant sortis de leur contexte il s’agira aussi de faire un travail imaginaire, de
représentation mentale pour deviner ou imaginer son lieu d’origine (coquillage, branche,
pierre etc.). Un aspect plus rêveur/méditatif de la séquence, qui répond également à l’objectif
de lier l’enfant de manière affective aux objets de la classe.
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De plus, dans le cadre de cette recherche nous nous sommes intéressées aux choix opérés
par l’enfant, nous avons donc amené certains de nos élèves à nous les expliciter en leur
demandant : “Pourquoi as-tu choisi cet objet?”
La troisième séance est similaire à la seconde, les élèves qui n’avaient pas ramené d’objets
la semaine d’avant présentent les leurs, s'ensuit une découverte sensorielle.
b. Recueil et analyse des données
En CP, sur 28 élèves, 18 ont ramené un objet au cours des deux séances.
En MS, sur 31 élèves 24 ont ramené un/des objets au cours de la séquence.
Découverte sensorielle
Inaya : “on entend le bruit de la plage dans les coquillages”
Les élèves sont très sensibles au toucher : le piquant du corail et la douceur de certaines
feuilles. Ils remarquent que la cire d’abeille a la même odeur que le miel, écoutent également
le bruit de la mer dans les coquillages. Ils manifestent un grand intérêt pour les objets, les
enfants ont envie de tout toucher, de tout sentir. Les remarques “laisse-moi sentir ; fais
toucher” sont incessants dans ce temps, les enfants sont désireux d'être en contact physique
avec l’objet, de se l’approprier à l’aide de leurs sens.
Choix opéré : Pourquoi as-tu choisi cet objet?
Nous constatons plusieurs critères de choix des objets ; esthétique, lié à l’intime, au
sensoriel :
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CHOIX ESTHÉTIQUE :
MS
JOSEPH : « Parce qu’elle est toute noire… qu’elle est très belle et parce
qu’elle est verte dessus. »
LOUISE : « Il y en avait plein d’autres mais elles étaient toutes moches. Elle,
elle est belle parce qu’elle est lisse »
TIMEO : « Parce que c’était doux, et puis c’est beau »
LOU : « J’aimais bien, ça ressemblait à un chapeau.
CP
ALIENOR : “J’ai pris cette petite pomme de pin parce que c’est la plus petite
que j’ai vu dans ma vie, je l’ai trouvée mignonne”
Le critère de la beauté revient souvent, les enfants expriment ce rapport d'émerveillement
qu’ils ont à la nature. Ils sont touchés par ce qui est beau.
RAPPORT INTIME / LIEN AFFECTIF
Lié aux parents :
MS
LOU : « Parce que c’était dans mon jardin. Papa il a déraciné un arbre, on
a arraché une branche. J’habite au RDC »
ZELIE : « C’est une pierre que mon papa m’a achetée. Si on fait tomber ça
casse. Je l’aime parce qu’il est tout noir. »
KAHYLA : « Je l’ai trouvé dans les bois, avec maman et papa quand ils
étaient amoureux. Ils se sont disputés. Elle était dans ma petite boîte en
plastique, dedans y a aussi des pierres et des bonbons. »
JOSEPH : « Je l’ai trouvé dans une petite forêt, pas trop loin de Lyon. Sur
une petite montagne. On peut faire du cerf-volant seulement quand il y a du
vent. » « Maman elle m’a dit ce que c’était, ça c’est les gris j’ai pas ramené
les jaune, ah non ça c’est les jaunes mais il y aussi des gris »
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CP
JULES : “ J’ai pris ces bouts de bois parce que c’est mon papi qui m’a appris
à compter avec”
CLEMENT : “J’ai ramené ce coquillage parce que c’est ma babysitter qui
me l’a ramené du Mexique, je l’aime beaucoup”
TERENCE : “J’ai ramené un coquillage. c’est mon père qui l’a trouvé. ça
s’appelle un Nautile, il l’a trouvé en nouvelle Calédonie.
MANOLAY : “C’est un nid de guêpe. on l’a trouvé à la campagne. Il n’y
avait plus de guêpe dedans.”
ROMANE : “C’est une pousse de pépin de pomme, j’ai planté un pépin avec
mon père et ça a poussé”
Lié à soi, davantage égocentrique :
GAELLE : « C’est les fleurs de mon jardin » « des cailloux dans les parcs »
ANDREA : “C’est une feuille, la forêt elle était froide et il y avait pas de
loups. J’ai un dernier truc à présenter, ça ressemble à une pomme de pin je
l’ai trouvé dans le parc popy, j’avais ma trottinette. Je l’ai trouvé moi juste
à côté, là ou y a des arbres, je l’ai trouvé. Ça s’est comme une pomme de
pin.”
VIOLETTE : “J’ai pris cette branche que j’ai chez moi. Je l’ai trouvée en
jouant dans le jardin d’une copine de mon ancienne école. On a joué toute la
journée avec parce qu'elle a une forme marrante”
Le lien intime avec l’objet, qui nous renvoie à un moment apprécié est souvent évoqué, un
moment partagé avec un proche, les parents principalement. Cet objet renvoie à ce moment
d’où un certain attachement affectif à ce dernier. La nature, ses objets (et les ressentis qu’elle
suppose ; les odeurs, les matières) renvoient à un instant passé/présent, à des émotions, à des
souvenirs.
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SENSORIEL :
GAELLE : « J’ai choisi parce que les fleurs sentaient très bon »
LOUISA : « Elle, elle est belle parce qu’elle est lisse »
TIMEO : « Parce que c’était doux, et puis c’est beau »
Rapport sensoriel au monde qui nous entoure, d’où le travail sur les 5 sens. Attiser et
développer ce rapport sensoriel qui nous lie au monde, lien indispensable pour une future
protection de cet environnement.
DÉMARCHE DE PARTAGE :
MS
ULYSSE : « Parce que j’avais envie. Je voulais vous montrer. Oui je l’aime
bien. Parce que ça pousse dans le désert et j’y suis jamais allé mais j’aime
bien.»
CP
SANAE : “Je l’ai prise parce que c’est original, j’ai pensé que vous n’en
aviez peut-être jamais vu”.
Ce stade semble plus avancé dans le rapport au monde partagé : “j’aime cet objet car il me
renvoie à quelque chose qui me fascine (intime) je veux faire partager ca à autrui”.
Certains élèves n’ont pas ramené d’objet, d’autres disent avoir ramené tel objet car leurs
parents leur ont dit que ce serait bien pour l’exposition.
OBJET NON RETENU :
En classe de CP, un élève a ramené une petite perle faite en plâtre et peinte en bleue :
“Je l’ai ramenée car je l’ai trouvée pendant une randonnée avec mon père
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dans la montagne, c’est une pierre précieuse”.
“- Mais non c’est pas une pierre ! ça a été peint c’est bleu”
“ c’est une perle, y’a un trou pour faire un collier”
Suite à une discussion avec la classe, nous concluons que la perle a été fabriquée par
l’homme et que même si elle a été trouvée dans la nature, ce n’est pas vraiment un élément
de la nature. On décide de ne pas la mettre dans la valise.
DIFFICILE DÉTACHEMENT :
Nous avons tâché de savoir si l’enfant avait des difficultés à se détacher de l’objet, à évaluer
ce rapport intime à l’objet. Voir s’il était incompatible avec une mise en commun. Nous
avons donc demandé à nos élèves :
“Tu es contente de le montrer à Béton et Bitume ? / de le prêter à la classe pour l’exposition?”
MS
ZELIE : « non parce que moi je voulais le garder »
ADRIEN « Je vais un peu les laisser à la classe puis je les ramènerai »
LOU : “Faudra bien à un moment que je le reprenne »
ADRIEN : “Ça c’est un caillou mais il faut le mettre dans cette boite pour
eux. En fait quand je vais repartir moi de l’école, et bah moi je vais prendre
les deux cailloux d’accord, par contre personne doit y toucher à ces cailloux
si on veut toucher on peut le toucher mais faut en prendre soin parce que si
on fait le fou avec il va se casser”
“Parce que si je voulais, c’est parce que, c’est pas juste pour vous montrer,
c’est pas pour vous le donner. En fait c’est à papa et maman. Quand ça sera
fini avec Béton et Bitume je vous le laissera”
CP
VICTOR : “J’ai ramené un caillou que j’ai trouvé sur la plage de Nice, mais
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en fait je vais en ramener un autre et je l’échangerai comme ça je peux
récupérer celui-là.”
MAGUY : “Je l’ai (un papillon sous verre) ramené pour vous le montrer,
mais c’est très précieux, je vais le ramener chez moi et puis je le prendrai
pour le jour de l’exposition.”
Les enfants nous l’avons évoqué précédemment montrent un réel attachement à leurs objets,
et ce pour des raisons d’ordre intime. Les différents objets ramenés leur évoquent un moment
privilégié de leur jeune existence. Cela peut également les renvoyer à leur propre identité, à
leur vie ou à la relation qu’ils entretiennent avec un proche Le lien tissé entre eux et l’objet
est très personnel, il renvoie à mon vécu, à ma sensibilité à “ma” personne.
Leur détachement à cet objet est donc difficile, il se matérialise par une volonté de
conservation de l’objet et d’un prêt conditionnel à la classe.
“Vous devez en prendre soin, je le reprendrai après”
JENNA : C’est un caillou
GWEN : C’est celui de Colombe
ANDREA :Non non c’est celui de Jenna
Ici nous constatons que l’objet est souvent mis en lien avec son possesseur, en début de
projet les enfants appréhendent l’objet en fonction de celui qui l’a ramené et non comme
possession commune. Ceci évolue au fil de la séquence, plus on découvre les objets plus on
les appelle par leur nom, on ne les qualifie plus d’“objet de Léa / Caillou de Lou” mais bien
“pomme de cèdre/cabosse” Ici on remarque l'intérêt spécifique à porter à la transmission de
connaissances scientifiques.
JOSEPH : (Il sent) “oh beurk”
ANDREA : “moi j’avais pas senti en vrai”
LOU : “ça sent le caca”
ANDREA : “arrête de toucher à mes choses”
CHARLIE (Maîtresse) : “On range”
LOU : “j’ai jamais senti de choses comme ça”
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JOSEPH ; “ça sent le vomi”
ANDREA : “elle est où ma feuille??… ah elle est là”
Ici on constate un attachement à l’objet très fort : “je ne veux pas qu’on juge/critique mon
objet. Cela m’affecte que tu n'apprécies pas mon objet”.
Les élèves semblent très contents de présenter leur objet au reste de la classe. Ils semblent
prendre beaucoup de plaisir et se montrent fiers de le présenter. Cela leur permet de raconter
quelque chose de leur vie au reste de la classe, d'impressionner leurs camarades grâce à ces
objets originaux. Ils sont plus réticents à le laisser dans la valise et s’inquiètent de savoir
quand ils pourront le récupérer.
Pendant la découverte sensorielle les enfants viennent en petits groupes autour de la valise
pour découvrir les objets pendant que les autres travaillent en autonomie. Un enfant refuse
de s’éloigner de la valise car il désire surveiller son objet pour être sûr que les autres ne
l'abîment pas.
3. Séance 4 : la classification
a. Explication de la séance
Il s’agit lors de cette séance de passer de l’accumulation d’objets à la collection. Cela permet
une transversalité inhérente à la pédagogie de projet, ici c’est bien des compétences en
sciences qui sont en jeu. En effet, en amenant l’enfant à comparer, à trier, classer et ranger
il accède à de nouveaux savoirs tout en développant des capacités d’abstraction qui lui
serviront plus tard à la résolution de problèmes mathématiques.
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De plus, permettre à l’enfant de mieux connaître les objets, sa nature lui donne l’occasion de
se décentrer, de se détacher du lien affectif à l’objet pour entrer dans une démarche plus
scientifique, où la connaissance prend progressivement le pas sur l’affect.
Ces compétences sont indispensables à l'émergence d’un engagement et d’une volonté de
préservation de l'environnement. Par exemple en s’intéressant au miel qu’un élève a ramené,
on apprend sur les abeilles, on découvre ce qu’elles apportent à la nature. L’enfant finit par
comprendre leur vulnérabilité et donc émerge la volonté de les protéger.
Enfin, connaitre la nature et ses composantes nous relie à elle, c’est donc bien nécessaire à
la liaison de l’enfant et de la nature que la compréhension de son fonctionnement. De plus,
la vision partagée de l’environnement passe par la conscience collective du monde et donc
par une compréhension commune du monde.
La séance 4 commence par le rappel de la commande de Béton et Bitume, à savoir, la
création d’une exposition sur la nature. C’est l’occasion de demander aux élèves ce qu’ils
savent des expositions et de raconter leur expérience, leur connaissance des musées et des
expositions. Une discussion dirigée autour des questions “Qu’est-ce qu’un musée?” “Qu’est-
ce qu’une exposition?” et “Que signifie mise en valeur selon vous?”
L’enseignant projette ensuite des photographies de la salle « la maille du vivant » présente
au musée des confluences. La classe observe les images et les commente. On s’intéresse à
la scénographie et au rangement des objets, à la manière dont ils sont regroupés. On pointe
les choix opérés pour regrouper les objets. Prenons l’exemple de l’exposition au musée des
confluences, les enfants constatent que tous les papillons sont ensemble, qu’un des critères
de rangement a été la couleur.
Progressivement l’enseignante amène la classe à ressentir le besoin de classer les objets, les
choisir et les regrouper. Principalement en vue de faire comprendre la nature à Béton et
Bitume. “Si on met les pommes de pin avec les coquillages ils vont penser qu’on trouve les
pommes de pin dans la mer”
52
Les élèves sont donc invités à rejoindre la valise en petits groupes et à regrouper les objets
qui “vont ensemble”. L’enseignante prend ensuite le classement en photo, qui sera analysé
en classe entière.
b. Analyse de données
MS
Cette tâche abstraite reste difficile pour les élèves de moyenne section.
Ils rangent les pommes de pin avec les pommes de pin, les branches avec branches, les glands
avec glands, les fleurs avec les fleurs, mais ne vont pas plus loin dans le regroupement. Les
glands et les pommes de pins ne seront pas rapprochés par exemple.
Les trois règnes, minéral végétal animal ne sont pas réellement abordés. Cette classification
sera plus aisée pour les CP qui apporteront leur aide aux MS à la séance suivante.
CP
Les élèves mettent tous ensemble les objets similaires (les coquillages avec les coquillages,
les branches avec les branches, les feuilles avec les feuilles), un groupe va un peu plus loin
en faisant des regroupements plus larges (feuilles à côté des branches). Il y a des classements
qui suivent des critères explicites. Plusieurs groupes par exemple ont mis les bois de
chevreuil avec les branches, car cela s’appelle un bois ou bien car cela a la même forme
qu’une branche. Certains élèvent commencent par eux même à travailler la mise en valeur
en des objets (ils organisent les coquillages de façon esthétique).
Une fois que tous les élèves ont trié, l’enseignante projette la photo des classements, les
élèves viennent par groupe expliquer leur choix. On va ensuite plus loin avec l’aide de
l’enseignante, dans ce qui peut être mis ensemble et on fait émerger trois grands domaines :
minéral - végétal et animal.
Dans chaque élément on peut également aller plus loin : par exemple dans le domaine
“animal” il y a ce qui a appartenu à des animaux (coquillages / bois du chevreuil) et ce qui
a été fabriqué par des animaux (cire d’abeille / nid de guêpe).
Cette séance est l’occasion de se poser de nombreuses questions sur les objets ramenés: d’où
53
viennent-ils ? Quel est le nom de ce coquillage ? À quoi sert la cire d’abeille ? Les escargots
fabriquent-ils leurs coquilles? etc. Nous nous sommes intéressés par exemple à ce que nous
croyons être un coquillage. Les élèves ont observé qu’à la différence des autres coquillages
il n’y avait pas de place pour abriter un animal. Après des recherches nous avons appris qu’il
s’agissait d’un squelette de corail.
4. Séance 5 : Echange des valises
a. Explication de la séance
Lors de la séance 5, les classes de CP et de MS s’échangent leurs valises et s’envoient
les photos de leur classement, ainsi qu’une photo de la classe. C’est ainsi l’occasion de mettre
des visages sur cette classe avec laquelle nous partageons ce projet ainsi que celle de
découvrir les objets de l’autre classe et d’analyser leur classement. Les CP proposeront,
quant à eux, un nouveau classement aux Moyennes sections.
Cette séance est primordiale dans le projet, en effet elle fait prendre conscience aux élèves
l’investissement de l’autre classe dans l’exposition, l’investissement d’un autre dans un
projet qui nous semblait personnel, propre à la classe. Les élèves sont confrontés à de
nouveaux objets, récoltés par d’autres. Ces objets apparaissent plus abstraits, car ils ne sont
pas reliés à un enfant connu, on se détache du personnel, de l’intime. On ne connaît pas
l’histoire de l’objet, en effet, les élèves dans leurs classes respectives étaient amenés à
expliquer les raisons de leurs choix, l’histoire de leur objet, son origine, sa description etc.
Nous souhaitons qu’ils s’approprient ces objets ou du moins les intègrent dans “notre”
exposition bien que le rapport intime soit moins présent.
Cette séance sert à mettre en évidence la prise de conscience de notre but commun : la
conception de l’exposition. Elle a pour but de créer un sentiment d’appartenance commun
au projet. On apprend à faire avec une autre classe que nous n’avons pas vraiment rencontrée
54
et qui nous impose ses choix d’objets. C’est amener de manière plus concrète nos élèves à
cette “vision partagée” du monde.
b. Analyse de données
Réception de la valise
MS :
Lors du temps d’accueil les enfants ont découvert sur l'îlot contenant normalement la valise
à curiosités de la classe, celle des CP. Un enthousiasme fort s’est fait ressentir, les élèves
étaient davantage bruyants, ils sont restés plus longtemps auprès des objets, en groupe
participant à un échange intéressant. J’ai pu constater un réel intérêt chez mes élèves, entre
autres par le temps passé autour de la valise. En effet, lors du temps d’accueil relativement
long, à savoir 40 minutes, la valise était toujours en présence d’un groupe d’élèves.
Il a été l’occasion de constater les influences des séances de découverte sensorielle. En effet,
je remarque qu’ils sont beaucoup passés par leurs sens afin de découvrir ces nouveaux objets,
les sentir, les toucher etc. Cela a également été l’occasion de réinvestir le vocabulaire
travaillé en atelier pour les décrire (piquant/ doux etc.).
CP :
Les élèves manifestent également un vif intérêt pour les objets de Moyenne section. Nous
découvrons les objets avec le groupe classe, ce qui permet moins de découverte sensorielle.
Les élèves font des liens avec les objets déjà ramenés par eux. Nous observons le classement
effectué par les maternelles et nous réinvestissons ce que nous avons appris à la séance
précédente en proposant un classement plus poussé de leurs objets aux MS.
SENSORIEL
“Ca sent l’odeur des gerbilles”
“Sens sens sens !”
“Ca sent l’odeur de la mer”
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“C’est un peu doux”
“Mais non ça pique”
“Ah ça pique, ça pique”
Ici on constate l’influence de la découverte sensorielle, les enfants s'imprègnent de ces
nouveaux objets par leur sens par l’exploration sensorielle. Ils ont des mots à mettre sur leurs
ressentis et les caractéristiques des objets de par le travail effectué au préalable sur nos
propres objets.
CURIOSITÉ ET PARTAGE
“Oh c’est quoi ça ? aie aie aie”
“Oh regarde ce que j’ai”
“Je suis cap de porter ça”
“Regarde il y a un caillou avec.”
“Oh mais regardez une corne de renne”
“Regardez”
“Ouyouyou y’a des abeilles dedans”
“Oh regarde Nael une toute petite pomme de pin”
Les enfants font preuve d’une grande curiosité à l'égard de ces nouveaux objets, comme nous
l’avons vu ils passent par plusieurs sens lors de la découverte, en particulier le toucher et
l’odorat. L’on constate qu’ils verbalisent beaucoup leur ressentis, nous pouvons en conclure
leur intérêt. Leur propension à l'émerveillement ressort et ce en lien certainement avec
l’aspect très ludique et extraordinaire des objets des CP ; bois de rennes, abeilles.
Mais on observe également la volonté de partager leurs ressentis, de les exprimer à un tiers.
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L’injonction “Regarde, sens!” confirme cette idée. En effet, les enfants sont dans une
démarche de partage de leurs émotions.
Nous ne sommes plus dans une démarche personnelle de découverte mais bien dans quelque
chose de partagé.
VISION PARTAGÉE
C’est aux CP ça, c’est aux CP!!
Le petit truc qu’on a dans notre valise on dirait
Les parallèles et les correspondances établies avec nos propres objets montrent que si on a
bien un rapport intime, la vision partagée est plus importante. En travaillant avec nos élèves
sur la découverte sensorielle, sur la verbalisation de ses émotions, des ressentis,
l’explicitation des choix opérés, sur l’histoire de leur propre objet, l’appropriation de l’objet
d’un autre devient plus aisée. Ce partage des émotions contribue à la création d’une
empathie qui est propice à la solidarité entre les peuples prônée par le développement
durable.
CLASSIFICATION
Les propositions de classification proposées par les CP aux MS permettent de revenir dessus
en classe et servent de séance de remédiation. Les MS visualisent les choix opérés grâce aux
photos envoyées par les CP.
5. Séances 6 et 7 : la mise en valeur
a. Explication de la séance
Comme nous l’avons vu, les arts plastiques permettent de travailler sur l’imaginaire des
élèves, ils leur permettent de renforcer et d’exprimer leur monde intérieur. Il nous a semblé
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d’autant plus pertinent de travailler à travers ce biais dans un contexte urbain où la nature
n’est que peu ou pas présente.
De plus, permettre aux élèves d’avoir une prise sur l’objet et sa mise en valeur est à mettre
en parallèle avec l’engagement :”j’ai une influence sur le monde qui m’entoure. J’opère des
choix et je prends conscience du fruit de mon action. Je constate que mon action concrète a
une influence directe sur l’exposition.”
Tout en se détachant progressivement de son objet, le fait de préparer cette exposition amène
l’enfant à prendre de la distance avec l’objet, à se préparer au fait que béton et bitume, entre
autres, vont venir voir l’exposition; en un sens, à se soumettre au regard d’autrui, parfois,
d’un inconnu. L’enfant se met alors en position de valoriser le travail qui a été fait en classe
et à travers cela de se valoriser lui-même.
Enfin, le travail sur l'esthétisme, le beau, permet d’exacerber le sentiment d'émerveillement
à la vue de l’exposition. Ce rapport esthétique à l’environnement, nous l’avons vu avec les
différents critères de choix d’objets est indéniable. La nature nous émerveille et nous fascine,
par cette exposition nous voulons rendre à la nature son caractère splendide.
Ainsi, une fois le classement des objets établi, nous nous intéressons à la mise en valeur des
objets. Nous avions une contrainte matérielle : l’armoire de l’école (voir en annexe)
Pour la séance 6, après avoir observé plusieurs photographies d’installations d’expositions,
nous nous sommes intéressés à la scénographie, au rangement des objets ainsi qu’à la
manière dont ils sont regroupés. Nous avons pointé les choix opérés pour sublimer chaque
objet, choix de la couleur par exemple, le fait que les objets soient étiquetés, qu’ils soient
sous verre etc.
Les élèves ont choisi l’objet ou les objets sur lesquels ils voulaient travailler par groupe.
Nous leur avons montré une liste de matériels qu’il était possible d’utiliser pour l’exposition
(ficelle / bocaux / boîtes / vernis etc.) puis nous avons listé les verbes d’actions possibles
(suspendre, coller, vernir, entourer etc.).
Il a ensuite été demandé à nos élèves de représenter par un dessin une installation mettant en
valeur un objet. L’objectif étant de travailler le “donner à voir”, d’amener les élèves à
travailler sur la mise en valeur, d’opérer des choix esthétiques et procéder à des opérations
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plastiques.
En parallèle les élèves ont également réalisé des cartels pour les objets sur lesquels ils
travaillaient. La dernière séance a consisté à aller mettre par petit groupe notre installation
dans l’armoire, qui s’est progressivement remplie par les objets des MS et des CP.
b. Analyse des données
Si des élèves ont eu du mal à se détacher de leurs objets, et voulaient absolument travailler
la mise en valeur de ce qu’ils avaient ramené, certains élèves ont d’eux même émis le souhait
de travailler sur un objet qui n’était pas le leur révélant ainsi la décentration progressive de
l’enfant au cours de la séquence.
“Moi je veux travailler sur le bois du cerfs parce que j’adore cet objet”.
Ce dispositif de travail en groupe a été l’occasion de valoriser les enfants qui n’avaient pas
ramené d’objets et d’engager leur rapport intime aux objets de la classe. On a pu en effet
observer que les élèves lors de la visite à l’exposition disaient à leurs parents :
“Ça c’est moi qui ai eu l’idée de le mettre comme ça”
“Moi j’ai travaillé sur cet objet-là, c’est Héloïse qui l’a ramené”
LES PRODUCTIONS D'ÉLÈVES
MS
Proposition des élèves ;
AJOUT MATÉRIEL
→ mettre une table dans l’armoire
→ ramener de nouveaux objets (des plantes carnivores)
→ mettre de l’herbe sur l’armoire
→ cailloux avec des paillettes dessus
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→ des cadres
PUREMENT NATUREL (avec et sans ajout)
→ des fils qui suspendent des objets
→ barrière de cailloux
LUMIÈRE ;
→ mettre des guirlandes sur les plantes/branches
→ des fleurs avec des lumières dedans (pas son objet)
L’exercice est difficile pour les moyens car très abstrait. Les enfants ont du mal à se
représenter le fruit de leurs actions. Nous sommes donc confrontées à beaucoup de reprises
d’idées énoncées en regroupement et à des propositions verbalisées lors de l’analyse des
expositions au tableau.
Malgré tout dans cette phase de création, plusieurs pistes nous semblent intéressantes ; d’une
part les élèves font avec ce qu’ils ont sans ajout de matériels uniquement en utilisant les
objets ; créer une barrière de cailloux ou en les suspendant par exemple.
Quant au recours à l’ajout de matériel il est bien là pour sublimer l’objet ; le vernir, l’éclairer.
L’idée du cadre, plus stéréotypée, montre le désir de focalisation sur un objet. Enfin on
constate la volonté de créer une certaine forme à l’exposition en lien avec le thème de
l’exposition ; mettre des feuilles et de l’herbe sur les parois de l’armoire.
CP
SUSPENSION
Le groupe travaillant sur les coquilles d’escargot proposent de les suspendre au plafond de
l’armoire via une ficelle (on retrouve alors la scénographie des cabinets de curiosités dans
lesquels les objets étaient accrochés jusqu’au plafond).
Les élèves qui travaillent sur les feuilles et les branches ont également pour idée de les
suspendre mais cette fois si en utilisant des pinces à linges.
Les élèves qui travaillent sur les pommes de pins conçoivent également une installation toute
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en suspension.
BOCAUX / SOCLES
Les élèves qui travaillent sur des objets plus précieux (par exemple les cornes de cerfs)
réclament des matériaux pour mettre en valeur tout en protégeant les objets : des socles pour
poser dessus ou des vitres pour protéger.
CRÉATION DE PORTRAIT AVEC LES OBJETS
Un groupe a réinvesti un travail précédent que nous avions fait sur le portrait et a choisi
d’agencer les cailloux afin qu’ils forment un visage.
ACCUMULATION
Le groupe qui a travaillé sur les coquillages a choisi une installation qui rappelle celle des
coquillages du musée des confluences.
MISE EN PLACE DANS L’EXPOSITION : RENCONTRE INFORMELLE ENTRE
CERTAINS DES ÉLÈVES DE CP ET MS
Lors d’une séance dans l'après-midi pour les moyens et d’un temps pendant les récréations
du mardi, nous avons, avec nos classes respectives mis en place les objets dans l’armoire. Il
était primordial que les enfants participent à ce moment, et qu’ils mettent seuls leur ou les
objets dans l’armoire. Ce passage de l’intime à la valise s’exacerbe dans le passage de la
valise (entre soi) à l’armoire qui vise à être vu par béton et bitume mais également par les
parents et nounous.
Lors de la mise en place de l’exposition le projet prend tout son sens aux yeux des élèves
qui voient la concrétisation de ce sur quoi ils ont travaillé pendant plusieurs semaines.
On remarque un soin tout particulier apporté aux objets lors de ce temps chez les MS et les
CP. En effet, ils disposent les objets du bout des doigts. Le silence règne, les enfants
accroupis chuchotent. Plus les groupes passent dans l’après-midi, plus l’armoire se remplit
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et plus les enfants sont émerveillés par cette concrétisation du projet. Ils relèvent les
dispositifs énoncés :
“Ah c’est Joseph qui avait dit qu’on pouvait suspendre”
“Ah et là ils ont mis les cailloux en barrière”
“Oh tu as vu c’est les marrons qu’on a vernis maîtresse”
Les MS découvrent également les choix des CP :
“Oh leur corne de renne ils l’ont mis sur un carré noir”
“T‘as vu c’est leur écorce, ils l’ont mis sur le fil c’est beau”
MS
Je constate que mes élèves prennent plus part au projet qu’auparavant. En effet, en rentrant
ils ne parlent plus que de l’exposition pour Béton et Bitume. Il paraît donc regrettable de ne
pas avoir permis ces temps avant, au cours de la séquence. Ces derniers rendent plus concret
le dessein final, les enfants se représentent davantage l’avancée du projet, la leur mais
également celle des CP.
Malgré tout, je constate que mes élèves avant de poser leurs objets me regardent beaucoup
comme pour avoir mon approbation. L’aspect personnel et individuel de l’action est à
relativiser.
La rencontre informelle avec les CP:
Lors de ces temps de rangement dans l’armoire, un groupe de 6 élèves de MS a été amené à
rencontrer des élèves de CP qui disposaient leurs objets en présence de leur maîtresse. Cette
dernière les présente donc. Les enfants sont timides, hormis par lettres interposées, c’est la
première fois qu’ils échangent et se voient.
Nous constatons une certaine timidité chez les moyens qui restent en retrait.
Quant aux CP ils sont plus calmes comme grandis par une volonté de montrer l’exemple aux
petits.
Lors du retour en classe, je surprendrai un de mes élèves dire à son camarade :
“On a mis les objets dans l’armoire y’avait les CP”
62
6. Visite de l’exposition
a. Faire vivre l’exposition
La visite a été organisée un mercredi afin qu’enfants et parents puissent venir avant et après
la matinée et ce en notre présence. Nous avions informé parents et nounous grâce à des mots
sur le cahier de liaison ainsi qu’une affiche à l’entrée de la classe de MS.
Un problème que nous n’avions pas anticipé s’est posé à savoir l’impossibilité de laisser
l’exposition ouverte en permanence. En raison de la forte valeur sentimentale pour l’objet
de certains de nos élèves, il était délicat de laisser l’armoire ouverte de peur qu’un objet soit
dérobé ou cassé. Nous avons donc choisi de n’ouvrir l’armoire que lorsque nous étions à
proximité. Pour les jours de la semaine où nous n’étions pas à l’école, nous avons caché les
clés pour que les enseignants puissent venir à leur convenance visiter l’exposition avec leurs
classes. C’était une réelle inquiétude des enfants de vouloir “préserver” leur exposition, un
réel attachement à la collection était né.
Afin de rendre la visite plus active et pour informer les visiteurs de l’origine et des objectifs
de ce projet nous avons créé un QCM avec des informations sur certains des objets présents
dans l’exposition ainsi qu’un texte présentant le travail de nos classes.
Suite aux retours très positifs de la direction il nous a été demandé d’écrire un petit texte
accompagné d’une photo dans le blog de l’école ainsi que de mettre à disposition
l’exposition pour l'équipe éducative. Beaucoup d’enseignants de l’école ont fait la démarche
d’emmener leurs classes voir l’exposition. Les retours ont été très positifs “on a adoré” “ma
classe a trouvé ça super” beaucoup de mails de félicitations et de remerciements nous ont
touchés et nous ont rendues fières de notre investissement.
Une enseignante qui a visité le cabinet avec sa classe a émis le souhait de faire un projet
similaire avec sa classe de CE2. Il a aussi été proposé par certains membres de l’équipe
éducative de pérenniser l’exposition.
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b. Analyse de données
EMERVEILLEMENT: / CURIOSITE
Beaucoup de : “comme c’est beau”, “maman regarde le papillon”.
Le cabinet attise la curiosité des enfants qui passent par là, les gens s’arrêtent, les yeux
s’ouvrent. Les dents de chat, la salamandre séchée et autres objets curieux attirent les
regards.
Les questions fusent, de la part des enfants mais également des parents ;
“Qu’est-ce que c’est? c’est quel arbre?”
Les enfants qui ont travaillé sur le projet deviennent les médiateurs de l’exposition et
expliquent de manière informelle à leurs parents ou frères et sœurs ce qu’ils ont appris. Un
réel moment de partage nait.
“C’est un bois pas une corne ! on dit que c’est un bois parce que ça tombe!”
“Ça c’est de la cire d’abeille, ça sert à faire le miel”
BEAUTÉ / ESTHÉTISME:
“Comme c’est beau” “Il est trop beau le coquillage” “C’est joliiii”
Même dans les remerciements de la part des parents “beau projet” revient souvent, on appuie
sur la beauté de l’exposition, en soi sur la beauté des objets de la nature, la beauté de notre
environnement et de la ressemblance avec les cabinets de curiosités d’antan. Cela nous
conforte dans l’idée de travailler sur sa mise en valeur pour éduquer au développement
durable. Ce qui émeut prend de la valeur aux yeux du spectateur, touche sa sensibilité, et le
rend plus sensible à l’environnement.
COLLECTIF / MONDE PARTAGE
Mamie : alors c’est l’exposition que tu as faite avec ta classe?
CP : oui et avec les moyens
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On remarque par cet échange succinct entre une grand-mère et une élève de CP le sentiment
d’appartenance au groupe de travail, au groupe de projet. Par la conscience que ce projet ne
revient pas qu’à ma classe, il est commun avec les petits, cet enfant nous montre qu’il a une
vision plus globale de ce projet. Il transmet à sa grand-mère que l’engagement de sa classe
dans ce travail n’a pas suffi à lui-même. Il sort d’une pensée de classe pour aller vers une
pensée plus collective.
II. RETOUR REFLEXIF SUR LE PROJET
1. Le Bilan du projet pour la classe
a. Mise en évidence du fort lien entre enfant et nature
Ce que nous retenons principalement de ce projet est le grand intérêt et l‘attachement qu’ont
les élèves pour la nature. Nous en avions l’intuition et notre recherche nous a permis de
confirmer cette idée que les jeunes enfants sont émerveillés par la nature et désireux de la
découvrir davantage. Ce constat personnel est bien sûr à nuancer en fonction du milieu
socioculturel des élèves avec lesquels nous avons mené ce projet, mais nous avons pu
constater un réel engouement des enfants pour tout ce qui concerne la nature, les animaux,
les plantes, les roches. Nos élèves étaient avides de savoirs et avaient déjà de nombreuses
connaissances que nous avons pu exploitées.
Durant la période de recherche de l’objet à ramener pour la collection, les parents nous ont
rapporté que les élèves se montraient très attentifs au monde extérieur, qu’ils les
questionnaient beaucoup et qu’ils remarquaient davantage de choses, des plantes à l’allure
originale, des coquilles d’escargot, etc. Lors d’une rencontre informelle avec une maman de
MS, celle-ci m’a confiée ;
“J’avoue que lors des vacances j’avais complètement oublié qu’il fallait ramener un objet
de la nature. Adèle n’a pas cessé de me le rappeler. C’est sa grand-mère et elle qui ont
trouvé la salamandre pendant une balade, elle a directement dit qu’il fallait la prendre pour
l’emmener à l’école.”
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Nous partageons ce constat, en effet, nous étions nous même davantage à l’écoute de notre
environnement pendant cette période de recherche d’objets pour l’exposition, et cette
attention particulière à la nature dure encore aujourd’hui, nous n’avons pas fini cette
recherche de beauté, d’originalité dans la nature qui nous entoure.
Ce lien enfant / nature a également été observé lors de d’autres séquences en lien, notamment
en maternelle. Dans un esprit de projet pour la classe de travailler le sensible et la nature, les
élèves ont également appris davantage sur la germination et ont, par exemple, accueilli un
couple de gerbilles. Ils ont ainsi eu l’occasion de développer ce lien en classe tout au long
de l’année et non pas seulement sur une période.
b. Les effets du projet dans la vie de classe
Nous avons pu expérimenter que la coopération dans la classe fait l’objet d’un réel
apprentissage à part entière. “Faire ensemble” s’apprend et se travaille grâce à ce genre de
projet. Le projet a instauré une réelle dynamique dans nos deux classes et a suscité la
motivation des élèves, cela a permis d’instaurer une nouvelle relation et une certaine
complicité élèves-enseignant qui est difficile à construire en étant en classe un jour par
semaine.
MS
Lors de certains temps j’ai été amenée à perdre ma classe par trop de spontanéité, les enfants
ne comprenaient pas toujours les objectifs des apprentissages ce qui a pu susciter de l’ennui
et donc une plus difficile gestion de classe. Les temps ritualisés rassuraient au contraire mes
élèves : la valise en libre accès en temps d’accueil, la présentation d’un ou plusieurs objets
en regroupement. Mes élèves étaient demandeurs de ces moments, ce qui montre leur
investissement et leur enthousiasme.
CP
Il a été assez fastidieux de mener ce projet en étant dans la classe un jour par semaine. La
conduite du projet a demandé beaucoup de temps et a donc empiéter sur d’autres matières
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que je devais enseigner les autres jours, créant parfois stress et précipitation. De n’avoir
aucune prise sur les objets ramenés par les élèves et les questions soulevées par les objets a
pu être assez déstabilisant.
De manière générale, le fait que le projet ne soit travaillé qu’une fois par semaine a pu faire
perdre aux élèves le fil de du projet et perdre de vue la réalisation finale, ce qui a pu conduire
à une certaine incertitude chez les élèves qui ne comprenaient pas toujours où nous voulions
aller. De manière générale, les objectifs d’apprentissages n’étaient pas clairement établis
pour les élèves. Ce problème de clarification des objectifs nous semble être, d’une certaine
manière, une question inhérente à l’EDD : on ne peut pas en effet dire à notre classe
“l’objectif est d’apprendre à protéger la nature”.
c. Un lien renforcé avec les parents
Ce projet a également eu l’impact positif d’approfondir la relation que nous avions avec les
parents d’élèves de nos classes. Notamment pour la classe de CP, les enseignants ne rentrent
plus dans l’école pour l’accueil du matin, ce qui ne favorise pas les contacts école-parents.
L’exposition a ainsi été l’occasion de faire entrer les parents dans l’école et de discuter avec
eux. En maternelle, on constate beaucoup plus de contacts et d’échanges pendant cette
séquence, les parents amusés parlent de Béton et Bitume, ils demandent des informations
supplémentaires. Ils passent du temps auprès de la valise avec leurs enfants, faisant souvent
preuve du même enthousiasme et de la même curiosité que les enfants à la vue de certains
objets. Il y a un réel échange qui s’instaure entre les enfants et les parents pendant le temps
d’accueil, les parents découvrent avec les enfants. Les parents se sont sentis mis à
contribution. Une idée intéressante à laquelle nous n’avions pas pensé serait d’intégrer
davantage les parents, leur proposer devenir présenter une de leur curiosité, expliquer son
origine, quand et où ils l’ont trouvé, leur poser, en soi, les mêmes questions qu’à leurs
enfants.
d. Rayonnement du projet
Dans une démarche de pédagogie de projet, la réalisation finale du projet a pour vocation
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d’être vue du plus grand nombre, d’être partagée. L’exposition de notre cabinet de curiosités
a été un succès, il a été vu par les parents d’élèves, nos collègues de l’école l’ont également
visités avec leurs classes respectives. Il a été émis la volonté de pérenniser cette démarche.
Quel projet d’école merveilleux que de ramener la nature au sein de l’école, en créant une
exposition dans une plus grande étagère, protégée par des vitres où chaque classe pourraient
venir au fil de l’année déposer un objet, et chaque élève, quotidiennement, venir
s'émerveiller.
2. Bilan personnel, dans une perspective professionnelle
a. Comparaison moyenne section / CP
Il a été intéressant pour nous, dans une perspective professionnelle, de travailler avec un
niveau de classe différent du nôtre et notamment de travailler entre maternelle et élémentaire.
Cela a été l’occasion pour nous de “découvrir” davantage comment l’autre classe travaille
en fonction de son niveau et de rencontrer des élèves d’âges et de niveaux différents. On a
ainsi pu travailler avec des fonctionnements complètement variés entre la maternelle et
l’élémentaire, et adapter notre séquence en fonction. En CP notamment il n’y a pas d’espace
de regroupements, ni dans cette classe de dispositifs en atelier. Cela a été un vrai
apprentissage de travailler avec des groupes en autonomie.
b. Notre expérience par rapport à l’enseignement du développement durable
Ce que nous retenons de notre projet par rapport à l’EDD c’est que la volonté de travailler
sur ce sujet répond à une demande sociétale mais également à un besoin de l’enfant qui
entretient une réelle passion pour le monde du vivant. Suite à cette expérience, nous avons
la réelle conviction que l'éducation PAR l’environnement est le point de départ de l’EDD :
l’enfant a besoin de toucher, de sentir, d’explorer avant de comprendre, pour avoir envie de
comprendre. Il a besoin de ressentir, d’éprouver pour pouvoir questionner, réfléchir et entrer
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dans une démarche d'engagement. L’écueil à ne pas faire est de ne pas perdre ce caractère
fascinant de la nature aux yeux de l’enfant en le rendant injonctif ou transmissif.
Cette volonté de travailler sur la nature et l’EDD doit idéalement se faire dans le cadre d’un
projet de classe, et mieux encore d’un projet d’école. Une séquence déconnectée a moins
d’intérêt qu’un projet conçu dans un tout plus global. L’idéal est donc de créer une véritable
dynamique autour de ce thème qui suivra l’enfant tout au long de sa scolarité.
c. Ce que l’on retient professionnellement
La conduite de ce projet nous a beaucoup apporté pour notre enrichissement professionnel.
Nous avons apprécié les intérêts de travailler en projet, la dynamique que cela crée dans la
classe, l’enthousiasme des élèves. L’intérêt est grand également pour la transversalité dans
les apprentissages. Nous retenons également l’implication et le plaisir que cela peut susciter
pour les enseignants de travailler avec ce type de projet.
L’intérêt de faire ce genre de projet est également le travail en équipe. Pour les enseignants
c’est motivant, il y a une certaine émulation qui se crée et nous avons moins eu le sentiment
d’être seule dans sa classe. L’intérêt est que cela permet de mutualiser les ressources et les
idées. On partage nos réussites et nos échecs, cela créée une atmosphère de travail
conviviale, on est amené à se voir souvent, à partager, à tisser des liens professionnels et
amicaux.
Nous avons trouvé intéressant de laisser les élèves ramener des choses personnelles de chez
eux. C’est très valorisant pour eux et cela permet de mieux se connaître dans une classe.
Nous avons toutefois éprouvé plusieurs difficultés dans la mise en place du projet ;
notamment la difficulté à créer des dispositifs de coopération dans la classe, le projet tend
vers cela mais c’est une pratique de classe à mettre en place de manière systématique et sur
le long terme.
De la même manière, nous n’avions parfois pas le temps d’approfondir, et certains
apprentissages n'étaient pas acquis mais il fallait passer à autre chose.
69
CONCLUSION
L’un des desseins principaux de ce projet a bel et bien été le développement de l’être
au monde de nos élèves par la rencontre sensorielle des objets. Cette dernière les amène à
une liaison et une connaissance du monde qui les entoure ; un rapport individuel et intime à
celui-ci. En effet, nous l’avons constaté, et nos élèves l’ont verbalisé, les objets qu’ils ont
ramenés les renvoient à des expériences, à des souvenirs intimes ; une promenade familiale,
un dimanche de jardinage, un après-midi au parc ou un désir de découvrir des paysages
encore inconnus.
Ce travail autour des sens exacerbe ce lien au monde. Par la répétition de cette expérience
sensible, l’enfant devient plus attentif, il met des mots sur ce qu’il ressent se liant ainsi
davantage au monde. Les objets ramenés la deuxième semaine étaient plus abondants, les
enfants étaient plus réceptifs à la valise, aux objets des autres, les échanges plus fournis.
L’enfant se crée ainsi une banque d’images, de ressentis, d’émotions et de représentations.
Cette dernière est un terreau intéressant pour le partage avec les autres.
En effet, nous l’avons remarqué, le fait d’avoir effectué ce travail sensoriel et langagier sur
nos valises respectives a permis à nos élèves d'appréhender plus facilement la valise de
l’autre classe. La verbalisation des émotions et des choix opérés a permis à l’enfant de
conscientiser certains ressentis et de les garder en mémoire mais surtout de tendre à un
partage. Par le langage nait l’interaction avec l’autre. Par l’écoute de l’autre, l’enfant a été
amené se décentrer de son rapport intime à l’objet.
Aussi, le caractère collectif et mutuel du projet renforce cette mise en relation et cette
décentralisation. Les enfants insisteront d’ailleurs tout au long de la séquence sur le caractère
commun du projet aux deux classes. Ainsi, pensons à cet élève qui corrige sa grand-mère en
lui disant que ce n’est pas uniquement sa classe qui a monté l’exposition mais bien la sienne
en collaboration avec celle des moyennes sections. Cette action et cet engagement collectifs
70
dans le projet ont permis à nos élèves de développer de réelles compétences sociales d’écoute
et respect de l’autre mais surtout de coopération.
Par la médiation scientifique et artistique, permise par la pédagogie de projet, les enfants ont
pu assouvir leur désir de connaissances et développer une démarche de création le tout dans
la curiosité et l'émerveillement que suppose le cabinet de curiosités.
Se décentrer, tel était l’objectif du passage de la valise à curiosités à l’armoire pour
l'exposition finale. Cette dernière permet également à la classe et plus largement aux
visiteurs de reconsidérer la nature, non plus comme un bien de consommation, un objet ou
une ressource mais bien comme une richesse esthétique, un objet de contemplation et de
questionnements.
Un enfant de MS, lors de l’évocation du monde sans nature de Béton et Bitume, en début de
séquence, avait spontanément dit :
“Un jour, j’ai vu un monde plein de nature.”
Espérons que ce projet lui ait permis de prendre conscience que ce monde plein de nature
est bel et bien le sien, ou devrions dire, le “nôtre”. Qu’il l’ait incité à “voir” la richesse et la
beauté de cette “nature”. Qu’il l’ait sensibilisé à l’écouter, la sentir, la toucher. Qu’il lui ait
donné l’envie de comprendre davantage sa complexité et d’en partager les secrets.
Espérons que cette prise de conscience soit la prémisse d’une responsabilité à l’égard de
l’environnement, d’un sentiment d’appartenir à ce “monde” collectivement et, qui sait, “un
jour”, d’une volonté de s’engager pour le protéger.
71
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Schnapper A. 1988. Le géant, la licorne, la tulipe. Collections françaises dans la France du
XVIIe siècle, Paris, Flammarion.
73
ANNEXES
I. FICHES DE PREPARATIONS DE LA SEQUENCE
Ces documents de préparation sont ici à titre indicatif. Ils ont servi de base de travail pour les
deux classes mais ont été modifiés et complétés en fonction de l’organisation et spécificités de
chaque classe (organisation en rituels / ateliers, activités différentes / etc.).
Séquence : réalisation d’un cabinet de curiosités
Niveaux de classes : Moyenne section et CP
Nombre de séances : 7 Période de l’année : période 4
Compétences visées :
« Coopérer dans un projet artistique. » / « coopérer en vue d’un objectif commun »
Domaines :
CP : Arts plastiques / Questionner le monde / Français (langage oral) MS : AGIR, S'EXPRIMER, COMPRENDRE A TRAVERS LES ACTIVITES ARTISTIQUES MOBILISER LE LANGAGE DANS TOUTES SES DIMENSIONS EXPLORER LE MONDE DU VIVANT, DES OBJETS ET DE LA MATIERE
Séance 1 : Un monde sans nature
Domaine : CP : Arts plastiques / Questionner le monde / Français (langage oral) MS : AGIR, S'EXPRIMER, COMPRENDRE A TRAVERS LES ACTIVITES ARTISTIQUES MOBILISER LE LANGAGE DANS TOUTES SES DIMENSIONS
CP Cycle 2 – MS Cycle 1
Objectif : Lancer la séquence / créer enrôlement des élèves
Compétences visées : CP : - Mobiliser des références culturelles nécessaires à la compréhension du message ou du texte. - Utiliser le dessin dans toute sa diversité comme moyen d’expression - Organiser un propos et maitriser les moyens de l'expression (vocabulaire, syntaxe, enchainements...). MS : Comprendre un texte court proche de l’oral Produire des phrases simples Dessiner des éléments simples
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Durée 60’
Rôle enseignant Activité élève Org. Classe / matériel
5 ‘ Lecture de la lettre Faire passer la lettre aux élèves / explication vocabulaire
Ecoute Discussion sur la lettre
Coll. Lettre papier alu
2’ C : Fermez les yeux et représentez-vous ce monde dans votre tête
Représentation mentale ind.
5’ C : dessinez ce monde comme vous l’avez imaginé dans votre tête
Dessin de ce monde comme ils se l’imaginent
ind. Feuille blanche
15’ Bilan « qu’est-ce qu’un monde sans nature ?» Afficher les productions
Décrire son dessin / observer celui des autres
Coll.
10’ Expliciter la consigne Vous allez choisir un « trésor » qui vient de la nature et il faudra nous expliquer pourquoi vous avez choisi cet objet. Avec notre collection d’objets on fera une exposition dans une armoire de l’école (Montrer photographie de l’armoire)
Inventaire des idées Nuages de propositions
Coll.
5’ Ecrire liste d’idées à ramener Propose des objets à ramener Coll.
Coller mot parents :
Chers élèves, chers parents,
Les classes de Moyenne section 6 et de CP S commencent un projet autour des collections et de l'environnement. Nous avons reçu une lettre de créatures venant d'un monde sans nature. Les deux classes auront donc pour objectif de construire une mini-galerie afin de la faire découvrir à nos « correspondants ». Il sera demandé aux élèves de ramener un élément appartenant au monde naturel, qu'ils veulent faire partager à leur camarade. Nous vous inviterons prochainement à l'exposition de leurs « trouvailles ».
Charlie Teyssier et Alice Lemaître
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Séance 2 et 3 Découverte des objets
Deux séance identiques (séance 2 : nouveaux objets)
Domaine : CP : Questionner le monde / Français (langage oral) MS : MOBILISER LE LANGAGE DANS TOUTES SES DIMENSIONS
EXPLORER LE MONDE DU VIVANT, DES OBJETS ET DE LA MATIERE
CP Cycle 2 – MS Cycle 1
Objectif : Présentation / découverte sensorielle des objets
Compétences visées : CP : - Organiser un propos et maitriser les moyens de l'expression (vocabulaire, syntaxe, enchainements...). MS : - Connaitre et utiliser ses 5 sens - Faire des phrases simples - Echanger et réfléchir avec les autres
Durée
Rôle enseignant Activité élève Org. Classe / matériel
2-3’(par élève)
Pourquoi tu as choisi cet objet ?
Explique choix de l’objet ramené Ecoute camarades (de manière ponctuelle au cours de la journée)
Déposent leur objet dans la valise
coll.
Consigne : Nous allons découvrir les objets de chacun, pour ça nous allons utiliser nos 5 sens
- Lister les 5 sens - Mettre en lien avec les objets
Coll.
6’ (par groupe)
Jeux sensoriels Vous allez les sentir, les toucher, les regarder et les écouter et vous me direz ce que vous avez observé
Explorer les objets en liens avec les sens
Objets disposés par ilots dans la classe
15’ Bilan Qu’as-tu observé ? (en lien avec le sens)
Apporte et note le vocabulaire nouveau
Prise de parole Expriment leur ressenti
Coll. cahier de vocabulaire de la classe
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Séance 4 : classer les objets
Domaine : CP : Questionner le monde / français (langage oral) MS : MOBILISER LE LANGAGE DANS TOUTES SES DIMENSIONS EXPLORER LE MONDE DU VIVANT, DES OBJETS ET DE LA MATIERE
CP Cycle 2 – MS Cycle 1
Objectif : classer les objets pour l’exposition
Compétences visées
CP : Identifier ce qui est animal, végétal, minéral ou élaboré par des êtres vivants.
- Organiser un propos et maitriser les moyens de l'expression (vocabulaire, syntaxe,
enchainements...).
MS : - Evaluer et comparer des collections d’objets
- Classer des objets selon des critères
- échanger avec les autres
Durée
Rôle enseignant Activité élève Org. Classe / matériel
5’ Apport culturel Qu’est-ce qu’une exposition ? Comment elle est organisée Montrer des images
Discussion autour des collections Racontent leur expérience en musées etc. Commentent les photos d’exposition
Coll. Photographies personnelles –
musée des confluences, expositions
diverses
Consigne : Béton et Bitume nous ont demandé une exposition pour découvrir la nature. On va donc essayer de faire de comme dans un musée. Nous aussi il va falloir qu’on regroupe nos objets. On va donc les ranger comme quand on range notre chambre. On va essayer de ne pas laisser d’objet tous seuls Il faudra pour vous avez choisi ce classement. On mettra en commun à la fin de la journée.
10’ par groupes
Prend en photo une fois le classement fini Elèves viennent par groupe de 4 effectuer un classement.
Par groupe de 4 Appareil photo
20’ Projette les photos au TBI Comparer les classements
Chaque groupe vient expliquer / argumenter son classement
Coll.
10’ CP : « Correction » : Propose d’aller plus loin dans le classement des objets
Font de nouvelles propositions Viennent mettre objets ensemble un par un Prenne une nouvelle photo du classement
Coll.
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Séance 5 : Echange de valises
Domaine : CP : Arts plastiques / Questionner le monde MS : MOBILISER LE LANGAGE DANS TOUTES SES DIMENSIONS EXPLORER LE MONDE DU VIVANT, DES OBJETS ET DE LA MATIERE
CP Cycle 2 – MS Cycle 1
Objectif : découvrir objets de l’autre classe / classer à nouveau
Compétences visées :
CP :- Identifier ce qui est animal, végétal, minéral ou élaboré par des êtres vivants.
- Organiser un propos et maitriser les moyens de l'expression (vocabulaire, syntaxe,
enchainements...).
MS : - Connaitre et utiliser ses 5 sens - Faire des phrases simples - Echanger et réfléchir avec les autres
Durée
Rôle enseignant Activité élève Org. Classe / matériel
5 ‘ Réception valise / lecture du mot adressé à l’autre classe
Ecoute lecture
Coll.
Temps libre : découverte sensorielle de la valise de l’autre classe
20’ CP : proposition de classification des objets MS Guide élèves dans classement
Prend en photo le résultat
Viennent mettre objets qui vont ensemble à côté / font propositions
Coll.
Séance 6 Mise en valeur
Domaine : CP : Arts plastiques / Questionner le monde MS : MOBILISER LE LANGAGE DANS TOUTES SES DIMENSIONS AGIR, S'EXPRIMER, COMPRENDRE A TRAVERS LES ACTIVITES ARTISTIQUES
CP Cycle 2 – MS Cycle 1
Objectif : Préparer la mise en place de l’exposition
Compétences visées :
CP : - Réaliser et donner à voir, individuellement ou collectivement, des
productions plastiques de natures diverses.
Réaliser et donner à voir, individuellement ou collectivement, des productions
plastiques de natures diverses.
MS : - Dessiner des éléments simples - Réaliser des compositions plastiques, seul ou en petit groupe, en choisissant
et combinant des matériaux - Echanger avec les autres
Durée
Rôle enseignant Activité élève Org. Classe / matériel
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5’ C : Nous allons maintenant mettre en valeur nos objets pour l’exposition. Je vous mets à disposition du matériel pour mettre vos objets dans l’armoire, vous allez dessiner une idée d’installation que vous avez. Mise à disposition du matériel : ficelle ; pate à fixe ; carton ; feuilles ; peinture ; papier kraft ; sparadrap ; pinces à linge ; fleurs séchées ;
(prérequis : composition des groupes en fonction des objets sur lesquels les enfants ont voulu travailler)
5’ Ecrit au tableau propositions des élèves
Liste opérations plastiques (suspendre / mettre sous cadre /etc. )
Coll.
30’ Guide Encourage à faire des choix (trop de
pommes de pin) Met à disposition matériel
Par groupe réalise le croquis d’une installation pour l’exposition dans l’armoire
Par groupes - Objets
travaillés - Feuille
blanche
Séance 7 (suite de la séance 6) : Mise en place matérielle de l’installation conçue en séance 6 par les groupes.
Les élèves viennent un groupe par un groupe mettre les objets dans l’armoire.
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II. PHOTOGRAPHIES DU PROJET
1. Lettre de Béton et Bitume
« Chers enfants,
Nous sommes des Urbanoïdes, nous vous envoyons une lettre depuis notre monde sans nature ! Nous sommes drôlement curieux de découvrir le vôtre, mais surtout la nature ! Nous vous regardons depuis chez nous et savons que vous avez beaucoup de choses à nous faire découvrir sur la nature de la Terre. Nous avons choisi vos deux classes de Moyenne section et de CP S et vous proposons de nous montrer les trésors de votre nature dans une exposition que nous viendrons voir à l’école Joseph Cornier ! Signé : Béton et Bitume, les Urbanoïdes »
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2. Un monde sans nature
Moyennes sections :
CP
CP
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3. La valise se remplit
CP
4. Exemple de proposition de classification
CP MS
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5. Idées pour la mise en valeur
Moyennes sections
CP
CP
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6. L’exposition
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85
86
87
7. Documents d’explications pour l’exposition
Les classes de Moyenne section 6 et CP s vous présentent : leur
cabinet de curiosités !
Mais un cabinet de curiosités qu’est-ce que c’est ? Apparus à la Renaissance en Europe, les cabinets de curiosités sont des ancêtres des musées. Ils ont joué un rôle essentiel dans le développement de la science moderne. Les cabinets de curiosités étaient des lieux où étaient exposées des collections d'objets avec un certain goût pour l'étrange et l'inédit.
Ils constituaient une reconstruction de la nature à une échelle réduite. C’est dans cet esprit, et dans une volonté d’éducation au développement durable que nos deux classes ont mené ce projet d’exposition.
La consigne était de donner à voir la nature à deux créatures imaginaires qui vivent dans un monde sans nature. Les enfants ont donc été amenés à prendre des objets de leur environnement pour dévoiler la diversité infinie de notre nature.
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8. QCM préparé pour les visiteurs de l’exposition
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Charlie TEYSSIER Alice LEMAITRE
D’UN « ETRE-AU-MONDE » INTIME A UN « VIVRE-ENSEMBLE » DANS UN MONDE PARTAGE.
89 Pages
Chapitre 1 : 24 pages - Chapitre 2 : 31 pages
Mémoire de MEEF PE M2A - Université Claude Bernard Lyon 1 - ESPE 2016-2017
RESUME
Ce mémoire est le fruit d’une recherche et de la conduite d’un projet en éducation au
développement durable dans deux classes d’école primaire. Charlie Teyssier et Alice Lemaître
deux professeurs des écoles stagiaires dans une école à Lyon 4e, proposent un dispositif qui tend
à favoriser chez leurs élèves de MS et CP le passage d’un être au monde intime à un vivre
ensemble dans un monde partagé ; à savoir la création d’un cabinet de curiosités.
En effet, partant du postulat que les jeunes enfants ont une certaine sensibilité
environnementale, l’objectif de cette recherche et de la pratique de classe qui en découle est
dans un premier temps de l’exacerber. C’est par la collecte de « trésors de la nature » qui seront
exposés et leur exploration sensorielle que l’enfant tissera des liens et nourrira sa curiosité.
L’enjeu du projet sera, dans un second temps, de lui faire vivre une expérience de création
commune qui, par le recours aux sciences et aux arts, et ce dans une logique de pédagogie de
projet, lui permettra de développer une conscience davantage collective ainsi que des
compétences citoyennes de coopération.
MOTS-CLES
Education - environnement - nature - pédagogie - sensible - partage - imaginaire - projet - arts
- exposition – curiosité
DIRECTEUR DE RECHERCHE
Olivier Morin
MEMBRES DU JURY
Lebreton Gwenaële
Morin Olivier
Obriot Florence
DATE DE SOUTENANCE
15/06/2017